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Visiter la ville de Tours, capitale du Val de Loire

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Belle, dynamique et vivante, la ville de Tours est une étape incontournable sur la route des châteaux de la Loire. Dans ses quartiers historiques aux maisons à colombages, les places Plumereau  et Chateauneuf sont des lieux de rendez-vous incontournables pour bien des tourangeaux, à commencer par les 30 000 étudiants de la ville !

Aux beaux jours, c’est la Loire qui est la star à Tours : la célèbre guinguette de « Tours-sur-Loire » avec en face le spot de Tours sur plage, investissent les berges du fleuve. Quant aux bateaux traditionnels de la compagnie Boutavant, ils embarquent d'heureux passagers, impatients de naviguer.

Reconnue comme Cité internationale de la gastronomie et œuvrant à ce titre à l'inscription du "Repas gastronomique des Français" à l'UNESCO, Tours compte de nombreux bistrots-gourmands dont les cartes sont alimentées par des produits frais, issus des productions locales. Quant aux spécialités, on se régale en savourant des rillettes de Tours ou du sainte-maure-de-Touraine , et en croquant le nougat de Tours accompagné d'un verre de vin du Val de Loire (avec modération, bien sûr).

Que visiter à Tours ?

Au cœur d’un espace patrimonial exceptionnel, la ville de Tours est la grande capitale du Val de Loire. Mais, celle qui arbore aussi le statut de Métropole est bien plus qu’une simple porte d’entrée sur la route des châteaux. Belles maisons à colombages, monuments, restaurants, magasins et bords de Loire composent un cadre de de vie particulièrement agréable, attirant bien des visiteurs. Aux côtés des vacanciers, les événements du Palais des Congrès de Tours amènent aussi de nombreux touristes d’affaires, tandis que plusieurs écoles d’apprentissage de la langue française font venir des bataillons d’étudiants internationaux.

Bon plan : l’Office du Tourisme & des Congrés Tours Loire Valley propose 3 pass (24h / 48h / 72h) pour faire le plein de visites !

Visiter la ville de Tours et ses nombreux monuments

Commençons par le patrimoine historique : la ville natale  d’Honoré de Balzac   est fière de ses quartiers « Cathédrale » et « Plumereau ». La cathédrale Saint-Gatien  s’élançant vers le ciel, les petites rues pavées ou encore les maisons à colombages  imprègnent la cité d’ une séduisante teinte médiévale . Oui, nous tenons là une jolie ville de France !

L’architecture du musée des Beaux-Arts , de l’ Hôtel Gouïn , du château de Tours , du Cloître de la Psalette , de la Basilique Saint-Martin , et de la Tour Charlemagne ne sont pas en reste. Architecte du musée d’Orsay, Victor Laloux est également à l’origine du monumental hôtel de ville de la place Jean Jaurès (parfois renommée place du Palais, du fait de la présence ancienne du Palais de justice) et de la gare de Tours. Citons également l’église Saint-Julien, qui voisine avec le  musée du compagnonnage .

Visiter Tours   prend ainsi l’allure d’un agréable voyage dans le temps, notamment à l’occasion des visites guidées proposées par l’Office de Tourisme de la ville ou à travers la visite du Logis , place Châteauneuf.

Autre option pour découvrir la ville : le Parcours Lumière , à la nuit tombée. Magnifique, tout simplement.

Instillant une image un peu sage, tout ces atouts composent en fait un décor particulièrement propice à une vie citadine dynamique. Aux côtés des restaurants et des bars , les nombreuses boutiques de la ville de Tours font le bonheur des amateurs de shopping. Les magasins de prêt-à-porter ont du succès, tout comme les artisans de bouche du côté des Halles. Flâner devant les ateliers du Quartier des Arts vous conduira peut être aussi à aller découvrir les expositions surprenantes à l’affiche du  Centre de Création Contemporaine Olivier Debré .

Et comment ne pas insister sur  l’ambiance de la guinguette estivale de Tours sur Loire  où arrivent, en début de soirée, d’heureux passagers de retour d’une balade apéro à bord d’un des bateaux traditionnels de l’association Boutavant .

Balade sur la Loire près de la ville de Tours © Jean-Christophe Coutand / ADT Touraine

Balade sur la Loire près de la ville de Tours © Jean-Christophe Coutand / ADT Touraine

Centre de Création Contemporaine Olivier Debré à Tours © Jean-Christophe Coutand / ADT Touraine

Centre de Création Contemporaine Olivier Debré à Tours © Jean-Christophe Coutand / ADT Touraine

La ville de Tours – Une ville à vivre

Parallèlement au patrimoine bâti, de grands   espaces verts agrémentent parfaitement la ville. Dessiné au XIXème par les frères Bühler et classé jardin remarquable, le  jardin des Prébendes d’Oé  en est un parfait exemple, tout comme le jardin botanique et le parc de la Gloriette . Accolé à ce dernier, le practice du golf de la Gloriette  vous permettra peut être de faire votre premier swing !

En louant un vélo , vous voilà partis non pas pour le tour de France, mais pour une nouvelle aventure qui vous conduira vers les jardins du  Prieuré Saint Cosme , de Villandry  ou de Valmer , ou en direction des caves de l’AOC vouvray ( Château Gaudrelle , Vigneau-Chevreau ,  le Capitaine …). Notez d’ailleurs, que chaque année fin mai ou début juin, ce sont les vignerons qui investissent la ville pour Vitiloire . La grande fête des vins de Loire réunit 130 domaines viticoles le temps d’un week-end de Dégustations, avec un grand D !

NDLR : notez aussi que vous pouvez faire une visite guidée de Tours à vélo , en optant par exemple pour la visite « street art » . 

La ville de Tours se situe en région Centre Val de Loire à 115 km de la ville d'Orléans et à 235 km de la ville de Paris. La ville de Tours est parfaite pour un faire un tour ou passer un week-end dans un hôtel en famille. Les tourangeaux adorent la ville de Tours, le soir, en semaine, la ville de Tours est le lieu idéal pour passer une nuit festive, dans un club ou un bar en plein centre de la place Plumereau à proximité d'un hôtel. Que faire à Tours ? Le soir à la tombée de la nuit, le tourangeau aime bien aussi aller voir un match de l'équipe de Foot du Tours FC dans le stade de la vallée du Cher. La semaine dernière, suite à un bon match et à un bon parcours dans le championnat de France, le club de la métropole de Tours a été deuxième de son groupe face à son concurrent direct. La ville de Tours est située face à la Loire, un hôtel 4 étoiles (hôtel Hilton) est en construction sur les bords de Loire, l'hôtel hébergera son restaurant, le cadre sur la Loire sera exceptionnel. L'hôtel offrira une des plus belles vues de la région Centre Val de Loire (France à 115 km de la ville d'Orléans et à 235 km de la ville de Paris) pour admirer la ville de Tours et son ciel. Le tourangeau aime bien aussi l'histoire de la ville de Tours, le tourangeau visitera la basilique Saint-Julien de Tours, située à Tours dans le Vieux-Tours près de la place Plumereau en France, il y a également l'église Saint-Etienne et l'église Saint-Saturnin. Tours est une ville de l'Ouest de la France, sur les rives de la Loire et du Cher, dans le département d'Indre-et-Loire situé en France. La commune est le chef-lieu de la métropole Tours Val de Loire et constitutive, avec son intercommunalité, de l’une des 22 métropoles françaises officielles. La météo à Tours est celle d'une grande partie ouest de la France : une météo tempérée océanique, caractérisée notamment par des températures atteignant rarement les extrêmes. Son éloignement de quelque 200 km de la côte Atlantique d'où proviennent la plupart des dépressions pourvoyeuses d'humidité et un début d’orage le rend « dégradé » : une météo avec moins de pluie, des écarts de températures plus francs entre saisons, à mesure que l'on s'éloigne vers l'est de la France. Le centre de la ville de Tours ne comporte pas d’hôtel auprès de la place Plumereau, il faudra s’écarter un peu plus de la ville pour trouver des infos sur une nuit dans un hôtel en semaine. Si vous souhaitez en atnt que tourangeau, avoir des informations sur la crise sanitaire liée au covid ou pour vous procurez du gel, n’hésitez pas à faire un tour sur notre site Internet pour avoir les dernières infos.

Jardins du château de Villandry près de la ville de Tours (France)

Pour les papillons de nuit, une escale à Tours , c’est aussi l’occasion de s’offrir les plaisirs d’un festival, d’un spectacle, d’une soirée dans l’un des nombreux bars, cafés et clubs de la vieille ville résolument pleine de vie .

Chaque semaine, des rencontres sportives animent également la ville. Allez donc voir jouer l’équipe tourangelle de volley-ball dans la chaude ambiance de la salle Grenon du palais des sports. Le club de Tours a le plus beau palmarès de France. Autre sortie d’un soir : un match de l’équipe de basket (le TMB), de hockey (« les remparts »), ou de football avec le Tours FC, au stade de la vallée du Cher.

Quelques photos :

Place Plumereau, Tours.

Place Plumereau, Tours.

Le Mémorial Américain, de style Art déco.

Le Mémorial Américain, de style Art déco.

L'hôtel de ville et le tramway, place Jean-Jaurès.

L'hôtel de ville et le tramway, place Jean-Jaurès.

Le Monstre, de Xavier Veilhan - Place du grand marché, à Tours.

Le Monstre, de Xavier Veilhan - Place du grand marché, à Tours.

Visiter la ville de Tours en vidéo !

Etape incontournable au milieu des châteaux de la Loire , de la Loire à Vélo , du GR3 , ou point de départ d’un des quatre  chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle , voici un petit aperçu de la métropole tourangelle !

Office de tourisme & des Congrès Tours Loire Valley

Que faire à Tours ? Pour les visites guidées , la billetterie des sites de visite, mais aussi les hôtels et toutes autres infos, l’office de tourisme de la Métropole tourangelle se tient à votre service :  www.tours-tourisme.fr – 02 47 70 37 37

La ville de Tours (Indre et Loire / Région Centre Val de Loire) se situe à 235 km de la ville de Paris (2h30 en voiture, 1h10 en train) et 120 km de la ville d’Orléans. Depuis l’aéroport, des vols réguliers relient la ville à Londres, Dublin, Porto, Marrakech et Marseille.

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Les quartiers du centre (entre Loire et Cher) :

Quartier beaujardin ou beaujardin-raspail.

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Si le quartier trouve ses origines avec le château de Beaujardin implanté au xix e  siècle, il s’est surtout développé durant l’entre deux-guerres avec notamment l’implantation d’une cité-jardin ouvrière et termine le gros de son urbanisation durant les Trente glorieuses. Peuplé de quelque 4 000 habitants en 2012, Beaujardin est un quartier mixte composé en grande partie de petites maisons de propriétaires, mais contient également de nombreux logements sociaux dont deux cités ouvrières.

Quartier Rabelais-Tonnellé

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Rabelais-Tonnellé  ou plus simplement  Rabelais  est un quartier situé à l’ouest de la commune. Il est limité par la rue du Plat d’Étain au sud, la rue Saint-François et la commune de La Riche à l’ouest, la rue de l’Hospitalité au nord et enfin les rues Giraudeau et Champoiseau à l’est, tel que défini par l’Insee dans son partage de la commune. À l’origine, l’emplacement du quartier actuel est occupé par des marécages et un ruisseau qui sert de voie navigable entre leCher et la Loire. Progressivement aménagé à partir du xvii e  siècle avec l’installation de l’hôpital Bretonneau et du jardin botanique, il est ensuite progressivement urbanisé avec la construction de maisons individuelles. Il accueille ensuite progressivement l’Université qui compte deux campus sur le quartier. On y trouve surtout la faculté de médecine ainsi que des résidences universitaires. Largement populaire jusqu’au milieu du xx e  siècle, le quartier est aujourd’hui surtout peuplé par des familles et étudiants.

En savoir plus. .

Quartier Lamartine

Il est limité par le boulevard Tonnellé et la commune de La Riche à l’ouest, la rue de l’Hospitalité au sud, la rue de la Victoire à l’est et enfin la Loire au nord, tel que défini par l’Insee dans son partage de la commune. Les quartiers Rabelais-Tonnellé et du Vieux-Tours sont limitrophes au sud et à l’est respectivement. Le quartier Lamartine est un quartier de classes populaires, l’un des plus anciens de la ville à avoir gardé son caractère modeste. Après avoir connu un passé militaire, le développement du quartier a été impulsé par l’industrie et la création de nombreux logements sociaux au cours du XXème siècle, dont certains figurent parmi les premiers de l’agglomération. Son urbanisation est ainsi relativement récente, hormis sa partie Est bien plus ancienne. Le quartier a ensuite connu un lent déclin industriel consécutif à la faillite de l’ imprimerie Mame. Principal héritier de ce passé, le site Mame reconverti marque le cœur du quartier.

En savoir plus

Quartier du Vieux-Tours

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Les quartiers du Vieux-Tours sont, d’ouest en est :  Notre-Dame-la-Riche, Saint-Martin, Saint-Julien, Saint-Gatien, Saint-Pierre-des-Corps .

Le  quartier Saint-Gatien  est le premier bourg constitué, il correspond à la  cité  de l’Antiquité tardive de Caesarodunum ; il sera le siège du pouvoir politique et épiscopal de la ville.

Le  quartier Saint-Martin  est le deuxième bourg constitué, qui doit son origine au culte de saint-Martin : il sera dès le v e  siècle  la ville nouvelle , la ville de pèlerinage.

Le  quartier Saint-Julien  est le troisième bourg constitué entre la  cité  –  l’amont  – et la  ville nouvelle  –  l’aval  – : du vi e  siècle au XI e  siècle, le quartier voit l’implantation de nombreux édifices religieux, dont l’abbaye de Saint-Julien.

En 1356, les  bourgs Gatien, Martin, Julien  sont réunis dans l’enceinte commune,  Notre-Dame  et  Saint-Pierre  des faubourgs.

Le Vieux-Tours deviendra l’ensemble le plus touristique de la ville après sa  restauration-rénovation  commencée au tout début des années 1960, à contre-courant des opérations de  démolition-reconstruction  dominant en France pour les besoins du relogement après les dommages massifs de la Seconde Guerre mondiale. Le périmètre défini par un plan de sauvegarde mis en place en 1973 a été depuis très sensiblement élargi. Les quartiers anciens délimités par l’enceinte du XVIIeme siècle, comme l’ensemble de la vieille ville historique de Tours d’une surface de 175 ha, appartiennent au paysage culturel exceptionnel du Val de Loire, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis l’an 2000. Le 7 juillet 2016, le vieux Tours devient un site patrimonial remarquable.

La Grande Rue, axe médiéval et historique qui traverse la vieille ville (actuellement d’ouest en est : les rues Georges-Courteline, du Grand-Marché, du Commerce, Colbert, Albert-Thomas et Blanqui) ainsi que les rues et les places qu’elle rencontre, ont une activité sociale, historique et culturelle importante. Ces espaces publics sont très visités pour leurs nombreuses maisons mediévales, à colombages  ou en pierre.

Quartier Grammont-Prébendes d’Oé

quartier-de-grammont-et-des-prebendes

Sa progression démographique de la ville pousse de plus en plus d’habitants à s’installer à partir de 1872 entre le boulevard Béranger et l’avenue de Grammont. Un plan en damier guide l’urbanisation du quartier des Prébendes, qui compte des maisons de deux étages en moyenne construites avec des pierres de tuffeau. Peu après, l’est de l’avenue de Grammont se développe de manière relativement similaire, notamment sur les rues Blaise Pascal et Michelet. Le quartier Grammont défini par l’Insee est limité par le boulevard Beranger et Herteloup au nord, par la rue Blaise Pascal et le boulevard de Lattre de Tassigny à l’est, les boulevards Général de Gaulle et Jean Royer au sud, et enfin les rues Giraudeau, Lakanal et de Metz à l’ouest. Les quartiers Rabelais-Tonnellé, Sanitas et du Vieux-Tours  sont limitrophes à l’ouest, à l’est et au nord respectivement. Historiquement, le quartier de l’Insee correspond à deux quartiers différents : les Prébendes d’Oé et le quartier Blaise-Pascal-Grammont, séparés par l’avenue de Grammont.

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Quartier Giraudeau-Maryse-Bastié

C’est un quartier populaire qui compte près de 4 500 habitants en 2009. Longtemps un terrain en friche, le quartier est industrialisé au début du XX e  siècle avant d’être surtout urbanisé après la Seconde Guerre mondiale. Il est limité par le Cher au sud, la commune de La Riche à l’ouest, le rue du Plat d’Étain au nord et enfin la rue Giraudeau à l’est, tel que défini par l’Insee.

Quartier Lakanal-Strasbourg

Le quartier tient son nom de l’ex-prêtre catholique doctrinaire et homme politique français Joseph Lakanal. Une voie à Tours est aussi nommée d’après cet homme politique. Strasbourg quant à lui, vient de la ville française du Bas-Rhin,  une des trois “capitales européennes”.

Quartier Febvotte-Marat

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Le quartier Le  quartier Febvotte-Marat doit son appellation au nom des deux rues qui le traversent. Il est délimité au Nord par le boulevard Jean Royer, à l’ouest par la place de Strasbourg puis la rue auguste Chevallier, au sud, par les voies ferrées, et à l’est par l’avenue Grammont. Il prend son nom de Jean-Joseph Febvotte (maire de la ville de Tours de 1832 à 1834 1 ) ainsi que de Jean-Paul Marat (médecin, physicien, journaliste et homme politique français).

Tours a joué un rôle important dans l’histoire militaire de la France notamment en accueillant temporairement le gouvernement à chaque fois dans des conditions dramatiques. À l’automne 1870, après la capitulation de l’Empereur Napoléon III et la chute de l’Empire, une délégation gouvernementale s’installe provisoirement dans la ville pour poursuivre la lutte contre les Prussiens mais est obligée de se replier sur Bordeaux avant de regagner Versailles. Du 10 au 15 juin 1940, le gouvernement de Paul Reynaud s’y installe avant de rejoindre Bordeaux. Tours a connu une très importante garnison après la guerre de 1870. Toutefois, une première caserne dans le château fut affectée à la troupe à partir de 1729 avant d’être modernisée en 1829. Sous le Second Empire, la ville devint un centre militaire plus conséquent avec le siège du 5e Corps d’armée. Le réarmement après la défaite contre la Prusse se traduisit pour la ville par la construction de plusieurs casernements. Au point que la cité tourangelle abritât dans 7 casernes jusqu’à 7 000 soldats, soit un habitant sur dix. Les terrains militaires occupaient ainsi 30 hectares intra-muros. Après-guerre, le poids de la présence militaire diminua régulièrement jusqu’au départ de l’École du Train pour Bourges. À ce jour, Tours accueille désormais les Directions des ressources humaines (DRH) des trois armées.

Quartier des Rives du Cher

Il a été construit entre 1962 et 1968, dans la foulée du quartier du Sanitas. Il compte près de 5 000 habitants répartis sur une zone restreinte de dix hectares. C’est un quartier de type grand ensemble, qui comprend notamment les deux plus hautes tours de la ville. Son développement se déroule dans le contexte des Trente Glorieuses, durant lesquelles la ville de Tours fait face à une demande inédite de logements que les constructions plus centrales n’ont pas suffi à combler.

Contrairement à ce que son nom peut laisser penser, le quartier ne comprend pas l’ensemble des rives du Cher de Tours, mais s’étend  stricto sensu  entre le rond-point Saint-Sauveur à l’ouest et le pont ferroviaire à l’est. Il est naturellement délimité par le Cher au sud et par les lignes de chemins de fer au nord. Il s’étend ainsi sur une longueur de 1,5 kilomètre pour seulement 400 mètres de large au maximum, ce qui l’enclave dans un espace restreint. La partie ouest du quartier est classée en politique prioritaire de la ville.

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Quartier la Fuye-Velpeau

Situation géographique :

À l’ouest, il partage une large frontière avec le quartier populaire du Sanitas. Relativement ancien, il compte près de 9 000 habitants en 2012. C’est un quartier principalement résidentiel, surtout peuplé de classes moyennes. Il est limité par le boulevard Heurteloup au nord, par l’autoroute A10 et la commune de Saint-Pierre-des-Corps à l’est, la rue Georges Collon au sud et la rue Édouard Vaillant à l’ouest.

Le quartier a été urbanisé au cours du XIX e  siècle, profitant de l’implantation à proximité de la gare de Tours. Les commerces et les industries moyennes se développent alors fortement dans le secteur, amenant une population modeste et ouvrière. Après la Seconde Guerre mondiale, les industries désertent le quartier, qui connait un relatif embourgeoisement depuis. Le quartier tourangeau tire son nom de la rue de la Fuye qui traverse le quartier du nord au sud, et de la place Velpeau, centrale et commerçante. La première reprend le nom d’une ferme présente anciennement dans le secteur, autrement appelée « La Fuie » et la seconde honore l’anatomiste Alfred Velpeau qui est né en Indre-et-Loire.

Quartier Sanitas-Rotonde

Chapelle-Saint-Lazare

Le  Sanitas  ou  Sanitas-Rotonde  est un quartier français du centre de Tours, situé entre le centre-ville et les rives du Cher, à proximité de la gare. Il a été construit après la Seconde Guerre mondiale pour partie sur un terrain autrefois dévolu à des ateliers et entrepôts de chemin de fer de la SNCF. Dans le contexte des Trente Glorieuses, son développement est encouragé par l’État pour faire face à une demande inédite de logements. Essentiellement constitué de grands ensembles sociaux, les étapes d’urbanisation du quartier s’étalent entre la fin des années 1950 et 1970. Son nom vient du latin « santé » et lui a été attribué car la zone abritait autrefois des établissements de soins.

L’appellation  Sanitas  vient du terme latin pour  santé . Au Moyen Âge, l’emplacement actuel du quartier était une zone sujette aux inondations appelée  la Varenne , qui s’étendait jusqu’au rives du Cher, tout en offrant certains espaces secs surélevés qui échappaient aux crues. Cela permet l’édification d’une léproserie, la maladrerie Saint-Lazare, XIIème siècle pour accueillir des lépreux en dehors de la ville. Au XIVème siècle, l’établissement sert de maladrerie, à cause des épidémies de peste. Il est ensuite transformé, en 1692, pour accueillir des officiers invalides. La chapelle Saint-Lazare est le dernier vestige de l’ancienne léproserie 2  ; à la suite de fouilles dans la nef, une soixantaine de squelettes portant des lésions caractéristiques de la lèpre y ont été trouvés 3 . La présence de cet établissement hospitalier, tout comme celle d’autres structures qui se sont multipliées dans cette zone avec les grandes épidémies de peste au xiv e  siècle, explique le nom donné aujourd’hui à ce lieu.

Quartiers du nord (au nord de la Loire) :

Le  quartier Paul-Bert  ou  quai Paul-Bert , anciennement  faubourg Saint-Symphorien  ou encore  faubourg Saint-Symphorien-des-Ponts-de-Tours  est situé dans la partie Nord de la commune, il compte près de 3 400 habitants en 2018. C’est un petit quartier principalement résidentiel, peuplé de classes moyennes et supérieures. Il s’agit de l’implantation la plus ancienne située à Tours-Nord, le quartier ayant une histoire antique et médiévale notable. Son développement a été impulsé par la construction de ponts le reliant avec le centre de Tours.

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Quartier Sainte Radegonde :

Sainte-Radegonde-en-Touraine  puis  Sainte-Radegonde  est une ancienne commune devenue un quartier de la ville de Tours en 1964. Située dans la partie Nord de la ville, le quartier compte environ 7 000 habitants en 2018, ayant connu une forte croissance depuis la fin du XIX e  siècle. Il est entouré par les quartiers tourangeaux de Paul Bert et Saint-Symphorien à l’ouest, et les communes de Parçay-Meslay et Rochecorbon à l’est.

Le quartier est riche d’un important patrimoine historique, comme l’abbaye de Marmoutier. Il constitue aujourd’hui un quartier principalement résidentiel excentré du centre de la ville, avec une population relativement mixte. C’est le plus important centre aéronautique du département, puisqu’on y trouve la base aérienne militaire 705, une école de pilotes et l’aéroport de Tours-Val de Loire.

Quartier Saint-Symphorien

Saint-Symphorien  est une ancienne commune dont une partie est devenue un quartier de la ville de Tours  en 1964. Situé dans le nord de la ville, le quartier compte près de 15 800 habitants en 2018 contre environ 11 400 lors de sa fusion avec la ville de Tours. Cette intégration s’inscrit dans une volonté de la commune de s’étendre afin de loger une population grandissante. Elle permet ensuite la création par la ville de Tours du quartier Europe limitrophe au nord. Le quartier Saint-Symphorien est également encastré entre le quartier Paul-Bert au sud, le quartier Sainte-Radegonde à l’est et la commune de Saint-Cyr-sur-Loire à l’ouest.

Habitée depuis près de mille ans en périphérie de la ville de Tours grâce à l’installation du pont médiéval d’Eudes, la zone s’est surtout développée à partir du début du XX e  siècle. Le développement du quartier Europe entre les années 1960 et 1970 modifie la périphérie de Saint-Symphorien, de même que la création du quartier Monconseil en 2009, contribuant à y déplacer les activités de Tours- Nord. Tous ces bouleversements ont entamé la cohérence du quartier Saint-Symphorien, qui ne compte pas de centre attractif clairement identifiable.

Quartier Monconseil

Quartier europe-chateaubriand.

Tour-du-beffroi

Le  quartier Europe ,  Europe-Chateaubriand  ou encore  Beffroi-Europe  est situé sur la partie nord de la commune, il compte près de 11 000 habitants en 2018. C’est un quartier composé de grands ensembles et de zones pavillonnaires, construit entre 1966 et 1972 dans un contexte où la ville de Tours cherche des terrains pour construire davantage de logements, vu la très forte demande dans le contexte des Trente Glorieuses. Après avoir largement développé le centre et le sud de la ville, la municipalité peut se tourner vers le nord grâce à la fusion avec la commune de Saint-Symphorien en 1964.

Le quartier Europe est limité par le quartier industriel et commercial Douets Milletière au nord, le quartier Saint-Symphorien à l’est et au sud, et enfin la commune de Saint-Cyr-sur-Loire à l’ouest. Il présente une population relativement mixte, avec un centre populaire d’habitats sociaux entouré de zones pavillonnaires plus aisées. Une partie du quartier est classée en zone prioritaire de la politique de la ville. Le beffroi est le monument marquant du quartier, ce dernier étant par ailleurs traversé depuis 2013 par le tramway de Tours. Le quartier est l’objet de projets de réhabilitation depuis les années 2000.

Quartier Douest-Milletière

Le  quartier Douets Milletière  rassemble deux quartiers distincts, les Douets et la Milletière, lesquels s’étendent sur la partie la plus au nord de la ville de Tours, prise entre le quartier de l’Europe au sud et celui de Sainte-Radegonde à l’est. C’est l’avenue Gustave Eiffel qui sépare le quartier des Douets (à l’ouest) du quartier de la Milletière (à l’est), intégrant depuis 2018, le premier au Conseil de quartier de Saint-Symphorien, et le second au Conseil de quartier de Sainte-Radegonde. Quartier en grande partie pavillonnaire, « les Douets » abrite notamment le parc de la Cousinerie, une surface de 20 ha dédiée à la promenade et aux jeux, et le CFA des Douets devenu Cité de la Formation en janvier 2020. La rue Pierre et Marie Curie divise le territoire du quartier de la Milletière avec, au sud de cette rue, une intense activité commerciale (centre commercial de la Petite Arche notamment), et au nord, une zone pavillonnaire et des petits immeubles plus récents, comme par exemple « les Jardins perchés ».

Quartiers du sud de Tours

Quartier des deux lions.

quartier-des deux-lions

Les  Deux-Lions  ou  2 Lions  est situé dans le sud de la ville. Son développement est initié au début des années 1990 sous le dernier mandat de Jean Royer et est toujours en cours à la fin des années 2010. Il accueille au début surtout des établissements d’enseignement supérieur, Polytech’Tours et l’UFR de droit de l’Université de Tours, puis des divertissements et un important centre commercial en 2009. Les logements se développent progressivement, puis des zones sont destinées à l’implantation d’entreprises.

L’équipe du maire Jean Royer souhaitait initialement y aménager un technopole, c’est-à-dire un territoire qui regrouperait des activités liées aux hautes technologies. Depuis l’arrivée à la mairie de Jean Germain, une volonté de mixité fonctionnelle (habitat/commerces et services/entreprises) guide l’urbanisation de ce territoire. La mise en service du tramway en août 2013 marque, d’une certaine manière, un aboutissement pour cet immense chantier entrepris 20 ans plus tôt. La fin des travaux est prévue à l’horizon 2024 alors que l’occupation complète du terrain approche. Le développement du quartier fut cela-dit laborieux alors que la fin des travaux a été repoussée par le ralentissement économique. En 2014, le quartier accueillait environ 2 400 habitants, 3 800 employés et 6 000 étudiants. D’ici 2024, il est supposé accueillir 4 000 habitants répartis dans 2 000 logements, avec 4 000 employés.

À l’extrême sud du territoire communal, cette extension urbaine de la ville de Tours se poursuit sur une zone de presque 80 hectares, de forme à peu près carrée. Elle occupe un site délimité au sud, par le petit Cher et le coteau marquant la limite sud du lit majeur de la vallée de la Loire et du Cher (ne faisant qu’une depuis Montlouis-sur-Loire), et au nord par le Cher lui-même. Au-delà du coteau, sur le plateau, on entre dans des quartiers résidentiels de Joué-les-Tours, et de l’autre côté du Cher, se situe le grand ensemble des Rives du Cher, sur la commune de Tours. À l’est s’étend le parc du lac de la Bergeonnerie puis le quartier des Fontaines, et à l’ouest (de l’autre côté de l’avenue de Pont-Cher reliant Tours au centre de Joué-les-Tours), la plaine de la Gloriette, encore essentiellement agricole, aujourd’hui partiellement occupée par un terrain de golf.

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Quartier de la Bergeonnerie

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La Bergeonnerie  est un quartier situé à l’extrémité sud de la commune, il compte seulement 1 994 habitants en 2013, ce qui en fait le second plus petit quartier de la ville. Il est surtout composé de grands ensembles et d’espaces verts, dont un vaste jardin central et des potagers associatifs. D’abord habité par des paysans, il a été urbanisé à partir de 1965 dans un contexte où la ville de Tours cherche des terrains pour construire davantage de logements, vu la très forte demande dans le contexte des Trente Glorieuses.

Le quartier de La Bergeonnerie est limité par la rivière du Cher et le lac de la Bergeonnerie au nord, le quartier des Fontaines et le quartier Montjoyeux à l’est, la commune de Chambray-les-Tours au sud, et enfin la commune de Joué-les-Tours et le nouveau quartier des Deux Lions à l’ouest. La Bergeonnerie est un quartier populaire présentant des grands ensembles, dont un tiers de logements sociaux. Il est relativement enclavé et est classé comme un « quartier de veille active» en raison de ses difficultés sociales. Avec Montjoyeux, il est le premier grand quartier tourangeau aménagé au sud du Cher.

Quartier des Fontaines

Le quartier des Fontaines  est situé sur la rive gauche du Cher. Il a été aménagé et construit, pour l’essentiel, entre 1967 et 1978, peu après les quartiers du Sanitas et des Rives du Cher. Il compte près de 7 000 habitants répartis sur une zone vaste de 65 hectares.

Sa forme architecturale et urbaine correspond aux grands ensembles caractéristiques des Trente Glorieuses : associant logements sociaux et privés, les Fontaines est le deuxième plus important de la ville après le Sanitas. Son développement se déroule dans le contexte des grands travaux engagés par le maire Jean Royer, la ville de Tours faisant face dans les années d’après-guerre à une demande inédite de logements que l’effort de la reconstruction puis des premiers grands ensembles n’ont pas suffi à combler.

À la recherche de terrains libres, la ville entreprend, grâce à la modification de ses limites territoriales et à la déviation du cours du Cher, de rendre constructible une vaste zone jusqu’alors régulièrement inondée. Les travaux, considérables, s’appuient sur la création en 1967 d’une ZUP, partagée entre les communes de Tours et de Saint-Pierre-des-Corps. Les premières constructions débutent en 1970 avec pour objectif la création d’un quartier où se mêleront habitations, commerces, établissements scolaires, entreprises et espaces verts.

Remarquable par son ambition initiale, le projet visait à urbaniser par la suite une grande partie de la rive gauche du Cher, jusqu’aux abords de Ballan-Miré. Les chocs pétroliers des années 1970, la défiance croissante vis-à-vis de la forme architecturale et urbaine des grands ensembles, et le ralentissement démographique réduisent nettement l’ampleur du chantier.

La genèse du quartier des Fontaines est la conséquence des évolutions territoriales de la ville de Tours au XX e  siècle. Historiquement circonscrite – à l’exception du faubourg de Saint-Symphorien (actuel quartier Paul-Bert) – entre la Loire et le Cher, la commune voit son territoire parvenir à saturation au milieu des années 1950. Le lancement, en 1958, de la construction du grand ensemble du Sanitas à l’emplacement de la zone industrielle qui entourait l’arrière-gare de Tours ne permet qu’une résolution partielle de la crise du logement que connaît alors le chef-lieu de l’Indre-et-Loire. Le déplacement de la gare elle-même, déclaré d’utilité publique en 1947, est repoussé sine die en raison de son coût.

La construction d’ensembles de logements sur la rive nord du Cher est envisagée dans les dernières années du mandat de Marcel Tribut ; les difficultés causées par la situation des terrains en zone inondable et l’ampleur des contraintes administratives, techniques et financières paraissent toutefois rendre l’idée peu crédible à court terme. L’élection de jean Royer à la tête de la ville de Tours, au printemps 1959, rebat les cartes.

Le nouveau maire s’entoure rapidement de deux architectes, Joël Hardion et Pierre Boille, pour envisager un ensemble de plusieurs milliers de logements. Il fonde ensuite, avec le concours de la banque de Paris et des pays-Bas, un réseau de sociétés d’économie mixte lui permettant d’aménager et de lotir les terrains. Remarquable sur le plan du génie civil, le chantier nécessite la rectification et le rehaussement de la rive nord du Cher sur plus de trois kilomètres, et la création, en rive sud, du lac de la Bergeonnerie. Officiellement lancés le 23 juillet 1962, les travaux s’achèvent en 1968 : ils ont permis la construction de 2 285 logements, de plusieurs groupes scolaires, de commerces et d’équipements publics.

Quartier Montjoyeux

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Montjoyeux  ou  Montjoyeux-Grandmont  est un quartier qui compte près de 3 800 habitants en 2012, situé dans la partie sud de Tours et en est d’ailleurs le plus méridional. Il est ainsi frontalier avec les autres quartiers tourangeaux des Fontaines au nord et de La Bergeonnerie à l’ouest, ainsi qu’avec les communes de Saint-Avertin à l’est, Chambray-lès-Tours au sud et Joué-les-Tours à l’ouest.

Le quartier est surtout composé de trois parties distinctes. Au sud, on trouve d’un coté le parc de Grandmont qui comprend le campus universitaire du même nom avec les facultés scientifiques et un millier de logements étudiants. Au nord, un vaste complexe scolaire réunit deux lycées avec un collège et le secteur résidentiel à l’est comprend des pavillons individuels et un grand ensemble bâtis dans les années 1960. De par la forte présence de l’Université de Tours, c’est un des quartiers les plus jeunes de la ville alors que la plus grande résidence étudiante y est implantée. Son parc protégé est une réserve de biodiversité.

Le quartier Montjoyeux-Grandmont est limité par la route de Saint-Avertin au nord, l’autoroute A10 à l’est, la route départementale au sud, et enfin les avenues de l’Alouette et de Bordeaux à l’ouest. Les quartiers limitrophes sont Les Fontaines au nord et La bergeonnerie à l’ouest, avec les communes de Saint-Avertin à l’est, Chambray-les-Tours au sud et Joué-les-Tours à l’ouest.

L’actuel quartier Montjoyeux-Grandmont était autrefois une vaste forêt qui s’étendait des bords du Cher jusqu’à Montbazon. Une partie de celle-ci est cédée en 1176 par le roi Henri II à l’ordre de Grandmont, un ordre monastique originaire du Limousin qui s’implante dans la zone alors appelée « bois Rahier ». En 1385, le monastère devient même brièvement le siège de cet ordre dans le contexte de la guerre de Cent Ans. Après la fermeture de l’ordre prononcée au xviii e  siècle, les Grandmontains quittent le bois. À peine quelques années plus tard, aux alentours de 1787, l’archevêque de Tours François de Conzié reprend l’ancien prieuré de l’ordre de Grandmont, dont il avait par ailleurs été l’un des partisans de la dissolution. Il commence en 1788 la construction d’un château en lieu et place de l’ancien prieuré de Grandmont dans le but d’en faire sa résidence personnelle de campagne. Cependant, la Révolution française conduit à l’interruption des travaux puis au départ en exil de l’archevêque. Le château change alors plusieurs fois de propriétaires, dont l’avocat Adrien Lecointre qui réalise des travaux et met en évidence les vestiges de l’ancien monastère 4 . En 1921, le château est finalement acquis par la ville de Tours qui s’en sert notamment de garderie et jardin d’enfants. Il devient ainsi avec le parc forestier environnant un lieu de loisir et de promenade important pour les Tourangeaux qui empruntent l’ancien tramway pour le rejoindre. Le maire Camille Chautemps souhaite alors en faire un « bois de Boulogne » à la tourangelle et la fréquentation du lieu atteint jusqu’à 6 000 personnes par jour. Durant la Seconde Guerre mondiale, le site est occupé par l’armée allemande qui profite de la hauteur du lieu pour y installer un poste d’observations et sa défense anti-aérienne.

10 lieux à ne pas manquer à Tours, ville royale en bord de Loire

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La place Jean-Jaurès, centre névralgique de Tours

Aucune visite de Tours ne peut éviter la place Jean-Jaurès, surnommée place du Palais pour son palais de justice style Louis-Philippe de 1843. Cette vaste place dominée par l’hôtel de ville marquait, à sa création en 1745, la limite sud des fortifications. Elle se situe aujourd’hui au croisement des principaux axes de Tours, entre quartiers commerçants et marchés animés, brasseries centenaires et fontaines illuminées au gré des attractions de la saison.

La place Plumereau, cœur historique de Tours

Si la place Jean-Jaurès est le véritable centre, la place Plumereau est le cœur battant de la ville. Attraction majeure de Tours, cette place pavée encadrée de maisons à colombages est située dans la zone piétonne du quartier historique. Célèbre pour avoir vu passer Jeanne d’Arc et son armée, elle fut réhabilitée en 1960. Cafés, bars et restaurants y accueillent touristes et locaux jusque tard dans la nuit, créant un lieu aussi emblématique que convivial, en particulier l’été.

La cathédrale Saint-Gatien

Pour savoir que faire à Tours, il suffit de lever les yeux : les tours de la cathédrale Saint-Gatien s’élèvent respectivement à 69 et 70 mètres de hauteur. Construite entre 1170 et 1547, cette cathédrale gothique est classée monument historique. Elle abrite une exceptionnelle collection de vitraux du XVIIIe siècle, un imposant orgue du XVIe siècle ou un tabernacle plaqué d’ébène et d’ivoire du XVIIe siècle. Les tombeaux de deux des enfants de Charles VIII et d’Anne de Bretagne s’y trouvent également.

Le château de Tours, un château de la Loire

Capitale des rois de France durant un siècle, Tours appartient à l’incontournable circuit des châteaux de la Loire. Elle dispose donc de son château, cumulant des vestiges de plusieurs époques. Un mur gallo-romain entoure ainsi des tours moyenâgeuses, complétées d’un pavillon du XVIIIe siècle. Une visite de Tours passe forcément par son château, devenu municipal après avoir été caserne de l’armée jusqu’en 1968, à sa restauration. Il abrite aujourd’hui des expositions d’art ou d’histoire.

Le « Vieux Tours », l’histoire au fil des rues

Étendu autour de la place Plumereau, le Vieux Tours désigne le quartier historique de la ville, essentiellement piéton. D’innombrables maisons à colombages y bordent les ruelles pavées, ponctuées de restaurants, de cafés et de bars. Le quartier commerçant borde le quartier piéton, abritant également plusieurs constructions classées aux monuments historiques, comme l’abbaye Saint-Julien ou l’hôtel Goüin, un hôtel particulier du XVe siècle.

Les bords de Loire, merveilles naturelles

Surnommée le Jardin de la France, la Vallée de la Loire est inscrite au Patrimoine de l’humanité pour la beauté et la richesse de ses paysages. Située au centre de la vallée, la ville de Tours est nichée au croisement de la Loire et du Cher. Tour à tour sauvages ou aménagées, les berges abritent une faune variée, qui s’observe à pied, en bateau ou lors d’une nuit sur les îles. Promenades, guinguettes et festivals s’y succèdent selon les saisons, au fil de plusieurs ponts illuminés.

Le musée des beaux-arts, centre artistique de Tours

Situé derrière la cathédrale, le musée des Beaux-Arts fait partie des attractions de Tours à ne pas manquer. Au cœur de l’ancien palais épiscopal du XVIIIe siècle, il abrite une vaste collection de peintures classiques, dont plusieurs chefs-d’œuvre de Mantegna, de Monet ou de Rembrandt. Son vaste jardin à la française sur trois niveaux accueille un cèdre du Liban de 1804, ainsi que la mascotte de la ville : Fritz, un célèbre éléphant de cirque devenu incontrôlable, abattu et empaillé en 1902.

Le Vinci, la casquette de Tours

Surnommé « la casquette » pour son toit avancé, le Vinci est le centre international de Congrès de Tours. Situé dans l’alignement de la place Jean-Jaurès, il fut conçu par le célèbre architecte français Jean Nouvel et construit en 1994. On y trouve trois auditoriums accueillant concerts, conférences ou salons. Il est entouré par un jardin et par la préfecture, face à un manège traditionnel et, surtout, à la façade classique encadrée de colonnes de la gare de Tours, construite en 1846.

L’abbaye Saint-Julien et son musée du compagnonnage

Tous classés ou inscrits au titre des monuments historiques, les divers bâtiments de l’abbaye bénédictine Saint-Julien de Tours furent construits du Xe au XVIe siècle. Le plus incontournable est l’église Saint-Julien, récemment restaurée, et son clocher-porche de 25 mètres de haut. L’ancien dortoir, quant à lui, abrite le musée du compagnonnage, classé Musée de France, et ses nombreux chefs-d’œuvre d’artisanat. Les celliers et la salle capitulaire sont également visibles.

Le monstre de Tours, un géant à voir

Parmi les attractions de Tours les plus récentes, le monstre du Grand-Marché a suscité de nombreux débats lors de son installation. Cette œuvre de l’artiste plasticien Xavier Veilhan, installée en 2004, appartient désormais au patrimoine de la ville, la place étant même couramment appelée « Place du monstre ». Mi-amusant, mi-effrayant, cet imposant personnage fantastique se situe derrière la place Plumereau et à quelques pas des Halles de Tours, autre lieu incontournable du quartier historique.

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Visiter Tours le temps d’une journée. Que voir ?

Dernière mise à jour le 23 novembre 2023 par Fab

Que diriez-vous de visiter Tours , une ville classée ‘Ville d’Art et d’Histoire’ ? On trouve dans le vieux Tours un beau patrimoine époque renaissance, et de superbes maisons à pans de bois qui donnent beaucoup de cachet à la ville. En une journée, on peut aisément faire la visite du centre historique et de ses incontournables , faire un peu de shopping rue Nationale, s’accorder une agréable pause déjeuner sur la mythique Place Plumereau, et flâner sur les bords de la Loire. Alors, qu’attendez-vous pour partir à la découverte de cette ville de charme ?

Comment se rendre à Tours ?

  • Le trajet depuis Paris Gare Montparnasse ou Gare d’Austerlitz dure généralement entre 1h et 1h30, en fonction du type de train que vous choisissez. Vous arriverez au centre de Tours, d’où vous pourrez explorer la ville à pied ou en utilisant les transports en commun.
  • Il vous faudra environ 2 heures de route en fonction de la circulation pour atteindre Tours depuis Paris.
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Où dormir à Tours ?

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Visiter Tours : l es incontournables

La cathédrale saint gatien.

De style gothique flamboyant, cette cathédrale est un vrai chef d’œuvre avec sa façade de dentelle de pierre, ses 3 porches, et sa superbe rosace. Elle surplombe la ville de ses 2 hautes tours de 69 et 70 mètres. Elle abrite les tombeaux des enfants de Charles VIII et d’Anne de Bretagne.

Visiter Tours : La cathédrale Saint Gatien

L’intérieur est lumineux avec ses nombreux vitraux qui allient art ancien et modernité : on y trouve 15 vitraux des XIIIè et XVè siècle, et des vitraux contemporains de l’artiste Gérard Collin-Thiébaut et du maître verrier Pierre-Alain Parrot qui se reconnaissent à leurs couleurs flamboyantes et à leurs motifs modernes. J’ai beaucoup aimé l’originalité de ce mélange de styles !

Visiter Tours : La cathédrale Saint Gatien

Le cloître de la Psalette

On ne peut que tomber amoureux de ce superbe cloître jouxtant la cathédrale . Il rassemble des vestiges d’une tour gallo-romaine, un bâtiment du XVè siècle, 2 ailes du XVIè siècle et une superbe tour d’escalier coiffée d’une toiture XVIIIè siècle. Que de siècles rassemblés dans cette étonnante construction !

Le cloître de la Psalette

Ce cloitre est un trésor d’architecture . Il abritait jadis les chanoines qui travaillaient à l’élaboration des manuscrits enluminés. Il servit même de décor à Balzac dans son roman ‘Le Curé de Tours’. Un monument superbe !

Le cloître de la Psalette

Entrée payante : environ 3,50€. Horaires : mai-août 9h30-12h30 14h-18h fermé le dimanche matin. Hors saison : horaires restreints.

La basilique Saint Martin

Cette superbe basilique date du XIXè siècle. Comme d’autres monuments de la ville de Tours, elle a été réalisée par l’architecte Victor Laloux .

La basilique Saint Martin Tours

L’intérieur de la basilique est imposant, de style néo-byzantin, avec ses nombreuses colonnes de marbre qui impressionnent dès l’entrée. La crypte est à voir, elle abrite le tombeau de Saint Martin, 3ème évêque de Tours, et reste un lieu de pèlerinage très important. C’est un endroit qui inspire sérénité et recueillement.

La basilique Saint Martin crypte

La Tour Charlemagne

La tour Charlemagne est le seul élément restant de l’ancienne basilique Saint-Martin. On peut monter en haut de la tour pour admirer les toits de la ville, 48 mètres de haut , 300 marches, mais vue panoramique garantie !

Visiter Tours : La Tour Charlemagne

La Place Plumereau et les maisons à pans de bois du Vieux Tours

Visiter Tours, c’est aussi aller découvrir son emblématique Place Plumereau ! C’est le lieu de rassemblement de tous les Tourangeaux. L ‘endroit incontournable de Tours. Elle se trouve dans le cœur du centre historique, est animée par la présence de nombreux cafés et restaurants, et a un charme fou grâce aux maisons à colombages qui l’entourent.

La célèbre Place Plumereau et les maisons à pans de bois du Vieux Tours

Et pour la petite histoire, c’est sur cette place que Jeanne d’Arc réunit son armée pour aller délivrer Orléans ! Impressionnant, non ?

On se pose en terrasse et on admire l’architecture typique de la région et les façades. C’est un vrai moment de plaisir !

Place Plumereau Tours

Le pont suspendu

C’est un pont emblématique de la ville de Tours. La passerelle Saint-Symphorien, plus connue sous le nom de Pont de fil, a été mise en service pour la première fois en 1847.

Le pont suspendu Tours

Ce pont de 340 mètres traverse la Loire entre le château de Tours et Saint Symphorien, et permet de se rendre sur l’Ile Aucard, point de rencontre des sportifs tourangeaux. Ce pont réservé aux piétons et aux cyclistes permet une traversée originale et propose une belle vue sur la Loire et sur le château. C’est marrant de le sentir bouger lorsqu’on déambule, à voir et à tester !

  • Voyagez dans le Tours du XIIIe siècle avec un guide en tenue d’époque avec Epok’Tour : réserver votre visite .
  • Visitez les châteaux les plus spectaculaires de la vallée de la Loire lors d’une excursion d’une journée au château de Chambord et au château de Chenonceau, et profitez d’un déjeuner dans un château privé.
  • Découvrez la Vallée de la Loire lors d’une excursion d’une journée au départ de Tours. Vous visiterez 2 domaines viticoles, dégusterez des vins locaux et découvrirez la ville de Chinon, connue pour son vin et son architecture Renaissance.
  • Vous souhaitez vivre une expérience unique et insolite ? Découvrez la ville de Tours en side-car pendant 1 heure.
  • Pour un moment de rigolade en famille ou entre amis, optez pour le rallye urbain dans le centre-ville de Tours . Munis d’une carte de la ville, vous allez résoudre des énigmes et en profiterez pour visiter Tours.

Visiter Tours : Quartier Colbert et Vieux Tours

Le château et l ‘hôtel gouin.

Le château est construit sur l’ancienne muraille gallo-romaine. Il ne reste que 2 tours de l’époque médiévale, la plus haute est baptisée la Tour de Guise , elle date du XVè siècle. C’est un lieu qui est utilisé pour des expositions.

De l’hôtel Gouin, vous ne verrez que la façade mais elle vaut le coup d’oeil ! Une superbe façade XVè siècle orne cet hôtel particulier, qui a d’ailleurs la réputation d’être la plus belle demeure tourangelle renaissance ! Pour la petite histoire, ce bâtiment a appartenu au XVè siècle à un marchand de soieries, avant d’être racheté au XVIIè siècle par une famille de banquiers, la famille Gouïn.

Vieux Tours : le château

La gare de Tours

Classée parmi les plus belles gares de France , et édifiée au XIXè siècle d’après les plans de l’architecte tourangeau Victor Laloux, l’architecte du musée d’Orsay à Paris, rien que ça !

La gare de Tours

L’Hôtel de ville de Tours

Lui aussi édifié au XIXè par l’architecte Victor Laloux . Un superbe monument qui vaut le coup d’oeil !

L'Hôtel de ville de Tours

La maison de la Pucelle Armée

C’est dans cette maison, au numéro 39 de la rue Colbert, que Jeanne d’Arc a reçu son armure en avril 1429. Mais finalement, au gré de nos balades, on s’aperçoit qu’elle en a parcouru du chemin notre Jeanne d’Arc !

Visiter Tours : La maison de la Pucelle Armée

Le jardin du musée des Beaux Arts

Même si vous ne visitez pas le musée, je vous conseille d’aller voir ses jardins. On ne peut visiter Tours sans aller admirer son cèdre du Liban. Cet arbre bicentenaire est classé ‘ arbre remarquable ‘, et vu son imposante stature, on comprend pourquoi ! Il est absolument impressionnant : 31 mètres de hauteur, 33 mètres d’envergure et 7,50 mètres de circonférence. Un peu plus loin, et on trouve un beau jardin à la française qui permet une petite pause au vert bien agréable.

Visiter Tours : le jardin du musée des Beaux Arts

Que visiter à proximité de Tours ?

  • Pensez à visiter Angers et son château du Roi René. C’est une ville pleine de surprises !
  • La Loire à Vélo, ça vous tente ? Parcourez une partie du parcours de Azay-le-Rideau à Ussé.

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Le Grand Hôtel de Tours

La visite du Vieux Tours : à ne pas rater

La visite du vieux tours : à ne pas rater

Offrez-vous une échappée belle à Tours, ville d’Art et d’Histoire, vous réservant bien des surprises. Le temps d’une journée, laissez-vous tenter par une visite du Vieux Tours et plongez au cœur de l’intimité de cette cité pour un séjour placé sous le signe de la découverte et de la détente.

Vieux Tours, des quartiers au charme incomparable!

Constituant le centre historique de Tours , le Vieux Tours regroupe plusieurs quartiers est aujourd’hui la partie la plus touristique de la cité. Cette partie de la ville s’articule principalement autour de trois places : la place Plumereau , la place du Grand Marché et la place de Châteauneuf . Entièrement restauré et rénové, le Vieux Tours vous invite à flâner dans ses ruelles pavées pour vous rendre d’un quartier à un autre. Découvrez pas à pas la rue Colbert de Tours , la rue George-Courteline, la rue Briçonnet, la rue de la Rôtisserie et autres rues aux noms pittoresques. Laissez-vous impressionner par les belles maisons médiévales à colombages , les maisons romanes ou encore de style gothique ainsi que les hôtels particuliers bordant les rues des quartiers du Vieux Tours

Empruntez les rues piétonnes de Tours et admirez ses richesses patrimoniales . Sillonnez la rue Briçonnet pour découvrir l’étonnante Maison de Tristan , homme de confiance du roi Louis XI. À l’angle de la rue de Maillé et de la rue de Constantine, vous découvrirez la Belle Teinturière, une magnifique maison bourgeoise du XVe siècle . Au nord de la place Plumereau, visitez les ruines de l’église Saint-Pierre le Puellier édifiée en 512 par Clotilde. Commencez par la visite du quartier Châteauneuf par la découverte de la Tour Charlemagne . Si vous passez par la rue des Halles, ne manquez pas la visite de la somptueuse basilique Saint-Martin magnifiée entre autres par ses vitraux.

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Visite du Vieux Tours : de l’animation à revendre !

Pour découvrir l’art de vivre et vous imprégnez de l’ ambiance typique de Tours , son centre historique est à ne pas rater. Offrant une abondance de restaurants, de cafés et de terrasses, cette partie de la cité est parfaite pour profiter d’une pause détente entre deux visites.

Autour de la place Plumereau, attablez-vous dans les petits restaurants et bars souvent prisés par les touristes et les étudiants de la fac des Tanneurs se trouvant à quelques centaines de mètres. Partagez d’agréables moments de convivialité entre amis ou en famille dans une ambiance animée tout en savourant les produits du terroir .

Où dormir lors de votre visite du Vieux Tours

Que vous soyez en séjour touristique ou en déplacement professionnel, le Grand Hôtel de Tours vous reçoit tout au long de l’année. Cet établissement 4 étoiles constitue une étape privilégiée pour vous reposer après une journée de découverte de Tours et de ses sites touristiques. Le Grand Hôtel de Tours se trouve notamment à quelques minutes du centre historique .

Au Grand Hôtel de Tours, tout est pensé pour assurer votre satisfaction. Diverses prestations haut de gamme vous sont proposées : chambres et suites tout confort, room service, bar, salles de séminaire, petit-déjeuner en buffet, billard, jeux pour enfants, etc. Que ce soit dans les chambres, l’espace salon ou encore au bar, cet établissement se pare d’un décor raffiné et élégant de style Art Déco qui vous plongera dans une ambiance typique des années 30 .

Ludivine Contreau

Ludivine CONTREAU, commerciale expérimentée au Grand Hôtel de Tours **** et son équipe éditoriale vous font découvrir les attraits touristiques de la région Touraine.

persee.fr

La ville de Tours du IVe au VIe siècle. Naissance d'une cité chrétienne

[monographie].

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  • Documents liés
  • Référence bibliographique
  • Informations

Pietri Luce. La ville de Tours du IVe au VIe siècle. Naissance d'une cité chrétienne. Rome : École Française de Rome, 1983. 900 p. ( Publications de l'École française de Rome , 69-1)

www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1983_ths_69_1

  • RIS (ProCite, Endnote, ...)

Auteur : Luce Pietri. Préface de Jacques Fontaine

Titre : La ville de Tours du IVe au VIe siècle. Naissance d'une cité chrétienne

Editeur : Ecole française de Rome

Lieu de publication : Rome

Année de publication : 1983

Collection : Collection de l'École française de Rome 69

Format : XXXVII-853 p. : cartes, couv. ill. ; 25 cm

Annotations : Bibliogr. p. XV-XXXVII . Index. Thèse : 1980

ISSN : 0223-5099

ISBN : 2-7283-0065-8

Résumé (fre)

Tours offre en Gaule l'exemple le mieux connu, et aussi sans doute le plus achevé, de cette mutation décisive qui transforme la ville antique en cité chrétienne. Par un processus de transfert assez imprévisible, la civitas Turonorum, demeurée dans l'Empire romain une médiocre bourgade provinciale, se trouve créditée en moins de deux siècles de la gloire posthume d'un saint : Martin, son évêque, dont elle conserve le tombeau. C'est là en fait le résultat d'une politique clairement conçue, jusqu'à Grégoire, par les évêques tourangeaux à l'égard de l'héritage martinien : un héritage qu'ils ont non seulement voulu revendiquer pour leur Église, mais aussi su capter au profit de leur ville. L'espace urbain, le temps et les structures de la société citadine ont été progressivement remodelés pour faire de Tours une Martinopolis. Ce haut lieu du miracle, que célèbre une active propagande, attire et accueille, à la fin du VIe siècle, la foule des pèlerins. Le mouvement, par son ampleur et ses différentes composantes - que mesure l'étude statistique -, comme par les pratiques magico-religieuses auxquelles il donne lieu, projette au moroir tourangeau un juste reflet du monde gallo-franc en gestation, avec sa diversité sociologique et l'ambiguïté de ses mentalités religieuses. Pour tous ces visiteurs en quête d'espoir, Tours est la ville sainte par excellence. En sens inverse, la littérature tourangelle diffuse l'image plus élaborée que la ville a voulu donner d'elle-même : investie d'une mission providentielle, elle est garante de l'Alliance scellée avec le nouveau peuple élu des Francs et avec son chef Clovis, nouveau Moïse et nouveau Constantin. Naguère obscure cité de l'Empire païen, Tours naît chrétienne à l'Histoire.

  • Préface par Jacques Fontaine [startPage] [endPage]
  • Avant-propos [startPage] [endPage]
  • Introduction [startPage] [endPage]
  • I - Abréviations [startPage] [endPage]
  • II - Sources [startPage] [endPage]
  • III - Bibliographie [startPage] [endPage]
  • Addendum bibliographique [startPage] [endPage]
  • I - La civitas Turonorum au IIIe et au IVe siècle [startPage] [endPage]
  • 1) Une fondation en 250 ? La légende des Sept [startPage] [endPage]
  • 2) Une fondation d'époque constantinienne : Catianus ou Litorius ? [startPage] [endPage]
  • Dignitas sacerdotalis [startPage] [endPage]
  • Humilitas [startPage] [endPage]
  • Auctoritas [startPage] [endPage]
  • Martin missionnaire [startPage] [endPage]
  • Martin medicus et doctor [startPage] [endPage]
  • Martin, chef d'une militia Christi [startPage] [endPage]
  • Tours et Marmoutier [startPage] [endPage]
  • Tours et la Gaule [startPage] [endPage]
  • Tours et Martin [startPage] [endPage]
  • 1) L'invasion de 407 et les troubles de la Bagaude [startPage] [endPage]
  • 2) Les premières difficultés de l'évêque Brice avec le clergé tourangeau [startPage] [endPage]
  • 3) La deuxième affaire Brice : la révolte du peuple chrétien [startPage] [endPage]
  • 1) La montée des périls barbares et l'occupation wisigothique [startPage] [endPage]
  • 2) Une lignée de grands évêques [startPage] [endPage]
  • Tours, métropole de la province ecclésiastique [startPage] [endPage]
  • Tours, bastion de la foi trinitaire [startPage] [endPage]
  • III - Le pari sur les Francs (490-508) [startPage] [endPage]
  • 1) Le poids de la tutelle franque [startPage] [endPage]
  • 2) L'activité épiscopale en veilleuse [startPage] [endPage]
  • 3) L'évergétisme royal et l'enrichissement de l'Église de Tours [startPage] [endPage]
  • 1) Une tension politique nouvelle [startPage] [endPage]
  • Le renouveau de la vie religieuse à Tours [startPage] [endPage]
  • La défense des privilèges de l'Église tourangelle [startPage] [endPage]
  • La protection du monastère Sainte-Croix de Poitiers [startPage] [endPage]
  • L'intervention du pouvoir royal dans la vie de l'Église [startPage] [endPage]
  • I - Un évêque prédestiné à Tours [startPage] [endPage]
  • 1) Une cité longuement disputée entre les souverains francs [startPage] [endPage]
  • L'affaire Mérovée : les complots de Gontran Boson [startPage] [endPage]
  • Le complot autour de la personne du prince Clovis : les intrigues de Leudaste [startPage] [endPage]
  • Meurtres dans la basilique [startPage] [endPage]
  • 3) L'autorité du métropolitain affaiblie par la rupture de l'unité provinciale [startPage] [endPage]
  • 1) Une cité durement frappée par les malheurs du temps [startPage] [endPage]
  • Grégoire, urbis amator [startPage] [endPage]
  • Grégoire, plebis pater [startPage] [endPage]
  • Grégoire, pastor in urbe gregis [startPage] [endPage]
  • 3) Le rayonnement de la cité martinienne en Gaule [startPage] [endPage]
  • I - Le cadre urbain antique [startPage] [endPage]
  • 1) L' ecclesia [startPage] [endPage]
  • 2) L' ecclesia sanctorum Gervasii et Protasii [startPage] [endPage]
  • 3) L' ecclesia sanctae Mariae Virginis ac sancti Johannis Baptistae [startPage] [endPage]
  • 4) La domus ecclesiae [startPage] [endPage]
  • 1) La basilica Sancti Litorii [startPage] [endPage]
  • Les édifices successifs [startPage] [endPage]
  • L'espace basilical [startPage] [endPage]
  • 3) L' atrium basilicae Sancti Martini [startPage] [endPage]
  • Basilica beatorum Apostolorum Petri et Pauli [startPage] [endPage]
  • Monasterium sancti Venantii [startPage] [endPage]
  • Le monastère fondé par Radegonde [startPage] [endPage]
  • Le monastère fondé par Monegundis [startPage] [endPage]
  • D'autres sanctuaires ? [startPage] [endPage]
  • La basilica Sancti Vincentii [startPage] [endPage]
  • La basilica Sancti Juliani [startPage] [endPage]
  • IV - Transligerim : la colonie monastique de Marmoutier [startPage] [endPage]
  • 1) Le calendrier tourangeau [startPage] [endPage]
  • 2) Les temps de la pénitence [startPage] [endPage]
  • Les fêtes de l'Incarnation [startPage] [endPage]
  • Les fêtes de la Résurrection [startPage] [endPage]
  • Les fêtes des Apôtres et du Précurseur [startPage] [endPage]
  • La Saint-Martin d'Hiver [startPage] [endPage]
  • La Saint-Martin d'été [startPage] [endPage]
  • 1) Les reliques importées à Tours [startPage] [endPage]
  • 2) Les tombeaux des confesseurs tourangeaux [startPage] [endPage]
  • 1) Sulpice Sévère : les origines lointaines du pèlerinage [startPage] [endPage]
  • 2) Perpetuus et Paulin de Périgueux : le lancement du pèlerinage [startPage] [endPage]
  • 3) Grégoire de Tours : l'essor du mouvement [startPage] [endPage]
  • 1) Les méthodes de l'enquête [startPage] [endPage]
  • Origines géographiques des pèlerins [startPage] [endPage]
  • Les composantes sociologiques [startPage] [endPage]
  • Les motivations individuelles [startPage] [endPage]
  • Une foule de pèlerins ? [startPage] [endPage]
  • Les lieux saints fréquentés [startPage] [endPage]
  • Les temps du pèlerinage [startPage] [endPage]
  • 1) Les pratiques d'une foi superstitieuse [startPage] [endPage]
  • 2) L'encadrement spirituel des pèlerins : une éducation de la foi [startPage] [endPage]
  • 1) La constitution du patrimoine ecclésiastique [startPage] [endPage]
  • 2) La richesse de l'Église de Tours à la fin du VIe siècle [startPage] [endPage]
  • 3) La gestion du patrimoine ecclésiastique [startPage] [endPage]
  • Les grades du cursus [startPage] [endPage]
  • L'origine sociale des clercs [startPage] [endPage]
  • Les filières de recrutement et de promotion [startPage] [endPage]
  • Développement des fondations monastiques [startPage] [endPage]
  • La population monastique : origines et recrutement [startPage] [endPage]
  • Les milieux ascétiques [startPage] [endPage]
  • Des troupes disciplinées sous l'autorité de l'évêque [startPage] [endPage]
  • Au service de la mission [startPage] [endPage]
  • L'aide aux victimes des guerres [startPage] [endPage]
  • La défense de l'équité [startPage] [endPage]
  • La protection des faibles [startPage] [endPage]
  • Les premières formes d'assistance [startPage] [endPage]
  • Les matricules des pauvres [startPage] [endPage]
  • L'assistance aux malades [startPage] [endPage]
  • 1) Sulpice Sévère : suggestions et réticences [startPage] [endPage]
  • 2) Perpetuus et Paulin de Périgueux : une version tourangelle actualisée de la mission martinienne [startPage] [endPage]
  • 3) Grégoire et son ami Fortunat : l'hagiographie de la cité martinienne [startPage] [endPage]
  • La Vetus Historia et le rôle du peuple juif [startPage] [endPage]
  • L'Empire romain d'Auguste à Théodose [startPage] [endPage]
  • Le passage à l'histoire contemporaine [startPage] [endPage]
  • 2) Les Francs et Clovis : l'Alliance avec le nouvel Israël scellée à Tours [startPage] [endPage]
  • 3) Les successeurs de Clovis : Tours gardienne de l'Alliance [startPage] [endPage]
  • Conclusion [startPage] [endPage]
  • 1. Tableau généalogique des rois mérovingiens [startPage] [endPage]
  • 2. La famille de Grégoire de Tours [startPage] [endPage]
  • 3. Églises rurales et autres établissements chrétiens dans les campagnes tourangelles [startPage] [endPage]
  • 4. Le diocèse de Tours du IVe au VIe siècle [startPage] [endPage]
  • 5. Plan de la ville de Tours à la fin du VIe siècle [startPage] [endPage]
  • Tradition manuscrite [startPage] [endPage]
  • Éditions [startPage] [endPage]
  • Marmoutier. N° 1 [startPage] [endPage]
  • Marmoutier. N° 2 [startPage] [endPage]
  • Marmoutier. N° 3 [startPage] [endPage]
  • Marmoutier. N° 4 [startPage] [endPage]
  • Basilique Saint-Sartin. N° 5 [startPage] [endPage]
  • Basilique Saint-Martin. N° 6 [startPage] [endPage]
  • Basilique Saint-Martin. N° 7 [startPage] [endPage]
  • Basilique Saint-Martin. N° 8 [startPage] [endPage]
  • Basilique Saint-Martin. N° 9 [startPage] [endPage]
  • Basilique Saint-Martin. N° 10 [startPage] [endPage]
  • Basilique Saint-Martin. N° 11 [startPage] [endPage]
  • Basilique Saint-Martin. N° 12 [startPage] [endPage]
  • Basilique Saint-Martin. N° 13 [startPage] [endPage]
  • Basilique Saint-Martin. N° 14 [startPage] [endPage]
  • Basilique Saint-Martin. N° 15 [startPage] [endPage]
  • Basilique Saint-Martin. N° 16 [startPage] [endPage]
  • Basilique Saint-Martin (sanctuaire annexe ?). N° 17 [startPage] [endPage]
  • Β - Des tituli gravés dans les sanctuaires [startPage] [endPage]
  • 1) Les tituli de Marmoutier [startPage] [endPage]
  • 2) Les versus basilicae [startPage] [endPage]
  • A - Les textes [startPage] [endPage]
  • Β - Des inscriptions ou des poèmes de circonstance ? [startPage] [endPage]
  • C - Le sens des Carmina martiniens de Fortunat dans leur rapport avec l' ecclesia de Tours [startPage] [endPage]
  • Index des noms de personnes [startPage] [endPage]
  • Index des noms de lieux [startPage] [endPage]
  • Table des matières [startPage] [endPage]

Liste des illustrations

  • Tableau I. Chronologie des épiscopats tourangeaux [link]
  • Tableau II. Les évêques associés à Eufronius de Tours [link]
  • Tableau III. Inventaires descriptifs de Saint-Martin [link]
  • Tableau IV. Les sanctuaires annexes de Saint-Martin [link]
  • Carte 1 - Topographie chrétienne de Tours [link]
  • Tableau V. Calendrier des fêtes précédées de vigiles [link]
  • Tableau VI. La numérotation des mois de l'année à partir de mars chez Grégoire de Tours [link]
  • Tableau VII. Calendrier des jeûnes [link]
  • Tableau VIII. Chronologie des miracles des livres II, III et IV De Virt. M. selon J. Schlick [link]
  • Carte 2 - Origines géographiques des pèlerins miraculés à Tours [link]
  • App. 1 - Tableau généalogique des rois mérovingiens jusqu'à la fin du VIe siècle [link]
  • App. 2 - La famille de Grégoire de Tours [link]
  • App. 3 - Églises rurales et autres établissements chrétiens dans les campagnes tourangelles [link]
  • App. 4 - Le diocèse de Tours du IVe au VIe siècle [link]
  • App. 5 - Plan de la ville de Tours à la fin du VIe siècle [link]
  • Sylloge des inscriptions tourangelles [link]
  • Tableau de donnees - Sans titre [link]

Texte intégral

COLLECTION DE L'ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME

LUCE PIETRI

LA VILLE DE TOURS DU IVe AU VIe SIÈCLE : NAISSANCE D'UNE CITÉ CHRÉTIENNE

ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME

PALAIS FARNESE

© - École française de Rome - 1983 ISBN 2-7283-0065-8

Diffusion en France :

CID - CENTRE INTERINSTITUTIONNEL POUR LA DIFFUSION DE PUBLICATIONS

EN SCIENCES HUMAINES

131, BOULEVARD SAINT-MICHEL

75005 PARIS

DIFFUSION DE BOCCARD

11 RUEDEMÉDICIS

75006 PARIS

Diffusion en Italie ;

LA BOTTEGA D'ERASMO

VIA GAUDENZIO FERRARI, 9

10124 TORINO

SCUOLA TIPOGRAFICA S. PIO X - VIA ETRUSCHI, 7-9 - ROMA

Préface par Jacques Fontaine

«Le Latium a Ambroise, et l'Espagne Vincent, la Gaule a pris Martin, et Delphin l'Aquitaine». Lorsqu'au début du Ve siècle, Paulin de Noie répartissait ainsi les protecteurs célestes des quatre principales régions de la romanitas situées au Nord de la Méditerranée, il commettait à la fois une prophétie insuffisante et trois erreurs : nul n'est prophète en son pays, fût-il l'Empire romain d'Occident au siècle de la dynastie théodosienne. Tandis qu'Ambroise allait devenir l'un des quatre grands docteurs de l'Église latine, le culte de Vincent serait loin de rivaliser avec celui d' Ambroise, même en Espagne; et Delphin ne subsisterait que dans le souvenir quelque peu campaniliste d'une Église locale : en l'occurrence, le patriotisme bordelais de Paulin et son attachement personnel à l'évêque qui l'avait baptisé l'ont trop prévenu en faveur du pasteur de sa cité natale. En revanche, il suffit de considérer les indices de fréquences respectifs des patronymes et des toponymes français pour y voir figurer Martin, aujourd'hui encore, au tout premier rang. «La Gaule a pris Martin», et toute entière elle l'a fidèlement gardé.

On saisit là dans l'histoire religieuse de la France, et dans son histoire tout court, l'importance exceptionnelle d'un «phénomène marti- nien», qu'on l'envisage ainsi par son amont antique ou par son aval moderne. L'emprise de cet intercesseur privilégié sur la conscience individuelle et collective, telle que l'exprime le pullulement des Martin et des Saint-Martin, nous avertit d'emblée de l'ampleur de ce phénomène. Elle donne immédiatement à penser sur les enjeux de la présente recherche, au cœur de laquelle se trouve le culte de saint Martin. Le voici éclairé en son devenir originel, dans le temps et l'espace de cette ville de Tours qui en fut le foyer en un double sens : celui d'un rayonnement très précoce à travers les Gaules, et toute la civilisation européenne, jusqu'à la Ravenne byzantine de Justinien et au Mont-Cassin de saint Benoît; celui d'un lieu sacré devenu pour les pèlerins chrétiens un pôle d'attraction comparable, en Occident, aux limina apostolica de Rome ou, quelques siècles plus tard, au campus stellae de Santiago.

Dans le premier essor de ce culte, trois personnalités ont joué un rôle essentiel et distinct. D'abord la singulière et haute figure de Martin lui-même. Elle nous apparaît aujourd'hui moins idéale que quinze siècles de culte ne l'avaient cru, moins négligeable, cependant, que la critique historique du début de notre siècle ne l'avait péremptoirement présumé. La critique littéraire du dossier martinien originel — la Vie, les Lettres, les Dialogues, de Sulpice Sévère — nous laisse, en dépit d'une déformation déjà certaine, en présence d'un personnage énigmatique, mais qui put s'imposer et en imposer aux empereurs et aux gouverneurs, aussi bien qu'à ses moines et au menu peuple des villes et des campagnes. Ancien garde impérial devenu soldat du Christ, passé du «rouge» au «noir» — du service de la pourpre à celui du pallium monastique — , disciple formé à la profonde discipline spirituelle et cléricale d'Hilaire de Poitiers, le moine-évêque de Tours fut de son vivant même un bien autre homme de Dieu que le simple pasteur de l'obscure communauté chrétienne des Turones. Le zèle apostolique déployé par lui à travers les villes, les bourgs et les campagnes de la Touraine, mais aussi de tous les pays de Loire, voire jusqu'en Gaule du Nord et à la capitale impériale de Trêves, s'insère dans les remous politiques et religieux de l'histoire de son temps.

Parmi les évêques gallo-romains de sa génération, Martin n'a donc pas seulement eu, comme on l'a dit sans complaisance, la chance de trouver dans l'avocat bordelais Sulpice Sévère un biographe de talent, pour plaider sa cause devant la postérité. En l'occurrence, le talent semble avoir été attiré par le relief d'une personnalité hors du commun : le dossier martinien — le Martinellus comme dira le Moyen Age — est né de cette rencontre. Le succès littéraire et religieux de la Vita Martini ne fut pas celui d'un roman ascétique qui venait à son heure. Elle fut le premier acte cultuel du phénomène martinien, et la diffusion immédiate de l'opuscule a fixé pour des siècles les traits d'un nouveau type de sainteté chrétienne.

Mais deux siècles plus tard, Martin n'a pas moins mérité d'avoir un successeur de sa taille, au spirituel comme au temporel. Car Grégoire de Tours n'a pas seulement poursuivi et épanoui la tradition d'une littérature martinienne à laquelle sont attachés aussi les noms de l'évêque tourangeau Perpetuus et de Venance Fortunat, attiré de Ravenne en Gaule par sa vénération pour saint Martin. Grégoire a, d'une certaine manière, porté à son achèvement ce qu'avaient commencé l'Aquitain Sulpice et bien des chrétiens contemporains de Martin : cette «prise en charge» — Gallia Martinum sumpsit — qui, en deux siècles, a fait de

PRÉFACE VII

Martin l'un des saints les plus populaires de l'Occident; et de Tours, un des hauts lieux où liturgies et pèlerinages attiraient les foules de croyants, des princes aux misérables. Tel est le double sujet de ce livre. Avec une compétence et une minutie hors de pair, Luce Pietri nous invite à revivre ici ces deux siècles de vie tourangelle, accordés aux rythmes d'un temps et d'un espace martiniens. Elle en retrace l'histoire avec une ampleur de vues qui n'était pas moins nécessaire au renouvellement de ce que nous croyions savoir. Car la courbe trop harmonieuse qui réunirait les seuls noms de Martin, Sulpice et Grégoire, ne refléterait guère les vicissitudes réelles de la survie de Martin en ces deux siècles, et la singulière métamorphose d'une cité gallo-romaine de moyenne importance en l'une des villes saintes de la piété chrétienne occidentale. C'est en des rythmes bien contrastés que cette histoire se déroule sub specie Martiniana.

La zizanie semée à pleines poignées par Brice, disciple rebelle et cependant successeur de Martin, croît d'autant mieux aux bords de Loire que ces discordes ecclésiastiques coïncident avec des temps d'anarchie politique croissante. Tandis qu'en Provence le monachisme léri- nien et marseillais brille d'un éclat tout neuf, on a le sentiment qu'avec le monastère de Marmoutier, le culte martinien lui-même s'est trouvé comme occulté par la grande migration germanique de 407. Mais la fidélité de la population et sa vénération pour la tombe de Martin n'en assurent pas moins, en ces temps obscurs, une continuité fragile. Elle s'affermit dans une cité placée aux frontières des domaines de l'expan- sions franque, et de ceux du royaume wisigothique de Toulouse. L'évê- que Perpetuus bâtit, organise la liturgie, transpose en vers à l'antique la Vie de Martin. Et au début du VIe siècle, l'Église de Tours fait le bon choix politique, en liant ses destinées aux succès de Clovis encore fraîchement baptisé. Heurs et malheurs de la cité martinienne se poursuivent cependant au long du VIe siècle. Les monarques francs comblent de biens l'Église de Tours, mais ils lui imposent souvent une lourde tutelle ; ils sont à la dévotion de saint Martin, mais veulent que les évê- ques tourangeaux soient à la leur, et ils entendent bien être les seuls à tirer un bénéfice politique du prestige spirituel du saint et de sa tombe. Il faut la forte personnalité, mais aussi le prestige social, de Grégoire, pour voir s'achever cette double exaltation du culte et de la cité à quoi la personne de Martin et la plume de Sulpice avaient donné le premier essor. Grégoire est un pasteur qui tient tête aux exigences et aux menaces des princes, et qui sait affermir l'autorité plus qu'épiscopale des successeurs de saint Martin. La cité martinienne achève alors de remo-

VIII PRÉFACE

deler son urbanisme autour de la basilique, bien distincte de la cathédrale, les rythmes de sa vie sociale, les fonctions mêmes d'un chef-lieu de ciuitas devenu une ville sainte. Le mérite de la présente étude est d'éclairer les effets divers de cette mutation.

À contre-courant d'une histoire pleine de bruit et de fureur, l'Église de Tours se met, grâce au développement de ce culte, au service de misères humaines le plus souvent abandonnées par un pouvoir politique incohérent et brutal. Ce nouvel ordre martinien de la cité s'affirme d'autant plus vigoureusement que le recours à l'intercession spirituelle du saint s'y associe à l'exercice des responsabilités de toute sorte que la carence des pouvoirs civils oblige souvent les évêques du VIe siècle à prendre en toutes sortes de domaines. La figure de Grégoire de Tours en reçoit ici une stature historique qui égale et dépasse celle de l'écrivain : écrivain toujours engagé, mais d'abord homme d'action qui a réalisé plus encore qu'il n'a dit et dicté. En ces nouveaux Récits des temps mérovingiens, rigoureusement récrits avec l'exactitude scientifique et la sympathie lucide que notre siècle exige également de l'historien, l'attention se concentre sur l'un des phénomènes historiques les plus révélateurs d'un Occident en pleine métamorphose. L'héritage de la foi antique s'y trouve réinterprété sous les formes les plus contradictoires : une révérence magico-religieuse pour les gestes, les lieux et les temps y coexiste avec des formes de dévotion éclairées envers le modèle exceptionnel d'une sainteté exemplaire.

Tous les chemins d'Europe, et même de Gaule, n'ont pas mené à Tours. On conviendra pourtant, en refermant le présent ouvrage, que beaucoup y sont passés. Il est symbolique qu'une autoroute appelée «l'Aquitaine» y vienne encore traverser la Loire, en dominant puis en descendant la falaise dans laquelle Martin et ses premiers compagnons tourangeaux avaient creusé leurs cellules du futur Marmoutier; toute proche, la ville de Tours accroche aux doux ciels de Loire ses pignons et ses clochers. En explorant la naissance et le premier essor du phénomène martinien, en montrant sa lente empreinte sur les bourgs et les saisons de la cité tourangelle, ce livre met en valeur une phase cruciale dans l'histoire de la Gaule chrétienne en train de devenir le royaume de France, sous le patronage de celui que la charmante épitaphe viennoise de la modeste Foedula appelait déjà Martinus procer — «Sa Grandeur Martin ».

Jacques Fontaine

Avant-propos

Je dédie cet ouvrage à la mémoire de mon maître Henri-Irénée Marrou : les leçons de son lumineux enseignement n'ont cessé de me guider dans une recherche que j'avais entreprise sous sa direction. Ma reconnaissance va aussi aux membres du jury devant lequel j'ai soutenu en décembre 1980 cette thèse de doctorat : MM. Jacques Fontaine (président), André Chastagnol (rapporteur), Michel Meslin, Pierre Riche et William Seston, dont les suggestions et les critiques m'ont aidée dans la mise au point de ce travail. J'associe à cet hommage la ville de Tours et ses habitants, ceux du lointain passé comme du présent, avec lesquels j'ai noué, au cours de mon enquête, de véritables liens affectifs.

Dans la situation actuelle de l'édition, cet ouvrage, cependant, n'aurait pas vu le jour, si le Directeur Georges Vallet n'avait, dès 1981, accepté, sur le rapport du Doyen Marcel Simon, de le publier dans la Collection de l'École française de Rome : que tous deux trouvent ici l'expression de ma très vive gratitude. Que soient également remerciés MM. Maire Vigueur, Uginet et Melle Guadagnino qui ont mis toute leur vigilance à la correction de cette édition.

Ainsi Tours et Rome se trouvent pour moi associées, comme elles l'étaient déjà, il y a quelques quatorze siècles, dans la pensée de l'auteur anonyme d'une Laudatio sancii Martini, établissant un parallèle entre deux villes également sanctifiées à ses yeux par un enseignement apostolique : Beatam siquidem Romam dixerim, cui concessa sunt duo magna luminaria, Petrus scilicet et Paulus, per quos de tenebris infideli- tatis mereretur ad lumen redire veritatis. Non dissimiliter quoque Turo- norum civitatem constat esse beatam, quae tanti patris (Martin) praedi- catione instrui, insuper et corporali praesentia, Deo largiente, potuit insi- gniri.

Introduction

Quid te, Turonica civitas, loquar, muris quidem parvula et despectibilis, sed sancii Martini patro- ciniis magna et laudabiiis?1

Jusqu'à une époque avancée du IVe siècle, Tours était demeurée dans l'Empire romain une obscure cité provinciale, ignorée de l'Histoire et des historiens : les rares sources antiques qui mentionnent Caesa- rodunum, puis — en usant d'une appellation qui l'emporte au IVe siècle — la civitas Turonum ou Turonorum2 attestent, sans plus, l'existence d'une agglomération urbaine sise sur les bords du «Loire gaulois». À la fin du VIe siècle, Yurbs turonica apparaît par contraste comme l'une des villes les plus illustres de la Gaule, entre temps devenue franque : l'abondante littérature qui la célèbre diffuse son nom dans tout l'Occident. Cette notoriété nouvelle, Tours ne la doit ni à des fonctions politiques ni à des activités économiques récemment développées, mais au prestige de cité sainte qu'elle détient alors dans la catholicité occidentale : elle est désormais pour tous la ville de Martin, celle qui, depuis peu conquise au christianisme, eut, dans le dernier quart du IVe siècle, l'insigne honneur de recevoir le confesseur pour évêque; celle qui possède toujours, avec le tombeau vénéré de ce dernier, la plus précieuse et la plus efficace des reliques; celle enfin vers laquelle se presse la foule des pèlerins, dévots du thaumaturge. Aussi brille-t-elle de la gloire reconnue à celui qu'elle proclame son patron céleste. Une ascension

XII INTRODUCTION

aussi rapide dans Yordo urbium nobilium, où le poète Ausone était bien loin de songer à l'admettre et où la place deux siècles plus tard la dévotion des puissants comme celle des humbles, mérite sans doute de retenir l'attention.

Car s'il n'est guère besoin de démontrer que Tours doit en définitive toute son illustration à Martin, il paraît en revanche nécessaire de saisir et de préciser les modalités d'un processus de transfert qui a crédité une ville de la gloire d'un saint personnage. En rechercher les conditions et en fixer les étapes, au long de l'évolution historique qui fait passer la civitas de l'empire de Rome à la domination des Wisigoths puis à celle des Francs, est la première tâche qui s'impose dans le cadre de l'enquête. Il faut tout d'abord tenter de reconnaître dans le contexte historique les conditions matérielles et spirituelles changeantes qui ont, de l'extérieur, favorisé ou contrarié l'essor de la cité. On peut espérer ainsi déterminer le rôle qui revient dans ce dernier aux initiatives d'une politique locale conduite par les évêques de Tours. Le problème se pose en effet dans les termes suivants : dans quelle mesure Tours a-t-elle bénéficié d'un héritage martinien qui lui était acquis et dont elle a joui en tirant profit du renom grandissant du confesseur? Dans quelle mesure a-t-elle dû conquérir cet héritage et a-t-elle su patiemment le faire fructifier?

La réponse à cette question doit aussi venir d'une enquête de caractère plus systématique : dans un second volet, celle-ci se propose d'analyser — tout en mesurant l'ampleur des résultats obtenus — les différents moyens mis en œuvre pour que Tours devienne la cité marti- nienne par excellence : il s'agit de discerner comment cette définition, conçue comme un idéal, a, par la volonté de certains des successeurs du bienheureux, progressivement modelé, dans le schéma d'une topographie religieuse, l'espace urbain et peu à peu imposé au temps de la vie citadine le rythme des grandes célébrations liturgiques; comment elle a contribué à assurer le succès du pèlerinage qui draine les dévots vers le tombeau de Martin et comment elle a déterminé dans la cité l'organisation de l'Église et de la société chrétienne; comment enfin elle a façonné l'image que Tours a voulu donner d'elle-même dans la littérature.

Cette recherche, on le voit, n'a pas l'ambition de se présenter, au sens convenu du terme, comme une étude urbaine; pour cette dernière, au reste, trop d'éléments d'information, concernant les institutions municipales, les réalités économiques et sociales, l'urbanisme civil, feraient défaut dans les sources. Mais sans se cantonner dans les limites

INTRODUCTION XIII

de l'histoire proprement ecclésiastique, elle se propose de prendre pour objet la cité chrétienne. Un tel parti pris peut se justifier, semble-t-il, à une époque où l'institution ecclesiale s'identifie presque complètement avec l'organisme urbain. Très tôt en effet, dans la ville, le corps civique se confond avec la communauté chrétienne sous la direction de l'évê- que qui fait figure à la fois de responsable politique et de chef spirituel. Très tôt également, l'Église urbaine devient le foyer d'où rayonne la foi nouvelle dans le territoire de la civitas devenu son diocèse et le domaine de son entreprise missionnaire. De façon significative, dans la littérature qui le diffuse au loin, le nom de Tours finit par désigner indifféremment la ville ou son Église dont les destinées sont indissociablement confondues.

Les sources ont donc, par les réalités et les conceptions dont elles offrent le reflet, suggéré les perspectives dans lesquelles s'engage l'enquête. Elles imposent aussi ses limites au champ chronologique étudié. Avec Sulpice Sévère et Paulin de Noie, contemporains de Martin, puis, dans la deuxième moitié du Ve siècle, avec les poètes qui, tels Sidoine Apollinaire et Paulin de Périgueux, écrivent à la demande et sous la direction de l'évêque tourangeau Perpetuus, enfin, un siècle plus tard, avec Fortunat et surtout Grégoire, évêque et historiographe de Tours, les témoignages jalonnent régulièrement le cours d'une évolution : ils permettent de restituer l'histoire de la ville depuis les origines de son Église jusqu'à la fin du VIe siècle qui constitue le terme d'un premier essor de la cité. Car la mort de Grégoire ne met pas seulement fin à un règne episcopal et à une œuvre littéraire. Après 594 et pendant plus d'un siècle et demi, plus aucune voix ne s'élève de Tours; celle-ci, cessant de porter témoignage, est rendue à une existence plus obscure dont elle ne sortira à nouveau qu'avec la renaissance carolingienne. L'épiscopat de Grégoire représente donc bien un achèvement, le couronnement d'une évolution ascendante au sujet de laquelle l'historien — comme s'il avait eu la prescience du proche avenir — a rassemblé, pour les sauver de l'oubli et les transmettre à une lointaine postérité, toutes les données recueillies sur le passé de sa ville.

Documentation et bibliographie

I - abréviations.

AA. SS. Acta Sanctorum, collecta. .. a Sociis Bollandianis, 3e éd., Paris, 1863 sqq.

(rééd. de la publication d'Anvers, 1643 sqq.).

AA. SS. OSB Acta Sanctorum ordinis sancti Benedicti, Paris, 1668-1701. BHL Bibliotheca hagiographica latina, 2e éd., Bruxelles, 1949 {Subsidia hagiogra-

phica, VI); Supplementum, 1911 (Subsidia hagiographica, XII).

BSAT Bulletin de la Société archéologique de Touraine, Tours, 1868-1870 sqq.

CC Corpus Christianorum, Series latina, Turnhout, 1953 sqq.

CE F. Buecheler (et A. Riese), Carmina latina epigraphica. Anthologiae Latinae

pars posterior, 2 vol., Leipzig, 1895; III, Supplementum, cur. E. Lom-

matzsch, 1926.

CJ Code Justinien.

CTh Code Théodosien.

CG, I Concilia Galliae, A. 314-A. 506, éd. C. Munier.

CG, II Concilia Galliae, A. 511-A. 695, éd. C. de Clercq.

CIL Corpus Inscriptionum Latinarum, Berlin, 1863 sqq.

Clavis Clavis Patrum Latinorum, éd. E. Dekkers, Sacris Erudiri, III, 1961.

CSEL Corpus Scriptorum ecclesiasticorum latinorum, Vienne, 1866, sqq.

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(Après l'édition principale aux pages de laquelle renvoient normalement les références aux textes, sont mentionnées pour certains ouvrages d'autres éditions : parfois utilisées pour leur traduction ou pour leurs notes, ces dernières se distinguent ici par l'astérisque qui les précède).

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Première partie. L'histoire de la cité épiscopale de Tours

De la Vita Martini, où Sulpice Sévère, le premier, fait mention du siège episcopal de Tours, jusqu'au Libellus de episcopis turonicis, où Grégoire, concluant ses travaux historiques, dresse jusqu'à lui même le catalogue des évêques tourangeaux, l'histoire de la cité chrétienne de Tours se présente d'abord comme une chronique des episcopate. Par son caractère, la documentation permet de retracer la succession des évêques, Yordinatio episcoporum et de se livrer, à partir de données nombreuses, mais sur certains points incomplètes ou erronées, à ce que Grégoire, encore, appelait supputatio annorum, un essai de datation des règnes épiscopaux. L'entreprise avait déjà été menée, avec beaucoup de maîtrise, par Mgr Duchesne1; la chronologie établie par les soins de ce dernier appelait cependant quelques retouches. C'est à cette recherche aride, mais indispensable pour assurer, autant que faire se peut, les datations, que nous avons consacré une enquête préliminaire dont les procédures ont été exposées tout au long dans un article des Mélanges2 et dont les principaux résultats figurent ici sous la forme d'un simple tableau récapitulatif.

À partir de là, il paraît possible et souhaitable de poursuivre plus avant et, dans une perspective qui n'était pas celle de l'auteur des Fastes épiscopaux de la Gaule, de passer de la chronologie des règnes épiscopaux à une histoire du siège episcopal. Les dates qui s'inscrivent aux fastes de l'Église de Tours correspondent en effet à des situations très diverses qui ont été faites, au cours des premiers siècles de son existence, à la communauté locale. Considérée sous cet angle, la vie de la cité

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se développe en périodes qui dépassent ou recoupent les limites étroites des épiscopats. C'est ainsi d'ailleurs qu'elle se présente dans les ouvrages de Grégoire, où la chronique episcopale se trouve insérée dans l'histoire plus générale de la Gaule. Aussi peut-on espérer voir se dessiner les cadres d'une évolution au cours de laquelle les conditions imposées de l'extérieur ont déterminé, au moins en partie, les transformations de

CHRONOLOGIE DES ÉPISCOPATS TOURANGEAUX

la vieille ville de tours

L'HISTOIRE DE LA CITÉ EPISCOPALE DE TOURS 5

la cité et de son Église, en orientant la politique des évêques qui ont successivement présidé aux destinées de l'une et de l'autre.

La régularité de la succession episcopale, que met en valeur la présentation du catalogue De episcopis de Grégoire, peut donner l'impression que la cité chrétienne de Tours a connu dans les premiers siècles de son existence un essor précoce et continu : née, selon l'historien, aux temps héroïques de la persécution, ayant bénéficié, grâce au prestige dont jouissait Martin, d'une sorte de nouvelle et de plus éclatante fondation, l'Église tourangelle aurait dès lors détenu une influence spirituelle dont les évêques du Ve et du VIe siècles auraient, pour le plus grand profit de la cité, assuré sans grand'peine le rayonnement. De l'examen des documents qui éclairent l'histoire de Tours se dégage cependant une image sensiblement différente : celle d'une Église qui, après des débuts fort modestes et en dépit de l'illustration que lui valut à la fin du IVe siècle la présence à sa tête de Martin, dut, au gré de situations politiques mouvantes et souvent dramatiques, lutter de façon incessante pour préserver son indépendance spirituelle et faire fructifier l'héritage martinien dont elle revendiquait le bénéfice.

Chapitre I. Le temps des fondateurs : des origines jusqu'à la mort de Martin

Suivant les points de vue divers auxquels il se place, Grégoire fait partir l'histoire de son Église tantôt de Catianus, qu'il présente comme le premier évêque du siège tourangeau, tantôt de Martin, placé en troisième position dans sa liste, mais dont l'épiscopat ouvre, à ses yeux, une ère vraiment nouvelle pour Tours.

Le christianisme tourangeau dans ses toutes premières origines — avec la venue supposée d'un mystérieux missionnaire envoyé depuis Rome — s'enveloppe dans les brumes de la légende dont il n'émerge, pour entrer timidement dans l'histoire, qu'au début du IVe siècle, au temps de l'évêque Litorius. Aussi la personnalité eminente de Martin, l'impulsion que celui-ci a donnée de son vivant à la vie de la communauté chrétienne, la place que son souvenir occupe ensuite dans la tradition tourangelle, tout incite à prolonger jusqu'à la mort du saint, comme le pressentait déjà Grégoire lui-même, le temps des fondateurs, la période au cours de laquelle la cité episcopale s'est dotée de sa première organisation et a conquis son individualité propre.

I - La civitas Turonorum au IIIe et au IVe siècle

Aux premiers temps de son histoire, l'Église de Tours est l'Église d'une petite cité gallo-romaine dont il importe de préciser la position et le rang dans le vaste ensemble politique dont elle faisait partie : ainsi pourra-t-on prendre la mesure des événements, que constituent la naissance de la communauté chrétienne et les premiers développements de l'organisation ecclesiale, et évaluer, par là même, leur influence dans l'évolution ultérieure de Tours.

La ville du Haut-Empire, Caesarodunum, dont l'existence, sûrement attestée par le témoignage de l'épigraphie à l'époque d'Hadrien, remon-

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te probablement au début du Ier siècle de notre ère1, constituait dans la vaste province gauloise de Lyonnaise, une agglomération d'importance très secondaire2. Située à l'écart des principaux axes de communication qui traversaient l'isthme gaulois, également éloignée des régions stratégiques que représentait le limes rhénan, elle ne jouait qu'un rôle modeste à l'échelon régional : résidence pour les notables de la civitas des Turones dont elle était le chef -lieu, marché local pour les produits d'un terroir agricole assez riche3, carrefour régional au croisement de deux voies commerciales d'importance moyenne4, telles étaient les fonctions

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assez médiocres, qui l'animaient. C'est là du moins ce que l'on peut déduire d'un examen de la carte et de quelques indices archéologiques; car les auteurs anciens ont presque tous ignoré la petite cité des bords de Loire dont seules font mention la Géographie de Ptolémée et la Table de Peutinger5. À cette obscurité, gage d'une existence paisible et sans gloire, Tours est arrachée par les invasions qui déferlent sur la Gaule au cours du IIIe siècle. De l'impact que celles-ci eurent sur la cité tourangelle, un seul épisode nous est connu grâce à un fragment de l'historien grec Eusebios : au témoignage de cet auteur, la ville des Turrenoi, sise dans la province de Lugdunosia, chez les Galates d'Occident, fut assiégée pendant plus de dix ans par les «Celtes d'Outre-Rhin», à une époque où la Gaule et les provinces voisines «n'obéissaient plus à l'Empire romain»6. Qu'il soit en relation avec l'invasion franque de 258 et le règne dissident de l'empereur Postumus, comme le pensent Th. Rei- nach et E. Demougeot7, ou qu'il faille le rapporter, comme le proposait C. Jullian8, au raid franc de 275/276 et à un épisode de la lutte qui

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opposa alors le prétendant Florianus à l'empereur Probus, l'événement importe moins ici par sa date exacte que par son sens et ses conséquences. Nul doute que dans l'immédiat il ait signifié la destruction au moins partielle et un déclin économique certain de l'agglomération. Le témoignage de l'archéologie, les exemples parallèles offerts par tant d'autres cités gauloises peuvent en donner l'assurance. La paix et la prospérité ne furent ensuite restaurées que très progressivement : il fallut notamment attendre l'intervention énergique de Maximien, le collègue que s'était choisi Dioclétien, pour que, en 285, les barbares soient contenus sur le Rhin et que, l'année suivante, les Bagaudes — des bandes de hors-la-loi et de brigands constituées à la faveur du désordre général — soient anéantis9. Mais à plus longue échéance, on le sait, les menaces dont la Gaule restait l'objet de la part des peuples germaniques, mais aussi les ressources qu'elle offrait pour la survie de l'Empire contribuèrent à donner à cette région une importance nouvelle dans le cadre de l'Occident romain. Ces considérations, lorsque le pouvoir impérial retrouva son autorité, ne furent pas étrangères à un réaménagement stratégique et administratif de l'espace gaulois, dont la cité tourangelle devait tirer en définitive quelque bénéfice. Dans ce secteur géographique que les empereurs — qui y séjournent désormais plus fréquemment — prennent soin de préserver des dangers venant tant à

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l'Est, de la Germanie, qu'au Nord-Ouest, de la mer, le caractère excentrique de la position de Tours tend à s'atténuer. Pour protéger des pirateries saxonnes et franques les rivages proches de la Manche et de l'Atlantique, est établi un système défensif côtier, le litus saxonicum; il prélude à la constitution, à la fin du IVe siècle et au début du Ve siècle, d'une vaste zone stratégique, le Tractus armoricain et nervien, organisé en profondeur et s'étendant vers l'Est bien au-delà de Tours, jusqu'à Auxerre10. Plus encore, la réorganisation de l'administration provinciale, entreprise par Dioclétien et développée par ses successeurs pour assurer un quadrillage plus serré du territoire romain, manifeste l'intérêt que le pouvoir porte à contrôler — aux dépens des autonomies municipales — la vie locale. Tours, perdue sous le Haut-Empire au fin fond d'une vaste province dont les principales villes l'éclipsaient sans peine, voit peu à peu son importance relative et son rôle régional grandir, dans le cadre d'unités administratives de taille de plus en plus réduite.

Une première réforme, dont l'initiative revient à Dioclétien, comme l'atteste le Laterculus Veronensis, a pour objet de scinder la Lyonnaise en deux provinces, Lyonnaise Première et Lyonnaise Seconde, toutes deux comprises dans le diocèse des Gaules11 créé quelques années plus

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tard et lui-même intégré, à l'époque constantinienne, à la préfecture des Gaules. Suivant la description donnée par Ammien Marcellin, dont le témoignage reflète la situation de la Gaule vers 355-356, Tours se trouvait en Lyonnaise Seconde12, c'est-à-dire dans la partie occidentale de l'ancienne Lyonnaise correspondant aux régions actuelles de la Normandie, de la Bretagne et de la vallée inférieure de la Loire. L'agglomération, qui a sans doute mis à profit la sécurité retrouvée pour redresser son activité13, apparaît assez importante à l'historien pour qu'il la fasse figurer en deuxième position, immédiatement après Rouen, la capitale provinciale, au nombre des villes qui illustrent la nouvelle province. C'est cependant à une autre réforme, plus tardive, que Tours doit une véritable promotion dans l'ordre administratif. Alors que l'historien Festus, dans son Bréviaire, composé entre 364 et 369, compte encore dans sa liste de provinces deux Lyonnaises seulement14, les docu-

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ments de l'extrême fin du IVe siècle et du début du siècle suivant, le Laterculus de Polemius Silvius15, la Notitia Galliarum16 et la Notitia Dignitatum 17 font état de l'existence de quatre Lyonnaises : à la suite d'une nouvelle scission, la Lyonnaise Première de Dioclétien a donné naissance à deux provinces, l'une toujours dénommée Lyonnaise Première et l'autre, Senonia (Polemius Silvius) ou Lyonnaise Sénonie (Notitia Dignitatum) ou encore Lyonnaise Quatrième (Notitia Galliarum); au même moment, de la Lyonnaise Seconde créée à l'époque de la Tétrar-

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chie, sont issues une Lyonnaise dite encore Seconde et une Lyonnaise Troisième. Dans cette dernière circonscription, qui regroupe les territoires de neuf cités de l'Ouest ligérien et armoricain, Tours comme nous l'apprend la Notitia Galliarum, est élevée au rang de métropole provinciale 18.

De cette réorganisation qui confère à la cité tourangelle des fonctions et une dignité nouvelles, il importerait de fixer avec précision la date. Malheureusement, en dehors des listes administratives déjà mentionnées, les deux provinces, ultimement et sans aucun doute simultanément créées dans le dernier tiers du IVe siècle, la Lyonnaise Troisième et la Sénonie, ne sont citées que par de très rares documents. Un seul gouverneur de Lyonnaise Troisième nous est connu avec certitude19, grâce à un monument épigraphique retrouvé en Pannonie20 : Vale-

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rius Dalmatius est célébré comme un rector plein d'équité et un patron secourable par l'inscription que lui dédie la province, sans doute après que ce fonctionnaire ait pris sa retraite dans son pays d'origine. Le style élégant des distiques qui composent la dédicace, le lieu même de la découverte ont incité à juste titre Mommsen21 à rejeter une date trop avancée dans le Ve siècle. Mais le savant historien, se fondant sur quelques éléments de la paléographie, inclinait à penser que le monument ne pouvait être antérieur à la première décennie de ce siècle. Que l'on accepte cette datation ou que — étant donné l'absence d'indices vraiment déterminants — on la considère seulement comme la plus tardive possible, il reste que l'âge de cette unique inscription ne peut en aucune façon renseigner sur l'époque où apparut la Lyonnaise Troisième, puisque rien ne permet d'affirmer que Valerius Dalmatius en ait été le premier gouverneur. En revanche, une série de monuments épigraphiques dédiés à un gouverneur de Senonia, Claudius Lupicinus, suggèrent, semble-t-il, pour la réforme qui donna naissance à cette province et à celle de Lyonnaise Troisième, une période bien précise. Les trois tables de bronze, trouvées en Aquitaine dans une villa appartenant probablement à ce personnage, sont dédiées respectivement par les villes de Sens, Auxerre et Orléans à l'excellent patron que fut, pour chacune

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d'elles et pour la province tout entière, le gouverneur22. Or dans la titu- lature de ce fonctionnaire, on note deux éléments singuliers qui n'apparaissent dans aucun autre document relatif à la circonscription administrative dont il eut la charge : la province y porte le nom de Maxima Senonia; quant à Claudius Lupicinus, il a rang de consulaire, alors que la Notitia Dignitatum donne au gouverneur de Lyonnaise Sénonie la/ qualité d'un simple praeses23. Une conclusion paraît s'imposer : les trois inscriptions, ainsi que le gouvernement de Lupicinus auquel elles se rapportent, datent du règne de l'usurpateur Maxime. En effet le qualificatif de Maxima dérive très certainement du nom de cet empereur qui, suivant un usage déjà ancien, a parrainé l'une des circonscriptions gauloises de son domaine impérial, comme il l'a fait, semble-t-il également, pour la province espagnole dont il était originaire24. On comprend dès lors qu'après sa chute, la dénomination qui aurait perpétué son souvenir ait été abandonnée et que la Sénonie, promue province consulaire en l'honneur de son illustre parrain, ait été ramenée au rang

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presidiai, plus conforme à son importance administrative réelle. La réforme dont sont issues la Sénonie et la Lyonnaise Troisième doit donc être vraisemblablement attribuée à Maxime. Cependant comme on ne peut exclure que les deux provinces aient vu le jour dans la période immédiatement antérieure au règne de l'usurpateur, on situera entre 364 et 369, époque à laquelle les Lyonnaises ne sont encore qu'au nombre de deux, d'une part, et l'année 388, date de la disparition de Maxime, d'autre part, la création des deux provinces nouvelles et donc l'érection de Tours en métropole provinciale25.

II - Naissance de l'Église de Tours

C'est au cours de la période où se dessinait cette évolution que l'Église tourangelle naquit et commença à s'organiser, pour sortir enfin de l'ombre à la fin du IVe siècle.

1) Une fondation en 250 ? La légende des Sept

Tours n'était encore qu'une obscure bourgade des bords de Loire, dans un Empire qui réagissait aux menaces externes et internes de dissolution par une politique de persécution des chrétiens, quand la ville, s'il faut en croire Grégoire, fut choisie pour recevoir, en la personne de Catianus, son premier évêque : l'auteur de ÏHistoria Francorum, après avoir évoqué la plus ancienne communauté chrétienne gauloise, celle de Lyon, et relaté le martyre subi par ses fidèles sous le règne de Marc Aurèle26, présente comme une nouvelle étape, dans un plan concerté d'évangélisation de la Gaule, l'envoi par le pape de Rome, vers 250, de sept missionnaires, dirigés respectivement vers les villes de Tours, Arles, Narbonne, Toulouse, Paris, Clermont et Limoges27. Certes, la présence de Tours, dans une liste qui compte des centres urbains pour la plupart beaucoup plus importants, apparaît de prime abord surprenan-

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te; mais la position de la cité pourrait avoir dicté un choix favorable à la diffusion du message chrétien dans le Centre-Ouest de la Gaule. D'autres raisons incitent à révoquer en doute les assertions de Grégoire : les unes tiennent au contexte général dans lequel s'insère, selon l'historien, la naissance de l'Église tourangelle — la mission des Sept — ; les autres relèvent de considérations locales concernant la personne et l'œuvre de Catianus.

Dans le témoignage porté par Grégoire sur les origines chrétiennes de la Gaule, se mêlent des faits authentiques, puisés dans les documents anciens dont il pouvait disposer, et des traditions récemment forgées, reflétant l'image que ses contemporains ou les générations immédiatement précédentes s'étaient composées de ces temps déjà relativement éloignés. Or, si quelques Églises en Gaule pouvaient effectivement se réclamer d'une fondation prestigieuse et héroïque, antérieure à la fin du IIIe siècle, un plus grand nombre d'entre elles ont été organisées plus tardivement, à la faveur de la paix instaurée par Constantin. Dans ces dernières communautés, se sont, par la suite, rapidement accréditées de pieuses légendes qui les dotaient d'un passé plus glorieux. Celles-ci, faisant remonter les origines chrétiennes de la cité à l'époque des persécutions, permettaient de satisfaire les exigences de la piété populaire, en offrant à la vénération des fidèles un martyr ou un confesseur local. Ces récits pouvaient également servir d'autres intérêts : en reportant très haut, jusqu'aux temps apostoliques, la naissance d'une Église, on conférait à son présent évêque une autorité particulière; en tant que successeur d'un disciple des apôtres, celui-ci pouvait assumer, au nom de la tradition dont il était le dépositaire, la défense de l'orthodoxie catholique, ou bien encore prétendre pour son siège à l'exercice d'un rôle prééminent dans l'organisation ecclesiale28. Les nombreuses études, dont le texte de Grégoire a fait l'objet, ont mis en évidence de tels processus dans la fabrication d'une légende qui s'est progressivement élaborée, avant de trouver sa version définitive dans YHistoria Francorum.

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Le récit de Grégoire s'insère dans un chapitre consacré à l'histoire de l'Église au temps de l'empereur Dèce : il fait d'abord état des persécutions dont les communautés d'Antioche et de Rome furent victimes ainsi que des troubles déchaînés par l'hérésie novatienne. L'auteur en vient ensuite au cas particulier de la Gaule, à laquelle il consacre un long paragraphe29 ainsi construit : après avoir annoncé, en introduction, le thème qu'il va développer — la mission de sept envoyés de Rome — , il mentionne en premier lieu l'arrivée à Toulouse de son premier évêque, Saturnin. Puis il énumère les cités gauloises qui furent alors évangélisées, avec le nom des missionnaires qui leur étaient respectivement dévolus : une liste dans laquelle Toulouse et Saturnin figurent à nouveau, en quatrième position, après Tours, Arles et Narbonne et avant Paris, Clermont et Limoges. Vient enfin un développement consacré au sort individuel des sept envoyés, cités dans un ordre différent : les deux martyrs, Denis de Paris et Saturnin de Toulouse, prennent le pas sur les cinq confesseurs, bien que les uns et les autres en définitive — et c'est la conclusion de l'auteur — soient réunis par leurs mérites dans la vie éternelle.

À Saturnin — on ne peut manquer d'en être frappé — est donc réservée, dans cet exposé, une place de choix : le récit s'ouvre en effet par une référence à la Passio Saturnini, seule source dont fasse état l'historien et dont il cite un membre de phrase, et il fait ensuite une large part aux circonstances du martyre du saint toulousain. Or si le texte hagiographique, qui paraît un document digne de foi 30, a bien ins-

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pire à Grégoire ce que celui-ci relate à propos de Saturnin, il ne mentionne en revanche nullement, comme le chapitre de YHistoria Franco- rum pourrait le laisser croire, l'existence des six compagnons de l'évê- que de Toulouse. On en a conclu parfois que l'historien avait fait confusion, en attribuant de mémoire à cet écrit une indication qui ne s'y trouve point; ce qui est assez improbable, puisque Grégoire, lorsqu'il rédigeait, avait apparemment sous les yeux la Passion qu'il cite avec exactitude31. On a également suggéré que l'auteur de l'Histoire des Francs disposait d'une version interpolée de la Passio Saturnini, une hypothèse qu'aucun indice ne permet de confirmer32. En fait, comme l'a bien pressenti L. Levillain, Grégoire n'a pas emprunté, ni même cru emprunter, l'ensemble de son récit à la Passion toulousaine. Certes, la façon dont il s'exprime peut, à première lecture, le laisser croire; mais une analyse plus attentive du texte et de sa construction incite à corriger cette impression initiale. La référence à la Passio Saturnini ne se rapporte nullement à l'envoi des Sept depuis Rome; elle est seulement destinée à justifier et préciser l'expression hujus tempore — du temps de Dèce — par laquelle s'ouvre l'ensemble du récit, dans la mesure où celle-ci apporte pour l'un des missionnaires, Saturnin, et pour lui seul, une datation, grâce à la mention du consulat de Decius et de Vettius Gratus fournie par le biographe du saint toulousain33. Dans sa formulation maladroite et involontairement ambiguë, le début du paragraphe reflète la démarche intellectuelle de l'auteur, dont le raisonnement peut être assez aisément restitué. Grégoire trouvait dans la Passio de Saturnin une date : celle — c'est du moins ainsi qu'il l'a comprise34 — de l'arrivée du saint à Toulouse. D'autres informations, dont il n'a point

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mentionné la provenance, la tradition — fama — qu'il invoque au chapitre 4 du De Gloria Confessorum, induisaient l'historien à associer au nom de l'évêque de Toulouse ceux d'autres fondateurs d'Églises gauloises. Il en a conclu que, de l'année consulaire indiquée dans la biographie de Saturnin, devait également dater la venue des six autres missionnaires dans les cités auxquelles ils étaient destinés. Comme d'autre part, la Passio Saturnini reste muette sur l'origine géographique35 de l'évêque toulousain, c'est également par un autre canal que Grégoire a été informé d'un envoi depuis Rome de Saturnin et de ses six compagnons.

Alors que l'hagiographe qui rédige, sans doute entre 430 et 450, la Passio Saturnini ne revendiquait pas pour le fondateur de la communauté toulousaine une origine romaine, une autre Église des Gaules, Arles, avait déjà commencé à affirmer ses prétentions à l'apostolicité. Cette fiction s'est constituée autour de la figure légendaire de Trophi- me. Dès 417, le pape Zosime, pour justifier la délégation confiée à l'évêque arlésien Patrocle, s'était efforcé d'accréditer, par divers écrits, l'idée que l'Église d'Arles était l'Église-mère des Gaules, parce que fondée la première en ces régions par un envoyé de Rome, Trophime36. Le

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pontife romain, prudemment, se gardait de préciser l'époque de la fondation. Cette lacune fut comblée quelques décennies plus tard : en 450, des évêques de la région arlésienne affirmaient que Trophime avait été envoyé par saint Pierre lui-même37. La légende allait bientôt recevoir, au service d'intentions bien différentes, une amplification nouvelle. De ce développement témoigne le De mysterio sancii Trinitatis, un traité qui a été attribué avec raison à Césaire d'Arles et que l'on peut dater sans doute du début du VIe siècle38. L'ouvrage, qui relève de la polémique anti-arienne, répond aux graves préoccupations suscitées dans les Églises provençales par l'établissement de la domination des Goths hérétiques qui, après .avoir occupé Narbonne en 459, se sont emparés

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d'Arles en 477. L'auteur s'est fait l'écho d'un récit légendaire qui a vraisemblablement commencé à circuler, dans les milieux arlésiens, dans le dernier tiers du Ve siècle, pour animer la résistance morale à l'envahisseur hérétique. Après avoir usé, pour la défense de l'orthodoxie, des armes que lui fournit l'arsenal de la théologie, Césaire recourt en effet à l'argument d'autorité que lui procure la fiction nouvellement née : comme Jérusalem, Ephèse, Alexandrie et Rome, quatre Églises sont en Gaule, affirme-t-il, les gardiennes de la vraie foi, car dépositaires de la tradition apostolique : Arles, Narbonne, Toulouse et Vaison, fondées respectivement par Trophime, Paul, Saturnin et Daphnus, tous quatre disciples des Apôtres39. Arles n'apparaît donc plus désormais comme la seule Église-mère des Gaules; elle partage ce privilège avec trois autres Églises, promues comme elle à l'apostolicité, et qui, toutes, se situent «sur l'horizon arlésien, dans les limites de l'ancienne Province romaine»40. Pour ce faire, on a associé à la figure légendaire de Trophime trois personnages transportés, pour les besoins de la cause, aux temps apostoliques. Paul de Narbonne, déjà célébré à la fin du IVe siècle par le poète Prudence41, et Saturnin de Toulouse — dont l'origine romaine,

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ignorée des Toulousains, serait paradoxalement connue des milieux arlésiens — couvrent de leurs noms prestigieux et vénérables le roman hagiographique auquel on les mêle; quant au quatrième missionnaire, Daphnus, beaucoup moins illustre, il n'est autre, semble-t-il, que l'évê- que de Vaison qui signa de ce nom au concile d'Arles de 31442.

Même si Grégoire a eu entre les mains l'ouvrage de Césaire — ce qui n'est nullement certain — , la filiation entre le De mysterio sancii Trinitatis et le célèbre chapitre de YHistoria Francorum n'est certainement ni simple ni directe. Entre la fin du Ve siècle, où se forme la légende provençale, et le milieu du siècle suivant, d'autres traditions légendaires locales ou régionales se sont sans doute élaborées, avant de venir se combiner au récit arlésien. Plusieurs versions, différentes les unes des autres quant au nombre des cités concernées et quant à l'époque de l'évangélisation, étaient probablement en circulation au moment où Grégoire commença à rédiger son ouvrage. Dans cette hypothèse, la part de ce dernier, dans la mise au point de la question, ne serait pas négligeable : il aurait fait choix des éléments à retenir pour la synthèse historique qu'il présentait, tout en apportant les retouches que son métier d'historien et de chronographe lui suggérait. Bien qu'il soit impossible, en l'absence de témoins intermédiaires, de retracer avec certitude les étapes d'une telle évolution, l'hypothèse peut recevoir quelque renfort d'un examen comparé des textes du De mysterio et de YHistoria Francorum. Les deux récits divergent d'abord en ce qui concerne la date de la mission. Le succès durable des légendes qui attribuent à des envoyés de saint Pierre ou de son proche successeur, Clément de Rome, la fondation de plusieurs Églises de Gaule43 — et

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notamment, malgré l'autorité de Grégoire, de celles d'Arles et de Paris

— laisse supposer que la datation de 250 relève de l'initiative de l'historien, qui s'est écarté sur ce point des traditions locales. Grégoire, qui présente la communauté lyonnaise comme la plus anciennement organisée en Gaule et qui n'ignore point que son premier évêque subit le martyre à l'époque de Marc Aurèle, ne pouvait accueillir sans réticence, les élucubrations fantaisistes de la légende en matière de chronologie. De plus, avec son bon sens inné, il a certainement été frappé par l'incompatibilité existant entre les données chronologiques vagues et fluctuantes relatives à l'envoi de missionnaires depuis Rome et le témoignage précis et sûr apporté par la Passion de Saturnin. Convaincu de l'existence des compagnons du Toulousain, il ne pouvait adopter, pour leur arrivée en Gaule, d'autre date que celle donnée par l'auteur de la Passio Saturnini pour la venue de Saturnin à Toulouse.

On constate également des différences notables dans la liste des Églises qui auraient été fondées par les missionnaires romains. Si trois des quatre cités énumérées par Césaire — Arles, Narbonne et Toulouse

— figurent toujours dans le récit de Grégoire, celui-ci ajoute les noms de Tours, Clermont, Limoges et Paris. À cette liste, il convient également d'adjoindre les Églises de Bourges et de Saintes dont la fondation,

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nous apprend par ailleurs l'historien, relèverait, elle aussi, de l'initiative du siège romain : l'organisation de l'Église de Bourges est en effet présentée par lui comme un prolongement de la mission des Sept, puisque le premier évêque berrichon, Ursinus, était l'un de leurs disciples44. C'est sans doute plus tardivement, étant donné le silence qu'il garde à ce sujet au livre I de YHistoria Francorum, que Grégoire a été informé des traditions saintongeaises qui attribuaient à un envoyé du pape Clément, Eutropius, la création de l'Église de Saintes : peut-être influencé par les légendes clémentines qui commençaient à se développer avec succès, il a recueilli dans le De Gloria Martyrum45 ce récit, avec une certaine réserve, mais sans essayer de l'harmoniser avec l'historique qu'il avait donné précédemment des premiers temps chrétiens de la Gaule.

Les liens personnels ou familiaux qui unissaient l'auteur à plusieurs de ces cités, Tours, Clermont, Limoges et Bourges46, expliquent

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sans doute que ce dernier ait été particulièrement bien informé des traditions de leurs Églises. Mais il faut remarquer surtout que toutes les villes nouvellement mentionnées, à l'exception de Paris, appartiennent au Centre-Ouest de la Gaule et plus précisément à cette région que les Wisigoths, rompant leur pacte avec les Romains, ont progressivement occupée dans la deuxième moitié du Ve siècle. Que des légendes aient, avant l'époque de Grégoire, accrédité dans plusieurs communautés, toutes situées dans un même secteur de la géographie politique, l'idée de leur origine apostolique n'est sans doute pas le seul fait du hasard. On doit présumer qu'ici les mêmes causes ont entraîné les mêmes effets que dans le milieu arlésien : la résistance morale à la domination imposée par les barbares hérétiques pouvait trouver sa force et sa justification dans l'affirmation que les évêques de ces cités étaient les gardiens de la vraie foi, celle que leur avaient transmise les envoyés de Rome, fondateurs de leurs Églises47. Il est impossible de savoir si ces légendes apostoliques sont nées dans le Centre-Ouest spontanément, indépendamment de toute influence des récits arlésiens auxquels elles auraient été par la suite combinées, ou si, au contraire, la légende provençale a servi de modèle, puis fourni le point de départ d'une amplification qui multipliait le nombre des envoyés de Rome et leur octroyait un champ d'action géographique beaucoup plus vaste. Qu'il y ait eu simple rencontre ou influence directe, le rôle du concile d'Agde48, pourrait bien avoir été déterminant : la réunion, en 506, d'évêques gaulois qui relevaient de l'autorité politique du roi wisigoth Alaric II, rassemblait en effet, autour de Césaire d'Arles et des prélats de Narbonnaise Première, c'est-à-dire de la région dans laquelle se circonscrit le récit

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du De Mysterio sancii Trinitatis, des représentants de l'Aquitaine Première, de l'Aquitaine Seconde et de la Lyonnaise Troisième, toutes provinces auxquelles appartiennent, à une exception près, les villes nouvellement mentionnées par Grégoire. Il n'est pas impossible qu'au lendemain du concile d'Agde, la légende, plus tard recueillie par l'historien, ait déjà commencé à prendre forme, tout en présentant encore quelques variantes. Quant au lieu précis où celle-ci fut élaborée, il faut se garder de toute conclusion trop catégorique : l'idée que le «document» (?) dont s'inspira l'auteur de X'Historia Francorum «pourrait être d'origine tourangelle», comme l'a supposé L. Levillain49, est une hypothèse séduisante mais qu'il est bien difficile de démontrer; le fait que dans le récit de Grégoire, «Tours ouvre la marche», ne constitue pas en soi une preuve : l'auteur a tout naturellement nommé en premier la cité dont il était l'évêque et l'historiographe. En revanche, la résistance opposée au début du VIe siècle par l'évêque de Tours Verus aux occupants wisigoths qui durent l'exiler50, l'intérêt que ce dernier manifesta depuis sa retraite forcée pour les séances du concile d'Agde auquel il avait délégué son diacre, Léon51, la position particulière de la ville aux confins des domaines franc et wisigoth 52, tout ceci constituait autant de conditions qui ont pu assurer l'accueil et le succès de la légende dans les milieux tourangeaux. Dans les récits assez flous qui commençaient à circuler à Tours, le nombre des Églises concernées n'était probablement pas encore fixé à sept. Parmi celles-ci, Vaison, qui figurait dans le texte de Césaire, a dû disparaître assez rapidement : d'une part, dans le cas de Daphnus, la supercherie trop grossière pouvait paraître gênante pour la vraisemblance du récit ; et surtout le nom de la petite cité provençale n'avait plus guère lieu de figurer, à partir du moment où l'on admettait que la mission, loin de concerner uniquement la région comprise dans l'horizon arlésien, répondait à un programme plus vaste

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d'évangélisation de la Gaule. La présence de Paris dans la liste donnée par l'Historia Francorum relève probablement d'une adjonction opérée à l'initiative de l'auteur : seule des villes mentionnées à ne pas avoir connu la domination wisigothique, Paris avait en revanche été élue, comme siège de son gouvernement, par Clovis; en accueillant les traditions parisiennes, élaborées récemment et indépendamment des autres traditions, pour les fondre dans la légende des compagnons de Saturnin, Grégoire pouvait rendre un discret hommage à la cité prédestinée au rôle de capitale du royaume catholique de Clovis53. C'est donc vraisemblablement Grégoire qui a fixé le nombre des membres de la mission à sept, un chiffre qu'il a sans doute retenu pour sa valeur symbolique. Au terme de cette analyse, une conclusion s'impose : on ne saurait accorder crédit à l'ensemble du récit de l'historien54 qui a recueilli et

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orchestré les échos d'une légende tardivement née et progressivement fabriquée à des fins bien précises. Cette constatation vaut en particulier dans le cas de Tours, où aucun indice ne révèle l'existence d'une communauté chrétienne organisée dès la deuxième moitié du IIIe siècle.

2) Une fondation d'époque constantinienne : Catianus ou Litorius ?

Si la fondation de l'Église tourangelle par un missionnaire venu de Rome, vers l'an 250, doit être regardée comme une pieuse fiction, du moins pourrait-on penser que le nom et la figure de Catianus ne sont pas mythiques : celui-ci aurait bien été le premier évêque de Tours, mais en d'autres temps; son règne episcopal, antidaté par la légende, devrait être situé, à considérer les dates de son successeur, dans les premières décennies du IVe siècle et plus précisément à l'époque où les décisions prises par Constantin et Licinius à Milan favorisaient la diffusion de la foi nouvelle dans des régions restées jusque là à l'écart de la mission évangélisatrice. C'est dans ce sens que s'orientent les conclusions de bon nombre d'historiens de l'Église des Gaules55. Mais l'existence de ce prédécesseur de Litorius est-elle attestée par des sources plus dignes de foi que la tradition légendaire? Deux témoignages peuvent être invoqués : tout d'abord celui de Sulpice Sévère qui fait une allusion aux prédécesseurs de Martin56. Le pluriel qu'il emploie paraît indiquer que Litorius, qui occupa le siège de Tours immédiatement avant Martin, était tout au plus le second évêque de la cité. De son côté, Grégoire rapporte que Martin s'était rendu sur la tombe de Catianus pour y prier et qu'il fit ensuite procéder à la translation du corps de son lointain prédécesseur dans la basilica Litorii57. Que ces épisodes soient authentiques ou non, ils attestent au moins qu'au VIe siècle, un

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monument funéraire — sinon deux — , perpétuant le souvenir du «premier» évêque, s'offrait à la vénération des fidèles58. À l'examen cependant ces indices paraissent de faible valeur : Sulpice Sévère qui mentionne les prédécesseurs de Martin sans préciser de noms, ne semble guère informé de l'histoire de la Tours pré-martinienne, à laquelle il ne porte visiblement aucun intérêt; le pluriel qu'il emploie pourrait bien couvrir une ignorance indifférente à tout ce qui n'était pas la personne de son héros. C'est d'ailleurs pour mieux mettre en valeur ce dernier qu'il évoque globalement ses prédécesseurs : ceux-ci, nous apprend-il, avaient toléré — ou passaient pour avoir toléré — le développement d'un culte autour d'un tombeau que les Tourangeaux tenaient pour celui d'un martyr et qui n'était en fait, comme Martin le révéla par un miracle, que la sépulture d'un brigand de grand chemin59. L'épisode en lui-même est significatif : il révèle en effet que, dès la fin du IVe siècle, on n'avait, à Tours même, qu'une connaissance très incertaine des origines chrétiennes de la cité; et cela non seulement chez les fidèles ignorants et crédules, mais dans le clergé lui-même dont les membres les plus âgés, interrogés par Martin au cours de son enquête préalable, s'étaient révélés incapables de fournir le moindre renseignement précis à ce sujet60. Un siècle ou un siècle et demi plus tard, l'imagination populaire a pu travailler, aussi bien, autour de la légende nouvelle qui plaçait aux origines de l'Église tourangelle l'arrivée d'un missionnaire romain : de là à «inventer» le tombeau de Catianus et à associer le souvenir de ce dernier à celui du plus prestigieux évêque de la cité, Martin, il n'y avait qu'un pas aisé à franchir.

Cependant, pour refuser de placer en tête de la liste episcopale de Tours le nom de Catianus, il faudrait pouvoir établir avec des arguments plus déterminants, que cet évêque n'a jamais existé. Les sources offrent, semble-t-il, les éléments d'une telle démonstration. Le plus décisif est apporté par le calendrier liturgique que l'évéque Perpetuus (458/9-488/9) rédigea pour son Église61 : au nombre des saints personnages qui ont les honneurs d'une fête précédée de vigiles, n'y figure

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point Catianus. On sait toutes les préventions que l'on peut nourrir à l'égard d'un argument a silentio. Mais dans un document de cette nature, la liste officielle — au demeurant fort courte — des saints honorés par l'Église de Tours62, l'absence du nom de Catianus ne peut s'expliquer par un simple oubli; elle ne peut relever non plus d'un choix arbitraire dans ses exclusives : certes à l'époque de Perpetuus, la légende n'était pas encore apparue qui devait prêter à Catianus les traits du missionnaire envoyé par Rome, du saint confesseur ayant témoigné pour la foi au mépris des périls de la persécution. Moins héroïque, la figure du pasteur qui, le premier, après la tourmente, aurait rassemblé et organisé le troupeau, était cependant digne de vénération. Si Catianus avait été tenu, peu après le milieu du Ve siècle, pour le fondateur de l'Église tourangelle, son anniversaire n'aurait pas manqué d'être introduit dans le cycle des fêtes solennelles de Tours, comme le fut celui de Litorius, dont les mérites ne paraissent pas avoir dépassé ceux d'un bon administrateur. On est bien tenté de conclure que Perpetuus n'a point inscrit son nom au calendrier de Tours, parce qu'il ignorait tout de l'existence d'un personnage qui n'était pas encore né à la légende; une légende dont, le premier, Grégoire s'est fait l'écho. Si l'on reprend maintenant le témoignage de l'historien pour s'attacher à ce qu'il nous apprend de l'épiscopat de Catianus, on cherche en vain dans le récit le moindre élément qui, mêlé aux faits légendaires, pourrait attester l'historicité du personnage, supposé contemporain de Constantin : rien, dans l'œuvre qui lui est prêtée, ne relève de l'activité d'un pasteur établissant, à la faveur du régime de tolérance nouvellement instauré, l'institution ecclesiale; nulle trace de son empreinte qui ait subsisté dans l'organisation matérielle ou la vie spirituelle de l'Église de Tours. Au contraire, les notices relatives à Catianus reflètent uniquement l'idée que l'on se forgeait, à l'époque de Grégoire, des origines chrétiennes dans les cités gauloises : pour Tours, comme pour Paris ou Clermont, ce sont les mêmes images stéréotypées, les mêmes «clichés» qui présentent une communauté de fidèles vivant en marge de la société païenne contemporaine, célébrant secrètement les saints mystères per cryptas et latibula; une communauté décimée par une persécution

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— celle de Dèce ou de Dioclétien? — qui aurait fait à Tours des martyrs aussi nombreux qu'anonymes, tout en épargnant son chef63. Bref, le tableau tracé par Grégoire révèle que ce dernier ne disposait au sujet de Catianus d'aucune autre donnée que la date qu'il croyait pouvoir attribuer à son arrivée à Tours et qui l'obligeait, pour combler la lacune chronologique ouverte jusqu'à l'avènement de Litorius, à faire durer cinquante années le premier règne episcopal et à imaginer ensuite une longue période de vacance64. Dans sa cohérence romanesque, le récit relatif à Catianus est une pure reconstitution : l'historien, en toute bonne foi certainement, a restitué ce qui, étant donné l'époque où il situait l'évêque, n'avait pu manquer de se produire. À considérer l'ensemble du dossier, force est bien de constater qu'il n'offre aucun indice de l'existence de Catianus. Tout se réduit en définitive à un nom, mentionné pour la première fois par Grégoire, en écho à une légende tardivement élaborée. Faut-il voir dans le Catianus de Tours un simple doublet de Cassianus d'Autun, comme on l'a proposé65? Comme toutes celles que l'on pourrait émettre en ce domaine, l'hypothèse n'est guère assurée. Quelle que soit sa provenance, le nom de Catianus ne saurait en tout cas être maintenu en tête de la liste episcopale de Tours.

Le premier évêque historiquement attesté à Tours est Litorius que nous présentent des sources dignes de foi. Leur témoignage permet en fait d'aller au-delà cette simple constatation, encore trop prudente et restrictive dans sa formulation. Les renseignements fournis au sujet du

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prédécesseur de Martin indiquent en effet, de façon concordante, que Litorius fut effectivement le premier évêque de la Civitas Turonorum, le fondateur de son Église. Le plus ancien document où figure son nom est le calendrier liturgique de Perpetuus : il atteste que, peu après le milieu du Ve siècle, Litorius était déjà honoré à Tours comme un saint dont on célébrait solennellement chaque année le Natale60 : un honneur qu'il partage uniquement avec deux autres évêques de la cité, ses successeurs Martin et Brice et dont se trouve exclu Eustochius, le prédécesseur immédiat de Perpetuus. Le calendrier rédigé par les soins de ce dernier nous donne donc indirectement le début de la liste episcopale, avec Litorius en tête. D'autre part, dans la notice qu'il consacre à celui-ci, Grégoire attribue à l'évêque une œuvre de bâtisseur, à laquelle les sources plus anciennes font également déjà allusion : d'une part, dans la cité même de Tours, l'édification de la première ecclesia, celle- là même, sans aucun doute, où Sulpice Sévère situe la consécration episcopale de Martin et quelques autres épisodes de son règne et où Perpetuus institue les vigiles de quatre grandes fêtes; d'autre part, l'aménagement, dans une domus du suburbium, d'une basilique funéraire où l'évêque fut enseveli, la basilica Litorii67, dans laquelle le calendrier de Perpetuus fixait déjà la célébration du Natale Litorii69. Il s'agit bien là des deux édifices du culte dont un premier évêque se soucie de doter la communauté qu'il a pour tâche d'organiser. Qu'il y ait eu quelques tourangeaux convertis au christianisme avant l'année 337/338 qui date, selon Grégoire, le début du règne de Litorius, cela est fort probable en cette période de diffusion de la foi nouvelle69 et même certain, s'il faut en croire l'auteur de YHistoria Francorum, qui affirme que le futur évêque était l'un d'entre eux70. Il ne s'en suit pas pour autant que

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ce groupe de fidèles encore peu nombreux ait constitué dès les premières décennies du IVe siècle une Église organisée et indépendante. À considérer ce que l'on sait de l'histoire du christianisme dans l'Ouest de la Gaule tout entier, on a toutes raisons, en effet, d'accepter la date de 337/338 comme celle de la création de l'évêché de Tours. Dans ces régions, avant la venue de Martin, bien peu de gens avaient entendu parler du Christ, comme le remarquaient l'évêque Eufronius de Tours et six de ses collègues, détenteurs de sièges voisins, dans une lettre adressée entre 567 et 573 à la reine Radegonde71. Quant à la hiérarchie episcopale, ce n'est que tardivement et de façon très lente qu'elle s'est organisée. Ainsi, dans le cadre de la province de Lyonnaise Seconde telle que la réforme de Dioclétien l'avait définie, seule Rouen, une ville importante qui devint alors métropole administrative de la nouvelle province, est sûrement dotée d'un siège episcopal avant 313; à Angers et à Nantes, toutes deux situées sur la Loire dans une position analogue à celle de Tours, ainsi qu'au Mans, la présence d'un évêque n'est pas historiquement attestée avant le milieu du IVe siècle. Partout ailleurs il faut attendre le Ve siècle, voire le siècle suivant, pour qu'apparaisse un siège episcopal72. Cet argument de vraisemblance, fourni par l'histoire

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comparée des cités voisines, s'ajoute à ceux que l'on peut tirer des sources tourangelles, pour convaincre que Litorius est bien le fondateur de l'Église de Tours.

III - Saint Martin à Tours

Le siège episcopal, que la mort de Litorius laissait vacant, se trouvait donc établi dans une cité d'importance médiocre et dont l'Église était dépourvue de traditions anciennes. On comprend que, dans ces conditions, les fidèles n'aient pas hésité à recourir à la ruse, puis à la force, pour placer à la tête de la communauté tourangelle un prélat qui pût lui apporter quelque illustration. Depuis le diocèse voisin de Poitiers, la renommée avait porté jusqu'à eux le nom d'un ascète, disciple du grand Hilaire, qui, peu de temps auparavant, avait, disait-on, manifesté sa puissance en ressuscitant deux morts73. C'est ce Martin qu'ils souhaitèrent aussitôt pour évêque. Les Tourangeaux lui adressèrent-ils une délégation qui se heurta à un refus ou, connaissant son goût pour la vie solitaire, reconcèrent-ils à solliciter son acceptation? Le récit de Sulpice Sévère n'est guère explicite sur ce point. Toujours est-il qu'on décida de procéder à un enlèvement. Afin de l'éloigner de sa retraite de Ligugé, un citoyen de Tours, un certain Rusticius, vint réclamer pour son épouse, soi-disant malade, l'assistance de Martin. Le solitaire compatissant le suivit sans défiance et tomba dans un guet-apens préparé sur la route : on se saisit de sa personne, on le conduisit sous bonne garde jusqu'à Tours où les électeurs, déjà réunis, l'acclamèrent évêque,

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sans se soucier d'obtenir son consentement74. Pour cette foule enthousiaste, la fin justifiait de tels moyens : « Martin est le plus digne de l'épiscopat, heureuse sera l'Église qui aura un tel évêque!»75. Dans ce sentiment unanime — ou presque — dont Sulpice Sévère s'est fait l'écho, se mêlaient le pieux désir de bénéficier de l'enseignement et de l'active virtus d'un saint pasteur, et aussi, sans doute, l'ambition plus profane d'installer sur le siège episcopal un personnage dont le prestige personnel rejaillirait sur l'Église et la cité de Tours. L'épiscopat de Martin a-t-il répondu totalement à cette attente? ou n'a-t-il pas, en partie au moins, justifié les préventions de ceux qui, en petit nombre, — tels quelques-uns des évêques appelés à la consécration76 — jugeaient l'ascète, sur sa mine piteuse, indigne de la chaire episcopale et tentèrent en vain de s'opposer à la volonté populaire?77

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Avant d'essayer de donner une réponse à cette question, il paraît nécessaire de préciser la direction, les méthodes et les limites de l'enquête qu'elle engage. Celle-ci ne saurait consister en une nouvelle étude ambitieusement consacrée à Martin; il s'agit ici, en privilégiant un seul aspect de la personnalité et de l'action du saint homme, celles de l'évê- que, de considérer cet épiscopat du point de vue de Tours, afin de mesurer son rôle dans le développement historique de la cité et de son Église78. Une telle entreprise présente cependant bien des difficultés. Celles-ci tiennent tout d'abord, de façon générale, au caractère de l'œuvre de Sulpice Sévère. Composée par un disciple fervent, la biographie de Martin se présente en effet comme un panégyrique en l'honneur d'un Maître tenu par l'auteur pour un vir sanctissimus, l'égal par sa virtus miraculeuse, des Apôtres et des Prophètes et, d'autre part, comme un réquisitoire dressé contre les adversaires de l'ascète. Dans quelle mesure l'historien peut-il accorder crédit à un tel témoignage? Sur ce dernier, la critique, tôt éveillée, avait abouti avec le Saint Martin d'E.- Ch. Babut, paru en 1912, à une mise en question totale de la valeur historique de la Vita, «anthologie de faits merveilleux, de provenances diverses» que Sulpice «a mis arbitrairement au compte de son personnage»79. Mais la thèse de l'imposture du biographe et de la médiocrité de son héros, développée avec un esprit de système et une passion qui ont nui à l'objectivité de l'étude, n'a pu être soutenue qu'à grand renfort d'interprétations audacieuses du texte et de déductions fragiles. Après les mémoires de H. Delehaye et de C. Jullian80 qui constituaient

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une première réplique à une théorie fracassante mais outrancière, les récents travaux de J. Fontaine ont, dans une atmosphère de sérénité scientifique retrouvée, apporté au problème une réponse à la fois nuancée et positive. En dégageant les écrits du biographe de la gangue des lectures et des interprétations partisanes, en les passant au crible d'une «critique raisonnée et tempérée», en les éclairant enfin à la lumière d'une connaissance très sûre du milieu dans lequel ils furent élaborés, le dernier commentateur de la Vita Martini est parvenu à une conclusion solidement étayée qui rend assurance à la démarche de l'historien : quelle que soit dans les récits de miracles recueillis par Sulpice Sévère, la part de la transposition ou de l'affabulation imputable aux témoins auxquels il fit appel, celle de la stylisation littéraire apportée par l'écrivain lui-même, ces épisodes recèlent tous, à des degrés divers, un «noyau historique», souvent «considérable»81. Au-delà même des résultats acquis par l'analyse de la Vita et des trois Lettres qui la complètent, la méthode d'investigation, élaborée à partir d'une problématique complètement renouvelée, peut, d'une façon plus générale, guider l'enquête historique82.

La geste martinienne composée par le biographe offre donc à l'historien la possibilité de discerner les objectifs poursuivis par Martin durant son épiscopat, certaines des méthodes — toutes naturelles — auxquelles il recourut et quelques-uns des résultats qui couronnèrent ses efforts. Il faut ajouter qu'en ce domaine l'apport de Sulpice Sévère ne se résume pas totalement au récit des hauts faits martiniens non plus qu'au portrait officiel qu'il a tracé de son héros (Vita M., 25-26). Une incidente au détour d'une phrase de la Vita, au fil des Dialogues, un propos apparemment anodin nous laissent entrevoir, sans apprêt solennel, les faits et gestes de Martin dans son existence quotidienne, les thèmes de sa conversion familière, ses relations avec son proche entourage83, permettant de restituer plus concrètement la personnalité complexe et l'activité de l'évêque.

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II reste cependant que la conception qui a présidé à la rédaction de l'œuvre et lui a imposé les grandes lignes de son organisation limite aussi le champ de l'investigation. Tout d'abord, malgré la qualité d'his- toricus que reconnaissait Paulin de Noie à son ami84, la Vita Martini n'est pas une biographie vraiment historique : la rareté des repères datés, dans une composition qui regroupe le plus souvent les épisodes par thèmes et non par périodes, la volonté dé l'auteur de mettre en valeur la constance de son héros, tout ceci permet difficilement de retracer une évolution dans le règne episcopal, encore moins d'établir la chronologie de la plupart des événements qui le marquèrent85. D'autre part, les œuvres de Sulpice Sévère ne constituent pas non plus à proprement parler une biographie episcopale. Pour qu'il réponde exactement à cette définition, il manque au récit une dimension qui insère plus profondément la vie de l'évêque dans le contexte local où s'est déroulée son activité86. L'attention du biographe est en fait presque exclusivement concentrée sur la personne du saint qui s'est illustré à Tours dans l'épiscopat, ou plutôt, malgré la lourde charge episcopale, comme il aurait pu le faire en d'autres temps et d'autres lieux. Son admiration va au héros chrétien universel dont la mission, à ses yeux, se situe dans un cadre beaucoup plus vaste que les étroites limites du diocèse tourangeau. Ce point de vue de l'écrivain, autant que sa qualité d'étranger, explique qu'il ait concédé dans la Vita une place fort modeste à la cité de Tours et à sa communauté qui trouvent, il est vrai, un porte-parole un peu plus éloquent dans les Dialogues, en la personne du moine Gallus87. Au total, on doit constater qu'à l'exception du monastè-

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re de Marmoutier assez longuement décrit, le cadre géographique est à peine esquissé : dans la campagne, sur les chemins empruntés par Martin, se silhouettent quelques villages, dont trois seulement sont nommément cités88; quant au décor urbain, il est presque inexistant89. De la foule anonyme des habitants n'émergent que quelques figures de proches disciples90, cités plus souvent d'ailleurs comme témoins que comme acteurs. Au total, le témoignage de Sulpice Sévère ne livre qu'un nombre d'informations limité sur la civitas Turonorum à l'époque de Martin. Or, en ce domaine, l'apport de Grégoire, si précieux par ailleurs pour la chronologie, se révèle bien décevant. Lorsqu'il ne se borne pas à résumer l'œuvre de Sulpice, l'historien accueille surtout dans son récit les développements récents de la légende martinienne91. L'aura de merveilleux, dont les disciples proches entouraient déjà leur maître,

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s'est en effet rapidement amplifiée. Au cours des deux premiers siècles qui suivirent la mort du saint, la biographie de ce dernier s'est enrichie, comme en témoignent plusieurs chapitres de Grégoire, de quelques épisodes nouveaux, certainement dépourvus de toute authenticité92. De telles affabulations peuvent être écartées sans peine. Mais on risque de se garder moins facilement d'une influence plus insidieuse de la légende : lors même qu'ils suivent de très près le biographe dans la relation des faits, les poètes, qui mettent ses œuvres en vers — Paulin de Périgueux au Ve siècle, Fortunat au siècle suivant93 — , et l'historien Grégoire, qui en rappelle les grandes lignes, diffusent une image de la réalité déjà en partie déformée par la perspective du temps. Sans qu'ils en soient conscients, ces écrivains ont tendance à créditer Tours au temps de l'épisco- pat de Martin — devenu le parangon des vertus épiscopales — de tout le prestige que la gloire posthume de l'apôtre lui valut par la suite. Ce faisant, ils apportent un témoignage sur la manière dont on se représenta a posteriori le rôle de Martin à Tours, mais non pas sur le rôle effectivement joué par ce dernier dans la vie de la cité episcopale94.

L'orientation de l'enquête, les conditions dans lesquelles elle peut être menée ayant été ainsi définies, c'est en toute clarté que l'on peut reposer la question : dans quelle mesure l'épiscopat de Martin a-t-il contribué à donner, dans l'immédiat, à l'Église et à la ville de Tours l'essor et le prestige que la majorité des électeurs attendait de son installation à la tête de leur communauté?

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1) Une conception très personnelle de la charge épiscopale

En premier lieu il convient d'essayer de déterminer, au travers des confidences arrachées par Sulpice Sévère à son héros95, la conception personnelle que Martin se faisait de sa fonction episcopale, puisque cette idée a modelé son attitude et orienté son action.

Dignitas sacerdotalis

Que Martin ait préféré la profession monastique à la charge episcopale ressort à l'évidence du témoignage du biographe. L'idéal ascétique du moine répondait aux aspirations et aux exigences les plus profondes de sa personnalité : en s'établissant dans le petit ermitage proche de Poitiers, Martin avait enfin pu satisfaire une vocation tôt éveillée et longtemps contrariée ou déçue96. Bien plus, l'existence menée par les solitaires, «libres de toute entrave, sans autre témoin que le ciel et les anges»97, était à ses yeux le genre de vie le plus parfait. En revanche, la charge episcopale, parce qu'elle oblige son détenteur à vivre «au milieu de la société des hommes. . ., au milieu des scandales»98, constituait, de son point de vue, une sorte de handicap dans la course que mène l'athlète chrétien pour mériter la couronne de justice. Mais, soldat discipliné de ce qui était pour lui une nouvelle militia, l'armée du Christ, Martin, sans chercher à se dérober aux responsabilités épiscopales qui lui étaient imposées contre son gré, a accepté de combattre dans la «position défavorable» qui lui était assignée99. Dès lors, il a ass\imé ses nouvelles fonctions avec la pleine conscience de la sacerdotalis digni-

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tas 10°. Nul doute en effet que le nouvel élu n'ait eu, quelles que fussent ses préférences personnelles, la plus haute idée de la mission dont il était investi; aucun épisode ne le révèle mieux que le récit du festin chez Maxime : Martin, on le sait, après avoir bu le premier à la coupe que lui offrait l'Empereur, tendit celle-ci au prêtre qui l'accompagnait au lieu de la passer à son auguste amphitryon101. En donnant à Maxime cette leçon de préséance, face au troupeau des évêques courtisans avilis jusqu'à n'être plus que les clients du prince102, il souhaitait évidemment affirmer l'éminente supériorité du sacerdoce.

Dans la pensée de Martin cette dignité du sacerdos summus n'était pas incompatible avec l'humilité qui sied au moine. «Il remplissait, écrit Sulpice Sévère, les fonctions épiscopales plein d'autorité et de prestige, sans déserter pour autant sa profession ni ses vertus monastiques»103. En s'ef forçant de conserver, dans l'exercice des responsabilités épiscopales, la fidélité à la vocation ascétique du moine, Martin ne tentait pas de réaliser un compromis boiteux entre ses propres aspirations et les devoirs imposés par sa nouvelle charge. En fait à Ligugé déjà, la spiritualité de l'ascète était «dominée par des préoccupations d'ordre apostolique et pastoral»104. Inversement l'idée même qu'il se faisait de la majesté du sacerdoce lui inspirait une conscience encore plus aiguë de sa propre indignité et lui imposait, comme plus nécessaire que jamais, la pratique de l'humilité, vertu monastique par excellence 105. Si tels étaient bien les sentiments et les intentions de Martin — et

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rien ne permet sur ce point de mettre en doute le témoignage de Sulpi- ce Sévère — on peut, en revanche, se demander si la réussite de ce programme fut bien aussi totale que l'affirme le biographe. Être tout à la fois évêque et moine, n'était-ce pas là une gageure impossible à tenir? L'humilité et la patience du moine n'ont-elles pas porté quelque atteinte au prestige et à l'autorité de l'évêque?

L'humilité persévérante de Martin se traduit tout d'abord par un refus systématique de tout l'appareil qui entoure souvent, à son époque, la personne et la vie d'un dignitaire de l'Église, des insignes et des honneurs qui le distinguent du commun : vaines apparences dont la véritable dignité episcopale, au jugement de Martin, n'a que faire, «Même pauvreté dans le vêtement», note tout d'abord son biographe106: Martin demeure cet homme «à la mine pitoyable, aux vêtements sales, aux cheveux en désordre» que quelques-uns des prélats appelés à le consacrer jugèrent «méprisable» et «indigne de l'épiscopat»107. Devenu évêque, il n'adopte pas, tels certains de ses contemporains promus à la cléricature que Sulpice Sévère dépeint gonflés de vanité, les «étoffes souples», les riches habits, «épais byrrus» ou «lacerne flottante»108; mais il continue à s'envelopper d'un vêtement grossier, «un pallium noir à poils rudes»109. Même pauvreté, pourrait-on ajouter, dans sa

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demeure : Martin ne s'installe point dans une domus ecclesiae, une de ces demeures épiscopales aux multiples pièces luxueusement décorées et meublées, pourvues de « hauts plafonds lambrissés » que décrit Postu- mianus dans les Dialogues110 ', après s'être d'abord contenté d'un simple local attenant à Y ecclesia111 , il s'établit bientôt dans une cellule en bois cachée dans la solitude de Marmoutier112. Pour tout mobilier, un unique tabouret, la rude couche que constitue une banquette ou le sol nu recouvert d'un cilice113 et, seule concession au confort, un petit brasero114. Point d'apparat non plus dans le déroulement quotidien de son existence : nul serviteur à ses côtés pour lui épargner les tâches matérielles115; Martin partage avec les frères la frugale nourriture du mo-

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nasière116 et refuse de recevoir à sa table les visiteurs de haut rang — par exemple le préfet Vincentius — , de crainte que leur présence n'éveille en lui la vanité117. Dans ses déplacements, loin de se «faire traîner par des chevaux écumants », tels les clercs raillés dans les Dialogues118, il a coutume d'aller à pied, de monter un âne ou d'emprunter une simple barque ; point de cortège : il chemine en devisant familièrement avec ses disciples119 ou en laissant ceux-ci s'attarder derrière lui120. À l'église même, dans la sacristie où il se recueille avant le service divin ou dans le sanctuaire pendant l'office, il se refuse à siéger dans la chaire episcopale, trop semblable à un trône et lui préfère un rustique tabouret à trois pieds, de ceux que l'on réserve d'ordinaire aux esclaves121. En somme, Martin, convaincu que l'habit ne fait pas l'évê-

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que, n'a jamais consenti à revêtir sur la scène sociale le personnage du dignitaire ecclésiastique : attitude admirable pour les fervents de l'ascétisme, mais qui n'était guère faite pour rehausser son prestige aux yeux de tous ceux qui, sensibles aux convenances mondaines, mesuraient bien souvent la grandeur d'un évêque à la longueur des franges de son habit122.

Mais ce refus des apparences du pouvoir ne va-t-il pas jusqu'à un refus du pouvoir lui-même? En maintes circonstances, dans ses rapports avec des laïcs et surtout avec les membres de son clergé, Martin démontre sa répugnance à faire acte d'autorité, supportant, sans mot dire, les offenses personnelles et même parfois les manquements à la discipline ecclesiale. Une telle attitude était-elle compatible avec l'exercice de la charge episcopale? Que Martin, vaincu sur son propre terrain, ait accepté, comme un leçon d'austérité, le refus opposé à sa visite pastorale par une vierge recluse123, qu'il ait pardonné aux soldats du fisc qui, faute de l'avoir reconnu sous ses humbles habits, l'avaient battu de verges 124, ce sont là des blessures qui n'atteignaient que sa propre personne. Il est plus inquiétant de voir l'évêque, dans l'exercice de sa charge, se laisser «outrager impunément par les derniers des clercs»; «jamais, ajoute le biographe, il ne les destitua pour cela de leurs fonctions ou ne les écarta de son affection»125. Passe encore que Martin ait supporté «sans nullement s'en émouvoir» l'attitude irrespectueuse de l'archidiacre : un jour, ce clerc avait omis d'obéir à l'ordre donné par l'évêque de vêtir un pauvre transi de froid; pris en défaut, «il s'excusa de sa négligence, alléguant que le pauvre avait disparu»; aux injonctions renouvelées de Martin, il finit par obtempérer et «tout en colère» vint jeter à ses pieds un vêtement acheté dans une boutique voisine. Il

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ignorait qu'entre-temps Martin avait secrètement donné sa propre tunique au mendiant et avait congédié celui-ci. Dans ces conditions, il ne pouvait comprendre — d'où son mouvement d'humeur — l'insistance de l'évêque, «faisant allusion à lui-même», à réclamer un vêtement pour le pauvre126. Mais les terribles invectives vomies impunément par le prêtre Brice mettaient en cause directement la légitimité de l'autorité episcopale: «Martin, clamait-il, s'était souillé des ignominies de la vie militaire, et maintenant, tombé dans les vaines superstitions, dupe des ridicules fantasmagories de ses prétendues visions, il vieillissait au milieu d'extravagances séniles»127. Toujours enclin à excuser le prêtre qu'il avait, tout jeune, recueilli à Marmoutier 128 et à mettre sa fureur sur le compte d'une possession démoniaque temporaire129, Martin préféra pardonner plutôt que de «paraître venger des injures personnelles»130. Il y a plus sérieux encore: Sulpice Sévère conclut le chapitre consacré aux «démons» de Brice en remarquant incidemment que celui-ci fut souvent accusé de grands méfaits (magnis criminibus). Mais, ajoute-t-il, on ne put décider l'évêque à déposer ce prêtre131. Il ne s'agit plus ici d'écarts de langage, ni même du penchant de Brice à l'orgueil et à la colère, mais de fautes assez graves pour être passibles d'une exclusion de la cléricature : quelques allusions faites par l'écrivain laissent entendre que, parmi les accusations portées contre Brice, figurait celle de mœurs peu recommandables132. Le pardon accordé pour des fautes graves et répétées à un prêtre que Martin, malgré sa bonté, n'hé-

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sitait pas, s'il faut en croire l'auteur de la Vita, à comparer à Judas133, peut paraître relever d'une indulgence coupable, d'une véritable fuite devant les responsabilités.

E.-Ch. Babut, dans son réquisitoire, n'a pas manqué de relever tous ces faits et d'en conclure que l'évêque n'avait joui d'aucune autorité sur un clergé prompt à le bafouer en toute occasion et qu'à la fin de sa vie, il avait même totalement abdiqué devant lui134. Autrement dit, Sulpice Sévère aurait présenté comme une humiliation volontairement consentie ce qui n'était qu'une incurable faiblesse de caractère chez son héros.

Le récit du biographe suggère un jugement plus nuancé. Il faut se garder tout d'abord de tirer d'un petit nombre d'épisodes des conclusions générales. Il n'est nullement étonnant, comme l'a fait justement remarquer J. Fontaine135, qu'en un peu plus d'un quart de siècle, quelques graves altercations se soient élevées entre un évêque et certains des membres de son clergé. La fermeté dont le saint fit preuve à plusieurs reprises en tenant tête aux autorités établies, empereurs, hauts fonctionnaires civils ou évêques bien en cour, l'estime que lui témoignèrent Hilaire de Poitiers et quelques autres prélats, le respect dont l'entouraient plusieurs représentants éminents de l'aristocratie sénatoriale136, tout ceci n'est guère compatible avec le portrait de l'évêque falot et universellement contesté qu'a prétendu tracer Babut. D'ailleurs, dans ses rapports avec son propre clergé, Martin se révèle en fait, en maintes occasions, fort capable d'assurer une direction très ferme. Les entretiens qu'il accorde à Marmoutier ou les tournées pastorales qui le conduisent souvent sur les routes du diocèse137 le montrent attentif à exercer sa surveillance sur les clercs et les moines et à pratiquer envers

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les fautifs le devoir de correction fraternelle. De passage dans le vicus Ambiatencis, Martin reproche vivement au prêtre Marcellus de ne pas avoir détruit, suivant ses ordres, le sanctuaire païen en forme de tour qui s'y dressait138; à Candes où la mésentente régnait entre les clercs, son arrivée suffit à rétablir la paix139. À l'insolente attitude de l'archidiacre, s'oppose le fervent respect dont témoignent, dans les Dialogues, plusieurs prêtres ou diacres ayant appartenu, semble-t-il, au presbyte- rium de Tours — le diacre Aurelius, les prêtres Arpagius, Clarus, Euse- bius, Evagrius et Ref rigerius 140 — ; l'insubordination de l'irascible Bri- ce, dont le biographe — par suite de l'antipathie qu'il lui portait — a peut-être grossi les fautes141, ne doit pas faire oublier le fidèle attachement à leur maître du moine Clarus, ni celui du frère Victor qui se déclarait «fils de Martin dans le baptême»142. Car autant que sur les clercs, l'ascendant de l'évêque s'exerce sur les moines : auprès d'un ancien soldat devenu ermite, il se révèle un admirable directeur de conscience, réussissant à ramener à la raison le solitaire qui s'était mis en tête de reprendre — chastement, prétendait-il — la vie commune avec son épouse, entrée elle aussi en religion 143. Quant aux moniales de Claudiomagus, leur dévotion à la personne de Martin ne peut être mise en doute : c'est un véritable culte qu'elles vouent déjà de son vivant au saint, recueillant comme des reliques tout ce qu'il a touché144. À Mar- moutier même enfin, Martin dirige sans la moindre faiblesse la communauté rassemblée autour de lui : il fait éclater l'imposture du moine Anatole qui se prétendait visité par les anges et se donnait pour un prophète 145 ; un autre jour, il rappelle avec sévérité un frère à une attitude plus chaste146; à tous il impose une rude obéissance à la règle de pauvreté que commande le choix d'une vie ascétique : sa décision de consacrer les cent livres d'argent, que lui apportait l'ancien vicaire Lycon- tius, au rachat des captifs fait-elle naître quelques murmures parmi les

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frères qui ont «à peine de quoi manger» et manquent de vêtements, d'un mot il les fait taire : «C'est à l'Église de nous nourrir et de nous vêtir; nous ne devons rien amasser pour nos besoins»147. Au reste l'afflux de disciples de noble origine 148 qui se plient à cette existence d'austérité et de mortification est bien le signe de l'autorité dont jouit Martin sur ceux-là mêmes que leur naissance et leur éducation, en les habituant au luxe et à l'indépendance, préparaient le moins à obéir.

Comment expliquer dans ces conditions l'évidente contradiction entre cette autorité qui émane naturellement de Martin et la faiblesse que semble dénoter son attitude en quelques circonstances. On ne peut résoudre le problème en le posant en ces termes, bien étrangers à la pensée de Martin. L'auctoritas, telle qu'il la concevait, doit s'entendre au sens originel du terme: ce n'est pas un pouvoir de coercition fondé en droit sur la position qu'il occupe dans la hiérarchie ecclésiastique, mais un ascendant de nature toute morale. Encore faut-il préciser qu'incarnée en la personne de Martin, la notion antique d'auctoritas se trouve profondément christianisée : si les disciples et les admirateurs du saint sont souvent subjugués par la supériorité sprirituelle que manifeste sa virtus, c'est tout au contraire la conscience de son indignité et la pratique de l'humilité qui, aux yeux du saint, peuvent lui mériter d'être le guide du peuple de Dieu. Nulle idée n'était en effet plus étrangère à la pensée de Martin que celle d'un salut assuré à une petite minorité de justes — dont il aurait fait partie — auxquels leur vie exemplaire donnerait autorité sur le commun des pécheurs. Dans sa pensée, comme en témoignent les confidences recueillies par le biographe, l'ascète qui se mortifie avec constance et le pécheur le plus endurci sont également indignes et ne peuvent espérer être sauvés que par l'infinie miséricorde de Dieu accessible à leur repentir. Comment un homme, fût-il évêque, pourrait-il s'arroger le droit de condamner ceux que Dieu peut absoudre? Au reproche qui lui était fait — le biographe prête ici au diable en personne les accusations émanant sans doute des ennemis de l'ascète — «d'avoir reçu dans le monastère, après leur conversion, quelques frères qui jadis avaient perdu la grâce de leur baptême par diverses erreurs», Martin répondait «que les fautes anciennes

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étaient effacées par une meilleure conduite et que, par la miséricorde du Seigneur, il fallait absoudre les péchés de ceux qui avaient cessé de pécher»149. Le pardon des offenses ou des fautes, que pratique Martin, ne manifeste pas la faiblesse de son caractère, mais l'humilité d'une foi indéfectible en Dieu; une humilité qui a valeur d'exemple pour ramener à une obéissance, consentie par le cœur et non imposée de l'extérieur, ceux qui ont enfreint dans leur orgueil les lois de Dieu et de l'Église. C'est en s'humiliant lui-même que Martin entendait conquérir les âmes et c'est ainsi qu'il est devenu pour de nombreux disciples un guide spirituel. Cependant les humiliations consenties, si elles grandissaient l'évêque aux yeux d'une élite gagnée à son propre idéal d'ascétisme et de renoncement, risquaient fort, dans l'esprit de chrétiens plus tièdes ou plus conformistes, de porter atteinte à son prestige personnel et à celui de l'Église dont il était le chef.

2) L'édification de la cité de Dieu

Aussi n'est-ce pas par le vain éclat d'une dignité empruntée aux apparences du pouvoir, mais dans l'accomplissement même des fonctions épiscopales que Martin, nous assure le biographe, conquit «autorité et prestige»150. Il n'est certes pas douteux que Martin ait été, pour le troupeau qui lui était confié, un excellent pasteur.

Martin missionnaire

Son zèle s'est d'abord et avant tout consacré, au service de la mission, à répandre dans les campagnes tourangelles la Bonne Nouvelle. En effet, si les habitants de la ville de Tours étaient, semble-t-il, en grande majorité convertis au christianisme lorsqu'arriva Martin151, en revanche les paysans, alentour, restaient presque tous acquis au paganisme : « avant Martin, fort peu de gens et même presque personne n'avait reçu dans ce pays le nom du Christ», remarque Sulpice Sévère152, qui évoque, à maintes reprises dans son récit, les villageois atta-

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chés à leurs superstitions, les temples et les idoles encore debout, les cérémonies funéraires et les sacrifices païens toujours vivaces153. L'écrivain, pour illustrer l'activité de l'apôtre dans le diocèse de Tours, a choisi de rapporter quatre épisodes particulièrement spectaculaires de la lutte menée contre l'idolâtrie; on y voit Martin s'employer, avec toute la combativité du soldat et l'ardeur du miles Christi, à faire disparaître les monuments du paganisme : dans un premier bourg il détruit un temple «fort ancien» et, relevant le défi des habitants, peut-être adeptes de Cybèle, il obtient que ceux-ci abattent eux-mêmes un pin sacré, en acceptant de se laisser attacher «à l'endroit où personne ne doutait que l'arbre dût tomber». Les lois de la pesanteur sont miraculeusement contrariées par le «signe du salut» que leur oppose l'évêque; celui-ci, en échappant à une mort qui paraissait inéluctable, démontre la supériorité de son Dieu sur l'idole démoniaque154. Ailleurs, c'est par la flamme d'un incendie obéissant à sa volonté que Martin rase un sanctuaire païen très fréquenté, tout en épargnant une maison attenant à l'édifice155. À Amboise, où le culte chrétien était déjà installé, un orage, déchaîné à la prière de Martin, renverse une tour consacrée à un

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faux dieu156; en un autre village, une colonne surmontée d'une idole est abattue et réduite en poussière par une «sorte de colonne à peu près de même dimension tombée du ciel»157. La première de ces démonstrations de puissance est suivie d'une conversion en masse des païens qui en sont les spectateurs; un phénomène qui se produit également, dans des circonstances analogues, dans le Berry voisin, au village de Le- vroux, où Martin, avec l'assistance de «deux anges armés de lances et de boucliers», renverse un temple, ses autels et ses statues158.

La critique historique a eu beau jeu à s'exercer sur ces récits, où le merveilleux intervient dans le combat engagé contre l'idolâtrie comme dans le triomphe remporté par la foi nouvelle. E.-Ch. Babut les considérait comme de pures fictions littéraires qui, écrit-il, «ne viennent pas de la tradition de Marmoutier, mais de la bibliothèque de Sulpice»159. Sur ce point encore, on ne peut que se rallier aux conclusions plus mesurées que tire J. Fontaine d'une analyse aussi minutieuse que perspicace de la Vita Martini : «L'historicité intégrale de ces récits à demi-merveilleux paraît. . . aussi malaisée à défendre que leur réduction à de pieux contes dont les sources seraient presque uniquement livresques»160. Dans ces différents épisodes, l'explication, qui fait intervenir à la prière de Martin les puissances célestes, résulte probablement d'une «triple métamorphose»161 opérée autour des faits réellement advenus: tout d'abord dans l'imagination des assistants, accoutumés par le paganisme ancestral à considérer les éléments naturels comme des êtres divins, la chute d'un pin suivant une trajectoire inattendue, la brusque saute des vents qui arrête la progression d'un incendie, le déchaînement d'un orage ont pu être interprétés comme des manifestations d'un pouvoir

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surnaturel assurant à Martin le triomphe sur les idoles païennes. Sur ces traditions, recueillies par les compagnons de Martin dans ses voyages missionnaires, se sont ensuite cristallisés, dans le milieu de Mar- moutier, «des souvenirs bibliques et ascétiques propres à la culture particulière du monachisme gallo-romain primitif» : dans l'aura dont s'entoure sa mémoire, Martin apparaît à ses disciples supérieur aux plus fameux anachorètes de l'Orient, l'égal des Apôtres «par les œuvres de sa puissance miraculeuse». Enfin le biographe a prêté son talent et sa culture littéraire pour donner à la lutte de l'évêque contre le paganisme rural les dimensions merveilleuses de l'épopée.

Cependant, au travers de la transmutation que l'imagination populaire, la légende monastique et l'art de Sulpice leur ont fait subir, quelques faits bruts peuvent être reconnus dans leur historicité. La destruction des sanctuaires païens par des procédés expéditif s — dont l'efficacité ne devait sans doute rien au surnaturel — s'accorde, sinon toujours avec les témoignages offerts par l'archéologie162, du moins avec les orientations de la législation impériale à partir des années 379-381 : les villageois tourangeaux, que l'on voit assidus à célébrer avec leurs prêtres les rites du paganisme, tombent sous le coup des constitutions impériales qui interdisent de pratiquer les sacrifices et de fréquenter les temples. Certes, la législation s'efforce de préserver les édifices eux- mêmes. Mais les exemples ne manquent pas de magistrats zélés qui, outrepassant les ordres, abattent les statues et les autels des idoles163.

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C'est dans cette atmosphère de combat mené pour extirper le paganisme que se situent les entreprises iconoclastes de Martin. Ce dernier ne semble pas avoir sollicité, pour renverser les temples, l'aide directe d'une main d'œuvre militaire dont l'intervention, si l'on s'en rapporte aux propos du prêtre d'Amboise Marcellus, était parfois requise en pareil cas164. Du moins, a-t-il pu bénéficier, sans l'avoir sans doute demandé, d'un certain appui de la force publique, dont la présence tenait en respect la foule païenne ou dont l'arrivée inopinée arrêtait un début de résistance. Dans l'épisode de Levroux, les anges en tenue de combat qui, envoyés a Domino, se présentent instar milittae caelestis, sont peut-être, comme le suggère J. Fontaine, des «protectores dépêchés par un fonctionnaire pour rétablir l'ordre et protéger la personne de l'évêque»165. Quant aux progrès de la conquête chrétienne dans le diocèse de Tours dont témoigne Sulpice Sévère, ils s'insèrent dans le vaste mouvement de conversions qui, après 360, se développe dans toute la Gaule166. Il est évidemment beaucoup plus difficile de mesurer l'ampleur exacte des résultats alors obtenus en Touraine. Si l'adhésion immédiate et enthousiaste de toute une communauté villageoise à la foi chrétienne n'est pas totalement invraisemblable, c'est là du moins certainement un fait très exceptionnel. D'ailleurs, la Vita Martini, tout en donnant la vedette à des conversions obtenues de façon aussi rapide et spectaculaire, laisse deviner le lent et patient travail dont procédait d'ordinaire l'évangélisation des campagnes entreprise par l'apôtre. À propos d'un épisode situé en pays éduen, Sulpice Sévère reconnaît que

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le plus souvent — plerumque — les victoires remportées par Martin n'étaient pas acquises grâce à l'intervention foudroyante du miracle, mais par une «sainte prédication» dont les effets étaient sans doute moins immédiats167. L'emploi conjugué de la force pour détruire les temples et de la persuasion pour gagner les âmes pouvait ébranler les païens dans leurs convictions. Il restait ensuite à assurer la pénétration en profondeur de la nouvelle religion. Martin ne l'ignorait pas, qui avait mis au point une véritable technique d'occupation du terrain : «Là où il avait détruit des sanctuaires païens, il construisait aussitôt des églises ou des ermitages»168. Évitant de bouleverser les habitudes acquises par des siècles de paganisme, il canalisait celles-ci au profit de la vraie foi dont le maintien et la diffusion étaient assurés par la présence d'ermites ou de moines, placés au service d'une «colonisation spirituelle des campagnes»169. Ces petits ermitages, sans doute aussi des chapelles privées fondées sur leurs domaines par de grands propriétaires chrétiens, tel Evanthius 170, autant que les six églises rurales élevées, au témoignage de Grégoire171, par Martin, ont donc constitué un premier

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quadrillage dans l'occupation chrétienne du territoire tourangeau. Certes, on ne peut se fier au tableau trop idyllique que trace Sulpice Sévère de la situation à la fin de l'épiscopat de Martin : à en croire le biographe, il ne se trouvait plus alors «un seul endroit qui ne soit rempli d'églises ou d'ermitages en très grand nombre»172; et le récit des funérailles de l'évêque laisse entendre que les habitants des bourgs et des campagnes, qui «y assistèrent sans exception», avaient tous été convertis par le pasteur dont ils portaient le deuil173. Il est bien certain qu'en rédigeant ces bulletins de victoire, l'écrivain s'est, une fois encore, laissé emporter par son zèle de panégyriste. Il restait, après la disparition de Martin, encore beaucoup à faire pour l'évangélisation du diocèse de Tours comme en témoignent les efforts répétés que durent déployer ses successeurs. Mais, en ce domaine, Martin a montré la voie et préparé le terrain.

Martin medicus et doctor

De la jeune communauté tourangelle ainsi grossie par son apostolat, Martin s'est efforcé en même temps de faire un foyer de vie chrétienne plus ardent. Homme d'action, c'est avant tout d'exemple qu'il prêche : exemple d'une existence vouée à la prière et à l'ascèse et surtout d'une charité toujours prompte à soulager ceux qui souffrent. Sulpice Sévère veut convaincre son lecteur que la compassion agissante de son héros a souvent fait plus que de longs sermons pour l'édification des néophytes et des fidèles, bénéficiaires ou témoins de ces bona opera 174. Pour le biographe, Martin illustre évidemment le portrait idéal du saint accomplissant les œuvres de miséricorde dont l'évangile de Mat-

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thieu (25, 35-36), habituellement cité par la littérature patristique, donne l'énumération. Il y a les pauvres pour lesquels il se dépouille lui- même, comme le révèle l'épisode où, dans le secretarium de l'ecclesia, il donne sa propre tunique à un malheureux transi de froid 175 ; les prisonniers qu'il rachète, en consacrant à cette œuvre les offrandes apportées par des fidèles fortunés176; les malades enfin, en faveur desquels il use tout particulièrement de ses dons et de ses talents. C'est ce dernier effort pour soulager les souffrances physiques qui apparaît comme le trait le plus original de l'activité charitable de Martin. À une époque où, pour la masse des humbles, sous-alimentés et soumis à un labeur écrasant, la misère est bien souvent synonyme de maladie ou d'infirmité, les soins qu'il dispense manifestent, de façon particulièrement concrète aux yeux de tous, ce qu'ordonne la charité chrétienne. Dans son dévouement aux malades qui l'avait déjà poussé à quitter son ermitage de Ligugé pour prendre la route de Tours, Martin conjugue, au témoignage de Sulpice, l'exercice de pouvoirs surnaturels — ceux que l'on reconnaît à l'exorciste, au thaumaturge — avec l'application d'une thérapeutique profane qui relève de la médecine classique 177. Pour la cure de maladies qui sont à cette époque considérées par tous comme l'œuvre de puissances mauvaises, — même lorsqu'elles ne sont pas décrites en termes de possession — , l'ancien exorciste de Poitiers devenu évê- que recourt à la prière et aux rites chrétiens : bénédiction du malade et imposition des mains178, ou, pour les énergumènes, particulièrement nombreux à hanter l'ecclesia de Tours, récitation de formules et de prières destinées à expulser de leur corps le démon 179. Mais le plus souvent ces pratiques religieuses s'accompagnent de l'utilisation de médications ou de traitements simples : qu'il presse de ses doigts pour en extraire le venin la morsure faite par un serpent180, qu'il emploie un baume propre à guérir les contusions — tel celui qu'il s'applique à lui-

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même après une chute dans un escalier181 — ou encore qu'il use des propriétés bienfaisantes de l'huile, Martin met en pratique quelques recettes médicales courantes, peut-être apprises pendant son séjour à l'armée. On l'a fort justement remarqué, l'usage qu'il fait de l'huile, administrée, après avoir été bénie, à des paralysés à Trêves et à Chartres182 ou préparée à Tours à l'intention de la femme d'Avitianus et de Sulpice Sévère183, désireux de se prémunir contre d'éventuelles maladies, doit être distingué de l'usage des huiles saintes consacrées solennellement par l'Église pour l'onction des catéchumènes et des infirmes : l'évêque de Tours administre l'huile aux malades «d'une manière moins rituelle, plus conforme aux usages de la thérapeutique profane, sous forme de potion». Tout se passe comme si la vertu naturellement curative de l'huile était «simplement portée à un degré inhabituel par la bénédiction de Martin»184. Le succès de ces cures, que l'on peut difficilement mettre en doute, relève tout à la fois de l'effet, reconnu par la science antique, de médications empiriques qui agissent sur l'organisme physique et de l'action exercée par le rituel sur le psychisme du malade qui contribue lui-même activement, par sa foi dans le thaumaturge, à sa propre guérison 185. C'est en partie grâce à ses succès de guérisseur qui soulage la souffrance des corps que Martin a conquis son pouvoir de médecin des âmes confiées à sa vigilance sacerdotale.

Il ne faudrait pas cependant en conclure que l'évêque thaumaturge méconnaissait la valeur pédagogique de la parole, lui qui savait si bien, rapporte le biographe, «prêcher aux Gentils le verbe de Dieu»186. De l'enseignement, qu'il dispensait aux fidèles assemblés, ne nous est parvenu aucun témoignage direct. Mais certains des propos dont le Maître

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aimait entretenir ses plus proches disciples ont été recueillis par Sulpi- ce Sévère 187. Il est probable que, dans leur teneur comme dans leur forme, ces allocutions familières ne différaient guère des sermons prononcés par l'évêque devant le peuple. Ainsi est-il possible de se faire quelque idée des thèmes et des méthodes propres à la catéchèse martinien- ne. Martin paraît avoir été moins préoccupé de développer un exposé doctrinal de la foi que de transmettre de façon vivante et concrète le message apporté par ce Christ souffrant et miséricordieux auquel l'attachait sa dévotion personnelle : pour affermir la pratique d'une vie chrétienne, il prêche le détachement des biens de ce monde et l'amour du prochain, dont la détresse doit être secourue et les offenses pardon- nées188, il enseigne la supériorité de la chasteté sur le mariage et du mariage sur la fornication189, recommande le secours efficace de la prière contre les embûches du démon et soutient l'espérance que l'on doit placer dans l'infinie bonté du Rédempteur190 dont le retour est proche191. Au service de cet enseignement, Martin déploie un don de parole, une puissance de persuasion qui font l'étonnement et l'admiration du biographe. «Tant de savoir, tant de talent» chez un homme qu'il qualifie d'« inculte» ne peuvent, dans l'opinion de l'écrivain, relever que d'une grâce divine spécialement octroyée à l'apôtre192 : ne l'a-t-on point entendu prêcher sur la route de Chartres d'une voix qui n'était pas celle d'un homme?193 Échantillon du mendacium de Sulpice, commente Babut qui ajoute: «il n'en faut point conclure sur l'impression que la parole du Saint pouvait produire sur un auditoire populaire»194. Le

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témoignage de Sulpice Sévère ne se laisse pas récuser aussi facilement. La contradiction entre l'inculture et la facilité de parole que relève lui- même chez son héros le biographe, l'explication charismatique qu'il en donne, sont évidemment de nature à éveiller la méfiance. Mais en qualifiant Martin a' inlitteratus Sulpice n'a pas laissé échapper par mégar- de un aveu révélateur qui infirmerait son éloge; il a choisi au contraire à dessein cette épithète péjorative, parce qu'elle apporte, en référence au texte des Actes, une touche supplémentaire au thème de l'apostolici- té de Martin : « le salut a été prêché au monde non point par des orateurs. . . mais par des pêcheurs»195, rappelait déjà la lettre de dédicace de la Vita. D'ailleurs en parlant de l'inculture de Martin, Sulpice Sévère porte un jugement de valeur toute relative, car il se réfère à l'idéal qui a cours dans son propre milieu : il faut entendre par là que Martin n'a point acquis le genre de culture que dispensaient en Gaule aux jeunes gens de bonne famille les écoles d'Autun, de Bordeaux ou de Toulouse. Cela ne signifie nullement, comme le remarque J. Fontaine, qu'il fût dépourvu de toute formation intellectuelle : avant sa quinzième année et son enrôlement forcé dans l'armée, il avait certainement fréquenté à Pavie l'école du magister; après sa libération il acquit sans aucun doute, auprès d'Hilaire de Poitiers, une intelligence profonde de l'Écriture. Jointe à son expérience militaire, ces leçons avaient contribué à faire fructifier les dons naturels de son esprit196. Au reste les quelques exemples de l'éloquence martinienne que recueillent les Dialogues permettent d'apprécier le tour très personnel du talent oratoire de l'évêque et de comprendre l'audience populaire que celui-ci lui valut. Pour transmettre le message et le faire comprendre des gens simples qui l'écou- tent, l'apôtre emprunte à la réalité quotidienne et familière les éléments de petits exposés en forme de paraboles. Dans l'aspect d'un pré ou d'une brebis, dans l'apparence d'un humble porcher197, il fait lire la Parole divine dont la fréquentation des Écritures l'a si bien pénétré qu'il la retrouve partout. Les comparaisons, «vraies et justes, adaptées

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à la personne de ses auditeurs»198, dont il use, font appel à l'expérience vécue par ceux-ci — labeur des champs pour les paysans, vie des camps pour un ancien militaire — et éveillent ainsi un écho dans leur esprit. Une science qui lui permet de maîtriser «les difficultés des Écritures», un solide bon sens dont il ne s'est jamais départi, enfin la force de persuasion que lui communique sa foi : tels sont les secrets de l'éloquence martinienne.

Martin, chef d'une militia Christi

Dans l'accomplissement de sa mission évangélisatrice comme dans ses efforts pour édifier et enseigner la communauté chrétienne, Martin est le plus souvent présenté par son biographe, au cours des principaux épisodes de l'épiscopat, comme un héros solitaire affrontant en combat singulier les forces du Mal. Une telle conception était pourtant bien étrangère à la pensée du vétéran entré au service de l'Église : lui qui comparait volontiers le combat pour la foi aux batailles livrées par Rome 199, considérait que les serviteurs du Christ devaient — et pour lui il ne s'agissait pas seulement de la métaphore usuelle à l'époque — se constituer en armée, en militia, pour emporter la victoire. À lire plus attentivement Sulpice Sévère, on s'aperçoit que l'évêque n'a cessé de travailler à forger cette militia Christi, sans laquelle il n'aurait pu mener à bien les tâches entreprises. Dans toutes celles-ci, Martin est secondé par un clergé plus nombreux sans aucun doute qu'à l'époque de son prédécesseur. Au service de la communauté tourangelle œuvrent des clercs appartenant à différents ordres et spécialisés dans les diverses missions à remplir : prêtres assumant une partie des fonctions liturgiques et pastorales, diacres subordonnés à un archidiacre et préposés à l'administration matérielle ainsi qu'à l'assistance charitable et, pour les ordres mineurs, au moins des lecteurs chargés de lire les Écritures et de chanter les Psaumes200; à ce clergé urbain s'ajoutent les clercs

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détachés dans les églises rurales201. Parallèlement, sous l'impulsion de Martin, la vie monastique connaît en Touraine un premier et rapide essor; à côté du majus monasterium, Marmoutier, qui a compté jusqu'à 80 frères, et sur son modèle, s'organisent des communautés plus modestes : petites colonies de moines établies par l'évêque à l'emplacement des sanctuaires païens détruits, pour christianiser ces lieux saints du paganisme, et, dans des villages comme Claudiomagus ou Amboise ainsi sans doute que dans la ville ou dans son suburbium, des communautés un peu plus importantes de moines et de moniales202. Quelques

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ermites, de saintes femmes aussi, qui ont choisi de vivre recluses dans leur maison, complètent203 le groupe des serviteurs de l'Église. Tous collaborent à la mission, car Martin a su forger, avec ces différents éléments, une militia unie par le même idéal spirituel et soumise à une même discipline. Cette cohésion vient tout d'abord de l'impulsion donnée par l'évêque; l'autorité morale, qu'il exerce dans un style si particulier, s'étend à tous : les plus rétifs finissent par s'y soumettre; les plus isolés, clercs des églises rurales lointaines ou ascètes solitaires, n'y échappent pas. Martin multiplie ses visites pastorales pour surveiller, réprimander ou encourager ses troupes204 et il est toujours disponible pour accueillir et remettre sur la voie droite ceux qui sentent leurs forces faiblir205. Mais de plus en plus, à mesure que passe le temps, cette cohésion tient aussi et surtout à la formation commune reçue par la plupart de ceux qui s'engagent au service de l'Église tourangelle, une formation qui permet de fondre en un corps animé du même esprit des recrues provenant pourtant de milieux aussi différents que l'aristocratie, l'armée ou le peuple. En effet, lorsqu'ont disparu les prêtres âgés entrés dans les ordres à l'époque de Litorius, la relève est assurée par des clercs venus tout jeunes à Marmoutier et qui ont revêtu, après quelques années passées dans ce «grand séminaire», le diaconat ou la prê-

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trise206. Bien plus, il semble que ce nouvel engagement, au moins pour ceux qui exercent leur activité dans la ville, ne les coupe pas du «grand monastère» où, à l'instar de leur maître, ils continuent de prendre part à la vie commune207. Chacun, quelque soit son état, quelle que soit sa mission et en quelque lieu du diocèse qu'il exerce celle-ci, conserve ainsi le sentiment d'appartenir à une communauté dont Martin est Yabba autant que l'évêque. Dans ces conditions s'expliquent mieux les succès remportés par le saint : ils ne doivent pas être portés à l'actif d'un héros chrétien solitaire, mais à celui d'un chef d'Église entraînant avec lui une militia formée à sa discipline.

3) L'inachèvement de la cité terrestre

Une communauté plus nombreuse, plus ardente dans sa foi, plus solidement encadrée : pour Tours, l'épiscopat de Martin se solde dans le domaine spirituel par un bilan très positif; et les électeurs, qui

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avaient porté au siège episcopal avec enthousiasme l'ascète de Ligugé, n'avaient pas lieu sur ce point de regretter leur choix. Mais à une époque où l'Église s'installait dans le siècle, devenait une puissance établie, les chrétiens attendaient aussi de l'évêque que, se substituant aux curia- les et aux magistrats municipaux devenus de simples agents au service de la machine étatique208, il fût le véritable successeur des responsables politiques d'antan : un administrateur et un juge capable de veiller aux destinées temporelles, de plus en plus étroitement liées, de son Église et de sa cité, un dignitaire susceptible de se faire entendre des plus hautes autorités, pour en obtenir faveurs et richesses et assurer de son actif patronage la protection de la communauté locale. Il faut l'avouer : l'activité de Martin n'a guère répondu à ces exigences. Ni le genre de vie qu'il s'était choisi, ni sa conception personnelle du sacerdoce ne lui permettaient d'y répondre.

Tours et Marmoutier

En élisant Marmoutier comme lieu de résidence et les frères du monastère pour compagnons d'existence, Martin s'est placé délibérément — et cela, semble-t-il, dès le début de son épiscopat209 — en marge de la communauté des fidèles et plus particulièrement de la communauté urbaine. La distance qui séparait l'ascétère du castrum était trop modeste pour qu'il pût jouir, comme l'affirme Sulpice Sévère, de la solitude du désert210; elle était cependant suffisante pour lui permettre de ne pas être importuné quotidiennement par des visiteurs, comme il l'avait été dans sa première installation, une cella contigue à l'église. Des récits du biographe, il ressort très clairement que l'existence de

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Martin dans son rythme ordinaire — en dehors de quelques lointains voyages entrepris par nécessité et des tournées pastorales plus fréquentes qui le conduisent dans les campagnes de son diocèse — se partage de facon fort inégale entre Marmoutier, où il exerce l'autorité d'un abbé, et la cité intra muros, où l'appellent ses fonctions épiscopales : à de très rares exceptions près qui constituent des cas d'urgence211, il ne quitte sa retraite monastique que pour venir célébrer dans le castrum l'office divin212. Il n'est pas douteux, quoiqu'en dise, sans preuve à l'appui, E.-Ch. Babut, que Martin eut à cœur d'accomplir scrupuleusement et régulièrement les devoirs liturgiques de sa charge213. Mais les séjours urbains assez brefs que ceux-ci lui imposaient n'étaient point l'occasion pour l'évêque de renouer le contact avec les membres de la communauté : «Martin, jusqu'à l'heure fixée par la coutume pour l'office public, s'enfermait dans sa solitude», se tenant dans une sacristie qui lui était exclusivement réservée et abandonnant aux prêtres de son presbyterium l'usage d'un autre secretarium214. L'ascète, qui, selon Sulpice, refusait, par fidélité à son vœu de chasteté, toute rencontre avec les femmes215, et, dans son mépris pour le siècle, tout ce qui pouvait s'apparenter à des mondanités, laissait à ses clercs le soin d'accueillir les visiteurs. Si un jour un pauvre osa venir troubler la méditation du bienheureux pour faire appel à sa charité216, les fidèles d'ordinaire respectaient sa solitude et adressaient leurs requêtes aux prêtres. C'est à eux que Mar-

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tin s'en remettait pour une bonne part des affaires portées devant Vau- dientia episcopalis217 ; il ne se souciait évidemment pas de gaspiller son temps à régler de menus différends ou à juger des délits mineurs, une tâche qui absorbait de plus en plus les évêques contemporains au détriment de leur devoir pastoral218. Il n'exerçait en personne sa juridiction que dans les cas graves, relevant de sa compétence spirituelle ou disciplinaire : ainsi lorsque le prêtre Brice fut accusé de « nombreux et grands méfaits»219. Aussi Martin fait-il bien davantage figure d'abbé du majus monasterium que d'évêque de Tours, ou, pour mieux dire, c'est au monastère de Marmoutier qu'a été transféré, avec la résidence de l'évêque, le siège du gouvernement episcopal220; c'est là, au milieu des frères, dans le cadre où s'épanouit sa vie spirituelle, que Martin consent à recevoir quelques pieux visiteurs, disciples fidèles; c'est de là qu'il dirige son Église, accordant plus d'intérêt à l'évangélisation des campagnes du diocèse qu'au gouvernement d'une communauté urbaine au sein de laquelle il semble ne jamais s'être senti parfaitement à l'aise221. La ville de Tours, promue depuis peu au rang de cité episcopale, se trouve ainsi en partie dépossédée de son rôle et de son prestige tout neufs de capitale religieuse de la civitas.

Ce désir d'isolement, lié à la volonté de se consacrer totalement aux tâches spirituelles du sacerdoce, manifeste le peu d'intérêt que porte Martin à tout ce qui concerne la vie municipale, l'ornement de la cité ou les activités temporelles de ses habitants. Alors que maintes villes de Gaule, en une pieuse émulation, cherchent déjà, sous l'impulsion de leur évêque, à affirmer une prééminence dans le domaine de la foi, en

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se réclamant pour le passé de traditions anciennes et en se dotant dans le présent d'une riche parure de sanctuaires, l'ascète ignore pour Tours de telles aspirations. Mû par un respect intransigeant de la vérité, il coupe brutalement cours à la diffusion d'une légende qui auréolait les origines chrétiennes de la cité de la gloire du martyre : en révélant grâce à son enquête que le tombeau vénéré par le peuple comme celui de saintes victimes de la persécution était en réalité la sépulture d'un vulgaire bandit de grand chemin, il interdit un culte que son précédesseur avait toléré sinon encouragé222. Les Tourangeaux, ainsi délivrés de «l'erreur de la superstition»223, n'ont sans doute pas dû sans quelque regret renoncer à une croyance qui, en flattant innocemment leur imagination, rehaussait d'un éclat prestigieux le passé de leur Église. Ils n'ont pas obtenu, en compensation, la satisfaction de voir leur cité bénéficier de l'activité de bâtisseur que Martin déployait dans le reste du diocèse. L'évêque qui fit édifier à Marmoutier pour la communauté des frères un «lieu de prière» — une petite basilique consacrée, au témoignage de Grégoire, aux apôtres Pierre et Paul224 — , et, dans les campagnes, des églises en grand nombre pour les villageois récemment convertis, n'a, ni dans la ville elle-même, ni dans son suburbium, construit de sanctuaire nouveau. Il estimait sans aucun doute que son prédécesseur Litorius avait paré au nécessaire en dotant la cité d'une ecclesia et d'une basilique funéraire. Mais à une époque où l'on ne construit plus seulement pour répondre aux stricts besoins du culte, où l'on commence à multiplier les temples pour honorer Dieu et ses saints et manifester par là même la foi des bâtisseurs et de la collectivité tout entière, l'abstention de Martin n'est pas dépourvue de signification. Le faste monumental répugnait à son ascétisme, à sa simplicité toute évan- gélique : ne disait-il pas à ses disciples, alors que, sur la route de Chartres, il imposait les mains à de nouveaux convertis, «qu'on pouvait bien en plein champ faire des catéchumènes, puisque là se faisait ordinairement la consécration des martyrs»225. Et n'est-ce pas pour obéir à ce même vœu de dépouillement que les fidèles ensevelirent leur pasteur après sa mort, non dans la basilique où reposait déjà Litorius, mais

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dans une humble sépulture du cimetière public de Tours?226 Du reste l'évêque n'a rien fait pour se doter des moyens qu'exigeait une politique édilitaire de grand style : loin de solliciter les puissants et les riches en faveur de son Église et de sa cité, il refusait d'ordinaire les dons offerts, le généreux donateur fût-il l'empereur Valentinien lui-même, ou, s'il consentait à les accepter, c'était pour les consacrer entièrement à des œuvres charitables227. La ville est donc restée, par la volonté expresse de Martin, telle qu'il l'avait trouvée à son avènement : l'urbanisme chrétien n'y a pas suivi, manifesté les progrès de la foi. Pour la cité episcopale comme pour lui-même, l'évêque s'est voulu le «gardien de la pauvreté»228.

De sa réserve à l'égard des affaires temporelles de la cité, Martin ne s'est départi qu'exceptionnellement, dans des circonstances d'une gravité particulière : lorsque la vie ou la liberté des individus étaient menacées par l'action trop brutale ou injustifiée des autorités civiles. Ainsi le voit-on intercéder auprès du terrible comte Avitianus qui représentait à Tours, quelles que fussent ses fonctions exactes, le pouvoir impérial229: de ce tyran sanguinaire il obtint une nuit la grâce de prisonniers condamnés à être suppliciés le lendemain230. Pas plus qu'il n'indique la nature des crimes dont ils étaient accusés, Sulpice Sévère ne précise si ces malheureux étaient des habitants de la ville ou de ses environs. Mais, Gallus en témoigne dans les Dialogues, l'évêque sut en d'autres occasions mettre les citoyens tourangeaux à l'abri du zèle

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homicide d'un fonctionnaire universellement redouté et qui ne s'adoucissait qu'à Tours sous l'influence de Martin231. Faut-il conclure de ces quelques faits que l'évêque, usant de son autorité spirituelle, assurait à sa cité la protection d'un patronage analogue à celui que les collectivités locales sollicitaient d'ordinaire des puissants selon le siècle? En fait Martin, par ces quelques interventions limitées en nombre, s'efforce seulement d'adoucir les rigueurs d'une loi civile impitoyable ou les abus d'une procédure sommaire qui, dans un régime totalitaire et policier, frappent avec la plus extrême sévérité non seulement les vrais criminels, mais aussi tous ceux qui tentent d'échapper à la contrainte sociale : soldats déserteurs, colons en fuite ou débiteurs du fisc insolvables. C'est à cette dernière catégorie qu'appartenaient probablement les prisonniers qu'Avitianus accepta finalement de relâcher, car il n'eût pu agir de cette façon avec des brigands. Vintercessio de l'évêque en ces circonstances, de même que ses efforts pour racheter des prisonniers s'inscrivent dans le prolongement de son action charitable. Jamais il ne tint le rôle que jouait d'ordinaire un patronus en faveur de ses clients, usant de son crédit pour les assister dans leurs procès ou pour alléger le poids des charges fiscales232. Ces causes, au service desquelles certains employaient des moyens peu recommandables, étaient parfois douteuses et l'on comprend que l'évêque se soit abstenu de telles compromissions. Mais, même lorsqu'ils étaient parfaitement légitimes, les intérêts matériels restaient étrangers aux préoccupations de Martin : un récit de Sulpice Sévère laisse entrevoir que dans la civitas Turonorum, comme ailleurs, les gens du fisc procédaient auprès des contribuables avec leur rigueur habituelle et se livraient même, dans l'exercice de leurs fonctions, à des brutalités, dont Martin fut incidemment la victime233 : rien ne laisse supposer que l'évêque — qui, au témoignage de

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Sulpice, souffrit sans mot dire leurs violences — soit intervenu, comme le firent certains de ses collègues dans l'épiscopat234, pour obtenir des dégrèvements ou des délais en faveur de ses concitoyens accablés par l'impôt.

Tours et la Gaule

À défaut du faste monumental, de richesses ou de privilèges, l'épiscopat de Martin a-t-il valu tout au moins au siège de Tours une influence particulière et à la cité un prestige nouveau? Il ne saurait être question ici d'entreprendre une étude des différentes interventions de Martin au dehors de son diocèse et du rôle qui fut le sien dans la vie politique et religieuse de la Gaule, mais seulement, à partir des sources et des différents travaux consacrés à ce sujet, de dresser un rapide bilan de cette activité : il paraît en effet indispensable d'apprécier la nature et la portée de l'influence acquise par le titulaire du siège tourangeau dans les milieux gaulois contemporains, pour déterminer dans quelle mesure Tours a pu en recueillir le bénéfice.

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Les ouvrages de Sulpice en portent à de nombreuses reprises témoignage : l'activité de Martin s'est manifestée avec éclat bien au- delà des limites de la civitas Turonorum. Dans le Berry tout proche ou, lors d'un voyage plus lointain, en pays éduen, le saint mène le combat contre les idoles dont il abat les sanctuaires235. À Chartres et à Paris, à Trêves et à Vienne, sur son passage236, mais aussi à distance, dans la région de Sens et ailleurs237, il opère, rapporte le biographe, de nombreux miracles, commandant aux forces de la nature, délivrant les possédés, guérissant des malades et ressuscitant même un mort. En quelques-unes de ces circonstances, les témoins ou les bénéficiaires de ces démonstrations de puissance délaissent le culte des faux dieux pour honorer le «Dieu de Martin». La conquête individuelle de quelques âmes, celles de la viennoise Fœdula ou du consulaire trévire Tetra- dius238, ni même des conversions de masse peut-être obtenues en quelques villages239 ne suffisent, à l'évidence, pour faire du saint homme, comme le proclame à l'envi, à la suite de Sulpice Sévère, la littérature martinienne, l'apôtre de toutes les Gaules240. De même, les prodiges

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attribués au thaumaturge ne lui ont certainement point acquis de son vivant cette célébrité universelle dont le crédite déjà le biographe. Ce dernier, tout en assurant, non sans outrance, que tous les peuples de l'univers célèbrent la gloire de Martin, est bien obligé d'avouer que ses compatriotes, «qui ont eu près d'eux un si grand homme, n'ont pas mérité de le connaître»241. Il est vrai qu'à ces affirmations de principe, il apporte des corrections d'importance, en établissant une distinction entre les différentes catégories de la société gauloise. À l'en croire, ni les gens du peuple dans leur ensemble, ni de nombreux aristocrates qu'il cite nommément n'ont méconnu la grandeur du saint; en fait, «seuls les clercs, seuls les évêques ignorent Martin»242. De telles déclarations doivent être examinées avec soin : car il est clair qu'elles relèvent, dans leur outrance, tantôt du dessein apologétique de l'écrivain, tantôt de la polémique qu'il entretient contre le clergé contemporain243.

Il est évidemment impossible de mesurer avec précision l'ampleur du rayonnement exercé par Martin sur le peuple. Sa sainteté sans ostentation, sa bonté compatissante, les guérisons qu'on attribuait à sa virtus lui ont certainement conquis, sur son passage, le cœur des humbles. Mais dans ces milieux peu cultivés où la transmission des idées s'opère surtout par la voie orale, dans le cadre d'existences repliées sur la collectivité locale, sa renommée n'a guère pu se répandre au loin. Si l'on pouvait dresser une carte de la dévotion populaire au saint, de son vivant, il est probable qu'elle apparaîtrait étroitement déterminée par la géographie de ses déplacements244. En revanche on doit constater

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que Martin a acquis une plus large notoriété dans l'aristocratie sénatoriale gauloise et tout particulièrement dans les milieux proches de la cour impériale de Trêves245. Le témoignage de Sulpice Sévère, qui ne se serait pas hasardé à citer sans preuve des noms illustres, ne peut sur ce point être récusé. Des liens étroits ont uni à Martin un groupe assez important et nettement individualisé de cette élite sociale. Les hauts personnages que mentionne Sulpice sont tous en effet — à l'exception de l'ancien consul Tetradius, païen jusqu'à sa rencontre avec l'évêque — des chrétiens déjà confirmés dans leur foi et préparés par leurs inclinations personnelles à adhérer, sous l'influence de Martin, à l'idéal ascétique. Les termes employés par le biographe à leur endroit ne laissent point de doute à ce sujet : l'ancien préfet Auspicius, grand propriétaire terrien du Sénonais, et son fils Romulus sont tenus par l'écrivain, l'un pour un personnage digne de la plus haute confiance et le second pour un homme honoratus et religiosus. Plus nettement encore apparaissent comme de fervents chrétiens l'ancien vicaire Lycontius, vir fidelis, Evanthius, l'oncle maternel de Gallus, un «homme profondément chrétien malgré ses occupations mondaines», l'ancien préfet Ar- borius, une «âme tout à fait sainte et fidèle», — lui qui donna un gage de sa foi en faisant prendre le voile des moniales à sa fille miraculée — , le préfet Vincentius, «sur qui personne dans les Gaules ne l'emporte en tous genres de vertus»246. À cette liste, il faut bien sûr ajouter le nom

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de Paulin qui avait donné «un si grand exemple en se débarrassant de ses biens immenses pour suivre le Christ» et celui de son ami Sulpice Sévère, Martini frequentator, qui devait consacrer son talent à répandre la gloire du saint247. À ce cercle d'aristocrates chrétiens qui ont connu

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et admiré Martin ne manquent pas non plus quelques dames de noble extraction: Bassula, épouse d'un consulaire et «sainte belle-mère» de Sulpice, à l'intention de laquelle Melanie devait envoyer à Paulin une relique de la vraie croix; la femme du comte Avitianus qui mettait toute sa confiance, pour la guérison des maladies, dans l'huile bénie par l'évêque; enfin l'épouse de l'empereur Maxime qui servit elle-même à table, avec une dévote humilité, le saint invité à la cour impériale248. Ces personnages haut placés ont fait plus qu'honorer Martin de leur admiration; ils ont contribué, en célébrant sa sainteté et sa vertu, à faire connaître son nom autour d'eux. Appelés par leurs fonctions à des missions exercées tantôt à Trêves, tantôt dans les provinces, se déplaçant aussi pour visiter les domaines qu'ils possédaient un peu partout en Gaule, entretenant d'autre part avec leurs pairs des échanges épisto-

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laires, ils ont assuré au renom de Martin une large diffusion dans les milieux de la cour, de l'administration et de l'aristocratie terrienne. Le comte Avitianus, qui n'était guère enclin à mettre en pratique les préceptes de l'Évangile, aurait-il cédé si facilement aux instances charitables de l'évêque, s'il n'avait été averti par avance qu'il était impossible de s'opposer à sa puissance surnaturelle249? Encore moins saurait-on expliquer l'accueil que réservèrent successivement les empereurs Va- lentinien Ier250 et Maxime251 au détenteur d'un modeste siège episcopal, sans admettre que ce dernier avait été précédé dans le palais par une réputation personnelle, assez solidement établie pour faire redouter son jugement et souhaiter son approbation. Sur des esprits ainsi prévenus, le rayonnement qui émanait de la personnalité de Martin, de sa présence, a pu s'exercer plus facilement et lui assurer cette auctoritas qui lui permettait, affirme Sulpice Sévère, «de commander non seulement à des comtes, à des préfets, mais aux souverains eux-mêmes»252. Il faut sans doute ramener cette influence, majorée par l'enthousiasme du panégyriste, à de plus justes proportions. En particulier, Martin ne peut en aucune façon être considéré comme le conseiller attitré et très écouté des empereurs de Trêves. Ses interventions auprès du pouvoir impérial furent au total peu nombreuses : elles nécessitaient pour être efficaces un long déplacement et un séjour à la cour dont l'ascète ne devait guère apprécier ni le faste ni les intrigues; aussi ne prit-il le chemin de Trêves que sollicité par des affaires très graves. D'autre part, les princes qui se succédèrent à l'époque de son épiscopat étaient plus ou moins disposés à l'entendre : les rapports de Martin avec Valenti- nien, lors de l'unique visite qu'il rendit à ce dernier, furent pour le moins tendus253; ensuite Martin n'eut pas l'occasion, semble-t-il, de nouer des contacts directs avec le pieux empereur Gratien; en revan-

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che, l'usurpateur Maxime «faisait souvent appeler Martin et le recevait dans son palais en le vénérant et en l'honorant»254; sous son règne, celui-ci se rendit sûrement au moins par deux fois à Trêves, en 385/386 et en 386/387. On ne peut dire d'autre part que ces démarches furent toujours couronnées de succès : de Valentinien, Martin obtint qu'il accédât à une requête — dont Sulpice ne précise pas l'objet — ; de Maxime, qu'il fît grâce à deux hauts fonctionnaires restés fidèles au parti de Gratien255. Encore les souverains paraissent-ils avoir cédé, dans ces cas, davantage à la crainte suscitée par la mystérieuse virtus du saint qu'à une mûre réflexion inspirée par ses conseils. Dans l'affaire priscillianiste enfin, Vauctoritas de l'évêque fut impuissante, dès que celui-ci se fut éloigné de Trêves et que ne se fit plus sentir sur Maxime l'ascendant de sa personnalité, à sauver la vie de l'hérésiarque; elle lui permit en revanche, au prix d'une concession pénible pour sa conscience, d'arracher à la mort les sectateurs espagnols de Priscillien256.

Dans toute cette affaire, Martin eut à combattre non seulement l'opposition de conseillers laïcs de Maxime, mais surtout celle des évê- ques présents à la cour. D'une manière générale, il semble qu'il n'ait jamais été totalement admis par l'ensemble de l'épiscopat gaulois. Dans les milieux ecclésiastiques, on n'avait sans doute pas oublié que Martin avait été consacré malgré l'opposition initiale de plusieurs prélats conviés à la cérémonie; à une époque où les textes canoniques manifestaient une hostilité croissante à l'intrusion dans les rangs du clergé d'anciens militaires257, le passé de Martin devait, au sein de l'épiscopat,

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prévenir bien des esprits contre lui. L'ascétisme de son existence avait dès le début paru choquant aux yeux des dignitaires de l'Église; il devint suspect lorsque se développa l'hérésie priscillianiste et que pour certains «c'est sur la pâleur de son visage ou sur son vêtement, non sur sa foi, qu'on était déclaré hérétique»258. Ainsi peut-on comprendre que les clercs et surtout les évêques, à quelques rares exceptions près — Valentinus de Chartres, Victricius de Rouen259 — , aient «ignoré Martin», puis lui aient manifesté une franche hostilité. Il n'est donc nul besoin, pour expliquer cette attitude, d'accuser de vices infâmes, comme le fait le biographe, l'ensemble du haut clergé gaulois260. Certes, parmi les adversaires de Martin se trouvaient quelques prélats trop bien installés dans le siècle et avant tout soucieux de conserver la faveur du prince261. La plus grande partie de l'épiscopat cependant se

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composait, sans aucun doute, d'hommes sincèrement pieux et honnêtes qui, sans pouvoir prétendre à la sainteté, accomplissaient avec conscience les devoirs de leur charge. Mais l'ascète de Marmoutier, avec son apparence négligée, sa foi brûlante et intransigeante, était trop différent pour qu'à la tranquille vertu de ces prélats, il ne semblât pas étrange — «il y a de Martin bien des choses étonnantes qu'on ne peut expliquer», avouait Sulpice Sévère lui-même — 262 et même un peu inquiétant.

Au reste, Martin n'était pas homme à se soucier de l'opinion de ses collègues, à rechercher leur compagnie : il avait peut-être participé à quelques conciles durant les premières années de son épiscopat, encore que nous ignorions tout du rôle qu'il pût y jouer; mais après la triste affaire de Trêves, il se fit une règle de ne plus se rendre à ces réunions263, sans pour autant d'ailleurs se désintéresser des décisions qui y étaient prises264. Rien d'étonnant que, pour ses pairs, il soit demeuré un personnage à part.

Au total, si le nom de Martin n'était pas, du vivant de l'évêque, universellement connu et célébré en Gaule, du moins sa virtus et Yauctori- tas qu'elle lui valait l'avaient imposé dans les plus hautes sphères laïques ou ecclésiastiques de la société, comme un maître vénéré par les uns, qui l'admiraient, ou, pour d'autres, comme un adversaire contesté mais avec lequel il fallait compter. Le rôle de premier plan qu'il joua dans l'affaire de Priscillien et dans ses séquelles démontrerait à lui seul qu'il ne fut point l'évêque ridicule et falot que prétendait E.-Ch. Ba- but.

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Tours et Martin

Cela a-t-il suffi pour assurer au siège de Tours une autorité et un prestige particuliers? Certes, grâce à Martin, puis à son biographe, le nom de la petite cité des bords de Loire, longtemps connu dans l'Empire des seuls spécialistes de la géographie administrative, n'est plus totalement ignoré du grand public. Mais Tours ne paraît guère avoir été vraiment associée à la gloire dont Martin put jouir de son vivant. Ce dernier n'a nullement cherché à utiliser l'influence, qu'il lui était consenti d'exercer en haut lieu à certaines époques, pour faire reconnaître à son siège une quelconque prééminence dans l'organisation ecclesiale265. Bien au contraire, la défiance, voire l'hostilité que lui témoignait la grande majorité de l'épiscopat et surtout l'isolement dans lequel il

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s'enferma lui-même à la fin de son règne vouaient la communauté tourangelle à une existence repliée sur elle-même. Aussi n'est-ce point de l'activité d'un prélat politique, mais de la grandeur spirituelle d'un saint évêque que la ville de Tours pouvait espérer recevoir un éclat nouveau. Mais en ce domaine la disparité était trop grande pour que l'on pût songer à établir un rapport entre Martin, un personnage d'une stature exceptionnelle, et la modeste cité où celui-ci avait dû exercer, malgré lui, les fonctions épiscopales. La virtus et Yauctoritas que l'on reconnaît à Martin sont en effet parfaitement indépendantes de ces dernières. La virtus martinienne manifeste un charisme personnel dont l'ascète était doté bien avant sa consécration episcopale266 et qui, loin d'être renforcé par celle-ci, en a été plutôt diminué, au sentiment de l'intéressé lui-même: «Martin répétait souvent que, depuis son épisco- pat, il n'avait plus le don des miracles avec autant d'abondance qu'il se rappelait l'avoir eu autrefois»267. L'exercice de la charge episcopale, en l'obligeant, pour sauver les sectateurs espagnols de Priscillien, à une compromission que sa conscience scrupuleuse ne cessa ensuite de lui reprocher, fit éprouver au thaumaturge, dans les dernières années de son existence, un nouvel affaiblissement de sa puissance : « il mettait plus de temps qu'autrefois, à guérir certains énergumènes, ... la grâce divine semblait moindre en lui»268. Quoi qu'il en soit, c'est cette virtus, et non le pouvoir episcopal, qui confère à Martin Yauctoritas que ses admirateurs, en la respectant, comme ses adversaires, en la combattant, lui reconnaissent. Les prélats réunis à Trêves après l'exécution de Priscillien ne redoutent pas le jugement de leur collègue tourangeau; les souverains de Trêves ou leurs représentants ne cèdent pas aux requêtes présentées par le titulaire du siège de Tours; les uns comme les autres, subjugués ou révoltés, subissent l'ascendant d'une personnalité qui n'a pas besoin de se réclamer d'une dignité ecclésiastique pour s'imposer. De façon significative, tous ceux que met en scène le biographe, les adversaires de l'ascète dans leurs propos hostiles, comme les disciples fidèles dans l'expression de leurs sentiments de vénération, ne

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désignent jamais Martin par son titre à'episcopus turonensis269. Qu'il y ait là un parti pris littéraire de la part d'un panégyriste qui ne songe à comparer à Martin «aucun des moines ni à coup sûr des évêques»270 et l'égale aux apôtres et aux prophètes, cela est certain271. En se laissant emporter à imaginer dans la lettre au diacre Aurèle272 ce qu'eût été la conduite de Martin à l'époque des persécutions, Sulpice Sévère esquisse ,des Vies parallèles du martyr qu'aurait pu être l'évêque avec les martyrs de l'Histoire Sainte, les jeunes Hébreux, Isaïe, Paul. L'œuvre tout entière du biographe tend à exalter un héros universel dont la virtus aurait brillé en tout temps et en tout lieu. Mais, dans la savante orchestration que donne à ce thème l'écrivain, on perçoit l'écho d'un sentiment vrai et partagé : pour tous ceux qui l'avaient connu, Martin était simplement Martin ; nul n'éprouvait le besoin de préciser qu'il était également évêque de Tours, une fonction qui lui était échue par accident et

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qu'il transcendait de toute l'élévation de sa vie spirituelle. Aussi, de même que Yauctoritas toute personnelle dont Martin a pu jouir dans la Gaule contemporaine n'était pas celle du siège tourangeau, de même la sphère d'influence de l'ascète n'est nullement à cette époque celle de la cité episcopale de Tours.

À cette amère vérité les Tourangeaux durent se rendre, lorsque Martin leur fut enlevé. Les frères présents à son chevet quand la maladie le terrassa à Candes273, la foule des fidèles qui, après sa mort, suivirent son convoi funèbre, étaient plongés dans la douleur274. Martin, contesté par quelques-uns au moment de son élection, fut, au témoignage du biographe, unanimement pleuré après sa disparition. À cette affliction de toute une communauté — que le rayonnement exercé par la personnalité du disparu rend vraisemblable — se mêlait cependant l'inquiétude pour l'avenir. Les disciples qu'il avait formés étaient frappés de désarroi par la perte de leur maître : « Père, pourquoi nous abandonnes-tu? À qui nous laisses-tu, dans notre esseulement?»275. Il y a là sans aucun doute, plus que l'expression — convenue dans la littérature funéraire — du caractère irréparable de la perte éprouvée par les proches du défunt. Martin avait assuré par sa direction la cohésion de la milice chrétienne, animé par son exemple et son enseignement la vie spirituelle de la communauté. De tout cela que resterait-il après lui? Les appréhensions étaient d'autant plus vives que l'évêque laissait l'Église tourangelle pauvre, isolée et démunie d'appui dans le siècle et que, dans ces conditions, la succession s'annonçait difficile. Tours avait tout perdu, semblait-il, en perdant Martin. De fait, de longues décennies allaient être nécessaires pour qu'elle conquiert, en se réclamant du patronage céleste du saint disparu, le droit prestigieux de se proclamer cité martinienne276.

Chapitre II. Les temps troublés du Ve siècle : des incertitudes aux choix décisifs

Au cours du demi-siècle qui suit la mort de Martin, durant le long règne de l'évêque Brictius (397-442) et encore pendant les premières années de son successeur Eustochius, jusque vers 448, Tours s'enlise dans la médiocrité et l'incertitude : la communauté tourangelle, énervée par le climat général d'insécurité et d'anarchie et, plus encore, déchirée par des conflits internes de personnes, paraît avoir perdu toute la vitalité spirituelle que le saint disparu lui avait insufflée et renoncé à l'héritage qu'elle pouvait légitimement revendiquer.

Mais, lorsque dans la seconde moitié du siècle, dans une Gaule progressivement abandonnée à l'occupation des peuples barbares, les menaces, de tous côtés, se rapprochent de la ville des bords de Loire, lorsque celle-ci succombe enfin à la domination des Wisigoths ariens, l'Église tourangelle semble puiser dans l'adversité des forces nouvelles : sous le gouvernement d'évêques clairvoyants et courageux, Eustochius (442-458/9), Perpetuus (458/9-488/9), Volusianus (448/9-495/6) et Verus (495/6-507), qui affirment une constante volonté de renouer avec la tradition martinienne, elle retrouve sa vigueur spirituelle et conquiert même, en devenant un foyer de résistance à la domination hérétique, une autorité morale et politique nouvelle.

De ce renouveau de prestige, témoigne, au début de l'épiscopat de Licinius, l'hommage qu'après sa victoire sur les Wisigoths, rend à la cité ligérienne le roi Clovis, le champion qu'elle avait appelé de ses vœux et aidé de ses prières : c'est dans la basilique de Tours qu'est célébré en 508 le double triomphe de la cause franque et de la foi catholique, dont l'alliance apparaît définitivement scellée sous l'égide de Martin.

I - Les incertitudes de la première moitié du siècle

De la médiocrité dans laquelle sombrent l'Église et la cité tourangelles au cours de la première moitié du Ve siècle, on peut assurément

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accuser les malheurs d'un temps où, un peu partout en Gaule, la paix et l'ordre romains cèdent la place à l'insécurité et l'anarchie1. Mais les calamités que déchaîne la grande invasion de 407 n'ont fait qu'aggraver à Tours une crise interne dont les premiers symptômes sont apparus alors que la Lyonnaise Troisième, comme les autres provinces gauloises, jouissait encore, à l'extrême fin du IVe siècle et dans les premières années du siècle suivant, des bienfaits de la pax romana.

Coïncidant à quelques deux ans près avec celle de Martin, la mort de l'empereur Théodose, en janvier 395, n'avait guère apporté de bouleversements dans la situation de la Gaule. Certes, celle-ci n'était pas au centre des préoccupations du jeune Honorius, l'Auguste auquel était échue la pars occidentalis de l'Empire, ni même de celles de son «tuteur» et généralissime, Stilicon2. Mais depuis plusieurs années déjà, la cour impériale avait déserté les bords de la Moselle pour l'Italie du Nord et les frontières gauloises, successivement dégarnies de leurs meilleures troupes par les usurpateurs Maxime et Eugène, étaient confiées, tant sur le limes rhénan que sur le rivage océanique, à la garde de contingents peu nombreux et assez médiocres de limitanei3. Cependant, nul dans l'opinion gauloise éclairée, avant comme après 395, ne semble s'être avisé des dangers présentés par l'évolution en cours. À Tours, fort loin des centres de décision où s'élaborait la politique impériale, à distance notable des secteurs où s'opéraient les mouvements de troupes les plus importants4, rien, apparemment, n'était changé ni dans les

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activités matérielles, ni dans la disposition des esprits : la vie municipale continuait à suivre son cours habituel sous le contrôle étroit du gouverneur de Lyonnaise Troisième et la tutelle de son supérieur hiérarchique, le préfet du prétoire des Gaules, toujours installé, semble-t-il, à Trêves5. Si depuis les hautes sphères politiques parvenait jusqu'à la cité ligérienne quelque écho, c'était pour apporter des nouvelles de bon augure; le public lettré de Tours pouvait, à la lecture des vers du poète Claudien, puiser confiance dans l'avenir : la vigilance infatigable de Sti- licon s'étendait à l'Occident tout entier; lors d'une tournée d'inspection en 396, le général n'avait-il pas renforcé la défense du Rhin et multiplié les traités avec les barbares qui servaient l'Empire en qualité de fédérés? Grâce à son activité, la Gaule pouvait, affirmait le poète, regarder sans crainte la Germanie désarmée6. Avec les fonctionnaires et le courrier transportés par la poste impériale arrivait l'annonce des victoires remportées par Stilicon sur les hordes d'Alaric (402) et de Radagaise (406) qui avaient tenté d'envahir l'Italie. De ces dangers ainsi écartés, le sol gaulois n'avait pas eu à souffrir. Ainsi, durant la décennie qui suivit la mort de Martin, aucune menace extérieure ne vint se profiler à l'horizon de Tours et troubler la quiétude de sa population.

1) L'invasion de 407 et les troubles de la Bagaude

Ces temps paisibles prirent fin, lorsque, le 31 décembre 406, Vandales, Alains, Suèves et Burgondes franchirent le Rhin gelé entre

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Mayence et Worms et percèrent, malgré la vigoureuse résistance des fédérés francs, le dispositif réorganisé par Stilicon. Dans une Gaule presque totalement désarmée, les barbares se répandirent sans rencontrer de véritable résistance7. Le gros de leurs forces prit la direction du Sud-Ouest, en suivant un itinéraire qui, dans le détail, n'est que très imparfaitement connu : quelques indices suggèrent que les barbares empruntèrent la vallée de la Loire entre Orléans et Tours8, pour gagner, une fois le fleuve traversé, la riche Aquitaine, avec l'intention de poursuivre leur course en Espagne. Ils furent arrêtés aux cols des Pyrénées que gardaient solidement des troupes régulières. Les envahisseurs étaient provisoirement enfermés dans leur conquête gauloise, mais libres de s'y livrer au pillage, en particulier dans toute la moitié ouest du pays. En effet les secours extérieurs, que les provinces occidentales espéraient, se révélèrent inopérants ou défaillants. La Gaule crut d'abord trouver un libérateur en la personne de l'usurpateur Constantin III, proclamé Auguste par ses troupes en Bretagne : débarquant, avec les meilleurs effectifs stationnés dans la grande île, à Boulogne au printemps de 407 9, ce dernier obtint bientôt le ralliement «des soldats de toute la Gaule et de l'Aquitaine»10. Grâce à cette armée, il remporta, lors d'une rencontre dont la localisation exacte et l'importance réelle nous échappent, un premier succès sur les barbares; mais, au lieu de poursuivre ces derniers pour tenter de les anéantir, il préféra aller s'installer à Arles, abandonnant l'Ouest entier de la Gaule à ses occupants indésirables11. De son côté, Stilicon avait préparé la reconquête

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des régions transalpines : mais les intrigues de cour, la mutinerie des troupes à Pavie eurent pour conséquence la chute du régent en août 408. Une nouvelle invasion d'Alaric en Italie, que devait couronner le sac de la Ville éternelle, entraîna l'ajournement du projet gaulois. La Gaule ne fut délivrée des envahisseurs barbares que lorsque ces derniers réussirent à l'automne 409 à passer en Espagne.

Quel fut le sort de Tours au cours des deux années où l'Occident gaulois fut livré aux hordes germaniques? Les sources n'apportent guère de lueur sur ce qui se passa dans les régions de la Loire. La ville n'est nulle part mentionnée parmi celles qui furent prises et saccagées. Dans la fameuse lettre de 409 où il déplore l'étendue des désastres subis par les Gaules, saint Jérôme se borne, en recourant pour la géographie administrative à une terminologie dépassée, à citer la Lyonnaise au nombre des provinces qui ont été «complètement ravagées», sauf, ajoute-t-il, «quelques villes et ces villes mêmes, le glaive au dehors, à l'intérieur la famine les dépeuplent»12. C'est vraisemblablement dans cette catégorie d'agglomérations urbaines relativement privilégiées qu'il faut placer la ville des bords de Loire. Si Yurbs turonica eût alors succombé à des assaillants, la tradition locale aurait très probablement conservé le souvenir des méfaits commis par les vainqueurs. Or Grégoire de Tours, dans le récit, il est vrai assez confus et rapide, qu'il donne des événements, ne fait aucune allusion à une grande catastrophe qui se serait alors abattue sur la ville : il note seulement qu'à l'époque de l'évêque Brice, les Gaules ont été dévastées par les Vandales13. Ces barbares et leurs congénères n'ont, en revanche, certainement pas épargné les campagnes tourangelles dont les riches villae ont été pillées et incendiées. Les citadins, protégés par la muraille du castrum, ont probablement connu les affres de la disette pendant quelques mois.

Mais plus encore que de l'invasion elle-même, le Nord-Ouest de la Gaule eut à souffrir de ses longues séquelles : l'ordre romain y restait durablement ébranlé. Non que ces régions aient été, dans les décennies qui suivirent, abandonnées à l'occupation d'autres peuples barbares que le pouvoir impérial, après une brève restauration de son autorité, se résignait à installer ici et là en qualité de fédérés : elles ne connurent dans l'immédiat ni le sort de l'Aquitaine Seconde livrée aux fédérés

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Wisigoths en 417, ni celui des contrées du Nord de la Belgique Seconde que les Francs, tantôt dans une poussée mal contenue, tantôt grâce à des traités de fédération, submergeaient lentement. Ces deux peuples, dont les ambitions territoriales allaient se développer par la suite, pour venir s'affronter sur la Loire, ne représentaient pas encore pour les pays riverains de ce fleuve une menace directe. Mais un mal insidieux travaille les régions de l'Ouest, un mouvement de révolte contre toutes les autorités : autorité politique des représentants d'un pouvoir légitime qui s'est révélé incapable d'assurer la protection des habitants; et surtout autorité sociale des puissants, qui, plus durs aux humbles que les barbares, profitent de leur détresse pour s'enrichir à leur détriment. C'est la résurrection de la Bagaude qui, comme au temps de Dioclétien et de Maximien Hercule, mêle, dans une révolte commune, des paysans et des citadins ruinés, des colons et des esclaves qui désertent, des aventuriers rebelles à tout ordre social, d'anciens lètes d'origine germanique jadis cantonnés dans ces provinces et même quelques détachements isolés laissés derrière elles par les hordes barbares14. Le mouvement, par son ampleur et sa durée, dépasse cependant de loin l'agitation qu'avaient eu à combattre les Tétrarques. Le pouvoir impérial cédant déjà un peu, dans les moments les plus critiques, à la tentation de renoncer aux positions les plus avancées vers le Nord-Ouest pour se replier sur la péninsule italienne et sur les régions gauloises qui l'avoi- sinent, la Bagaude peut prendre par moment les allures d'une véritable sécession et, malgré des tentatives apparemment réussies de restauration de l'ordre romain, elle continue de couver pour renaître de plus belle, avant de s'éteindre enfin au milieu du Ve siècle, au terme de quarante années d'une agitation larvée ou déclarée.

En dépit du peu de précision apporté par les sources pour circonscrire le domaine géographique dans lequel s'est développée la Bagaude, on ne peut douter que la Touraine ait été profondément et durablement troublée par le mouvement. Celui-ci a intéressé une grande partie du

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Tractus Armoricanus qui comprenait, outre les deux Aquitaines, les Lyonnaises Seconde et Troisième ainsi que la Sénonie et s'étendait donc depuis les rivages de l'Atlantique et de la Manche loin vers l'intérieur, bien au-delà de Tours, jusqu'à Auxerre15. Quelques épisodes de la révolte sont situés par les Chroniques contemporaines en Gaule ultérieure, dans un secteur qui se confond partiellement sans doute avec le tractus armoricain16: l'expression, qui n'a certainement plus le même sens qu'à l'époque de Gésar et de Cicéron, désigne probablement les régions situées au Nord de la Loire et peut-être également celles qui se trouvent à l'Ouest de son cours supérieur. Quelles que soient les limites extrêmes atteintes par la rébellion dans ses moments de plus grande extension, le domaine qu'elle affectait a toujours compris le Val de Loire. C'est dans cette région en effet que se déroulent pendant toute cette période les quelques événements localisés avec plus ou moins de précision par les textes : au long des rives du fleuve, au voisinage d'Orléans et à Tours même. Cette dernière cité, dont nous ignorons le sort exact lors du premier réveil de la Bagaude au début du siècle, a directement ou indirectement souffert lors des deux reprises successives de la révolte, dans les années trente, puis dans la décennie suivante.

Une première phase de crise aiguë s'est prolongée de 407 à 417. Le mouvement bagaude reparaît à la faveur de l'invasion et des usurpations successives qui, à sa suite, ont pour résultat de soustraire une grande partie de la Gaule à l'autorité impériale. Selon l'historien Zosime en effet, le «tyran» Constantin a dû, le premier, compter avec les Bagaudes 17 : afin de se consacrer à la réalisation de ses ambitions espagnoles et italiennes, il a pactisé avec eux, laissant le champ libre à l'agitation; «l'Armorique tout entière et d'autres provinces gauloises» se sont libérées, chassant les fonctionnaires romains et se donnant un gouvernement autonome18. Il est fort probable que le praeses de Lyonnaise Troisième a été contraint, lui, aussi, d'abandonner son poste et de fuir Tours pour plusieurs années. Car la victoire remportée par le nouveau général d'Ho- norius, Constance, qui bat et capture Constantin III en 411, ne ramène pas pour autant l'ordre. Tandis que Constance doit faire face à une nouvelle usurpation née dans les provinces du Nord-Est, celle de Jovinus (411-413), puis reprendre le combat contre les Wisigoths d'Athaulf qui, après avoir évacué l'Italie, se sont

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emparé par la force de Toulouse, Bordeaux et Narbonne (413-415) avant d'être contraints à se replier en Espagne (416), la Bagaude peut se développer sans rencontrer d'obstacle. Une comédie écrite sans doute entre 410 et 425 par un poète gaulois demeuré anonyme, le Querolus, évoque de façon suggestive la situation des régions ligériennes en proie au désordre bagaude. «Sur la Loire, affirme l'un des personnages, on vit suivant la loi de Nature». De son exposé imagé, il ressort que l'autorité légitime et le droit public n'ont plus cours dans la contrée transformée en vrai royaume de brigands: «tout est permis». L'ordre social est subverti : les riches propriétaires se voient dépouiller de leurs biens ; les paysans sont devenus les maîtres et, en exerçant une justice sommaire, font régner la terreur 19. À cette rébellion où se mêlaient brigandage et jacquerie, un terme parut enfin être mis, lorsque l'autorité romaine fut rétablie dans le reste de la Gaule vers 416-417. Un haut fonctionnaire reçut mission d'intervenir en Armorique. Le poète gaulois Rutilius Namatianus fait une brève allusion aux succès alors remportés par cet Exuperantius, son compatriote et parent, dans la répression du soulèvement : « Exuperantius enseigne à présent aux rivages d'Armorique à aimer la paix revenue d'exil ; il rétablit les lois, ramène la liberté et ne permet plus que les serviteurs fassent de leurs maîtres des esclaves»20.

En dépit des efforts du patrice Constance pour relever la Gaule de ses ruines matérielles et morales, puis de l'activité déployée au temps du successeur d'Honorius, Valentinien III (423-455), par le magister equitum per Gallias,

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Aetius, pour contenir la pression barbare et maintenir l'autorité de Rome, l'Ouest armoricain n'a retrouvé qu'un calme superficiel et précaire. Dans un pays déjà éprouvé, l'ordre romain est dur aux humbles. Au fil d'un traité rédigé un peu avant le milieu du Ve siècle, le De gubernatione Dei, le prêtre Salvien expose les raisons d'un malaise persistant : un système fiscal inique dans son principe et vicié dans son application qui fait retomber le poids des impôts sur les plus pauvres; une organisation sociale fondée sur une monstrueuse inégalité qui permet aux puissants, sous couleur d'assurer protection aux humbles, de les dépouiller de leurs derniers biens et de les asservir. «Ceux qui ne sont pas encore Bagaudes, conclut Salvien, ne les contraint-on pas à le devenir?» «Ils émigrent donc de tous côtés. . . chez les Bagaudes»21. Autrement dit, aux contraintes que fait peser l'autorité romaine, certains continuent de se soustraire en prenant le maquis. La répression s'accentue-t-elle, ces îlots de résistance se transforment en foyers de rébellion ouverte. Tel semble être le processus à l'origine des réveils successifs de la Bagaude.

En 435 l'insurrection se rallume. Une brève notice de la Chronique des Gaules nous apprend qu'à cette date, «sous la conduite de Tibatto, la Gaule ultérieure abandonne l'alliance romaine»22. La pacification est cette fois entreprise avec vigueur et célérité : dès 437, toujours suivant la chronique gauloise, «Tibatto ayant été capturé et les autres chefs de la sédition faits prisonniers ou tués, la révolte des Bagaudes se calme»23. Ce succès est à porter à l'actif d'un lieutenant d'Aetius, Litorius. Un panégyrique de Sidoine Apollinaire présente au passage le vainqueur et son armée de retour de leur expédition : Litorius est à la tête d'un contingent de ces mercenaires Huns qui composaient l'élite des forces d'Aetius; ce dernier, retenu par d'autres combats dans le Nord de la Gaule, a laissé à son lieutenant le soin de soumettre l'Armorique24. Les cavaliers Huns qu'il lui a confiés ont écrasé toute résistance en employant les méthodes brutales qui leur étaient habituelles : « Ces barbares, note le poète,

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par leurs razzias, par la flamme et le fer, par leur cruauté, par leurs rapines, détruisaient tout sur leur passage»25. Il est possible que durant ces deux années la cité de Tours ait eu à souffrir des pillages et des violences commises dans les campagnes par les troupes de Tibatto. Plus certainement cruelle aux habitants de Yurbs turonica fut la présence des mercenaires barbares que l'autorité romaine déléguait à leur protection et qui se conduisaient en fait comme une armée d'occupation en pays conquis. Le souvenir des méfaits que commirent à leur passage les cavaliers Huns de Litorius était encore très vivace lorsque l'évêque Perpetuus rédigea sa Charta de Martini miraculis. L'ouvrage, où le prélat avait consigné quelques-uns des miracles accomplis par Martin depuis son tombeau durant la période qui précéda son épiscopat et pendant les premières années de celui-ci, est malheureusement perdu. Mais la substance en est passée dans l'œuvre de Paulin de Périgueux que l'évêque tourangeau avait chargé d'habiller en vers sa relation et qui, à partir de ce témoignage, composa le sixième livre de son poème De vita sancii Martini episcopi26. Deux épisodes s'y rapportent, sans le moindre doute, à la présence des mercenaires Huns dans la ville de Tours. Le poète a d'ailleurs eu soin, pour introduire ces récits, de les situer dans leur contexte historique : « La peur soudaine d'un péril avait jeté la Gaule dans un péril plus grave : elle avait appelé les Huns à son aide, et ces auxiliaires lui étaient à charge. Le moyen en effet de supporter sans peine un allié qui se montre plus cruel que l'ennemi, et qui méconnaît, dans sa férocité, les traités convenus»27. Les deux scènes qui suivent ont pour cadre, dans le suburbium de Tours, la basilique Saint-Martin, c'est-à-dire, étant donné l'époque où l'on doit situer ces événements, le modeste sanctuaire qui précéda le grand édifice élevé par Perpetuus. Elles nous montrent les soldats Huns se livrant sans frein à leurs instincts de rapine et de violence : l'un d'entre eux, pour satisfaire sa convoitise de butin, s'empare de la couronne votive, sans doute un précieux ouvrage d'orfèvrerie, qui ornait le tombeau du saint ; tout aussi-

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tôt frappé de cécité, il s'abandonne au repentir et restitue l'objet de son vol28. Un autre n'hésite pas à perpétrer un meurtre dans le sanctuaire et, expiant immédiatement son crime, il se transperce, dans sa fureur, de son propre glaive29. Ces deux épisodes ont seuls été jugés dignes par Perpetuus d'être transmis à la postérité, parce que leur dénouement offrait à ses yeux un exemple salutaire des châtiments réservés par la justice immanente de Dieu à ceux qui portaient atteinte au saint asile d'un lieu de culte. Nul doute que d'autres méfaits, restés impunis, n'aient été commis en grand nombre par les mercenaires barbares. Ces désordres, qui lésaient les personnes et les biens, jetaient aussi le désarroi dans les esprits : en ces temps troublés, où les pacifiques citoyens sont victimes de ceux qui sont censés restaurer l'ordre établi tout autant que de ceux qui s'efforcent de le subvertir, la notion d'autorité légitime, incarnée par des fonctionnaires civils qui prennent la fuite à la première alerte ou par des soudards étrangers auxquels Rome délègue la défense des provinciaux, perd tout sens véritable, tandis que s'instaure, plus durable que les événements qui l'ont fait naître, un climat d'incertitude et d'anxiété.

Malgré la brutalité de la répression, la Bagaude n'était pas encore vaincue : elle se manifeste à nouveau au cours des années quarante dans le tractus armo- ricanus. «Irrité par l'insolence de cette orgueilleuse contrée», Aetius essaie alors d'une nouvelle méthode : plutôt que de recourir encore à une simple expédition punitive, il décide de soumettre la région à une surveillance permanente, abandonnant «au très cruel Goar, roi des Alains, pour qu'il les châtiât en raison de l'insolence de leur rébellion, ces pays»30. Le patrice assigne donc aux Alains de Goar, qui, au service de Rome depuis 407, avaient d'abord été installés dans le Nord-Est de la Gaule, de nouveaux cantonnements qu'ils occupent vers 440. Les principaux établissements se situent à Orléans même, où le roi alain fixe sa résidence, et dans la partie septentrionale de l'Orléanais; mais d'autres s'échelonnent vers le Nord jusqu'à la baie de Seine et vers le Sud, sur la rive gauche de la Loire, de façon à couper en deux le tractus armoricanus31. Dans ces régions, les propriétaires romains doivent céder à leurs «hôtes», en échange de la protection qu'ils offrent, une partie de leurs biens-fonds, probablement un tiers, si ce n'est plus. L'installation des fédérés alains dont la rapa-

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citas était proverbiale, rencontra une assez vive opposition. Les grands propriétaires fonciers, lésés dans leurs intérêts, se retrouvent dans le camp des rebelles : en 441, au témoignage de la Chronica Gallica, «les Alains, auxquels des terres de Gaule ultérieure avaient été concédées par le patrice Aetius pour être partagées avec les habitants, maîtrisent par les armes leur résistance, expulsent les propriétaires et s'emparent de leurs terres par la force»32. Redoutant de déchaîner une nouvelle intervention du roi Goar, les Bagaudes se terrent pendant quelque temps : en effet dans le panégyrique en vers composé pour célébrer, le 1er janvier 446, le troisième consulat d'Aetius, le poète Flavius Mero- baudes chante la paix rétablie en Gaule par le patrice et énumère parmi les régions heureusement pacifiées le Tractus armoricanus : ses habitants, affirme- t-il, ont renoncé à leurs habitudes de pillage ; ils cultivent de nouveau la terre et se soumettent aux lois romaines33. Cet optimisme de commande n'était justifié que par des apparences bien fragiles. La paix était à la merci d'un nouveau soulèvement bagaude autant que d'une réaction des fédérés alains, prompts à saisir tout prétexte pouvant justifier le pillage ou l'occupation de nouveaux territoires.

C'est là l'origine des derniers sursauts de la révolte qui secouent encore une fois les régions de l'Ouest. Les sources, qui laissent entrevoir le processus à l'œuvre, sont malheureusement fort peu explicites quant à la succession chronologique et à la nature des événements. Dans quel ordre faut-il concilier les informations disparates et fragmentaires dont nous disposons? Deux points paraissent assurés dans le déroulement de la chronologie : à l'aube de 446, au témoignage de Flavius Merobaudes, le calme règne encore dans le tractus ; deux ans plus tard, en 448, les Armoricains se soulèvent sous la conduite du médecin Eudoxius, comme l'atteste la chronique gauloise34. En revanche, deux autres épisodes, certainement postérieurs à l'installation de Goar, sont plus difficiles à dater. Tout d'abord, Constance de Lyon fait état d'une intervention de l'évêque d'Auxerre, Germain, en faveur des Armoricains : au retour de son second voyage en Bretagne, le prélat, sollicité par une délégation venue du Tractus, se rend auprès du roi Goar qui s'était déjà mis en marche pour châtier un soulèvement des habitants. Il négocie une trêve et obtient des Alains qu'ils retournent à leurs cantonnements, en s'engageant à arracher à la clémence de Valentinien III et d'Aetius l'amnistie pour les révoltés. Le saint homme prend aussitôt le chemin

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de Ravenne ; mais les Bagaudes relèvent les armes, rendant inutile la médiation de l'évêque qui meurt dans la capitale impériale quelques jours après son arrivée35. Si, comme tout le porte à croire, on doit bien s'en tenir à la chronologie traditionnelle qui fixe la mort de Germain le 31 juillet 448 36, les événements narrés par le biographe se déroulent peu avant cette date, en 447/448 : l'agitation renaissante amène le roi Goar à préparer une expédition punitive; la trêve ménagée par Germain est rompue par une rébellion ouverte qui ne peut être que celle menée par Eudoxius, précisément en 448. À ces péripéties il faut ajouter enfin un dernier épisode : l'action de Majorien, le futur empereur qui, en qualité de lieutenant d'Aetius, est chargé par ce dernier d'assurer la défense de Tours, avant de participer à ses côtés au combat victorieux mené contre le Franc Clodion en Artois, près du vicus Helena37. Sidoine Apollinaire, dans le

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panégyrique où il rappelle les exploits accomplis par Majorien avant son élévation à l'Empire, ne s'est point soucié de dater les hauts faits accomplis par son héros. Quelques notations du poète, relevées par l'étude attentive de A. Loyen, permettent toutefois de serrer d'un peu plus près la chronologie : Majorien, dont le père déjà avait servi sous les ordres d'Aetius, était encore assez jeune après l'engagement du viens Helena, au moment où il encourait une disgrâce temporaire (451-454), pour être qualifié de puer, par le poète; les deux combats, au cours desquels il s'est illustré, dans le Val de Loire, puis dans les plaines de l'Artois, ne peuvent donc être de beaucoup antérieurs à cette dernière période : ce qui nous ramène pour l'affaire de Tours, étant donné ce que l'on sait par ailleurs de l'évolution de la situation dans le Tractus armoricanus, aux années 447/448 38. Il reste qu'on ignore tout des circontances qui ont amené Majorien à assurer la défense de la ville des Turones, si ce n'est que la rigueur d'un hiver exceptionnel, gelant les eaux de la Loire, a joué quelque rôle dans les opérations39. On s'accorde en général à voir dans cette affaire un épisode de l'agitation bagaude40. Ce n'en est peut-être qu'une conséquence indirecte. En effet peut-on croire que des hors-la-loi qui disposaient d'un armement de fortune, aient tenté de s'emparer d'une ville que protégeaient de solides murailles? À titre d'hypothèse, une autre explication des événements, plus vraisemblable semble-t-il, peut être proposée : il n'est pas impossible que le roi Goar, séduit par la perspective d'un riche butin, ait cherché, sous couleur de mater la révolte ou de prévenir l'action des insurgés, à prendre d'assaut avec ses troupes bien aguerries, la ville de Tours et que Majorien ait dû, par une démonstration de force, le rappeler au respect des traités de fédération41. Quoi qu'il en soit de cet épisode mystérieux, qui mit en alarme encore une fois les Tourangeaux à une

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époque où Eustochius avait déjà succédé à Brice dans la chaire episcopale, on doit retenir qu'il clôt pour Tours une longue période de troubles : après 448, on n'entend plus parler de l'agitation bagaude. Tout au contraire, en 451, Armoricains et Alains, se retrouvant dans le même camp, figurent parmi les peuples coalisés pour lutter contre les Huns d'Attila42, auprès duquel s'était réfugié le dernier chef bagaude, Eudoxius.

2) Les premières difficultés de l'évêque Brice avec le clergé tourangeau

Inauguré en des temps encore paisibles, dix années avant que l'invasion barbare et la révolte bagaude ne viennent battre aux portes de Tours avec leur cortège de misères et de souffrances, le règne de Brice a cependant vu très rapidement s'installer un climat de malaise au sein de la chrétienté tourangelle. Rien ne permet pourtant d'affirmer, comme l'a supposé E.-Ch. Babut, que l'élection du nouvel évêque ait représenté la victoire d'un «parti» hostile à Martin, dont l'existence est loin d'être démontrée43. Et si quelques différends avaient parfois séparé l'ascète de certains membres de la communauté, la personnalité de Brice, tout au contraire, devait paraître de nature à concilier toutes les exigences, toutes les aspirations. Formé dès son plus jeune âge sous la direction du Maître à Marmoutier, Brice pouvait être considéré comme l'un de ses plus proches disciples; un disciple parfois rétif ou pécheur, mais auquel le saint prélat disparu, en lui accordant toujours le pardon, avait gardé sa confiance44. Grégoire de Tours, deux siècles plus tard, ira même jusqu'à prétendre que Martin l'avait formellement dé-

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signé pour être son successeur45. L'historien est trop visiblement soucieux d'affirmer en toute circonstance la continuité de la tradition episcopale dans son Église pour qu'on puisse sur ce point se fier entièrement à son témoignage. Il reste que Brice apparaissait tout indiqué par sa formation martinienne pour maintenir l'enseignement de l'apôtre et continuer son œuvre. Il remplissait, d'autre part, toutes les conditions que la législation canonique s'efforçait d'imposer pour le choix d'un évêque et que les milieux ecclésiastiques, clercs de Tours ou prélats des sièges voisins appelés à la consécration, étaient sans doute désireux de respecter46 : tourangeau de naissance, il s'était destiné dès sa jeunesse à l'Église et avait franchi régulièrement les différents degrés du cursus ecclésiastique, passant par le diaconat avant de recevoir la prêtrise47. Moralement et légalement, Brice se présentait comme le candidat dont le nom était susceptible de rassembler la quasi unanimité des suffrages. De fait aucune contestation ne paraît s'être élevée au moment de son élection et de sa consécration48.

C'est après son intronisation, peu de temps après semble-t-il, que se manifestent les premiers signes d'une rupture qui coupe le nouvel évêque d'une bonne partie de son clergé. De ces difficultés témoignent tout d'abord les poursuites judiciaires dont Brice fut l'objet dans les mois ou les années qui suivirent sa consécration. Toute notre information à ce sujet est contenue dans deux lettres écrites en septembre 417 par le pape Zosime qui évoque, en passant, cette affaire déjà ancienne : le pontife romain, prenant à parti l'évêque Lazare d'Aix, rappelle que ce dernier, plusieurs années avant qu'il n'accédât à l'épiscopat, s'était fait, per multa concilia et notamment au concile de Turin, l'accusateur de Brice; ce dernier avait été reconnu innocent et Lazare, convaincu de

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calomnie, condamné49. Dans cette affaire, bien des points demeurent obscurs; et tout d'abord la succession et la chronologie des événements restent très floues. Le concile de Turin, antérieur à l'élection de Lazare à Aix (408), s'est certainement réuni avant que les invasions gothiques ne rendent difficiles les relations entre la Gaule et l'Italie, dès 398 probablement ou, au plus tard, dans l'une des deux ou trois années suivantes50. Quant aux autres assemblées conciliaires qui évoquèrent le cas de Brice et qui n'ont laissé aucune trace de leur activité, comment les situer? Il paraît difficile que plusieurs réunions aient pu se tenir avant le synode turinois et même impossible, si l'on retient pour ce dernier la datation la plus haute. Le résumé très succint de Zosime n'implique d'ailleurs pas un ordre chronologique : les multa concilia auxquels il fait allusion, au moins une partie d'entre eux, pourraient, rien ne s'y oppose vraiment, se placer après la réunion de Turin51. Mais trop d'éléments font défaut pour qu'on puisse reconnaître en tout ceci la marche de la procédure52, la succession des instances.

Quels étaient d'autre part la nature et les mobiles des accusations portées contre le nouvel évêque de Tours? Encore que les lettres de Zosime ne soient guère explicites non plus sur ce point, les termes employés suggèrent cependant que l'on mettait en cause la vie, c'est- à-dire les mœurs, du Tourangeau. Sulpice Sévère et Grégoire de Tours, bien qu'ils ne fassent, ni l'un ni l'autre, mention des poursuites intentées contre Brice à cette époque, apportent indirectement une confirmation à cette hypothèse. L'auteur des Dialogues se fait en 403-404 l'écho de bruits qui auraient circulé à Tours du vivant de Martin au sujet du prêtre Brice : « Des gens l'accusaient d'avoir acheté non seulement des garçons de race barbare, mais jusqu'à de jolies filles»53. Il

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paraît évident que, sous couvert d'évoquer le passé, l'écrivain fait discrètement référence à des événements tout récents que lui-même et ses lecteurs ne pouvaient ignorer. Procédé habile où la perfidie ne le cède qu'à la prudence : en rapportant les attaques dont Brice avait autrefois fait l'objet, Sulpice Sévère portait un coup sensible à la réputation d'un homme qu'il détestait visiblement; en s'abstenant de se prononcer sur la réalité des faits reprochés jadis au prêtre et naguère à l'évêque, il laissait planer le doute et évitait en même temps de donner prise, puisque les conciles avaient reconnu l'innocence de Brice, aux reproches de calomnie. Ainsi sans toucher apparemment à une actualité un peu trop brûlante, sans engager personnellement son auteur, le chapitre des Dialogues rappelle que l'évêque blanchi par les décisions conciliaires n'avait pas toujours été d'une moralité à l'abri de tout soupçon et suggère au lecteur la conclusion que, selon l'adage bien connu, il n'y a pas de fumée sans feu. De son côté, Grégoire de Tours relate que, bien des années plus tard, trente deux ans après son élection, Brice fut injustement accusé d'entretenir des relations coupables avec une femme de son entourage et chassé par le peuple de Tours, unanime dans sa réprobation54 : un tel soupçon eût-il pu naître brusquement dans les esprits et atteindre un prélat déjà âgé et chevronné, si le passé de ce dernier n'avait prêté quelque vraisemblance à une telle accusation?

Il est certes difficile, après tant de siècles écoulés, de rouvrir le premier procès de Brice, alors surtout que font défaut les principales pièces du dossier. On conclura cependant volontiers, quant au chef d'accusation invoqué, à l'innocence de Brice, coupable tout au plus de quelques imprudences dans sa jeunesse : les conciles, qui l'ont en définitive absout, n'ont en effet pas dû rendre leur sentence sans avoir procédé à une enquête sérieuse. Accuser d'immoralité celui que l'on voulait perdre était au reste un procédé habituel de la polémique cléricale. Quels étaient donc les véritables mobiles de Lazare ? Il serait inconcevable que ce prêtre ait soutenu une accusation contre l'évêque de Tours, s'il n'avait été lié de quelque façon aux milieux ecclésiastiques tourangeaux. Lazare était sans aucun doute déjà uni au prêtre Héros de l'étroite amitié qui leur fit partager par la suite la même aventure : élu l'un au siège d'Aix, l'autre à celui d'Arles à la faveur de l'usurpation de Constantin III, ils furent ensemble entraînés dans la chute du tyran et entreprirent de conserve le pèlerinage de Palestine, où ils collaborèrent

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à la rédaction d'un libelle contre l'hérésiarque Pelage55. Or Héros était, au témoignage de Prosper d'Aquitaine, beati Martini discipulus56. Il n'est pas absolument certain que Lazare ait été lui-même disciple du bienheureux et membre dans sa jeunesse du clergé de Tours57. Mais il était au moins, par l'intermédiaire de son ami Héros, en relation avec tous ceux qui, à Tours, restaient profondément attachés au souvenir de l'apôtre disparu. C'est à leur instigation, pour satisfaire les rancunes et calmer les désillusions qu'avait fait naître, dès ses tout débuts, le gouvernement de Brice, que Lazare, sans aucun doute, se fit, devant diverses instances conciliaires, l'accusateur de ce dernier.

Manifestation de la rancœur de quelques clercs isolés qui regrettaient pour des raisons toutes personnelles le temps de Martin? Cette conclusion pourrait s'imposer, si d'autres signes ne révélaient au même moment une désaffection plus large dans les milieux martiniens à l'égard du nouvel évêque. Un premier indice est fourni par le brusque changement introduit dans les rapports que Sulpice Sévère entretenait avec Tours. Quelque déplaisir que l'écrivain eût éprouvé à l'annonce de l'élection de Brice, il n'avait point renoncé en 398 à effectuer le voyage qui le conduisait chaque été dans la cité tourangelle, comme l'atteste une lettre que lui adresse Paulin de Noie à la fin de cette même année58. Après cette date au contraire, il n'est plus jamais question dans la correspondance des deux amis de ce pèlerinage annuel dans les pays de la Loire. Ce sont au contraire les disciples proches de Martin qui abandonnent Marmoutier ou Tours et viennent séjourner ou s'établir définitivement à Primuliacum, dans le domaine de Sulpice Sévère. Le grand monastère transligérien paraît alors déserté par le plus grand nombre : c'est dans le silence de la solitude que s'y élève la voix d'un poète — sans doute l'un des frères — qui a connu Martin et pleure sa disparition encore récente. Les vers maladroits, mais frémissants d'une émotion sincère, qu'il composa pour être gravés dans l'humble demeu-

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re de l'ascète et qu'une sylloge nous a conservés59, disent la désolation des lieux que le Maître, de son vivant, avait peuplés de si nombreux disciples : hic nemo personat60. On retrouve certes ici l'un des thèmes habituels à la déploration des défunts, celui du grand vide laissé par leur disparition. Mais lorsque l'auteur invoque le Christ pour qu'il accorde sa protection à Israël, ne songe-t-il pas, en employant ce terme, à sa communauté dispersée par un nouvel Exode?61 On le croirait volontiers, en constatant que nombre des martiniens les plus fidèles ne résident plus à cette époque à Tours. Ce n'est pas alors la cité episcopale des bords de Loire, mais le domaine aquitain de Primuliacum qui se constitue en haut lieu martinien. Ce n'est pas autour de Brice, mais auprès de Sulpice Sévère qu'on se réunit pour communier dans le souvenir de l'apôtre. Les compagnons habituels de l'écrivain, ses visiteurs, presque tous ceux qui se rassemblent pour écouter les récits des Dialogues, ont été à Tours les disciples directs de Martin, les membres de son clergé : frères de Marmoutier, comme le moine Gallus qui paraît installé à demeure à Primuliacum, ou le moine Victor qui n'abandonne le domaine aquitain que pour se rendre à Noie auprès d'un autre martinien fervent, Paulin, ou encore le moine Sabbatius qui est reçu en voisin par l'écrivain; clercs tourangeaux aussi qui paraissent avoir quitté leur diocèse d'origine pour l'Aquitaine : les prêtres Aurelius, Evagrius, Refrigerius, auditeurs privilégiés des Dialogues. Le cénacle s'élargit d'ailleurs à d'autres disciples ou amis de Martin, qui, malgré la distance, se tiennent en relations avec les habitants de Primuliacum : le prêtre Arpagius, l'évêque Eusebius, ainsi, bien sûr, que Paulin installé dans une retraite ascétique à Noie et, parmi les laïcs, Dagridus, l'ancien tribun du comte Avitianus, ou le propriétaire sénonais Romulus62. Le réseau qui se tisse entre les anciens compagnons de Martin et ses admirateurs les plus fervents a pour centre Primuliacum.

L'attrait qu'exerce sur tous ces martiniens la villa de Sulpice Sévère peut s'expliquer aisément : et tout d'abord, si Primuliacum n'est pas à la lettre un nouveau Marmoutier, un peu de l'esprit du «grand monastère», voué à un quasi abandon, y revit. Dans le cadre agréable d'une riche propriété et le confort d'une demeure aristocratique qui ne

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rappelle guère, il est vrai, les rudimentaires abris creusés dans la falaise de la Loire ou élevés à ses pieds, s'organise la pieuse retraite d'un grand seigneur qui rassemble en une communauté fraternelle les esclaves «convertis» par ses soins, les amis qui ont choisi de partager son existence, quelques moines installés sur le domaine. L'existence quotidienne s'inspire, selon l'heureuse expression de J. Fontaine, d'une «règle martinienne mitigée»63 : le maître de maison, qui fait un peu figure d'abba, et ses compagnons n'ont certes pas rompu totalement avec le monde; mais s'ils ne renoncent ni aux commodités qu'offrent les services d'une domesticité nombreuse, ni aux plaisirs que procurent les visites et les longues conversations où il n'est pas interdit de briller par sa culture, ils s'astreignent à plier leurs corps et plus encore leurs cœurs à la pratique de l'ascèse. Les tentatives pour recréer à Primuliacum les conditions de la vie monastique, avec son décor de cellules, ses accessoires, paillasses et cilices, ses costumes, les manteaux en poil de chameau, représentent un effort réel et sincère d'austérité et de renoncement, même si parfois cette recherche paraît un peu naïve et non toujours exempte d'une pointe d'ostentation. Et surtout pour ces convertis, qui connaissent les limites de leurs forces et raillent avec humour leurs propres faiblesses, Martin est toujours présent : sa vie, son enseignement sont le sujet des méditations solitaires comme des pieux entretiens; son souvenir réunit dans une communion spirituelle tous les membres de la petite communauté au moment même où la chrétienté tourangelle se divise et se déchire.

Il y a plus encore : à une époque où dans le cimetière de Tours, l'humble sépulture, où l'apôtre avait choisi de reposer, ne reçoit encore aucun honneur officiel, on s'efforce à Primiliacum de réparer cet oubli; le culte, qui ne peut être célébré par les exilés sur la tombe du saint disparu, s'organise au centre du domaine de Sulpice Sévère dans le cadre d'un groupe d'édifices qui constituent un véritable mémorial martinien. Dans une longue missive que l'on peut dater de l'année 404, Paulin de Noie évoque la disposition architecturale de cet ensemble, composé d'un baptistère qu'encadrent deux basiliques, et il présente au choix de son ami plusieurs pièces métriques de sa composition qui pourront être gravées sur les murs de ces édifices64. Ces vers, selon le vœu sans doute exprimé par Sulpice Sévère, doivent servir la médita-

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tion des fidèles en expliquant les intentions du bâtisseur. La mémoire de Martin est associée à deux des sanctuaires : dans l'une des basiliques, repose, sous l'autel, le saint prêtre Clarus; à défaut de la dépouille mortelle de l'évêque de Tours, le maître de Primuliacum a obtenu, d'une grâce divine toute spéciale, note Paulin, celle de son plus proche disciple, décédé avant lui. C'est parce qu'il a été dans le siècle le compagnon de combat de Martin que Clair est proposé à la vénération des fidèles; c'est parce qu'il est admis avec lui au triomphe céleste qu'il peut accorder comme lui sa protection65. Dans le baptistère voisin, d'autre part, Sulpice a fait représenter l'image de Martin, et, pour la plus grande confusion de celui-ci, celle de Paulin : dans la légende qu'il compose, le poète se plaît à souligner le contraste qui oppose la figure du très saint guide et le type du pécheur que lui-même incarne66. Ainsi Martin est doublement présent dans les sanctuaires de Primuliacum : sa vie terrestre en fait le modèle exemplaire offert à l'imitation des chrétiens et son éternité bienheureuse, le patron secourable promis à leur faiblesse.

L'hostilité déclarée de quelques clercs tourangeaux acharnés à la perte du nouvel évêque, l'exode d'un plus grand nombre d'entre eux, tous ces signes indiquent assez clairement que l'unité ecclesiale, réalisée autour de la personne de Martin et sans doute maintenue au moment de l'élection de son successeur, s'est ensuite rapidement rompue et rompue par la faute de ce dernier. Si des disciples tourangeaux prennent dans les premières années du Ve siècle le chemin de l'exil et s'installent à Primuliacum, c'est qu'ils trouvent là, en terre étrangère, ce qui leur manque sur le sol même où est enterré l'apôtre : la fidélité à son enseignement, la dévotion à sa mémoire. Le silence de l'Église de Tours et de son nouveau chef contraste étrangement avec les témoignages de vénération qui s'élèvent de tous côtés : ceux que donnent le biographe et les nombreux lecteurs qui font de ses œuvres un succès de librairie ou encore le poète Paulin retiré dans la lointaine Campanie, ceux que portent solennellement les chroniques contemporaines67 ou

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plus modestement la chrétienne Fœdula ensevelie à Vienne68. Tout se passe comme si l'évêque Brice avait voulu faire l'oubli sur son prédécesseur. Nouveau Judas : la comparaison que l'auteur des Dialogues place dans la bouche de Martin69, exprime plus vraisemblablement le jugement que portent les disciples sur celui d'entre eux qui, depuis son élévation sur le siège de Tours, a trahi à leurs yeux le Maître. Dans ce reniement faut-il voir la vengeance retardée du clerc auquel ses écarts de langage et de conduite avaient tant de fois attiré les remontrances de son évêque? En fait, l'attitude de Brice paraît moins dictée par un ressentiment haineux nourri contre Martin que par la confiance excessive que lui inspirait sa propre personne. Si Sulpice Sévère a sans aucun doute, dans le chapitre des Dialogues où il le met en scène, quelque peu noirci Brictius, il laisse cependant entrevoir, sous le masque grimaçant de possédé démoniaque dont il l'affuble, le visage authentique d'une personnalité moins perverse que satisfaite de sa propre médiocrité : celle d'un homme persuadé qu'il est juste et marche dans les voies du Seigneur parce qu'il a été élevé dans l'Église et qu'il a parcouru suivant les règles canoniques un cursus ecclésiastique dont l'épiscopat était à ses yeux le couronnement normal. La comparaison que Brice instaure à son propre avantage entre Martin et lui-même est à cet égard fort significative : Brice est incapable de comprendre la grandeur et la supériorité du saint qui l'a recueilli et élevé, parce qu'elles se situent en dehors des normes habituelles; en faisant grief à Martin de ses antécédents de soldat et de ses «extravagances» en tant qu'évêque, le prêtre furieux reprochait en fait à son maître de n'être pas conforme, par son passé et sa conduite présente, à l'image toute conventionnelle que lui-même se faisait d'un dignitaire de l'Église soucieux de sa respectabilité70. Une bonne conscience sans faille, la conviction qu'avec son élection, l'ordre, perturbé par les folies de Martin, était enfin rétabli dans l'Église de Tours, voilà ce qui interdisait à Brice de recueillir et de continuer la tradition martinienne, lui aliénait une partie de son clergé et vouait son Église déchirée à retomber sous son règne dans une obscure médiocrité.

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3) La deuxième affaire Brice : la révolte du peuple chrétien

Pendant de longues années, plus de trois décennies, le prélat, honni par Sulpice Sévère et ses amis,, mais blanchi de toute accusation par les instances conciliaires, exerça sa charge sans plus rencontrer d'obstacles. Il ne semble guère avoir, durant cette période, illustré son siège : son activité, contrecarrée, il est vrai, à plusieurs reprises à partir de 408, par les événements qui apportèrent le trouble en Touraine, paraît avoir été plus que modeste : tout au plus peut-on supposer que la fondation de quelques-unes des églises rurales édifiées par ses soins remonte à cette première période de son épiscopat71. Mais au cours de la 33e année de son règne, si l'on s'en tient à la chronologie établie par Grégoire de Tours, éclata un scandale retentissant dans lequel l'évêque fut impliqué. L'affaire, que l'historien est seul à relater, est à bien des égards compliquée et étrange72 : la faute d'une moniale de Tours, qui avait manqué à ses vœux de chasteté, fut révélée à tous lorsque celle-ci mit au monde un enfant; aussitôt le peuple tourangeau unanime accusa Brice d'en être le père. Celui-ci, menacé d'être lapidé par ses ouailles, tenta de se justifier. Mais ni le témoignage que prononça miraculeusement Yinfans en faveur de l'évêque, immédiatement soupçonné de magie, ni l'ordalie à laquelle ce dernier se soumit victorieusement devant la sépulture de Martin ne réussirent à convaincre les fidèles de son innocence. Déposé par le peuple, Brice partit en exil à Rome, tandis que les Tourangeaux élisaient à sa place un certain Justinianus. Ce dernier ne jouit pas longtemps de sa charge : les électeurs — inconstants — le sommèrent d'aller rejoindre Brice «pour débrouiller avec lui son affaire» et il mourut durant son voyage, à Verceil. Une nouvelle élection porta alors Armentius sur le siège episcopal. Cependant Brice, ayant expié dans les larmes et les prières les fautes jadis commises contre Martin, reçut enfin du pape, au cours de sa septième année d'exil, l'autorisation de rentrer à Tours : son arrivée à Montlouis, à six milles de la cité, coïncida fort opportunément avec le décès d' Armentius; Brice recouvra alors son siège sans la moindre difficulté et le conserva pendant sept ans, jusqu'à sa mort survenue durant la 47e année qui suivit sa consécration.

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Sous la forme où Grégoire l'a recueilli et rapporté, le récit de cette affaire mêle à l'évidence à des faits réellement advenus des traits légendaires qui ont agrémenté ceux-ci dans mémoire collective; l'historien lui-même a peut-être cédé aussi à la tentation d'enjoliver dans sa narration certains des épisodes. La chronologie qu'il propose est en particulier assez suspecte : tout d'abord la somme des années de règne où se trouvent additionnés des chiffres ordinaux et cardinaux, pèche très certainement par un excès de deux ans environ. À tenter d'apporter des corrections aux différentes durées qui la composent, on obtiendrait les dates suivantes: 429/430, déposition de l'évêque; 435/436: retour d'exil. Mais ces efforts semblent un peu vains, car il n'est pas possible de se fier entièrement aux données numériques qui servent de base aux calculs erronnés de l'historien : l'épiscopat de Brice s'ordonne en effet en trois périodes dont la durée s'exprime par des nombres — 33 et, deux fois, 7 — qui pourraient bien avoir été choisis pour leur valeur symbolique73. Il y a vraisemblablement une part d'arrangement — au prix de quelques coups de pouce — dans ce découpage. On ne saurait pour autant refuser à la chronologie de Grégoire une. valeur à tout le moins approximative, pour conclure que l'historien ne fait que transposer et rajeunir les procès dans lesquels, selon le témoignage de Zosime, Brice avait été impliqué au début de son épiscopat. Pour réduire à une seule les deux affaires, on a même proposé de corriger, dans les deux textes de Grégoire où elle figure, la date tricesimo tertio anno en tertio anno1*. Une correction aussi hardie d'une leçon présentée par tous les manuscrits ne peut être acceptée. Il ne reste, pour soutenir l'hypothèse, que le silence de Grégoire à propos des poursuites intentées contre Brice au début de son règne vmais c'est là un argument bien faible, car le successeur de Martin, innocenté par les décisions conciliaires, s'était probablement employé à ne laisser subsister dans les archives de son Église aucune trace des accusations calomnieuses portées contre lui par Lazare. Au reste, mise à part la nature de l'accusation, il n'existe aucun point commun entre la procédure régulièrement entamée devant les assemblées conciliaires, au témoignage du pape Zosime, et la déposition brutale à laquelle procéda, selon le récit de Grégoire, le peuple de Tours révolté. Il y a donc bien eu deux affaires Brice, séparées — la chronologie de Grégoire peut au moins donner cette certitude — par un long intervalle de temps.

Du récit de Grégoire, on ne peut évidemment retenir non plus comme authentiques les épisodes merveilleux qui sont censés manifester l'intervention divine : ni les coïncidences trop heureuses, comme celle qui fait mourir Armen- tius au retour de Brice; ni les épreuves apparemment insurmontables dont l'évêque sort miraculeusement justifié : les charbons ardents qui ne brûlent pas

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l'innocent et surtout la confrontation avec l'enfant qui témoigne en sa faveur. Le nouveau-né prenant la parole pour faire éclater la vérité constitue — on doit le noter — un thème de contes populaires qui est passé dans la littérature hagiographique; ainsi, par exemple, les Actes latins des saints Simon et Jude, composés à l'époque où écrivait Grégoire, recèlent le même épisode relaté, suivant un schéma narratif identique, à propos du diacre Euphrosynus75.

Dépouillés de tout cet habillage légendaire, apparaissent, dans leur nudité, quelques faits que l'on peut tenir pour authentiques : tout d'abord la déposition de l'évêque en dehors de toute sentence conciliaire, par le seul effet de la volonté populaire. Replacée dans son contexte historique, l'intervention du peuple tourangeau prend toute sa vraisemblance : Brice a très probablement été victime des troubles qui secouent dans la première moitié du Ve siècle tout l'Ouest de la Gaule et qui y ébranlent toutes les assises politiques et sociales. Non qu'il faille tenter, dans une explication trop mécaniste des événements, de mettre sa chute en rapport avec un épisode précis de la Bagaude; le voudrait-on d'ailleurs que l'incertitude de la chronologie grégorienne l'interdirait. Plus vraisemblablement, Brice a subi les effets indirects du nouvel état d'esprit qui s'était instauré dans ces régions : le vent de révolte qui soufflait contre toutes les autorités établies, même dans les périodes de relative accalmie, n'a pas épargné un prélat dont le prestige avait sans doute été fortement ébranlé dans l'esprit des fidèles au début de son règne et qui n'avait pas su rassembler autour de lui, dans l'unité d'une foi et d'une espérance communes, le peuple chrétien dont il avait la charge. Véridique aussi l'intermède au cours duquel deux évêques, successivement élus contre lui, occupent le siège de Tours, tandis que son titulaire légitime prend le chemin de l'exil. Contemporain des événements, Sidoine Apollinaire atteste en effet dans l'un de ses poèmes qu'entre la mort de Martin et l'avènement de Perpetuus, quatre prélats se sont succédé à la tête de l'Église tourangelle76 : son témoignage et celui de Grégoire concordent assez pour nous assurer de l'existence des évêques qui ont provisoirement supplanté Brice, même si les deux sources n'apportent aucun éclaircissement sur les circonstances des événements. S'est-il trouvé dans les cités voisines un ou plusieurs prélats pour consacrer les candidats portés aussi illégalement par le peuple au

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siège episcopal? Il faut le croire, bien qu'aucun élément précis ne permette de l'affirmer. Nous ne sommes guère mieux éclairés sur le sort de Brice chassé de sa cité. Celui-ci a-t-il, ainsi que l'affirme Grégoire, gagné la Ville Éternelle? Comme le remarquait justement Babut, «la réalité du voyage de Brice à Rome est rendue très probable par le détail de la mort à Verceil de Justinien qui l'avait suivi»77. Il n'est d'ailleurs pas invraisemblable que l'évêque déposé en ait appelé directement au pontife romain et qu'il ait séjourné, quelque temps au moins, dans YUrbs.

Reste à élucider l'affaire au fond : l'accusation d'inconduite, portée par le peuple sur de simples présomptions, n'était vraisemblablement pas mieux fondée que l'inculpation de même nature dont Brice avait été l'objet au début de son épiscopat devant plusieurs assemblées conciliaires. La seconde affaire se présente, selon toute apparence, comme une résurgence de la première : les soupçons anciens, que la sentence des conciles n'avait pas totalement levés, se sont réveillés à la faveur d'une situation qui créait de nouvelles raisons de dissension entre la communauté chrétienne et son évêque. Car le récit de Grégoire laisse entrevoir qu'à l'accusation d'adultère qui servit de prétexte à la déposition de Brice se mêlait un reproche de tout autre nature : celui de ne pas avoir accordé à son bienheureux prédécesseur les honneurs qui lui étaient dûs et d'avoir ainsi privé la ville de Tours, à un moment où elle en avait grand besoin, des secours d'un saint patronage. Certes, le commentaire édifiant dont l'historien accompagne sa narration reflète surtout sa propre philosophie des événements : dans cette « lamentable affaire», il veut lire l'accomplissement d'une prophétie de Martin qui avait prédit de nombreuses tribulations à son disciple78 et l'intervention de la pédagogie divine qui, tout en manifestant de façon éclatante l'innocence et la chasteté de Brice, aveugle les Tourangeaux pour permettre à l'évêque d'expier les fautes de sa jeunesse. Cependant, deux éléments précis du récit suggèrent que l'affaire avait quelque lien avec l'attitude de l'évêque Brice à l'égard du saint disparu. L'ordalie, à

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laquelle l'accusé se serait soumis en dernier recours, est située au pied de la tombe de Martin. L'épisode conserve peut-être le souvenir d'un acte de dévotion grâce auquel l'évêque espérait apaiser la fureur des Tourangeaux. Beaucoup plus significative encore est la mention faite par Grégoire, au beau milieu du récit des tribulations subies par Brice, de l'érection, sur le sépulture du bienheureux, d'une première basilique79. La présentation des faits ne peut laisser douter que l'hommage ainsi rendu à Martin soit intervenu tardivement, plusieurs décennies après la disparition du saint, et qu'il ait joué un rôle décisif dans la réconciliation du peuple de Tours avec son pasteur légitime. Sur ce point, l'accord est à peu près général. Mais à partir de là, la plupart des historiens ont cru pouvoir conclure que la construction de la petite basilique était à mettre à l'actif de Brice de retour d'exil, durant les dernières années de son épiscopat80. S'il en est bien ainsi, cela ne peut signifier qu'une chose : c'est que l'évêque, saisi d'un repentir sincère pour sa conduite passée envers Martin, ou, du moins, éclairé par une triste expérience sur les erreurs de son gouvernement, a regagné à ce prix l'affection et la confiance de son troupeau qui, dès lors satisfait, s'est soumis de nouveau à son autorité.

Les récits de Grégoire laissent cependant place à une interprétation du déroulement des faits, sensiblement différente, bien qu'elle permette d'aboutir à une conclusion voisine. Dans son ouvrage sur Saint Martin de Tours, E. -Ch. Babut avait cru pouvoir déduire d'une analyse comparée des textes que le modeste édifice élevé primitivement sur le tombeau du saint confesseur était l'œuvre de l'un des deux évêques élus contre Brice, celui qui avait réussi à se maintenir plusieurs années sur le siège de l'exilé, Armentius81. Son hypothèse s'appuie sur une remarque fort juste : le nom de Brice n'est associé à la construction de la première basilique Saint-Martin qu'une seule fois, dans un texte que l'auteur de ÏHistoria Francorum a rédigé à l'extrême fin de sa vie, le catalogue De episcopis turonicis. En revanche, ni les auteurs qui, au Ve

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siècle, évoquent l'histoire des édifices successivement élevés sur la tom- be de Martin, Sidoine Apollinaire, Paulin de Périgueux, ni surtout Grégoire lui-même dans ses plus anciens écrits — les notices qu'il consacre respectivement à Brice et à Perpetuus au livre II de son Histoire et le chapitre du de Virtutibus sancii Martini où il rapporte la translation du corps de Martin de la première à la seconde basilique82 — ne mentionnent l'intervention de Brice. À cet argument a silentio avancé par Babut, on peut ajouter un autre indice que fournit la biographie de Brictius dans le catalogue De episcopis. Certes, Grégoire y affirme nettement que Brice a édifié au-dessus du corps de Martin un petit sanctuaire dans lequel lui-même fut ensuite inhumé. Mais on n'a guère remarqué que cette notation s'insérait de façon étrange dans le récit : Grégoire qui vient de nous apprendre que Brice, dans sa septième année d'exil, avait reçu l'autorisation de revenir dans sa ville, lui fait édifier la petite basilique avant même que son retour en Touraine et la mort de son compétiteur lui aient permis de recouvrer son siège. Simple maladresse d'un écrivain qui se révèle en maintes occasions inhabile à conduire clairement un récit, lorsque ce dernier mêle de nombreux protagonistes à travers des péripéties multiples83? L'explication est un peu courte, d'autant que les faits, dans la phase ultime de cette histoire, sont relativement simples et que, dans ces sortes de notices, l'historien coule d'ordinaire ses informations dans un schéma dont le Liber Ponti- ficalis lui offre le modèle : habituellement, il réserve la mention des édifices construits dans la cité comme celle des églises rurales fondées par chacun des évêques de Tours pour un dernier paragraphe qui précède la conclusion84. Dans la biographie de Brice, l'auteur a d'ailleurs suivi cet ordre et ne s'en est écarté que sur un point, à propos de l'érection de la basilique Saint-Martin. Ce manquement à une règle, qu'il s'est toujours imposé de suivre, trahit, en introduisant une certaine incohérence dans le récit, les hésitations de l'historien : partagé entre son respect pour des sources d'information qui le portaient à attribuer à Armentius la construction de la première basilica et son désir de parfai-

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re l'histoire édifiante du repentir de Brice d'un dernier trait, il a choisi délibérément, semble-t-il, une formulation ambiguë. Si l'on se range à cette hypothèse, il faut admettre que Brice, à son retour d'exil, donna aux Tourangeaux, en faisant pieusement ensevelir «son frère» dans la nouvelle basilique, puis en y faisant préparer sa propre sépulture, des gages suffisants de sa dévotion martinienne, pour que les fidèles, assurés désormais de la sainte protection de l'apôtre, acceptent de le laisser remonter sur son siège et gouverner en paix son Église jusqu'à la fin de son existence. Les épreuves endurées par le prélat, son grand âge digne de respect firent oublier les ressentiments passés : Brice, par deux fois impliqué dans des affaires de mœurs, ignominieusement chassé de sa cité par ses propres ouailles, mourut finalement «en odeur de sainteté»85.

Le long règne episcopal qui s'achevait se soldait par un bilan sur bien des points négatif : s'ajoutant aux difficultés générales de ces temps troublés, les dissensions internes dont avait souffert l'Église de Tours avaient en grande partie fait perdre à l'institution episcopale son autorité, à la chrétienté tourangelle sa vitalité spirituelle et son ardeur conquérante et valu à la cité episcopale un long effacement. Cependant à l'approche du milieu du Ve siècle, un redressement s'esquissait : le rétablissement de Brice sur son siège, puis, à sa mort, l'élection sans problème de son successeur, Eustochius86, tandis que les derniers sursauts de la révolte bagaude faisaient bientôt place à l'union sacrée de toutes les forces contre le péril hunnique, tout ceci mettait fin aux temps médiocres des incertitudes. Et surtout, le retournement qui s'était opéré depuis quelques années, probablement à l'initiative d'Ar- mentius, plaçait désormais officiellement la ville et l'Église de Tours sous le patronage de Martin : la certitude et la force morales, que la communauté tourangelle et ses chefs pouvaient dès lors puiser dans cette sainte et puissante protection, allaient permettre à Tours de s'affirmer à nouveau et de grandir son influence au sein de situations bien plus difficiles qu'elle allait devoir bientôt affronter.

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II - Les nouvelles épreuves et le redressement (450-489)

1) La montée des périls barbares et l'occupation wisigothique

Pour Tours, l'accalmie fut de brève durée. À peine la grand'peur suscitée par les hordes d'Attila, qui arrivèrent à une centaine de kilomètres de la cité87, s'était-elle apaisée, grâce à l'intervention victorieuse d'Aetius, «libérateur de la Loire»88 et de la puissante coalition qu'il avait rassemblée, que de nouveaux périls montaient à l'horizon, plus menaçants encore. Jusqu'au milieu du Ve siècle, l'autorité romaine, souvent contestée, parfois rejetée, s'était vaille que vaille suffisamment maintenue en Gaule pour que l'intervention du pouvoir impérial représentât toujours un recours possible. Après la disparition, coup sur coup, d'Aetius (454) et de Valentinien III (455) et l'éphémère tentative de restauration menée par deux empereurs, Avitus (455-456) d'origine gallo-romaine et Majorien (456-461), les provinces d'Occident échappent de plus en plus au contrôle des faibles princes qui, jusqu'en 476, maintiennent le titre impérial à Ravenne89. Dans la Gaule que les peuples barbares tendent à se partager, subsiste encore un îlot de romani- té; mais dans ce territoire de plus en plus réduit, les chefs «romains» — le maître de la milice Aegidius, le comte Paul, puis en dernier lieu Syagrius — ne reconnaissent même plus depuis 461 — ou de façon très intermittente — l'autorité toute nominale des empereurs ravennates. Une seule question se pose encore aux habitants de ces régions, à ceux de Tours en particulier : à quel maître barbare faudrait-il bientôt faire soumission?

Dans le panégyrique qu'il prononça le 1er janvier 456 en l'honneur de l'empereur Avitus, Sidoine Apollinaire dépeint le triste état où la mort d'Aetius, son valeureux défenseur, avait réduit la Gaule : «Aussitôt le barbare se déchaîne. . . et les Goths de s'imaginer. . . que la terre

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entière va céder à leur frénésie . . . Bien plus : la région armoricaine vivait dans la crainte du pirate saxon, pour qui c'est un jeu de sillonner sur une barque les eaux bretonnes et de fendre sur un esquif cousu la mer verte. Le Franc envahissait la Germaine Première et la Belgique Seconde»90. Bien que le poète s'exprime au passé et célèbre le redressement opéré depuis lors, en quelques mois, à l'initiative d'Avitus, les menaces qu'il énumère, loin de se dissiper, continuent de peser : l'étreinte barbare, qu'il avait cru un instant voir se dénouer, se resserre progressivement de tous côtés autour de la Touraine romaine et des régions avoisinantes.

Le péril s'annonce à l'Ouest et au Nord-Ouest tout d'abord : venus d'au-delà des mers, s'installent, dans un voisinage indésirable ou inquiétant, des populations peu romanisées ou de petits groupes de barbare^.

Il s'agit dans le premier cas de Bretons qui fuient l'invasion de leur pays par les Saxons. La résistance, que les insulaires, réduits depuis 407 presqu'uni- quement à leurs propres forces, avaient opposée avec quelque succès aux pirates barbares, a faibli devant les assauts répétés : en 442, les milices bretonnes, après avoir vainement appelé Aetius à leur aide, subissent une grave défaite. Dans les provinces d'outre-Manche, que le pouvoir impérial a dès lors définitivement abandonnées et que les Saxons commencent à occuper, se développe un ample mouvement d'émigration91- Les réfugiés qui traversent le détroit pour gagner l'Armorique sont pour la plupart originaires du Sud-Ouest de la Bretagne, de régions qui n'avaient été que très superficiellement marquées par l'influence romaine. Ces populations celtes s'établissent par la force et imposent leur langue, leurs mœurs et leur nom à la péninsule armoricaine92 qui échappe ainsi, au moins dans ses parties septentrionale et occidentale, à la romanité et au contrôle de la métropole provinciale, Tours. Cependant, ces nouveaux venus

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qui se révéleront par la suite des voisins plus que remuants, peuvent encore parfois prêter leur concours à la lutte contre les barbares : ainsi, le roi breton Riothamus et ses hommes, qui en 469 participent, au service de Rome, à la défense du Berry, viennent probablement des terres d'émigration93. Plus inquiétants dans l'immédiat que les Bretons, des pirates saxons, de ceux qui écu- maient depuis la fin du IIIe siècle les mers occidentales, se fixent par petits groupes dans le Bessin, autour de Boulogne et en plusieurs points du rivage atlantique, notamment près de l'embouchure de la Loire, dans les îles de l'estuaire94. À partir de ces nouvelles bases d'opération, ils multiplient leurs incursions pillardes sur les côtes et même des tentatives de pénétration dans l'intérieur des terres95. S'il faut en croire les vers complaisants de Sidoine Apollinaire, Avitus, alors qu'il n'était encore que maître des milices, aurait au cours de l'année 455, en un trimestre, mis un frein à leurs activités. Le poète signale le passage du futur empereur à Bordeaux, au cours d'un voyage qui le conduisait en ambassade à Toulouse, auprès de la cour du wisigoth Thédoric II; cet itinéraire implique sans doute qu'Avitus a fait un détour afin d'exécuter, sinon des opérations militaires, tout au moins une tournée d'inspection sur le litus saxo- nicum 96. La trêve fut en tout cas de courte durée : dès 463, les pirates saxons, commandés par un chef du nom d'Adovacrius (Odoacre), s'emparent d'Angers, à une centaine de kilomètres seulement de Tours. Dans les années qui suivent, ils semblent se contenter de mettre à la rançon la ville, après s'y être assuré de quelques otages. Mais en 469 de nouveau, Odoacre occupe la cité angevine dont

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il est délogé par l'action conjuguée d'un chef militaire romain, le comte Paul, et du roi franc, Childéric97. Ce dernier, après la mort de Paul, tué dans l'engagement, exploita le succès ainsi remporté : il écrasa en bataille rangée les Saxons et les poursuivit dans leur fuite jusqu'à leurs établissements côtiers qui furent anéantis98. De ce côté, le péril immédiat était écarté.

Mais les plus graves menaces pour la Touraine encore romaine s'étaient révélées entre temps venir tout à la fois du Nord et plus encore du Midi. Dans le tableau qu'il esquisse de la présence barbare en Gaule vers cette époque, Grégoire de Tours, au prix d'une simplification qui fige à l'extrême une réalité infiniment plus mouvante et complexe, donne cependant un aperçu assez suggestif de la géographie politique alors en gestation : au Sud des régions où étaient installés les Francs de Clodion, «les Romains, écrit-il, habitaient jusqu'à la Loire; au-delà de la Loire, les Goths dominaient»99. Situation dangereuse pour les populations romaines, ainsi prises en étau entre deux peuples barbares, dont il était difficile déjà d'ignorer les ambitions conquérantes; situation cependant encore ambiguë aux yeux des contemporains, dans la mesure où l'installation des Wisigoths et des Francs résultait officiellement d'accords passés avec l'Empire qui déléguait à ces fédérés la garde des provinces, quitte à s'incliner devant leurs usurpations ou, au mieux, à tenter, en cas de rupture du traité, de les utiliser alternativement les uns contre les autres.

À la faveur de cette situation, les Francs Saliens, d'abord cantonnés très loin au Nord, en Toxandrie, ont au cours du Ve siècle, progressivement et par des moyens divers, étendu leur domination et plus encore leur rayon d'action

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en Gaule100. Aux yeux des populations indigènes, ils apparaissent, suivant les régions et les époques, tantôt comme des fédérés fermement engagés au service de l'Empire, tantôt comme des mercenaires attachés personnellement à un chef romain, tantôt comme des conquérants imposant leur sujétion par la force brutale. Depuis le début du siècle, ces barbares très frustres, qui honorent «des idoles empruntées aux forêts et aux eaux»101 et ne constituent pas encore une unité politique, divisés qu'ils sont sous la direction de plusieurs royautés tribales, avaient servi la cause romaine avec une fidélité qui, dans l'ensemble, ne s'était guère démentie. Leur loyalisme n'excluait pas cependant toute ambition territoriale : en 448, déjà, Aetius, secondé par le jeune Majorien, avait dû intervenir contre le roi de Tournai, Clodion, qui venait d'envahir l'Artois. La victoire que le maître de la milice remporta au vicus Helena libéra sans doute le pays atrébate, en obligeant les Francs à se replier plus au Nord102. Mais quelques années plus tard, Clodion s'emparait de Cambrai et établissait sa domination jusqu'à la Somme103. Les empereurs, Avitus ou Majorien, se résignèrent à reconnaître le fait accompli : on renouvela avec les Francs le contrat de fédération qui, sauvegardant pour la forme la souveraineté de Rome, abandonnait en fait une partie de la Belgique Seconde à ses nouveaux occupants, en échange de la fourniture de contingents militaires; ceux-ci constituèrent les meilleurs éléments de l'armée d'Aegidius, le nouveau maître de la milice des Gaules, auquel l'empereur Majorien avait confié la tâche de reprendre en main la situation. L'accord était dans l'immédiat favorable aux intérêts de l'Empire : c'est grâce

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aux soldats du roi franc Childéric, le successeur de Clodion 104, que Rome allait remporter ses dernières victoires en Gaule. Mais il devait se révéler à la longue plus favorable encore aux Francs eux-mêmes : le rôle essentiel qui leur était dévolu les mettait en position de force; d'autant plus qu'à partir de 461, après l'assassinat de Majorien, ils se trouvaient servir sous les ordres d'un chef romain, Aegidius, qui, en révolte ouverte contre la cour de Ravenne et contre le puissant patrice Ricimer qui y faisait la loi, refusait de reconnaître le faible prince que ce dernier installait sur le trône : les Francs pouvaient dès lors se considérer comme déliés du contrat de fédération noué avec l'Empire. De façon significative, dans une tradition recueillie par Grégoire de Tours, Aegidius passe pour avoir exercé pendant huit années la royauté sur les Francs qui auraient temporairement chassé Childéric105. Sous ces dehors fantaisistes, l'anecdote reflète à la fois la grande popularité dont le maître de la milice jouissait auprès des auxiliaires francs et en même temps le caractère ambigu de sa position aux regards des populations gallo-romaines : il n'était plus le représentation officiel de Rome, mais le chef d'une bande de barbares dont il semblait avoir, par ambition personnelle, épousé la cause.

On suspectait certainement à tort les intentions d'Aegidius, mais la crainte qu'inspiraient ses soldats francs n'était pas totalement injustifiée. Les événements qui se déroulèrent dans la vallée de la Loire, au cours des années soixante, témoignent des revirements intervenus dans l'opinion à l'égard du maître de la milice et des fédérés francs et finalement du bien-fondé des inquiétudes que la présence de ces derniers avait suscitées. À Tours, Aegidius et ses Francs avaient d'abord joui d'une popularité certaine : lorsque le général livra, du temps de l'empereur Majorien, ses premiers combats et notamment celui qui lui permit en 459 de déloger d'Arles les Wisigoths, les Tourangeaux avaient élevé des prières au ciel pour le succès de ses armes 106. Quelques années plus tard ces sympathies s'étaient muées, au moins chez certains, en une franche animo- sité : Aegidius qui refusait de reconnaître Libius Severus, l'empereur falot que Ricimer avait placé sur le trône, apparaissait comme un rebelle à l'autorité impériale et ses auxiliaires francs comme des ennemis de Rome. La cour de Ravenne avait d'ailleurs officiellement délégué aux Wisigoths le soin de rétablir la situation; en fait, le patrice Ricimer, qui redoutait une intervention d'Aegidius en Italie, sacrifiait au succès de ses ambitions personnelles une nouvelle

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partie de la Gaule, où les Wisigoths étaient tacitement autorisés à étendre leur domination. On peut aisément comprendre le désarroi de l'opinion en Tourai- ne, où l'on n'était guère informé des intrigues de la cour ravennate : de Théodo- ric II, roi des Wisigoths, mais allié de Rome ou d'Aegidius, chef romain entré en dissidence, quel était l'ennemi, quel le défenseur de la cause romaine?

À la faveur de cette situation ambiguë, se produisit dans certains esprits un revirement à l'égard d'Aegidius 107 : un épisode relaté par Grégoire de Tours en apporte l'illustration. Aegidius, qui, à l'approche d'une armée wisigothique, commandée par Frédéric, le frère de Théodoric II, cherchait vraisemblablement à s'assurer le contrôle des places fortes de la région de la Loire, se heurta à l'hostilité des habitants de Chinon qui refusèrent de lui ouvrir les portes de leur castrum. Il dut mettre le siège devant la place. Les gens de Chinon étaient- ils tout acquis aux Wisigoths? Il est plus probable que, faute de pouvoir évaluer tous les éléments de la situation, ils redoutaient, dans l'immédiat, l'installation d'une garnison franque dans leurs murs, en la considérant comme une tentative d'occupation. Pour réduire la résistance résolue du castrum, le maître de la milice détourna la source qui alimentait en eau les assiégés. Ce fut alors contre celui que l'on tenait pour un ennemi — hostis adversus, écrit Grégoire dont le récit reflète les sentiments des habitants de Chinon et non sa propre admiration pour le général — que fut implorée l'aide de Dieu. L'abbé Maxime, qui avait son monastère dans le castrum, obtint par ses prières une pluie violente qui apaisa la soif des assiégés et mit en fuite les assiégeants108, en fait plus probablement contraints à la retraite par l'arrivée imminente des forces du prince Frédéric. Dans les mois et les années qui suivirent, les préventions qui s'étaient manifestées à l'égard d'Aegidius et des ses contigents francs se dissipèrent au moins en partie. Les menaces les plus immédiatement redoutables venaient à l'évidence maintenant des Wisigoths et des Saxons. Or le maître de la milice, puis son successeur Paul, réussirent, grâce au concours toujours dévoué des Francs, à les écarter pour quelque temps de la vallée de la Loire. En 463, Aegidius et Childéric écrasaient les Wisigoths près d'Orléans109. Après la mort du général romain110, le comte Paul qui recueillit son commandement, conserva

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l'appui des forces de Childéric111 avec lequel, durant le règne de l'empereur Anthemius (467-472), le contrat de fédération fut peut-être renoué; le comte dut encore à ces auxiliaires quelques succès : une victoire bien éphémère sur les Wisigoths, une autre plus décisive sur les Saxons expulsés d'Angers. Mais avec Paul, tué au cours de ce dernier combat, disparaissait le dernier représentant de Rome dans les pays de la Loire, le dernier en tout cas qui fût capable d'imposer aux Francs le respect de leurs engagements. Le comte Paul venait à peine d'expirer que le roi Childéric, maître de la cité angevine, entreprenait en effet d'exploiter la situation pour son propre compte : il mena une offensive foudroyante contre les Saxons, poursuivis jusque dans leurs établissements de l'estuaire de la Loire et leur imposa sa domination, enrôlant les vaincus dans sa propre armée112. Dès cette époque, semble-t-il, l'Anjou ainsi que le Maine passèrent sous le contrôle des Francs qui, sans occuper sans doute encore ces régions, soumettaient leurs populations à une sorte de protectorat113. Toute proche, mais située sur l'autre rive de la Loire, Tours n'était pas encore promise à leur domination : les Wisigoths les y avaient devancés.

Définitivement installés en Aquitaine Seconde à partir de 418 en qualité de fédérés, le Wisigoths qui, au siècle précédent, avaient été touchés par l'influence civilisatrice de Rome et pénétrés par le christianisme prêché par l'apôtre arien Ulfila, avaient organisé un véritable état, le royaume de Toulouse. Théo- doric Ier (418-451), dont l'autorité s'étendait au Nord jusqu'à Poitiers, avait, sans jamais rompre officiellement le pacte qui le liait à l'Empire, constamment affirmé sa volonté d'autonomie et cherché à plusieur reprises à élargir sa domination en direction de la Méditerranée. Mû par la conscience du danger

LES TEMPS TROUBLÉS DU Ve SIÈCLE 127

que courait son propre état, il apporta un concours décisif à la coalition rassemblée par le général romain Aetius pour la défense de la Gaule envahie par Attila : la victoire du Campus Mauriacus, où le souverain goth trouva la mort, écarta le danger hunnique, mais révéla la puissance des Wisigoths et augmenta leur prestige. Ceux-ci, tout aussitôt, reprirent avec une hardiesse nouvelle leur politique d'expansion en Gaule romaine. Jouant tantôt de leur qualité d'alliés pour tirer parti des intrigues de la cour impériale, tantôt démasquant leurs ambitions hostiles par des offensives brutales, ils poursuivent, au travers d'une succession de poussées audacieuses et de prudents replis, un objectif essentiel : étendre leur contrôle jusqu'au Rhône et à la Loire.

Dans cette dernière direction, Thorismond (451-453), le successeur de Théodoric 1er, manifeste le premier une volonté d'intervention : une brève mention de la Chronique de Prosper d'Aquitaine dans sa Continuano nous apprend qu'il écrasa les Alains de l'Orléanais : il s'agissait vraisemblablement des seuls établissements alains situés sur la rive gauche de la Loire114. On ignore si, après cette victoire, les Wisigoths se maintinrent dans la région. Quelques années plus tard, Théodoric II (453-466) tentait de reprendre ou de consolider ces positions. Les conditions étaient favorables : le souverain goth menait son offensive avec l'accord des autorités de Ravenne, ou plus exactement avec celui du patrice Ricimer désireux d'éliminer le maître de la milice Aegidius, et il bénéficiait dans son entreprise de la confusion d'esprit où se trouvaient plongées les populations locales. Théodoric avait confié à son frère, le prince Frédéric, la direction des opérations. À son approche, Aegidius, abandonnant, comme on l'a vu, le siège de Chinon, se replia vers le Nord-Ouest, jusqu'aux environs d'Orléans. C'est là qu'en 463 se déroula, entre Loire et Loiret, une grande bataille où Frédéric et un grand nombre des siens laissèrent la vie115. À la suite

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de cette victoire, Aegidius regagna beaucoup de terrain en direction du Sud et commença à mener une politique de grand style, dangereuse pour Ricimer et ses alliés. Sa mort survenue en 464, dans des circonstances mal élucidées, peut- être à la suite d'un attentat criminel116, porta un coup sensible à la résistance contre les Wisigoths. Le comte Paul, le nouveau général romain, n'avait sans doute pas l'envergure de son prédécesseur et il dut au surplus faire face aux attaques simultanées des Saxons et des Wisigoths. Ces derniers avaient repris l'offensive : la Chronique d'Hydace note qu'en 465, après la disparition d'Aegi- dius, «les Goths envahirent rapidement les régions qu'ils protégeaient au nom de Rome»117. En 469, sous la conduite de leur nouveau roi Euric (466-484), ils lancèrent une attaque contre la Berry, où les fédérés bretons de Riothamus, chassés de Bourges, subirent une grave défaite à Déols, auprès de Chateau- roux118. Le comte Paul, au témoignage de Grégoire de Tours, intervint alors avec des contingents francs et romains119 et l'emporta dans un engagement dont il est bien difficile d'apprécier l'enjeu et l'importance : peut-être s'agissait- il d'empêcher les Wisigoths de passer sur la rive droite de la Loire. Il ne put, en tout état de cause, poursuivre son avantage : il trouva la mort en donnant l'assaut à la ville d'Angers que les Saxons venaient de reprendre. Les Francs de Childéric, déliés du dernier lien qui les attachait au service de l'Empire, et occupés à consolider pour leur propre compte les positions acquises par leur récente victoire, ne constituaient plus un obstacle aux ambitions d'Euric. Ce dernier put donc, avant de se lancer à l'assaut de l'Auvergne et de la Provence, achever sans difficulté d'étendre ses conquêtes vers le Nord jusqu'à la Loire.

C'est au cours des dernières opérations qu'il mena dans ce secteur que la ville de Tours tomba entre ses mains. Aucune chronique n'a conservé la date précise de cet épisode, sur lequel Grégoire lui-même fait le silence : manquant d'information ou plutôt désireux de faire l'oubli sur un événement qui navrait son cœur, l'historien n'avoue la présence de l'occupant wisigoth à Tours que, lorsque, plusieurs années après la chute de la ville, la résistance opposée par les évêques tourangeaux lui offre l'occasion d'un récit plus glorieux pour sa cité120. Il est possible

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que, déjà en 469, la Touraine méridionale, sinon Tours même, ait été envahie par les troupes d'Euric lors de l'offensive sur le Berry. Cependant le souverain wisigoth fut obligé par la contre-attaque du comte Paul de se replier vers le Sud121 : il alla prendre en Aquitaine ses quartiers d'hiver jusqu'aux premiers mois de 470. Au printemps 473, Sidoine Apollinaire notait qu'entre l'Océan, la Loire et le Rhône, une seule cité, Clermont, résistait encore aux Wisigoths 122. Ces derniers s'étaient donc emparés de Tours entre temps, peut-être dès 470 ou plus probablement en 471, sans rencontrer, semble-t-il, de résistance123.

Dès lors, la ville de Martin allait être soumise pendant près de quatre décennies, de façon presqu'ininterrompue, à la domination de souverains barbares et hérétiques. Le silence presque total des sources contemporaines, la discrétion pudique de Grégoire nous laissent presque tout ignorer du sort réservé aux pays tourangeaux durant ce long temps d'épreuve. Le royaume wisigoth, parvenu sur la Loire moyenne et inférieure124 aux limites de son extension territoriale vers le Nord, englobait à coup sûr, avec la cité episcopale, toute la Touraine cisligé- rienne. Quelles formes y revêtit l'occupation barbare? Les vainqueurs,

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une minorité de conquérants contrôlant un immense territoire, se bornèrent vraisemblablement à installer des garnisons en quelques points stratégiques : à Tours même, certainement, où les évêques étaient l'objet d'une surveillance particulière, comme le montrèrent par la suite les sentences de déportation qui frappèrent deux d'entre eux; et dans quelques castra situés au long de la Loire et sur les voies de communication principales : ainsi Grégoire de Tours signale incidemment la présence d'un chef goth dans le castrum de Loches125 qui gardait une position importante sur l'Indre, au carrefour de la route de Tours à Bourges, empruntant la vallée de ce fleuve, et d'une voie transversale reliant Poitiers à Orléans126. Le régime de l'hospitalité fut, au moins partiellement, introduit en Touraine où les grands propriétaires furent contraints de céder une part de leurs domaines aux barbares : le commandant de la garnison de Loches disposait, semble-t-il, en qualité d'hôte, de terres à blé au bord de l'Indre; c'est ainsi que peut se comprendre l'intérêt personnel qu'il prit au fonctionnement d'un moulin établi sur la rivière par des moines du voisinage et les efforts qu'il fit pour disposer d'une telle machine, fort utile à une grande exploitation céréâliè- re127.

Devenue ville frontalière du royaume de Toulouse, Tours se trouvait plus ou moins coupée des régions transligériennes. La Loire formait pour leur état une limite naturelle commode, au-delà de laquelle les souverains wisigoths ne semblent pas avoir tenté de s'étendre. On ne saurait pour autant la concevoir comme une frontière hermétiquement close : les vainqueurs ne disposaient évidemment pas des forces suffisantes pour établir un contrôle continu tout au long du fleuve, ni même en tous les points de passage fréquentés et pour interdire tout contact

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d'une rive à l'autre. Cependant la Loire constituait une ligne de démarcation politique que les personnages les plus en vue de la cité tourangelle, suspects à l'occupant et étroitement surveillés, n'étaient pas autorisés à franchir à leur gré. Les évêques de Tours, en particulier, ne disposèrent certainement pas d'une totale liberté de mouvement pour se rendre de l'autre côté du fleuve. Leur présence et leur activité sont attestées à plusieurs reprises durant le temps d'occupation à Marmou- tier, qui, formant une sorte de suburbium monastique de Tours, avait peut-être été pourvu par le vainqueur d'un poste d'avant-garde128. Il est plus douteux que les prélats aient pu accomplir des tournées pastorales dans la partie nord de leur diocèse : aucune intervention episcopale n'est attestée dans cette région129 qui, relativement moins peuplée, n'avait été dotée, il est vrai, durant les époques précédentes, que d'un petit nombre d'églises rurales. Aucun indice en tout cas que les relations établies par le siège de Tours, avant l'arrivée des Wisigoths, avec les autres cités épiscopales de Lyonnaise Troisième, toutes sises au Nord de la Loire, se soient maintenues après leur installation. Les seuls contacts que les prélats tourangeaux entretiennent au grand jour avec l'extérieur prennent dès lors la forme de simples échanges épistolaires avec des correspondants résidant à Clermont, à Limoges, à Péri- gueux130, c'est-à-dire dans des cités qui toutes relevaient de l'autorité des souverains de Toulouse. L'ordre wisigoth régnait à Tours. Placée sous le joug de souverains adeptes de l'hérésie arienne et persécuteurs de la foi catholique, l'Église de Martin pouvait redouter le pire.

2) Une lignée de grands évêques

L'évolution de la conjoncture politique et militaire au cours de la deuxième moitié du Ve siècle a fait à Tours une situation beaucoup plus critique que dans la première partie du siècle : dans un îlot de romanité menacé de tous côtés par les barbares de submersion, la ville a d'abord

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connu une angoisse quasi obsidionale131, avant de succomber finalement à l'avance irrésistible des Wisigoths et d'être soumise au dur régime de l'occupation. Toute cette période est cependant pour la cité, après le morne effacement auquel l'avait condamnée le règne de Brice, celle du renouveau et de l'épanouissement : le siège episcopal retrouve sa dignité et exerce une autorité nouvelle dans le cadre de la province ecclésiastique ; plus encore, Tours, qui s'affirme comme un haut lieu du culte martinien, devient, dans la chrétienté gauloise tout entière, une métropole de la foi, un phare spirituel dont la lumière, pour la catholicité exilée chez les barbares païens ou hérétiques, diffuse l'espérance et éclaire les voies de la libération.

Ce redressement inattendu, à l'un des moments les plus difficiles de l'histoire de Tours, fut pour l'essentiel l'œuvre des évêques qui se succédèrent alors sur le siège de Martin : Eustochius et Perpetuus, puis Volusianus et Verus. Hasard heureux ou plutôt volonté consciente des électeurs? La communauté tourangelle a, pendant cette période, porté à sa tête des prélats qui se révélèrent également aptes à jouer le rôle de guide spirituel de leur Église, mais aussi celui de chef politique de la cité. Une telle continuité dans l'exercice de multiples et délicates responsabilités trouve en grande partie son explication dans l'origine commune de ces évêques ou, tout au moins, des trois premiers d'entre eux. Eustochius, Perpetuus et Volusianus étaient, aux dires de Grégoire, unis par des liens de proche parenté et appartenaient à l'aristocratie sénatoriale132. Si la figure d'Eustochius ne nous apparaît qu'au travers des sèches notices que lui consacre l'historien, en revanche ses deux successeurs sont un peu mieux connus : des témoignages de leurs contemporains, corroborant et éclairant celui de Grégoire, permettent de cerner avec plus de précision leur position sociale et leur personnalité.

LES TEMPS TROUBLÉS DU Ve SIÈCLE 133

Perpetuus et Volusianus appartiennent par leur naissance à ce milieu aristocratique où figurent quelques-unes des familles les plus en vue de la Gaule du Ve siècle, notamment les Apollinarii et les Ruricii133. Ils entretiennent en effet des relations d'amitié avec les grands personnages qui illustrent, à la même génération, ces deux nobles maisons : Sidoine Apollinaire d'une part, petit-fils et fils de préfets du prétoire, gendre de l'empereur Avitus et lui-même préfet de la Ville de Rome en 468, avant qu'il ne soit élu en 470 au siège episcopal de Clermont134; et, d'autre part, Ruricius l'Ancien — lui-même ami de Sidoine — , gendre du sénateur auvergnat Ommatius, riche propriétaire de la région de Cahors et qui fut à son tour, vers 485, élevé à l'épiscopat dans la cité de Limoges135.

À l'évêque Perpetuus est adressé en 471 un billet de Sidoine auquel ce dernier joint, à la demande de son correspondant, le texte du discours qu'il vient de prononcer à Bourges alors qu'il présidait dans cette cité à l'élection episcopale136. Une amitié fondée sur un mutuel respect et une communauté de goûts et d'opinions unissait les deux hommes depuis longtemps déjà : en 467, ou même un peu avant cette date, Perpetuus avait demandé au poète de composer une pièce de vers destinée à être gravée sur un des murs de la nouvelle basilique Saint-Martin de Tours, élevée par ses soins. Sidoine exécuta de bonne grâce la commande que lui passait l'évêque tourangeau : car, écrit-il à son propos, à un autre de ses correspondants, «le privilège de l'amitié lui donne. . . un pouvoir absolu dans toutes les demandes qu'il m'adresse»137.

Dans cette dernière lettre, envoyée à un certain Lucontius, pour soumettre à son jugement l'épigramme qu'il vient d'achever en l'honneur de Martin et de son successeur Perpetuus, l'écrivain se plaint d'autre part de la longue absence de leur «frère» commun, Volusianus,

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parti pour sa propriété du Bessin138. Cet ami si cher qui, peut-être déjà converti à l'idéal ascétique, vivait cependant alors encore dans le monde139, devint quelques années plus tard, en 477, à la demande de l'évê- que de Clermont, coadjuteur de l'abbé Auxenius, que sa santé défaillante et son caractère effacé rendaient peu apte à gouverner seul le monastère de Saint-Cirgues en Auvergne140. La noble naissance de ce personnage et sa richesse, la sainteté de sa vie, l'époque même à laquelle il abandonne le monde, tout concorde avec les renseignements fournis par Grégoire au sujet de son lointain prédécesseur et invite à reconnaître dans l'ami de Sidoine le futur évêque de Tours. S'il en est bien ainsi — et l'argument pourrait conforter l'hypothèse — ce ne serait pas par hasard, mais par une association d'idées toute naturelle, que le poète aurait réuni dans une même lettre les noms de Perpetuus et de Volu- sianus, proches parents comme nous l'apprend le catalogue De episco- pis turonicis.

C'est avec plus de certitude, semble-t-il, que l'on peut identifier Volusien de Tours avec l'un des correspondants de Ruricius de Limoges141. Auprès de ce Volusianus, son frère dans l'épiscopat, dont il salue

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la nobilitas, le Limousin s'excuse de son long silence que rend inexcusable leur propinquitas : ce dernier terme, plus qu'une simple relation d'amitié entre les deux hommes, suggère l'existence entre eux d'un lien de parenté ou d'alliance142. Un autre indice paraît en apporter la confirmation: Grégoire de Tours devait affirmer plus tard «qu'à l'exception de cinq évêques, tous ceux qui avaient exercé l'épiscopat à Tours avaient eu des attaches avec la famille de ses parents»143. Certes, l'historien qui répondait alors à des propos malveillants, l'accusant d'être un étranger à la cité tourangelle, a sans doute quelque peu majoré en la circonstance le nombre et la qualité des liens de parenté qui l'unissaient à ses précédesseurs. Son assertion, qui n'est sûrement pas entièrement gratuite, a de fortes chances d'être fondée en ce qui concerne les six prélats tourangeaux auxquels il attribue le titre de sénateur : leur commune qualité sociale rend vraisemblable l'existence de liens qui, rattachant chacun de ceux-ci à la famille de Grégoire, les unissaient aussi entre eux144. Parmi ces évêques qui illustrèrent par leur noble extraction le siège de Tours, figure notamment le propre fils de Ruri-

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cius l'Ancien, Ommatius qui devint vers 525 le chef de la communauté tourangelle145. La lignée des Ruricii était issue d'un autre Ommatius, sénateur d'Auvergne 146 tout comme le grand-père paternel de Grégoire, Georgius147. Or c'est précisément ses origines auvergnates, dont on lui fait grief, qui font de Grégoire — au moins l'intéressé en juge-t-il ainsi — le légitime héritier de toute une lignée d'évêques de Tours, et notamment le successeur tout désigné sur le siège de Martin de cet Ommatius dont il fait sonner bien haut l'appartenance à l'Auvergne — de senatori- bus civibusque Arvernis14*. Entre deux nobles familles de l'Auvergne, comme l'étaient celle des Ruricii et celle de l'historien, il est fort probable qu'une union matrimoniale avait, à l'une des générations, scellé une alliance. Ainsi s'expliquerait que, dans cette généalogie episcopale tourangelle à laquelle Grégoire fait allusion, l'évêque-historien lui-même et son cousin et prédécesseur immédiat, Eufronius, trouvent leur place, à la suite d'Ommatius, fils de Ruricius l'Ancien, qui avait déjà succédé, après un intervalle de quelques décennies, à la lignée des trois évêques tourangeaux de la fin du Ve siècle, eux aussi très vraisemblablement apparentés à Ruricius de Limoges. Quelque prix que l'on attache à ce qui reste une hypothèse, il demeure indéniable, étant donné la convergence de tous les indices, qu'Eustochius, Perpetuus et Volusianus appartenaient tous trois à la fine fleur de l'aristocratie gauloise149. Quant à Verus qui leur succéda et qui, il faut le noter, n'était pas, lui non plus,

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un inconnu pour Ruricius de Limoges150, l'important patrimoine dont il disposa en faveur de ses serviteurs et de plusieurs églises151, situe sa famille dans le milieu des riches propriétaires terriens qui, sans relever de l'ordre sénatorial, partageaient le genre de vie noble et l'idéal de ses membres.

L'accession au siège de Tours de ces prélats, qui appartenaient par leur naissance et leur formation à l'élite sociale de l'époque, eut une influence décisive sur les destinées de la cité ligérienne. Le fait est d'ailleurs loin d'être unique, comme en témoigne l'histoire contemporaine de plusieurs autres villes de la Gaule, celles de Clermont, de Bourges ou de Limoges, pour s'en tenir à quelques exemples d'Églises voisines. Les nobles rejetons de grandes familles, que le malheur des temps incitait à renoncer aux vains et fragiles prestiges du monde, auxquels leur attachement à la cause romaine interdisait aussi de poursuivre une carrière politique sous la domination barbare, trouvaient dans l'exercice de la charge episcopale à concilier leurs ambitions sociales, détournées du siècle vers l'Église, et leurs pieuses inclinations. Et surtout ces prélats de haut lignage mettaient au service des communautés qui leur étaient confiées les qualités et les vertus traditionnellement déployées par leurs ancêtres au service de l'État. Tout d'abord les avantages d'une formation intellectuelle qui les préparait et les aidait à assumer leur tâche, en aiguisant la conscience de la mission qui leur était dévolue : celle de sauvegarder, dans un monde que la barbarie et l'hérésie menaçaient de submerger, un héritage où se mêlaient la tradition culturelle héritée de Rome et le dépôt sacré de la vraie foi; des capacités aussi d'administrateurs et de diplomates et plus encore l'aptitude à évaluer les situations politiques et à prendre les décisions que leur imposait leur sens des responsabilités publiques. Leur position sociale enfin leur procurait des moyens d'action et d'influence qui n'étaient pas négligeables: un réseau de relations haut placées, grâce auxquelles ils se tenaient informés de l'évolution de la conjoncture; des ressources financières personnelles importantes qu'ils pouvaient consacrer à l'édification matérielle et morale de leur Église. Ce sont là les qualités idéales que requièrent

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chez un évêque, affirme Sidoine Apollinaire, «l'époque, la province, la cité» et qu'il discerne, parmi les candidats au siège de Bourges, chez Simplicius, un homme capable d'intercéder aussi bien «devant le Juge céleste pour les âmes que devant les juges de ce monde pour les corps»152. Ce sont encore là les qualités que l'on retrouve chez Perpe- tuus, celui des évêques tourangeaux de la deuxième moitié du Ve siècle dont la figure se dessine avec le plus de relief153.

Ce grand seigneur cultivé qui, versé dans la connaissance de l'Écriture sainte, s'adonne par prédilection à des travaux d'exégèse154, ne se réfugie pas dans une pieuse érudition pour mieux fuir un présent sombre et inquiétant; il demeure très attentif aux réalités contemporaines et, mesurant, grâce aux informations qu'il obtient du réseau de ses correspondants155, la portée des événements qui se jouent en Gaule et l'ampleur du péril qui menace Tours, il s'efforce de préparer son Église et sa cité à y résister. Toute une partie de son activité est consacrée à sau-

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vegarder et à faire fructifier la tradition léguée par Martin; au service de cette cause, il met sa propre plume et mobilise aussi les talents de son époque, ceux de Sidoine Apollinaire, de Paulin de Périgueux et d'autres poètes demeurés anonymes, ceux aussi d'artistes qui travaillent à illustrer par l'image la geste martinienne156. En cette voie l'engage sa dévotion personnelle à l'égard de son prédécesseur157, mais aussi la lucidité de son jugement : Perpetuus a -compris que la culture, dont lui-même et ses pairs étaient les dépositaires, pouvait contribuer efficacement à préserver, en le vivifiant, le patrimoine spirituel de son Église et à fortifier ainsi dans sa foi et son espérance la chrétienté tourangelle mise à l'épreuve. Cet intellectuel est aussi un homme d'action et de gouvernement : avec une ferme autorité, il guide la communauté dont il a reçu la charge et au profit de laquelle il utilise les ressources d'une for-' tune personnelle considérable158 et les multiples talents dont il est doté. On le voit en effet intervenir dans tous les domaines avec une égale efficacité, déployant les compétences d'un administrateur avisé et sachant aussi communiquer l'ardeur de son zèle pastoral. Législateur soucieux de renforcer la discipline et l'unité de son Église, il ne néglige pas pour autant les devoirs plus concrets de la mission et de l'assistance; tout en faisant œuvre de bâtisseur et en marquant d'une empreinte décisive la topographie chrétienne de la cité, tout en organisant l'année liturgique par l'institution d'un cycle de fêtes, il réussit à insuffler un nouvel élan à la vie spirituelle de la civitas. Toutes ces interventions concourent en fait à un but unique : faire de Tours, sous l'égide de Martin, une grande métropole religieuse et de son Église la gardienne de la foi catholique prêchée par l'apôtre à la Gaule. Nul doute que Perpetuus ait été un des plus grands parmi les évêques de Tours, un de ceux qui ont infléchi de façon décisive le cours de ses destinées. Aussi n'est-ce point par hasard si les sources projettent un éclairage plus vif sur la figure de ce prélat : sa forte personnalité s'est imposée à ses contemporains qui lui témoignent sans réserve leur admiration et le proclament, en le comparant à Martin, dignissimus tanto praedecessore suc-

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cessor159, comme à l'évêque historien Grégoire qui mesure, avec le recul du temps, tout ce que l'Église de Tours doit à son illustre prédécesseur.

Cependant si Eustochius d'une part, Volusianus et Verus de l'autre, moins favorisés par la durée et par les circonstances, sont un peu éclipsés par l'éclat du règne de Perpetuus, ils ont cependant, l'un préparé, les deux autres prolongé l'action de ce dernier, travaillant à l'œuvre commune dans une continuité de vues qui prend l'allure d'une politique dynastique maintenue pendant plus d'un demi-siècle.

3) Eustochius et Perpetuus : la réponse au défi barbare

Dans cette optique, les episcopate d'Eustochius et de Perpetuus constituent une première phase au cours de laquelle fut procédé à un vigoureux effort de restauration. Un effort qu'imposait le legs du passé, le désastreux règne de Brice, mais que sollicitaient plus encore les perspectives d'un avenir difficile. L'intense activité qu'ont déployée les deux évêques paraît avant tout dominée par un sentiment d'urgence. Il est certain que l'un et l'autre ont eu conscience de l'imminence d'un danger, la volonté de retarder, dans la mesure de leurs moyens, son approche, mais aussi la conviction qu'il leur fallait, en profitant d'un ultime répit, préparer leur communauté à un temps d'épreuves inéluctables. À une époque où subsistait encore un fragile espoir pour la cause romaine en Gaule, Eustochius s'inquiétait déjà des défaillances possibles de l'esprit civique dans les communauté gallo-romaines et s'efforçait de les prévenir : en 453, au concile d'Angers qu'il présidait, il fit adopter une résolution frappant d'excommunication tout clerc qui livrerait à l'ennemi sa cité160. Avec les armes spirituelles qui étaient à sa disposition, l'Église de Tours s'associait au combat mené par les derniers défenseurs de la romanité en Gaule. Lorsque, quelques années plus tard, Perpetuus fut élu au siège de Tours, la situation bien qu'elle se fût aggravée, ne s'était pas encore totalement clarifiée dans l'opinion gallo- romaine. Cependant le nouvel évêque sut reconnaître et désigner dans le Wisigoth l'adversaire le plus redoutable : face à cette menace que nie encore une partie de l'aristocratie gauloise, aveuglée par ses illusions ou déjà prête à la trahison, Perpetuus manifeste, avec un attachement

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indéfectible à la cause de Rome, l'inquiétude que suscitent en lui les progrès des barbares hérétiques. En 459, quelques mois après sa consécration, il apporte le secours de ses prières au combat que mène contre les Wisigoths Aegidius. L'événement qui l'alarme si fort se déroule pourtant bien loin des rives de la Loire, en Arles, où le maître des milices est assiégé par les troupes du roi Euric. Mais l'enjeu de la bataille est d'une importance qui n'échappe pas à la perspicacité de l'évêque tourangeau; Paulin de Périgueux, son fidèle interprète, en apporte le témoignage : «à Tours, l'évêque et la communauté, instruite par ses soins, faisaient des vœux pour le succès d'Aegidius et partageaient l'angoisse des cités voisines d'Arles effrayées des périls dont ce puissant chef était menacé; toute la population était dans l'attente, incertaine, inquiète; chacun se croit menacé d'une calamité semblable; tout s'ébranle au danger d'un seul homme, car tout repose sur un seul»161. Un instant arrêtés grâce au courage d'Aegidius, mais aussi, ajoute le poète, grâce aux prières de Perpetuus qui ont sauvé Arles, les Wisigoths, qui avaient repris l'offensive, menaçaient dix ans plus tard la ville de Tours elle-même. Une fois encore Perpetuus manifeste son souci de mettre à profit un dernier moment de liberté, afin de mieux préparer l'avenir : sa ville n'était probablement pas encore tombée aux mains d'Euric, lorsqu'il écrivit à Sidoine Apollinaire, depuis peu son collègue à Clermont, pour lui demander communication d'un discours prononcé par ce dernier à l'occasion de l'élection episcopale de Bourges, à la fin de 470 ou au tout début de l'année suivante162. Si grande que fut l'admiration de l'évêque tourangeau pour le talent oratoire de son ami, sa requête n'était pas suggérée en la circonstance par des préoccupations littéraires, mais par un souci d'ordre politique. Le discours, grâce auquel Sidoine avait assuré l'élection de Simplicius au siège de Bourges, avait permis d'écarter des candidats qui passaient pour favorables à la cause des Wisigoths163. Perpetuus souhaitait être informé d'une situation qui risquait de se reproduire dans d'autres cités et dans la sienne en particulier : il redoutait vraisemblablement, autant que l'oc-

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cupation barbare, la constitution d'un parti prêt à collaborer avec le vainqueur et désirait puiser dans la rhétorique de son ami une argumentation propre à lutter contre une telle tendance. En fait, il ne semble pas qu'au long des dix-sept ou dix-huit années au cours desquelles il assuma sa charge dans la cité occupée par les barbares, Perpetuus se soit jamais heurté de front aux nouveaux maîtres ou à leurs partisans. Malgré son hostilité déclarée pour le vainqueur, il fut assez heureux pour ne pas susciter sa colère et éviter d'être l'objet d'une mesure d'exil.

Il le dut sans doute à une prudente diplomatie qui était alors sagesse et non renoncement : dans les années soixante-dix et quatre-vingt, une résistance ouverte, ne pouvant bénéficier d'aucun secours venu de l'extérieur, eût été vaine et elle aurait abouti, en déchaînant les foudres de l'occupant, à compromettre les efforts de redressement entrepris depuis le milieu du siècle. Du reste, il semble que, durant les deux premières décennies du régime d'occupation, l'Église tourangelle ait bénéficié de relatifs ménagements de la part du roi wisigoth, ou peut-être plutôt, du moindre intérêt qu'il portait à une cité située aux confins extrêmes de son royaume. Cette modération doit d'autant plus retenir l'attention qu'elle est le fait du souverain, Euric, qui s'est acquis auprès des catholiques la réputation du plus terrible des persécuteurs : Sidoine Apollinaire a longuement dépeint les tristes effets de la politique du «nouveau pharaon acharné à la perte d'Israël»164: Églises décapitées par les sentences d'exil qui frappent leur chef, communautés privées d'enseignement faute de nouvelles ordinations, sanctuaires désertés par les fidèles et envahis par la végétation sauvage. Or Grégoire de Tours, lorsqu'il en vient à traiter du règne d'Euric, emprunte à Sidoine tous les éléments d'un tableau qu'il se borne à noircir à l'extrême : au prix d'une interprétation très libre du texte dont il s'inspire, l'historien fait du souverain wisigoth un tyran assoiffé du sang des évêques165. Mais à ses méfaits réels ou supposés il assigne comme seul cadre la Novempo-

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pulanie et les deux provinces d'Aquitaine 166 : les archives de son Église ne lui fournissaient apparemment aucune donnée lui permettant d'ajouter Tours à la liste des communautés catholiques victimes de la politique d'Euric, telle que Sidoine l'avait dressée un siècle auparavant.

Ainsi le répit, que les combats de retardement menés par Aegidius et par le comte Paul avaient accordé à Tours, s'est-il prolongé, après la prise de la ville par les Wisigoths, jusqu'à la mort de Perpetuus : avec une liberté d'action sans doute restreinte, surtout dans l'espace, ce dernier a pu poursuivre l'œuvre entamée avant l'occupation de la cité. Grâce à cet ensemble de circonstances, Eustochius et Perpetuus ont pu mener à bien dans de nombreux domaines la mission qu'ils s'étaient imposée.

Tours, métropole de la province ecclésiastique

L'une des tâches les plus urgentes qui incombaient aux successeurs de Brice était de restaurer l'autorité du siège episcopal de Tours afin de rétablir la discipline et l'unité ecclesiale, compromises par les désordres de la première moitié du siècle. Eustochius, si tôt que l'écrasement définitif de la Bagaude et l'éloignement de la menace hunnique lui en laissèrent le loisir, puis Perpetuus, dès le début de son épiscopat, s'y employèrent avec le même zèle. Le prestige personnel des deux prélats, qui en imposaient autant par leur vie exemplaire que par leur distinction sociale, contribua certainement au succès de l'entreprise. Un double succès : avec eux, non seulement le titulaire de la chaire tourangelle s'affirme à nouveau comme le chef incontesté de la communauté diocésaine, mais il intervient dans toute l'étendue de la Troisième Lyonnaise, en qualité de métropolitain de cette province ecclésiastique, usant d'un pouvoir que les prédécesseurs des deux prélats ne détenaient pas encore ou n'avaient pas eu la capacité de faire prévaloir.

C'est en effet en tant qu'évêques de l'Église métropolitaine qu'Eus- tochius et Perpetuus ont réuni successivement trois conciles et présidé à l'élaboration d'une importante législation religieuse. En 453, Eustochius mit à profit sa rencontre avec six autres prélats, appelés comme lui-même à Angers par la consécration de l'évêque Thalasius, pour

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tenir dans cette cité une réunion conciliaire167. Bien que la lettre synodale, qui nous informe de ces circonstances, se borne à mentionner le nom des participants, il est relativement aisé de situer ceux-ci dans la géographie ecclésiastique. Léon, nommé en premier dans le préambule, est l'évêque métropolitain de Bourges : à cet invité de marque Eusto- chius a cédé courtoisement la préséance, tout en conservant sans aucun doute la direction effective des travaux; car tous les autres Pères sont des suffragante du Tourangeau, les comprovinciaux dont il devait s'entourer pour procéder à une consécration episcopale : aux côtés du nouvel élu, Thalasius d'Angers, siègent Victurius du Mans et trois autres évêques, Chariato, Rumoridus et Viventius qui appartenaient certainement à la province. De la législation élaborée en commun, on doit en effet rapprocher une lettre signée de trois des Pères d'Angers, Eusto- chius, Léon et Victurius168. Ce document qui traite d'un point abordé au concile, l'usage du for episcopal, a été très probablement rédigé peu avant l'ouverture de la séance plénière ou dans les jours qui suivirent sa clôture. Cette missive est adressée aux prêtres de toutes les Églises de la Lyonnaise Troisième et à trois évêques de cette province nommément désignés : Chariato qui avait pris part à la réunion angevine, Sar- matio et Desiderius qui en étaient absents, ce dernier étant connu par ailleurs comme évêque de Nantes. À n'en pas douter les deux documents rapprochés fournissent, pour l'année 453, la liste complète des membres du corps episcopal de Lyonnaise Troisième 169 : en comprenant celui de l'évêque de Tours, huit noms qui sont ceux des titulaires des Églises organisées dans le cadre des huit civitates dont se compose

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alors la province civile et ecclésiastique170. Ils attestent qu'à cette date l'autorité du métropolitain est reconnue aussi bien par les communautés plus anciennement établies du Mans (Victurius), d'Angers (Thala- sius) et de Nantes (Desiderius) que dans les chrétientés plus récentes de la péninsule armoricaine où se distribuent, d'une façon qu'on ne peut déterminer, Chariato, Viventius, Rumoridus et Sarmatio : à Rennes, à Vannes, dans le chef-lieu de la cité des Osismes et dans celui de la civi- tas Coriosolitum, peut-être déjà transféré de Corseul à Alet171.

En novembre 461, la célébration de la recepito Martini rassemblait à Tours, auprès de Perpetuus, 9 évêques qui prirent part ensuite à une nouvelle session conciliaire172. Bien que trois des prélats présents, Léon de Bourges, Germain de Rouen et Amandinus de Châlons fussent des étrangers à la province, il est bien difficile de dénier à cette réunion le caractère d'un concile provincial un peu élargi173 : il est probable que les métropolitains de Lyonnaise Seconde et d'Aquitaine Première ainsi que l'évêque suffragant de Belgique Seconde étaient venus pour assister à la fête célébrée en l'honneur de Martin et qu'ils furent conviés par courtoisie à siéger dans une assemblée à laquelle leur présence conférait plus de solennité. Les titulaires d'Églises de Lyonnaise Troisième constituaient en effet un groupe plus nombreux et surtout plus homogène : aux côtés de Perpetuus se trouvaient réunis, comme en font foi les souscriptions conciliaires, au moins trois de ses suffragante : Victurius du Mans, Eusebius de Nantes et Athenius de Rennes. Les deux évêques qui apposèrent en dernier leur signature au bas des actes du concile, sans mentionner leur siège, appartenaient peut-être aussi à la pro-

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vince : s'il est bien difficile de situer l'évêque Venerandüs qui, parce qu'il était aveugle, fit signer en ses lieu et place le prêtre Jucundinus, on peut en revanche supposer que le Mansuetus qui se dit episcopus Britannorum était le chef d'une communauté bretonne immigrée, installée dans la péninsule armoricaine. Il faut enfin ajouter que l'évêque d'Angers Thalasius, qui n'avait pu se rendre à Tours, apporta son adhésion aux canons dont on lui avait envoyé copie; c'est d'ailleurs par son exemplaire que nous a été transmis le texte des décisions prises par l'assemblée. Malgré son absence et celle de trois ou quatre de ses collègues, que peuvent expliquer les circonstances historiques, une assez large représentation provinciale était assurée.

Au reste, le concile réuni quelques années plus tard à Vannes, à l'occasion de la consécration de l'évêque de cette dernière cité, Pater- nus, devait manifester avec éclat l'unanimité du corps episcopal de la province. La lettre synodale qui nous a transmis le texte des canons174 est adressée à Victurius du Mans et à Thalasius d'Angers, les deux seuls suffragante de Tours qui, necessitate faciente, n'avaient pu se rendre au concile. Elle est signée des six autres prélats de Lyonnaise Troisième : après Perpetuus ont apposé leur souscription Nonnichius de Nantes, Paternus de Vannes, Athenius de Rennes et deux évêques Albinus et Liberalis qui sont — sans que l'on puisse préciser leur appartenance respective — les titulaires des sièges d'Alet et de Carhaix. C'est donc tout l'épiscopat de la province qui se trouve associé directement ou indirectement aux décisions prises dans la cité vénète175. En quelle année? En l'absence de toute mention de date dans la lettre synodale et faute de points de repère autres que les termes fournis par la réunion tenue précédemment à Tours et, d'autre part, par le décès de Perpetuus, les éditeurs se sont bornés à situer le concile de Vannes entre ces deux dates extrêmes : 461 et 491. Il ne semble pas impossible de resserrer quelque peu cette chronologie : le terminus ad quem que fournit la disparition de Perpetuus peut être ramené, selon toute probabilité, à 488/489; d'autre part il paraît peu vraisemblable que l'évêque de Tours ait été autorisé par le roi Euric ou par son successeur Alaric II à sortir du royaume pour aller se joindre à des collègues qui ne relevaient pas de l'autorité politique du souverain wisigoth. De plus, le concile de Vannes s'est tenu avant que n'interviennent — dans les deux ou trois

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dernières décennies du siècle? — les modifications qui ont profondément transformé la géographie ecclésiastique de la péninsule armoricaine176. Aussi semble-t-il légitime de conclure que la réunion vénète a eu lieu avant 471, date à laquelle Tours est certainement passée aux mains des Wisigoths et même avant 469, année où la vallée de la Loire devient théâtre d'opérations militaires. C'est donc entre 462 et 468 que se tint, semble-t-il, le troisième concile de la province de Tours.

Bien que les Pères siégeant à ces différentes réunions n'aient point défini les pouvoirs particuliers qui s'attachent au titre de métropolitain, ni même usé de ce dernier terme, les canons conciliaires font clairement apparaître l'existence d'une entité provinciale à laquelle le siège de Tours impose sa direction : les décisions élaborées en commun engagent en effet tous les évêques et tous les prêtres des Églises quae sunt intra provinciam tertiam constituae 177 et doivent être appliquées, comme l'affirment les participants, intra provinciam nostram179; d'autre part il ressort à l'évidence des textes que l'évêque tourangeau, président effectif de ces assemblées, jouit d'une autorité qui s'est progressivement affirmée. Dans l'exercice tout nouveau de la prérogative métropolitaine, Eustochius s'est peut-être cependant heurté à quelques réticences. Parmi les documents de la collectio Andegavensis, figure une lettre adressée à Thalasius par les évêques Loup de Troyes et Eufronius d'Au- tun, en réponse à un commonitorium que leur avait envoyé le titulaire d'Angers 179 : ce dernier s'interrogeait sur les lectures qu'il convenait de faire à l'occasion des vigiles des grandes fêtes de l'année liturgique et sur la discipline que devaient observer les clercs mariés. Il semble assez étrange que l'Angevin se soit adressé à deux prélats, qui jouissaient certes d'un grand renom de sainteté, mais étaient des étrangers à la province, plutôt qu'au métropolitain de Tours180; plus anormal encore qu'il se soit enquis auprès d'eux de questions relatives au célibat et à la continence des clercs, tous problèmes sur lesquels le concile d'Angers

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avait statué peu de temps auparavant181. Il y a peut-être là l'indice d'une difficulté rencontrée par Eustochius pour faire reconnaître à tous son auctoritas. Avec Perpetuus en revanche, la prééminence du siège de Tours semble pleinement établie : à Tours, où les travaux conciliaires sont placés sous la protection de Martin, son saint prédécesseur, et plus encore à Vannes, où, après avoir fait adopter par toutes les communautés de la province un ordo sacrorum et une psallendi consue- tudo uniques182 — certainement ceux en usage à Tours — , il souscrit d'une formule particulièrement solennelle la lettre synodale183, il apparaît comme le chef incontesté de toutes les Églises de Lyonnaise Troisième. C'est certainement en grande partie par sa compétence en matière de droit canon que Perpetuus a forcé le respect de ses collègues : les travaux conciliaires qu'il a dirigés ont sans aucun doute bénéficié de la science qu'au témoignage de Sidoine Apollinaire, le métropolitain avait puisée dans la bybliotheca fidei catholicae. Le contraste est en effet frappant entre les sèches prescriptions de l'assemblée d'Angers, qui reprend brièvement à son compte quelques-unes des décisions élaborées par les grands conciles, Arles, Nicée, Chalcédoine, et la formulation plus ample et plus savante des canons promulgués à Tours et à Vannes : s'inspirant surtout des règles fixées par les pontifes romains à l'usage des Église gauloises, par Damase dans l'Épître ad Gallos, par Sirice dans la lettre à Himère et par Innocent s'adressant à Exupère et à Victrice, ils développent souvent, avec des chaînes de citations scrip- turaires, une argumentation plus élaborée pour justifier une sentence. Il ne fait guère de doute que l'on trouve dans ces textes l'empreinte personnelle de celui que Paulin de Périgueux qualifiait de omni religione doctor et auquel les autres Pères, s'inclinant devant son savoir, s'en sont largement remis pour l'élaboration et la rédaction d'une législation provinciale184.

Cette législation est empreinte d'une volonté de rigueur, mais aussi marquée par l'esprit réaliste de ses auteurs qui ont sciemment limité leurs ambitions en tenant compte des situations concrètes : Eustochius

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puis, à sa suite, Perpetuus manifestent le souci de parer au plus urgent, de corriger les vices et les abus les plus graves qui entachent la vie de l'Église et de restaurer, ou même d'instaurer, dans des chrétientés dont certaines sont encore très jeunes, quelques règles fondamentales de morale et de discipline.

La réalisation de ce programme est confiée à l'évêque dont l'autorité, dans les limites du diocèse, est affirmée presqu'à chaque article : qu'il s'agisse de son pouvoir disciplinaire sur l'ensemble de la communauté ou de la compétence judiciaire et du droit de surveillance qui lui sont plus spécialement impartis sur le clergé. Ce dernier est l'objet des principales préoccupations de la part des Pères de Lyonnaise Troisième : le but recherché est d'abord de constituer un corps organisé et discipliné où chacun assure, à sa place, la mission dont il est chargé; aussi les canons insistent-ils sur le caractère irréversible de l'engagement qui attache les clercs au service d'une Église 185 et sur la soumission due à l'évêque, chef de la milice cléricale et juge naturel de ses membres 186. Ceux qui ont charge d'encadrer et d'enseigner le peuple chrétien doivent, et c'est là le second souci majeur des législateurs, donner l'exemple d'une vie irréprochable : de tous les clercs, on exige d'une part une conduite chaste impliquant, pour ceux d'entre eux qui ont atteint les degrés supérieurs de la cléricature, le célibat ou la continence 187 et d'autre part une parfaite sobriété, car, comme le notent les Pères de Vannes, l'ivrognerie est la mère de tous les vices 188.

L'effort de reprise en main s'étend aux établissements monastiques, placés eux aussi sous le contrôle episcopal : les moines sont non seulement astreints à la fidélité absolue aux vœux qu'ils ont prononcés, mais également à une soumission à la règle que, sous la tutelle de l'évêque, l'abbé a charge de faire respecter189; aussi ce dernier doit-il se consacrer exclusivement à la communauté qu'il dirige au lieu d'essaimer, au gré de ses pérégrinations, des fondations abandonnées ensuite à un simple praepositus190; quant aux frères, il leur est interdit, comme aux clercs, de voyager sans être munis de litterae formatae délivrées par l'évêque et même de se séparer de la communauté pour vivre dans une cellule isolée1?1. Aux laïcs enfin, plus directement soumis aux tentations

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d'un monde où régnent la violence et le désordre, les Pères se bornent à imposer l'obéissance à quelques lois essentielles de la morale chrétienne : le respect de la vie 192 et des engagements scellés par un serment 193, le principe de l'indissolubilité du mariage chrétien que les législateurs s'efforcent avec précaution de faire passer dans les mœurs 194. À tous les pécheurs, pourvu que leur repentir soit sincère et durable, la pénitence offre d'ailleurs la voie d'une réconciliation avec l'Église'195.

La promulgation d'une telle législation ne pouvait certes suffire à transformer radicalement, dans le délai de quelques décennies, la vie des communautés concernées. La répétition, d'un concile à l'autre, de prescriptions analogues indique assez clairement que ces dernières étaient loin d'être toujours immédiatement suivies d'effet. Cependant quelques indices suggèrent que des progrès ont été enregistrés d'une réunion à l'autre et plus particulièrement qu'une plus ferme discipline s'est instaurée au sein du clergé. La lourdeur croissante des peines encourues par les clercs fautifs, qu'ils soient coupables d'admettre dans leur entourage des femmes étrangères à leur famille196 ou de s'adonner avec excès à la boisson197, pourrait certes être interprétée comme le signe que les premières mesures, trop clémentes, sont demeurées inopérantes. Mais ce redoublement de sévérité prend un autre sens lorsqu'on constate qu'il s'accompagne d'un renforcement des obligations auxquelles sont astreints les membres du clergé : ainsi le devoir du célibat ou de la continence imposé à Tours aux seuls clercs majeurs est étendu aux sous-diacres par le concile de Vannes198. Cette évolution indique que l'évêque est désormais en mesure de se montrer plus exigeant et plus sévère vis-à-vis des membres du clergé et que ces derniers se soumettent de plus en plus largement à la discipline édictée par les conciles. Ce sont là des résultats qui, si partiels qu'ils puissent paraître,

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ne doivent cependant pas être sous-estimés. Ils permettaient à l'autorité du corps episcopal de Lyonnaise Troisième et, en particulier, à celle de l'évêque de Tours de prendre appui sur un clergé plus digne et mieux capable d'encadrer le peuple chrétien; pour l'accomplissement de l'œuvre immense qu'ils avaient entreprise, les prélats tourangeaux de la seconde moitié du Ve siècle ont sans nul doute trouvé parmi les clercs de leur entourage les collaborateurs dont ils avaient besoin.

Au reste, l'efficacité de cette législation peut aussi se mesurer indirectement à son rayonnement. L'œuvre des conciles de Lyonnaise Troisième, bien que plus limitée dans son inspiration et dans ses visées, peut, de ce point de vue, être sans aucun doute comparée à celle que menèrent, à peu près à la même époque, les évêques arlésiens. De même que la législation élaborée sous la direction d'Hilaire et de Césai- re d'Arles a largement rayonné dans le Sud-Est de la Gaule, celle à laquelle présidèrent Eustochius et surtout Perpetuus a exercé une large influence dans l'Ouest et le Centre. La présence du métropolitain de Bourges à Angers et à Tours et, à ce dernier concile, celle de Germain de Rouen et d'Amandinus de Châlons, les relations entretenues par Tours avec les Églises de Clermont et de Limoges ont assuré aux décisions prises dans le cadre de la Lyonnaise Troisième une diffusion plus large et une influence durable : les Pères qui siègent en 506 au concile d'Agde se sont amplement inspirés de la discipline arlésienne, mais ils ont aussi inséré dans leurs décisions neuf des canons du concile de Vannes199; au VIe siècle, les compilateurs de Libri canonum, qui puisent largement dans les textes conciliaires et dans les codes arlésiens, n'ignorent pas non plus la législation de la province de Tours200. Ces emprunts témoignent de l'utilité reconnue aux mesures prises par le corps episcopal de Lyonnaise Troisième à l'instigation de son métropolitain; ils révèlent aussi que Tours, à la fin du Ve siècle, est sortie de

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l'ombre et de l'isolement où le règne médiocre de Brice l'avait longtemps cantonnée.

Tours, bastion de la foi trinitaire

Avec l'autorité restaurée et le prestige renaissant de son siège episcopal, la civitas Turonorum redevient aussi un foyer rayonnant de vie chrétienne. De ce réveil de la foi porte témoignage tout d'abord l'érection de plusieurs sanctuaires à Tours même : dans le castrum, du temps d'Eustochius, une seconde ecclesia201, dans le suburbium, sous l'épisco- pat de Perpetuus, deux basiliques dédiées respectivement aux apôtres Pierre et Paul et à Martin, sont ouvertes à la piété des fidèles202. L'initiative et sans doute une grande partie du financement de ces chantiers reviennent aux évêques ; mais le peuple de Tours s'est largement associé à l'entreprise : pour la construction de la basilica Martini, substituée à la modeste chapelle funéraire édifiée sur la tombe de Martin, il a prêté avec enthousiasme son concours, comme nous l'apprend Paulin de Périgueux. Le poète, qui reprend dans ses vers un récit qu'il tient de Perpetuus lui-même, évoque les efforts conjugués des fidèles pour le transport de colonnes provenant de quelque édifice romain des environs et qui devaient être remployées dans le temple chrétien. Les plus riches mettent à la disposition de tous les attelages de leur exploitation agricole; les autres offrent leurs bras pour tirer les lourds fardeaux. Les colonnes sont finalement amenées à pied d'œuvre par le peuple, majore fide devotus et instans203. C'est cette même foi qui redonne à l'Église tourangelle son ardeur conquérante et réveille sa vocation missionnaire. Les notices du Catalogue de Grégoire le révèlent clairement : en aucune autre période de l'histoire qu'il embrasse dans son ouvrage, si ce n'est du temps de Martin, l'activité déployée pour l'évangélisation des campagnes n'a été aussi soutenue. En moins de cinquante ans, le

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nombre des églises rurales dans le diocèse a doublé, passant de 1 1 à la mort de Brice à 22 au début du règne de Volusianus204. La menace que représentaient rapproche puis la présence des Wisigoths, porteurs de la contagion arienne, explique que les évêques, gardiens de la foi catholique, aient eu pour principal souci d'entreprendre au plus vite la conquête des paysans encore attachés aux superstitions païennes et de mieux encadrer les jeunes communautés rurales. Mais à l'ampleur des résultats acquis se mesure surtout la vitalité retrouvée du christianisme tourangeau. Une vitalité que manifeste au même moment le nouvel essor que connaît, en Touraine, le monachisme. C'est pour canaliser cet élan de vocations neuves, éviter qu'il ne se disperse dans les expériences hasardeuses de l'érémitisme ou de l'errance perpétuelle qu'Eusto- chius et Perpetuus ont élaboré toute une législation, s'efforçant de donner aux communautés le caractère de colonies monastiques stables et solidement organisées au service de la mission. Dans ces conditions, d'anciens établissements reprennent vie : Marmoutier, longtemps déserté, reçoit chaque année à Pâques la visite des fidèles conduits en procession par Perpetuus205; la demeure où Martin avait abrité sa retraite n'est pas seulement un musée de la piété; les frères peuplent à nouveau les cellules en assez grand nombre pour que Volusianus soit amené, au début de son épiscopat, à édifier, à leur intention, un second lieu de prière, la basilique Saint- Jean206. Et surtout de nouveaux centres monastiques apparaissent : dans le suburbium de Tours, à proximité de la basilica Martini, est attestée pour la première fois, dans la seconde moitié du Ve siècle, l'existence d'une communauté que gouvernent d'abord, regulari sceptro, l'abbé Silvinus, puis à sa suite, un saint personnage originaire du Berry, Venantius; lorsque s'achève le cours de sa vie toute remplie de «vertus», le monastère ne tarde pas à prendre le nom de celui qui l'avait ainsi illustré et qui continuait depuis son tombeau à y manifester sa puissance, en se plaçant sous le vocable de saint Venant207. À Chinon, le Tourangeau Maximus, que Grégoire, présente comme un disciple de Martin ayant, un temps, émigré près de Lyon au monastère de l'Ile-Barbe, organise un monastère qu'il dirigeait toujours

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lorsque le castrum fut assiégé en 463 par Aegidius208. Venu de Cahors, Ursus, qui, au cours d'une carrière vagabonde, avait déjà essaimé plusieurs fondations monastiques en Berry, s'installe en Touraine : il édifie d'abord un monastère et un oratoire à Sennevières; laissant ensuite le soin de diriger cette communauté à Leobatius, il fonde un autre monastère, près de Loches, où, peut-être par obéissance à la discipline instaurée par le concile de Vannes, il se fixe définitivement; il y exerçait encore les fonctions d'abbas lorsqu'Alaric II succéda à Euric, comme en témoignent ses démêlés avec l'un des représentants du nouveau souverain, le chef goth Silarius209.

Ce nouvel élan de la foi, les évêques tourangeaux ont puissamment contribué à le susciter et à l'encourager, en favorisant le développement du culte des martyrs et celui du saint confesseur. Eustochius, qui dédie aux saints milanais Gervais et Protais la deuxième ecclesia de Tours en y déposant des linges tachés du sang de leur martyre210, son successeur, qui consacre à Pierre et Paul une basilique suburbaine, peut-être aussi par le dépôt de brandea, donnent, de la présence et de la protection qu'étendent sur Tours quelques-uns des plus puissants membres de la milice céleste, les gages matériels dont la dévotion des fidèles a besoin pour se fortifier. Mais Perpetuus, sans négliger les secours de ceux qui ont témoigné ainsi par leur martyre et qu'honore l'Église universelle, a surtout œuvré pour faire du bienheureux confesseur de Tours le guide et le protecteur par excellence de la cité episcopale. L'hommage que la génération précédente, par l'édification d'une humble chapelle, avait rendu au saint évêque ne dépassait guère les limites d'un culte funéraire, étroitement confiné sur le tombeau. Avec Perpetuus, Martin envahit toute la vie de la cité : la basilica Martini, magnifiquement reconstruite, s'ouvre largement aux réunions de l'assemblée chrétienne comme aux pèlerins qui viennent se joindre à elle; elle sert de cadre à plusieurs des grandes festivités qui rythment désormais le temps liturgique, suivant le calendrier établi par le prélat211. Les tituli et les peintures, dont ce dernier fait orner le sanctuaire, ont été conçus pour offrir en permanence la vie et l'enseignement de Martin en exemple aux fidèles, mais aussi pour exalter sa puissance toujours présente

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et efficace212. C'est aussi le sens du long poème dont Perpetuus a passé commande à Paulin de Périgueux : aux cinq premiers chants, où le poète met en vers la relation biographique donnée par Sulpice Sévère, succède un sixième livre consacré aux miracles que procure la virtus posthume de Martin.

En orientant ainsi les élans de la ferveur tourangelle, Eustochius et Perpetuus ne cherchaient point à endormir les angoisses du peuple chrétien avec l'opium d'une dévotion tranquillisante. Ils s'efforçaient tout au contraire, à une époque où l'expansion des Wisigoths favorisait dangereusement les progrès de l'hérésie arienne, de forger à la communauté catholique une piété militante, en proposant plus spécialement aux fidèles l'exemple et le secours de saints qui avaient témoigné pour la vraie foi ou en étaient les garants. Cette intention est déjà perceptible dans le choix que fit Eustochius de Gervais et Protais pour patronner la nouvelle ecclesia de la cité. Dans quelques cités de Gaule, à Rouen, à Vienne et peut-être déjà au Mans213, les deux saints milanais avaient été précédemment appelés en renfort pour veiller à la garde des murailles214. Mais à Tours, alors qu'il fallait s'apprêter à soutenir une résistance contre un assaut des barbares hérétiques, le recours à Gervais et à Protais, plutôt qu'à d'autres «soldats venus du camp céleste»215, prenait un sens bien précis : on se souvenait sans aucun doute dans les milieux ecclésiastiques que la révélation mystérieuse, à l'origine de l'in-

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vention de leur sépulture, était venue justifier et couronner les efforts de l'évêque milanais Ambroise en butte à l'hostilité d'un puissant parti arien, soutenu par l'impératrice Justine216. À Tours comme à Milan, les deux saints se présentaient comme les garants de la vérité et leur protection acquise à la cité était de nature à soutenir la fermeté doctrinale de la communauté catholique. Pour stimuler le courage de celle-ci, Per- petuus, à son tour, enrôle dans cette garnison spirituelle d'autres défenseurs : et tout d'abord Martin lui-même, associé dans le cycle de la liturgie tourangelle, comme il l'avait été pendant toute une période de son existence, à l'évêque de Poitiers Hilaire. Que Perpetuus ait souhaité exalter tout spécialement dans le maître et dans son disciple les champions de la vraie foi, la Vita Martini, que versifia à sa demande Paulin de Périgueux, en porte témoignage. Sur la trame du bref récit que Sul- pice Sévère avait donné des tribulations d'Hilaire et de Martin217, à l'époque où Constance II prétendait imposer à l'Empire réunifié une théologie plus que douteuse, le poète broche une violente diatribe contre l'arianisme218, malus funesti dogmatis error219. Il dépeint les terribles ravages de la contagion : le poison vomi de la bouche d'Arius a infecté dans tout l'univers les peuples sans défiance et les Gaulois eux-mêmes n'en ont pas été préservés220. En même temps, l'écrivain célèbre Hilaire, murum fidei validamque columnam221, et Martin qui a opposé sa forte poitrine à la violence du torrent dévastateur. À la date où fut rédigé l'ouvrage, vers 470, cette polémique n'avait rien d'un exercice de style ; elle répondait dans le Centre-Ouest de la Gaule à des préoccupations pressantes : les vers de Paulin sonnent comme un avertissement adressé

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aux communautés catholiques et comme un encouragement donné à leur résistance. Au service de celle-ci, Perpetuus mobilise enfin, aux côtés d'Hilaire et de Martin, Pierre et Paul. En réservant aux deux Apôtres les honneurs d'une basilique et ceux d'une double fête dans son calendrier liturgique, l'Église tourangelle proclame solennellement qu'elle est en communion avec l'Église de Rome. De même que cette dernière, elle tient sa tradition des Apôtres : Martin, suivant une typologie que suggérait déjà Sulpice Sévère, est proclamé, dans deux tituli222 de la grande basilique élevée sur son tombeau, nouveau Pierre et nouveau Paul223. Avec de telles cautions, la communauté tourangelle pouvait assurément se sentir affermie dans sa foi.

III - Le pari sur les Francs (490-508)

Perpetuus avait revigoré son Église et avait armé les fidèles pour que ceux-ci pussent soutenir contre l'hérésie un combat spirituel. Avec ses successeurs, la résistance de Tours à l'occupant arien prend bientôt un tour plus nettement politique.

C'est qu'entre-temps, la conjoncture s'est modifiée. Du vivant même de Perpetuus, dans les dernières années de son épiscopat, le rapport des forces politiques et militaires en Gaule avait commencé à se transformer avec l'arrivée successive au pouvoir, chez les Francs Sa- liens, de Clovis, vers 481/482, et celle d'Alaric II chez les Wisigoths, en 484. À son avènement, ce dernier pouvait encore apparaître comme le souverain le plus puissant dans la sphère gauloise. Cependant l'ardeur conquérante des Wisigoths tendait à s'essoufler : Alaric II, qui n'avait pas l'envergure d'Euric, avait fort à faire pour maintenir sous son autorité, dans un royaume démesurément agrandi par son père, des Aquitains, des Espagnols, des Provençaux et des Goths, les uns catholiques, les autres ariens. Accaparé par cette tâche, il cherchait à éviter tout heurt avec les autres puissances, et en particulier avec celle que Clovis commençait à constituer au Nord de la Loire. Il est très difficile de jalonner de dates et de repères géographiques précis l'expansion des Francs dans ces régions et de déterminer avec certitude la part qui,

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dans ce mouvement, revient respectivement à Childéric et à son successeur. Il est probable que le premier avait préparé le terrain et que Clo- vis hérita de son père non seulement la souveraineté sur le petit royaume de Tournai, mais encore l'autorité et l'influence que Childéric s'était acquises plus au Sud, en Anjou et dans le Maine notamment, peut-être également déjà dans la région parisienne224. Dans ces conditions le nouveau roi franc, qui met au service d'une politique plus ambitieuse des talents de diplomate et de général, ou plus exactement, l'instinct de ruse et le courage d'un barbare très doué, put procéder progressivement à l'occupation effective d'un vaste domaine entre Somme et Loire, sans se heurter à une résistance bien vigoureuse, si ce n'est lorsqu'il affronta victorieusement, vers 486, le dernier chef romain encore pourvu de quelques forces militaires, le «roi de Soissons», Syagrius225. En cette circonstance, Alaric manifesta clairement ses intentions pacifiques et son désir d'entente avec Clovis : sur sa demande, il livra,- au Franc, son ennemi Syagrius, qui, après sa défaite, s'était réfugié à la cour de Toulouse226. Au cours des années qui suivirent, alors que s'achevait l'épiscopat de Perpetuus, la montée irrésistible de la puissance franque donnait au souverain wisigoth un nouveau et plus pressant motif d'alarme : la renommée et la faveur croissantes dont le Mérovingien commençait à jouir auprès de ses propres sujets, dans les communautés catholiques gauloises au Sud de la Loire. Multi jam tune ex Galleis, écrit Grégoire à propos de cette évolution, habere Francos dominos summo desiderio cupiebant227. Des rapports courtois entretenus par Clovis avec l'évêque Rémi de Reims228, quelques mesures prises à bon escient par le roi pour châtier les exactions commises par ses troupes aux dépens des Églises229, enfin son mariage avec la princesse catholique Clotilde vers 493 — à s'en tenir à la chronologie traditionnelle que suggère Grégoire et que les assauts de la critique n'ont pas réussi à

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ébranler sérieusement — 23°, tout ceci avait suffi à faire naître bien des espoirs dans les cités de Gaule soumises au joug des Wisigoths ariens et à réveiller, malgré la politique plus tolérante d'Alaric, l'opposition latente à leur domination. À Tours, en raison de la situation géographique de la cité, à la frontière septentrionale du royaume wisigoth, là où celui-ci confinait désormais avec la zone d'influence franque, les milieux ecclésiastiques étaient, mieux qu'ailleurs sans doute, en mesure de connaître le développement de la situation et d'apprécier les perspectives qu'elle offrait. Des informations qui filtraient depuis le Nord, on ne savait ou on ne voulait retenir que les aspects prometteurs et l'on était porté à se représenter sous un jour idyllique le sort des Gallo-romains placés sous l'autorité de Clovis : on se souvenait de la part que les contingents francs avaient pris naguère à la défense de la Loire romaine; et dans ce pays de mission, où l'Église travaillait avec succès à l'évangé- lisation des populations rurales encore attachées au paganisme, les convictions idolâtres de Clovis pouvaient moins qu'ailleurs apparaître comme un obstacle insurmontable. Aussi l'idée que le roi franc pourrait être le libérateur de la catholicité gauloise faisait-elle lentement son chemin dans les esprits.

À la menace que représentait le développement de ce courant d'opinion dans un secteur particulièrement exposé de son royaume, Alaric réagit en renforçant tout d'abord son contrôle sur la région : la présence en Touraine à cette époque d'un haut dignitaire goth, qui jouissait de la faveur et de la confiance du souverain, Silarius231, démontre assez clairement que la défense de la frontière ligérienne et le maintien de l'ordre dans les pays de la Loire constituaient une des préoccupations majeures du moment. Mais le roi dut aussi user de répression et appliquer à Tours le traitement brutal qui lui avait été épargné du temps d'Euric. Le successeur de Perpetuus, Volusianus, «soupçonné par les Goths de vouloir se soumettre à la domination des Francs», fut frappé d'une sentence d'exil, durant la septième année de son épiscopat232. Le régime de détention auquel il fut soumis lui fut

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rapidement fatal. Alaric autorisa alors, dans un esprit d'apaisement, l'Église de Tours à lui donner un successeur; mais le nouvel élu, Verus, soupçonné à son tour de zèle pour la cause de Clovis, fut lui aussi contraint de prendre le chemin de l'exil233.

Pour quel motif précis les deux évêques furent-ils donc ainsi arrachés successivement à leur cité? Qu'ils aient fait plus que laisser percer des sentiments francophiles, qu'ils se soient nettement engagés en faveur des Francs, tout l'indique. Dans le cas de Volusianus tout d'abord, l'état de crainte dans lequel il vivait : dans une lettre à son ami Ruricius de Limoges, il se dépeignait en effet metu hostium hebetum factum, faisant très certainement allusion en termes voilés aux Wisi- goths et aux raisons qu'il avait de redouter, de leur part, quelques représailles234. Quant à Verus, il fallait qu'il apparût comme un ennemi bien dangereux de la cause wisigothique pour qu'Alaric l'ait exclu de la mesure d'amnistie dont profitèrent en 506 d'autres évêques catholiques rappelés d'exil par le souverain235.

Si Grégoire de Tours reste muet sur les circonstances exactes de l'arrestation des deux prélats tourangeaux, d'autres sources apportent quelques lueurs sur ces événements. La Chronique de Prosper d'Aquitaine dans sa Continuano laisse entrevoir qu'à deux reprises les Francs ont momentanément chassé de Tours les Wisigoths. Une première fois, entre 494 et 496, mettant à profit une révolte qui retenait Alaric en Espagne, Clovis a, semble-t-il, lancé ses forces contre l'Aquitaine et poussé jusqu'à Saintes : en 496, les Wisigoths durent en effet reprendre cette cité de vive force236. Le roi franc reparaît en 498 au Sud de la

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Loire et s'empare pendant quelque temps de Bordeaux237. Or il semble bien que l'on puisse situer au lendemain de chacune de ces deux incursions les sentences d'exil qui frappèrent successivement les deux évê- ques de Tours238. Au témoignage même de Grégoire, Volusianus fut emmené en captivité durant la septième année de son épiscopat, soit aux alentours de 496, époque à laquelle les Wisigoths reprennent le contrôle des territoires un instant perdus. L'historien ne fixe pas la date à laquelle Verus fut à son tour contraint d'abandonner sa ville. Mais la notice qu'il consacre à cet évêque suggère que ce dernier n'exerça que fort peu de temps sa charge dans la cité tourangelle, puisqu'il ne put y mener à bien aucune entreprise digne d'être relatée. Son départ pour l'exil pourrait donc coïncider avec l'époque où Alaric rentre en possession — avant les années 500 — de toute la partie nord de son royaume jusqu'à la Loire. Au reste le passage de Clovis à Tours, au moins en une occasion avant la campagne décisive de 507, est formellement attesté par une autre source qui laisse deviner l'accueil réservé au Franc par le prélat alors en charge. Dans une lettre adressée en 561 à la petite-fille de Clovis, Clotsinde, mariée à Alboin, roi arien des Lombards, l'évêque Nizier de Trêves, pressant la souveraine de guider son époux vers la foi catholique, comme l'avait fait jadis Clotilde avec son grand-père, rappelle en quelles circonstances ce dernier s'était engagé dans la voie de la conversion. Clovis n'avait pas cédé aux arguments théologiques, avant d'avoir obtenu des preuves formelles; c'est en voyant les miracles que Martin réalisait à son tombeau qu'il s'était enfin décidé : humilis ad domni Martini cecidit et baptizare sine mora promisit239. Il n'y a aucune raison de récuser le témoignage de Nizier,

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contemporain des premiers successeurs de Clovis. Certes, son récit diffère de celui de Grégoire : selon l'historien, la décision de Clovis fut prise sur le champ de bataille alors que le roi, prêt d'être écrasé par les Alamans, avait fait vœu de se convertir au Christ, si celui-ci lui accordait la victoire240. Mais les deux versions des événements ne s'excluent pas l'une l'autre. Nizier et Grégoire font tous deux état des longues hésitations du souverain astutissimus avant qu'il n'abandonne le culte des idoles. Que son choix, orienté par l'influence conjuguée de Clotilde et de quelques évêques, ait eu besoin pour devenir définitif, de se mûrir d'expériences successives, voilà qui ne semble pas douteux. De ce long cheminement qui devait conduire Clovis à recevoir le baptême à Reims, le Tourangeau et le Trévire n'ont retenu chacun que l'étape qui, dans l'optique de leur récit, leur paraissait décisive : pour Nizier ce sont les manifestations de la virtus posthume de Martin, parce que, toujours renouvelées, elles sont encore susceptibles de convaincre Alboin. Quant à Grégoire, désireux de présenter Clovis comme un nouveau Constantin241, il était tout naturellement porté à privilégier ce qui s'était passé durant le combat contre les Alamans, afin de renforcer le parallèle entre la bataille de Tolbiac et celle du Pont Milvius. Il semble d'ailleurs que l'auteur de l'Historia Francorum ait manqué de sources d'information concernant l'histoire de Tours dans les dernières années du Ve siècle; ainsi s'expliquerait son silence à propos d'une première visite du roi franc à la basilique martinienne. Nicetius de Trêves, en revanche, pouvait être mieux renseigné : il était très lié avec Thierry Ier, auprès duquel il joua le rôle d'une sorte de directeur de conscience242; de la bouche de ce prince, assez âgé pour avoir accompagné son père lors des premières expéditions au Sud de la Loire, il avait pu apprendre ce que l'historien tourangeau ignorait : lors de l'un de ses premiers passages à Tours, à l'époque de Volusianus ou au temps de Verus, Clovis s'était rendu sur la tombe de Martin et il y avait pris ou plutôt renouvelé l'engagement de se faire baptiser sans retard.

Le roi franc s'était lié, en présence de Martin, par un vœu solennel. Mais le clergé de Tours . s'était engagé lui aussi; les miracles dont il avait rendu Clovis témoin et dont il n'avait pas manqué d'exploiter l'ef-

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fet sur l'esprit du souverain païen, constituaient en eux-mêmes une promesse : celle que le Dieu de Martin combattrait désormais dans le camp du Franc qui penchait vers la foi catholique. En passant ainsi avec ce dernier une sorte de contrat moral, l'Église tourangelle intervenait de façon déterminante dans le cours des événements. Certes, elle n'avait pas suscité les premières actions de Clovis au Sud de la Loire et s'était bornée à exploiter les circonstances; certes aussi, elle n'était pas la seule communauté catholique en Gaule à placer ses espérances dans la victoire des Francs, comme en témoigne à plusieurs reprises Grégoire. On devine l'existence d'un réseau unissant à travers la catholicité gauloise tout entière les évêques qui, dans les royaumes ariens, aspiraient à secouer le joug hérétique et ceux qui, dans le domaine franc, s'efforçaient de combattre l'influence de la faction arienne assez puissante dans l'entourage de Clovis243 : de diocèse à diocèse, malgré les frontières politiques, des informations, une propagande circulaient, des contacts étaient pris que favorisaient les mouvements de transfuges d'un royaume à l'autre ou, à l'intérieur des états ariens, les mesures de déplacement et d'exil frappant les clercs catholiques. Mais voilà que l'Église de Tours, qui n'avait été d'abord que l'un des maillons de ce réseau clandestin, avait osé exprimer publiquement les souhaits que formaient secrètement d'autres communautés : en pariant ouvertement sur la conversion de Clovis, elle faisait un choix qui, sanctionné par Yauctoritas de Martin, prenait pour toute la catholicité gauloise une valeur exemplaire.

Dans l'immédiat, il est vrai, ce pari ne fut qu'à demi-payant : la cause catholique remporta un grand succès244, lorsque Clovis, s'acquit- tant de ses vœux, se décida enfin à recevoir le baptême à Reims245, de

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la main de l'évêque Remi. Mais le roi franc échouait dans sa tentative pour conquérir le royaume de Burgondie et, reculant devant l'alliance qui rapprochait les souverains ariens, le burgonde Gondebaud et le wisigoth Alaric, il préférait négocier avec ce dernier. Alaric était toujours aussi désireux de maintenir avec Clovis des rapports de bon voisinage. La rencontre organisée dans une île de la Loire proche du village d'Amboise aboutit à une promesse d'amitié mutuelle246; à quelques kilomètres de Tours, où sa visite avait suscité naguère tant d'espoir, le roi franc acceptait dans un pacte de non aggression un partage de la Gaule qui abandonnait à la domination arienne les territoires situés au Sud de la Loire.

Dans ses états, Alaric, tirant la leçon des derniers événements, optait pour une politique de conciliation dans l'espoir de rallier les opposants : imitant la tactique plus souple du burgonde Gondebaud, il promulgait en février 506, avec l'approbation de notables laïcs et ecclésiastiques, un abrégé des lois du code théodosien à l'usage des Romains de son royaume; la même année, au mois de septembre, il convoquait à Agde un concile qui, placé sous la présidence de Césaire d'Arles, rappelé d'exil, réunissait les représentants de trente-quatre Églises catholiques de son domaine. À cette assemblée prenait part le diacre Léon, délégué par Verus247. Les Pères se montrèrent pleins de déférence envers le souverain qui leur donnait la liberté d'élaborer une législation canonique et promettait pour l'avenir la tenue de semblables réunions : ils élevèrent une prière pour demander à Dieu la félicité de son règne.

Faut-il croire qu'en Gaule wisigothique, la hiérarchie catholique, conquise par la politique d'Alaric, était gagnée totalement à la collaboration avec le souverain arien?248 Ce serait méconnaître son attache-

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ment profond à la foi catholique romaine et les ressources de patience et de diplomatie de ses représentants. Dans l'immédiat, il était souhaitable de profiter, au prix de quelques formules de pieuse courtoisie, des bonnes disposition du roi hérétique; mais il eût été imprudent de faire fond à longue échéance sur une politique d'entente qui était à la merci d'une saute d'humeur du souverain arien ou d'un revirement lié à un changement de règne. Dans la perspective d'une telle éventualité, l'appel aux Francs demeurait le seul recours possible et les rapports noués par l'Église tourangelle avec Clovis pouvaient apparaître comme les jalons utiles d'une politique de rechange. D'autant que Verus, absent de la réunion d'Agde, y fit cependant entendre bien haut la voix de Tours. Il jouissait du prestige que conférait à son titulaire, depuis quelques décennies, la renaissance éclatante du siège de Martin : aussi réussit-il à faire adopter à l'assemblée, par l'entremise de son diacre, plusieurs articles de la législation en vigueur dans la province de Lyonnaise Troisième249. Mais Verus était aussi paré de l'autorité que lui conférait sa qualité de victime de la persécution arienne. Sa détention prolongée, en démontrant que le sort des communautés catholiques dans le royaume des Wisigoths restait toujours précaire, justifiait les vues politiques d'un prélat que l'on savait particulièrement apte, du fait de la situation géographique de sa cité et de son expérience personnelle, à apprécier tous les éléments de la conjoncture. Les contacts, que prirent indirectement avec l'exilé les évêques rassemblés à Agde et qui se prolongèrent pour certains, comme Césaire d'Arles, dans les semaines qui suivirent250, ne pouvaient qu'assurer une large diffusion aux espérances tourangelles. La réunion conciliaire contribua sans doute moins en définitive à rallier à la personne du roi arien, engagé dans une politique tolérante, les Églises du Midi qu'à faire connaître de celles-ci la figure du souverain mérovingien récemment converti à la foi catholique. D'un chef franc dont le père avait été naguère le plus ferme soutien de la Romanité dans les régions de la Loire et qui lui-même n'avait rien per-

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du en se convertissant de l'ardeur conquérante de sa race, on pouvait espérer — l'évêque tourangeau avait tout misé sur cette perspective — faire le libérateur de la catholicité gauloise.

Les temps n'étaient plus loin où ces vœux allaient se réaliser. Mais Verus ne put assister au triomphe de ses espérances : peu de temps, quelques mois tout au plus, après la clôture du concile d'Agde, il disparaissait sans avoir été autorisé à regagner sa ville de Tours251. Relâchant enfin sa sévérité à l'égard de cette cité longtemps privée d'évê- que, Alaric permit qu'on lui donnât un successeur. Sans doute par prudence, les électeurs portèrent leur choix sur un candidat dont la personnalité ne pouvait porter ombrage au souverain : le nouvel élu, Lici- nius, bien qu'il ne fût pas dépourvu de fortune personnelle, n'appartenait pas à cette aristocratie sénatoriale au sein de laquelle se recrutaient souvent les opposants au régime; il se recommandait apparemment par sa piété plus que par ses capacités politiques : natif d'Angers, il avait accompli un pèlerinage aux Lieux Saints d'Orient, avant de se consacrer à une vocation monastique, en Anjou tout d'abord où il fonda un monastère, puis à Tours où il prit la direction de la communauté de Saint- Venant252. Cependant, bien que dans son récit, Grégoire ne lui accorde qu'un rôle très effacé, il n'est pas impossible que le prélat n'ait été secrètement acquis à la cause des Francs253.

Licinius venait depuis peu d'être consacré à l'épiscopat, lorsque Clovis décida une offensive de grande envergure contre le royaume wisigoth. Grégoire de Tours présente l'entreprise comme une croisade menée par un pieux souverain contre l'hérétique : «C'est avec beaucoup de peine, fait-il dire au roi à la veille de l'opération, que je supporte que ces Ariens occupent une partie des Gaules»254. Bien évidemment, les divers mobiles qui poussaient Clovis à entreprendre le combat n'étaient pas tous aussi désintéressés. Cependant, le souverain n'avait pas dû rester sourd aux exhortations des évêques de son entourage qui le pres-

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saient de répondre à l'appel des communautés catholiques du royaume wisigoth : l'idée que, tout en réalisant ses ambitions territoriales, il s'acquérait des mérites auprès de Dieu n'était certainement pas pour lui déplaire. Comme lors des précédentes expéditions, le roi franchit la Loire à la hauteur de Tours et un détachement de son armée fit son entrée sans coup férir, semble-t-il, dans la cité abandonnée par les Wisigoths255. L'accueil réservé aux délégués du souverain montre que le clergé tourangeau n'entendait pas demeurer le témoin passif des événements. Il fallait renforcer le roi fraîchement converti dans la conviction que son entreprise ne serait couronnée de succès qu'à la condition qu'il sût mériter la bénédiction de Dieu et le secours de Martin. Il s'agissait en quelque sorte de lier le conquérant et futur maître politique par des engagements qui l'obligeraient au respect de l'Église, en échange du concours que celle-ci lui apportait par ses prières. Lorsque les envoyés du roi, chargés de présents, se rendirent à la basilique Saint-Martin, ils purent y recueillir un oracle qui était un présage de succès : au moment même où ils entraient dans le sanctuaire, le primi- cier entonnait, ex improviso, dit Grégoire, un verset du Psaume XVII annonciateur de victoire256. Le hasard de la lecture répondait trop bien aux préoccupations de l'heure pour qu'on ne puisse soupçonner les officiants d'avoir quelque peu préparé cette consultation «improvisée» des sortes biblicae. Satisfaits de ce qu'ils venaient d'entendre, les délégués de Clovis «promirent au bienheureux l'exécution des vœux» du souverain257. Dans l'immédiat, ce dernier veilla en particulier que son armée ne mît pas au pillage, en les traversant, les régions sur lesquelles Martin et son maître Hilaire étendaient leur patronage258. À peu de temps de là, au printemps 507, les Francs écrasèrent les Wisigoths dans la plaine de Vouillé; au cours de la bataille, Alaric trouva la mort. Pendant les mois suivants, Clovis s'emparait de Bordeaux, de Toulouse,

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puis d'Angoulême, tandis que son fils Thierry soumettait l'Auvergne. Les Wisigoths se repliaient en Espagne259: le «royaume de Toulouse» était occupé par les Francs, à l'exception de la Provence et du Bas Languedoc dont le roi ostrogoth avait réussi à prendre possession.

La campagne, commencée à Tours, fut clôturée l'année suivante260 dans cette même ville par une cérémonie d'une grande solennité organisée en l'honneur de Clovis : celui-ci, « lorsque la victoire fut complète, retourna à Tours où il offrit de nombreux présents à la basilique de saint Martin. Puis il reçut de l'empereur Anastase le codicille du consulat et ayant revêtu dans la basilique du bienheureux Martin une tunique de pourpre et une chlamyde, il mit^sur sa tête un diadème. Ensuite étant monté à cheval, il distribua avec une très grande générosité de l'or et de l'argent sur le chemin qui se trouve entre la porte de l'atrium (de la basilique) et l'église de la cité, en les jetant de sa propre main aux gens qui étaient présents. . .»261.

On s'est beaucoup interrogé sur le sens politique de cette scène. Quelle que soit la valeur, diverse, que chacune des parties concernées — l'empereur d'Orient, l'élite gallo-romaine et le roi franc lui-même — ait accordée aux insignes et aux titres revêtus par Clovis, une constatation s'impose : tout ce cérémonial qui évoque à la fois l'antique pompe du triomphe, le processus consularis et Yadventus impérial est chargé et même surchargé de couleurs romaines. La victoire célébrée par le chef franc a été à dessein mise en scène comme celle de la Romanité sur la barbarie. Et c'est là sans doute ce qu'a voulu exprimer Grégoire de Tours lorsqu'il ajoute en conclusion de son récit : et ab ea die tamquam consul aut augustus est vocitatus262. En usant, avec une nuance de précaution, de ces expressions, l'écrivain ne prétendait en effet nullement affirmer que Clovis se fût jamais paré du titre de consul ou de celui d'Auguste. La critique, qui sans relâche s'est efforcée d'élucider — parfois au prix de corrections abusives des manuscrits — le sens de ces

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quelques mots263, a eu beau jeu de démontrer l'invraisemblance d'une telle titulature. En fait, l'auteur de YHistoria Francorum prétendait seulement dégager de l'événement le sens que celui-ci avait revêtu aux yeux des assistants gallo-romains et qu'il conservait au jugement de l'historien embrassant dans un puissant raccourci le sort de la Gaule de César à Clovis : dans cette longue perspective, ce dernier apparaissait, depuis 508, comme l'héritier d'un pouvoir exercé au nom de Rome d'abord par les consuls annuels puis par la succession des Augustes.

On a beaucoup moins prêté attention au caractère proprement religieux et tourangeau de la scène. La campagne contre les Wisigoths heureusement achevée, Clovis est repassé par Tours pour y accomplir ses vœux et apporter à Martin le tribut d'offrandes promises. Mais à l'expression individuelle de gratitude, à laquelle l'engageait privatim sa dévotion personnelle, s'est ajoutée la manifestation publique d'un hommage rendu officiellement par le souverain à celui qui, par son intercession, avait accordé le succès aux armes et à la politique franques. La cérémonie, qui légitimait en le romanisant le pouvoir du roi, s'est déroulée dans le cadre du sanctuaire martinien et la pompe triomphale qui l'a suivie a pris la forme d'une procession dirigée vers un autre lieu martinien, Y ecclesia où le saint évêque avait jadis été intronisé. À l'autorité du chef franc, salué par les envoyés de l'empereur Anastase et acclamé par la population gallo-romaine, Martin donnait donc la consécration d'une sorte d'investiture religieuse. On ne peut douter que tout ce cérémonial n'ait été inspiré et organisé par le clergé tourangeau. Par ces solennités quasi liturgiques, il s'agissait de rappeler d'une manière générale au vainqueur qu'il tenait son pouvoir de Dieu; mais aussi de le persuader qu'il en était redevable plus directement à Martin, le puissant intercesseur qui lui avait procuré l'aide divine. Ce faisant, Tours, pour couronnement des efforts qu'elle avait déployés au service de la cause franque, prétendait faire reconnaître sa vocation de cité sainte du nouvel état romano-franc.

Chapitre III. L'éclipse (508-573)

Depuis la campagne de Vouillé, Tours faisait partie du royaume franc. En venant, sur le chemin du retour, célébrer dans la grande basilique tourangelle le triomphe remporté sur les Wisigoths ariens, Clovis avait officiellement placé le regnum Francorum agrandi par ses armes sous le patronage de Martin, auquel il faisait hommage de ses victoires. Ce geste laissait bien augurer de l'avenir : un souverain très catholique, que l'Église tourangelle avait appelé de ses prières, présidait désormais aux destinées d'une grande partie de la Gaule; et dans le nouvel ensemble politique, où la foi trinitaire commune unissait Francs et Gallo-Romains, la cité martinienne pouvait espérer jouer un rôle de premier plan, celui d'une sorte de capitale religieuse.

Au cours des décennies qui suivirent, les illusions que l'euphorie de la victoire avait pu faire naître furent bientôt dissipées : la domination franque, qui avait paru si enviable à l'époque de l'occupation wisigothi- que, ne présentait pas, loin de là, que des avantages. Après la mort de Clovis, au gré des règlements successoraux ou parfois à la faveur de simples coups de force, la ville des bords de Loire passe aux mains d'une suite de souverains, tous issus de la lignée mérovingienne, mais qui tous, à des degrés divers, se révèlent tyranniques et cupides dans l'exercice du pouvoir. Certes, à ces rois qui se proclament fils de l'Église catholique, la virtus de Martin inspire une crainte et une révérence superstitieuses qui influent dans une certaine mesure sur leur comportement à l'égard d'une ville pourvue d'un si puissant protecteur. Mais c'est comme des rapports de forces que les princes conçoivent leurs relations avec la cité martinienne : ils sont partagés entre le souci d'obtenir, lorsqu'il paraît à leurs yeux indispensable pour leur personne ou leur royaume, Yauxiltum de Martin, en comblant de faveurs et d'égards son Église, et le désir, lorsqu'ils se sentent sûrs de leur force, de capter

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à leur profit la richesse et l'influence que le renom du bienheureux vaut à la cité episcopale.

Aux évêques qui, dans le cadre du royaume franc, demeurent toujours les véritables chefs de la communauté civique et chrétienne, incombait donc plus que jamais la mission de préserver les intérêts de la ville et de ses habitants en même temps que l'indépendance de l'Église tourangelle. Le gouvernement episcopal ne s'est pas adapté sans peine à la nouvelle situation politique. La tentation était grande pour lui de s'en remettre entièrement aux volontés de princes qui continuaient de lutter pour le triomphe de la foi orthodoxe, afin d'obtenir, en échange de cette soumission, protection et faveurs.

Les évêques de la première moitié du VIe siècle, pâles et éphémères créatures du pouvoir, y cédèrent facilement, vouant la cité episcopale à une existence effacée. Favorisé d'un règne plus long, un prélat enfin plus indépendant et plus énergique, Eufronius (556-573), s'efforça à grand'peine, et sans réussir à la dégager encore complètement de la tutelle royale, de rendre à la charge episcopale un peu de dignité : sous son règne, Tours commence lentement à sortir de l'éclipsé qui, depuis près d'un demi-siècle, obscurcissait son rayonnement.

I - Tours dans l'ombre de la puissance franque (508-556)

Les Tourangeaux avaient en 508 acclamé Clovis comme un libérateur; au concile convoqué trois ans plus tard par le souverain à Orléans (10 juillet 511), leur évêque, Licinius, s'associait à l'hommage rendu par les trente-deux prélats présents au «très glorieux roi» dont les victoires, en libérant du joug wisigothique de nombreuses Églises, étaient en passe de rendre son unité à la catholicité gauloise. Mais lorsque quelques mois plus tard Clovis disparut (27 novembre 511), Tours commença d'apprendre les dures contraintes de la loi franque : dans le regnum Francorum que se divisent les héritiers du souverain, la civitas Turonorum n'est plus désormais qu'un lot de terre dévolu, au gré des arrangements successoraux, à un prince, puis à un autre. Quel qu'en soit le titulaire, le pouvoir royal pèse d'un poids plus lourd sur la vie de la cité : il paralyse par ses interventions incessantes le gouvernement episcopal confié à de dociles prélats, assurant en compensation, par des largesses constamment renouvelées, l'enrichissement de l'Église et de la ville. Tours s'assoupit dans la quiétude d'une soumission acceptée et dans le confort d'une prospérité matérielle assurée.

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1) Le poids de la tutelle franque

À la suite de la victoire de Vouillé, la cité tourangelle avait retrouvé sa place au sein d'une Gaule en partie réunifiée sous la domination de Clovis. Certes, le Sud de l'Aquitaine, la Provence, le territoire des Bur- gondes échappaient encore au contrôle des Francs; mais c'était là toutes régions fort éloignées de la ville des bords de Loire qui se trouvait, en revanche, à nouveau associée sous une même loi au domaine géographique dans lequel s'étaient développés son rôle et son influence de métropole administrative puis ecclésiastique. Or à partir de 511, il en va tout autrement : le jeu des partages successoraux agrège Tours à des ensembles politiques plus restreints, dont la composition ne tient aucun compte de ces liens privilégiés.

Après la mort de Clovis, le regnum Francorum fut d'abord divisé entre les quatre héritiers du souverain, Thierry, Clodomir, Childebert et Clotaire1; au terme de ce partage, la civitas Turonorum échut à l'aîné des fils nés de l'union du Mérovingien avec la princesse burgonde Clotilde, Clodomir. Le royaume de ce dernier consistait en un lot d'un seul tenant, axé sur le cours de la Loire : au Nord-Est de celle-ci, il englobait les cités de Sens, d'Auxerre et peut-être de Troyes; au long du fleuve lui-même, il comprenait Orléans, résidence royale, Tours et s'étendait certainement jusqu'à Angers et Nantes2; au Sud, les vastes territoires de Bourges et de Poitiers, sans doute aussi celui de Limoges complétaient le domaine du roi d'Orléans3. Tout fut remis en question, lorsque, à la

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suite de la disparition de Clodomir, tué le 21 juin 524 au cours d'une expédition malheureuse contre les Burgondes4, ses frères, après s'être — immédiatement ou quelques années plus tard — débarrassés de façon impitoyable des jeunes héritiers qu'il laissait, se divisèrent son royaume aequa lance5: dans le nouveau partage, la civitas de Tours, ainsi que celle de Poitiers, fut adjugée à Clotaire6 qui obtint également une moitié de la cité /de Nantes7. Tours était désormais rattachée politiquement à un état dont le noyau principal était constitué depuis 511 par le plus ancien domaine franc — les contrées situées entre la Forêt Charbonnière et les pays de la Somme8 — auquel s'étaient ajoutées dès cette époque quelques possessions en Aquitaine. Au cours des décennies suivantes, ce royaume de Soissons s'agrandit encore de nouvelles acquisitions : les campagnes menées par Clotaire, conjointement avec Childebert et Thierry,

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aboutirent à la conquête de la Burgondie qui fut partagée entre les vainqueurs9; puis en 555 à la mort de Théodebald, petit-fils et deuxième successeur de Thierry, Clotaire recueillit l'héritage du roi de Reims, un immense domaine qui s'étendait des régions rhénanes à l'Auvergne 10. Ce dernier accroissement de son royaume inspira sans doute au souverain la décision de confier le gouvernement de l'Auvergne, une région difficile où les Francs avaient rencontré de fortes résistances11, à son fils Chramne12. Beaucoup plus proche de Clermont et de Poitiers u, où résida successivement le jeune prince, que de Soissons, la capitale de Clotaire, Tours entrait dans la mouvance politique d'une principauté territoriale où Chramne exerçait les prérogatives d'un vice-roi 14 et commençait à aspirer à un pouvoir indépendant dans un domaine plus vaste 15.

Ainsi donc depuis 511, une frontière politique, variable dans son tracé, a constamment traversé la province de Tours, partageant celle-ci entre des souverains qui étaient loin d'entretenir toujours entre eux des rapports fraternels. Jusqu'en 524 et peut-être même jusqu'au début des années trente, elle sépare les cités du Val de Loire, Tours, Angers et Nantes, dépendant du royaume de Clodomir, de la moitié septentrionale de la province ecclésiastique où Le Mans, Rennes et les évêchés de la péninsule armoricaine relèvent de l'autorité du roi de Paris, Childe- bert16. Les dispositions prises par la suite étendent, dans ce secteur, le domaine de ce dernier qui annexe Angers et une moitié de la cité de

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Nantes17. Dès lors dévolue à Clotaire — qui reçoit avec l'autre moitié de la civitas Namnetum un territoire à demi-enclave dans le royaume de son frère — , Tours se trouve politiquement coupée de toutes les cités épiscopales suffragantes. C'est qu'à ces partages ont présidé des considérations dictées par l'intérêt des souverains concernés : le souci, au moins dans un premier temps, de maintenir un certain équilibre entre les héritiers; ensuite, les rapports de forces qui s'établirent entre ceux- ci; peut-être aussi des impératifs communs d'ordre militaire18. On n'a nullement tenu compte, en revanche, des anciennes solidarités régionales créées à l'époque romaine par la géographie administrative et ecclésiastique.

À ce démembrement de la province de Tours contribue également l'impuissance grandissante des souverains francs à faire reconnaître leur autorité dans la péninsule armoricaine. Depuis le début du siècle, le courant d'immigration bretonne n'a cessé de s'amplifier, renforçant les tendances de cette région à l'insoumission et à l'autonomie. Cependant, à en juger par la présence, au premier concile national franc d'Orléans (511), de l'évêque de Vannes19 qui avait répondu à la convo-

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cation de Clovis, ce dernier avait réussi à faire reconnaître dans une certaine mesure la loi franque dans les contrées d'Armorique. Grégoire de Tours affirme que cette situation demeura inchangée par la suite : «depuis la mort de Clovis, déclare-t-il, les Bretons sont toujours sous la domination des Francs»20; il en donne pour preuve que les chefs bretons «sont appelés comtes et non rois»21. Mais il nous révèle par là même l'existence de véritables petites principautés armoricaines sur lesquelles, son récit en témoigne, la suzeraineté franque, dès l'époque du roi Childebert, est plus nominale que réelle. Les comtes bretons règlent entre eux leurs différends, le plus puissant du moment disputant à son voisin, les armes à la main, la possession de son regnum22, sans que jamais apparemment n'intervienne le souverain mérovingien pour faire prévaloir sa volonté et rétablir la paix. Ainsi, peu avant le milieu du VIe siècle, le comte Chanao s'empare des royaumes de ses frères, tuant trois d'entre eux et contraignant le quatrième, Macliavus, à s'enfuir et à se cacher chez «un autre comte de la région, nommé Conomer», avant de trouver un refuge plus sûr dans la ville de Vannes23.

Métropole d'une province démembrée entre trois dominations différentes, Tours voyait son influence contrariée par les obstacles que dressait la nouvelle géographie politique. Cité episcopale appartenant à l'un des royaumes francs, elle se trouvait, dans le même temps, étroitement assujettie à un pouvoir royal qui lui ôtait toute autonomie. Les souverains, auxquels le territoire tourangeau échut successivement en partage, entendaient obtenir une soumission totale à leur volonté de la part des habitants. Ceux-ci devaient à chaque avènement prêter un serment de fidélité à leur nouveau maître : certes, cet usage n'est mentionné explicitement à Tours qu'à partir de 561 24. Mais un épisode relaté par Grégoire de Tours démontre que la coutume s'était instaurée dans la Gaule franque dès le premier quart du siècle : un prétendant au trône, un certain Munderic, qui contestait les droits du roi Thierry, réus-

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sit, pendant quelque temps, à rallier une partie du peuple à sa personne; son premier soin fut d'exiger de ses sujets le serment de fidélité par lequel ceux-ci le reconnaissaient pour leur roi, dantes sacramentum fidelitatis et honorantes eum ut regem25. Très tôt, les princes francs s'étaient aussi dotés des moyens propres à assurer l'obéissance des cités, en déléguant auprès d'elles leurs représentants : la présence de ces fonctionnaires royaux est attestée à Tours à plusieurs reprises dans la première moitié du VIe siècle. Grégoire mentionne tout d'abord un cornes Turonicae civitatis dont les fonctions principales sont celles d'un administrateur et d'un juge26. L'historien désigne aussi parfois ce même personnage par le titre de judex ou de judex loci27. Le premier détenteur nommément connu de la charge comtale dans la cité ligé- rienne est Alpinus que Grégoire cite dans un récit se rapportant, sem- ble-t-il, au règne du roi Clotaire28. Intervient également dans la vie tourangelle un autre représentant du roi, le duc, qui, dans le cadre d'une circonscription plus vaste et aux contours peut-être moins nettement définis, détient un pouvoir de caractère plus nettement militaire : toujours à l'époque de Clotaire, le duc Austrapius, dont la présence est

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signalée tantôt à Poitiers, tantôt à Tours, paraît être placé à la tête d'une région militaire comprenant le Poitou et la Touraine29.

Cependant l'autorité laïque du comte et du duc risquait d'être battue en brèche par Yauctoritas morale et religieuse de l'évêque, chef naturel de la communauté. Installer sur le siège episcopal des prélats de leur choix, dont ils pourraient escompter la docile reconnaissance, fut le moyen que trouvèrent les souverains pour tenir plus sûrement sous leur tutelle une cité episcopale dont ils pouvaient redouter le prestige et l'influence. Les Pères réunis au premier concile d'Orléans avaient, en votant un canon qui interdisait à un laïc d'entrer dans le clergé sans l'autorisation du roi ou de son représentant, ouvert la voie aux immixtions du pouvoir politique dans le choix des évêques30. Cependant la législation canonique promulguée lors des sessions conciliaires de 533 et de 538 continuait de rappeler impertubablement le principe de l'élection par le peuple et le clergé, et dans le cas du métropolitain, l'accord nécessaire des autres évêques de la province31. Ce n'est qu'en 549 qu'un nouveau concile, tenu encore à Orléans, s'engageant de façon plus nette sur la pente des concessions, reconnaissait au roi, en matière d'élection episcopale, un droit d'approbation32. Ce n'était là en fait qu'un aimable euphémisme pour désigner les pratiques alors en usage : car, avant comme après cette date, les souverains procédaient bien souvent de façon autoritaire pour imposer le candidat de leur choix. À Tours, le problème ne s'était pas posé du vivant de Clovis : l'évêque Licinius était déjà installé lorsque le roi prit possession de la

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cité et il lui survécut quelques années. À sa mort, comme à chacune des vacances qui se produisirent dans la cité tourangelle sous son règne, Clodomir s'arrogea un véritable droit de nomination. Pour le choix des candidats, il s'en remit d'abord à sa mère. Depuis son veuvage, Clotilde résidait dans les états de son fils aîné, à Tours, où elle se consacrait à la prière et aux œuvres charitables33. Malgré cette pieuse retraite, la reine-mère conservait une certaine influence : elle en usa pour intervenir peut-être encore dans les affaires politiques du regnum Francorum34 et certainement dans la vie de la civitas Turonorum qui constituait en sa faveur une sorte de douaire princier35. À la mort de Licinius, Clotilde disposa une première fois du siège episcopal : au mépris de toute la législation canonique dont elle violait plusieurs articles, la souveraine imposa deux de ses protégés, deux évêques chassés de Burgondie, Theodorus et Proculus, auxquels elle donna conjointement le gouvernement de l'Église de Tours36. Après leur décès, Clotilde récidiva en faisant choix d'un autre personnage, venu lui aussi du royaume burgonde, Dinifius37. Parce qu'elle n'avait plus d'autres protégés à placer ou parce qu'avec l'âge elle se détachait plus complètement des affaires de ce monde, la reine laissa à Clodomir, lorsque disparut l'évêque Difinius, le

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soin de pourvoir à la vacance du siège : par ordre du roi — jusso régis — Ommatius fut désigné pour lui succéder38.

Entré en possession de Tours après la mort de son frère, Clotaire usa d'abord, semble-t-il, de plus de ménagement lors des élections épis- copales : Grégoire de Tours ne signale aucune intervention directe du nouveau maître de Tours dans le choix de trois prélats qui furent alors successivement élevés au siège de Martin : Leo, Francilio, puis Injurio- sus39. Ceci ne signifie point cependant que le roi ait laissé toute liberté aux électeurs : par crainte de déplaire ou sous l'influence de discrètes suggestions, ceux-ci ont donné leurs suffrages à des candidats dont la personnalité ne semblait guère devoir porter ombrage au souverain. Cependant, peut-être parce que le dernier d'entre eux, Injuriosus, avait osé manifester une vive opposition à sa politique fiscale40, Clotaire en revint bientôt aux pratiques de Clodomir. En effet, les deux successeurs d.'Injuriosus, Baudinus et Guntharius, ont dû leur élection à la volonté expresse du souverain : le premier était un laïc qui avait exercé à la cour de Clotaire d'importantes fonctions41; le second, un abbé, avait rempli pour ce prince, à plusieurs reprises, des missions diplomatiques42. Dans les deux cas, le roi récompensait de loyaux services et s'assurait du même coup, à la tête de l'Église tourangelle, du soutien d'évê- ques qui jouissaient de toute sa confiance. Une nouvelle fois, lors de la vacance ouverte à la mort de Guntharius, Clotaire prétendit imposer sa décision : il fit savoir au clergé de Tours qu'il avait fait choix, pour succéder à l'évêque défunt, du prêtre auvergnat, Cato. Aussitôt une délégation de clercs tourangeaux se rendit à Clermont, afin d'obtenir du candidat ainsi désigné le consentement qu'exigeait la législation canonique43. Cato nourrissait depuis longtemps l'ambition de devenir évêque à Clermont même44. Ses espérances avaient une première fois été déçues lorsqu'à la suite de la disparition de l'évêque Gallus, le roi Théo- debald lui avait préféré Cautinus45. Depuis que l'Auvergne, passée par droit d'héritage au pouvoir de Clotaire, était gouvernée, sur l'ordre de

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ce dernier, par le prince Chramne, le prêtre avait retrouvé espoir de parvenir bientôt à ses fins. Une commune haine46 pour l'évêque Cauti- nus rapprochant les deux ambitieux, «Cato avait noué amitié avec Chramne et reçu de lui une promesse : si le roi Clotaire venait à mourir, Cautinus serait aussitôt chassé de l'évêché et lui-même préposé à l'Église»47. Fort de ces assurances, Cato déclina l'offre qui lui était faite au nom du roi par les Tourangeaux48. La vacance du siège de Tours se prolongea encore plusieurs mois49 : le clergé et le peuple s'étaient entre temps mis d'accord sur le nom d'un saint prêtre de la ville, Eufronius, mais ils durent attendre que le roi fût de retour d'une expédition contre les Saxons50 pour solliciter, comme le prévoyaient les dispositions du cinquième concile d'Orléans, l'approbation royale. Malgré une tentative du prêtre Cato, qui se serait finalement résigné sans trop de peine à accepter le siège de Tours51, le roi trancha en faveur d'Eufronius dont il agréa la candidature52.

2) L'activité épiscopale en veilleuse

Presque tous redevables au souverain de leur élection, les prélats qui se sont succédé à Tours durant ce demi-siècle pouvaient difficilement prétendre à exercer en toute indépendance les prérogatives de leur charge. Ils ne s'y sont guère essayés : à la plupart d'entre eux ont fait défaut et le temps et les qualités personnelles nécessaires à une telle entreprise.

De la mort de Licinius à l'élection d'Eufronius, soit de 519 à 556, on ne compte pas moins de neuf changements de règnes épiscopaux. Des huit évêques qui se sont succédé entre ces deux termes, c'est-à-dire,

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compte tenu d'une année de vacance, durant une période de trente-six ans, seul Injuriosus a joui d'un long épiscopat — près de dix-sept années. Tous les autres n'ont siégé que quelques années (deux à six ans), voire quelques mois comme ce fut le cas pour Dinifius et Leo53. Le taux élevé de la mortalité episcopale à Tours pendant cette époque paraît assez singulier. Certes, des causes fortuites, un attentat criminel perpétré contre Francilio54, les excès de boisson auxquels succomba Guntharius55, ont interrompu prématurément deux épiscopats. Mais dans les autres cas — et peut-être même dans ceux qui viennent d'être évoqués — la véritable explication de cette série de décès rapprochés est à rechercher dans l'âge des candidats au moment de l'élection : le témoignage précis de Grégoire qui présente Theodorus, Proculus et Baudinus comme des hommes très âgés56, les informations apportées par l'historien sur la longue carrière qu'avaient déjà derrière eux, avant leur accession à la charge episcopale, Leo, Francilio, Baudinus et Guntharius, tout laisse entendre que le gouvernement de l'Église de Tours fut remis durant ces décennies aux mains de vieillards que leurs forces déclinantes privaient de toute volonté de résistance et que l'approche de la mort détournait des longues entreprises. On comprend que le choix des souverains, soucieux de mettre en tutelle l'Église de Tours, se soit plus volontiers porté sur ces candidats de tout repos. Des candidats aussi que rien dans leur formation ou dans leurs attaches, pour la plupart des cas, ne préparait particulièrement à occuper le siège de Martin. En effet, le bref gouvernement de ces éphémères prélats a d'autant plus manqué de continuité que, contrairement à ce qui s'était passé dans la deuxième moitié du Ve siècle, les évêques qui se sont succédé à un rythme accéléré étaient des hommes très différents par leur origine géographique et sociale, par leur passé et leurs ambitions. La galerie de portraits que présente le catalogue de Grégoire est étonnante de diversité. Elle commence avec les figures des prélats originaires de Burgon- die, Theodorus et Proculus, deux évêques chassés de leurs premiers siè-

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ges en des circonstances difficiles à élucider57 et Dinifius58, dont la personnalité nous échappe totalement : transplantés à Tours par les soins de Clotilde, tous trois semblent être restés dans la cité des étrangers. Vient ensuite Ommatius : fils de Ruricius l'Ancien, il appartenait à une riche famille sénatoriale d'Auvergne qui avait déjà donné des évêques à Tours59; lui-même s'était destiné tout jeune à la carrière ecclésiastique. Ce grand seigneur, préparé par la tradition familiale et par sa formation personnelle aux responsabilités de la charge episcopale60, déploya quelque activité à Tours; mais il ne régna pas assez longtemps pour s'attacher à la cité episcopale, comme semblent en témoigner les clauses de son testament qui privilégie «les églises des cités dans lesquelles il avait des possessions», probablement en Limousin et en Auvergne61. Leo, qui lui succéda, avait exercé, avant son élection, les fonctions d'ab- ba de la basilique Saint-Martin; issu sans doute de milieux plus sim-

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pies, il brillait essentiellement par ses aptitudes manuelles à travailler le bois : Grégoire vante son habileté de faber lignarius et l'élégance de ses ouvrages62. C'est à nouveau un riche sénateur, le poitevin Francilio, venu probablement tard à l'Église puisqu'il était marié, qui dirigea après lui la communauté tourangelle63; s'il faut ajouter foi à la rumeur dont l'auteur de YHistoria Francorum s'est fait l'écho, il aurait succombé à un empoisonnement criminel, victime d'un attentat visiblement ourdi dans son entourage personnel, mais dont l'auteur présumé n'est pas dénoncé par Grégoire64 : drame domestique ou complot clérical? La personnalité d'Injuriosus, son successeur, apparaît un peu plus affirmée: ce Tourangeau de très humble naissance65, favorisé d'un règne exceptionnellement long, était doué d'un caractère entreprenant, que révèlent ses activités à la tête de l'Église de Tours, d'une énergie et d'une volonté peu communes en cette époque, comme le montre l'audace avec laquelle il osa une fois, seul de tous les évêques, tenir tête au roi Clotaire66. Lui succédèrent deux protégés de ce souverain, qui appartenaient sans doute à l'aristocratie franque67 : le premier, Baudinus, était un laïc qui avait exercé à la cour les importantes fonctions de référendaire et s'était engagé dans les liens du mariage68 : rien apparemment sinon la volonté royale ne le préparait à embrasser l'état ecclésiastique; le second, Guntharius, avait dirigé à Tours le monastère Saint- Venant;

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mais il avait moins brillé par l'exercice de la profession monastique que par des talents de diplomate déployés lors de missions entre les rois francs; il ne semble guère s'être complu dans sa nouvelle tâche d'évê- que, puisqu'aussitôt après sa consécration, il s'adonna à la boisson, au point de ruiner sa raison et sa santé69.

Un rapide recensement, dans cette succession accélérée de huit épiscopats, fait apparaître une nette majorité d'étrangers à la ville de Tours (6 sur 8), de laïcs promus directement à la charge episcopale (5 sur 8), et d'hommes déjà avancés en âge au moment de leur accession au siège de Tours (5 ou 6 sur 8). Chacun de ces traits de personnalité pris séparément — et parfois réunis en un même individu — constituait dès le départ un handicap pour ces prélats. Dans l'exercice d'une fonction à laquelle ils n'étaient guère prédisposés, nul d'entre eux cependant ne fut vraiment indigne et plusieurs même apparaissent comme de saints personnages, dont la piété et l'esprit de charité70 ne peuvent être mis en doute. Mais aucun d'eux, hormis peut-être, dans une certaine mesure, Injuriosus, ne possédait l'envergure nécessaire pour assumer la lourde charge de gouverner l'Église de Martin et pour assurer, face aux souverains francs qui s'imposaient en maîtres et protecteurs, la continuité d'une tradition d'indépendance ecclesiale.

On ne saurait s'étonner qu'aux mains d'évêques aussi effacés qu'éphémères, le gouvernement de l'Église de Tours ait été frappé d'une sorte d'immobilisme. Le bilan de l'activité episcopale durant ce demi-siècle, où pourtant la cité jouit pour la première fois depuis bien longtemps d'une paix et d'une prospérité ininterrompues71, se révèle

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très mince. À Tours même et dans le diocèse, quelques interventions sont signalées par Grégoire qui, dans beaucoup de notices, en est réduit à noter qu'un évêque a passé quelques mois ou quelques années sur le siège episcopal72. Les prélats de la première moitié du VIe siècle n'ont pas été de grands bâtisseurs; c'est avec beaucoup de lenteur que les travaux concernant deux églises urbaines ont été finalement menés à bien : Ommatius, qui paraît avoir porté le plus d'intérêt à ces questions, exhaussa le sanctuaire consacré aux saints Gervais et Protais et commença la construction d'une basilique dédiée à la Vierge, qui fut achevée par Injuriosus73. En somme, un seul édifice du culte est venu s'ajouter en un demi-siècle à la topographie chrétienne de la cité. La fondation des églises rurales n'a pas progressé à un rythme plus rapide : trois ou peut-être quatre sanctuaires ont été adjoints, à l'initiative d'Injuriosus et de Baudinus, au réseau encore très lâche des lieux de prière établis dans les bourgs et les campagnes74. Au même moment, il faut le noter, l'élan de la vie monastique semble retomber : parmi les nombreuses figures d'ascètes ou de saintes femmes qui, pour avoir fondé des monastères ou des ermitages en Touraine, reçurent de Grégoire l'hommage d'une biographie, il n'en est aucune que l'on puisse situer avec certitude en cette première moitié du VIe siècle75. L'Église tourangelle vit sur l'acquis de son passé qui attire auprès du tombeau de Martin des pèlerins assez nombreux76. Mais, faute d'une impulsion nouvel-

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le, la vie religieuse s'assoupit et ce ne sont pas quelques initiatives dans le domaine de la liturgie ou de l'organisation du clergé, l'institution par Injuriosus de la récitation dans l'église cathédrale de tierce et de sexte, l'établissement par Baudinus d'une mensa pour les clercs de l'ecclesia, qui peuvent suffire à la ranimer77.

Ommatius, Injuriosus et Baudinus, détenteurs des règnes les plus longs de cette période, sont les seuls évêques qui aient manifesté une certaine activité dans le diocèse. Avec leur prédécesseur Licinius, ce sont encore eux que l'on trouve nommés dans les quelques occasions où le siège tourangeau fut amené à jouer un rôle dans le vie de la province ecclésiastique ou dans celle de l'Église des Gaules tout entière : un rôle modeste dans lequel la faiblesse des protagonistes et les difficultés de la conjoncture cantonnaient l'Église de Tours.

Les conditions dans lesquelles s'exerçaient les prérogatives du siège métropolitain se sont lentement dégradées pendant la première moitié du VIe siècle. Particulièrement dans l'Ouest de la péninsule armoricaine : dans ces régions où s'organisaient dans une quasi autonomie politique les émigrés bretons, les communautés chrétiennes se sont progressivement détachées de l'autorité de la métropole tourangelle. Au début du VIe siècle, dans les dernières années du règne de Clovis, ou bien, peu après sa mort, à l'époque où ses deux fils, Clodomir et Childe- bert, se partageaient la domination de la province ecclésiastique, l'évê- que Licinius s'inquiétait déjà de pratiques qui avaient cours en Armori- que bretonne et il intervint avec autorité pour blâmer les coupables et tenter d'obtenir leur soumission. L'affaire est connue par un unique document : la lettre que le métropolitain adresse, conjointement avec deux de ses suffragante, — Melanius de Rennes et Eustochius d'Angers — aux prêtres Lovocatus et Catihernus78. Le nom des destinataires, la mention dans le cours de la lettre du sacerdoce qu'ils exercent auprès de leurs compatriotes — civium vestrum (des étrangers donc aux yeux des rédacteurs) — , tout indique que sont concernées des communautés bretonnes. La présence, au nombre des cosignataires, de Mélaine, le seul des trois évêques qui soit au contact direct de colonies bretonnes,

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permet, comme le suggérait L. Duchesne79, de situer les communautés desservies au spirituel par Lovocatus et Catihernus aux confins septentrionaux du diocèse de Rennes. Si l'on admet l'hypothèse, le rapport du prêtre Sparatus, dont fait état la lettre, aurait été adressé à Mélaine qui, devant la gravité des faits, requit l'intervention du métropolitain. En tout cas, une fois saisi de l'affaire, ce dernier a réuni, pour donner plus de poids et de solennité à la manifestation de son autorité, une sorte de petit synode avec ses collègues d'Angers et de Rennes. La lettre qu'ils élaborèrent en commun condamne deux sortes d'abus : tout d'abord la célébration de la messe à domicile par des prêtres étrangers qui, munis d'autels portatifs, vont de maison en maison offrir leur ministère à leurs compatriotes; les évêques s'élèvent ensuite contre la participation au ministère sacré, pour l'administration de l'eucharistie, de femmes qui, comme l'indique le qualificatif de conhospitae, cohabitent avec les clercs. Ces derniers sont sommés en conséquence de renoncer, sous peine d'excommunication, à des pratiques contraires à la législation canonique et dangereuses pour l'unité de l'Église. Sans doute les trois évêques s'émeuvent-ils particulièrement de la conduite scandaleuse de prêtres qui, malgré les prescriptions conciliaires inlassablement répétées, vivent sous le même toit que des femmes étrangères à leur famille et plus encore de l'intrusion de ces femmes dans le service de l'autel : une telle usurpation, vigoureusement condamnée encore à la fin du IVe siècle par le concile de Nîmes80, ne pouvait que soulever une violente indignation à une époque où l'Église de Gaule commençait à supprimer de ses rangs les simples diaconesses81. Mais une inquiétude plus profonde perce dans la lettre : ses rédacteurs ne jugent pas, semble-t-il, l'usage, par des missionnaires itinérants, d'autels portatifs, régulièrement consacrés reconnaissent-ils, comme une coutume en elle-même reprehensible; ils condamnent celle-ci parce qu'elle permet aux communautés bretonnes de s'organiser à part, en marge des églises épiscopales et paroissiales fixes et en dehors du clergé qui les dessert régulièrement.

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C'est cette tendance à la ségrégation, menaçante pour l'unité ecclesiale, qui soulève la protestation du métropolitain et de ses deux suffragante. Nous ignorons si leur admonestation fut entendue des prêtres Lovoca- tus et Catihernus et si les intéressés se soumirent.

De toute façon, au cours des décennies qui suivirent, le métropolitain de Tours ne fut bientôt plus guère en mesure d'exercer un réel contrôle sur les communautés installées à l'Ouest et au Nord des diocèses de Nantes et de Rennes. Si l'on voit encore siéger au concile national franc de 511 l'évêque de Vannes, par la suite les Églises de la péninsule armoricaine ne sont représentées dans aucune des réunions épis- copales qui se succédèrent jusqu'à la mort de Clotaire. Entre-temps, en effet, de profondes transformations sont intervenues dans la vie religieuse de ces régions : dans le cadre d'une géographie ecclésiastique qui continue de se modifier82, se constitue de façon de plus en plus autonome une hiérarchie bretonne. Les Vies des saints bretons, bien que souvent tardives et fortement teintées de légende, laissent cependant entrevoir les grandes lignes de l'évolution. Sur la côte nord de l'Armorique débarquent des missionnaires venus d'Outre-Manche exercer leur apostolat auprès de leurs compatriotes immigrés, des chrétiens de fraîche date qui, au contact d'éléments barbares déjà installés dans la péninsule, étaient sans doute revenus partiellement aux pratiques païennes83. C'est à cette époque, semble-t-il, que Paul Aurélien, Samson, Tugdual fondent des monastères qui forment dès lors autant de nouveaux centres religieux et autour desquels se développeront plus tard des cités épiscopales, Saint-Pol de Léon, Dol, Tréguier84. Il importe peu que ces saints personnages aient revêtu l'épiscopat ou qu'ils en aient seulement exercé, sans le titre, les fonctions85 : ils apparaissent de fait

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comme les chefs spirituels des fortes colonies bretonnes qui, en s'instal- lant sur la côte nord, ont vraisemblablement refoulé vers l'intérieur les autochtones, ne laissant subsister près du littoral que quelques îlots anciens, autour d'Alet par exemple86. Ces communautés d'immigrés n'entretiennent en tout cas que peu de rapports avec le monde gallo- franc. On ne sait s'il faut croire les hagiographes lorsqu'ils affirment que Paul Aurélien et Samson se rendirent l'un et l'autre à Paris auprès du roi Childebert87; le silence de Grégoire, qui ignore tout de ces chrétientés, signifie certainement que ces dernières ne se sont point soucié de l'autorité du métropolitain de Tours. La tendance au particularisme gagne même les régions méridionales de la péninsule, où les sièges épiscopaux commencent à être occupés par des Bretons nés en Armori- que. L'activité de Corentin, premier évêque de Quimper, dont le biographe fait, de façon fantaisiste, un contemporain de saint Martin, se situe peut-être dans la première moitié du VIe siècle88. Pour la civitas Vene- tum, plus proche des cités épiscopales de la Loire, on dispose d'informations plus solides : au témoignage de Grégoire, peu avant le milieu du siècle, le comte breton Macliavus, chassé de son royaume par son frère Chanao, se réfugie à Vannes, où il est élevé à la dignité episcopale. Quelques années plus tard, à la mort de son frère, il apostasie et reprend tout à la fois son royaume et son épouse, ce qui lui vaut d'être excommunié89. L'installation de Macliavus sur le siège de Vannes s'était faite certainement sans l'assentiment du métropolitain, grâce à la com-

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plaisance d'un autre évêque qui avait accepté de procéder de façon illégale à l'intronisation du Breton. Le prélat fautif était probablement l'évêque voisin, Felix de Nantes, que des liens d'amitié unissaient à Macliavus90. Les Pères qui siégèrent en 567 à Tours devaient se souvenir de cette affaire et peut-être d'autres semblables, lorsqu'ils promulguèrent un canon par lequel il était défendu de consacrer en Armori- que des évêques bretons ou romains sans l'assentiment oral ou écrit du métropolitain et des comprovinciaux91.

Avec les autres évêchés suffragante, Le Mans, Rennes, Angers et Nantes, l'Église métropolitaine maintient, malgré les partages politiques, quelques relations : les titulaires de ces sièges, dont plusieurs sont connus de Grégoire92, ont eu à diverses reprises l'occasion de se rencontrer lors de la réunion des conciles nationaux. Mais les liens entre le métropolitain et les comprovinciaux ont tendance à s'affaiblir. Alors qu'au début du siècle, Melanius de Rennes et Eustochius d'Angers s'étaient concertés avec Licinius dans l'affaire des prêtres bretons Lo- vocatus et Catihernus, quelques décennies plus tard, Felix de Nantes — ou quelque autre de ses collègues — a manifesté dans son intervention à Vannes une grande désinvolture à l'égard de l'autorité métropolitaine. On constate d'autre part qu'en dehors du synode réduit convoqué par Licinius, aucun concile provincial n'est attesté entre la réunion de Vannes (461-469) et celle de Tours en 567. Il est certes impossible d'en conclure qu'aucune assemblée provinciale ne fut tenue durant cette longue période : il se peut simplement que les actes conciliaires ne nous soient pas parvenus. Cependant plusieurs indices suggèrent que ces sortes de réunions étaient pour le moins assez rares à cette époque. L'insistance avec laquelle les Pères réunis à Orléans ont par quatre fois réaffirmé la nécessité de convoquer chaque année le concile provincial

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indique, semble-t-il, que la pratique n'en était guère établie93. Quelques années plus tard, en 567, les évêques rassemblés à Tours réitèrent le même souhait et, se référant à un passé qui remonte sans doute au-delà de l'avènement du roi Caribert en 561, font allusion aux obstacles opposés par la volonté royale à la convocation du concile provincial94. La négligence des métropolitains de Tours, qui, pour la plupart, ne régnèrent pas assez longtemps pour se familiariser avec les affaires de la province, n'était donc pas seule en cause. Les fils de Clovis, qui furent capables à plusieurs reprises de faire taire leurs dissensions pour mettre à l'unisson leur politique à l'égard de l'Église et manifestèrent leur accord en procédant à la convocation de plusieurs conciles nationaux, étaient beaucoup moins favorables à la tenue de synodes provinciaux. On peut supposer qu'ils se méfiaient de ces rencontres qui, trop fréquentes et dispersées, n'auraient pu être contrôlées par l'autorité royale; de plus, dans une province ecclésiastique partagée entre deux royaumes comme l'était celle de Tours, ils craignaient sans doute, de voir ces réunions se muer en conciliabules politiques tendant à favoriser les ambitions territoriales de l'un des souverains au détriment de son voisin. À la volonté royale, les faibles évêque qui siégeaient à Tours se sont sans doute plies, en ce domaine comme en d'autres, sans opposer de résistance, laissant se désagréger un peu plus l'unité provinciale.

Il est vrai que des assemblées de plus grande ampleur, composées d'évêques venus de deux royaumes et plus souvent des trois états francs, leur offraient l'occasion de renouer le contact avec leurs collègues proches ou plus lointains. À ces différentes réunions, la province de Tours fut presque toujours représentée par une délégation assez importante, que présidait en général le métropolitain. Ainsi en va-t-il lors des quatre premiers conciles tenus à Orléans : à la convocation adressée en 511 par Clovis, Licinius s'était rendu avec cinq de ses suf- fragants95; toujours en compagnie de plusieurs comprovinciaux, Inju- riosus participe en personne à la réunion de 533 96, puis, après avoir

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mandaté pour le représenter à celle de 538 le prêtre tourangeau Cam- panus97, il vient à nouveau siéger dans l'assemblée réunie en 541 98. En 549, il est vrai, la participation de la Lyonnaise Troisième au cinquième concile d'Orléans, en l'absence du métropolitain Baudinus, se réduit à la seule présence de l'évêque de Rennes et d'un délégué de l'évêque d'Angers99. Dans l'ensemble cependant, l'assiduité des prélats tourangeaux à suivre les travaux conciliaires ne peut guère être contestée; mais signifie-t-elle que les titulaires du siège de Tours ont apporté une contribution personnelle importante à l'élaboration de la législation canonique? Il est évidemment bien difficile de savoir quelle part ils ont réellement prise dans les débats. Quelques canons promulgués à cette époque paraissent assez proches, dans leur esprit, de décisions émises dans la deuxième moitié du Ve siècle par les conciles de la province de Tours. Mais ces dernières avaient déjà été reprises par les Pères d'Agde de telle sorte qu'elles appartenaient depuis lors au fond commun de la discipline gauloise100. Selon toute vraisemblance, Licinius et Injuriosus n'ont pas dû faire preuve de beaucoup plus d'initiative dans les assemblées conciliaires que dans leur propre diocèse. En tout cas, en 549 l'évêque Baudinus, par l'intermédiaire de ses suffragante présents à Orléans, donnait son accord au canon soumettant l'élection episcopale à l'approbation du souverain. Le siège de Tours s'alignait sur la position des autres Églises, en légitimant les ingérences du pouvoir temporel dans la vie ecclesiale.

Peu actifs, sans grande autorité, les prélats tourangeaux de la première moitié du VIe siècle, se sont facilement résignés à subir les événements, à s'incliner devant le diktat royal : ce faisant, ils condamnaient Tours à un effacement presque total. Bien plus, par leur passivité, leur silence, ils apportaient, inconsciemment sans doufe, une caution à la politique des souverains, du seul fait qu'ils se dérobaient aux responsabilités que leur imposait la tradition de leur Église. L'exemple de sou-

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mission donné par Tours avait valeur d'une incitation au renoncement. Quelle que fût la médiocrité de sa propre personne, le titulaire du siège tourangeau, en sa qualité de successeur de Martin, détenait, sans aucun doute plus qu'aucun autre de ses collègues, une auctoritas susceptible d'en imposer aux princes francs. Dans leur foi simple et tout empreinte de terreur superstitieuse, les fils de Clovis redoutaient la puissance du saint thaumaturge et tenaient l'évêque de Tours, lors même que ce dernier devait à leur bon plaisir son élection, pour investi par sa consécration du pouvoir d'intercéder auprès de Martin ou de déchaîner sa vengeance101. De ce saint prestige, les personnages falots qui siégeaient dans la chaire tourangelle n'ont su user que pour entrer dans les vues des souverains barbares. Pas une fois la voix de l'un d'entre eux ne s'est élevée durant ce demi-siècle pour stigmatiser les crimes des souverains, pas même lorsque deux des jeunes fils de Clodomir, recueillis par leur grand'mère et de ce fait placés sous la protection de l'Église de Tours et de son saint patron, furent sauvagement assassinés par leurs oncles102. Tout au contraire ces évêques ont tous accepté d'appeler sur la personne des rois, sans jamais user du droit de correction 103, les bénédictions du ciel. La présence à leurs côtés, pendant de longues années, de la reine Clotilde souligne bien la nature du rôle qui leur était imparti et qu'ils ont consenti à jouer; entrée au service de la basilique marti- nienne, y entretenant une sorte de laus perennis104, la souveraine veil-

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lait que l'Église de Tours élevât ses prières pour la sauvegarde du regnum Francorum et pour le maintien de la paix entre ses fils105. Probablement après la mort de Clotilde, la reine Ultrogotha, l'épouse de Childebert, vint elle aussi à Tours implorer Yauxilium de Martin 106. Les souverains francs, tandis qu'ils se livraient sans retenue au meurtre, au pillage et déchaînaient leurs guerres fratricides, déléguaient volontiers le soin de pourvoir au salut de leur âme et de leur royaume aux princesses de leur famille et aux évêques chargés d'administrer au spirituel les intérêts de la dynastie. Les prélats de Tours, chefs religieux d'une cité embaumée dans son passé de sainteté mais tenue à l'écart des affaires du siècle, n'étaient plus que les desservants du culte voué par la dynastie issue de Clovis à Martin, protecteur du peuple franc.

3) L'évergétisme royal et l'enrichissement de l'Église de Tours

Au demeurant, une telle attitude vaut à Tours un traitement de faveur, des avantages matériels très appréciables. En dépit de leurs instincts cruels et cupides, les souverains qui entrèrent successivement en possession de la civitas Turonorum s'appliquèrent à mettre en pratique à son égard le programme que déployait dans son royaume, à la même époque, un autre prince, réputé pour sa bonté universelle, Théodebert, sacerdotes venerans, ecclesias munerans107. Envers les évêques tourangeaux, la déférence des rois, pendant cette période, ne s'est jamais démentie, non plus que celle de leurs représentants locaux : ces derniers, des hommes fort pieux autant que nous les connaissions et sans doute choisis avec soin108, ont administré la cité, sans que jamais se

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produise le moindre heurt avec les chefs de l'Église tourangelle. Des marques extérieures de respect ne devaient guère coûter aux princes, assurés de la docilité de prélats qu'ils avaient eux-mêmes choisis. Plus dispendieuses étaient les largesses que les souverains, durant cette période, n'ont cessé de répandre sur Tours. Mais pour obtenir, grâce au concours de cette dernière, Yauxilium de Martin, la lésine n'était point de mise. Le Liber Historiae recèle une anecdote relative aux séjours de Clovis à Tours, sans doute dépourvue de toute authenticité historique, mais très révélatrice de la mentalité des princes francs, intimement persuadés que la protection de Martin peut s'acheter par des dons généreux faits à son Église. Avant d'entreprendre la campagne contre les Wisigoths, Clovis avait, racontait-on, laissé à la basilique Saint-Martin, en gage des vœux qu'il avait prononcés, son propre cheval. De retour après la victoire, il proposa de racheter la monture, offrant en échange une somme de cent solidi destinée à secourir les pauvres. La transaction fut acceptée, mais le cheval refusa d'avancer pour suivre son maître. Quelqu'un — sans doute l'évêque ou un membre de son clergé — suggéra alors au roi d'élever les enchères et de donner cent autres pièces d'or. Dès que le souverain se fut exécuté, le cheval se trouva délivré de la paralysie qui l'avait mystérieusement frappé. Et Clovis, tout joyeux, de commenter l'incident par ce bon mot : Vere bea- tus Martinus bonus est in auxilio et carus in negotio ! 109. Les descendants de Clovis n'en ont pas jugé autrement.

Durant la première moitié du VIe siècle, la richesse de l'Église de Tours et, par voie de conséquence, la prospérité de la cité, s'accrurent dans des proportions considérables grâce à la munificence des souverains francs. Certes, l'Église tourangelle avait depuis longtemps renoncé à l'idéal de pauvreté que l'apôtre, de son vivant, lui avait imposé : dès la seconde moitié du Ve siècle, elle avait bénéficié de la générosité des fidèles, et parfois de celle de ses évêques, tels Perpetuus ou Verus qui lui avaient légué leur fortune personnelle. Au cours du demi-siècle suivant cette source d'enrichissement ne se tarit pas, bien au contraire :

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les offrandes déposées sur les autels, les donations et legs que des particuliers font en faveur d'une Église ou de l'un de ses établissements — en terres, en esclaves ou en argent — se multiplient à tel point que la législation canonique commence à se préoccuper, avec une attention toute particulière, de protéger tous ces biens contre des aliénations ou des empiétements éventuels et d'en réglementer l'utilisation110. De ce mouvement Tours a profité comme d'autres Églises des Gaules et sans doute même davantage : car, pour elle, le cercle des donateurs s'élargissait avec l'afflux des pèlerins venus parfois de régions lointaines et qui manifestaient par des présents leur confiance ou leur reconnaissance au saint thaumaturge111. De la même façon, on constate que les évêques tourangeaux instituent encore souvent leur Église pour héritière : ainsi Francilio lègue l'essentiel de ses biens-fonds à la basilique Saint-Martin; et Injuriosus laisse une fortune de 20.000 sous d'or que son successeur Baudinus distribue aux pauvres112.

Mais aux dons des fidèles ou des ecclésiastiques s'ajoutent désormais les largesses royales. Clovis le premier avait donné l'exemple; lorsqu'il traversa le territoire de Tours pour aller combattre Alaric, il envoya à la basilique Saint-Martin des messagers chargés d'y porter des présents et d'en promettre d'autres si leur maître obtenait la victoire. À son retour le souverain s'acquitta de ses vœux et fit à la sainte basilique des dons nombreux113. Grégoire ne précise malheureusement pas la nature exacte de ces munera octroyés avec tant de largesse. Son récit suggère cependant que le sanctuaire martinien reçut des espèces monétaires et des pièces d'orfèvrerie, prélevées dans le trésor d'Alaric sur lequel Clovis venait de faire main basse à Toulouse114. L'Église tourangelle obtint certainement aussi quelques-uns de ces biens-fonds que les

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Pères siégeant au premier concile d'Orléans (511) font gloire au roi d'avoir distribués aux Églises du royaume115. Les habitants de Tours eux-mêmes n'avaient pas été oubliés : tout au long du chemin qu'il parcourut en grande pompe de la basilique à l'ecclesia, le souverain sema à profusion l'or et l'argent116. Après son décès, la reine Clotilde, durant les quelques trente-trois années qu'elle séjourna à Tours, fut pour la cité et son Église la plus généreuse des bienfaitrices. En leur faveur, elle disposa à la fois de la fortune personnelle qu'elle avait acquise probablement à titre de Morgengabe, et, avec l'accord de ses fils, de terres appartenant au fisc. Ainsi elle fit abandon à Dinifius de biens-fonds de fisci, en lui accordant d'en faire ce qu'il voudrait; l'évêque les légua pour l'essentiel à son Église117. Cependant la reine s'occupa aussi personnellement de doter «avec largesse et empressement les églises, les monastères et autres saints lieux des domaines (praedia) nécessaires»118. Elle ne manqua pas enfin de secourir les pauvres par des distributions régulières d'aumônes119. Les éloges, qu'à plusieurs reprises Grégoire décerne à la souveraine pour sa bienfaisance, permettent, à défaut de témoignages plus précis, de mesurer un peu l'ampleur de toutes ces donations120. On pressent, à travers le récit de l'historien, que

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l'Église tourangelle doit à Clotilde, plus encore qu'à Clovis, d'être devenue l'une des plus riches du regnum Francorum.

À cet enrichissement d'autres membres de la famille royale, à un moindre degré sans doute, ont eux aussi contribué. Bien qu'il n'ait jamais exercé sa souveraineté sur la civitas Francorum, Childebert n'a probablement pas oublié la basilique martinienne, lorsqu'il partagea entre de nombreux sanctuaires le trésor d'orfèvrerie liturgique rapporté en butin de son expédition d'Espagne121. En tout cas, son épouse, la reine Ultrogotha, lors du pèlerinage qu'elle effectua à Tours, s'était fait précéder d'abondantes aumônes et elle laissa, avant son départ, de nombreux présents122. Le roi Clotaire, qui devait plus tard, écrasé par les chagrins et les remords à l'approche de la mort, solliciter l'intercession de Martin par des largesses considérables faites à son Église123, n'avait pas omis, alors que la fortune et le succès lui souriaient encore, de gratifier à l'occasion la basilique martinienne de pieuses offrandes124. Enfin la générosité royale était parfois imitée par de hauts personnages de la cour : Charigisèle, qui avait été guéri au tombeau de Martin d'une paralysie des membres supérieurs et inférieurs, répandit, lorsqu'il devint référendaire de Clotaire, «ses bienfaits sur le peuple de Tours et particulièrement sur les serviteurs de la sainte basilique»125. Ainsi, l'Église tourangelle et tout spécialement la basilique Saint-Martin ont édifié durant la première moitié du VIe siècle une fortune mobilière et surtout immobilière que l'on devine considérable126.

Cette richesse tourangelle est d'autant plus considérable qu'elle échappe en grande partie, semble-t-il, à l'imposition publique. Le témoignage de Grégoire en ce domaine n'est malheureusement pas toujours assez précis. Une première fois, l'historien, traitant du règne de Clotaire Ier, évoque la question du statut fiscal des domaines qui appartenaient à l'Église tourangelle et qui se trouvaient situés non seulement

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à l'intérieur des limites de la civitas, mais certainement aussi sur le territoire d'autres cités127. Au livre IX de YHistoria Francorum, il est amené à retracer, en une vaste rétrospective, un historique du régime fiscal auquel la cité de Tours et ses habitants ont été soumis depuis le règne de Clotaire 128. D'après le premier de ces textes, ce roi avait ordonné que toutes les Églises de son royaume verseraient désormais le tiers de leurs revenus fonciers {tertiam partent fructuum) au trésor royal; alors que les autres évêques, contre leur gré, souscrivaient à cet ordre, Inju- riosus refusa de s'y plier et les menaces qu'il proféra au nom de Martin eurent pour effet d'amener le souverain à revenir sur sa décision129. Il est certain que la mesure, que Clotaire renonça finalement à appliquer à l'Église tourangelle ainsi qu'aux autres Églises de son royaume, présentait un caractère de novation insupportable aux yeux des assujettis. En quoi consistait cette nouveauté? Tout d'abord dans une augmentation certainement très sensible du taux de la contribution130. D'autre part, il semble bien que Clotaire prétendait lever cet impôt alourdi sur l'ensemble des terres d'Église, y compris celles qui bénéficiaient jusqu'alors de l'exemption fiscale. Or la fortune de l'Église de Tours était constituée pour une part importante de domaines qui avaient appartenu au fisc et lui avaient été donnés par Clovis et Clotilde; et cette dona-

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tion s'était accompagnée de la cession du privilège d'emunitas attaché aux terres fiscales comme un droit réel131. Par ailleurs les souverains avaient probablement concédé l'immunité à d'autres terres faisant déjà partie du patrimoine de l'Église132. Le concile d'Orléans de 511 fait en effet allusion à des donations de biens fonciers réalisées par Clovis au profit des Églises avec maintien ou attribution de l'immunité133. On comprend que, placée devant la perspective de payer pour l'ensemble de ses domaines un impôt foncier qui frappait jusque là, et de façon assez légère, une partie seulement de ses possessions, l'Église de Tours, en la personne de son évêque, se soit insurgée contre la volonté royale. Les prétentions du souverain durent paraître d'autant plus exhorbitan- tes que pendant plusieurs décennies ses prédécesseurs et lui-même avaient respecté les privilèges fiscaux des Églises. L'ordre dans lequel Grégoire rapporte les événements suggère que la tentative de Clotaire se situe au lendemain de la mort de sa mère Clotilde en 544 134. La pieuse souveraine avait, de son vivant, veillé au respect des droits acquis par l'Église. Affranchi de la tutelle maternelle, Clotaire agit sous l'impulsion de sa cupidité avec une maladresse brutale qui voua en définitive son entreprise à l'échec.

Sur cet épisode, dont il fait le point de départ de toute l'évolution ultérieure, Grégoire revient au livre IX dans le cadre d'un exposé consacré à l'histoire de la fiscalité de Tours. Il apparaît, à ce point de son récit, que la tentative malheureuse de Clotaire visant les biens d'Église appartenait au programme d'une réforme fiscale plus vaste : le souverain avait fait procéder à Tours — et sans doute dans d'autres cités de son royaume — à un recensement des biens et des personnes destiné à

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établir l'assiette de l'impôt. L'opération concernait donc, entre autres, l'ensemble de la population et des terres de Touraine. L'historien ajoute, en faisant de nouveau allusion aux menaces proférées par Injurio- sus, que le roi, pris de repentir et redoutant la colère de Martin, ordonna de brûler les registres d'impositions qui venaient d'être confectionnés sur la base de ce recensement135. Est-ce à dire que le peuple de Tours ne fut dès lors plus soumis ni à l'impôt foncier ni à la capitation? En fait, Clotaire ne semble avoir livré au feu que les registres nouveaux portant des aggravations dans le taux des contributions, pour revenir au tarif anciennement pratiqué 136. Les engagements que prit à son avènement son successeur, Caribert, paraissent bien confirmer cette interprétation : le nouveau souverain, lorsqu'il entra en possession de Tours, promit par serment «de ne pas lui infliger des lois et des coutumes nouvelles, mais de la maintenir par la suite dans la même état où elle avait été sous la domination de son père; il s'engagea à ne faire aucune ordonnance qui aurait eu pour effet de la dépouiller»137. Par ce serment, Caribert, entre autres choses, promettait seulement de s'en tenir à l'impôt coutumier, dont son père avait vainement tenté d'élever la taux.

En attendant, les revenus importants, dont elle était assurée grâce au privilège d'immunité reconnu à une partie importante de ses domaines, renforçaient la situation économique de l'Église tourangelle, contribuant par là même, à la prospérité de la civitas. Alors qu'«en échange des redevances et prestations de tout genre que lui rendent ses sujets le roi franc ne donne rien» et qu'«il entasse comme un sauvage le produit de l'impôt dans son trésor»138, l'Église de Tours utilise une fraction notable de ses ressources pour secourir les pauvres, entretenir son clergé, construire ou réparer les édifices du culte et assurer ainsi la subsistance d'une partie de la population locale.

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Pour préserver la situation privilégiée de Tours, Injuriosus avait osé brandir les foudres de Martin et braver l'autorité du roi. Seul de tous les évêques — s'il faut en croire Grégoire, peut-être un peu trop enclin à donner la vedette à l'un de ses prédécesseurs — , il avait fait preuve d'une audace qui fut couronnée de succès. Les arguments qu'Injuriosus, dans son opposition, mettait en avant, étaient en eux- mêmes parfaitement honorables : il parlait au nom des pauvres que son Église, avec des revenus amoindris, n'aurait pu nourrir. On peut cependant s'étonner que l'épiscopat tourangeau n'ait trouvé qu'en cette unique occasion le courage de manifester sa réprobation à l'égard de la politique royale, alors que d'autres causes aussi nobles, sinon plus, sollicitaient son intervention et que cette unique expérience démontrait clairement de quelle auctoritas jouissaient auprès des souverains les successeurs de Martin; ces derniers n'ont su s'émouvoir que lorsque les intérêts matériels de leur Église — qui ne se confondaient pas entièrement avec ceux des pauvres — paraissaient menacés. En acceptant les faveurs que le rois francs faisaient pleuvoir sur Tours, en défendant âprement et exclusivement les privilèges économiques concédés par ces derniers, le successeur de Martin semblait, suivant le cas, recevoir ou exiger le juste prix d'une soumission servilement consentie au pouvoir politique : bonus in auxilio, sed carus in negotio.

II - Vers la fin de l'éclipse : l'épiscopat d'Eufronius (556-573)

Avec l'élection d'Eufronius au siège de Tours, la cité episcopale commence à sortir de l'état de soumission et de léthargie dans lequel elle était plongée. Pour la première fois depuis longtemps, le peuple et le clergé tourangeaux ont imposé à la volonté royale le candidat de leur choix. Un choix qui se révèle judicieux, car le nouvel élu réunit en sa personne des qualités d'homme d'Église et de gouvernement qui lui permettent, malgré des conditions politiques souvent difficiles, de rendre à la cité martinienne un peu de son indépendance et de son prestige.

Eufronius139, cousin du futur Grégoire de Tours, était issu d'une noble lignée sénatoriale qui avait donné à la Gaule depuis le milieu du

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Ve siècle plusieurs de ses hauts fonctionnaires et de ses évêques : il comptait sans doute parmi ses aïeux cet Attalus qui vers 471/474 fut préposé au gouvernement de la civitas des Éduens et reçut à cette occasion une lettre de felicitation de Sidoine Apollinaire, son ami de longue date 140. Il avait pour grand-père un homme plus illustre encore : Grégoire de Langres. Ce dernier avait assumé avec une équité remarquée la fonction comtale dans la ville d'Autun et, entré au service de l'Église après son veuvage, avait été ordonné évêque de Langres vers 506/507 ; il

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acquit dans l'exercice de cette charge un grand renom de sainteté141. Eufronius était aussi le neveu de Tetricus, fils de Grégoire et son successeur sur le siège de Langres142. Par suite des mariages contractés par certains membres de sa famille, il se trouvait également uni par des liens d'alliance avec d'autres nobles maisons gauloises143, dont les représentants contemporains avaient nom Gundulfus — un haut fonctionnaire de la cour franque144 — ou encore Nicetius, évêque de Lyon145. Cette position sociale, la fortune qui l'accompagnait certainement assuraient au nouveau prélat de Tours un prestige auquel le roi Clotaire avait été le premier sensible. Après enquête sur le candidat proposé par les électeurs tourangeaux et sur ses origines, il avait approuvé le choix par ces quelques mots : 'Prima haec est et magna generano. Fiat voluntas Dei et beati Martini, electio compleatur'146. D'autre part, l'éducation qu'Eufronius avait reçue avait développé en lui qualités et vertus traditionnelles de sa race : elle l'avait suffisamment initié à la culture classique pour qu'il pût goûter les vers de son ami, le poète Fortunat147; et surtout elle l'avait préparé, comme en témoigne

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son activité à la tête de l'Église de Tours, aux responsabilités publiques, en lui inculquant le sens du dévouement au bien commun. Non qu'Eu- fronius ait été un de ces prélats tard venus à l'Église qui satisfaisaient leurs ambitions politiques dans l'exercice de la charge episcopale. Une pieuse vocation lui avait fait embrasser tout jeune l'état ecclésiastique : il exerçait à Tours depuis de longues années les fonctions de presbyter, lorsqu'il fut, vers la cinquantaine, encore dans la force de l'âge, élu au siège de Martin 148. La sainteté de sa vie, que loue Grégoire de Tours, le recommandait donc pour assurer les tâches spirituelles du sacerdos summus149. Ce sont ces diverses qualités qu'Eufronius eut le loisir de déployer au cours d'un règne episcopal de dix-sept années en une période où les difficultés n'ont pas manqué à Tours.

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1) Une tension politique nouvelle

Avec l'élection d'Eufronius coïncide la première d'une série de transformations politiques qui allaient se succéder à un rythme très rapide durant son épiscopat, avec des conséquences souvent fâcheuses pour Tours. Dans le royaume de Clotaire dont dépendait alors la cité ligérienne, le prince Chramne, auquel le roi son père avait confié en 555 le gouvernement de l'Auvergne, venait de quitter Clermont pour s'installer à Poitiers. Dévoré par une ambition qui lui rendait la tutelle paternelle insupportable, las d'attendre la mort d'un souverain dont le règne, en se prolongeant, exacerbait son impatience à recueillir la succession, Chramne se révolta : il fit alliance avec son oncle Childebert, et, usurpant le titre royal, il entreprit de se tailler un royaume personnel en soumettant par la force les cités fidèles à l'autorité de Clotaire150. Il s'empara de la civitas Turonorum; Austrapius, qui y exerçait au nom de Clotaire la charge ducale, fut retenu assiégé dans la basilique Saint-Martin où il avait trouvé refuge151. La mort du roi Childebert en 558 rendit au regnum Francorum l'unité politique et la paix civile : le dernier fils survivant de Clovis, Clotaire, se retrouvait l'unique détenteur légitime d'un domaine franc considérablement agrandi depuis 511; privé de son allié, Chramne faisait sa soumission à son père152. Pour bien peu de temps. Chramne pardonné complotait à nouveau; convaincu de trahison, il s'enfuit avec sa femme et ses filles en Bretagne pour se réfugier chez le comte Conomer. Une implacable répression s'ensuivit : à Tours, où le beau-père du rebelle, Wiliacharius, avait trouvé asile dans la basilique Saint-Martin, une brutale intervention policière profanait le sanctuaire. Au même moment, Clotaire prenait la tête d'une expédition armée dirigée contre la principauté bretonne et contre le fils parjure qu'elle abritait153. Dans la bataille qui s'engagea,

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Conomer fut tué et Chramne capturé et exécuté avec sa famille dans des conditions atroces (560). Un an presque jour pour jour après la mort de son fils, Clotaire, rongé par le remords, disparaissait à son tour154.

Son décès entraînait une nouvelle division du regnum Francorum entre ses quatre fils, Caribert, Gontran, Sigebert et Chilpéric155.

Le nombre des héritiers étant le même qu'à la mort de Clovis, on décida de procéder au partage en prenant pour base celui de 511 156. Si le principe avait été fidèlement respecté, Tours aurait dû échoir à Gontran auquel était attribuée l'ancienne part de Clodomir. Mais l'étendue du domaine à répartir était, du fait des conquêtes opérées par les Francs depuis la disparition de Clovis, considérablement augmentée. Il fallut donc procéder à de sérieux réaménagements : Gontran, qui recevait les territoires enlevés aux Burgondes, fut obligé, pour maintenir un certain équilibre des forces, de renoncer à la partie occidentale de l'ancien royaume d'Orléans, et notamment à la civitas Turonorum, au profit de Caribert ; ce dernier, qui héritait théoriquement du royaume de Paris, jadis constitué en faveur de Childebert, recevait un lot homogène qui s'étendait des rivages de la Manche aux Pyrénées et de l'Océan jusqu'aux limites des cités d'Orléans, Bourges, Clermont et Rodez157. La province ecclésiastique de Tours, qui depuis 558 n'était plus divisée par des frontières politiques, conservait son unité au sein d'un des royaumes issus du partage de 561 158.

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Tout fut remis en question six ans plus tard par la mort prématurée de Caribert159. Les trois frères du défunt se partagèrent son royaume : Tours, ainsi que Poitiers, revint à Sigebert160 et se trouva associée aux destinées politiques du royaume de Reims, l'ancien royaume de Thierry que l'on commençait à appeler du nom d'Austrasie161; Chilpéric, roi de Soissons, obtint Le Mans, Rennes et Angers et la péninsule armoricaine162, tandis que le roi de Bourgogne, Gontran, recevait Nantes 163. Le nouveau partage démembrait la province ecclésiastique de Tours, littéralement dépecée entre trois dominations politiques différentes, sans compter la situation particulière de la péninsule armoricaine évoluant toujours davantage vers la dissidence. Il y avait plus grave. Le découpage extravagant auquel on avait procédé encastrait étroitement les uns dans les autres, en constituant une série d'enclaves, les domaines de chacun des trois souverains francs : c'était là une source d'inévitables discordes et de conflits armés dont Tours, disputée entre les uns et les autres, allait être la victime dès la fin du règne d'Eufronius. Le pacte entre les trois souverains venait à peine d'être conclu que Chilpéric, rompant son serment, chargea son fils Clovis de s'emparer de vive force des cités de Tours et de Poitiers. Sigebert obtint en cette circonstance l'appui de son autre frère, Gontran; ce dernier lui offrit les services de son meilleur général, le patrice Eunius dit Mummolus, qui venait de remporter de brillantes victoires sur les Lombards et les Saxons. Mummolus

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chassa Clovis de Tours, sans trop grande difficulté semble-t-il, et fit prêter serment par la population de la cité à son souverain légitime, Sigebert164. Chilpéric, contraint à la paix, n'avait pas renoncé : il attendait l'occasion favorable pour réaliser ses ambitions territoriales et s'emparer à nouveau de la cité mar- tinienne. Cette occasion se présenta en 573, à la faveur d'une brouille née entre Gontran et Sigebert. L'évêque Eufronius, qui mourut au printemps de cette année, ne vit sans doute pas les troupes du roi de Soissons envahir à nouveau sa cité165. Mais la menace qui n'avait cessé depuis 567 de planer sur la paix de Tours 166 avait certainement assombri la fin de son existence.

Au long des dix-sept années qu'a duré l'épiscopat d'Eufronius, cette conjoncture politique mouvante n'a guère été dans l'ensemble bénéfique à Tours. La province, dont elle était la métropole religieuse, a recouvré quelque temps, à l'extrême fin du règne de Clotaire et pendant le bref règne de Caribert, son unité, pour être ensuite plus divisée qu'elle ne l'avait jamais été, partagée entre des souverains rivaux et ennemis déclarés. L'unité, un instant reconstituée, n'a d'ailleurs jamais été totalement réalisée : le choix que fit Chramne, dans sa fuite, de la péninsule armoricaine montre clairement que l'autorité franque sur cette région n'était plus dès lors qu'une fiction dépassée. Certes, le calcul du prince se trouva déjoué, puisque son père n'hésita pas à porter la guerre contre les Bretons. Mais si la victoire que le roi remporta sur le comte Conomer lui permit d'assouvir sa vengeance personnelle, elle

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n'a point freiné l'évolution qui entraînait l'Armorique dans la sécession : le souverain n'a nullement tenté d'exploiter un succès — d'ailleurs très local — pour soumettre l'ensemble du pays167. Bien au contraire, la rencontre marque le début d'un état de belligérance qui s'installe de façon quasi permanente entre les Bretons et les Francs dans le dernier quart du siècle et réduit ces derniers à la défensive sur les marches de la Bretagne. Celle-ci, depuis le milieu de siècle, est devenue terre de refuge pour ceux qui veulent échapper à l'autorité franque : ainsi c'est in Brittaniis que, quelques années après Chramne, se réfugie le comte de Tours Leudaste, fuyant la colère du roi Sigebert, lorsque ce dernier, rentré en possession de la civitas Turonorum, s'apprête à châtier les traîtres qui ont pactisé avec Chilpéric168. Pour toute la partie de la province de Lyonnaise Troisième contrôlée par les souverains mérovingiens c'en était aussi fini, dès le commencement du règne d'Eufro- nius, de cette paix civile, gage d'une tranquille prospérité, qui avait prévalu pendant une cinquantaine d'années : le répit a été bien court entre le coup de force par lequel Chramne s'était emparé de Tours et les débuts de la guerre de succession que Chilpéric déchaîna dans la Tou- raine dévolue à son frère Sigebert169. Le cours des événements a été d'autant plus défavorable à la civitas Turonorum que les désordres se sont produits sous le règne des souverains qui étaient le mieux disposés à son égard, Clotaire et Sigebert.

Clotaire, qui paraît avoir toujours tenu Eufronius en haute estime, manifesta avec éclat, à la fin de sa vie, sa dévotion pour Martin et sa bienveillance pour une cité protégée par un si puissant patron; peu avant 559, il s'était déjà rendu à Tours pour prier dans la basilique martinienne; poussé par le repentir que lui inspiraient toutes les actions fautives de son existence et plus particulièrement l'exécution sommaire de son fils Chramne, il effectua à nouveau, durant la dernière année de son règne, un pèlerinage au tombeau de Martin, où il se pré-

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senta presqu'en posture de pénitent pour demander l'intercession du saint thaumaturge auprès du juge céleste170. L'humilité de son attitude en cette circonstance, la générosité dont il fit preuve à la même époque à l'égard de l'Église de Tours171 ne doivent pas faire oublier qu'il fut premier des rois francs qui osât porter atteinte à la sainteté de la basilique martinienne, en y faisant procéder à une arrestation172. Après sa mort, l'autorité des souverains n'a cessé de s'appesantir de plus en plus brutalement sur la civitas Turonorum. Des trois fils de Clotaire qui exercèrent, de droit ou de fait, leur domination sur Tours, seul le «très glorieux roi Sigebert» a mérité quelques louanges de Grégoire, en particulier pour sa clémence173. Ni Caribert, ni Chilpéric n'étaient disposés à user de ménagements particuliers envers Tours. Du premier de ces rois, l'historien a laissé un portrait peu flatteur: «Caribert, écrit-il, haïssant les clercs, négligeant les Église de Dieu et méprisant les évê- ques, s'abandonna de plus en plus à ses passions»174. Quant à Chilpéric, que Grégoire devait qualifier au terme de son existence de «Néron et d'Hérode de notre temps»175, il avait donné à Tours, dès le début de son règne, un exemple de sa perfidie et de sa déloyauté. Du reste aucun des petits-fils de Clovis n'était retenu par le respect que Martin et son Égli-

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se avaient malgré tout inspiré à leurs ancêtres. La convoitise pour ses richesses les poussaient à prendre ou à garder en leur possession la civitas Turonorum, à réduire ses habitants à une stricte obéissance, en exigeant de ceux-ci un serment de fidélité 176. Le roi s'engageait bien, en échange, à maintenir le statut coutumier de la cité, comme le fit Cari- bert à son avènement. Mais le souverain ne se sentait point lié par une telle promesse, répudiée à la première occasion177. Les représentants qu'il déléguait auprès de la communauté tourangelle étaient chargés de la soumettre et de l'exploiter sans ménagement. Si Justinus semble avoir exercé — à l'époque où Sigebert était maître de la cité — la charge comtale avec une bienveillante modération178, ses prédécesseurs, sous le règne de Caribert, n'en ont pas usé de même. Gaiso apparaît comme un agent zélé du pouvoir royal, uniquement soucieux de pressurer, au profit de ce dernier, ses administrés179. Quant à Leudaste, «c'est pour la punition des péchés de la population», écrit Grégoire, qu'il fut affecté à Tours comme comte; ce personnage cupide et corrompu se conduisit dans la cité soumise à sa juridiction comme un véritable brigand : recourant à la violence ou à de fausses accusations, il réussit à amasser aux dépens des habitants terrorisés des trésors «qui n'étaient pas modestes», avant d'être obligé de rendre gorge à l'avènement de Sigebert180. Que dire des dispositions du prince Clovis qui, au nom de

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Chilpéric, s'empara de la ville où ses troupes cantonnèrent en territoire conquis?. . . Pour Tours, avec l'épiscopat d'Eufronius, avait commencé un nouveau temps d'épreuves et de tribulations.

2) Eufronius et son Église

Le renouveau de la vie religieuse à Tours

Cependant, en dépit de l'instabilité et des troubles politiques dont elle eut à souffrir, la cité episcopale de Tours redevient à cette époque un centre actif de la mission chrétienne. Eufronius, durant son règne, n'a cessé de travailler à l'édification matérielle et spirituelle de son Église ainsi qu'au renforcement de son organisation.

Le petit-fils de Grégoire de Langres s'est tout particulièrement préoccupé de maintenir et de développer les cadres dans lesquels s'exercent l'enseignement et l'assistance. Une partie de son activité fut consacrée à la restauration ou à la création d'édifices du culte. À Tours même, le prélat dut réserver l'essentiel de ses efforts à des travaux de reconstruction. En effet dans les premières années de son épiscopat, en 558, un grand incendie dévastait le castrum et détruisait les trois églises qui s'y élevaient ainsi que la domus episcopale181. Les dommages étaient considérables et privaient la communauté urbaine des sanctuaires où l'on célébrait la synaxe dominicale et les grandes fêtes annuelles : Grégoire de Tours précise nettement que les églises construites infra urbem furent, à la suite de la catastrophe, «désertées et abandonnées»182. Pour quelque temps l'évêque se replia très certainement à Saint-Martin, emportant avec lui tout ce qui avait pu être arraché aux

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flammes, de précieuses reliques que son successeur devait plus tard retrouver dans la basilique183. Une année s'était à peine écoulée qu'un autre sinistre, allumé par la négligence de Wiliacharius qui y avait trouvé asile, endommageait à son tour la grande basilique suburbaine. Fort heureusement, le feu n'avait guère détruit que la couverture en charpente de l'édifice et les dégâts purent être promptement réparés grâce à la générosité du roi Clotaire, qui fit recouvrir à ses frais le sanctuaire d'une toiture en étain184. La reconstruction du castrum nécessita des délais plus longs et imposa un lourd effort financier à l'Église de Tours qui ne paraît pas avoir bénéficié en cette circonstance d'une subvention royale : Eufronius, qui avait ouvert entre-temps, dans le suburbium, à la dévotion des fidèles un nouveau sanctuaire dédié à saint Vincent 185, réussit finalement à restaurer deux des églises, mais il dut léguer à son successeur une ecclesia principale encore en ruines186. C'est qu'il avait fallu sans aucun doute consacrer une partie des revenus de l'Église pour aider les sinistrés qui avaient tout perdu dans l'embrasement du castrum. Le nombre des pauvres que l'évêque avait charge d'assister s'en était trouvé considérablement augmenté : ce n'est probablement pas simple coïncidence si pour la première fois se trouve attestée à cette époque l'existence d'une matricula auprès de Saint-Martin; pour faire face, dans ces conditions nouvelles, à son devoir d'assistance, Eufronius a probablement mis sur pied dans sa cité cette institution qui drainait les aumônes des fidèles et organisait la distribution des secours aux déshérités pris en charge par l'Église et inscrits sur ses rôles charitables187.

Les soins qu'il prodiguait à sa cité episcopale n'ont pas fait oublier à Eufronius l'effort missionnaire que celle-ci devait continuer de mener dans les campagnes du diocèse. L'évangélisation de la Touraine reçoit une impulsion nouvelle : l'encadrement chrétien resserre ses mailles avec la fondation par l'évêque de trois nouvelles églises rurales188. De plus des initiatives privées, encouragées par le prélat, secondent ses

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efforts en ce domaine : celle d'un simple fidèle, comme celui qui édifie un oratoire en un lieu que Grégoire ne nomme pas mais que l'on peut identifier, à la lumière de son récit, avec le castrum de Sainte-Maure189; celles aussi de moines ou de solitaires, tels l'ascète Jean retiré dans une cellula à Chinon, ou l'abbé Senoch qui construit en Touraine un oratoire, ensuite consacré par Euf ronius 190.

Car tout en dotant son Église des moyens matériels de son développement, Eufronius a su ranimer son ardeur spirituelle. De ce nouvel élan donné à la foi témoigne le renouveau du mouvement monastique et de la ferveur martinienne qui manifeste le prestige retrouvé de la ville de Tours. La Touraine de Martin redevient terre de prédilection pour ceux qu'attire la vie ascétique, qu'ils choisissent de s'agréger aux communautés anciennes, d'en fonder de nouvelles ou de tenter l'expérience de l'anachorèse. Les uns s'installent dans le suburbium de Tours, à proximité des lieux sanctifiés par le tombeau de Martin : venue de Chartres, une pieuse femme nommée Monegundis s'établit, peu après 561, à proximité de la basilique martinienne et rassemble autour d'elle quelques moniales191. De l'Auvergne arrive le franc Brachio qui avait embrassé la profession monastique à l'exemple de saint Emilien : il gagne Tours où il bâtit des oratoires et fonde deux monastères, dont l'un au moins paraît avoir été tout proche de Saint-Martin192. Quittant lui aussi l'Auvergne, Leobardus, qui avait choisi Martin pour le guider sur la voie du salut, se fixe près de Marmoutier dans une cellule qu'occupait avant lui l'ascète Alaricus, un goth sans doute 193. D'autres préfèrent s'établir plus loin de la ville : Senoch, un Teiphalus (Taifale) né en Poitou, relève, dans un lieu déserté de Touraine, un bâtiment en ruine : il en fait un petit monastère auquel il adjoint un oratoire; à sa prière, Eufronius vient consacrer l'autel par un dépôt de reliques et confère à

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l'ascète le diaconat 194. À Chinon, un Breton, nommé Jean, se retire dans «l'étroite cellule d'un oratoire» situé devant l'église du bourg; son renom de sainteté lui vaut bientôt la visite de la reine Radegonde qu'il encourage dans son dessein de se retirer du monde195. En choisissant de se fixer dans la civitas et dans l'Église que protège Martin, cette sainte femme, ces solitaires et ces moines, qui appartiennent presque tous par leur naissance à des peuples nouvellement installés en Gaule, démontrent assez clairement que Tours est à nouveau un centre religieux bien vivant, dont le pouvoir d'attraction s'exerce sur la société contemporaine où barbares et gallo-romaines se côtoient et commencent à se mêler. Dans le même sens témoignent aussi les pieuses visites que, de plus en plus nombreux196, des pèlerins de toute race et de toute condition viennent rendre au tombeau de Martin, en qui ils placent leurs espoirs de guérison ou de salut.

Cet élan qu'il avait contribué à imprimer à la vie spirituelle, Eufro- nius ne l'a pas laissé se disperser ou s'égarer. Il s'est au contraire efforcé de le contrôler, de le canaliser, en soumettant, dans le respect de la discipline et de l'unité ecclesiale, tous les membres de la communauté chrétienne à l'autorité du siège de Tours. Les résolutions du concile réuni sous sa présidence à Tours en 567 mettent clairement en valeur cet aspect de son œuvre197. On s'est souvent interrogé sur la nature exacte de cette assemblée : est-ce un synode provincial ou un concile du

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royaume de Caribert? La composition de l'assemblée ne permet guère d'apporter une réponse décisive à cette question. Les prélats de la province de Tours, Domnolus du Mans, Victurius de Rennes, Domicianus d'Angers, Felix de Nantes, détiennent avec leur métropolitain une légère majorité et constituent surtout le groupe le plus homogène. La présence à leurs côtés de quatre étrangers à la Lyonnaise Troisième, le métropolitain de Rouen Praetextatus et son suffragant de Séez, Leudo- baudis, les évêques Chaletricus de Chartres et Germanus de Paris, suffit-elle à donner à la réunion la dimension d'un synodus major, alors que de nombreuses Églises relevant de l'autorité politique de Caribert ne sont pas représentées? ou bien ces prélats ont-ils été invités en qualité de voisins et par courtoisie? Si l'on examine la nature des questions qui ont été abordées par les Pères de Tours, force est de conclure que ceux-ci ont élaboré une législation relevant de deux registres différents : certains canons ont une portée d'un intérêt général ou qui dépasse tout au moins le simple cadre provincial; d'autres prescriptions, leur libellé en fait foi, s'appliquent à la seule province de Tours198. À s'en tenir, pour l'instant, à ces dernières, on constate qu'elles tendent toutes à renforcer l'unité de la province ecclésiastique sous la tutelle de son métropolitain. À l'usage de l'ensemble des Églises de Lyonnaise Troisième sont rappelées les principales règles de discipline auxquelles ces communautés chrétiennes et principalement les clercs de tout grade doivent se soumettre et que les évêques ont le pouvoir et le devoir de faire observer199. À ces sentences disciplinaires qui, pour l'essentiel, renouvellent, pour le clergé séculier, une législation ancienne, s'ajoute un véritable code monastique qui impose un minimum de règle commune à tous les établissements de moines et de moniales placés sous le contrôle episcopal200. Enfin une série de prescriptions tendent à uniformiser les usages liturgiques sur le modèle tourangeau201. Pour faciliter l'application de ces décisions, plusieurs canons définis-

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sent les compétences et les responsabilités de tous ceux qui détiennent l'autorité ecclésiastique; ils s'efforcent d'instaurer un esprit de collaboration, à tous les niveaux, entre l'évêque et les prêtres et abbés de son diocèse, entre le métropolitain et ses suffragante, tout en maintenant une stricte hiérarchie de pouvoirs qui confère au titulaire du siège de Tours l'autorité suprême dans la province202.

Cette autorité ainsi réaffirmée, Eufronius entendait bien la faire respecter dans toute l'étendue de la circonscription métropolitaine. Avec les Églises d'Armorique les relations étaient interrompues depuis déjà plusieurs décennies. Peut-être le tourangeau réussit-il à nouer quelques contacts personnels : avec l'évêque de Dol, Samson, si du moins le prélat de ce nom qui souscrit, en même temps que lui, les actes du 3e concile de Paris (556/573) est bien le même personnage203. Mais au séparatisme breton, que seules les armes auraient pu réduire, l'évêque de Tours ne pouvait opposer que des protestations solennelles et de pure forme. Du moins Eufronius entendait-il que des évêques voisins des communautés d'immigrés ne prêtent pas leur concours aux dissidents, en acceptant de consacrer, sans l'accord du métropolitain, des candidats aux sièges armoricains, que ces derniers fussent romains ou bretons. Le neuvième canon de Tours, qui dénonce l'usage in Armo- rico de ces pratiques illégales204, est tout à la fois un rappel de la législation en matière de consécration episcopale et une verte semonce qui vise directement l'un des prélats présents, compromis dans une affaire de ce genre, très probablement Felix de Nantes205. S'il s'agit bien de ce dernier, il faut constater qu'il témoigna envers Eufronius d'un respect qu'il n'avait pas toujours accordé à ses prédécesseurs. La signature qu'il apposa au bas des actes du concile manifesta sa soumission repentante. En une autre occasion, il tint aussi à rendre hommage à l'autorité de son métropolitain : à une date qu'on ne peut établir avec préci-

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sion, il invita Eufronius à venir procéder à la dédicace de la nouvelle ecclesia de Nantes, commencée par son prédécesseur Eumerius (circa, 533-548) et achevée par ses soins, et dont la nef de droite, cela vaut d'être noté, était consacrée par des reliques de Martin et d'Hilaire206. À la cérémonie étaient également conviés les titulaires des sièges du Mans, d'Angers et de Rennes207, ceux-là même qui contresignèrent avec Eufronius et Felix les canons de Tours. Peut-être les évêques mirent-ils à profit cette occasion pour tenir l'un de ces conciles provinciaux dont la convocation régulière et fréquente était recommandée par la législation canonique. En tout cas, à Nantes comme à Tours, le corps episcopal de la Lyonnaise Troisième, en bonne partie rassemblé derrière Eufronius, manifestait son unité autour du prélat qui avait rendu au siège métropolitain son prestige et son autorité.

La défense des privilèges de l'Église tourangelle

Dans l'action énergique qu'il déployait, Eufronius ne pouvait manquer de se heurter aux détenteurs de l'autorité civile, à leur cupidité et à leur autoritarisme despotique. Répugnant au rôle de prélat courtisan et refusant notamment, malgré de nombreuses invitations, de se rendre

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servilement auprès du roi Caribert208, il montra plus de fermeté que ses prédécesseurs pour défendre la cité episcopale; mais il ne s'engagea qu'avec prudence dans le combat pour l'indépendance du pouvoir spirituel.

Pour préserver les privilèges fiscaux dont jouissait Tours, l'évêque Injuriosus avait dû s'opposer déjà à la volonté royale. En ce domaine, Eufronius eut à faire face à des assauts répétés, venant de souverains qui ne partageaient pas tous la dévotion de Clotaire pour Martin. Du vivant même de ce roi, une première menace se fit jour lorsque Chram- ne s'empara de Tours.

Dans l'entourage du prince, on ne dissimulait pas une hostilité foncière à la concession d'immunités, fort préjudiciables aux finances royales. L'un des conseillers de Chramne, le poitevin Léon, déclarait que « les confesseurs du Seigneur, Martin et Martial, n'avaient rien laissé de profitable au fisc». L'auteur de ces propos fut atteint d'un mal incurable, dans lequel Grégoire se plaît à voir un châtiment infligé par Martin au blasphémateur209 et un avertissement donné au prince. De toute façon, l'échec de la rébellion de Chramne écarta la menace qui pesait sur Tours. Pour peu de temps : quelques mois plus tard, la disparition de Clotaire privait la cité de la protection d'un souverain qui, durant les dernières années de son règne surtout, s'était montré fort généreux à son égard210. Les fils du roi défunt n'étaient point animés des mêmes sentiments : Caribert, puis ses frères Sigebert et Chilpéric, qui se disputaient la ville, étaient avant tout soucieux de remplir leur trésor. L'évergétisme royal, qui,

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sous forme de dons en terres et en argent, l'avait enrichie depuis une cinquantaine d'années, fit brusquement défaut à l'Église de Tours : de la part des nouveaux souverains, celle-ci ne bénéficia pas de la moindre largesse. Or, au même moment, la cité devait relever ses sanctuaires ruinés par l'incendie et pourvoir à la subsistance d'un nombre élevé de déshérités. Pour faire face à ces charges accrues, l'Église tourangelle, faute de pouvoir compter sur une subvention extérieure, devait au moins préserver ses sources anciennes de revenus et veiller au respect des immunités fiscales précédemment concédées. Lorsqu'il reçut sa part de l'héritage de Clotaire, le roi Caribert s'engagea solennellement à n'infliger aucune nouvelle imposition à la cité episcopale211. Cette promesse fut rompue, nous apprend Grégoire, à l'instigation du comte Gaiso qui administrait alors la civitas Turonorum. On peut croire cependant que l'initiative de ce fonctionnaire zélé avait reçu quelque encouragement de la part du souverain. Gaiso s'était procuré un exemplaire des rôles dressés à l'époque où Clotaire avait tenté, en vain d'ailleurs, d'élever le taux des contributions et d'imposer aux Églises le versement d'un tiers de leur revenu. Il se mit alors en devoir de lever cet impôt, en commençant par un des contribuables les plus riches, la basilique Saint-Martin. Devant l'opposition manifestée par Eufronius, le comte partit faire son rapport au roi. Celui-ci, «redoutant la vertu miraculeuse de saint Martin», jeta au feu les rôles d'imposition et fit rendre à la basilique les sous d'or déjà perçus212. Le brusque revirement d'un prince, qui n'était guère porté à respecter les Églises, ne saurait s'expliquer sans une intervention personnelle d'Eufronius. L'évêque, comme jadis son prédécesseur Injuriosus, sut éveiller chez le souverain une terreur superstitieuse, en le menaçant de la vengeance du saint thaumaturge. Caribert renonça non seulement à exiger de l'Église et de la cité de Tours le nouvel impôt auquel son père avait songé, mais, bien plus, il promit «que plus jamais personne de la populaiton de Tous ne paierait un impôt au trésor public»213. Ce faisant, il concédait un privilège fiscal nouveau qui, malgré une tentative de Childebert II pour le remettre en question214, devait rester en vigueur au moins jusqu'à la fin du VIe siècle. Il importe donc de préciser la nature exacte des engagements pris par Caribert et maintenus par ses successeurs immédiats. À l'immunité dont jouissait déjà pour une partie de ses domaines l'Église tourangelle s'ajoute une exemption fiscale accordée en

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bloc à Tours et à sa population. Que faut-il entendre par ce dernier terme? Il ne s'agit certainement pas de l'ensemble du territoire de la civitas et de ses habitants. En effet, chaque fois que Grégoire se réfère à cette exemption, il a soin de préciser que les bénéficiaires en sont Yurbs toronica et le populus toro- nicus215. Le privilège fiscal n'a donc été accordé qu'à la seule population urbaine, «composée de pauvres gens vivant sous la tutelle religieuse et économique de l'Église»216: ceux-ci se trouvent désormais dispensés du versement de la capitation, tandis que les ruraux, grands propriétaires ou simples colons, restent assujettis aux diverses contributions qui frappent les terres et les personnes. Telle quelle, la mesure n'en constituait pas moins un privilège fort appréciable. Eufronius a pu profiter du trouble d'esprit dans lequel ses menaces avaient plongé Caribert pour lui arracher cette concession supplémentaire; le roi a cédé d'autant plus facilement sur ce point que probablement depuis 558 son père et lui-même avaient dû consentir d'année en année des remises d'impôt à une agglomération urbaine presqu'entièrement sinistrée. L'habileté de l'évêque, si l'on admet l'hypothèse, a donc consisté à obtenir la transformation d'un dégrèvement provisoire en un statut permanent et définitif.

Par la suite, le roi fut tenté de reprendre d'une main ce qu'il avait abandonné de l'autre. Il ne pouvait considérer sans envie la richesse foncière de l'Église de Tours. Bientôt, écoutant les suggestions d'un conseiller, il contesta les droits de la basilique Saint-Martin à la possession d'une terre qui avait probablement été donnée à cette dernière par l'un de ses ancêtres : il fit saisir ce domaine, sis près du lieu dit Navicel- lis et composé surtout de prés, pour y installer des haras royaux. Eufronius, malgré tous ses efforts, ne put obtenir de Caribert la restitu- tuion de ce bien : il dut attendre l'avènement de Sigebert pour rentrer en sa possession217. Dans l'immédiat, un exemple venu de si haut suscitait l'imitation : un certain Eustochius faisait opposition au testament rédigé par son parent Baudulfus en faveur de la basilique martinienne.

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L'évêque fut contraint de lui abandonner une partie de l'héritage pour éviter un procès qui aurait sans doute tourné au désavantage de l'Église218; d'autant que la justice était probablement alors rendue à Tours par le comte Leudaste qui n'hésitait pas à vendre ses sentences aux plus offrants. Par de tels procédés, mais aussi par de pures et simples rapines, ce fonctionnaire sans scrupules réussit, pendant la durée de son mandat, à extorquer des fonds aux membres les plus riches de la communauté tourangelle et peut-être à l'Église elle-même. Après la mort de Caribert, il fut privé de ses trésors si mal acquis par les fidèles de Sigebert qui se partagèrent, semble-t-il, les dépouilles du comte ignominieusement chassé de la cité, au lieu de les restituer à leurs légitimes propriétaires219. Malgré tout, pour l'essentiel, Eufronius avait réussi à sauvegarder les intérêts matériels de son Église et de sa cité.

L'évêque eut aussi à braver plus directement l'autorité royale pour défendre un privilège de tout autre nature : le droit d'asile dans la basilique Saint-Martin. Ce droit était reconnu en Gaule à toutes les églises220; son respect paraissait cependant plus assuré dans un sanctuaire que protégeait la virtus d'un saint tout puissant, et de ce fait la basilique de Martin pouvait être considérée comme le meilleur des refuges. Elle avait certainement accueilli par le passé et accueillait encore des criminels se dérobant à l'action d'un juge ou des esclaves fuyant leur maître : depuis le premier concile d'Orléans, la législation canonique, sanctionnée par le pouvoir royal, déterminait les cas où la protection d'un sanctuaire pouvait être légitimement accordée à un fugitif, avec une précision suffisante pour éviter toute friction entre les autorités

226 L'HISTOIRE DE LA CITÉ EPISCOPALE DE TOURS

religieuses et séculières221. Mais si elle envisageait tous les crimes de droit commun, elle ignorait en revanche les accusations et délits de nature politique. Or dans les conflits de plus en plus fréquents qui, depuis lors, opposaient entre eux les princes francs, de hauts personnages se trouvaient accusés, à tort ou à raison, de trahison ou bien devenaient suspects à un nouveau roi du seul fait de leur attachement à un précédent souverain. Eux aussi étaient tentés de chercher refuge dans un sanctuaire que les rois depuis Clovis avaient jusqu'ici toujours respecté et vénéré. Refuser l'asile à ces fugitifs, souvent innocents des fautes que réprouve la morale chrétienne, eût été manquer à la charité ; les accueillir, c'était exposer Tours et son Église à d'éventuelles représailles de la part du pouvoir. Dès le début de son épiscopat, Eufronius eut à trancher ce dilemme. Lorsque le prince Chramne, révolté contre son père, se proclama souverain d'une vaste région qu'il lui avait arrachée, il considéra comme ses ennemis tous ceux qui restaient fidèles à Clotai- re : le duc Austrapius qui était de ce nombre, craignant pour sa vie, se réfugia à Saint-Martin. Chramne fit établir un étroit blocus autour de la basilique, obligeant le duc à choisir entre une mort lente par la soif et la reddition : il était interdit à Austrapius de sortir pour aller puiser de l'eau et à quiconque d'entrer pour apporter au prisonnier de quoi se désaltérer222. Par ce déploiement de forces, Chramne espérait surtout intimider la communauté de Tours et son évêque. Il n'en fut rien. La mort soudaine du juge qui faisait respecter les ordres du prince, et dans laquelle Grégoire voit un châtiment de Dieu et un miracle procuré par Martin, rendit courage aux Tourangeaux qui, forçant le blocus, apportèrent à Austrapius tout ce qui lui était nécessaire223. Il est probable qu'Eufronius sut tirer parti d'un événement fortuit pour ranimer par ses exhortations la confiance de ses ouailles dans le saint protecteur de Tours. Dès lors, Austrapius put attendre en toute sécurité dans la basilique le moment où Clotaire, «rentré dans son royaume», délivra

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son serviteur et récompensa sa fidélité224. Lorsque, trois ans plus tard, Chramne se lança dans une nouvelle révolte et fut contraint à la fuite, ce fut au tour de ses partisans de redouter la vengeance de Clotaire : Wiliacharius, le beau-père du rebelle, était l'un des plus compromis225. Il courut se réfugier à Saint-Martin avec sa femme226. Bien qu'il n'ait pas été un hôte de tout repos, Eufronius prit sa défense. Des événements qui suivirent, Grégoire donne un récit assez embrouillé, mais qui ne laisse aucun doute à ce sujet. Il semble que, dans un premier temps,

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Wiliacharius ait usé, sans la moindre difficulté, et même abusé de la protection que lui offrait la basilique227; puis qu'ensuite, Clotaire, dans sa colère contre les conseillers de son fils, ait violé le privilège accordé au saint lieu en ordonnant l'arrestation du traître; celui-ci fut enchaîné dans le sanctuaire transformé en prison228. Ensuite intervient dans la narration de l'historien toute une série de miracles : Wiliacharius, dont les chaînes sont brisées par la puissance surnaturelle de Martin, s'enfuit; il est repris, enchaîné et mystérieusement délivré à nouveau de ses entraves, mais finalement conduit au roi qui, témoin d'un nouveau miracle, rend à son ennemi la liberté. Pour cette libération, Eufronius avait invoqué l'intercession de Martin229; cette attitude résolue, la confiance dont elle témoignait dans la puissance du saint patron de Tours ont certainement impressionné le souverain que tenaillait le remords d'avoir fait exécuter son fils et qui souhaitait obtenir pour lui-même la protection du bienheureux confesseur : en renonçant à poursuivre un coupable qui était désormais entre ses mains, Clotaire reconnaissait implicitement qu'il avait commis une faute en l'arrachant à l'asile de la basilique. Avec les seules armes dont il disposait, la prière, le courage, Eufronius a donc finalement réussi à faire admettre aux princes, dans un cas qui n'était pas prévu par le droit canon, une sorte de privilège d'exterritorialité politique pour la basilique Saint-Martin, le droit d'y accueillir, dans une sainte neutralité, les tenants de tous les partis en conflit. Un précédent était créé qui allait susciter par la suite bien d'autres recours du même genre à l'asile martinien de Tours.

3) Eufronius et les problèmes des Églises gauloises

Prompt à défendre son Église et sa cité, Eufronius s'est montré en revanche beaucoup plus réticent chaque fois qu'il a été sollicité d'user de son autorité personnelle et du prestige de son siège en faveur d'autres communautés : c'est avec prudence, en refusant d'en être le protagoniste, qu'il s'est engagé dans le combat pour l'indépendance de principe du pouvoir spirituel. Les positions qu'il a adoptées en deux affaires auxquelles il s'e§t trouvé mêlé, un peu malgré lui, et dans leurs prolongements, en témoignent clairement.

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La protection du monastère Sainte-Croix de Poitiers

La première a trait à la fondation du monastère Sainte-Croix de Poitiers par Radegonde et à ses premiers développements. Les relations nouées par l'épouse de Clotaire avec Eufronius remontaient à une époque antérieure à la naissance de la communauté poitevine. La souveraine qui, sans doute à la suite de l'assassinat de son frère en 555, s'était définitivement résolue d'abandonner son époux et de renoncer au monde pour se consacrer à Dieu230 et qui avait reçu à Noyon, de la main de l'évêque Médard, la bénédiction des diaconesses231, avait commencé sa vie nouvelle par un séjour assez long dans le diocèse tourangeau à l'époque où Eufronius en devenait l'évêque. À Tours même, qu'elle visita d'abord, l'attiraient le tombeau de Martin, devant lequel elle se recueillit avec ferveur232, et le souvenir exemplaire de la reine Clotilde. La princesse thuringienne fonda dans la cité un monastère d'hommes233, puis elle reprit sa pieuse pérégrination, se rendant d'abord à Candes où l'apôtre était mort234 et à Chinon auprès du reclus Jean235,

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avant de s'établir quelque temps dans le domaine de Saix236, aux confins du Poitou et de la Touraine. Si c'est en définitive à Poitiers, la ville de saint Hilaire, qu'elle choisit de faire élever un monastère de moniales dédié à la Vierge, où elle se retira définitivement vers 561 237, Rade- gonde n'en conserva pas moins par la suite sa dévotion à Martin et sa confiance à Eufronius238.

La mission dont fut chargé quelques années plus tard l'évêque de Tours en témoigne. Peu après 567 la reine moniale, qui thésaurisait avec dévotion les reliques, obtint de l'empereur d'Orient Justin II, grâce à la recommandation de Sigebert, son beau-fils, qu'il lui cédât un fragment de la vraie croix239. Comme le retour de la délégation envoyée à Constantinople pour la quérir était annoncé, l'évêque de Poitiers, Maro- veus, sollicité de lui préparer une réception solennelle, s'y refusa pour

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des raisons que les sources n'explicitent pas clairement : il enfourcha un cheval et gagna sa maison de campagne, donnant ordre de fermer les portes de la ville à la croix et à son cortège240. Radegonde enjoignit aussitôt à l'ambassade de rebrousser chemin et de gagner Tours, afin d'y déposer, en attendant de nouvelles instructions, la relique dans le monastère établi par ses soins quelques années plus tôt241. En même temps la princesse informait le roi de la tournure des événements et le priait de prendre des dispositions en conséquence. C'est dans ces circonstances qu'on recourut aux bons offices d'Eufronius qui reçut mission de Sigebert et de Radegonde de convoyer le bois précieux jusqu'à Poitiers et de présider aux cérémonies de son dépôt dans le monastère qui porta désormais le titre de Sainte-Croix242. Bien que la législation canonique prohibât toute intervention d'un évêque dans un diocèse autre que le sien, Eufronius, couvert par un ordre royal, ne se déroba point243.

Ce fut en revanche avec beaucoup plus de circonspection et bien des réserves qu'Eufronius accepta de prendre des engagements qui le

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liaient lui-même et ses successeurs, envers le monastère poitevin. Rade- gonde souhaitait obtenir, pour assurer la survie de sa fondation, toutes les garanties canoniques possibles. L'incident qui l'opposa à Maroveus fut-il à l'origine de son inquiétude? Il renforça sans doute la reine dans la conviction, inspirée par son expérience et sa sagesse, qu'il lui fallait prendre des assurances pour l'avenir.

Les deux documents qui manifestent cette préoccupation ne sont malheureusement pas datés. Ce sont deux lettres dont la transcription intégrale est donnée par Grégoire dans YHistoria Francorum à propos d'événements qui se déroulèrent à Poitiers beaucoup plus tard, après la mort de Radegonde, parce que ces documents furent alors produits dans un procès à titre de preuves. L'une des lettres émane de la reine et s'adresse à tous les évêques pour leur demander de prendre sous leur protection le monastère de Poitiers244; l'autre, signée d'Eufronius et de six de ses collègues — quatre suffragante du siège de Tours, l'évêque de Paris Germain et le métropolitain de Rouen, Prétextât — assure Radegonde du zèle que ces évêques et leurs successeurs mettront à veiller sur la communauté poitevine245. Les deux documents sont certainement postérieurs à la mort de Caribert (567), puisqu'ils précisent que les moniales vivent sous la règle de sainte Cesarie246 et que celle-ci ne fut introduite dans le monastère qu'après cette date247. Le second est évidemment antérieur à 573,

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date de la mort d'Eufronius; quant au premier, rien ne permet d'affirmer, quoiqu'on en ait dit, qu'il ait été rédigé à une époque ultérieure; tout au contraire, l'état d'inachèvement, signalé par la reine, de Sainte-Marie-hors-les- Murs — la basilique où les religieuses devaient trouver leur dernier repos — , ainsi que la mention, parmi les souverains défunts ou vivants, des seuls fils de Clotaire, à l'exclusion de ses petits-fils248 — , tout incite à conserver pour cette lettre une datation relativement haute. Bien que la missive des sept évêques exprime l'agrément des signataires à une requête présentée par la reine, on a parfois douté qu'elle constituât la réponse à la lettre adressée par cette dernière omnibus episcopis : car ce serait « une réponse bien insuf f f isante, laissant de côté la plus grande partie des demandes formulées»249. En effet Radegonde, en rédigeant à l'intention de l'épiscopat, mais aussi des princes et du peuple chrétien250 tout entier, une sorte de testament spirituel par lequel elle suppliait que ses dernières volontés soient respectées, exigeait beaucoup : elle demandait, aux évêques en particulier, d'intervenir au cas où, du fait «d'un prince, d'un évê- que, d'un grand ou de l'une des sœurs», le monastère se trouverait privé de ses biens ou de ses privilèges ; elle les priait aussi de veiller à ce que la règle monastique ne fût point enfreinte251. Effectivement, Eufronius et ses six cosignataires promettent uniquement d'assurer l'observance de la règle par les moniales, s'engageant plus spécialement à châtier celles de leurs diocésaines qui, après avoir fait profession de foi dans le monastère poitevin, voudraient ensuite en sortir et renoncer à leurs vœux252. Cependant la prose épistolaire des sept évêques reprend avec trop de fidélité les formules dont usait Radegonde pour

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qu'on puisse douter que cette lettre ne réponde à la requête de la reine moniale ou plus exactement à l'une des requêtes formulées par celle-ci253.

C'est donc, il faut le croire, de propos délibéré, que les prélats ont éludé une grande partie des demandes qui leur étaient adressées. Leurs raisons sont fort claires : il leur semblait possible d'assumer la responsabilité de contrôler la conduite de leurs propres ouailles entrées au monastère254; mais comment auraient-ils pu s'engager à intervenir dans un diocèse d'une autre province ecclésiastique pour faire obstacle à l'autorité de l'évêque local et à celle de son métropolitain, ou — plus grave encore — pour s'opposer à la volonté du souverain dont dépendait Poitiers? Les usages réglant les rapports inter-ecclésiaux s'opposaient à une semblable immixtion, du moins dans les formes simplistes imaginées par la reine. Mais la dérobade des évêques s'inspire surtout d'une vision réaliste et d'une prudente réserve qu'Eufronius a imposées à ses collègues. Car c'est l'évêque de Tours qui a présidé à la rédaction de la lettre envoyée en réponse à la reine et en a dicté les termes255. Eufronius, dont le nom est mentionné en premier dans l'intitulé, dispo-

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sait de toute l'autorité d'un métropolitain auquel quatre de ses suffragante apportent leur adhésion; il a associé les évêques de Paris et de Rouen à sa réponse; mais dans celle-ci, c'est avant tout le successeur de Martin qui prend la parole au nom de l'apôtre : il se reconnaît particulièrement désigné pour veiller sur une communauté que Radegonde a fondée dans le dessein d'imiter l'exemple de Martin et qu'elle a elle- même placée sous la protection du bienheureux confesseur256. Avec Yauctoritas dont il est dépositaire, il définit les limites étroites dans lesquelles s'exercera la protection accordée au monastère de Radegonde. Conscient des bornes imposées à son action par la conjoncture politique, Eufronius refusait de s'engager trop loin pour défendre le monastère poitevin: attitude prudente manifestée encore à propos de l'affaire de Saintes et de ses développements ultérieurs, où, à nouveau, les rapports entre les Églises et le pouvoir royal étaient en cause.

L'intervention du pouvoir royal dans la vie de l'Église

Après la mort de Clotaire, un climat de tension nouveau s'est instauré dans les relations de l'épiscopat gaulois avec les souverains francs : l'intervention incessante, dans la vie intérieure des Églises, d'un pouvoir royal qui entendait contrôler l'élection des évêques et surveiller la réunion des conciles provinciaux commence à susciter impatience et mécontentement dans les sphères ecclésiales; au même moment, les conflits des princes, dont pâtissent souvent les clercs et les biens ecclésiastiques, soulèvent la réprobation et l'inquiétude des prélats et discréditent une autorité séculière de plus en incapable d'assurer, en échange de l'obéissance qu'elle exige, la paix civile. De ces dispositions nouvelles de l'épiscopat gaulois, témoignent, à des degrés divers, trois réunions conciliaires — un concile tenu à Saintes, le concile de Tours de 567 et le troisième concile de Paris — , ainsi qu'une lettre

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adressée par le métropolitain de Tours et trois de ses suffragants aux chrétiens de Lyonnaise Troisième.

Malheureusement entre les différentes pièces qui composent ce dossier, il est très difficile d'établir un ordre de succession chronologique : une seule date est certaine, celle de l'assemblée de Tours qui siège en novembre 567; la réunion de Saintes, connue seulement grâce à un bref compte-rendu de Grégoire257, celle de Paris dont les actes nous sont parvenus non datés258, et la rédaction de la lettre tourangelle, elle aussi dépourvue de date259, se placent à l'intérieur d'une période de temps assez large qui correspond à l'épiscopat d'Eufro- nius (556-573), associé directement ou indirectement à chacune de ces manifestations; mais faute d'éléments de datation précis, on a peine à discerner comment celles-ci s'ordonnent par rapport au concile de Tours. La stabilité du corps episcopal pendant toute cette période ne permet pas en effet de tirer des différentes listes de participants ou de signataires le moindre indice chronologique260. La nature des décisions élaborées n'apporte guère plus de lumière au problème de datation261. Le concile provincial réuni par Léonce de Bordeaux dans la ville de Saintes expulse de son siège l'évêque de cette cité, Emerius, parce que ce dernier avait été désigné par le roi Clotaire et consacré sans l'accord du métropolitain, et le remplace par le prêtre bordelais Heraclius262. Le concile de Paris, dans son canon 8, condamne la pratique qui consiste à imposer à une Église un évêque qui n'a pas été librement élu par le peuple et le clergé et qui a été intronisé par ordre du prince contre la volonté du métropolitain. Le parallèle est frappant : mais doit-on en déduire que Léonce de Bordeaux s'est fondé sur la législation de Paris pour intervenir à Saintes; ou bien, au contraire, que l'initiative toute personnelle du Bordelais a été ensuite approuvée par les Pères parisiens et a inspiré leur législation263? Bien qu'Eu- fronius ait été sollicité de souscrire l'accord de Saintes264, le concile de Tours

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n'aborde le problème des élections épiscopales que sous un angle purement local, en évoquant la situation très particulière de l'Armorique265; faut-il en conclure que cette réunion est antérieure à l'affaire saintongeaise? D'autre part, il existe entre les actes des conciles de Tours et de Paris des similitudes qui sont plus que des rencontres fortuites : ainsi le canon 26 de Tours est identique à la première moitié du premier canon de Paris266. A-t-on développé ici ou abrégé là? Autrement dit, s'est-on réuni en premier lieu sur les bords de la Loire ou sur ceux de la Seine? Enfin la lettre des quatre évêques de la province de Tours qui engage les chrétiens, à l'approche de guerres imminentes, à faire pénitence, a-t-elle été rédigée durant la session du concile tourangeau; on bien doit-elle être rapprochée, comme y invite la tradition manuscrite, des décisions prises à Paris?267.

En définitive, seul l'examen du contexte historique auquel font allusion les textes peut permettre de proposer une chronologie relative et de situer, dans le développement de la situation, les prises de position d'Eufronius. Un premier point paraît acquis : comme le concile de Tours, la réunion de Saintes et ses suites immédiates, se placent sous le règne de Caribert; il n'y a aucune raison de récuser sur ce point le témoignage formel de Grégoire268. Bien plus, il semble possible de déduire de son récit l'ordre dans lequel les deux assemblées se sont succédé. L'historien situe l'épisode saintongeais avant la dernière des nombreuses unions matrimoniales contractées par le roi : c'est, écrit-il «après cette affaire» {post haec)269 que Caribert s'unit en mariage à Marcovefa, sœur de de l'une de ses précédentes épouses; excommunié par l'évêque de Paris, Germain, il fut aussi, affirme Grégoire, «frappé par un jugement de Dieu » : dans un bref délai il perdit sa compagne et fut lui-même enlevé par la mort. Tout ceci indique que quelques mois

la vieille ville de tours

EUFRONIUS DE TOURS

Lettre à Radegonde

Domnolus Domicianus Felix Victurius

Praetextatus Germanus

3e Concile de PARIS (556-573)

Domicianus Felix

1 I 1 I 1 I II 1 1 1 1 1

Lettre à la Province de TOURS

Domnolus Domicianus Felix

Praetextatus

Paternus Lascivus Edibius Ferrocinctus

Germanus Chaletricus

Probianus Leontius Gonuthigernus Chardaricus

les noms de leurs titulaires)

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au moins se sont écoulés entre la réunion de Saintes et la disparition du roi. D'autre part celle-ci est intervenue très peu de temps après la clôture du concile de Tours convoqué sur son ordre et dont les actes mentionnent la date du 18 novembre 567: avant la fin de cette même année, le roi Chilpéric était déjà en possession de la ville de Rouen, une des cités qu'il hérita au décès de son frère270. Le temps manque donc, de toute façon, pour placer, dans l'intervalle qui sépare la réunion tourangelle de la mort de Caribert, une session conciliaire à Saintes, le voyage qui conduisit le nouvel élu, Heraclius, en passant par Tours, à la cour et enfin l'envoi par le souverain d'émissaires chargés de rétablir son autorité à Saintes et à Bordeaux. Il ne semble donc pas douteux que le concile de Saintes a précédé celui de Tours.

Ces deux réunions se sont déroulées à une époque où l'autorité royale pèse encore d'un poids très lourd sur les Églises — foudroyant les évêques récalcitrants comme Léonce de Bordeaux et ne suscitant de la part des autres prélats qu'un timide murmure — , mais où elle assure une paix intérieure assez satisfaisante : les Pères ne se plaignent que de quelques troubles favorisant l'usurpation des biens ecclésiastiques271. L'atmosphère dans laquelle furent rédigés les actes du troisième concile de Paris et la lettre des évêques de la province de Tours apparaît toute différente. Bien qu'elle présente le caractère d'un concile national franc, ou tout au moins d'un large concile interprovincial, l'assemblée parisienne ne réunit qu'un nombre bien réduit de participants272, ce qui

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laisse supposer que des difficultés ont empêché des évêques de se rendre à la convocation; et surtout sa législation — quelques canons dont le désordre et les répétitions trahissent une élaboration hâtive273 — manifeste une nette hostilité à la politique royale274. Quant à la lettre tourangelle, avec ses accents presqu'apocalyptiques, elle est toute empreinte de la profonde inquiétude qui anime ses signataires275. Tout ceci ne peut se concevoir que dans une période de désordres violents : celle où, à la suite de la mort de Caribert, se déchaînent les guerres de succession qui, en discréditant le pouvoir royal, encouragent dans les milieux ecclésiastiques un esprit de fronde.

Dans le cadre de cette évolution ainsi restituée, la ligne de conduite tenue par Eufronius se dessine plus clairement, depuis le moment où il fut sollicité de prendre parti dans l'affaire de Saintes, peu de temps sans doute avant qu'il ne réunît le concile de Tours, jusqu'à l'époque, plus tardive, où, dans une conjoncture politique différente, il participe au concile de Paris et rédige la lettre aux fidèles de la province de Tours.

Lorsqu'Emerius, le candidat imposé par Clotaire, eut été déposé à la réunion de Saintes, son successeur, désigné par l'assemblée, Hera- clius, se mit en devoir d'aller solliciter, conformément aux prescriptions du cinquième concile d'Orléans, l'assentiment de Caribert. Le nouvel élu était porteur de l'accord souscrit en sa faveur par les Pères saintongeais. Pressentant les difficultés qui l'attendaient et souhaitant obtenir une caution de poids, il s'arrêta à Tours pour demander l'adhésion d'Eufronius à la décision de Saintes. «L'homme de Dieu, écrit Grégoire, s'y refusa catégoriquement»276. Dans tout son récit, l'historien, qui fait gloire à Eufronius de son attitude, manifeste, en faveur de son

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prédécesseur et parent, une partialité évidente : voulant à tout prix justifier la position discutable prise par Eufronius, il charge à outrance Léonce; l'évêque de Bordeaux, dont il se plaît au passage à ridiculiser avec malice l'outrecuidante vanité277, n'a-t-il pas manqué à tous ses devoirs? C'est parce que le métropolitain n'était pas présent, plaide Grégoire non sans mauvaise foi, que Clotaire dût faire procéder, sans son avis, à la consécration d'Emerius278. En usant à retardement d'une autorité qui s'était révélée défaillante au moment requis, Léonce faisait injure à la mémoire du souverain, entre temps disparu, et s'exposait justement à la colère de son fils279. Grégoire a trop souvent et trop ouvertement manifesté son hostilité à la personne et à la politique religieuse de Caribert, pour qu'on soit dupe ici d'un jugement où il n'approuve le souverain que pour mieux absoudre la dérobade d'Eufronius. On peut certes accuser ce dernier — et on ne s'en est pas fait faute — 280 d'avoir manqué de courage en cette circonstance pour défendre la liberté des élections épiscopales. Mais il faut, à sa décharge, prendre en considération la situation politique : face à un souverain aussi autoritaire et aussi mal disposé à l'égard de l'Église que l'était Caribert, toute tentative de résistance était vouée à l'échec; d'un point de vue très pragmatique, Eufronius a probablement jugé aussi inutile pour l'issue de l'affaire saintongeaise que dangereux pour les intérêts de Tours de s'associer à la démarche de ses collègues de la province de Bordeaux. De plus la cause d'Héraclius et de Léonce n'était peut-être pas de celles pour lesquelles on peut, au nom des principes et coûte que coûte, engager le combat : le métropolitain de Bordeaux était sans doute moins

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soucieux de rétablir les anciens usages en matière d'élection episcopale que de satisfaire un ressentiment personnel contre Emerius de Saintes; toute l'affaire se réduisait probablement aux dimensions d'une brouille passagère entre deux personnages qui se réconcilièrent par la suite281. Quoiqu'il en soit, l'issue négative de l'entreprise, qui se solde pour Heraclius par un châtiment humiliant et pour Léonce par une lourde amende282, justifiait au moins partiellement l'abstention d'Eufronius.

Elle explique aussi les précautions dont usèrent à quelque temps de là les Pères réunis à Tours par ordre de Caribert : aucun des canons promulgués n'aborde de front le problème trop brûlant des rapports entre l'Église et le pouvoir royal. Cependant Eufronius et ses collègues n'ont pas totalement abdiqué devant la volonté royale ; ils se sont efforcés de manifester leur attachement à la liberté ecclesiale par quelques allusions discrètes. Une question toute locale, celle de l'Armorique, permet de rappeler qu'un évêque ne peut être intronisé sans l'assentiment du métropolitain283. L'avertissement s'adresse directement aux évêques de la province qui ont procédé par le passé, ou seraient tentés de procéder à l'avenir, à une consécration sans l'aveu de Tours. Mais le canon ignore les dispositions du cinquième concile d'Orléans qui subordonnait aussi la consécration episcopale à l'assentiment royal. Par cette omission délibérée, les Pères de Tours signifiaient à qui voulait l'entendre qu'ils n'étaient point résignés à tenir pour légitime l'intervention des souverains dans les élections épiscopales. Traitant des conciles provinciaux, le canon 1 prévoit leur tenue au moins une fois par an et édicté des peines sévères contre les évêques qui, sans raison valable, s'abstiendraient d'y prendre part. Il s'agit apparemment d'une simple question d'organisation et de discipline ecclésiales. Mais, en regrettant la rareté de ces réunions dans le passé, et surtout en précisant qu'un ordre du roi ne peut être considéré comme une cause d'empêchement — non débet spiritali opere etiam regalis preferre praeceptio — les rédacteurs laissent percer un reproche contre le pouvoir royal, accusé impli-

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citement de faire obstacle à la tenue des assemblées provinciales284. Enfin un troisième canon (can. 25 (24) ) condamne quiconque vole ou confisque des biens d'Église à la faveur des guerres que se livrent entre eux les souverains francs : le texte reflète au passage la réprobation que ces conflits fratricides, fauteurs de troubles285, soulèvent chez les évê- ques. Ces derniers vont encore plus loin : en proclamant que Dei poten- tia cunctorum regnorum terminos singularis dominatione concluait, ils refusent en fait toute valeur à la géographie politique des royaumes entre lesquels l'ambition humaine des souverains prétend fragmenter l'Église de Dieu. De facon voilée, — mais les allusions étaient bien transparentes — le concile rassemblé autour d'Eufronius laissait échapper son opposition aux prétentions du pouvoir royal à asservir l'Église à sa volonté.

Timidement amorcé à Tours, le mouvement de révolte s'amplifie à Paris. Le concile manifeste sa volonté d'en revenir à Yantiqua consuetu- do négligée ou bafouée depuis trop longtemps. Et ce n'est pas là le vœu pieux si souvent exprimé en séances conciliaires durant les dernières décennies et par lequel des évêques, détournant pudiquement les yeux des réalités présentes, se réfugient dans l'évocation nostalgique du passé. Les Pères parisiens dénoncent crûment la cause principale des maux dont souffre la chrétienté gauloise : l'immixtion du pouvoir politique dans la vie de l'Église. Ainsi en matière d'élection episcopale, ils ne se bornent pas à rappeler la législation ancienne : nul ne peut recevoir un évêché, s'il n'a été élu par le peuple et le clergé et intronisé par le métropolitain dont la volonté, en accord avec celle des autres évêques de la province, doit toujours prévaloir. Ils étalent au grand jour et condamnent les pratiques instaurées par la monarchie franque et tolérées par leurs prédécesseurs : au souverain est explicitement dénié le pouvoir qu'il s'est arrogé d'imposer le candidat de son choix; il n'est même plus question de lui reconnaître un droit d'approbation avant la consécration du nouvel élu, une concession apparemment plus limitée mais qui, par un subterfuge de mots, avait en fait légalisé tous les

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abus286. De même le canon 1, reprenant une des sentences du concile de Tours, réprouve les excès commis à la faveur des partages successoraux : chaque prince se croyant autorisé à faire main basse dans son domaine sur les biens appartenant à des Églises qui relèvent de l'autorité d'un autre souverain. Bien plus, aux temporibus discordiae, où les rivalités entre princes déchaînent les instincts les plus mauvais, l'assemblée parisienne, faisant plus ouvertement que celle de Tours la leçon aux rois francs, oppose l'époque du roi Clovis «de bienheureuse mémoire» dont la politique est donnée en exemple à ses successeurs287. Pour la première fois depuis longtemps des évêques osaient s'insurger ouvertement contre les princes de ce monde.

Au mouvement de révolte qui animait les Pères siégeant au troisième concile de Paris quelle fut la part personnelle prise par Eufronius? Il n'est sans doute pas indifférent de noter que, sur les quinze évêques présents, cinq avaient participé quelque temps auparavant au concile tourangeau et que la province de Tours avait envoyé, après celle de Rouen (5 représentants), la délégation la plus nombreuse (4 représentants)288. Ceci suffit à expliquer qu'un des canons élaborés dans la première de ces assemblées ait été repris et développé par la suivante. On ne saurait pour autant attribuer à Eufronius, dont la fermeté s'était toujours alliée à une prudente réserve, plus qu'un accord profond avec ses collègues et verser à son seul crédit l'initiative des résolutions les plus hardies. Les Pères parisiens ont probablement été portés par les sentiments presque unanimes qui, à la suite des désordres récents, étaient nés dans les milieux ecclésiastiques : l'impatience à supporter

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les interventions de plus en plus brutales et désordonnées du pouvoir royal; l'inquiétude angoissée que suscitaient «les guerres civiles qui épuisent la nation et le royaume des Francs»289, et dont Eufronius s'est fait l'écho dans la lettre à la province de Lyonnaise Troisième; la conviction que l'Église devait se désolidariser ouvertement d'un pouvoir civil dégénéré et discrédité ou du moins tenter de le réformer. Quelques années plus tard, Grégoire de Tours, relatant les conflits qui, après la mort de Caribert, opposèrent les rois francs, s'écriait à leur adresse : «Une seule chose vous fait défaut; n'ayant pas la paix, vous êtes privés de la grâce de Dieu»290. Il exprimait sans doute assez fidèlement le jugement porté par les évêques qui s'étaient retrouvés à Paris. Les souverains eux-mêmes paraissent avoir été alors quelque peu ébranlés par les reproches qui leur étaient adressés et convaincus, pour quelque temps, qu'il leur fallait écouter les avertissements et les conseils de l'épiscopat : «un conflit s'étant élevé entre le roi Gontran et Sigebert, le roi Gontran réunit à Paris tous les évêques de son royaume pour qu'ils décidassent qui d'entre eux avait raison»291. Quelque chose avait changé dans les rapports entre les rois francs et l'épiscopat gaulois et l'évê- que de Tours n'était pas entièrement étranger à cette évolution. Cependant lorsque se réunit le quatrième concile de Paris, dont la convocation semblait apporter une espérance de paix, Eufronius avait disparu depuis quelques mois.

Pasteur vigilant et actif dans le cadre de son diocèse, se gardant à l'extérieur d'éclats inutiles et de nature à compromettre son œuvre, mais répudiant toute compromission à l'égard du pouvoir royal, Eufronius avait réussi à ranimer la vie spirituelle de son Église et commencé à rendre au siège de Tours un peu de son prestige. À sa mort, il laissait une succession, difficile sans doute du point de vue politique, mais pleine de promesses pour la renaissance de la cité episcopale, et surtout un successeur capable de mener à bien la tâche qu'il avait commencé d'entreprendre : quelques années auparavant, en 563, son petit cousin, Georgius Florentius, gravement malade, était venu en pèlerinage au

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tombeau de l'apôtre; dans ce jeune diacre qui, après sa guérison, avait séjourné quelque temps auprès de lui, l'évêque avait discerné l'étoffe d'un prélat digne du siège de Martin et il l'avait recommandé au choix du roi Sigebert292. Son jugement, que n'aveuglait point la tentation du népotisme, ne l'avait pas trompé. Et ce n'est certes pas le moindre mérite d'Eufronius d'avoir œuvré à faire du clerc auvergnat Georgius Florentius l'évêque Grégoire de Tours.

Chapitre IV. Tours au temps de Grégoire

I - un évêque prédestiné à tours.

En septembre 573, Georgius Florentius Gregorius qui, le mois précédent, avait été désigné, avec l'assentiment du roi Sigebert, pour succéder à Eufronius sur le siège de Tours et qui avait reçu à Reims la consécration episcopale de la main de l'évêque Aegidius, faisait son entrée dans sa ville1. Le nouvel évêque, dont Yadventus est salué par les vœux chaleureux de son ami Fortunat2, apparaissait pour l'heure comme le candidat de l'Austrasie, imposé pour des raisons essentiellement politiques : le souverain avait choisi de placer, à la tête de l'Église d'une des cités les plus prestigieuses et les plus menacées de son royaume3, un prélat sur la fidélité duquel il pût compter. Le poète, fixé à Poitiers auprès du monastère Sainte-Croix, en bon courtisan qu'il demeurait, n'a point caché dans ses vers que Grégoire devait son élévation à la faveur de leurs communs protecteurs, Sigebert et son épouse Brune- haut, et, dans une certaine mesure, à l'estime que lui portait la reine

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moniale Radegonde4. L'intéressé, quant à lui, est toujours resté fort discret sur ce point : dans ses ouvrages, il évite soigneusement de préciser les circonstances de son accession à la charge episcopale5. Celle-ci s'était faite suivant une procédure trop peu conforme aux exigences des canons ecclésiastiques — contraire aux droits légitimes du clergé et du peuple de Tours6 et aux conceptions que son bénéficiaire lui-même se forgeait de la nécessaire indépendance de l'Église à l'égard du pouvoir politique7 — pour qu'il n'éprouvât pas un sentiment durable de gêne à ce sujet : nommé par le roi sans que les électeurs aient été apparemment consultés, consacré par le prélat d'une lointaine cité, hors de la présence des évêques de sa propre province, assez mal accueilli de ce fait par une partie du clergé — comme des remous à l'intérieur de l'Église tourangelle n'allaient pas tarder à le révéler — , l'évêque historien a toujours préféré garder le silence sur cette désignation irrégulière. Tout au plus tente-t-il de minimiser l'affaire, lorsqu'il se fait l'avocat de l'évêque Avitus, promu deux ans plus tôt dans des conditions analogues au siège de Clermont ; ne songe-t-il pas en effet surtout à lui-même lorsqu'il écrit de ce dernier: «Le roi qui l'affectionnait avait pour lui tant d'égards qu'outrepassant légèrement la rigueur des canons, il le fit consacrer en sa présence en disant : ' Je désire recevoir de sa main les

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eulogies'. Ce fut par cette faveur royale qu'Avitus fut consacré dans la ville de Metz»8. Mais le zèle déployé ensuite à la tête de son Église était la meilleure réponse que Grégoire pût apporter aux critiques malveillantes. Car si des circonstances, dont il n'était point personnellement responsable, avaient entaché de quelque irrégularité «l'élection» du nouvel évêque, le choix dicté par Sigebert n'en était pas moins excellent pour la communauté de Tours. Ses attaches familiales et sociales, sa formation intellectuelle et religieuse, ses qualités personnelles recommandaient tout spécialement Grégoire et, du point de vue de ce dernier, le prédestinaient même, pour occuper le siège de Martin.

Par sa naissance, Grégoire appartenait à la fine fleur de l'aristocratie sénatoriale gauloise, à cette élite dont les membres, depuis plus d'un siècle, mettaient souvent leur richesse, leur culture et leur sens des responsabilités publiques au service de l'Église. L'historien dans ses divers ouvrages évoque fréquemment, et non sans orgueil, ses ancêtres les plus illustres. Ceux-ci ne manquaient pas dans la lignée paternelle de l'écrivain. De son père Florentius9 et de son grand-père Georgius10 — dont il avait reçu les noms en naissant — , Grégoire tenait le titre prestigieux de sénateur ainsi qu'une solide fortune foncière en Auvergne11. Certes, la position sociale de la famille qui occupait le tout premier rang dans la cité arverne12, ainsi que sa puissance économique avaient subi quelque atteinte au début du siècle, lorsque, à la suite d'une ou de plusieurs tentatives de rébellion contre la domination du roi franc Thierry Ier (511-533 ou 534), une violente répression s'était abattue sur l'Auvergne et particulièrement sur sa noblesse13. Les domaines légués

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par Georgius à ses deux fils, Gallus et Florentius 14, furent alors dévastés et mis au pillage par la soldatesque barbare15. Mais l'aîné, Gallus, entré dans les ordres dès sa prime jeunesse, bénéficia bientôt de la protection du souverain qui l'attacha d'abord à sa personne puis consentit, à la demande des électeurs, à son élévation au siège de Clermont 16. Son cadet, Florentius, eut encore à pâtir, à l'époque de Theudebert Ier, successeur de Thierry (533 ou 534 - 547 ou 548), de la défiance persistante de l'occupant franc à l'égard des familles les plus en vue de l'Auvergne : il fut déporté comme otage, peu après son mariage17; mais rendu aux siens après un temps d'exil qui paraît avoir été assez bref, il sut remettre en état les propriétés familiales, notamment celles de Lima- gne que Grégoire enfant connut en plein rendement18. Par sa

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grand'mère du côté paternel, Leocadia19, l'épouse de Georgius, le nouvel évêque de Tours, pouvait se réclamer d'une ascendance non moins illustre par la noblesse et par la foi. Leocadia et son frère Impetratus20, prêtre de Clermont, étaient, selon l'écrivain, les lointains descendants de ce Vettius Epagathus qui avait souffert le martyre lors de la persécution de l'Église lyonnaise en 17721; et, dans un temps plus proche, ils descendaient du sénateur de Bourges Leocadius qui avait donné sa propre maison pour les réunions de la première communauté chrétienne de la cité22 et avait eu pour fils Lusor, mort en odeur de sainteté23. Bref, de ces ancêtres paternels Grégoire pouvait déclarer avec une légitime fierté qu'ils étaient de primoribus senatoribus. . . ut in Galliis nihil inveniatur esse generosius atque nobilius24.

Du côté de la mère de Grégoire, Armentaria, la noblesse et l'illustration de la race n'étaient pas moindres25. La grand'mère maternelle de l'historien26 était nièce de l'évêque Sacerdos de Lyon (t en 552) 27 et fille du sénateur genevois Florentinus28. Ce dernier, pressé par le roi burgonde d'accepter, lors d'une vacance, le siège episcopal de Genève, avait décliné cette offre à la requête de son épouse Artemia29, afin de se consacrer à l'éducation de ses enfants et notamment à celle de ses deux fils. L'aîné Gundulfus30, demeuré dans le siècle, devait parvenir aux

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alentours de 581-583 à de hautes fonctions administratives en Austra- sie, sous le règne de Childebert II; le cadet Nicetius (Nizier)31, entré tout jeune au service de l'Église, était devenu prêtre à 30 ans, avant de succéder en 552, sur le siège de Lyon, à son oncle Sacerdos, qui, à son lit de mort, l'avait recommandé au choix du roi Childebert Ier32. Quant au grand-père maternel de Grégoire33, il appartenait à une maison où l'on comptait aussi de nombreux prélats. Sa famille, sans doute apparentée à celle d'Eufronius d'Autun, avait en effet donné successivement deux évêques à la cité de Langres, Grégoire (506/7 - 539/40) 34 — dont le nom fut peut-être adopté par l'historien, son arrière petit-fils, lors de sa consécration episcopale35 — et le fils de ce dernier, Tetricus (539/40 - 572/73) 36; et elle avait manqué de peu de lui en donner un troisième en

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la personne de Silvester, l'un de leurs parents37. C'est également de cette lignée que Tours, après de nombreux prélats plus ou moins étroitement apparentés aux ancêtres de l'écrivain38, avait reçu son dernier évêque en date, Eufronius39, l'un des petits-fils de Grégoire de Langres et le cousin germain d'Armentaria, la mère de Grégoire de Tours. Celle- ci était donc l'héritière d'une double lignée illustre qui lui avait laissé, outre son rang social, les domaines qu'elle possédait en Bourgogne, notamment dans la région de Chalon40. Noblesse, renom, fortune, voilà ce que la longue suite de ses ancêtres léguait à Grégoire et qui promettait dès sa jeunesse au fils de Florentius et d'Armentaria les espoirs

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d'un brillant avenir avec, dans l'aristocratie gauloise, l'appui de parents influents et de puissantes relations et, à la cour, la protection des souverains francs qui, à plusieurs reprises et notamment en Austrasie, avaient déjà accordé leur confiance à des représentants de sa famille41.

Appartenant à une famille qui comptait six évêques au moins, plusieurs confesseurs et un martyr, ayant entendu depuis sa plus tendre enfance célébrer les mérites qui valurent à ces saints personnages de faire des miracles ou d'en être l'objet, comment le jeune Georgius Flo- rentius ne se serait-il pas senti très tôt irrésistiblement appelé par la vocation religieuse et tout naturellement destiné à une carrière ecclésiastique?42. L'enfant, qui était né vers 538 43, avait passé ses premières

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années entre un père et une mère également animés d'une pieuse ferveur, ne quittant l'Auvergne que pour rendre visite à son grand-oncle maternel, le prêtre Nizier44. Son père évoquait pour lui les temps héroïques des persécutions, au cours desquels ses lointains ancêtres s'étaient illustrés, et lui faisait partager sa confiance dans le patronage des saints et dans la vertu de leurs reliques qui ne le quittaient jamais45. N'avait-il pas été lui-même dans sa jeunesse miraculeusement guéri d'une fièvre tierce par le saint ascète arverne Martius?46. Mais sa dévotion allait tout particulièrement à saint Julien. Chaque année, il conduisait sa famille en pèlerinage à Brioude; lors de l'une de ces visites, Pierre, le frère de Grégoire, avait été, au tombeau du martyr, rendu à la santé47; l'année suivante, ce fut au tour de Georgius Florentius d'être

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guéri de violents maux de tête, grâce à l'eau de la fontaine auprès de laquelle Julien avait été décapité48. À sept ans, alors qu'il commençait seulement à ânonner ses lettres, Georgius Florentius était tellement enfiévré par ces récits que, lorsque son père tomba malade, il se crut visité en songe par un ange; le remède prescrit par l'envoyé céleste fut, avec l'approbation d'Armentaria, administré avec succès au malade49. Deux ans plus tard, une rechute de Florentius fut à nouveau conjurée de la même façon50. Mais peu de temps après, le mal qui le minait emportait Florentius. C'est ainsi que Grégoire se retrouva orphelin de père aux alentours de sa dizième année51. Il demeura quelque temps encore auprès de sa mère52 dont l'influence, déjà vive, ne devait jamais cesser de s'exercer sur lui. Armentaria, qu'il chérissait avec tendresse, était en effet dotée d'une forte personnalité. Elle avait été élevée, seni- ble-t-il, au moins en partie, par son grand-père Grégoire de Langres, pour lequel elle conservait et faisait partager une profonde vénération. Auprès de lui, elle avait acquis une foi inébranlable dans les secours que la divine Providence prodigue par l'intermédiaire des martyrs et des confesseurs53. De cette enfance, elle conservait un culte spécial pour Bénigne de Dijon dont elle invoqua la protection contre la peste54 et pour Silvestre de Chalon dont elle possédait une relique55. Elle hono-

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rait aussi le martyr Polycarpe56 et plus encore le bienheureux Eusèbe de Verceil dont elle avait déposé des brandea dans l'oratoire de sa maison57. Mais Grégoire de Langres, qui était lui-même un fin lettré58, avait aussi communiqué à sa petite-fille sinon sa culture étendue, du moins un certain goût pour les choses de l'esprit, comme en témoigne l'intérêt que celle-ci prit plus tard à l'œuvre littéraire de son fils59. Enfin Armentaria ne manquait pas de caractère : après son veuvage, loin de se complaire dans sa douleur ou de chercher consolation dans le repliement d'une vie confite en dévotion, elle prit avec énergie la direction des exploitations familiales60 et se préoccupa de l'éducation de ses enfants. Elle se chargea probablement de celle de sa fille; mais elle comprit que ses deux fils avaient besoin d'une formation qu'elle ne pouvait seule leur assurer. Elle plaça l'aîné, Pierre, sous la tutelle de son grand-oncle Tetricus de Langres qui en fit bientôt un diacre de son Église61. C'est au contraire dans la famille de son époux qu'elle trouva pour Georgius Florentius un protecteur. Le jeune garçon fut confié par sa mère, qui avait décidé de se retirer à Chalon, à l'évêque de Clermont, Gallus62.

Les quelques années au cours desquelles il vécut dans la maison de son oncle furent importantes pour Grégoire. Comme jadis son père, Gallus lui parlait des saints du pays arverne, des confesseurs Illidius63 et Quintianus64 qui l'avaient précédé sur le siège de Clermont et surtout du martyr Julien qui l'avait miraculeusement guéri dans sa jeunesse65

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et en l'honneur duquel, lorsqu'une épidémie de peste menaça l'Auvergne, il institua pour sa communauté un pèlerinage annuel66. Tout en développant sa sensibilité religieuse, cette période apportait au jeune garçon une première formation de l'esprit. Gallus avait confié l'éducation de son neveu à l'archidiacre Avitus. De nombreuses années plus tard, alors que ce dernier était devenu à son tour évêque de Clermont67, Grégoire, qui avait conservé d'étroites relations avec lui, évoquait la dette de reconnaissance qu'il avait contractée envers ce maître : il lui devait, déclarait-il, l'initiation aux vérités de la foi ainsi que la connaissance approfondie des Saintes Écritures. Mais, on le devine au travers de ses protestations d'humilité, l'historien lui était redevable de bien plus encore, que la modestie lui interdisait de dire : Avitus avait su faire fructifier les dons naturels de son élève, donnant l'éveil à sa curiosité intellectuelle, lui inculquant, pour satisfaire celle-ci, le goût de la lecture, formant son jugement68; c'est encore lui qui, dès cette époque, ou un peu plus tard, contribua, avec Armentaria, à susciter chez Grégoire la vocation de l'écrivain69. Enfin, au cours des années passées aux côtés de Gallus, se décida la carrière ecclésiastique du futur évêque de Tours. Tombé gravement malade70, l'adolescent s'était fait transporter au tombeau de saint Illidius. Et là, il fit vœu d'entrer dans les ordres, si l'intercession du confesseur lui procurait la guérison71. Sa santé s'étant rétablie à la suite de cette visite, il est probable qu'il ne tarda pas à exécuter sa promesse et que Gallus put compter son neveu au nombre des membres de son clergé. Mais peu de temps après, en 551, cet oncle, qui avait

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joué le rôle d'un second père pour le jeune orphelin, disparaissait à son tour72.

Dès lors, il devient plus difficile de suivre les étapes de la carrière et de l'existence de Grégoire jusqu'à son élévation à l'épiscopat en 573. Les seules indications un peu précises que nous livre l'écrivain pour cette période se résument à ceci : en 563, lorsqu'il fait son premier voyage à Tours avant de se rendre en visite auprès de son mère en Bourgogne, Georgius Florentius est diacre73; c'est également en cette qualité qu'il prend place à Lyon — avant ou après cette date, on ne sait — à la table de son grand-oncle Nizier74. Ces quelques repères chronologiques ou géographiques ne permettent guère de reconstituer le cursus du jeune clerc ni l'itinéraire de ses déplacements. On peut évidemment supposer qu'entré dans les ordres avant 551, alors qu'il n'avait pas encore 13 ans, Grégoire fut d'abord admis parmi les lecteurs, qu'il devint ensuite sous-diacre avant de revêtir en 563, précisément à l'âge de 25 ans requis par la législation canonique, le diaconat75. Cependant les infractions aux règles concernant les échelons successifs de la carrière ecclésiastique et l'âge d'admission aux différents ordres sont trop fréquentes dans l'Église des Gaules à cette époque, pour que l'on puisse accorder à ce schéma plus que la valeur d'une simple hypothèse. Il apparaît encore plus malaisé de déterminer quel fut pendant ces années obscures le point d'attache76 d'un clerc qui jouit apparemment d'une grande liberté de mouvements : on le trouve tantôt dans le diocèse arverne, tantôt à Lyon, lorsqu'il n'entreprend pas des voyages qui le

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conduisent à Tours et à Chalon. Georgius Florentius est-il demeuré après 551 membre du clergé arverne? Quelques indices suggèrent que son séjour dans le diocèse de Clermont s'est prolongé — peut-être avec des interruptions — au-delà de la mort de Gallus : le rôle important que joua Avitus dans son éducation laisse deviner que l'archidiacre dispensa ses leçons pendant une période plus longue que les brèves années au cours desquelles Grégoire partagea la vie de son oncle paternel77. D'autre part, il n'est pas impossible que le jeune clerc ait été appelé à desservir quelque temps la basilique de Brioude; l'hypothèse se fonde sur le titre a' alumnus. . . beati martyris Juliani que revendique pour lui- même Grégoire et que lui décerne également son ami Fortunat78. Il n'est pas douteux cependant que le jeune diacre se soit ensuite installé — provisoirement ou plus définitivement, on ne saurait le dire — auprès de son grand-oncle Nicetius, promu depuis septembre 552 au siège episcopal de Lyon. La conduite scandaleuse du nouvel évêque de Clermont79, Cautinus, les ressentiments personnels que celui-ci pouvait nourrir contre les descendants de Grégoire de Langres80, voici probablement ce qui incita le diacre Florentius à rechercher un nouveau protecteur. Si les conditions de son installation à Lyon, la durée du séjour qu'il y fit échappent à l'enquête, il est clair en revanche que cette période lyonnaise marqua une étape nouvelle et sans aucun doute décisive. En premier lieu, elle donna à Grégoire les moyens de parachever, autant qu'il était possible, sa formation intellectuelle. En ce domaine, Nizier pouvait apporter beaucoup à son petit-neveu. À la science que lui donnait une culture étendue81, il joignait en effet les dons innés et l'ex-

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périence du pédagogue. Alors qu'il n'était encore qu'un simple prêtre, il donnait déjà une partie de son temps à l'enseignement des enfants de son entourage82. Une fois promu au siège episcopal de Lyon, il se préoccupa de l'instruction des jeunes clercs qui lui étaient confiés et forma ainsi plus d'un futur évêque83. Venant s'ajouter à celles d'Avitus, les leçons de Nizier furent assez profitables pour que Grégoire pût ensuite poursuivre seul ses lectures et développer une réflexion personnelle. Ces longues années obscures et apparemment peu remplies qui précèdent son accession à l'épiscopat ont été, on le devine, consacrées presqu'entièrement à l'étude. Elles ont donné l'occasion au diacre, qui disposait encore de loisirs, de se doter des outils intellectuels qui lui permettront, le moment venu, de mener de front les activités très accaparantes de sa charge episcopale et la rédaction de son œuvre d'écrivain. On a souvent, et non sans raison, mis en évidence les lacunes et les imperfections de la formation de Grégoire84. Celui-ci, tout le premier, était bien conscient de ses insuffisances : à maintes reprises, il prie ses lecteurs d'excuser — et ce n'est point là seulement feinte modestie d'auteur — la rusticité de son langage, s'accusant d'enfreindre par ignorance les règles les plus élémentaires de la grammaire et les préceptes savants de la rhétorique, avouant son inculture en matière de littérature profane85. Il est bien vrai que le latin de Grégoire, au jugement de la philologie classique, est fort incorrect; mais le latin mérovingien est une langue vivante qui obéit à ses propres lois et l'emploi qu'en fait l'écrivain est, sans aucun doute, littéraire et se distingue nettement, — lui-même en convient — du parler populaire contemporain86. Il est vrai aussi que son discours manque souvent de rigueur

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dans les longs développements, au point qu'il en devient parfois peu clair87; mais quel conteur alerte et savoureux lorsqu'il se laisse porter par sa verve naturelle! Vrai enfin que sa culture est toujours demeurée assez limitée : sa connaissance des auteurs classiques se résume aux réminiscences de quelque anthologie scolaire et, s'il est nourri de la lecture des Saintes Écritures, sa fréquentation des auteurs chrétiens apparaît fort inégale suivant les domaines : sa science théologique est très rudimentaire; Grégoire a lu des Vies de saints et quelques poètes; mais les auteurs chrétiens qui lui sont le plus familiers — et c'est là un trait original de sa formation — sont les historiens88. Si les récits entendus dans son enfance et ensuite la littérature hagiographique ont accru sa propension à la crédulité, entretenu chez lui une foi naïve qui le porte à admettre sans discussion l'intervention constante du surnaturel, en revanche les leçons de l'histoire lui ont donné — ce qui n'est pas incompatible dans cette personnalité complexe — un sens très concret des réalités, ont aiguisé son esprit critique, ouvert à son intelligence les vastes horizons du temps et de l'espace et formé son jugement politique, toutes choses qui serviront l'évêque autant que l'écrivain. En définitive, malgré ses défauts et ses limites, cette formation a fait de Grégoire non seulement un chrétien doté de quelque culture, mais plus encore — et c'est là l'essentiel — un intellectuel chrétien, conscient des obligations que lui crée la double tradition dont il est héritier. Aussi n'a-t-il pas entrepris au lendemain de sa consécration — cette simultanéité n'est pas fortuite — une carrière d'écrivain qu'il aurait menée parallèlement à sa carrière episcopale et indépendamment de celle-ci. Tout au contraire, il a conçu comme relevant de sa mission d'évêqiie le devoir de porter témoignage aussi par l'écrit89.

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L'influence de Nizier a été déterminante également d'un autre point de vue. C'est très probablement en effet l'évêque de Lyon qui incita Grégoire à entreprendre en 563 le pèlerinage de Tours. Non que ce dernier n'eût jamais entendu jusqu'alors prononcer par les siens le nom de Martin90; mais sa dévotion personnelle l'attachait plus spécialement depuis son enfance à Julien. Lorsque le jeune homme tomba très gravement malade, au point que l'on désespéra de le sauver, Nizier put lui communiquer sa propre confiance dans la virtus du thaumaturge de Tours : n'avait-il pas, victime tout jeune du même mal que son petit- neveu, été miraculeusement sauvé par l'intercession du saint?91. Grégoire entreprit le voyage de Tours et, recouvrant la santé au tombeau de Martin, il considéra dès lors ce dernier comme son patron céleste attitré92. Ce premier séjour en Touraine, dont il est impossible d'apprécier la durée, mais qui lui permit d'être le témoin d'autres miracles93, renforça sa dévotion pour Martin qu'il apprit à mieux connaître et éveilla son intérêt pour la cité qui avait eu l'insigne bonheur d'avoir le confesseur pour évêque. D'un autre côté, Eufronius, qui présidait depuis 556 aux destinées de l'Église tourangelle, eut ainsi l'occasion d'apprécier les qualités de son jeune cousin. On peut tenir pour vraisemblable que le diacre lui apparut alors comme son successeur tout désigné et qu'une intervention ultérieure d'Eufronius auprès de Sigebert ne fut pas étrangère au choix du souverain lorsque se produisit la vacance du siège.

Ses origines familiales, comme son propre passé, ne pouvaient qu'engager Grégoire à considérer que le siège de Tours, s'il lui avait été octroyé grâce à la faveur du roi Sigebert — les voies de la Providence sont souvent mystérieuses — lui revenait en fait de droit. Au clan hostile des clercs tourangeaux qui reprochaient au nouvel évêque d'être un Auvergnat, un étranger à la cité, il répondait: «à l'exception de cinq évêques, tous ceux qui ont exercé l'épiscopat à Tours ont eu des atta-

264 L'HISTOIRE DE LA CITÉ EPISCOPALE DE TOURS

ches avec la famille de mes parents»94. Il faisait ainsi référence à sa parenté avec son prédécesseur immédiat et aux liens unissant leurs communs ascendants aux prélats tourangeaux du Ve siècle — tels Eus- tochius, Perpetuus et Volusianus — ou de la première moitié du VIe siècle, comme Ommatius, tous membres d'une famille alliée aux Ruri- cii95. En fondant ainsi sa légitimité sur une certaine forme d'hérédité, Grégoire ne songeait évidemment pas à justifier la pratique — qu'il jugeait scandaleuse96 — du népotisme. À ses yeux, si le siège de Tours constituait bien un héritage dévolu à une lignée, c'était en vertu des mérites de celle-ci et non en application d'un simple droit de succession. Par la consanguinité ou les alliances s'était transmise jusqu'à lui une tradition familiale, presqu'une sorte de charisme qui le désignait, l'habilitait, après plusieurs de ses ancêtres, pour le gouvernement de l'Église tourangelle. Bien plus, de son point de vue, cette sorte de prédestination au siège de Tours jouait plus particulièrement en sa faveur parce qu'il s'agissait du siège de Martin. La dévotion au confesseur, même si elle était venue assez tardivement à Grégoire, constituait en effet elle aussi une tradition de sa famille. Au nombre des saints vénérés par ses ancêtres, Martin était sans aucun doute celui envers lequel s'était manifestée le plus anciennement et avec le plus de constance, surtout du côté maternel, la ferveur des siens97. D'Euphronius d'Autun, au milieu du Ve siècle98, jusqu'à Eufronius de Tours, d'Artemia à Armentaria la Jeune, en passant par Nizier de Lyon99, elle s'était communiquée de génération en génération pour parvenir jusqu'à Grégoire. À cette confiance avait toujours répondu la protection accordée par le saint thaumaturge qui, en dernier lieu, en rendant la vie au diacre moribond venu à son tombeau, avait en quelque sorte voué celui-ci à son service.

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II - Une difficile conjoncture politique

S'il n'avait eu l'intime conviction d'accomplir le dessein de la Providence, si sa confiance en la puissance de son saint patron eût été moindre, Grégoire n'aurait sans doute pas trouvé la force et le courage de surmonter les obstacles dressés sur sa route et de mener à bien, pour Tours, la mission qui lui était dévolue. Durant une bonne partie de son règne, qui devait durer au total un peu plus de 21 ans, la cité à laquelle sa consécration le préposait a douloureusement souffert des affrontements entre souverains francs, dont les interventions brutales n'ont pas épargné la personne ni le pouvoir de l'évêque. Longuement disputée entre les princes rivaux, successivement rattachée, au gré des coups de force ou des arrangements diplomatiques, à chacun des trois royaumes mérovingiens, Tours a subi à chaque renversement de situation la dure loi du vainqueur qui l'occupait et la surveillait étroitement, avant qu'enfin, une certaine stabilité politique s'étant instaurée, ne lui soit rendu un peu de paix et de liberté. Au cours de ces longues et difficiles années, l'évêque, souvent suspect aux maîtres de l'heure, menacé d'être pris dans la toile que tissaient les intrigues partisanes et les rancunes locales, a dû lutter pour faire reconnaître son autorité dans son propre diocèse comme dans la province ecclésiastique et pour s'affirmer dans le rôle qu'il entendait jouer à Tours en qualité de successeur de Martin.

1) Une cité longuement disputée entre les souverains francs

Les maux dont souffre Tours en ce dernier quart du VIe siècle trouvent leur origine principale dans les malencontreuses dispositions prises à la mort du roi Caribert, en 567 10°. Lors du partage de son royaume entre ses trois frères, la civitas Turonorum avait constitué, avec la cité voisine de Poitiers, — on s'en souvient — un lot de terres dévolu à Sigebert. Dans la province ecclésiastique de Lyonnaise Troisième, dont le destin politique se trouvait une nouvelle fois dissocié de celui de la métropole, Chilpéric s'était taillé la part du lion avec les cités du Mans, d'Angers, et de Rennes, tandis que Gontran devait se contenter plus modestement de Nantes. Le domaine poitevin et touran-

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geau acquis par Sigebert, situé bien loin des régions qui constituaient le cœur de l'Austrasie, cerné de tous côtés par les possessions de ses deux frères, était une proie tentante pour ces derniers. On l'avait bien vu lorsque Chilpéric, au mépris de l'accord qu'il venait de conclure, avait essayé une première fois, du vivant de l'évêque Eufronius, de s'emparer de Tours ainsi que de Poitiers. L'intervention de Gontran avait alors voué l'entreprise à l'échec et garanti ensuite aux Tourangeaux quelques années plus paisibles sous l'autorité de Sigebert101. Mais, avec l'épisco- pat de Grégoire, commence à nouveau pour Tours une période troublée où la cité n'allait pas connaître, en l'espace d'une douzaine d'années, moins de cinq changements de domination.

Grégoire était installé depuis quelques semaines à peine sur le siège dont Sigebert avait disposé en sa faveur, lorsque Tours fut brutalement envahie par les troupes de Chilpéric qui mettait à profit une conjoncture politique plus favorable à ses desseins. En effet, quelque temps auparavant, la bonne entente régnant entre Sigebert et Gontran avait commencé à se détériorer et un concile, réuni à Paris en septembre 573 par Gontran, loin de régler le différend, contribuait à l'envenimer102. Chilpéric, certain que, cette fois-ci, Gontran n'interviendrait pas en faveur de Sigebert, fit occuper Tours et Poitiers dès la fin de 573 par son fils aîné, Théodebert103. Cependant le roi de Soissons ne profita pas

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longtemps de sa conquête; grâce à l'effet de surprise, il avait pu écraser près de Poitiers l'armée austrasienne104; mais dans les mois qui suivirent, Sigebert prépara, avec des renforts venus d'outre-Rhin, une puissante contre-attaque; Gontran, bien qu'il eût signé un accord d'assistance mutuelle avec Chilpéric, se dérobait bientôt à ses engagements. Dans ces conditions, Chilpéric préféra, plutôt que de tenter un combat incertain, demander la paix105: il rendit les territoires conquis. Tours, délivrée après quelques mois d'occupation, fut replacée dans le courant de l'année 574 sous l'autorité de Sigebert106.

Pour les Tourangeaux le répit fut bref. Car Chilpéric, ayant gagné à nouveau l'alliance de Gontran, reprit dès le début de 575 les hostilités contre l'Austrasie. Sigebert, rassemblant toutes ses forces pour faire face à ce nouvel assaut107, leva en Touraine, malgré la résistance des habitants, une armée avec laquelle les ducs Gontran Boson et Godegisè- le devaient mener les opérations en Aquitaine contre le prince Théode- bert, le fils de Chilpéric 108. Dans la bataille, ce prince fut écrasé et perdit la vie109. Tandis que le roi Gontran se réfugiait à nouveau dans la neutralité110, Sigebert, à la tête d'une autre armée, envahissait le royaume de Chilpéric et s'y faisait proclamer roi, à Vitry-en-Artois111. Au moment où, assiégé dans Tournai, il semblait près de succomber, Chilpéric réussit à triompher du péril extrême où sa folle ambition l'avait mené, en faisait assassiner son frère Sigebert dans les premiers jours de décembre 575 112.

Le renversement de la situation fut aussi total qu'inattendu. Son autorité rétablie dans son propre royaume, Chilpéric commença à faire main basse sur tous les territoires qui étaient venus à Sigebert de l'héritage de Caribert : Tours fut l'une des premières cités occupées; dès le début de janvier 576, le duc Roccolène en prenait possession au nom du roi de Soissons113. À cette brutale domination, il restait aux Touran-

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geaux bien peu d'espoir d'échapper. Ils ne pouvaient attendre aucun secours du fils de Sigebert, Childebert, un enfant qui avait à peine cinq ans lors de l'assassinat de son père; sauvé d'une mort certaine grâce à l'initiative du duc Gondovald qui le conduisit secrètement en Austrasie et solennellement proclamé roi le jour de Noël 576, il était privé de la tutelle de sa mère, la reine Brunehaut, retenue prisonnière à Rouen, et se trouvait dans l'incapacité, pour de longues années encore, de manifester une volonté politique114. Les Tourangeaux avaient placé leur dernier espoir dans une intervention du roi Gontran. Contre Chilpéric qui, poursuivant son programme d'annexions, faisait occuper Poitiers115 et Saintes116, le roi de Bourgogne envoya effectivement son meilleur général, Mummolus. Mais la victoire remportée par ce dernier près de Limoges, bien que fort coûteuse, ne fut pas décisive117 et Gontran renonça à livrer d'autres combats. Cependant, ces diverses opérations avaient retenu le gros des forces de Chilpéric loin de Tours ; le duc Roc- colène, après un bref séjour dans la cité, était reparti pour Poitiers le lendemain de la fête de l'Epiphanie118; l'un des fils de Chilpéric, Mérovée, vint ensuite célébrer à Tours, avec son armée, les fêtes de Pâques; mais il ne demeura qu'une semaine119; peu après, le prince Clovis, son frère, traversait la Touraine, mais sans s'y attarder, car il était pressé d'aller s'emparer de la ville de Saintes120. L'ultime répit accordé aux Tourangeaux s'acheva avec l'année 576 121. Au début de 577, une troupe

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d'occupation, envoyée par Chilpéric, s'installait à Tours122 qui allait demeurer sous la domination tyrannique du roi de Soissons jusqu'à sa mort, en 584.

En effet pendant ces huit années, rien ne parvint à inquiéter ce dernier : ni le retour de Brunehaut dans une Austasie où Chilpéric avait commencé à nouer des intelligences avec un parti de grands123; ni même l'accord conclu entre Gontran et Childebert II lors de l'entrevue de Pompierre en 577 : l'oncle demeuré sans enfant adoptait son neveu, le proclamant son héritier et le prenant sous sa protection124; mais ce pacte scellé avec tant de solennité restait sans effet pratique : Gontran envoya une ambassade à Chilpéric pour exiger de celui-ci la restitution de Tours et des autres cités enlevées à Childebert, en se bornant à assortir cette réclamation de menaces verbales qu'il n'avait pas l'intention de mettre à exécution125. Plus le temps passait, plus il devenait d'ailleurs difficile pour Gontran de se mesurer avec un frère dont la puissance en Gaule ne cessait de croître: en 581, une révolution de palais portait au pouvoir en Austrasie les partisans de Chilpéric qui, à son tour, adoptait son neveu Childebert126. Fort de cette alliance, Chilpéric osa s'emparer des cités que Gontran avait obtenues aux termes du partage de 567, entre autres celle de Nantes : dès lors, l'ancien royaume de Caribert dans sa totalité se trouva rattaché au royaume de Soissons127. Bien plus, en 583, Chilpéric s'en prenait à l'état du roi de Bourgogne : avec des contingents levés notamment en Touraine, en Anjou et en pays nantais, il lançait une attaque contre le Berry128 et livrait une

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rude bataille contre son frère près de Melun. Il est vrai que Chilpéric ne sortit pas vainqueur de cette dernière rencontre et dut accepter de faire la paix129. Cependant le roi de Soissons, qui n'avait rien cédé, demeurait le maître incontesté d'un immense domaine, lorsque le poignard d'un inconnu mit brutalement fin à ses jours à l'automne 584 13°.

Délivrés du tyran qui les avait, en violation de la foi jurée, soumis par la force à sa domination, les Tourangeaux, comme les Poitevins, pensaient que leur cité allait tout naturellement être rendue à celui qu'ils considéraient comme leur légitime souverain, le roi d'Austrasie Childebert IL Mais tels n'étaient pas les projets de Gontran qui, se trouvant désormais le seul prince mérovingien dans la force de l'âge, était en mesure de jouer le rôle d'arbitre entre ses deux jeunes neveux; se considérant comme le dépositaire de l'ensemble du regnum Francorum, il entendait tirer un profit personnel d'une conjoncture qui le mettait en position de force. Dans le royaume de Soissons, Chilpéric, dont les trois fils aînés avaient péri avant lui de mort violente131, laissait pour unique héritier Clotaire, l'enfant de quatre mois que venait de lui donner Frédégonde. En Austrasie, Childebert, un adolescent de quatorze ans, restait prisonnier de factions qui continuaient sourdement à s'en- tre-déchirer132. Dans l'immédiat cependant, une certaine union se manifestait dans les milieux dirigeants austrasiens en vue d'exploiter le décès de Chilpéric et la faiblesse de sa veuve. À ces visées, Gontran fit obstacle en prenant Frédégonde et son fils sous sa protection, s'insti- tuant en quelque sorte régent du royaume de Soissons133. D'autre part, il songeait à ses propres intérêts, estimant qu'il n'avait aucune raison de ménager les Austrasiens qui avaient naguère abandonné son alliance pour celle de Chilpéric. Aussi, quand une ambassade mandée par Childebert vint à Paris le solliciter de tenir les engagements pris jadis à l'égard de son neveu134, il opposa à cette requête une fin de non-rece-

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voir catégorique : Childebert n'avait plus aucun droit de revendiquer les cités échues en partage à son père après la mort de Caribert et parmi celles-ci Tours; le pacte signé en 567 était caduc, puisque tour à tour, Sigebert et Chilpéric en avaient violé les clauses — ce dont un jugement de Dieu les avait punis en les frappant tous deux d'une mort violente135. Après ces déclarations solennelles, destinées à établir son bon droit, Gontran dévoila ses ambitions : «Je soumettrai à ma domination tout le royaume de Caribert ainsi que ses trésors»136. En conséquence, dès le mois de décembre 584,, des comtes furent chargés par le roi de Bourgogne d'aller prendre possession des cités qui avaient jadis appartenu à Caribert et d'y recevoir les serments d'allégeance des populations137. À l'annonce de cette décision les concernant, les habitants de Tours proclamèrent leur intention de ne pas faire obédience au roi de Bourgogne. Une petite démonstration de force organisée par ce dernier — quelques contingents levés dans le Berry voisin vinrent ravager et incendier le Sud de la Touraine — suffit à refroidir leur ardeur138. Aussi lorsqu'un émissaire de Childebert II vint les inciter à se révolter contre Gontran, les Tourangeaux, sans les écouter, suivirent les conseils de sagesse que leur prodiguait l'évêque Grégoire139: ils firent leur soumission au roi de Bourgogne. Bien plus, mobilisés à leur tour aux côtés des Berrichons, ils durent participer aux opérations de répression menées contre la cité de Poitiers où s'était manifestée une résistance plus vigoureuse 140.

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Après l'espoir et la colère, la résignation commençait à l'emporter dans la communauté tourangelle : une seconde ambassade de Childe- bert II auprès de Gontran, trop puissant pour que l'Austrasie pût engager avec lui un conflit armé, était éconduite à l'extrême fin de l'année 584 comme l'avait été la première141. Quant à un soulèvement local, il serait sûrement voué à l'échec, comme le démontrait au début de l'année suivante, à Poitiers, une nouvelle tentative de révolte, immédiatement noyée dans le sang142. Mais alors que le découragement s'installait, parvenait jusque sur les bords de la Loire l'écho d'événements dont l'Aquitaine méridionale était le théâtre et qui paraissaient susceptibles de modifier l'équilibre des forces politiques dans la Gaule franque. Un prétendant au trône qui se disait fils de Clotaire Ier, Gondovald, ayant rassemblé derrière lui un fort parti de mécontents et de transfuges de tous bords, avait entrepris, après avoir été élevé sur le pavoi à Brive, de s'emparer des principales villes du Sud-Ouest ; les unes après les autres, Angoulême, Périgueux, Toulouse, Bordeaux lui ouvraient leurs portes143. «Dans les cités qui avaient appartenu au roi Sigebert, il recueillait les serments de fidélité au nom du roi Childebert; mais dans les autres qui avaient appartenu soit à Gontran, soit à Chilpéric, c'est en son nom qu'étaient prêtés les serments de fidélité»144. Il était donc bien clair qu'une entente complice liait à l'aventurier les milieux dirigeants d'Austrasie, unis dans la volonté de faire plier Gontran. Fort de cet appui, Gondovald semblait en passe de se tailler rapidement un royaume aux dépens de ce dernier et de faire finalement aboutir les revendications de l'Austrasie. Gondovald avait certes provisoirement renoncé à marcher sur Poitiers dont une armée burgonde lui barrait la route145; mais il ne manquait pas de partisans haut placés dans diverses cités

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encore hors de sa portée : à Poitiers, la reine moniale Radegonde et à Tours même, l'abbesse Ingitrudis, apparentée à la famille mérovingienne et mère de l'évêque de Bordeaux Bertrand — un des plus fervents supporters de Gondovald — , s'étaient toutes deux, semble-t-il, portées garantes de la naissance royale du prétendant146.

Gontran comprit qu'il lui fallait se concilier Childebert, l'arracher à l'influence de ses conseillers, afin de rompre la coalition qui s'organisait contre lui. Ayant fait venir son neveu auprès de lui, il le reconnut pour son héritier, renouvelant, avec un rituel plus solennel encore, la cérémonie de Pompierre, et il inaugura en quelque sorte le règne personnel du jeune souverain, présenté officiellement à l'armée comme un prince désormais majeur et invité par son oncle, en privé, à se défaire de la tutelle de son entourage147. Après avoir ainsi assuré ses arrières, le roi de Bourgogne mena avec vigueur et célérité les opérations contre Gondovald qui, assiégé dans Saint-Bertrand-de-Comminges, fut trahi par les siens, livré à ses ennemis et assassiné148. Pour sceller définitivement entre l'Austrasie et la Bourgogne la réconciliation, Gontran se décida à des concessions plus concrètes, restituant à son fils adoptif une grande partie des cités que Sigebert avait obtenues en héritage de Caribert : Tours et Poitiers furent replacées sous l'autorité effective de Childebert très probablement à l'extrême fin de l'année 585, époque à laquelle le duc Berulfus, maintenu par Gontran à la tête de la circonscription militaire englobant ces deux cités, fut remplacé par Ennodius, un fidèle serviteur du roi Sigebert149. Ce fut seulement deux années

274 L'HISTOIRE DE LA CITÉ EPISCOPALE DE TOURS

plus tard que l'ensemble du contentieux entre les deux royaumes fut apuré par le pacte d'Andelot (28 novembre 587) qui, de façon officielle, consacrait, entre autres, le retour de la civitas Turonorum à l'Austra- sie150.

Dès lors, Tours put bénéficier de la relative stabilité qui s'était instaurée dans la Gaule franque. Bien que les rapports entre le royaume de Bourgogne et celui des Francs de l'Est n'aient pas été au cours des années suivantes sans nuages et qu'à plusieurs reprises les intrigues de Frédégonde aient réveillé les vieilles, suspicions, la cité des bords de Loire n'eut pas à souffrir de ces péripéties. Dans l'ensemble des territoires austrasiens s'affermissait l'autorité de Childebert II, qui recueillit sans difficulté le royaume de son oncle, lorsque celui-ci disparut en 592 ou 593 151. Jusqu'à sa mort survenue à la fin de l'année 594, Grégoire put donc goûter la satisfaction de voir renaître dans le regnum Fran- corum, pour le plus grand bien de sa cité, la paix si longtemps troublée par les discordes entre souverains152.

2) Une autorité épiscopale longtemps menacée

Cette stabilité, cette paix retrouvées permettaient à Grégoire d'assumer avec plus de liberté le pouvoir episcopal et de se consacrer avec plus de tranquillité d'esprit à ses tâches pastorales. Il n'en avait pas été ainsi pendant toute la première partie de son épiscopat : douze longues années, au cours desquelles le petit cousin d'Eufronius avait dû lutter

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pour se maintenir sur le siège de Martin, pour asseoir ou sauvegarder son autorité personnelle, en résistant aux pressions qu'exerçaient sur lui des forces politiques contraires. En ces temps de violences et d'incertitudes où beaucoup — même parmi les prélats — ne savaient opter qu'entre la servilité et la trahison, Grégoire n'avait pas choisi la ligne de conduite la plus facile : il prit pour règle de se soumettre dans le domaine temporel à l'autorité établie, sans jamais rien sacrifier de l'indépendance de l'Église. Si ses attaches et ses convictions personnelles le portaient à reconnaître les princes d'Austrasie, Sigebert puis son fils Childebert, pour souverains légitimes de la civitas Turonorum — une opinion dont il ne faisait d'ailleurs pas mystère — l'évêque de Tours s'est toujours senti tenu à une loyale obéissance envers le maître que, pour l'heure, la Providence divine avait dévolu à sa cité. Cependant la soumission au temporel n'impliquait nullement pour lui le renoncement à la liberté spirituelle : aux yeux de Grégoire, l'Église n'avait point à entrer dans les querelles entre souverains, à prendre parti pour l'un ou pour l'autre; elle se devait au contraire de conserver une neutralité qui lui permettait d'exercer sur les princes eux-mêmes un droit de correction et de faire triompher un jour la concorde et la paix. Dans l'immédiat, l'application d'un tel programme requérait de la part de l'évêque titulaire du siège de Tours beaucoup de courage et d'abnégation : en cette époque troublée en effet, le renom de Martin attirait plus que jamais dans la basilique tourangelle les réfugiés politiques de tous bords, venus y chercher un asile que le successeur du saint thaumaturge avait le devoir d'accorder aux fugitifs et de faire respecter de leurs poursuivants. De ce fait, Grégoire se trouva, à plusieurs reprises, placé dans une situation extrêmement délicate, voire même dangereuse : d'un côté, en accordant la protection de son Église aux adversaires du souverain en place, il encourait la colère de celui-ci et donnait apparemment prise aux soupçons de traitrise que son attachement personnel à l'Aus- trasie avait déjà éveillés. Et cela d'autant plus que les grands personnages auxquels il accordait asile, sans égards pour la sainteté des lieux qui les abritaient, continuaient, depuis leur retraite forcée, de nouer des intrigues et d'ourdir des complots. D'un autre côté, ces «hôtes» sans gratitude, faute de pouvoir obtenir sa complicité pour la mise en œuvre de leurs desseins, étaient décidés à sacrifier l'évêque au succès de leurs combinations politiques, à se débarrasser de lui par n'importe quel moyen, s'il le fallait. Soupçonné, compromis, accusé, Grégoire fut bien près, plusieurs fois, d'être déposé et même de perdre la vie.

276 L'HISTOIRE DE LA CITÉ EPISCOPALE DE TOURS

Les années les plus difficiles pour lui furent sans conteste celles où Tours fut soumise au pouvoir du roi Chilpéric.

L'évêque s'était pourtant incliné devant la loi du vainqueur. Une première fois, lorsque l'armée de Chilpéric, commandée par son fils Théodebert, avait fait son entrée dans la cité, Grégoire avait obtempéré aux ordres du prince qui lui enjoignait de mettre en possession du comté Leudaste, le sinistre personnage qui déjà, sous le règne de Caribert, s'était tristement illustré dans cette même charge en pressurant et en malmenant ses administrés153. Sur un seul point le successeur d'Eufronius avait tenu tête : par ses interventions, il avait exigé que soit mis fin aux pillages auxquels la soldatesque se livrait dans les campagnes tourangelles154. Il avait obtenu gain de cause, car Théodebert, pas plus que son père, n'éprouvait alors d'animosité particulière à son endroit. Mais lorsque, après avoir restitué sa conquête à son frère, Chilpéric put à nouveau, après l'assassinat de celui-ci, annexer la cité de Tours, il était animé cette fois-ci à l'égard de ses habitants et surtout de son évêque d'un sentiment de rancune : ce dernier venait en effet de donner asile à Saint-Martin au général austrasien Gontran Boson que le souverain poursuivait de sa haine ; lors du précédent conflit — on l'a vu — ce duc avait infligé une sévère défaite à l'armée commandée par son fils Théodebert qui avait perdu la vie dans le combat. Mission fut donnée par le roi au premier envoyé qu'il dépêcha en Touraine, Roccolène, d'exiger que Gontran Boson fût livré par l'évêque. À cette sommation qui s'accompagnait de la menace de brûler la cité et ses faubourgs, Grégoire opposa un refus catégorique155; et sa résolution ne fléchit pas, même lorsque la troupe de Roccolène commença à s'en prendre aux biens de l'Église sis sur la rive droite de la Loire156. Sur ces entrefaites, l'envoyé de Chilpéric fut atteint d'une hépatite, dans laquelle l'évêque historien se plaît à reconnaître un effet de la colère divine. Frappé d'une terreur superstitieuse, Roccolène vint humble-

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ment solliciter sa grâce de Martin et, comme son mal empirait, il préféra, sans plus attendre, quitter Tours pour gagner Poitiers157.

Cette première escarmouche, dont Grégoire sortait vainqueur, n'était que le prélude à une série d'affaires beaucoup plus sérieuses dans lesquelles l'évêque dut faire face à des attaques multiples, concomitantes et parfois conjuguées. Pendant les mois et les années qui suivirent, l'intransigeance avec laquelle il continua de défendre l'indépendance de l'Église contre les immixtions du pouvoir temporel fit renaître à diverses reprises un conflit ouvert avec Chilpéric. Du moins, Grégoire connaissait-il le danger qu'il courait en tenant tête à ce tyran soupçonneux et cruel et pouvait-il tenter de convaincre ou d'intimider cet adversaire grâce à l'autorité spirituelle dont il disposait. En revanche il ne soupçonnait pas et ne découvrit que plus tard les complots que d'autres tramaient dans l'ombre et dont il était une des victimes désignées. Tours, où séjournaient de puissants personnages, les uns envoyés en mission par Chilpéric, les autres réfugiés à Saint-Martin pour tenter d'échapper à la colère du roi, était devenu un foyer d'intrigues où se heurtaient des ambitions rivales, se nouaient et se dénouaient des ententes complices. Dans cette série d'imbroglios politiques, que l'historien s'est efforcé a posteriori de démêler et dont certains aspects lui demeurèrent toujours, semble-t-il, inconnus, les premiers rôles étaient tenus par de grands personnages du monde franc : les deux fils aînés de Chilpéric, nés, comme le défunt Théodebert, de son premier mariage avec Audovera, Mérovée et Clovis158, qui, l'un comme l'autre, étaient désireux de supplanter leur père; Frédégonde, la présente épouse du souverain, qui travaillait patiemment à réserver la succession à ses propres enfants159, en s'efforçant d'éliminer ses deux beaux-fils; enfin, deux hauts dignitaires francs ambitieux, le fugitif Gontran Boson et le comte en charge à Tours, Leudaste, qui menaient, chacun pour son compte, un double jeu et n'en étaient pas à une volte-face près. À leurs

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combinaisons étaient associés quelques membres du clergé tourangeau dont les calculs avaient été déjoués par l'élévation de Grégoire au siège episcopal et dont les menées étaient probablement encouragées en sous-main par l'évêque de Nantes, Felix. L'élimination de Grégoire était le prix que ces intrigants locaux exigeaient pour leur collaboration aux plans ourdis par les principaux meneurs, eux-mêmes peu inclins à ménager l'évêque.

L'affaire Mérovée : les complots de Gontran Boson

Un premier complot fut préparé à Tours en 577. L'âme en était Gontran Boson. Redoutant la vengeance de Chilpéric, le duc austrasien n'avait pas osé quitter l'asile de Saint-Martin ; mais il mesurait la fragilité de l'interdit religieux qui le protégeait de la colère du souverain. Son seul espoir de salut, sa seule chance aussi de retrouver un rôle à la mesure de ses ambitions étaient maintenant dans un renversement de la situation politique qui fût fatal au roi de Soissons. Pour hâter l'événement, Gontran Boson décida d'abord de miser sur Mérovée, d'exploiter les vifs ressentiments que ce dernier nourrissait à l'encontre de son père. Le prince s'était pris de passion pour sa tante Brunehaut, la veuve de Sigebert, et l'avait épousée à Rouen avec la connivence de l'évêque Prétextât. Tombé dès lors en disgrâce, brutalement séparé de son épouse, bientôt soupçonné d'avoir fomenté la révolte d'une partie de l'armée, Mérovée avait été écarté de la succession par Chilpéric : tonsuré sur l'ordre du roi, il expiait ses fautes réelles ou présumées dans un monastère du Maine où il était relégué sous bonne garde160.

Gontran Boson réussit, par l'entremise d'un clerc tourangeau, le sous-diacre Riculfus qu'il avait gagné à sa cause, à faire parvenir au prisonnier un message lui conseillant de venir le rejoindre à la basilique Saint-Martin161. Mérovée parvint à s'enfuir et à gagner Tours, où Grégoire, bien qu'il sentît tous les dangers d'une telle présence, dut l'accueillir et même consentir, sous la menace, à lui donner les eulogies162. L'évêque prit la précaution d'envoyer immédiatement une ambassade au roi Chilpéric pour l'informer et dégager sa responsabi-

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lité personnelle. Ce fut peine perdue : Nicetius, le mari de sa nièce, qu'il avait chargé de cette mission en compagnie d'un de ses diacres, ne réussit pas à convaincre le roi de la bonne foi de Grégoire. Les deux envoyés, accusés d'espionnage par Frédégonde, furieuse d'apprendre que le beau-fils dont elle se croyait débarrassée, reparaissait sur la scène politique, furent frappés d'une sentence d'exil163 et Grégoire fut sommé par Chilpéric de chasser de la basilique un fils indigne. Sur la réponse négative de l'évêque, le souverain prit la décision d'envoyer une armée investir la cité de Tours164. De son côté, le comte Leudaste, pour obtenir la faveur de Frédégonde plus que pour obéir aux ordres du roi, s'efforçait de tendre des pièges à Mérovée et, faute de pouvoir l'assassiner, de lui rendre le séjour de Saint-Martin invivable165.

Cependant la peur du sacrilège retenait Chilpéric de violer le sanctuaire du puissant thaumaturge où s'étaient réfugiés ses ennemis. Aux menaces succédèrent les tentatives diplomatiques : le souverain fit déposer sur le tombeau du confesseur une lettre que, dans sa foi simpliste, il adressait à celui-ci pour lui demander l'autorisation de soustraire Gontran Boson à sa protection. Déçu de ne recevoir aucune réponse166, Chilpéric, reculant toujours devant un coup de force qui lui aliénerait définitivement Martin, s'avisa que la basilique tourangelle était pour ses ennemis une prison qui en valait bien une autre. Tant qu'ils y demeureraient, Gontran Boson et Mérovée se trouveraient, pensait-il, à sa merci. Aussi envoya-t-il une ambassade au duc austrasien dont il pressentait l'influence sur son fils et il obtint ainsi de Gontran Boson le serment que les deux réfugiés ne quitteraient pas à son insu Saint-Martin 167. Mais c'était compter sans la duplicité du personnage. Tandis que le souverain atermoyait, Gontran s'efforçait de pousser Mérovée dans la voie de la rébellion ouverte et du parricide. Pour affermir l'ambition un peu indolente du prince 168, il s'assura les services d'une pythonisse qui, très certainement soudoyée par lui, prophétisa que l'année en cours verrait la mort de Chilpéric et que Mérovée, à l'exclusion de ses frères, hériterait alors tout le royaume paternel. Dans ces prédictions intéressées, Gontran Boson n'avait eu garde de se laisser oublier : une charge ducale au plus haut niveau, puis l'évêché de Tours lui étaient promis à la faveur de ces bouleversements. C'était là la récompense qu'il suggérait pour ses

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services, une promotion qui faisait bon marché du sort de Grégoire169. Au même moment, ce dernier — la coïncidence doit être notée — était l'objet d'attaques très violentes de la part de l'évêque de Nantes Felix. Le suffragant nantais contestait à l'Église de Tours la propriété d'une villa. C'est, nous explique l'auteur de YHistoria Francorum, parce qu'il n'avait pu en obtenir restitution que Felix commença à répandre des calomnies sur le défunt frère de son métropolitain, le diacre Pierre : il accusait celui-ci d'avoir naguère, pour assouvir son ambition personnelle, assassiné le candidat élu au siège episcopal de Langres, Silvester170. La virulence de ces attaques, qui paraît sans commune mesure avec l'importance réelle du litige, révèle à tout le moins que Felix nourrissait à l'égard de Grégoire, plus jeune que lui et plus haut placé dans la hiérarchie ecclésiastique, une haine profonde. Très probablement ses ressentiments l'avaient, dès cette époque, conduit à lier partie avec d'autres ennemis de Grégoire, notamment avec des clercs tourangeaux qui, encouragés par Gontran Boson, souhaitaient se débarrasser de leur nouvel évêque171. Les accusations

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portées par le Nantais faisaient sans doute partie d'une campagne de dénigrement visant à discréditer, à travers son frère, Grégoire lui-même, désigné comme le représentant d'une famille dont les membres ne reculaient devant aucun moyen pour parvenir aux plus hautes charges de l'Église.

Grégoire fit face à toutes ces attaques. Aux calomnies de Felix, il s'efforçait de répondre en rétablissant la vérité à propos des événements qui s'étaient déroulés à Langres172. Pour contrer Gontran Boson qui avait osé se vanter devant lui de ses espérances épiscopales à Tours, il usait de son influence morale sur le fils de Chilpéric; il réprimandait le prince de sa haine envers son père et sa belle-mère, lui lisait des versets de la Bible promettant les fils indignes à la vengeance divine173 et tournait en dérision les visions de la pythonis- se 174. Sans qu'il ait eu vraiment pleine conscience de l'ampleur de la combinaison ourdie par Gontran Boson, Grégoire réussit à déjouer les plans de ce dernier. Mérovée, qui était plus faible que pervers et qui possédait un solide fond de sentiments religieux175, échappait peu à peu à l'emprise de son compagnon d'asile.

Abandonnant le parti du prince, Gontran Boson, qui n'en était pas à une trahison près, se décida à jouer le jeu personnel de Frédégonde. Contrairement à son époux, la reine considérait avec beaucoup de bienveillance le duc austra- sien depuis que ce dernier, en acculant dans la bataille Théodebert à la mort, avait éliminé de la succession royale l'aîné de ses beaux-fils. Elle lui fit savoir par des messagers que, s'il servait son dessein en faisant disparaître à son tour le cadet, Mérovée, il serait assuré de son active reconnaissance176. À ces ouvertures de la reine, Gontran Boson répondit favorablement. Un guet-apens fut projeté : le prince, incité par son compagnon d'asile, à sortir de la basilique sous le fallacieux prétexte de faire une promenade dans les environs, tomberait sous les coups de sicaires apostés sur le chemin. Mais Gontran Boson agit avec

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trop de précipitation : les assassins mandés par Frédégonde n'étaient pas encore arrivés au rendez-vous le jour où il réussit à entraîner le prince à faire une sortie pour se rendre à la domus Jocundiacensis. Il fallait attendre une nouvelle occasion; en décidant sur ces entrefaites de quitter la protection de Saint-Martin pour tenter de gagner Γ Austrasie, Mérovée facilitait la tâche de ses ennemis : Gontran Boson l'accompagnait dans sa fuite 177.

L'affaire Mérovée n'était pas terminée; Tours et son évêque devaient encore souffrir de ses retombées. Dans l'immédiat, Chilpéric, pour punir la communauté tourangelle d'avoir accueilli les fugitifs et plus encore d'avoir ensuite favorisé leur évasion, livra le plat pays et tout particulièrement les domaines de l'Église aux pillages et aux dévastations de son armée178. Faute de pouvoir se saisir de son fils, il tourna bientôt sa colère contre un ami du prince, l'évêque de Rouen, Prétextât. Le prélat, arrêté, fut accusé non seulement d'avoir béni le mariage de Mérovée et de Brunehaut, unissant contrairement aux prescriptions canoniques le neveu à sa tante, mais surtout d'avoir pris part à une conjuration visant à assassiner le roi de Soissons. Il fut déféré devant un concile réuni sur l'ordre du souverain dans le courant de l'année 577 à Paris. Chilpéric, poussé par Frédégonde, avait juré d'avance la perte de Prétextât qui, au témoignage de Grégoire, paraît avoir été plus imprudent que criminel179. Le souverain comptait sur la docilité des Pères, les uns tout dévoués à sa politique, tels Bertrand de Bordeaux et Ragnemod de Paris 180, les autres paralysés par la peur. Il s'était assuré aussi, pour étayer ses accusations, le concours de faux témoins. Chilpéric n'avait pas prévu que Grégoire, convoqué au concile, oserait déranger un scénario si bien organisé pour accabler Prétextât. Le successeur de Martin puisa dans l'exemple jadis donné par le saint confesseur lors du procès intenté devant l'empereur Maxime contre Priscillien — il rappelle lui-même ce précédent — assez de courage pour braver le roi franc. Seul parmi ses collègues et bien que le plus exposé d'entre eux aux soupçons de Chilpéric, pour avoir récemment offert un asile à Mérovée et, aux dires mensongers du comte Leu- daste, adopté le parti du prince contre son père181, il prit la défense de Prétextât. À l'issue de la première séance officielle, il exhorta les évêques à ne pas se

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faire, contre l'un de leurs pairs, les instruments de la vengeance royale. Ces paroles furent répétées au roi qui le fit comparaître immédiatement devant lui. Chilpéric accusa Grégoire de faire preuve en cette affaire d'une partialité scandaleuse et menaça d'en appeler à la population de Tours, de la faire juge d'une conduite indigne d'un pasteur182. En clair, cela signifiait que le souverain se faisait fort d'obtenir que le prélat fût chassé par ses propres ouailles, lassées de subir des représailles à cause de son obstination. En se plaçant sur le terrain du droit canon, Grégoire put réfuter facilement les arguments assez faibles de Chilpéric. Une seconde tentative fut faite pour l'ébranler. Frédégonde fit proposer à l'évêque de Tours une forte somme, s'il consentait à se faire l'accusateur de Prétextât; elle n'obtint pas plus de succès que son époux. Aussi lorsqu'une seconde séance réunit à nouveau tous les évêques, Chilpéric, bien qu'il eût fait état d'un autre chef d'accusation, le vol, sentit qu'il ne parviendrait pas aussi facilement qu'il l'avait cru à ses fins : l'attitude de Grégoire, sans doute, avait donné quelque confiance à Prétextât, qui se défendit avec vigueur, et rendu la majorité de l'assemblée moins malléable à la volonté royale. Puisque ni les témoignages ni les preuves matérielles ne démontraient clairement la culpabilité de Prétextât, il ne restait au souverain qu'un seul moyen : amener l'évêque de Rouen à se reconnaître lui-même coupable, en lui promettant en échange le pardon du roi. Cette promesse fallacieuse, habilement présentée au prisonnier, eut raison de sa résistance : lors de la troisième séance plénière du concile, il avoua tout ce qu'on voulait lui faire avouer et notamment qu'il avait projeté l'assassinat du roi pour élever son fils Mérovée au trône. Malgré une ultime protestation de Grégoire183, Prétextât fut déchu de la charge episcopale et excommunié. Puis Chilpéric, le soustrayant à ses juges ecclésiastiques, ordonna sa relégation dans une île voisine de la cité de Coutances. Grégoire avait partiellement échoué, mais par son attitude indépendante il avait sauvegardé la dignité episcopale avilie par la faiblesse ou la servilité de ses collègues. Ayant échappé lui-même de peu à la déposition, il restait suspect aux yeux du souverain : lorsque le bruit courut que Mérovée cherchait à regagner l'asile de Saint- Martin, une surveillance étroite fut établie à Tours; un cordon policier, mis en place autour de la basilique, fut chargé de contrôler les visiteurs, soigneusement filtrés à l'entrée de la seule porte qu'on laissait ouverte184. Un peu de tranquillité ne fut rendue à la cité et à son évêque qu'avec l'épilogue de l'affai-

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re Mérovée, lorsque le prince, arrêté par traîtrise, se fit donner la mort par l'un de ses compagnons 185.

L'alerte passée, Grégoire put nourrir pendant deux années l'illusion qu'il était enfin solidement installé sur son siège. Par le courage et la droiture dont il avait fait preuve lors du procès de Prétextât, il avait en définitive forcé l'estime de Chilpéric qui lui accorda bientôt sa confiance. Le roi, qui se piquait de théologie, était soucieux d'obtenir en ce domaine l'approbation de l'évêque : c'est ainsi qu'il lui soumit un petit traité qu'il avait composé sur la Trinité et dont il se proposait d'imposer la doctrine comme un nouveau credo aux Églises de son royaume. Grégoire, fermement attaché à la foi nicéenne, réfuta point par point les propositions hérétiques présentées par le souverain qui, fortement ébranlé, décida finalement de ne pas donner suite à son projet186. Chilpéric appréciait aussi le dévouement du prélat à sa cité : aussi prêta-t-il l'oreille aux plaintes que celui-ci lui transmettait au sujet de son représentant à Tours, le comte Leudas- te. Un haut personnage de la cour, Ansovaldus, fut envoyé sur place pour enquêter. Ses investigations lui permirent de vérifier que les accusations portées étaient bien fondées : Leudaste, que ses jugements iniques, ses exactions avaient rendu odieux aux Tourangeaux, fut, à leur grand soulagement, démis de ses fonctions. Chilpéric accorda alors à Grégoire une nouvelle marque de sa faveur, en lui laissant le soin de choisir un successeur à Leudaste. Sur sa recommandation, Eunomius fut promu au comté de Tours187. Dans sa satisfaction, l'évêque ne se doutait pas que la disgrâce de Leudaste allait, en déclenchant une vaste conjuration préparée depuis plusieurs mois, entraîner sa propre inculpation.

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Le complot autour de la personne du prince Clovis : les intrigues de Leudaste

Le complot — on l'apprit par la suite — avait pour objectif de porter au pouvoir Clovis, seul fils survivant du premier mariage de Chilpé- ric avec Audovera. Pour ce faire, les conjurés avaient résolu de se débarrasser d'abord de la reine Frédégonde qui serait convaincue d'adultère et chassée par son époux du royaume ; puis le roi et les jeunes enfants que lui avait donnés Frédégonde seraient assassinés. Toute l'affaire avait été préparée à Tours, où Clovis, qui y avait séjourné du temps de l'évêque Eufronius, comptait ses principaux partisans : le comte Leudaste, le prêtre Riculfus, ami de longue date du jeune prince et un sous-diacre portant le même nom qui avait déjà été mêlé aux intrigues de Gontran Boson et de Mérovée. Ces complices recevraient chacun leur récompense, une charge ducale pour Leudaste, l'archidia- conat pour le sous-diacre Riculfus et pour le prêtre Riculfus, le siège episcopal de Tours188. Grégoire, qui, habilement manipulé, jouerait le rôle de bouc-émissaire, serait sacrifié à la haine que lui portait de longue date Leudaste et aux rancunes d'un parti clérical tourangeau qui le considérait comme un intrus189 et jouissait toujours en sous-main du soutien de l'évêque Felix de Nantes. C'est là du moins ce que révélèrent tardivement les aveux arrachés par la torture au sous-diacre Riculfus. On peut se demander si ce projet, révélé aux comparses et assez enfantin dans sa conception, ne dissimulait pas une combinaison beaucoup plus machiavélique, tenue secrète par les auteurs de la machination. En entraînant le prince Clovis dans la voie de la révolte, en préparant en son nom un complot et en lui donnant un début d'exécution, Leudaste, toujours épris de la reine — comme le note Grégoire — travaillait peut- être en réalité pour Frédégonde dont il servait les ambitions maternelles : depuis la mort de Theudebert et de Mérovée, Clovis était le seul obstacle à son rêve de voir un jour ses propres enfants régner 190. Quoi

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de mieux pour perdre ce beau-fils gênant que de l'amener à se compromettre pour l'offrir ensuite à la vengeance paternelle?

Quels que fussent les ressorts cachés de toute cette affaire, Grégoire devait en être la première victime. La destitution de Leudaste, en fournissant à ce dernier un nouveau grief contre l'évêque, hâta les événements.

Le comte déchu en novembre 579, semble-t-il191, se précipita chez le roi pour lui dénoncer la prétendue trahison de Grégoire. L'évêque, accusait-il, se proposait de livrer Tours à Childebert II et, en attendant, se répandait en propos calomnieux sur le reine, faisant courir le bruit que Frédégonde entretenait des relations adultères avec l'évêque de Bordeaux Bertrand. Cette première manœuvre — qu'elle eût pour but d'obtenir la répudiation de la reine ou au contraire de préparer le roi à la révélation du complot ourdi par Clovis — se solda d'abord par un échec. Chilpéric refusa d'accorder foi aux déclarations de Leudaste, qui lui parurent dictées par un désir de vengeance, et il fit jeter le comte en prison 192. Mais sa méfiance soupçonneuse se réveilla lorsque le sous- diacre Riculfus, dont le témoignage avait été invoqué par Leudaste193, conduit devant lui, se fit à son tour le dénonciateur de Grégoire. Riculfus fut arrêté ou plutôt retenu en qualité de témoin à charge ; car Leudaste, libéré, put, durant la semaine de Pâques de l'année 580, gagner Tours, se saisir de la personne de deux amis de Grégoire, Galien et l'archidiacre Platon, dont il se faisait fort d'obtenir, par la contrainte, des aveux compromettants pour l'évêque194. Ce dernier se retrouva isolé au milieu d'ennemis ligués contre lui : publiquement injurié par le prêtre Riculfus, déjà dépossédé en fait du pouvoir episcopal195, Grégoire, réfugié dans la dotnus episcopale, était soumis à une surveillance étroite; sur les ordres du roi ou l'instigation de Leudaste, le duc Berulfus et le comte de Tours Eunomius, prétextant que le roi Gontran avait l'intention de s'emparer de la cité, avaient posté des sentinelles à toutes les portes du cas-

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trum. Grégoire était déjà en état d'arrestation196. Cette disgrâce ne suffisait pas au parti adverse : pour le perdre définitivement, on lui dépêcha des émissaires qui, se disant ses amis, lui suggérèrent de fuir en Auvergne, en emportant les objets les plus précieux de l'ecclesia197. L'évêque fut assez avisé pour ne pas tomber dans le piège tendu : une telle fuite, assortie d'un délit de vol, eût été considérée comme un aveu de sa culpabilité.

Cependant Chilpéric avait, à l'été de cette année 580, réuni, dans sa villa de Berny près de Soissons, un concile des évêques de son royaume pour examiner l'affaire et juger Grégoire 198. Dans cette assemblée, l'évêque de Tours ne comptait pas que des sympathisants; il s'était fait plusieurs ennemis par son attitude lors du procès de Prétextât; en particulier Bertrand de Bordeaux, soit qu'il fût sincèrement convaincu de sa culpabilité, soit qu'il eût lui-même trempé dans le complot, lui témoigna une vive hostilité 199. Après une instruction minutieuse, le procès se termina rapidement. Malheureusement les Actes du concile ne nous sont pas parvenus et il faut se contenter de la brève relation donnée par l'auteur de YHistoria Francorum. Chilpéric, dont un long poème de Fortunat célèbre, à l'occasion du synode de Berny200, les multiples vertus, fit preuve d'une modération et d'une sagesse inattendues : il était sans doute désireux de mettre fin au plus tôt à une affaire où son honneur conjugal était mis en cause; mais il avait probablement aussi acquis la conviction que Grégoire était victime d'une machination, dans laquelle on avait voulu l'entraîner lui-même. En tout cas, on exigea seulement de l'évêque de Tours qu'il se disculpât par un serment, après avoir dit des messes sur trois autels. Malgré l'amertume qu'il ressentit à se soumettre à cette humiliante procédure201, Grégoire pouvait être soulagé de la tournure prise par les événements. Pour ses ennemis la partie était perdue. Clo- vis, dans l'immédiat, ne fut pas inquiété. Le roi son père hésitait, incertain, semble-t-il, du rôle réellement joué par le jeune prince, à se prononcer sur son sort. Mais Frédégonde finit par arriver à ses fins. Lorsque, quelques trois semaines après la clôture du concile, ses propres enfants, Dagobert et Chlodo- bert, furent successivement emportés par la peste, elle obtint du roi que Clovis fût envoyé à Berny où sévissait avec violence l'épidémie. Comme Chilpéric avait

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ensuite rappelé son fils auprès de lui, Frédégonde accusa ce dernier d'avoir obtenu par des maléfices la mort de ses demi-frères. Jeté en prison, Clovis fut assassiné sur les ordres de sa belle-mère202. Quant à Leudaste, maintenant honni de tous, excommunié et banni, il avait réussi à échapper par la fuite aux châtiments : avant de trouver refuge dans le Berry, il avait même eu le temps de faire un bref séjour à Tours pour y prendre «les trésors qu'il avait détournés en dépouillant les pauvres»203. En revanche le sous-diacre Riculfus fut longuement torturé et condamné à mort; il dut à l'intercession de Grégoire d'avoir finalement la vie sauve204.

Rentré à Tours, ce dernier retrouvait une Église que son absence avait plongée dans le désordre. Le prêtre Riculfus, en distribuant les biens de l'Église pour se gagner des concours ou en faisant régner la terreur, avait imposé son autorité aux clercs tourangeaux, agissant comme s'il détenait déjà la charge episcopale205. Rendu fou furieux par le retour de Grégoire, il menaça de tuer celui-ci. L'évêque réunit alors un concile provincial qui, sur ses injonctions, condamna le prêtre à la relégation, sous étroite surveillance, dans un monastère206. Felix de Nantes n'hésita pas alors à dévoiler les sympathies qui l'unissaient aux conjurés : il organisa l'évasion de Riculfus qu'il accueillit auprès de lui207. Tandis que le calme revenait peu à peu à Tours, Grégoire regagnait auprès de Chilpéric une confiance qui lui resta acquise jusqu'à la mort du souverain. Ce dernier ne perdit dès lors aucune occasion de manifester son respect pour l'évêque et sa bienveillance pour son Égli-

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se. Au cours de l'année 581, Grégoire rendit visite au roi dans sa villa de Nogent : il y reçut le meilleur accueil et Chilpéric, avant son départ, lui demanda sa bénédiction208. Peu de temps après, la basilique Saint-Martin ayant été cambriolée, le roi, dès que les voleurs eurent été arrêtés, s'occupa personnellement de l'affaire : il consentit, à la requête de Grégoire, à laisser la vie sauve aux criminels et veilla à ce que les produits du vol fussent retrouvés et restitués à la basilique209. D'ailleurs, l'expérience avait enseigné à Grégoire la prudence : lorsqu'en 583, Leudaste, qui avait réussi à se faire admettre de nouveau à la communion, revint à Tours avec un «précepte» (praeceptum) du roi lui enjoignant d'y demeurer, l'évêque prit la précaution d'écrire à la reine Frédégonde avant d'arrêter une décision. Bien lui en prit : car la souveraine n'avait plus que haine pour l'ancien comte de Tours; sur son ordre, Leudaste, venu à la cour pour y plaider sa cause, y fut mis à mort210.

Cependant, malgré les faveurs dont il était désormais l'objet de la part du roi de Soissons, Grégoire accueillit avec un soulagement non dissimulé la nouvelle de la disparition de Chilpéric211.

Meurtres dans la basilique

La période au cours de laquelle le roi Gontran, à la suite du décès de son frère, exerça son autorité sur la cité de Tours, ne fut pas pour Grégoire exempte de difficultés. Les rapports de l'évêque avec le roi de Bourgogne étaient pourtant bien meilleurs que ceux qu'il avait entretenus avec Chilpéric. Grégoire avait exhorté les habitants de Tours à se soumettre à leur nouveau souverain et repoussé les sollicitations d'un envoyé de Childebert qui les poussait à la révolte212. D'une manière générale, il nourrissait une réelle estime pour le roi Gontran et il fondait de grands espoirs sur la sagesse politique de ce prince213. Mais l'épineuse question de l'asile put faire craindre à nouveau un conflit avec le pouvoir royal et elle fut la cause de graves désordres à Tours.

Peu après la mort du roi de Soissons, Eberulfus, qui avait occupé auprès de ce dernier la charge de chambrier, était venu se réfugier en compagnie de

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son épouse à Saint-Martin214. Du vivant du roi, ce personnage avait à de nombreuses reprises abusé de ses pouvoirs pour s'en prendre aux biens de la basilique, saccageant les récoltes, malmenant les paysans, s'emparant enfin d'un domaine rural et d'une maison du castrum qui étaient propriétés de l'Église215. Maintenant il se trouvait obligé de demander la protection du saint confesseur : il s'était en effet brouillé avec la reine Frédégonde qui, pour se venger, l'accusa auprès de Gontran d'avoir trempé dans l'assassinat de son époux et d'avoir dérobé une partie du trésor royal216. Le roi de Bourgogne donna aussitôt ordre de monter une garde vigilante autour de la basilique où l'ancien chambrier était réfugié. Les contingents d'Orléanais et de Blésois, qui furent à tour de rôle commis à cette faction, en profitèrent pour piller et rançonner sur leur passage les campagnes tourangelles, sans épargner les domaines de la basilique217. À ces méfaits, dont il était indirectement la cause, s'ajoutaient ceux que perpétrait Eberulfus à l'intérieur de Saint-Martin. Ayant fait de la sacristie sa résidence218, il ne manifestait aucun respect pour le saint lieu qui l'accueillait : souvent ivre, il molestait les clercs qui lui refusaient du vin ou tentaient de l'empêcher de pénétrer avec ses compagnons dans le sanctuaire ; un soir, il interrompit le déroulement des vigiles, outrageant de ses injures, jusque devant l'autel, l'évêque qui psalmodiait. Ce dernier, parce qu'il avait «recueilli son fils au sortir du bain du saint baptême », pardonnait les offenses et s'efforçait de ramener Eberulfus à une conduite plus décente219. Mais celui-ci, méconnaissant les efforts tentés par Grégoire pour le sauver, accusait l'évêque d'avoir partie liée avec ses ennemis et le menaçait : si les envoyés du roi pénétraient dans la basilique pour l'arrêter, il jurait qu'avant de vendre chèrement sa propre vie, il égorgerait le prélat et tous les clercs présents220. Cependant le roi Gontran, qui souhaitait venger son frère sans commettre le sacrilège de violer matériellement l'asile, avait envoyé en mission à Tours un certain Claude, muni d'instructions précises : il devrait par ruse amener Eberulfus à sortir de la basilique ; après quoi il pourrait se saisir de sa personne et le ramènerait mort ou vif au

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roi221. Mais Claude était trop ambitieux et trop cupide pour se contenter des seules récompenses promises par Gontran : il calcula qu'il tirerait double bénéfice de sa mission, en allant prendre aussi les ordres de Frédégonde. La reine, qui ne s'embarrassait pas des mêmes scrupules que son beau-frère, lui remit de grands présents et promit d'autres faveurs pour l'engager à assassiner purement et simplement son ennemi : si cela se révélait nécessaire, il ne devrait pas hésiter à l'égorger à l'intérieur même du périmètre sacré de l'asile. Claude, sur son chemin, obtint du comte de Chateaudun une escorte pour lui prêter main forte en cas de besoin. Il arriva à Tours, alors que l'évêque s'en était éloigné pour se rendre à l'une de ses villae et pénétra seul dans la basilique. Comme il y comptait, il réussit à capter la confiance d'Eberulfus en se présentant comme son ami et en lui promettant, avec force serments, de plaider sa cause auprès du roi. Claude n'avait plus qu'à attendre un moment propice pour agir. Il avait été rejoint par quelques esclaves prêts à obéir à son signal ; mais Eberulf us était protégé par la présence de ses propres serviteurs. Le lendemain de son arrivée, l'envoyé de Gontran parvint, sous un prétexte fallacieux, à éloigner ces derniers. Surmontant alors la crainte que lui inspirait la virtus de Martin, il ordonna à son esclave le plus robuste de se saisir d'Eberulfus. Ce fut le signal d'une tuerie qui, dégénérant en bataille rangée, ensanglanta les abords de la basilique. Claude et Eberulfus, croisant le fer dans l'atrium, cherchent mutuellement à se frapper. L'ancien chambrier de Chilpéric succombe bientôt sous le nombre de ses assaillants : il s'effondre en répandant sa cervelle sur le pavement du parvis. Claude et ses séïdes se réfugient alors dans la cellule de Yabba martyra- rius de la basilique, où ils se barricadent; mais les esclaves d'Eberulfus, enfin accourus, pénétrent par les fenêtres : Claude, transpercé d'une lance, expie le premier le forfait commis. Les hommes de son escorte pénètrent à leur tour dans le bâtiment. C'est alors qu'intervient la foule des pauvres qui hantaient comme à l'accoutumée les saints lieux : armés de pierres et de bâtons, ils prennent d'assaut la cellule et, dans leur ardeur à tirer vengeance des sacrilèges perpétrés, ils massacrent indistinctement tous ceux qui s'y cachent. Jamais autant de sang n'avait été versé dans la demeure du saint thaumaturge.

À l'annonce de ces profanations, le roi Gontran conçut un vif mécontentement. La vilaine tournure prise par cette affaire l'incita par la suite à user de clémence, lorsque d'autres «politiques» cherchèrent asile à Saint-Martin : dans les mois qui suivirent, l'échec de Gondovald amena plusieurs compagnons du prétendant à se réfugier dans la basilique tourangelle. Le roi ne tenta rien contre le notable de Comminges, Chariulfus, qui sut, semble-t-il, par la suite se faire oublier222; à la requête de Grégoire, qui était venu le trouver lors de son

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séjour à Orléans et qu'il accueillit avec beaucoup de déférence223, il accorda son pardon à deux plus importants personnages, le comte de Bordeaux Gara- charius et le duc Bladastes224; à quelque temps de là, ce fut au tour de Chulde- ricus, dit le Saxon, d'obtenir, à la suite d'une intervention de l'évêque de Tours, sa grâce du roi de Bourgogne225. Le rapprochement, qui, dès lors, s'esquissait et aboutissait bientôt à la réconciliation entre Gontran et son neveu Childebert, allait faire de Grégoire le trait d'union entre deux souverains226 et ramener le calme à Tours. Certes les ennemis de la concorde politique — dont Grégoire était un ardent défenseur — n'avaient pas tous désarmé : Frédégonde, tenue à l'écart depuis la mort de son époux, rêvait de prendre une revanche et ne cessait, avec quelques grands de son entourage, de tramer des complots contre Childebert et Gontran227. Pour la servir et pour réaliser également des ambitions toutes personnelles, le duc Rauching, qui se déclarait fils de Clotaire, se proposa avec quelques complices, dans le courant de 587, de tuer, au cours d'une audience, le roi Childebert dont les jeunes fils seraient ensuite facilement mis en tutelle. Il se trahit par sa jactance vaniteuse, fut arrêté et mis à mort par Gontran avant d'avoir eu le temps de mettre à exécution son projet228. L'intervention du roi de Bourgogne sauva la vie de son neveu, mais épargna aussi sans aucun doute à Tours et à son évêque de nouvelles difficultés : Rauching et ses partisans avaient en effet prévu, leur forfait accompli, d'accuser du régicide des Tourangeaux et des Poitevins présents à la cour de Childebert229. Une fois encore, Grégoire avait été choisi pour servir de bouc-émissaire dans une affaire de haute trahison qui trouva sa conclusion en 590, lorsque l'évêque de Reims Aegidius, convaincu d'avoir pris part au complot de Rauching, fut traduit à Metz devant un concile230. Qu'il ait ou non siégé au nombre des prélats convoqués par Childebert dans la capitale de l'Austrasie, Grégoire évita d'accabler celui qui, dix-sept ans plus tôt, avait présidé à sa consécration. En relatant le procès qui aboutit à une sentence d'excommunication et d'exil, l'historien ne met nullement en doute la culpabilité de l'accusé; mais il manifeste plus de tristesse que de colère pour la conduite d'un prélat qui s'était laissé prendre

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aux pièges de la politique, dont lui-même, mais avec quelles difficultés, avait su se garder. Cette sérénité dans le jugement était celle d'un évêque qui avait réussi à se placer au-dessus des luttes partisanes et dont l'autorité à Tours n'était plus contestée.

3) L'autorité du métropolitain affaiblie par la rupture de l'unité provinciale

Si Grégoire parvint finalement à imposer son autorité episcopale dans le diocèse, il ne réussit jamais — même lorsque les difficultés personnelles rencontrées à Tours se furent aplanies — à exercer dans toute leur plénitude ses prérogatives de métropolitain sur l'ensemble de la province ecclésiastique. Dans la Lyonnaise Troisième durablement démembrée, écartelée entre des rois francs et des comtes bretons, les liens qui avaient uni les différentes Églises à la métropole tourangelle se distendent ou se rompent sous les yeux du successeur d'Eufronius, impuissant à lutter contre cette évolution.

Les compétitions brutales qui opposent entre eux jusque vers 585 les souverains francs ont maintenu et accentué les divisions à l'intérieur de la province, d'autant plus que la mésentente entre les descendants de Clovis favorisait les progrès de la sécession bretonne. Le partage de 567 231, on s'en souvient, avait donné à Chilpéric Angers, Le Mans, Rennes ainsi que la péninsule armoricaine, à Gontran la cité de Nantes, isolant ainsi politiquement de tous les évêques suffragante la métropole tourangelle attribuée à Sigebert. Certes, devenue définitive à partir de 575, l'annexion de Tours au royaume de Chilpéric ressouda apparemment l'unité de la Lyonnaise Troisième que le roi de Soissons paracheva en faisant, à la faveur des difficultés de Gontran, main basse sur la cité des Namnètes232. La disparition de Chilpéric en 584 n'apporta d'abord aucun changement à cette situation, puisque le souverain de Bourgogne substitua, purement et simplement, son contrôle à celui de son frère défunt sur l'ensemble de la région. Mais dès la fin de l'année

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suivante, avec la restitution de la civitas Turonorum à Childebert II, la cité métropolitaine était à nouveau coupée des autres évêchés de la province sur lesquels Gontran maintenait ses droits, soit en qualité de souverain, soit, au nom de son jeune neveu Clotaire II, en qualité de régent. La mort du roi de Bourgogne en 592 n'apporta qu'une légère retouche à ce découpage : Nantes échut en héritage au roi d'Austrasie et se retrouva ainsi placée sous la même domination politique que Tours.

Tandis que les souverains mérovingiens se disputaient la partie orientale de la province de Lyonnaise Troisième, ils laissaient l'Ouest armoricain, attribué seulement sur le papier à l'un d'entre eux, échapper définitivement à l'orbite du regnum Francorum. Désormais la péninsule, à l'Ouest de la rivière Oust, si ce n'est même à l'Ouest de la Vilaine, est tout entière aux mains de chefs bretons qui deviennent totalement indépendants. Loin de pouvoir encore faire valoir leurs prétentions à la souveraineté sur cette région, les Francs doivent désormais, aux marches de la Bretagne, se tenir constamment sur la défensive'; les rares et brèves expéditions punitives qu'ils lancent encore ne s'aventurent jamais au delà de Vannes. Une véritable frontière militaire, qui sépare le domaine breton de la Gaule franque, coupe en deux, par son milieu, la Lyonnaise Troisième. De façon significative, l'information de Grégoire sur le sort de l'Armorique se limite géographiquement aux seules régions voisines de cette frontière. L'évolution qui s'est produite dans ce secteur, au cours des années 570, a profondément transformé, au détriment des intérêts francs, la situation. Les rivalités qui, à la génération précédente, opposaient entre eux les comtes bretons233 ont pris fin avec la constitution, sous l'égide de Weroc (Werocus), fils de Macliavus, d'un puissant état breton du Vannetais234. Appuyé par des comtes alliés comme Vidimaclus235, étendant son influence jusque sur

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les Saxons du Bessin236, bénéficiant aussi parfois d'appuis complices dans le monde mérovingien désuni237, Weroc peut tourner toutes ses forces contre les Francs. Chilpéric, dont le royaume était directement menacé par ce redoutable voisin, tente bien en 578 de frapper un grand coup : un important corps expéditionnaire, levé chez les Tourangeaux, les Poitevins, les Baïocasses, les Manceaux et les Angevins, est mis sur pied. Mais la soumission du chef breton, trop facilement acquise, est sans lendemain. Weroc, qui avait obtenu de conserver le gouvernement de la cité de Vannes sous condition de reconnaître la souveraineté fran- que et de payer tribut au roi, renie ses serments dès que l'armée fran- que s'est éloignée238. L'année suivante, il vient dévaster le territoire de Rennes239 et un raid de représailles conduit par le duc franc Beppolè- ne24o ne \ç détourne pas à l'automne de porter à nouveau le pillage dans la région rennaise ainsi que dans le pays nantais241. Après quelques années d'accalmie, les Bretons reprennent leurs opérations de razzias en 587 : au cours de cette année, malgré les menaces du roi Gon- tran — qui se contente d'ailleurs bien vite de quelques promesses faites à ses ambassadeurs — la campagne nantaise est à deux reprises soumise aux agressions de Werocus qui se répètent en 588 et en 589, à la fois contre le territoire de Nantes et contre celui de Rennes242. Gontran se décide enfin à réagir avec vigueur : en 590 une expédition est organisée avec des forces importantes. Cependant entre les deux chefs auxquels

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est confié le commandement, Beppolène et Ebrachaire, la jalousie fait naître une discorde qu'attisent les menées de Frédégonde. La reine, semble-t-il, n'a pas hésité à trahir la cause franque, à s'entendre en secret avec Werocus, pour satisfaire une vengeance personnelle et contrecarrer la politique de son beau-frère. Ebrachaire laisse volontairement écraser l'armée de son rival, attiré dans un guet-apens, sans intervenir pour le sauver. Enfin sûr de ne plus devoir partager les lauriers de la victoire, il se jette sur Vannes où Weroc, une nouvelle fois, fait sa soumission. Mais au retour, les troupes franques sont traîtreusement attaquées au passage de la Vilaine par Canaon, le fils de Weroc. La retraite des Francs tourne à la déroute243. Les dernières illusions sont dissipées par l'échec de la campagne : fermée à la pénétration franque, l'Armorique gauloise est devenue la Bretagne.

La sécession bretonne et les rivalités entre souverains au sein du regnum Francorum ont porté gravement atteinte à l'unité ecclesiale dans la province. Avec les Églises de la péninsule armoricaine, la métropole tourangelle et même, semble-t-il, les évêchés plus proches du pays breton ont perdu le contact. Grégoire accueille bien, de loin en loin, un pèlerin244 venu de Bretagne; mais il parle de cette contrée comme d'un pays étranger et lointain : visiblement il ignore tout du sort des communautés chrétiennes indigènes passées sous le joug des comtes bretons, à une exception près, celle de Vannes. Encore s'agit-il, dans ce dernier cas, d'informations indirectes, recueillies à l'occasion des rares expéditions franques au delà de la Vilaine. L'Église vénète, fugitivement entrevue, apparaît comme exilée sous la domination bretonne. Les deux évêques qui, pendant cette période, se succèdent à sa tête, Eunius et Regalis — des Gallo-romains, si l'on peut en juger d'après l'onomastique — , consacrés dans des conditions obscures et sans aucun doute assez irrégulières, sont étroitement soumis au pouvoir de Weroc. En 578, Eunius est le docile envoyé du comte, chargé de la peu enviable mission d'annoncer à Chilpéric la rupture du traité qui vient d'être signé245. Sur lui retombe d'ailleurs la colère du roi franc : celui-ci lui interdit de rentrer à Vannes et le place en résidence surveillée à Angers246. En 590, lors de la brève occupation de Vannes par les

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Francs, Ebrachaire est accueilli par l'évêque Regalis. Les quelques mots prononcés en la circonstance par le prélat en disent long sur l'état de sujétion où se trouve réduite la communauté vénète : « Nous ne sommes en rien fautifs à l'égard des rois nos maîtres et jamais nous n'avons eu la présomption de nous opposer à leur intérêt, mais, conquis par les Bretons,nous avons été soumis à un joug qui est dur»247. Sur Vannes retombe ensuite le silence qui enveloppe désormais la chrétienté armoricaine, in captivitate Brittanorum.

Pratiquement la province ecclésiastique de Lyonnaise Troisième se trouve amputée de tout le domaine péninsulaire. C'est là, à vrai dire, l'aboutissement d'une évolution commencée bien avant l'épiscopat de Grégoire. Moins spectaculaires que cette rupture, somme toute prévisible, mais inquiétantes par leur nouveauté, sont, dans la partie orientale de la province, les fêlures qui entament l'unanimité ecclesiale, encore manifestée avec éclat du temps d'Eufronius autour de la métropole248. La solidarité entre les cités de la Lyonnaise Troisième, longtemps sauvegardée en dépit des vicissitudes de la politique franque, se désagrège alors que ne s'est pas encore éveillé un sentiment «neustrien». Dans la mesure où les populations locales ne sont pas passivement soumises à la loi — changeante — du plus fort, elles ont parfois tendance, dans le dernier quart du VIe siècle à épouser les intérêts de leur souverain : les Tourangeaux sont et demeurent isolés dans leur attachement au royaume d'Austrasie; les Nantais paraissent satisfaits de la domination du roi de Bourgogne, auquel se soumettent sans difficulté, après la mort de Chilpéric en 584, les Manceaux. Placés dans la même situation que ces derniers, les habitants de Rennes249 et sans doute aussi ceux d'Angers250

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montrent, par leur hostilité à Gontran, une fidélité plus durable à la lignée de Chilpéric. Il y a plus grave : en mobilisant les uns contre les autres, dans leurs guerres fratricides, les ressortissants de cités voisines et naguère amies, les rois francs font naître des rancunes et des méfiances qui ne se dissipent pas facilement; Grégoire lui-même rappelle avec colère les ravages commis en Touraine, sous la direction de Roccolène, par les Manceaux251. Mais ce qui domine de plus en plus nettement, c'est le sentiment du chacun pour soi. Dans le cadre fluctuant des royaumes, chaque cité, absorbée par ses problèmes locaux, a tendance à se replier sur elle-même, en oubliant l'intérêt général : ainsi les Tourangeaux rechignent-ils, en 578, à se joindre aux contingents levés dans la province et dans les régions voisines pour lutter contre Weroc252. À Nantes, sur laquelle pèse plus particulièrement la menace bretonne, l'évêque Felix, conscient de ne pouvoir guère compter sur un secours extérieur, finit par tenter de traiter directement avec le comte Breton253.

Ainsi dans la partie orientale de la province, les divisions politiques mais aussi le nouvel état d'esprit qu'elles ont, à la longue, fait naître, constituent des conditions peu propices au maintien de relations étroites de communauté à communauté. Grégoire mentionne pendant son épiscopat un seul synode de Lyonnaise Troisième, celui qu'il convoqua pour régler le sort du prêtre tourangeau Riculfus. Il n'en précise point la composition et l'on ignore donc si parmi les présents figurait Felix de Nantes. Ce dernier, en tout cas, n'eut aucun scrupule à aller à l'en- contre des décisions prises par ses collègues, puisqu'il favorisa l'évasion de Riculfus du monastère où il avait été relégué254. L'autorité du métropolitain se trouvait donc publiquement bafouée et cette expérience n'était guère faite pour engager Grégoire à user à nouveau de ses prérogatives sur les évêchés suffragants. Sans être totalement concluant, le silence de l'historien à propos d'autres réunions laisse supposer à tout le moins que celles-ci furent par la suite fort rares. Cette situation apparaît d'autant plus dommageable pour l'unité provinciale qu'au même moment les conciles interprovinciaux, soit parce qu'ils

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sont réunis dans le cadre d'un seul royaume, soit parce que les circonstances ne s'y prêtent pas, ne rassemblent jamais en entier le corps episcopal de la province. À l'assemblée de ses évêques réunis par Gontran à Paris en 573, Felix de Nantes est l'unique représentant de la Lyonnaise Troisième, puisque sa cité est la seule dans cette province qui relève alors de l'autorité du roi de Bourgogne255. Aux conciles de Paris en 577256 et de Berny en 580257, tous deux convoqués à une époque où l'unité provinciale est provisoirement reconstituée sous une même loi politique, Grégoire ne paraît pas avoir été accompagné par ses suffragante. En 585, à Mâcon, siège un seul évêque de la province, celui du Mans258. Par la suite, dans l'affaire du monastère Sainte-Croix de Poitiers, on voit intervenir Grégoire de Tours et Bertrand du Mans, mais il ne semble pas que les deux prélats soient associés dans une mission commune259.

Bien évidemment les réunions conciliaires ne constituent que les manifestations très officielles — et peut-être aussi les plus superficielles — de la concordici episcopale et leur plus ou moins grande fréquence ne préjuge pas de la qualité réelle des relations entre Églises. Pour juger de ces dernières, on dispose d'un certain nombre d'autres indices fournis par les œuvres de Grégoire : il s'agit moins des rapports entretenus par celui-ci avec les évêques contemporains du voisinage — rapports trop sujets à variations suivant la personnalité de chacun — que des relations profondes établies entre communautés : celles que peuvent manifester des traditions communes et notamment la diffusion du culte de Martin. Orientée en ce sens, l'enquête peut sans doute permettre de tester la solidité des liens unissant, en Lyonnaise Troisième dans le dernier quart du VIe siècle, chacune des cités de Γ« intérieur» à la métropole. De ce point de vue il apparaît d'abord que les contacts entre Rennes et Tours sont désormais presque inexistants : certes Grégoire vénère la mémoire du saint confesseur Mélaine260, mais il semble à peu près tout ignorer de l'évêque contemporain Victurius; s'il mentionne — une seule fois — le nom du prélat rennais, c'est à l'occasion de l'assassinat de sa fille, un événement qui se déroule d'ail-

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leurs à Angers261. D'autre part, jamais il n'est fait mention parmi les pèlerins venus à Saint-Martin d'un visiteur originaire de Rennes. L'insécurité chronique, que vaut à cette cité sa situation aux marches du pays breton, explique probablement en grande partie l'isolement dans lequel elle se trouve vis-à-vis de Tours. En ce qui concerne l'Église du Mans, l'historien paraît un peu mieux renseigné : il célèbre les mérites de son défunt évêque Victurius dont le tombeau est le théâtre de nombreux miracles262; il est également en mesure de porter une appréciation sur les évêques qui, de son temps, se succèdent sur le siège manceau : à la sainteté dont Domnolus a donné l'exemple263, il oppose l'incon- duite de Badegisilus 264 ; de Bertrand enfin, il mentionne le rôle dans l'affaire de Sainte-Croix de Poitiers et dans les tractations diplomatiques avec le comte breton Werocus265. Mais à lire ces récits, on n'a point l'impression que Grégoire ait connu personnellement ou du moins ait assez longuement fréquenté aucun de ses trois collègues du Mans. De plus, bien que le culte de Martin ne soit pas inconnu chez les Manceaux266, ces derniers prennent rarement — un seul d'entre eux est signalé — 267 le chemin du pèlerinage de Tours. Tout ceci semble indiquer que, malgré leur grande proximité, les deux cités n'ont que des relations assez peu suivies. En revanche, les liens de la métropole demeurent un peu plus étroits avec les villes épiscopales de Nantes et d'Angers. Avec les évêques nantais contemporains, Grégoire, sauf pendant une période de rupture qui fut assez brève, a entretenu des rapports assez fréquents. Avant de se déclarer ouvertement son ennemi dans l'affaire de la villa contestée et surtout dans les intrigues politiques nouées à Tours268, Felix de Nantes avait certainement eu l'occasion de rencontrer longuement son métropolitain269. Grégoire en effet entendit alors de sa bouche des récits relatifs à des martyrs et à de saints évêques ayant illustré l'Église nantaise ainsi que l'épisode de la mort, toute récente, de l'ascète Friardus270. Après la brouille qui les sépara entre 576 et 580, les

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deux prélats renouèrent; Felix, qui sentait sa fin prochaine, tenta même d'obtenir de Grégoire qu'il consacrât, pour lui succéder, son neveu Burgundio. À cette requête, le métropolitain opposa un refus qui n'était cependant pas définitif : il invita Burgundio, simple laïc de 25 ans dont la candidature était irrecevable du point de vue du droit canon, à entrer dans les ordres et à persévérer dans la prière avant de songer à l'épiscopat. À la mort de Felix, survenue peu après, ce fut en fait un autre de ses parents, Nonnichius, qui fut imposé à Nantes par le roi Chilpéric271. Les relations avec le nouvel évêque furent sans nuage : Nonnichius vint pieusement en pèlerinage à Tours et son exemple paraît avoir fait quelques émules parmi ses concitoyens272. Bien que de nature assez différente, les rapports entre Angers et Tours sont également demeurés relativement étroits; non que Grégoire ait eu beaucoup de contacts avec ses collègues angevins : à propos d'Audoveus, le seul qui apparaisse dans ses œuvres, l'anecdote rapportée montre que le métropolitain n'avait qu'une estime mitigée pour ce prélat bon vivant et sans grande force de caractère273. Quelques aspects de la vie religieuse angevine sont connus de l'historien : la dévotion dont est entourée la mémoire du confesseur Aubin, les miracles que ses dévots obtiennent à son tombeau dans la basilique élevée en son honneur274. On ne saurait pour autant affirmer que Grégoire se soit jamais rendu dans la cité voisine. Sans parler de son ami Fortunat qui lui fit sans doute un récit détaillé de sa visite à Saint- Aubin275, des Angevins de passage à Tours ont pu renseigner le métropolitain. Car il existe — et c'est là le fait le plus notable — un courant permanent de pèlerinage qui conduit en grand nombre et régulièrement des habitants de l'Anjou dans la cité tourangelle, auprès du tombeau de Martin276.

Au terme de cette analyse, on peut conclure à un net relâchement des liens entre Tours et les quatre cités suffragantes auxquelles se réduit dans la pratique, du fait de la sécession bretonne, la province ecclésiastique. L'autorité hiérarchique du métropolitain n'a plus guère l'occasion de s'exercer sur des Églises qui relèvent souvent d'autorités

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politiques différentes et sur des communautés qui, de toute façon, ont tendance à se replier sur elles-mêmes. Il est significatif que Grégoire, si attentif à noter ses fait et gestes durant son épiscopat, ne mentionne au total que deux interventions — du reste peu efficaces — en qualité de métropolitain277. Dans la mesure où elle se manifeste encore, l'influence de Tours dans la province est de nature toute spirituelle : elle lui vient de son prestige de ville sainte et ne doit rien au rang occupé officiellement par la cité dans la hiérarchie des sièges épiscopaux.

III - Ombres et lumières sur la cité de Tours

Les dernières décennies du VIe siècle, par bien des côtés, constituent pour Tours une des périodes les plus sombres de son histoire : les troubles politiques qui ont marqué les débuts de l'épiscopat de Grégoire ont apporté de graves perturbations et ont laissé des séquelles durables, ruinant les équilibres fragiles sur lesquels reposait l'existence de la cité ligérienne. Et pourtant, depuis les débuts du christianisme tourangeau, jamais, comme en ce dernier quart du VIe siècle, Tours n'a brillé d'un éclat plus vif, joui d'une renommée plus grande; jamais son évêque n'a joué en Gaule un rôle aussi important. C'est dans ce contraste que peut être située et appréciée l'œuvre de Grégoire à la tête de la communauté tourangelle.

1) Une cité durement frappée par les malheurs du temps

Jamais autant de maux ne s'étaient abattus en si peu de temps sur la cité de Tours : l'insécurité, la misère, le désarroi moral sont le lot presque quotidien de ses habitants. Et tout d'abord, en cette fin du VIe siècle où la violence régit en Gaule tous les rapports politiques et sociaux, soldats et fonctionnaires, au service du roi ou pour leur propre compte, imposent leur loi, celle du plus fort. La civitas Turonorum est périodiquement livrée aux brutalités et aux ravages de la soldatesque.

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Qu'il s'agisse pour un souverain d'imposer sa domination, de faire prévaloir ses volontés ou de réprimer la moindre velléité d'indépendance, la méthode employée est toujours la même : pour intimider la population civile, faire plier l'évêque, un corps expéditionnaire est envoyé, auquel toute licence est donnée de piller, de brûler et de massacrer. À ce régime, les soldats contractent bientôt l'habitude de maltraiter les civils et de se conduire partout et toujours comme en pays conquis, même lorsqu'ils ne font que traverser une région parfaitement paisible et soumise.

Il suffit de récapituler les dates des épisodes relatés par Grégoire, pour se convaincre que les Tourangeaux n'ont guère connu de répit : en 573, l'armée de Theudebert incendie sur l'ordre de Chilpéric une grande partie de la région, pillant églises et monastères278; dans les premiers mois de 576, les contingents confiés par le souverain à Roccolène et à Mérovée commettent des ravages semblables279; en 577, une armée plus considérable envoyée par Chilpéric «s'avance jusqu'à Tours, met la région en coupe réglée, l'incendie et la dévaste, sans épargner les biens de Martin»280, tandis qu'un détachement est chargé de monter la garde autour de la grande basilique du suburbiwn2*1 ; en 580, le cas- trum de Tours est littéralement mis en état de siège282; l'année suivante, lors d'un raid lancé par Gontran contre les domaines de son frère, la partie orientale du diocèse est envahie et saccagée283; mais en 583, la Touraine patît encore bien davantages de la contre-attaque organisée par son propre souverain : les troupes rassemblées par Chilpéric, avant de s'élancer sur le Berry, pillent et rançonnent les campagnes tourangelles284. En 584, Gontran fait incendier quelques villages pour hâter la soumission de la civitas à son pouvoir285 et, dans les mois suivants, des contingents, qui se relaient à Tours pour maintenir la ville sous une étroite surveillance, se livrent dans les environs à un pillage éhonté286. En 585, le corps expéditionnaire dirigé contre les Poitevins révoltés commet les

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pires exactions en traversant la Touraine287. En 590, l'armée levée pour combattre les Bretons de Weroc opère de la même façon à son passage288.

Au total, sur les dix-neuf années de son épicopat pour lesquelles Grégoire fournit le compte-rendu des événements, neuf — c'est-à-dire, en moyenne, une sur deux — ont été marquées par des brutalités de la troupe.

Les Tourangeaux ont été également souvent victimes durant cette période des exactions commises par des fonctionnaires qui abusaient de leurs pouvoirs pour opprimer et pressurer leurs malheureux administrés. Parmi ces représentants de l'autorité royale, on compte en effet beaucoup d'individus dépourvus de scrupules et animés d'une cupidité sans borne.

Parce qu'il s'exerçait de façon plus lointaine, dans le cadre d'une vaste circonscription dépassant de beaucoup les limites de la civitas, le pouvoir ducal est celui dont les ouailles de Grégoire eurent le moins à souffrir. Berulfus, Ennodius et Aginus, qui se succédèrent dans la charge de duc de Tours et de Poitiers289, n'étaient sans doute pas des officiers parfaitement intègres; mais, sauf aux époques où ils conduisaient des opérations de guerre ou de police et procédaient à la levée des contingents militaires, punissant sévèrement tous ceux qui tentaient de se dérober au service armé290, ils n'intervenaient pas directement dans la vie quotidienne des Tourangeaux. Sur celle-ci pesait au contraire d'un poids très lourd le gouvernement du comte. Dans l'exercice de ces fonctions, Leudaste, qui jouit longtemps de la confiance de Chilpéric, fut pour ses administrés un véritable fléau. Les pouvoirs qui lui étaient dévolus pour rendre la justice, maintenir l'ordre et la paix civile, il les utilisait pour semer la discorde et faire régner la terreur. En usant de chantage et de violence, il réussit à amasser une fortune considérable, avant d'être finalement déposé, puis dépossédé de ses biens mal acquis et mis à mort291. Chargé de lui désigner un successeur, Grégoire, en faisant choix d'Eunomius292, n'eut pas la main très heureuse. Moins directement préjudiciable aux intérêts matériels de

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la population, la conduite du nouveau comte offrit cependant à celle-ci le fâcheux exemple de l'impunité dont pouvaient bénéficier, chez les puissants, le vol et le crime. Eunomius avait emprunté à un banquier juif et à ses associés, pour la remettre au roi, la somme due par la civitas au titre de l'impôt; puis il avait fait procéder à la levée de la contribution dont il garda le montant pour lui. Lorsque les prêteurs, quelques années plus tard, las de ne pas être remboursés, se présentèrent à Tours où Eunomius, fortune faite, s'était retiré en simple particulier, ils furent proprement expédiés dans l'autre monde par les complices de l'ex-comte, l'ancien vicaire Injuriosus et le tribun Médard293. Même si, tandis qu'il était encore en activité, le comte n'avait pas particulièrement accablé les contribuables, il avait été obligé de rétribuer, à leurs dépens, des complicités. C'est ainsi qu'il avait fermé les yeux sur les brigandages perpétrés dans sa circonscription par le chambrier du roi Chilpéric, Eberulfus. Ce dernier avait en toute impunité pillé les domaines de la basilique Saint-Martin, rançonné ses paysans et spolié l'Église de Tours de plusieurs de ses biens294. Après la mort de Chilpéric, l'administration de la cité fut confiée à des personnages, semble-t-il, plus honnêtes : Grégoire ne formule aucune plainte contre Willacharius qui assura, du temps où Gontran exerçait sa souveraineté, une sorte d'intérim à Tours, tout en conservant le comté d'Orléans295, ni contre son successeur, Eborinus296. Ce dernier fut peut-être remplacé ensuite par un fonctionnaire dont Fortunat vante les mérites, Sigoaldus297. Mais si le pouvoir royal, dans les dernières années de l'épiscopat de Grégoire, se montra soucieux de nommer dans la charge comtale des titulaires plus dignes de cette fonction, il laissa subsister dans les emplois subalternes de franches canailles. Parmi celles-ci, il faut compter le responsable des haras du fisc en Touraine, un certain Pelage. Avec les gardiens des chevaux, ce dernier avait constitué une véritable bande de brigands qui tuait pour les dépouiller les voyageurs, pillait les exploitations rurales, s'acharnant tout particulièrement sur les biens et les personnes d'Église. Un accès de fièvre qui l'emporta en quelques jours délivra enfin les

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Tourangeaux des méfaits de ce criminel endurci298. Quelques années plus tard, la Touraine fut choisie comme terrain de ses brigandages par un ancien connétable de Chilpéric, Chuppa, qui s'était assuré la complicité d'un des vicaires du comte de Tours, Animodus. Cependant les victimes du pillard unirent leurs forces pour se mettre à sa poursuite. Elles récupérèrent une partie du bétail dérobé, mais Chuppa réussit à leur échapper grâce à l'aide que lui apporta Animodus. Traînés en justice, Chuppa et son complice furent finalement, faute de preuve et grâce aussi à quelques présents offerts au juge, acquittés299.

Aux malheurs de ces temps troublés contribue aussi une série de catastrophes naturelles : accidents climatiques qui compromettent les récoltes, épizooties qui déciment les troupeaux, épidémies qui frappent les hommes. Certes, aucune société de l'Antiquité n'a jamais été à l'abri de ces maux qui, dans le passé, n'avaient certainement pas épargné la civitas Turonorum. Mais à l'époque de Grégoire, leurs effets se conjuguent dangereusement à ceux de la violence humaine. C'est qu'en se répétant, destructions et pillages ont, à la longue, rendu plus fragile l'équilibre déjà précaire d'une économie de subsistance. La misère, à laquelle les exactions des soldats et des puissants réduisent une partie de la population, l'état de malnutrition, dans lequel elles maintiennent le plus grand nombre, entretiennent des foyers où couve en permanence la maladie. Il suffit alors que se produise une récolte déficitaire ou que toute une armée se répande dans le pays en le saccageant, pour qu'éclate une véritable disette et que, l'accompagnant, se propage une épidémie meurtrière. De ce cycle de maux qui s'engendrent les uns les autres, l'histoire tourangelle offre en cette période l'exemple presque permanent.

Entre 576 et 585, où presque chaque année se renouvellent les déprédations de la soldatesque, une pestilence qui courait en Gaule s'installe à demeure en Touraine. La maladie qui se manifeste par la dysenterie et une éruption de pustules fait son apparition en 577 30°, reprend en 580, puis en 582 301 et, précédée d'une épizootie302, augmente ses ravages en 584 3O3. Dès le début de cette dernière année, dans les campagnes où font défaut les forces des travailleurs,

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sévit une véritable famine 304 que prolongent, à la suite de pluies torrentielles et d'inondations, les mauvaises récoltes de l'été305. Alors que, dans les années suivantes, la contrée est un peu moins exposée aux méfaits de la guerre, les caprices de la nature se succèdent : gelées tardives en 587 306, humidité excessive en 589 307, puis sécheresse en 591 308. Quand au déficit de la production agricole viennent s'ajouter en 590 les ravages commis par le corps expéditionnaire de Bretagne, la famine reparaît309, bientôt suivie par une reprise de l'épidémie de peste310.

Si les campagnes souffrent plus directement de l'insécurité et du désordre climatique que la ville, celle-ci n'échappe pas aux conséquences économiques de l'une et de l'autre. Le ravitaillement est mal assuré : les denrées sont rares et leur prix, en 585 par exemple, montent en flèche, enrichissant seulement quelques négociants sans scrupules qui exploitent la misère citadine311. Celle-ci s'étale d'autant plus que le castrum voit affluer des réfugiés qui recherchent la sécurité de ses murs ainsi que des paysans ruinés ou chassés par la peur312. Ces nouveaux venus, dans le dénuement le plus complet, viennent grossir la troupe des mendiants qui hantent les abords des lieux saints.

Ce n'est d'ailleurs pas là le seul sujet de préoccupation pour l'évê- que de Tours. L'insécurité, la misère sont génératrices d'un désordre moral, plus inquiétant encore. Elles contribuent tout d'abord à réveiller chez certains membres de la communauté les instincts les plus brutaux. Dans la chronique de Tours, prennent place à cette époque quelques épisodes qui illustrent cette montée de la violence. Certes, des voleurs qui font main basse sur les trésors de l'Église313, un homme assassiné en même temps que son frère par l'amant de son épouse314, un riche

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marchand égorgé et dépouillé par ses propres serviteurs315, ce sont là des faits divers qui pourraient se retrouver en bien d'autres époques. Mais si Grégoire a résolu de faire figurer dans son œuvre, en contrepoint au récit des faits historiques majeurs, ces anecdotes crapuleuses ou scandaleuses, choisies entre d'autres, c'est parce que ces événements — il le sent profondément — sont les produits d'une époque déréglée, les symptômes d'une maladie qui envahit le corps social tout entier. Dans la sphère étroite où ils commettent leurs méfaits, les cambrioleurs qui s'introduisent par effraction dans la basilique Saint-Martin, la femme infidèle aux engagements du mariage n'agissent pas autrement que les rois et les puissants qui donnent, à l'échelle du Regnum Franco- rum, l'exemple contagieux de la violence et de la traîtrise. Quant à l'histoire de Christophe, soigneusement replacée par Grégoire dans le contexte qui l'éclairé, elle apporte l'illustration parfaite de ces rapports fondés sur la force qui tendent à s'établir dans la société316. Christophe est l'un de ces négociants qui s'enrichissent en spéculant sur la famine populaire, qui n'hésitent pas à acheter la liberté d'un homme au prix d'un peu de nourriture non plus qu'à maltraiter les esclaves ainsi tombés en leur pouvoir. Mais un de ses voyages d'affaires le met à son tour, dans la solitude d'une forêt, au pouvoir de ses serviteurs qui en profitent pour le tuer, le voler et se venger ainsi des mauvais traitements subis.

Ce déchaînement général de la violence aveugle apparaît encore mieux dans un dernier épisode longuement narré par l'historien. Il s'agit d'un sanglant conflit qui, entre 585 et 587, met aux prises, en une succession de vendettas, les membres de deux familles de Touraine dont l'une est apparemment gallo-romaine et l'autre franque317.

La querelle qui éclate, pour des raisons assez obscures, à la Noël de l'année 585, oppose d'abord Sichaire, fils de Jean, et Austregisèle. Après une mêlée con-

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fuse, ce dernier met en fuite son adversaire et, ayant tué quatre de ses serviteurs, il fait main basse sur l'argent et les objets précieux que lui livre sa victoire. Le tribunal réuni par le comte de Tours engage un procès contre Austregisè- le; mais avant même que la sentence ne soit prononcée, Sichaire décide de se faire justice lui-même; il massacre par surprise plusieurs membres du parti adverse : Auno, l'un des fils de ce dernier et Eberulfus son frère ainsi que leurs esclaves; il en profite pour s'emparer de leurs biens. Cette seconde tuerie amène l'ouverture d'une nouvelle procédure dirigée cette fois-ci contre Sichaire. Agissant comme arbitre, le tribunal propose, afin de mettre un terme à l'enchaînement des vengeances, la faida, que Sichaire paie en réparation à Chram- nesinde, fils d'Auno, une composition très élevée; l'évêque Grégoire se propose de fournir la somme nécessaire. Mais Chramnesinde refuse et, pour venger ses proches assassinés, il s'attaque en son absence à la villa de Sichaire, tuant les serviteurs de celui-ci et mettant ses biens au pillage. L'arbitrage rendu par le tribunal du comte, après examen des faits nouveaux, est finalement accepté par les deux parties : avec l'argent que lui donne l'Église de Tours, Sichaire paie à Chramnesinde une composition réduite à la moitié de la somme initialement prévue. L'affaire semble terminée, d'autant que les deux adversaires réconciliés deviennent des amis inséparables. Cependant en 587, dans l'ivresse d'un banquet qui les réunit, Sichaire, par des propos inconsidérés, réveille la haine inassouvie de Chramnesinde, qui le tue en lui tranchant la tête. Par la suite, le tribunal du roi devait absoudre le dernier survivant de cette « guerre civile », comme la nomme Grégoire318, qui avait fait au total au moins une vingtaine de morts.

Secouée par des accès de violence, la population civile, en cette période d'insécurité et de misère, est également travaillée par des peurs sourdes. Les esprits les plus faibles succombent à ces hantises : parmi les Tourangeaux qui se pressent au pied du tombeau de Martin dans l'espoir d'une guérison, nombreux sont les malades mentaux et aussi ceux atteints dans leur corps d'une affection que les symptômes décrits par Grégoire permettent de qualifier de psychosomatique319; à l'origine du mal qui les mine, l'évêque-historien note à plusieurs reprises une «frayeur» dont la cause immédiate est imprécise320. Ces malheureux sont en fait les victimes les plus touchées d'un trouble qui atteint presque tous les contemporains, l'angoisse que suscitent des périls toujours imminents321. Cette inquiétude latente se traduit diversement. On scrute

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le ciel et la nature en quête de signes : éclipses, passages de comètes, lueurs traversant le ciel, secousses telluriques ou floraisons tardives sont interprétés comme autant de prodiges annonciateurs de calamités nouvelles322. La moindre de ces observations est colportée, grossie par le travail de l'imagination323, faisant passer dans tout le pays une onde de peur : crainte précise de dangers trop bien connus, mais aussi effroi irraisonné devant ce que l'avenir réserve d'inconnu. Du fond de l'inconscient collectif remontent les terreurs ancestrales et chacun cherche la réponse à son interrogation angoissée. Les imposteurs, pseudothaumaturges, faux prophètes, ont beau jeu dans ces conditions d'exploiter la crédulité populaire : à intervalle de sept ans, deux d'entre eux réussissent à semer le trouble parmi les ouailles de Grégoire324. Certaines d'entre elles écoutent volontiers les prédications d'une pythonisse prétenduement inspirée325, tandis que d'autres recourent aux incantations et aux potions magiques de Vhariolus326. D'une manière plus générale, les fidèles sont hantés par l'idée que la catastrophe ultime, la fin du monde, est toute proche327.

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2) L'œuvre réparatrice de Grégoire de Tours

D'abord impuissant à conjurer les malheurs qui s'abattaient sur sa cité, Grégoire a finalement réussi à enrayer le développement de la violence et de l'iniquité. Aux misères matérielles et morales que celles-ci avaient engendrées, il a su parallèlement porter remède, en assurant à l'assistance chrétienne une efficacité plus grande et en ranimant la foi et l'espérance de la communauté.

Grégoire, urbis amator

L'évêque, auquel son ami, le poète Fortunat, en louant son zèle pour Tours, décernait le beau titre a' urbis amator32*, a accepté d'assumer, pour le bien de la cité, de véritables responsabilités politiques. À l'égard des représentants du pouvoir royal autant que de ses concitoyens, il s'est imposé comme le chef moral, le defensor de la communauté locale. Le souci qui l'animait était, avant tout, de préserver la vie et la liberté individuelle des habitants de Tours. C'est cette préoccupation qui a inspiré ses choix politiques comme ses interventions dans les affaires intérieures de la cité.

Pour éviter que Tours ne devint le champ clos des rivalités entre princes, Grégoire s'est incliné — quoiqu'il en coûtât à ses opinions personnelles — devant les souverains que le sort des armes ou le rapport des forces politiques imposait à la civitas, exhortant le peuple tourangeau à se soumettre, à son exemple, à l'autorité établie. Certes il n'est pas, pour autant, toujours parvenu à éviter à la Touraine les pillages et les exactions auxquels soldats et fonctionnaires avaient pris l'habitude de se livrer. Mais il a du moins épargné le pire à la cité : à plusieurs reprises, l'évêque a su se faire entendre d'un chef militaire, tel le prince Theudebert329, ou d'un souverain, comme Chilpéric 33°, pour que soit mis un terme aux excès les plus éhontés. À l'époque où le roi Gontran établissait son autorité sur Tours, il a réussi à calmer, parmi ses ouailles, les esprits les plus échauffés331, prêts à lancer Tours dans une rébellion qui eût été inévitablement noyée dans le sang. Placée dans la

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même situation, Poitiers, dont la condition politique est durant toute cette période étroitement liée à celle de Tours, a connu à deux reprises, faute d'avoir accepté de faire obédience, le sort misérable d'une ville qui doit se rendre à la merci d'un vainqueur assoiffé de vengeance332 : la comparaison suffit à justifier le sage réalisme de l'évêque tourangeau. Et cependant, il faut le rappeler, le prélat n'a jamais consenti à acheter la sécurité de la communauté tourangelle, en lui sacrifiant celle d'un seul individu, d'un de ces «hôtes» venus se placer sous la protection de saint Martin, si indésirable fût-il333. Cette intransigeance, qui fut pour la Touraine source d'autres épreuves, se révéla en définitive payante. Si Tours jouit dans les dernières années de l'épiscopat d'une paix relative, elle le doit bien sûr à l'évolution de la conjoncture politique — à l'apaisement des querelles entre souverains — , mais aussi à la ligne de conduite adoptée par son évêque : la droiture et la fermeté, dont il a fait preuve en toutes circonstances et envers tous les princes, ont finalement imposé â ces derniers respect et considération pour la cité et pour son chef spirituel.

En refusant de s'engager dans les luttes partisanes pour mieux servir la cause de la paix, Grégoire a gagné aussi le droit d'intervenir dans la vie de la communauté civique, soit pour tempérer, par ses conseils, l'exercice du pouvoir comtal, soit pour maintenir, en collaboration avec l'autorité séculière, la concorde civile. À plusieur reprises, il a obtenu du juge la grâce d'innocents injustement condamnés par une procédure expéditive ou celle de coupables trop durement frappés par une loi impitoyable aux humbles334. En d'autres cas, siégeant au tribunal à côté du comte, il a été associé plus étroitement encore aux sentences rendues335. Son action, dans le conflit opposant le clan de Sichaire à celui de Chramnesinde336, manifeste de façon exemplaire l'autorité acquise par le prélat et l'efficacité de son rôle. Dans toute cette affaire, l'attitude de Grégoire fut dictée par un unique souci : il fallait à tout prix,

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pour éviter «qu'il n'y ait mort d'hommes»337, arrêter l'engrenage de la vengeance, de la faidd, que montait le jeu des solidarités familiales. Pour «que la querelle ne s'envenimât pas davantage»338, Grégoire a tenté d'assurer, en plein accord avec le juge séculier, un arbitrage entre les deux parties. Écartant tout préjugé, l'héritier de plusieurs générations de fonctionnaires impériaux, le prélat instruit de la législation conciliaire, ne se place, à l'égard des meurtriers, ni du point de vue de la loi romaine, qui stipulait en pareils cas des peines afflictives, ni du point de vue du droit canon, qui prévoyait une sentence d'excommunication. Sans la moindre hésitation, il se plie à la procédure que la juridiction barbare et l'évolution des mentalités faisaient prévaloir dans la société contemporaine, la seule qui pouvait avoir quelque efficacité en la circonstance. Grégoire ne fait pas non plus entrer en ligne de compte ses sentiments personnels qui le poussaient à prendre parti pour le Gallo- Romain, Sichaire, dont il excuse plus volontiers les crimes en les mettant sur le compte de la légèreté juvénile ou de l'ébriété. Pour sauver malgré tout ce dernier et surtout pour éviter que ne périssent d'autres victimes innocentes, il propose que soit donnée entière satisfaction au parti franc — celui qui était le plus naturellement enclin à poursuivre la faida — par le versement d'une composition. Pour servir la paix, plus importante à ses yeux que la stricte justice, Grégoire va plus loin : l'évêque, si ménager des deniers de son Église, offre que celle-ci fournisse la somme considérable que Sichaire — tout riche propriétaire terrien qu'il fût — n'était pas en mesure de verser. Même réduite de moitié à la suite des développements nouveaux du conflit, cette composition exigeait de l'Église un lourd sacrifice financier devant lequel le prélat n'a pas reculé pour restaurer la concorde civile à Tours.

Grégoire, plebis pater

Dans cette affaire, Grégoire avait fait passer la préservation des vies humaines avant les intérêts matériels de la communauté. Il n'ignorait pas cependant que la sécurité des personnes ne va pas sans celle des biens. Se voulant le protecteur des humbles, il s'est efforcé de sauvegarder les ressources assurant la subsistance de la population et en tout premier lieu celles de son Église. Car cette dernière devait faire

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face, outre aux dépenses normales du culte, aux charges de plus en plus lourdes qu'avec la misère régnante lui imposait sa mission d'assistance.

En bon gestionnaire, Grégoire s'est tout d'abord employé à défendre et à accroître le patrimoine et les revenus ecclésiastiques, considérés par définition comme le bien des pauvres. Les riches propriétés foncières que possédaient l'Église de Tours et certains de ses établissements — notamment la basilique Saint-Martin — suscitaient bien des convoitises auxquelles, encouragés par la licence générale, les puissants cédaient désormais plus facilement. Grégoire ne ménagea pas sa peine pour défendre le patrimoine ecclésiastique. Dès le début de son épisco- pat, il avait tenu ferme devant les revendications élevées par son collègue de Nantes339, Felix, sur une villa ecclesiae, à un moment où sa position personnelle difficile aurait pu l'inciter à user de plus de ménagement pour se concilier l'appui du suffragant. Par la suite, l'Église tourangelle eût à souffrir à diverses reprises de spoliations violentes. Attendant patiemment son heure, Grégoire parvint presque toujours à faire rendre gorge aux necatores pauperum, aux complices de Leudaste qui avaient distribué à leurs partisans les prés et les vignes du temporel ecclésiastique340, comme à Eberulfus qui s'était emparé d'un domaine rural et d'une maison urbaine, propriétés de l'Église341, ou encore à Pelage qui avait occupé un herbage appartenant à une communauté de moniales342. Il apporta la même persévérance pour obtenir restitution des biens meubles dérobés, troupeaux enlevés par des soldats ou trésors liturgiques ravis par des voleurs. En définitive, il réussit à préserver l'essentiel du patrimoine légué par ses prédécesseurs et il eut même la satisfaction de le voir s'arrondir grâce à des donations ou à des legs.

Plus intermittente qu'au début du siècle, la générosité de la famille royale, après une période où elle s'était presque complètement tarie, se manifeste à nouveau sous l'épiscopat de Grégoire. Sigebert, qui avait toujours accordé sa faveur à la cité des bords de Loire, Chilpéric, qui, se croyant puni par la mort de deux de ses jeunes fils, tenta à la fin de son règne de racheter ses fautes par des dons charitables343, Gontran

TOURS AU TEMPS DE GRÉGOIRE , 315

dont Grégoire célèbre les largesses envers les établissements ecclésiastiques et les pauvres344, tous les fils de Clotaire Ier, ont certainement contribué, dans des proportions diverses et difficiles à évaluer, à augmenter la richesse de l'Église tourangelle. Le rôle joué en ce domaine par les princesses apparaît plus nettement dans les récits de l'historien : l'épouse du défunt Caribert, Ingoberga, laisse par testament, en 589, une partie de ses biens à l'ecclesia turonica et à la basilique Saint-Martin345. Quelques années plus tard, une autre veuve royale, Frédégonde, après avoir sollicité, lors de la maladie de son dernier-né, le secours du saint patron de Tours, exprime sa reconnaissance pour la guérison du jeune Clotaire par le don à la basilique du confesseur d'une grosse somme d'argent346. À la génération suivante, les souverains continuent de manifester tout aussi concrètement leur dévotion au saint thaumaturge : ainsi Childebert II fait du comte Sigoaldus l'exécuteur à Tours de ses dispositions charitables347. Les généreux donateurs sont souvent aussi des ecclésiastiques : l'abbé Aredius de Limoges institue Martin au nombre de ses héritiers; l'évêque Romulfus de Reims et, quelques années après la mort de Grégoire, l'évêque Bertrand du Mans n'oublient pas les sanctuaires de Tours dans leur testament348. Mais la piété des simples laïcs accroît, certainement avec plus de régularité, le patrimoine de l'Église tourangelle. Il n'était sans doute pas exceptionnel que des notables de Tours lui laissassent, par dispositions testamentaires, leur fortune : Grégoire signale que telle avait été l'intention de Loup, civis turonicus, qui avait perdu femme et enfants; au grand scandale de l'évêque, il fut détourné de ce projet par les conseils de son frère349. Mais d'autres fidèles persévéraient dans leurs volontés : le monastère fondé par l'abbesse Ingitrudis dans l'atrium de Saint-Martin jouissait déjà, lorsque celle-ci mourut en 590, des revenus de plusieurs villae données par de pieuses personnes à la petite communauté350. Plus fréquemment encore, de riches pèlerins faisaient donation de tout ou partie de leurs biens à la basilique martinienne351. Grégoire, qui conseilla

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la reine Ingoberga dans la rédaction de son testament et qui en toutes circonstances sollicitait la charité des fidèles et des visiteurs, ne fut pas étranger, on le devine, à cet afflux de dons : fastueuses ou modestes, toutes les contributions étaient bien venues à une époque où les tâches accrues de l'assistance requéraient pour l'Église des ressources plus importantes.

Encore fallait-il, pour que l'équilibre fût préservé, que la fiscalité, par des ponctions excessives, ne vînt pas amoindrir les revenus provenant des biens-fonds, ni augmenter, en ruinant les contribuables, les charges auxquelles ces revenus permettaient de faire face. Cette préoccupation a guidé Grégoire dans sa lutte pour conserver à son Église et à sa cité le statut fiscal privilégié dont elles bénéficiaient depuis plusieurs décennies352. En ce domaine en effet, son attitude n'est pas dictée seulement par un simple réflexe de défense des intérêts locaux; elle s'inspire d'une réflexion qui relève de la morale politique. La levée des contributions paraît à l'évêque, dans la société contemporaine, une pratique souvent abusive et même, en certains cas, franchement inique. Non qu'il refuse en principe au monarque, garant de l'unité et de la paix, le droit d'exiger de ses sujets des prestations indispensables à la survie du royaume. Mais il conteste précisément au trésor royal le caractère d'un trésor public : dans les caisses des souverains mérovingiens, le produit des impôts vient — constate-t-il — s'entasser inutilement et ces richesses improductives sont, par les convoitises qu'elles suscitent, source de conflits fratricides entre princes353. Or pour parvenir à ces résultats douteux, la fiscalité écrase les pauvres, les réduit souvent à un dénuement total qui les met à la charge de l'Église locale; au même moment, elle soustrait à cette dernière une partie des revenus qu'elle redistribue

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habituellement aux plus déshérités. Dans sa contestation, Grégoire est d'ailleurs resté respectueux de la souveraineté monarchique : la résistance qu'il oppose aux agents du fisc n'est pas rébellion contre le pouvoir; elle se fonde au contraire sur des décisions qui, prises par leurs prédécesseurs, lient, aux yeux de Grégoire, les souverains contemporains354. C'est donc contre les seules novations, inacceptables parce que relevant de l'arbitraire, que l'évêque s'est dressé.

Sa vigilance en ce domaine fut sans doute mise en alerte une première fois, à l'époque où Tours était rattachée au royaume de Soissons : en 579, Chilpéric, nous apprend-il, «fit lever dans tout son royaume des impôts nouveaux et lourds»355; ceux-ci frappaient tout particulièrement les vignobles, mais aussi d'autres terres, ainsi que la possession d'esclaves. Cette imposition était si intolérable que certains contribuables, dans l'incapacité de s'acquitter, préférèrent fuir dans un autre royaume et qu'à Limoges la population se révolta contre les percepteurs royaux, ce dont elle fut ensuite cruellement punie. L'historien ne dit pas si la réforme décidée par Chilpéric, et semble-t-il, progressivement mise en place en commençant par le Limousin, visait la Touraine elle aussi : mais cela est fort probable, étant donné le caractère général qu'il attribue à la mesure édictée par le souverain. Grégoire, qui ne manqua pas d'élever une vive protestation, n'eut cependant pas l'occasion de prendre la défense des contribuables tourangeaux; car quelques mois plus tard, Chilpéric, ému par la mort de deux de ses enfants et persuadé par Frédégonde que ces deuils étaient un châtiment envoyé par le ciel, revint sur sa décision356. Ce fut du souverain cher au cœur de l'évêque, de Childebert II, que vint en 589 une menace plus pressante : deux percepteurs royaux, Florentianus et Romulfus, se présentèrent à Tours pour procéder dans la civttas au recouvrement d'un impôt que le roi Clotaire 1er avait jadis, sans succès, tenté d'établir à un taux plus élevé et sans tenir compte des immunités accordées précédemment à certains biens d'Église357. À l'appui de leurs exigences, les descriptores apportaient un exemplaire du rôle dressé à l'époque de ce dernier roi. Grégoire suspendit leur action, en plaidant auprès d'eux un dossier qu'il connaissait fort bien : il fit valoir que Clotaire, pris de remords, avait abrogé les nouvelles mesures fiscales dont il était l'auteur; que Caribert, à son tour, après une tentative pour les remettre en vigueur, y avait lui aussi renoncé ; bien plus, ajoutait-il, ce dernier souverain avait accordé un nouveau privilège en jurant solennellement que «plus jamais personne de

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la population de Tours ne paierait l'impôt au trésor public»3?8. Enfin il rappelait que Childebert, pendant les treize premières années de son règne avait scrupuleusement respecté les engagements de ses prédécesseurs. Revenir sur les serments solennellement prononcés serait, concluait-il, en laissant planer la menace d'une vengeance de Martin, une faute. Parallèlement l'évêque avait adressé directement à Childebert II un message qui était certainement conçu dans les mêmes termes. Il avait, en tout cas, su se montrer convaincant, puisque la réponse fut favorable: «par égard pour Saint Martin», le souverain ordonnait à ses représentants de surseoir à la levée de l'impôt qu'ils étaient venus exiger359.

Quelle est la portée exacte de cette dernière mesure? Pas plus que celle à laquelle s'était résigné, à l'époque d'Eufronius, le roi Caribert, elle ne signifie que désormais les contribuables tourangeaux dans leur ensemble furent exonérés d'impôt. C'est aux novations qu'avait prétendu apporter Clotaire que son petit-fils, après avoir tenté de les remettre en application, renonçait à son tour. Concrètement, cela voulait dire tout d'abord que les immunités précédemment accordées étaient implicitement confirmées : qu'il s'agisse de Yemunitas dont jouissaient, par concession royale, depuis le règne de Clovis, certains biens de l'Église ou de l'exonération de la capitation consentie par Caribert en faveur du petit peuple citadin. Pour toutes les autres catégories de terres et de personnes, Childebert s'engageait seulement à maintenir les impositions coutumières sans en aggraver le taux. Il n'est pas douteux en effet qu'avant comme après 589, les propriétés foncières en Touraine — exception faite bien entendu des domaines jouissant de l'immunité — ont continué à être grevées du tributum. Un épisode relaté par Grégoire en fait foi : l'historien y montre le comte de Tours Euno- mius, qui fut en charge entre 580 et 584, procédant, avec le concours du vicaire Injuriosus, à la levée des tributs publics360. Grégoire n'aurait pas manqué de stigmatiser son action, si celle-ci avait constitué une atteinte au statut fiscal de la civitas et notamment si elle avait été contraire aux privilèges récemment consentis par Caribert, ceux-là mêmes que renouvelle, sans les élargir, Childebert IL

Limité au maintien du statu quo ante, le succès obtenu par Grégoire dans cette affaire était cependant fort appréciable.

Il lui donnait en particulier les moyens de lutter plus efficacement contre la misère, une des préoccupations majeures de l'évêque, présente presqu'à chaque page de sa chronique tourangelle. En ce domaine,

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Grégoire s'est attaché d'une part à développer les œuvres et institutions d'assistance prises en charge par l'Église et d'autre part, comme celles- ci ne pouvaient à elles seules soulager tous les maux, il s'est évertué à mobiliser la bienfaisance privée et à la canaliser dans les voies les plus utiles. Au nombre des bénéficiaires de ces «œuvres de miséricorde», il faut compter tout d'abord les prisonniers et certains esclaves. À la condition très dure des détenus, souvent réduits à la famine par leurs geôliers, l'évêque s'est efforcé d'apporter quelque adoucissement, en procédant dans les prisons, régulièrement visitées par les clercs, à des distributions de vivres361. Un effort plus considérable fut entrepris en faveur des prisonniers pour dettes, victimes des difficultés économiques : les oboles apportées par les fidèles362, en permettant de désintéresser leurs créanciers, contribuaient à leur rendre la liberté; grâce à ces généreux concours, l'ascète Senoch, qui s'était tout particulièrement consacré à cette bonne œuvre, put, nous apprend Grégoire, libérer plus de deux cents de ces malheureux363. De même que tous ses contemporains, Grégoire ne songeait nullement à mettre en cause le principe de l'esclavage; mais l'évêque, protecteur des faibles, n'est pas resté insensible au sort misérable de certains esclaves, maltraités par des maîtres cruels et parfois abandonnés par ceux-ci lorsque l'âge ou une infirmité les rendait incapables de travailler : en rachetant quelques-uns d'entre eux, l'Église de Tours donna un exemple364 qui fut imité par de pieux laïcs365.

Bien plus nombreux encore à solliciter la charité étaient ceux que Grégoire désigne sous le nom de pauperes : individus dénués dès leur naissance de toute ressource, paysans ruinés par les effets conjugués de la guerre et des catastrophes météorologiques, infirmes que leur mal rendait inaptes au travail et que le renom du saint thaumaturge attirait à Tours. Pour porter secours à cette foule de déshérités, l'évêque a mis en œuvre tous les moyens et mobilisé toutes les bonnes volontés. Il s'est attaché à développer l'institution de la matricule des pauvres : de ces établissements officiels qui prennent en charge l'entretien des pauperes

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inscrits sur leur rôle366, on ne connaît à Tours, à l'époque d'Eufronius qu'un seul exemple, celui de la matricule ouverte auprès de la basilique Saint-Martin367. Dans la ville même, Grégoire fonda une deuxième ma- tricula pauperum, auprès du monastère Saint- Julien368 et dans les bourgs ruraux, notamment à Candes369, il organisa des institutions charitables de même type. Cependant les capacités d'accueil des matricules étaient limitées. Restaient «tous les autres pauvres»370 : certains d'entre eux recevaient une assistance des monastères et des ermitages; ceux-ci accueillaient en particulier les grands malades auxquels les frères ou les moniales apportaient les soins nécessaires à leur état371. Grégoire, qui incita l'abbé Senoch à renoncer à sa retraite ascétique pour mettre ses dons au service des infirmes372, fut sans doute pour beaucoup dans le développement de ces fonctions hospitalières assurées par quelques communautés monastiques373. Enfin les fidèles furent, aux côtés des clercs et des moines, étroitement associés à l'entreprise charitable : les ouailles de Grégoire, les pèlerins — de nombreux récits en font foi — 374 ne restaient pas sourds aux exhortations de l'évêque qui les invitait à aider de leurs aumônes les mendiants établis aux portes des sanctuaires ou à verser leur obole à une matricule; dans cet élan de solidarité, certains donnaient même un peu de leur temps pour servir les pauvres et soigner les infirmes recueillis dans les établissements ecclésiastiques375. Autant qu'on puisse en juger, les efforts réalisés furent à la mesure des besoins les plus pressants. À une époque où, en Gaule, il n'était pas rare qu'«un grand nombre de gens meurent épuisés par le manque d'aliments»376, ce n'était pas là un mince résultat; et Grégoire, qui avait réussi à susciter et à organiser ce mouvement charitable, méritait bien

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le nom de plebis pater que lui décerne dans ses vers son ami Fortu- nat377.

Grégoire, pastor in urbe gregis

L'activité qu'il déployait pour gouverner la cité et pour assurer la subsistance matérielle de tous ses habitants n'a nullement détourné des tâches spirituelles du sacerdoce l'évêque Grégoire, quo pascente, affirme le poète, grèges per pascua sancta regantur278. En cette fin du VIe siècle, la conquête missionnaire, sans être complètement achevée, avait cependant touché la grande majorité des Tourangeaux. Mais il restait une œuvre considérable à accomplir en profondeur : bien des conversions hâtivement opérées restaient superficielles, surtout dans les campagnes où les antiques superstitions n'avaient pas toutes disparu; d'autre part, la morale chrétienne triomphait difficilement à une époque où se réveillaient, dans la guerre et dans les difficultés économiques, les instincts les plus brutaux. Grégoire s'est attaché avec le plus grand zèle à remplir ses fonctions enseignantes : la synaxe dominicale et, plus encore, la célébration des grandes fêtes annuelles, qui rassemblait la communauté locale dans un des sanctuaires de Tours, lui en offraient régulièrement l'occasion. L'auteur de YHistoria Francorum ne s'est pas soucié de transmettre à la postérité le texte de ses homélies. Mais les thèmes de sa pastorale n'étaient sans doute pas différents — les quelques allusions qu'il y fait en témoignent — de ceux qu'il développe à l'usage de ses lecteurs dans les recueils des Miracula379. C'est en effet au travers des miracles accomplis par les saints — plus proches dans leur humanité — que Grégoire s'efforce de faire comprendre la toute puissance de Dieu, de soutenir l'espérance en sa miséricorde; de même, c'est en montrant les châtiments encourus par les impies et les pécheurs endurcis, qu'il tente de guider ses ouailles dans le droit chemin. Illustrant très concrètement son enseignement par des exempta, Grégoire invite les fidèles à mettre leur foi en pratique dans l'amour du prochain, dont il faut non seulement respecter la vie et les biens, mais aussi secourir la faiblesse. Cet appel à la charité, inlassablement prêchée, s'accompagne aussi du rappel de quelques autres règles de la morale

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chrétienne380: l'évêque recommande à chacun de s'attacher à la vérité et la foi jurée381, de conserver la fidélité dans les liens du mariage382, d'user avec modération de la boisson383. Par ailleurs Grégoire insiste beaucoup sur la pratique religieuse; ses exigences sont limitées mais fermes : il demande à ses ouailles, que la nécessité asservit pour la plupart à un dur labeur quotidien, de réserver le dimanche pour honorer le Seigneur, en s'abstenant, en ce jour, de tout travail384. Avec ce langage qui peut être compris de tous, l'évêque tâche, sans excès de rigueur, de guider les pas encore hésitants des fidèles dans la voie d'une vie chrétienne.

Pour que ce message fût plus largement diffusé et entendu, Grégoire a parallèlement engagé une action dans trois directions : il lui fallait, pour encadrer étroitement le peuple chrétien, disposer d'un clergé nombreux et bien formé à sa tâche; avec ces effectifs renforcés, il s'agissait aussi de multiplier les lieux de culte. Il lui paraissait enfin indispensable d'apporter dans tous les sanctuaires la présence, secoura- ble à la foi, des saints et des martyrs, en les dotant de reliques.

Grégoire, tout au long de son épiscopat, n'a cessé de manifester le souci de procurer au clergé et aux communautés monastiques du diocèse de nouvelles recrues. Pour préparer la relève, il a enrôlé les jeunes garçons que l'on voit, dans ses récits, remplir l'office de lecteurs; élevés dans la maison de l'évêque, ou placés auprès d'une église rurale sous la tutelle d'un prêtre, ceux-ci reçoivent une formation qui les prépare au sacerdoce385. Mais Grégoire recrute aussi des hommes et des femmes dont la vocation est plus tardive : il a souvent inspiré ou conforté la décision de laïcs, membres de la communauté locale ou pèlerins venus d'autres diocèses, qui, ayant été exaucés au tombeau de Martin, entrent au service de l'Église de Tours ou se retirent dans un monastère de la

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civitas3*6. Il accueille aussi volontiers des clercs, des religieux ou des religieuses, étrangers à Tours et qui, tel Tévêque oriental Symon387, ou la moniale Ingitrudis388, ont résolu de s'établir dans la cité martinienne. Dans son zèle il va même jusqu'à détourner l'ascète breton Winnocus, de passage, dé son projet de se rendre en pèlerinage aux Lieux Saints de Palestine et, pour le retenir, il lui confère la prêtrise389.

Sur cette milice, diverse par ses origines comme par ses engagements, l'évêque a réussi à établir son autorité. Il avait rencontré au début de son épiscopat l'opposition d'un groupe de clercs ambitieux, au demeurant peu nombreux, mais qui par leurs intrigues, avaient semé le désordre. Épuré de ces éléments douteux, le clergé tourangeau fut ensuite solidement repris en main. De tous ses membres Grégoire exigeait en premier lieu qu'ils retiennent «sans aucune altération ou hésitation de cœur ce qu'on ordonne de croire dans l'Église»390. Grégoire dut ainsi soutenir une longue controverse avec l'un de ses prêtres — qu'il dit adepte de l'hérésie «sadducéenne» — pour l'amener à croire à la résurrection des morts391. Mais ces errements d'une théologie balbutiante étaient sans doute fort rares parmi les clercs tourangeaux, en général pourvus d'une foi simple mais droite. Il fallait sûrement plus de vigilance pour obtenir de tous les membres du clergé une conduite irréprochable, qui fût un exemple pour les laïcs. Les rapports étroits que Grégoire entretenait avec les prêtres et les diacres de l'église urbaine, les tournées pastorales qui le conduisaient fréquemment sur les routes du diocèse lui ont permis d'assurer de façon satisfaisante le respect des règles disciplinaires392. Dans les récits de l'historien relatifs à la Touraine, on ne trouve qu'un tout petit nombre de clercs dont les

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mœurs soient scandaleuses. Les moines et les moniales n'échappent pas non plus au contrôle episcopal : ceux qui sont tentés, comme Senoch, de se soustraire à la vie communautaire en s'isolant dans la solitude393 ou qui, tel Leobardus, sont saisis du désir de mener une existence errante394 sont fermement rappelés à l'observance de la règle. Les moniales qu'Ingitrudis avait rassemblées dans l'atrium de la basilique Saint-Martin refusent-elles de se soumettre à l'abbesse que la fondatrice avait désignée avant sa mort? aussitôt l'évêque, par de sévères réprimandes, les ramène à l'obéissance395. La milice tourangelle avait retrouvé sa cohésion sous la ferme direction de Grégoire.

Ce dernier apporta aussi tous ses soins pour entretenir et développer le réseau de sanctuaires que desservaient clercs et moines. Sous son épiscopat, de nombreux édifices du culte furent réparés ou nouvellement fondés. Tout d'abord dans la ville de Tours. V ecclesia prima était restée en ruines depuis le règne d'Eufronius; Grégoire la reconstruisit en lui donnant de plus vastes dimensions396. Dans le suburbium, il restaura la basilique Saint-Martin dont les murs portaient encore des traces de l'incendie allumé en 559 et il édifia à proximité un nouveau baptistère397. Au Sud-Est du castrum, un autre chantier s'était ouvert peu après l'arrivée à Tours de Grégoire : encouragés par ce dernier, des moines avaient élevé une basilique en l'honneur de Julien de Briou- de398. Dans ce programme, les campagnes n'étaient pas oubliées. Grégoire dédia «dans de nombreuses localités du territoire de la Tourai- ne. . . des églises et des oratoires». De ces édifices construits à son initiative ou à celle de pieux fidèles, l'évêque n'a malheureusement pas jugé utile de donner la liste dans la notice qu'il consacre, au dernier chapitre de YHistoria Francorum, à son propre épiscopat399. Au fil de ses récits, il lui arrive cependant de mentionner quelques-unes de ses

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interventions : nous apprenons ainsi qu'il agrandit un oratoire anciennement dédié à saint Etienne mais dont il ne précise pas la localisation400; qu'à Pernay, il procèda à la consécration d'une basilique édifiée par un certain Litomeris401 et qu'il dédia une église récemment achevée au Petit-Pressigny402. Au témoignage de Fortunat, Grégoire fit également élever un oratoire à Artanne403. À cette enumeration — sans doute incomplète — des chantiers nouveaux du diocèse, il faut ajouter les travaux certainement entrepris pour relever ou restaurer plusieurs églises rurales endommagées au cours des opérations militaires qui se déroulèrent en Touraine404.

Aux édifices anciens qui en étaient dépourvus comme aux nouveaux, Grégoire s'est enfin préoccupé d'apporter des reliques ou des brandea, gages pour les fidèles de la présence efficace des saints et des martyrs. Pour ce faire, il a puisé dans le trésor anciennement constitué par ses prédécesseurs405, ainsi que dans ses réserves personnelles406. Dans les dernières années de l'épiscopat encore, il a eu le souci d'enrichir cette pieuse collection, envoyant en 590 le diacre Agiulfus dans la Ville Éternelle pour y quérir tout un lot de brandea des apôtres et des martyrs romains407. En ranimant par ce moyen le culte de saints anciennement introduits dans la cité ou en proposant à la vénération des fidèles les saints de son pays d'Auvergne, Grégoire était soucieux de procurer à la communauté tourangelle le secours de nombreux protecteurs célestes. Mais c'est évidemment de Martin, le patron dévolu par la Providence divine à la civitas Turonorum, qu'il attend l'aide la plus efficace, pour soutenir la foi et l'espérance de ses ouailles. Aussi le prélat met-il en œuvre tous les moyens propres à exalter la gloire de son saint prédécesseur. Aux vers que Fortunat compose à sa demande, pour célébrer la vie et les vertus du confesseur408, font écho les récits dans lesquels Grégoire lui-même relate les miracles posthumes accomplis par

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le thaumaturge à son tombeau. Les murs de la basilique funéraire dont les peintures anciennes sont restaurées409, ceux de l'ecclesia prima reconstruite, ornés à leur tour d'images inspirées de la Vita Martini410, exposent aux yeux des fidèles assemblés les preuves de la puissance de Martin. Les fêtes célébrées en l'honneur de ce dernier, deux fois l'an, revêtent un éclat tout particulier. Dans les pages nombreuses, où Grégoire évoque la majestueuse ordonnance liturgique de ces cérémonies, palpite encore l'émotion qui saisit les fidèles recueillis dans la prière411. Mieux que tout autre signe, l'élan de cette dévotion au saint patron de la cité manifeste le réveil de la vie spirituelle à Tours.

3) Le rayonnement de la cité martinienne en Gaule

Un pouvoir episcopal dont l'autorité à Tours est pleinement restaurée; une communauté chrétienne qu'anime une vitalité nouvelle: le rétablissement opéré par Grégoire est tel que la cité, durement meurtrie par la guerre et ses misères, étend, plus que jamais par le passé, son rayonnement spirituel en Gaule; et que son évêque, longtemps suspect, isolé, menacé, assure au siège tourangeau, dans les dernières années de l'épiscopat, un rôle de premier plan dans les affaires politiques et religieuses du regnum Francorum.

C'est à son prestige, exalté par Grégoire, de ville sainte, de haut lieu du miracle, que Tours doit d'être devenue, en ce dernier quart du VIe siècle, le plus grand centre de pèlerinage des Gaules. En publiant périodiquement les preuves que le saint thaumaturge opérait toujours depuis son tombeau, l'évêque dans ses homélies, ou l'écrivain dans les livres du De virtutibus beati Martini episcopi a organisé, pour faire connaître les bienfaits dispensés par Martin à son sépulcre, une véritable campagne de propagande412. Le terme, pour une entreprise d'inspiration généreuse — il s'agit que le plus grand nombre soit en mesure de bénéficier des cures miraculeuses — se justifie par l'efficacité des moyens mis en œuvre. Ceux-ci ont en effet contribué pour beaucoup à drainer vers la cité des bords de Loire la foule des suppliants : lus par les membres de l'élite cultivée ou, dans les milieux humbles, colportés

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de bouche en bouche, les récits de Grégoire ont éveillé l'espoir et incité bien des malheureux, malades ou infirmes, à prendre la route de Tours. Accroître les effectifs du pèlerinage n'était cependant pas la seule ambition de l'évêque. De ce déplacement d'individus venus d'horizons divers et qui, dans leur très grande majorité, s'en retournaient sans avoir vu leurs prières exaucées, il a voulu faire le vecteur de la spiritualité martinienne. C'est pourquoi il assume, auprès de cette communauté flottante que renouvelle le pèlerinage, ses fonctions pastorales avec le même zèle qu'auprès de ses propres ouailles. Les visiteurs, souvent démunis d'appui et de ressources, bénéficient des mesures d'assistance prises par le prélat, mais aussi d'un secours moral dont ils ont, dans leur détresse, un urgent besoin. Grégoire s'efforce d'établir des contacts individuels avec ces étrangers qu'il sait écouter, conseiller, réconforter. D'autre part, les pèlerins, qui se rassemblent nombreux dans la basilique à l'époque des grandes fêtes, reçoivent collectivement de l'évêque un enseignement qui leur est, pour partie, réservé413. Des bienfaits qu'il accorde aux siens, Martin «ne prive pas les étrangers», affirme Grégoire414. Ce dernier, en sa qualité de successeur de l'apôtre, se fait un devoir d'exercer son ministère auprès d'un troupeau qui lui est provisoirement confié. Que cet effort n'ait pas été vain, en témoignent la «conversion» éclatante de quelques pèlerins et, pour un plus grand nombre de visiteurs, l'enrichissement spirituel qu'ils tirent de leur séjour dans la cité tourangelle415. Aussi, lorsque les pèlerins repartent dans leur pays, ils emportent avec eux le message qu'ils ont entendu et qu'ils diffusent dans les communautés dont ils sont originaires : ils y répandent non seulement la renommée des miracles opérés par Martin, mais aussi un peu de l'idéal de foi et de charité que l'Église de Tours prêche à l'exemple de son saint patron.

C'est encore au nom de Martin, apôtre de la paix, que Grégoire, en personne, a travaillé à restaurer la concorde civile et religieuse au sein du regnum Francorum, en usant du prestige spirituel retrouvé par le siège de Tours. Au service de cette cause, il n'a cessé d'œuvrer par ses écrits. Dans ses ouvrages, tout particulièrement dans YHistoria Francorum, il s'adresse à maintes reprises aux souverains, les exhortant à

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maintenir entre eux la paix et à protéger les Églises416. Tirant leçon de l'histoire des temps passés comme de l'actualité la plus brûlante, il tente de leur démontrer que c'est à cette seule condition qu'ils obtiendront de Dieu — l'arbitre des royaumes — , et de Martin, patron particulier de la Gaule, la survie du regnwn Francorum417.

Mais Grégoire eut aussi l'occasion de contribuer, par une action directe, à la réalisaton de ses vœux. Jusqu'à la mort de Chilpéric en 584, les difficultés que connut l'Église tourangelle et, d'une manière générale la complexité de la conjoncture politique en Gaule avaient interdit à l'évêque toute initiative en ce sens. La disparition de Chilpéric, en éliminant de la compétition pour de longues années, par suite de l'extrême jeunesse de son souverain, le royaume de Soissons, simplifiait la situation : elle laissait seuls en présence le roi de Bourgogne, Gontran, et le roi d'Austrasie, Childebert II. Tous les efforts de Grégoire furent dès lors tendus pour assurer la réconciliation entre deux princes, sur lesquels il était en mesure d'exercer une influence personnelle, et pour obtenir l'apaisement des esprits, condition indispensable à la restauration d'une paix durable. Dès le début, le prélat avait misé sur la sagesse de Gontran.

En proclamant bien haut, au moment où ce dernier affirmait sa volonté de puissance — en faisant notamment occuper Tours et Poitiers — que le roi de Bourgogne « était désormais le père des deux fils de Sigebert et de Chilpéric » et qu'il agissait donc au mieux des intérêts du regnum Francorum, confié à sa régence418, Grégoire faisait plus qu'exprimer un espoir; il tentait probablement de convaincre Gontran d'adopter le noble programme politique qu'il lui proposait. Ce furent en fait, on le sait, les menaces que faisait poser sur son royaume l'équipée de Gondovald qui contraignirent Gontran à se rapprocher de Childebert, une nouvelle fois solennellement reconnu pour son héritier. Mais il restait à mettre en pratique cet accord de principe : or la victoire remportée finalement sur Gondovald laissait Gontran rempli de ressentiments à l'égard de tous ceux qui, encouragés en sous main par l'Austrasie, avaient soutenu l'aventurier. Lors de la visite qu'il lui rendit à Orléans en juillet 585, Grégoire obtint d'abord du roi de Bourgogne, auprès duquel il se présenta comme le mandataire de Martin, la grâce de plusieurs partisans de Gondovald419. En cette circonstance, il fut chargé par Gontran d'une ambassade qui, en compagnie du légat Felix, le

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conduisit à l'été de cette même année, à Coblence, auprès de Childebert II420. Le rôle dévolu à Grégoire n'était probablement pas de mener dans le détail les laborieuses négociations destinées à régler tous les litiges territoriaux entre les deux royaumes421 : Felix fut, en public et en privé, sur tous ces problèmes, l'interlocuteur de Childebert. L'évêque de Tours paraît avoir été essentiellement chargé de convaincre l'Austrasien de la sincérité de son oncle, en faveur duquel il apportait une caution morale : Martin, dont Grégoire était le représentant, devenait en quelque sorte le garant des tractations menées à Coblence, où il se manifesta, nous assure l'historien, par un miracle salvateur422.

Cette première ambassade avait heureusement ouvert la voie de la réconciliation. Tout d'abord, au concile qu'il réunit à l'automne à Chalon, Gontran dut renoncer, bon gré mal gré, à exercer les amples représailles qu'il avait méditées contre tous les membres du corps episcopal compromis dans l'affaire Gondo- vald423; à la réunion, la province de Tours n'était représentée que par l'évêque du Mans424; mais la politique d'apaisement, dont Grégoire s'était fait le protagoniste, inspira sans aucun doute aux Pères assemblés la volonté de résister aux exigences dû souverain425. Et surtout, deux ans plus tard, le 28 novembre 587, le pacte d'Andelot, à l'élaboration duquel l'évêque de Tours avait été associé, était conclu entre Gontran et Childebert pour résoudre «dans un sentiment d'affection. . . toutes les questions de quelque nature qu'elles fussent qui pouvaient engendrer entre eux un conflit»426. L'application de certaines clauses soulevèrent cependant encore des difficultés; d'autre part, après la signature du pacte, de nouveaux problèmes surgirent : Childebert était soucieux de mettre à l'unisson de sa politique étrangère celle de son oncle; ce dernier, de son côté, était désireux de régler des questions religieuses pendantes par la réunion d'un concile commun aux deux royaumes. On recourut encore aux bons offices de Grégoire : au printemps 588, celui-ci fut mandé à Metz par Childebert qui lui donna toutes instructions pour se rendre en légation à Chalon, auprès du roi Gontran427. L'évêque était encore accompagné dans sa mission par un certain Felix qui, malgré l'identité du nom, n'est peut-être pas son compagnon d'ambassade de 585 428. Quoi qu'il en soit, ce fut ce Felix qui traita toutes les ques-

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tions concernant la diplomatie franque. Grégoire, quant à lui, aborda le sujet du concile ; mais il intervint surtout pour donner à Gontran la ferme assurance que son neveu était disposé à tenir fidèlement tous les engagements pris à Andelot429. Entre les deux rois, avec toute l'autorité que lui conférait sa qualité de successeur de Martin, Grégoire assurait, une nouvelle fois, la plus efficace des médiations. Avant de le congédier, Gontran lui recommanda d'ailleurs de continuer à faire bénéficier Childebert de ses sages conseils430. L'influence de l'évêque contribua sans aucun doute par la suite, jusqu'à la disparition du roi de Bourgogne, au maintien des bonnes relations entre les deux souverains.

Avec l'influence particulière qu'il était en mesure d'exercer, l'évêque de Tours travailla aussi à l'instauration d'un nouvel état d'esprit dans les rapports entre le pouvoir monarchique et l'Église. Grégoire n'est sans doute pas étranger à la rédaction de la clause par laquelle, dans le traité d'Andelot, les souverains s'engagent à respecter comme irrévocables les donations dont leurs prédécesseurs avaient gratifié les Églises et celles qu'eux-mêmes voudront encore leur conférer431. Il mit aussi toute son ardeur à défendre la personne et le pouvoir spirituel des évêques, dénonçant dans ses écrits l'immixtion des rois dans les affaires ecclésiastiques et prenant fait et cause, au concile de Paris, pour l'évêque de Rouen, Prétextât432. Mais Grégoire considérait d'autre part que les évêques avaient le devoir de servir loyalement le souverain dans tous les domaines qui relevaient de la compétence de ce dernier. Il condamne sans ambiguïté les prélats, tel Aegidius de Reims433 qui, mus par des ambitions politiques, intriguent contre le roi et n'hésitent pas à le trahir. Ces prises de position manifestent son souci de voir s'établir une véritable coopération entre les dignitaires ecclésiastiques et les monarques, les premiers assumant, par leurs remontrances et leurs conseils, une sorte de tutelle morale dans la vie des royaumes, les seconds mettant leur pouvoir au service de l'Église. À la mise en prati-

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que de ce programme, une occasion de contribuer fut offerte à Grégoire par une affaire où se mêlaient étroitement politique et religion, le scandale du monastère Sainte-Croix de Poitiers.

En 589 avait éclaté, dans la communauté fondée par la reine Radegonde, une révolte dirigée contre l'abbesse Leubovera que les moniales accusaient de fautes graves contre la règle434. Le conflit aurait pu être rapidement tranché dans le cadre du diocèse poitevin, si l'évêque Maroveus avait su, dès le début, établir clairement et fermement sa juridiction sur le monastère. Mais le prélat, qui avait toujours nourri des préventions contre cet établissement435, laissa les choses s'envenimer sans intervenir436; et, lorsqu'il se décida enfin à faire appel au métropolitain, il était trop tard : les Pères réunis à Poitiers par l'évêque Gun- degisilus de Bordeaux prononcèrent une sentence d'excommunication contre les insurgées, mais ils furent aussitôt molestés et chassés par ces dernières437. L'affaire était d'autant plus grave qu'elle avait des résonances politiques. Les principales meneuses étaient deux princesses de sang royal : Chrodieldis, fille du roi Caribert, désireuse de supplanter l'abbesse, avait entraîné dans sa révolte sa cousine Basina, fille du roi Chilpéric. Contestant par avance toute autorité ecclésiastique, toutes deux avaient, dès l'origine, décidé d'en appeler «aux rois leurs parents », espérant que ceux-ci imposeraient en leur faveur leur décision à l'Église. Grégoire, qui avait bien aperçu le danger, avait en vain essayé, lors de leur passage à Tours, de les dissuader de porter leur cause devant un tribunal royal438. Cette démarche risquait en effet de compromettre aussi les bons rapports établis depuis quelques années entre Gontran et Childebert II : Poitiers appartenait au roi d'Austrasie, mais dépendait dans la géographie ecclésiastique de la métropole de Bordeaux, passée, depuis la mort de Chilpéric, sous le contrôle du roi de Bourgogne. Ce fut précisément Gontran — peut-être parce qu'il leur paraissait plus malléable — que les deux princesses allèrent trouver. Le roi évita de s'engager personnellement; il reçut ses nièces avec beaucoup d'égards et les renvoya à Poitiers avec de bonnes paroles439. Il se déchargea ensuite sur un concile réuni à Mâcon du soin de se prononcer : à la demande des évêques de la province de Bordeaux, les Pères maçonnais donnèrent par écrit leur approbation aux sentences prises par le synode de Poitiers, réservant cependant à un concile général la décision définitive440. Rien n'était donc tran-

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ché et le désordre grandissait dans le monastère poitevin où les hommes de main recrutés par Chrodieldis faisaient la loi, emprisonnant l'abbesse et mettant au pillage les biens de la communauté441. Childebert II fut sollicité à son tour d'intervenir : il manda sur place le prêtre Theutharius qui échoua totalement dans sa mission442. Après un échange de consultations avec Gontran, qui permit heureusement d'éviter tout malentendu entre les deux cours, il prit la décision de remettre l'affaire entre les mains de l'évêque de Tours443. L'autorité qu'il avait assurée à son siège episcopal recommandait Grégoire pour cette mission plus encore que les engagements assez vagues jadis pris par son prédécesseur Eufronius, au nom de l'Église de Tours, envers la communauté de Rade- gonde444. L'évêque Eberegiselus de Cologne, probablement chargé de transmettre à son collègue tourangeau les instructions de Childebert, le métropolitain de Bordeaux Gundegisilus, commis par le roi Gontran, ainsi que Maroveus de Poitiers, que l'on ne pouvait exclure, malgré son incapacité, d'une cause relevant de sa juridiction, composèrent une commission dont Grégoire était, de toute évidence, le chef445. Avec l'intervention de ce dernier, l'affaire qui s'était enlisée pendant des mois, s'achemina rapidement vers une solution. Avant d'accepter de remplir son office, Grégoire mit une condition : il exigea que la révolte fût d'abord «réprimée par l'autorité du juge»446. Bien qu'il répugnât par principe à l'utilisation de la force publique dans les affaires de l'Église, il avait compris que, dans l'état des choses, seule cette dernière pouvait éviter à l'autorité ecclésiastique d'être à nouveau bafouée. Le comte de Poitiers réussit, sans trop de peine, à mater la révolte. Dès lors, le tribunal ecclésiastique, présidé par Grégoire, put siéger et juger en toute sérénité la cause qui lui était soumise447. Ses décisions rétablirent l'ordre et le calme dans le monastère de Poitiers. Grégoire s'est longuement attaché à relater cette affaire : l'intérêt qu'il portait à la communauté poitevine, le rôle qu'il fut personnellement appelé à jouer auprès d'elle ne suffisent pas à expliquer l'ampleur des développements accordés dans son récit à cette histoire. En fait, l'évêque a surtout voulu mettre en évidence, dans l'heureuse issue de cet épisode scandaleux, les résultats fructueux d'une collaboration entre le pouvoir civil et l'autorité religieuse, telle qu'il l'avait toujours appelée de ses vœux.

TOURS AU TEMPS DE GRÉGOIRE 333

En déployant cette activité, Grégoire n'a nullement cherché — sa volonté de rester à l'écart des luttes partisanes en témoigne — à satisfaire des ambitions politiques personnelles; il n'a pas non plus tenté de faire reconnaître à son Église, à la faveur des services rendus, une quelconque prééminence dans la hiérarchie ecclésiastique gauloise. Mais il a, par son dévouement au bien commun, assuré de fait au siège de Tours l'exercice d'un véritable primat moral dont l'ascendant s'est imposé aussi bien aux souverains qu'à tout le corps episcopal de Gaule.

S'il se solde pour Tours par un bilan très positif, l'épiscopat de Grégoire n'a cependant — il faut le constater — apporté aucune véritable novation. En nul domaine, l'arrière-petit-fils de Grégoire de Langres ne fait vraiment figure d'initiateur. Son gouvernement n'a pas déterminé dans la vie de la cité et de son Église de transformation radicale : Grégoire a construit, et plus souvent reconstruit, des sanctuaires en assez grand nombre; mais il n'a pas, par son activité de bâtisseur, bouleversé le schéma de la géographie religieuse, déjà fixé depuis plusieurs décennies. De même, l'introduction du culte de quelques nouveaux martyrs ou confesseur n'a pas, pour l'essentiel, modifié le calendrier liturgique établi un siècle plus tôt par Perpetuus, ni détourné les courants majeurs de la dévotion populaire. Le nom de Grégoire ne s'attache pas non plus, comme celui de certains évêques de la deuxième moitié du Ve siècle, ni même comme celui d'Eufronius avant lui, à des réformes de la discipline et de l'organisation ecclésiales : le prélat s'est borné à appliquer la législation canonique élaborée par ses prédécesseurs et à utiliser, en les développant, les institutions créées par ces derniers. Si l'on considère d'autre part la position occupée par Tours au sein de l'ensemble gaulois, on aboutit à des conclusions semblables : Grégoire a seulement imprimé une impulsion nouvelle au mouvement du pèlerinage que Perpetuus avait lancé un siècle plus tôt. Ses interventions dans la vie politique et religieuse de la Gaule s'inspirent de l'exemple donné jadis par Martin, devant lequel l'évêque s'efface, en toute circonstance, pour se présenter comme son porte-parole. Quant à ses travaux d'écrivain, qui représentent le trait le plus original de son activité, ils ne font de lui ni un théologien ni un théoricien du pouvoir; Grégoire ne peut être considéré comme l'auteur d'un système idéologique : historien ou hagiographe, il est, plus modestement, un témoin.

Mais s'il est légitime de reconnaître les limites de la personnalité et de l'action de l'évêque tourangeau, on ne saurait apprécier à sa juste

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valeur le rôle qui fut le sien, sans tenir compte du sens dans lequel il entendait œuvrer, des objectifs qu'il s'était proposés. En fait Grégoire n'a nullement voulu être un novateur. Tout au contraire, l'ambition qui n'a cessé de l'animer fut de continuer la tradition léguée par Martin et transmise jusqu'à lui par la succession episcopale, pour la porter à une sorte d'achèvement, de perfection. À la réalisation de ce programme, il a consacré, avec ses dons d'intelligence et de caractère, une prodigieuse activité qui s'est étendue à tous les domaines et un sens remarquable de l'efficacité. Le résultat, considéré sous cet angle, est en définitive une réussite totale : l'évêque est parvenu à faire pleinement de Tours la ville de Martin, une cité où les sanctuaires, la liturgie de l'Église, mais aussi l'esprit de charité animant la communauté témoignent de la fidélité à la mémoire de l'apôtre. En diffusant par ses écrits cette image d'une cité devenue le reflet visible de la sainteté martinienne, il a conféré à Tours la plus prestigieuse des promotions : il en fait un symbole, celui de l'espérance chrétienne, en une époque de violence et de misère. Aussi est-ce à juste titre que le nom de la cité ligérienne et celui de l'évê- que-historien demeurent inséparables dans la mémoire des hommes : Georgius Florentius Gregorius est devenu pour nous Grégoire de Tours, redevable de ce déterminatif, qui sonne à nos oreilles presque comme un patronyme, à sa patrie d'adoption dont il fut l'une des illustrations. Car, à l'inverse, Tours doit à Grégoire un des moments de son histoire où elle a brillé du plus vif éclat et elle lui doit aussi la gloire plus durable qui s'en est perpétuée dans les ouvrages de l'historien.

Deuxième partie. L'édification de la cité martinienne

Entre la fin du IVe siècle et celle du VIe siècle, Yurbs turonica est devenue progressivement la cité de Martin. Peu à peu, dans la ville, l'espace s'est organisé autour des lieux saints de la dévotion martinienne, de même que le temps vécu par la communauté a fini par se répartir en fonction des deux grandes solennités qui, un peu avant le début de l'hiver et au commencement de l'été, inauguraient les saisons de la vie religieuse. À cette double évolution a contribué, dans une cité fortement marquée par son empreinte, le mouvement du pèlerinage qui faisait affluer vers les sanctuaires tourangeaux, aux alentours du 11 novembre et du 4 juillet, le plus grand nombre des visiteurs. Mais c'est aussi toute la société citadine qu'a modelée, avec l'encadrement que lui donnaient les institutions ecclésiales, la fidélité à l'enseignement de Martin. De cette mutation, consciemment voulue et patiemment opérée, témoigne enfin toute une littérature, tourangelle d'inspiration si ce n'est toujours d'origine, qui présente Tours comme l'héritière de la mission dévolue à l'apôtre, la cité martinienne par excellence.

Chapitre V. Espace urbain et topographie chrétienne

Le catalogue De episcopis turonicis, en établissant, en matière de constructions, le bilan de chaque épiscopat, fait clairement apparaître comment, à l'édification monumentale de la cité chrétienne, presque tous les évêques de Tours ont successivement apporté leur pierre. L'effort continué des prélats bâtisseurs tendait d'abord à procurer au culte les édifices indispensables, mais aussi, par la multiplication des sanctuaires, à honorer avec magnificence Dieu et ses saints — notamment Martin dont l'intercession était plus particulièrement sollicitée par la communauté — , tout en donnant de la foi de l'Église tourangelle un témoignage visible et prestigieux. Le paysage citadin s'est donc, entre le IVe siècle et la fin du VIe siècle, enrichi d'une parure toute neuve de monuments religieux. Cependant la construction de ces derniers a progressivement dessiné, dans l'espace urbain conquis par la foi nouvelle, une topographie chrétienne qui, en définitive, en a profondément modifié la structure. Car les activités d'une cité, qu'animent de plus en plus, pour l'essentiel, ses fonctions religieuses, s'organisent auprès des principaux sanctuaires, ceux auxquels est attaché le souvenir de Martin : autour d'eux se fixe tout un monde de clercs et de religieux, se rassemble une population flottante de pieux visiteurs et gravitent aussi tous ceux qui vivent en marge des milieux ecclésiastiques ou tirent leurs moyens d'existence du pèlerinage. L'organisme urbain tout entier a ainsi évolué en fonction du schéma directeur qu'imposait une géographie spirituelle : celle des lieux saints de la dévotion martinienne.

I - Le cadre urbain antique

Pour mesurer l'ampleur des modifications apportées avec l'introduction du christianisme et plus encore avec le développement du culte voué par la communauté tourangelle à son saint patron, il est nécessai-

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re tout d'abord d'évoquer rapidement le cadre urbain antique, tel que l'avait modelé l'histoire de la cité dans l'empire romain. Les fouilles menées depuis la fin du XIXe siècle, et notamment après la deuxième guerre mondiale, ont apporté des éléments d'information nombreux dpnt la synthèse a été opérée, dans une série d'études très suggestives, par J. Boussard et plus récemment reprise par H. Galinié et B. Ran- douin1. L'espace urbain, dans lequel s'installe et s'organise, à partir de l'époque constantinienne, l'institution chrétienne, porte l'empreinte d'un passé qui a assuré à Tours, aux temps heureux de la paix romaine, l'essor d'une discrète prospérité, puis lui a imposé, à la suite de la crise du IIIe siècle, un brutal bouleversement.

La ville ouverte du Haut-Empire s'était installée sur la rive gauche de la Loire dans un site qui, tout en permettant par sa position le contrôle d'un carrefour de voies relativement importantes2, offrait quelques avantages non négligeables : au Nord-Est, une légère eminence dominait le cours du fleuve, au droit d'une île qui en facilitait le franchissement, probablement par un pont3; entourant sur les autres côtés cette butte insubmersible, s'étendait une plaine alluviale qui, dans son voisinage immédiat, échappait elle aussi aux inondations de la Loire et du Cher4. Dans ce site, les emplacements reconnus de deux cimetières utilisés aux premiers siècles de l'Empire, à l'Est le long de la route

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d'Orléans5 et au Sud, à proximité de la voie de Bourges6, dessinent, avec le fleuve au Nord, sur trois côtés (la limite occidentale est plus indécise7) le périmètre à l'intérieur duquel s'est élevé Caesar odunum. Dans ce quadrilatère, allongé parallèlement à la Loire, traversé d'Est en Ouest par la voie d'Orléans à Nantes qui constitue le decumanus8 et du Sud au Nord par la route de Bourges au Mans formant le cardo maximus9, la répartition des vestiges archéologiques indique une occupation plus ou moins dense, de caractère urbain ou semi-urbain suivant les secteurs. Sur la butte alluviale, immédiatement à l'Est du cardo et de la croisée urbaine majeure, se dressaient, voisinant avec quelques

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luxueuses domus privées10, les principaux bâtiments publics qui composaient le centre monumental de l'agglomération. La présence d'importants éléments architecturaux réemployés en cet endroit au Bas- Empire, quelques toponymes médiévaux conservant, semble-t-il, le souvenir d'édifices antiques, suggèrent l'existence d'un forum flanqué d'une basilique, de thermes11 et vraisemblablement d'un grand temple12; au flanc méridional de la butte demeurent en place les vestiges

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d'un amphithéâtre reconnu au XIXe siècle et qui, depuis lors, a fait l'objet de nombreuses explorations13. Des quartiers résidentiels, qui n'étaient cependant pas totalement dépourvus de monuments — comme le montre la récente mise au jour, rue Nationale, d'un temple à péribole de grandes dimensions14 — s'étendaient au Sud et à l'Ouest, donnant à l'agglomération proprement dite une superficie d'une trentaine d'hectares15. Mais en s'éloignant du centre urbain, l'habitat dense faisait progressivement place vers le Sud, aux abords des actuels boulevards Heurteloup et Béranger, et à l'Ouest, dans la région où devait s'élever par la suite la basilique Saint-Martin, à une occupation plus lâche : des domus suburbaines s'échelonnaient le long des grandes voies d'accès conduisant à la ville16. Plus loin encore, dans la plaine entre Loire et Cher, au-delà des zones cémétériales, ainsi que sur la rive droite de la Loire s'égaillaient d'autres villae dont les fouilles ont révélé la richesse. Avec son suburbium immédiat, Caesarodunum s'étendait sur un espace de 60 à 80 hectares, abritant une population qui, selon J. Boussard, comptait quelques 6.000 habitants17.

L'essor de la ville romaine, qui avait atteint à la fin du IIe siècle sa plus grande extension, fut brutalement arrêté : les traces de destruction violente relevées par l'exploration archéologique témoignent qu'une catastrophe s'est abattue sur Caesarodunum dans le courant du IIIe siècle. Très probablement à la suite d'un raid barbare qui dévasta la ville, fut édifié, pour prévenir le retour d'un semblable événement, un réduit fortifié, achevé dans son premier état, au plus tard aux alentours de

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275 18. L'emplacement choisi fut celui qui pouvait être le plus facilement pourvu d'un système défensif : par son altitude, par l'abondance des matériaux que livrait le champ de ruines, par les points d'appui qu'offraient aussi des bâtiments encore debout, le tertre naturel du N.- E. répondait aux conditions nécessaires à l'édification d'un castrum. Tout autour du centre monumental fut donc élevée une enceinte qui réemployait — comme le montrent quelques pans de murs encore visibles — de nombreux éléments architecturaux provenant d'édifices détruits. L'épaisse muraille, flanquée de tours, suivait un tracé reconnu depuis longtemps et qui a laissé son empreinte jusqu'à nos jours dans le plan de la ville : elle dessinait un trapèze dont les côtés, tournés « sensiblement vers les quatre points cardinaux», sont rectilignes, à l'exception de celui du Sud; le mur méridional s'infléchit en effet au centre, pour former un bastion semi-circulaire, en prenant appui sur la moitié sud de l'amphithéâtre. L'enceinte s'ouvrait à l'Est et à l'Ouest — à chaque extrémité du decumanus — par une porte fortifiée. Deux poternes percées au Sud de part et d'autre de l'amphithéâtre et peut-être deux autres dans le mur nord offraient des issues secondaires19. Au total, la muraille, longue de 1555 m., enfermait dans sa ceinture un espace urbain dont la superficie n'excédait guère 9 hectares. De même que les anciens quartiers résidentiels, le cardo maximus et le port fluvial restaient privés de protection. Dans la pensée des constructeurs, le souci de défense l'avait emporté sur les préoccupations économiques20.

Est-ce à dire que la ville du Bas-Empire se réduisait encore au IVe siècle à cet étroit castrum, dans lequel la population — même moins nombreuse qu'aux siècles du Haut-Empire — aurait dû tant bien que mal s'entasser? Autant que les recherches entreprises depuis un certain nombre d'années dans d'autres cités de la Gaule et qui ont renouvelé les conceptions traditionnelles concernant l'évolution urbaine dans l'Antiquité tardive21, les données dont on dispose dans le cas particulier

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de la civitas Turonorum — puisque tel est le nom que porte dès lors Caesarodunum — suggèrent une conclusion sensiblement différente. Plusieurs constatations s'imposent : on doit tout d'abord le noter, à l'intérieur du castrum, probablement après que les efforts de Dioclétien et de Maximien eurent réussi à rétablir la paix, on entreprit de reconstruire les édifices publics nécessaires à la vie citadine; on releva sans aucun doute quelques-uns des monuments du Haut-Empire, ceux dont le souvenir s'est perpétué durant tout le Moyen Âge22; on leur adjoignit au cours du IVe siècle les bâtiments officiels dont la ville, bientôt promue au rang de capitale provinciale, avait besoin : notamment un palais pour le gouverneur — le praetorium mentionné par Sulpice Sévère — ainsi, semble-t-il, qu'une prison23. Mais cette reconstruction, qui s'étendit également à quelques-unes des vastes domus privées du

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Haut-Empire24, laissa subsister à l'intérieur des murailles d'importants espaces libres, peut-être destinés, en cas de nouveau danger, à accueillir provisoirement des réfugiés venus des environs : le forum — ou l'emplacement que l'on tient pour tel — n'était pas encore bâti au IXe siècle25; quant à l'amphithéâtre, dont l'intérieur avait été remblayé pour constituer un plan incliné permettant d'accéder au sommet de la muraille26, il s'est conservé jusqu'au Xe siècle, époque où on le mentionne encore sous le nom d'« arènes»27; enfin dans l'angle Sud-Ouest du castrum demeurent inoccupés ou peu occupés les terrains sur lesquels sera progressivement édifié au IVe siècle puis au Ve siècle le groupe episcopal28. C'est dire que le réduit fortifié ne pouvait abriter qu'un petit nombre d'habitants29. Or il paraît difficile de croire que la ville, citée au milieu du IVe siècle par Ammien Marcellin comme une des plus importantes de la Lyonnaise Seconde, avant qu'elle ne devienne, un quart de siècle plus tard, la métropole administrative de la Lyonnaise Troisième30, n'ait compté que les seuls habitants du castrum — une

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poignée d'officiels occupant les bâtiments publics31 — et les particuliers, peu nombreux, qui trouvaient à se loger à leur voisinage. D'autant que Yurbs turonica, en dépit de conditions plus difficiles — il semble bien que le pont sur la Loire n'ait pas été reconstruit32 — avait retrouvé une partie de ses activités économiques : avec son port fluvial33, les routes à nouveau bien entretenues qui convergeaient vers elle, elle redevenait un marché pour la commercialisation des productions agricoles de la région et la redistribution de produits manufacturés localement ou en provenance d'autres parties de la Gaule34. Il est donc infiniment probable que, dès le début du IVe siècle au moins, à la faveur de la sécurité retrouvée, certains quartiers de l'ancienne ville ouverte, restés en dehors de l'enceinte fortifiée, furent partiellement réoccupés.

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Quelques indices le suggèrent pour le secteur qui s'étend à l'Ouest du castrum. Grégoire de Tours, sans aucun doute sur la foi d'un document conservé dans les archives de son Église, mentionne l'existence, vers le milieu du IVe siècle, d'une domus suburbaine, sise à proximité de la route de Nantes, à quelques 1200 m. du castrum, que son propriétaire, un membre de l'aristocratie sénatoriale, donne à l'évêque Litorius35. Sur cette même voie, à 800 m. de la cité fortifiée, l'exploration archéologique entreprise à l'emplacement de l'église médiévale de Saint-Pier- re-le Puellier, révèle que cette région, après avoir été abandonnée, fut réoccupée à la fin du IIIe siècle et au IVe siècle par des établissements artisanaux36. D'autre part l'éloignement relatif du cimetière du Bas- Empire37, situé à près d'un kilomètre du mur occidental du castrum, dans l'angle formé par l'embranchement de la route de Nantes avec la voie conduisant à Poitiers38, laisse penser que la région intermédiaire

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n'était pas entièrement dépourvue d'habitations. Certes on ne peut se fier aux dires de Grégoire, lorsque celui-ci évoque la présence, aux alentours de l'année 300, d'un important viens suburbain à l'emplacement où devait s'élever ensuite la basilique Saint-Martin: visiblement l'auteur de ÏHistoria Francorum ne fait que projeter dans le passé la situation qu'il a sous les yeux39. Il reste cependant que, plus de deux siècles avant son épiscopat, s'était déjà reconstitué à l'Ouest du castrum un petit suburbium, probablement composé d'un semis de riches villae et d'habitations plus modestes. Au total, Yurbs turonica de l'époque constantinienne, castrum et suburbium réunis, montrait des signes évidents de renaissance; cependant par son étendue plus restreinte, la plus faible densité de sa population — qui ne dépassait peut-être pas alors 2000 âmes40 — elle n'était encore qu'un pâle reflet de la Caesaro- dunum du Haut-Empire.

L'évolution ainsi amorcée a été infléchie de facon décisive par l'entrée du christianisme dans la cité. Les interventions successives des évê- ques de Tours ont peu à peu remodelé le schéma urbain qui s'esquissait au début du IVe siècle. Pour suivre le processus de cette nouvelle transformation, il est nécessaire de dresser un état des édifices ouverts au culte chrétien entre cette dernière époque et la fin du VIe siècle. Certes, depuis longtemps, et à plusieurs reprises, ceux-ci ont fait l'objet de divers recensements. Tour à tour, E. Mabille, A. Longnon, et tout récemment encore, M. Vieillard-Troiekouroff41 ont entrepris de répertorier par ordre alphabétique les plus anciennes églises tourangelles, rassemblant sur chacune d'elles les données fournies par les sources écrites et par les découvertes archéologiques; d'autre part, il y a quelques années, Ch. Lelong a donné dans un article un rapide inventaire de ces

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constructions, épiscopat après épiscopat, tandis que M. Vieillard-Troie- kouroff, dans une communication présentée au congrès de Todi, brossait à grands traits, secteur par secteur, le panorama de la cité chrétienne, à l'époque de Grégoire de Tours42. Il suffit de constater combien, depuis le milieu du XIXe siècle, notre connaissance des premiers sanctuaires tourangeaux a régulièrement progressé, pour mesurer l'intérêt de ces travaux. À reprendre la même voie, on ne saurait mieux espérer que d'apporter en quelques cas — ce qui n'est évidemment pas inutile — une mise au point concernant l'identification ou la localisation encore discutées de quelques édifices. Mais c'est par son propos différent et par une approche autre, qu'une nouvelle étude d'ensemble, s'appuyant pour une bonne part sur les résultats déjà acquis par les recherches précédentes, peut se justifier. Il s'agit en effet, pour tenter de comprendre comment l'œuvre des prélats bâtisseurs a présidé à la naissance et au développement d'une ville chrétienne, de situer chaque construction en fonction de coordonnées spatiales et temporelles, en la replaçant à son époque dans la portion de tissu urbain où elle s'est insérée et qu'elle a par la suite contribué à transformer. L'analyse43 s'efforcera donc de suivre, à la fois dans le temps et dans l'espace, les progrès de l'urbanisme chrétien, en retraçant l'évolution chronologique propre à chacun des secteurs de la cité que distingue à la fin du VIe siècle Grégoire de Tours : le castrum, le nouveau suburbium occidental et la région transligerim.

II - Le castrum antique et le groupe épiscopal

Dans le castrum, où l'espace réduit et borné par l'étroite ceinture des fortifications était déjà en partie occupé par d'autres bâtiments, le passé imposait de fortes contraintes aux initiatives épiscopales. Le

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christianisme y a cependant dès l'origine conquis une place qu'il a ensuite progressivement élargie.

1) L' ecclesia

C'est à l'intérieur des murailles que s'est élevé l'édifice chrétien le plus anciennement attesté par les sources, l'ecclesia, l'église episcopale. Sulpice Sévère la mentionne à plusieurs reprises : il y situe tout d'abord la cérémonie mouvementée de la consécration de Martin44, puis plusieurs miracles qui s'y produisirent par la suite, alors que le saint évê- que célébrait la messe45. Un siècle plus tard, Perpetuus nomme à son tour, dans le calendrier liturgique qu'il promulgue, Y ecclesia où il institue les vigiles des principales fêtes chrétiennes, la Nativité, l'Epiphanie, Pâques et la Pentecôte46. Il faut cependant attendre le témoignage de Grégoire de Tours pour obtenir des renseignements plus détaillés sur l'âge, la situation et l'histoire de l'édifice. L'historien nous apprend, en des termes qui interdisent toute erreur d'identification, que l'ecclesia urbis Turonicae, in qua beatus Martinus vel ceteri sacerdotes Domini ad pontificatus officium consecrati sunt47, avait été construite par Litorius, le prédécesseur de Martin. Il ajoute qu'elle était, dans l'enceinte fortifiée, la première église — ecclesia prima infra urbem — 48 et, en explicitant mieux encore sa pensée, la plus ancienne, senior ecclesia49. De cet ensemble de données on peut conclure, semble-t-il, que l'ecclesia édifiée par Litorius constitua la première réalisation de l'urbanisme chrétien à Tours, la primitive église cathédrale de la cité. Certes une tradition recueillie par Grégoire au sujet des criptae et lattbula, où le légendaire évêque Catianus aurait, au temps des persécutions, officié en secret50, conservait peut-être obscurément, sous une forme romancée, le souvenir d'un lieu de réunion utilisé par une poignée de chrétiens avant que

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l'Église de Tours n'eût reçu de Litorius son organisation; mais il ne pourrait s'agir en l'occurrence que de quelque maison particulière sommairement aménagée pour le culte. Certes encore, lorsque l'auteur de YHistoria Francorum qualifie Y ecclesia édifiée par Litorius de prima ou de senior, c'est toujours dans un contexte qui distingue celle-ci des autres églises ultérieurement élevées à l'intérieur du castrum51 et qui ne tient pas compte des sanctuaires construits en dehors de l'enceinte fortifiée, notamment de la basilique que le même Litorius avait aménagée dans le suburbium52. Aussi une hypothèse a-t-elle pu prendre forme, selon laquelle cet évêque aurait primitivement installé son siège dans l'édifice suburbain, avant de le transférer, dans un second temps, à l'intérieur des murailles de Yurbs 53. On reconnaît là l'influence persistante d'une théorie54, longtemps triomphante et de nos jours controuvée dans de nombreux cas55, qui veut que les chrétiens se soient en Gaule organisés à l'écart des villes et qu'ils aient établi leur premier lieu de culte dans les cimetières. Rien dans le texte de Grégoire, si ce n'est l'évocation évidemment anachronique d'un vicus chrétien déjà installé aux alentours de l'année 300 sur le site qu'occupera plus tard la basilique Saint-Martin56, ne justifie pour Tours une telle interprétation : si l'ordre dans lequel l'historien mentionne, dans la notice consacrée à son prédécesseur Litorius, d'abord la construction de l'édifice urbain puis celle du sanctuaire suburbain n'a pas forcément valeur chronologique57, en revanche la distinction qu'introduisent les termes d'ecclesia et de basilica ne laisse planer aucun doute sur la nature différente des fonctions

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dévolues dès leur origine aux deux sanctuaires58. En aménageant la basilique, Litorius songeait déjà de toute évidence, comme le confirme la suite de la notice de YHistoria Francorum, à préparer le lieu de son dernier repos59. Comment imaginer d'ailleurs que l'évêque du petit troupeau installé, partie dans le castrum, partie dans un quartier proche de l'ancienne ville ouverte, ait porté son choix sur une région dont le caractère funéraire commençait à s'affirmer et qui était au surplus relativement éloignée du gros de l'agglomération, pour y établir l'église où la célébration de la synaxe devait réunir régulièrement ses ouailles? Il ne fait donc aucun doute que la première église episcopale de Tours fut bien Y ecclesia élevée par Litorius infra urbem. L'édifice fut détruit par un grand incendie qui ravagea le castrum en 558, sous l'épiscopat d'Eufronius60, et il resta en ruines jusqu'à la mort de ce dernier61. Grégoire, son successeur, entreprit de le rebâtir : les travaux étaient complètement achevés en 589/90 — dix-septième année de son règne — date à laquelle il dédia solennellement la nouvelle cathédrale. Plus haute, celle-ci était aussi plus vaste que le précédent édifice62; mais elle occupait — en le débordant quelque peu — le même emplacement : les vers, que Fortunat composa à l'occasion de sa dédicace, nous apprennent en effet que la nouvelle construction s'appuyait pour une part sur les anciennes substructions63. Le poète ajoute que la neuve église cathédrale était couverte d'une toiture qui étincelait en rougeoyant au soleil; que de larges fenêtres illuminaient l'intérieur du sanctuaire dont les

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murs étaient ornés de «peintures» illustrant les miracles de Martin, probablement commentées par les légendes composées par ses soins64. Quel site l'ecclesia fondée par Litorius et relevée par Grégoire occupait-elle exactement à l'intérieur de l'enceinte fortifiée? Un récit de Grégoire relatif à l'épiscopat d'Eufronius apporte, quant à sa localisation, une première indication. L'historien relate les circonstances dans lesquelles le comte Wiliacharius fut arraché, sur les ordres de Clotaire, à l'asile de la basilique Saint-Martin où il avait trouvé refuge; chargé de chaînes, il quittait Tours sous bonne escorte, en implorant l'intercession du saint confesseur. Les cris du prisonnier passant à proximité des remparts furent entendus d'Eufronius. Aussitôt, ce dernier vint se mettre en prière de muro civitatis contra basilicam65, sur le côté de la muraille vis-à-vis duquel s'élevait alors Saint-Martin et qui se trouvait — le déroulement rapide de la scène le suggère — le plus proche de la façade de l'ecclesia. Celle-ci se dressait donc apparemment à proximité du mur occidental du castrum. D'autre part, et bien qu'il ne reste sem- ble-t-il aucun vestige des deux premiers édifices66, il est certain qu'à travers les âges, les diverses reconstructions entreprises, aux XIIe et XIIIe siècle notamment, furent opérées — avec des agrandissements successifs — sur le même emplacement, celui où s'élève encore de nos jours la cathédrale Saint-Gatien67. Or la position de celle-ci par rapport au tracé de l'enceinte du Bas-Empire a été clairement reconnue. Les fondations de la muraille occidentale servent d'appui aux tours de la cathédrale68, dont le flanc droit s'allonge parallèlement au mur méridional du castrum, mais à quelque distance de celui-ci. Par conséquent

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l'ecclesia, aux premiers siècles du christianisme tourangeau, occupait un terrain situé dans l'angle Sud-Ouest de la ville forte.

2) L' ecclesia sanctorum Gervasii et Protasii

Bien avant que l'ecclesia senior n'eût été détruite par les flammes et rebâtie par Grégoire, d'autres sanctuaires étaient venus se grouper à ses abords. Dès le milieu du Ve siècle, une seconde église avait été édifiée infra muros civitatis, par les soins de l'évêque Eustochius qui la consacra avec des reliques de Gervais et Protais69. Au témoignage de Grégoire, auquel nous devons tous ces renseignements, cette ecclesia sanctorum Gervasii et Protasii, qu'exhaussa (exaltavit)70 dans le premier quart du VIe siècle Ommatius, ne fut pas épargnée par l'incendie de 558; mais, dans les années suivantes, Eufronius la remit en état71. La rapidité avec laquelle les travaux furent entrepris et menés à bien par cet évêque, à une époque où l'Église tourangelle devait faire face aux lourdes dépenses occasionnées par des catastrophes successives72, contraste avec l'état d'abandon dans lequel, au même moment, l'ecclesìa prima était laissée. Il paraît vraisemblable que Saint-Gervais-et-Protais avait été beaucoup moins endommagée par le sinistre que cette dernière et qu'une simple restauration, comme le suggère le terme employé par l'historien (reparavit), suffit pour que ce sanctuaire pût être rendu au culte73. En ce qui concerne la localisation de l'édifice dans le cas- trum, Grégoire ne fournit qu'un seul détail : l'ecclesia sanctorum Gervasii et Protasii était muro conjuncta74 ; elle jouxtait donc un des murs de

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l'enceinte. Pour déterminer la position exacte de l'église, on dispose de quelques éléments.

Une chapelle Saint-Gervais est mentionnée à plusieurs reprises dans les chartes médiévales : au XIIIe siècle et au XIVe siècle, elle constitue une dépendance du palais archiépiscopal — alors sûrement situé au Sud-Est de la cathédrale, — dont elle est séparée par un jardin75. Dans son ouvrage paru en 1667, Sancta et metropolitana ecclesia Turonensis, J. Maan note que «cette cella est auprès de la porte de l'église (cathédrale) dans la cité»76. À la date où ces lignes étaient publiées, le sanctuaire avait, depuis peu, disparu : en effet l'église Saint- Gervais «fut comprise dans les travaux de démolition qu'exigea l'agrandissement du palais archiépiscopal» dans la première moitié du XVIIe siècle77. Or, à la suite de ces remaniements, le palais des archevêques de Tours, devenu depuis 1910 Musée des Beaux- Arts, se trouve établi, dans sa partie médiane et sur toute sa longueur, sur les substructions du rempart Sud de l'ancien cas- trum, occupant la partie comprise entre la tour d'angle Sud-Ouest et l'amphithéâtre78. En dépit des lacunes et des obscurités de notre information, il semble que l'on puisse, sur la base des indications éparses qu'elle nous fournit, parvenir à une conclusion assez sûre :

l'église consacrée aux deux saints milanais se dressait au Sud de l'ecclesia prima, dans l'espace relativement étroit qui séparait cette dernière du mur méridional de l'enceinte, auquel Saint-Gervais-et-Protais appuyait très probablement son flanc droit.

Aussi s'est-on efforcé d'en retrouver les vestiges dans l'ancien Archevêché, au droit de la porte sud de la cathédrale, celle que mentionnerait J. Maan. Il faut l'avouer, dans ce secteur du castrum où l'on situe également, de façon tout aussi imprécise, la domus ecclesiae79 , la demeure episcopale des premiers évê- ques de Tours, et où de nombreux bouleversements ont été opérés au cours des

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siècles, les recherches des archéologues n'ont guère été jusqu'ici très concluantes. Au XIXe siècle, certains crurent reconnaître des vestiges de l'antique église Saint-Gervais-et-Protais — pour d'autres il s'agissait au contraire de ceux de l'oratoire de la domus ecclesiae — dans une ancienne chapelle située dans la partie Nord du palais archiépiscopal80: cette salle rectangulaire s'appuie en effet au Sud «sur la crête du rempart gallo-romain surhaussé» tandis que son mur septentrional « en petit appareil cubique » pourrait, bien que très refait, être daté de «l'époque mérovingienne»81. Reprenant cette hypothèse, H. Au- vray, en 1937, entreprit de fouiller le sol de cette chapelle dans l'espoir d'atteindre le niveau antique du présumé sanctuaire : il ne trouva qu'un égout romain comblé82. Comme le reconnaît lui-même l'archéologue, le résultat de ce simple sondage n'apporte aucun argument nouveau pour ou contre la thèse qui localise l'ecclesia S. Gervasii et Protasii au Sud de l'ecclesia prima. Cette remarque est d'autant mieux justifiée que ce sanctuaire, en dépit du titre d'ecclesia qui a parfois fait illusion, n'était probablement qu'un oratoire de modestes dimensions, tel que l'on en construisait au Ve et au VIe siècle au pied des remparts ou à leur sommet pour apporter à ceux-ci le renfort d'une protection céleste83. Seule une prospection systématiquement menée dans cette zone Sud-Ouest du castrum, où l'on relève en tout état de cause des traces d'une occupation « mérovingien-

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ne»84, pourrait donc, peut-être, permettre d'y situer avec plus de précision l'église Saint-Gervais-et-Protais.

3) L' ecclesia sanctae Mariae Virginis ac sancti Johannis Baptistae

Au début du VIe siècle une nouvelle église s'ajoute dans le castrum à l'ecclesia prima et à l'ecclesia sanctorum Gervasii et Protasii. Les titres variables, sous lesquels Grégoire désigne, dans ses ouvrages, ce troisième sanctuaire, ont longtemps dérouté les historiens, les incitant à dédoubler un lieu de culte85, en fait unique comme on l'a reconnu de nos jours86. Reprenons les différentes pièces du dossier. Dans le catalogue episcopal qui clôt l'Historia Francorum se trouve retracée brièvement l'histoire d'un, édifice intra muros, appelé tantôt église, tantôt basilique, mais toujours placé sous le patronage de la Vierge. L'évêque Ommatius, apprend-on, commença d'élever la basilica sanctae Mariae infra muros urbis, sans parvenir à porter les travaux à leur terme87; Injuriosus acheva l'ecclesia sanctae Mariae infra muros urbis Turoni- caess. Enfin Sainte-Marie est l'une des trois ecclesiae du castrum — à ce chiffre se limitait encore du temps de Grégoire le nombre des églises à l'intérieur de l'enceinte fortifiée — qui furent toutes incendiées en 558 sous l'épiscopat d'Eufronius89. De même que Saint-Gervais-et-Protais, elle put être immédiatement restaurée par les soins de cet évêque90. C'est cette même basilique dédiée à la bienheureuse Marie que men-

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tionne d'autre part un épisode de YHistoria Francorum ; pour avoir prêté en ce lieu sacré un serment qu'il s'était tout aussitôt empressé de rompre, un certain Pelagius, ennemi déclaré de Grégoire, connut la triste fin réservée par la justice divine aux parjures : manifesta est autem virtus beatae Mariae, in cujus basilicam miser sacramentum pro- tullit mendax91. Cette anecdote est précieuse, car elle permet d'identifier la basilique (ou église) citée ainsi trois fois par l'historien sous le seul patronage de la Vierge avec l'ecclesia sanctae Mariae virginis ac sancti Johannis Baptistae mentionnée par un chapitre du De Gloria mar- tyrum : en effet dans cette dernière église, située in urbe Turonica, se manifestait, affirme Grégoire, la vengeance divine à l'endroit des parjures, in qua perjuribus ultio divina apparuit92. Il ne s'agit donc pas, ici et là, de deux édifices différents — l'un dédié à Marie et l'autre placé sous le double vocable de la Vierge et du Baptiste, comme le croyaient à tort Mabille et Longnon — mais, dans tous les cas, d'un seul et même sanctuaire dont Grégoire, par commodité, abrège souvent le titre, la troisième ecclesia élevée dans le castrum.

Reste à déterminer l'emplacement que celle-ci occupait à l'intérieur de l'enceinte. Dans la topographie de la cité, telle qu'elle se présentait aux alentours de l'An Mil, on a cru pouvoir établir qu'il existait deux églises dédiées à la Vierge93 : édifiée sous le titre présumé d'ecclesia sanctae Mariae de consolatione, l'église dite ensuite ecclesia sancti Martini de Basilica9* s'élevait à l'Est, entre l'amphithéâtre et la porte

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d'Orléans; ce sanctuaire qui menaçait ruine fut démoli à la veille de* la Révolution, mais son souvenir se perpétue encore dans le nom de la rue de la Basoche95. D'autre part une abbatta sanctae Mariae était située, au témoignage d'une charte de l'année 1007, infra claustrum matris eccle- siae, c'est-à-dire, étant donné la situation du cloître médiéval, au Nord de la cathédrale96.

Auguste Longnon, se ralliant à l'opinion émise par J. Maan, crut reconnaître dans le premier de ces deux sanctuaires la basilique édifiée par Ommatius et Injuriosus. L'argumentation met le qualificatif médiéval de Basoche en rapport avec le terme de basilica dont use parfois Grégoire pour désigner la troisième ecclesia du castrum 97 ; mais l'expression ne fait-elle pas plutôt référence à l'antique basilique civile de Tours, aux abords de laquelle se dressait cette église?98. Au reste rien ne permet d'affirmer que la construction de l'église dite de la Basoche remontait au VIe siècle. Tout au contraire il ressort du contrat signé par Hugues l'Abbé et les chanoines de Saint-Maurice, entre 867 et 887, que dans l'espace s'étendant a porta Aurelianis usque ad Arenas ne s'élevait jusqu'alors — mise à part la Sala Maledicta que . . . Domus Dei dicitur — aucun bâtiment, aucune église. C'est parce qu'ils viennent de faire acquisition, par voie d'échange, de ce terrain que les «frères» peuvent maintenant — nunc — y construire un monastère99. L'église de la Basoche, fondée au plus tôt dans la deuxième moitié du IXe siècle ne peut donc être confondue avec X ecclesia sanctae Mariae mentionnée par Grégoire.

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Cette première candidature écartée, il semble que l'on doive en revenir à celle qu'avait jadis proposée Mabille, qui se prononçait en faveur de Yabbatia Sanctae Mariae100. Y a-t-il pour assurer ce choix des raisons plus positives ou, du moins, quelque indice qui suggère son bien fondé? Un chapitre de YHistoria Francorum déjà cité recèle peut-être une première indication101. Grégoire y relate ses démêlés avec le responsable à Tours des haras du fisc. Ce Pelagius, abusant des pouvoirs qu'il détenait, s'adonnait avec impunité au pillage et au meurtre et s'acharnait tout particulièrement contre les biens et les gens d'Église. L'évêque, qui l'avait souvent réprimandé sans succès, perdit patience lorsque les hommes de Pelage arrachèrent par la force à ses propres serviteurs des vases destinés à sa table. À cette injure personnelle, il répondit par une sentence d'excommunication. Il accepta cependant bientôt de réintégrer dans la communion le chef des haras, lorsque ce dernier se fut disculpé du forfait qu'on l'accusait d'avoir inspiré par un serment solennel prêté dans la basilica beatae Mariae. La justice immanente de Dieu frappa enfin Pelage : il fut emporté par la fièvre en trois jours pour avoir rompu la promesse par laquelle il s'engageait ainsi à s'amender. Quel était son ultime méfait? Il avait, nous raconte Grégoire, commencé à faucher un pré appartenant à des religieuses dont le domaine confinait au sien. La minutie apparemment superflue avec laquelle Grégoire s'attache à préciser l'objet de ce dernier délit, la relation immédiate qu'il établit entre l'usurpation d'un bien monastique et le châtiment procuré par la virtus beate Mariae102 ne sont probablement pas dépourvues de signification. L'écrivain n'avait pas besoin d'insister davantage pour faire partager à ses lecteurs contemporains l'idée, communément répandue, que la protection d'un saint patron s'étend aux biens matériels détenus par son église. En l'occurrence, toute l'anecdote, en elle-même fort mince, paraît destinée à en apporter une nouvelle démonstration, à prouver que la Vierge a puni le renégat qui avait osé, pour comble de parjure, s'attaquer à une propriété de la communauté rassemblée sous son patronage. Ainsi, dès l'époque de Grégoire au moins, l'ecclesia sanctae Mariae Virginis aurait été le sanctuaire d'un monastère dont Yabbatia sanctae Mariae du début du XIe, siècle serait l'héritière. Ceci pourrait d'ailleurs expliquer pourquoi Grégoire, à son propos, emploie tantôt le terme d'église, tantôt celui de basilique. Le vocabulaire de l'historien, ordinairement rigoureux en ce domaine, réserve normalement le titre d'ecclesia aux édifices du groupe- cathédrale, celui de basilica désignant soit une basilique funéraire — un marty-

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rium — (ce qui n'est pas le cas ici), soit un sanctuaire monastique. L'indécision dont il fait preuve à propos de « Notre-Dame-et-Saint Jean» se comprend mieux, dès lors qu'on admet que cette dernière constituait un cas particulier, difficile à ranger dans une catégorie précise : église episcopale, elle se serait trouvée, tout en conservant ce premier caractère, desservie par une communauté monastique103 installée, sous l'épiscopat de Grégoire et peut-être même avant lui, à proximité; de ce fait elle pouvait être considérée à la fois comme une ecclesia et comme une basilica.

Il existe par ailleurs quelques présomptions pour situer l'ecclesia sanctae Mariae ac sancii Joannis Baptistae aux abords immédiats de l'ecclesia prima. Le double vocable attesté par Grégoire doit retenir ici l'attention. Selon une hypothèse formulée par Ch. Lelong 104, le patronage du Baptiste, qui s'ajoute à celui de la Vierge, pourrait en effet conserver le souvenir d'un ancien édifice de la liturgie baptismale associé à la première église cathédrale. Certes dans les sources, il n'est jamais question d'un baptistère à Tours avant que Perpetuus n'en élève un à côté de la basilique Saint-Martin105. Cependant l'Église tourangelle, avant cette époque, dès qu'elle s'est organisée, a certainement disposé d'un lieu consacré à l'administration du baptême : Litorius, lorsqu'il édifia la première ecclesia dans le castrum, dut pourvoir, sans doute au voisinage de celle-ci, à cette nécessité. Il n'est donc pas impossible que l'église Notre-Dame-et-Saint- Jean, construite après le transfert de la liturgie baptismale dans le baptisteriutn ad basilicam, ait gardé dans son appellation le souvenir du baptistère urbain désaffecté depuis une cinquantaine d'années, auquel elle succédait, tout près de l'ecclesia senior.

On ne saurait se dissimuler qu'il demeure une part d'incertitude dans les hypothèses proposées pour la localisation très précise de Saint-Gervais-et-Protais et de Notre-Dame-et-Saint-Jean par rapport à l'ecclesia prima 106. Mais il apparaît à tout le moins certain que les trois églises du castrum, que Grégoire associe explicitement à plusieurs reprises107, constituaient les éléments progressivement juxtaposés d'un même ensemble, les édifices composant, dans un proche voisinage, le groupe episcopal. Cette conclusion, que suggère fortement pour Tours tout un faisceau d'indices concordants, ne peut que se renforcer des

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exemples offerts à la même époque par de nombreuses cités de l'Italie du Nord et de la Gaule où s'élèvent des «cathédrales doubles» généralement accompagnées d'un baptistère108.

4) La domus ecclesiae

C'est également à proximité de l'église cathédrale, alors unique, que très tôt l'évêque de Tours a établi sa résidence, de façon d'abord très modeste. Le premier témoignage à ce sujet est apporté par Sulpice Sévère : le biographe nous apprend qu'à une époque où déjà maints prélats se faisaient construire de somptueux palais richement meublés et décorés109, Martin s'était contenté, après son élection au siège de Tours, de s'installer dans une simple cellula attenante à Y ecclesia110 \ bientôt d'ailleurs, il préféra se retirer loin de l'agitation de la ville, dans la solitude de Marmoutier. Mais il se réserva cependant toujours l'usage d'un secretarium de l'église afin de pouvoir, lors de ses venues à Tours, se recueillir avant les offices, tandis qu'il abandonnait aux clercs de son presbyterium et aux visiteurs une autre sacristie111. La cellula où habita quelque temps Martin et le secretarium où il avait ensuite l'habitude de se préparer à la célébration du saint sacrifice constituent-ils deux dépendances distinctes de Y ecclesia! Ou bien s'agit-il d'un seul et même local que l'hagiographe désigne par des termes différents, correspondant aux usages successifs qu'en fit son héros? Cette dernière interprétation est, semble-t-il, celle qu'adoptèrent les écrivains du Ve et du VIe siècle qui puisaient leur inspiration dans les récits de Sulpice Sévère. Lorsqu'il transpose en vers l'histoire du pauvre en faveur duquel Martin s'était à Tours dépouillé de sa propre tunique, Paulin de Périgueux donne pour cadre à l'épisode — situé par Sulpice dans le secretarium — la secretae . . . habitacula cellae du confesseur112. Un siè-

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cle plus tard, Grégoire, après avoir déposé des reliques des saints Cos- me et Damien in cellula Sancii Martini ecclesiae . . . contigua113, demande à son ami Fortunat de composer, pour célébrer le geste charitable de Martin, une inscription métrique qu'il destine à être gravée — comme l'indique l'intitulé de la pièce dans les manuscrits — in cellula s(ancti) Martini ubi pauperem vestiva114. Certes il est permis au poète de prendre quelque liberté avec l'exacte vérité et Fortunat, à l'occasion, ne s'en est pas privé115; mais ici, son témoignage bénéficie de la caution que lui apporte implicitement l'historien Grégoire. De toute façon la cellula dans laquelle Fortunat invitait le passant à venir se recueillir n'était plus celle-là même où l'apôtre avait jadis prié : l'incendie de 558 n'avait certainement pas épargné cette dernière. On a supposé que ce lieu saint de la dévotion martinienne s'était trouvé englobé, après le sinistre, soit dans le palais episcopal116, soit dans la nouvelle ecclesia rebâtie par Grégoire sur un plan plus vaste117. Mais les termes em-

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ployés par Grégoire — cellula . . . ecclesiae . . . contigua — semblent indiquer que cette reconstruction respecta l'ancienne disposition, peut- être au prix d'un léger déplacement118 : la cellula Martini demeurait un édifice contigu à la cathédrale, mais distinct du vaisseau principal de celle-ci, aussi bien qu'il l'était de la domus ecclesiae.

Martin disparu, les évêques de Tours, à commencer par son premier successeur, Brice, ont sans aucun doute abandonné la résidence de Marmoutier pour s'installer en permanence et définitivement dans le castrum : la renaissance de l'insécurité au cours du Ve siècle les invitait à rechercher la protection des remparts; leurs responsabilités croissantes à l'égard de la communauté tourangelle leur imposaient également d'être présents dans la ville119. Mais la modeste cellule dont Martin s'était contenté ne pouvait certainement plus suffire à des prélats plus soucieux que l'ascète de tenir leur rang dans le monde et désireux aussi de s'entourer, pour le gouvernement de l'Église et de la cité, de serviteurs ecclésiastiques et laïcs. Aussi, très probablement dès le début du Ve siècle, un palais episcopal fut-il aménagé à l'intérieur des remparts. Son existence n'est cependant pas attestée par les sources avant le règne d'Eufronius : à la domus ecclesiastica qu'avait habitée son prédécesseur120, Grégoire dit en effet avoir apporté, dans la première année de son épiscopat, une transformation; l'une des pièces de cette demeure, bien qu'elle fut — probablement à l'image des autres — valde elegans, servait jusqu'alors de cellier; Grégoire décida de la convertir en oratoire privé et, après avoir dressé un autel, il y déposa de nombreuses reliques de saints121. À celles-ci vint bientôt s'ajouter une

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pièce d'étoffe ayant jadis enveloppé la vraie croix122. Un poème de For- tunat composé in honore sanctae crucis célèbre aussi Yoratorium de la domus ecclesiae qui recèle cette précieuse palla123. C'est dans ce petit sanctuaire que Grégoire venait chercher apaisement et consolation, en particulier lorsqu'il se sentait accablé par les difficultés124.

L'historien ne précise malheureusement pas l'emplacement exact de cette demeure, toute proche, semble-t-il, de la cathédrale. On a supposé qu'elle s'élevait déjà à l'endroit où l'on situe avec certitude à partir du XIIe siècle le palais archiépiscopal, au Sud-Est de la cathédrale125. Seules des fouilles, nouvellement reprises, pourraient ici, comme dans

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le cas de V ecclesia sanctorum Gervasii et Protasii, permettre de contrôler la valeur de cette hypothèse.

L'œuvre des prélats bâtisseurs, par des réalisations régulièrement échelonnées depuis le milieu du IVe siècle a, en définitive, conquis au christianisme le quart Sud-Ouest du castrum : dès la première moitié du VIe siècle, ce secteur urbain prend les allures d'un véritable quartier episcopal qui se distingue nettement de la région septentrionale où s'installent alors, semble-t-il, le comte, ses officiers et les hommes de la garnison126. La reconstruction entreprise par Eufronius après le désastreux incendie de 558 et ensuite achevée par Grégoire s'est tout naturellement faite dans le cadre du schéma progressivement dessiné au cours des deux siècles précédents. Le choix initial de Litorius pour le site de l'ecclesia prima s'était donc révélé judicieux : peut-être avait-il été en partie dicté par des circonstances fortuites, comme l'existence d'un terrain inoccupé; mais, on peut le penser, le premier évêque de Tours a probablement été guidé surtout par le souci d'installer sa cathédrale dans la partie du castrum la plus proche du petit suburbium qui se reconstituait déjà à l'Ouest des remparts. Les évêques du Ve et du VIe siècle n'ont eu aucune raison, bien au contraire, de remettre en cause ce choix : c'est auprès du premier sanctuaire, celui où Martin avait officié, dans un voisinage bénéficiant d'une aura sainte, qu'ils ont tout naturellement édifié deux autres églises et aménagé leur demeure. Ce groupement autour de l'ecclesia senior, constaté en d'autres villes, se justifiait d'autant mieux à Tours qu'il ne contrariait pas un développement de l'urbanisme décidément orienté dans la direction de l'Ouest : un siècle après la mort de Litorius, un deuxième pôle de la vie religieuse était apparu autour de la basilique Saint-Martin qui, du côté de l'Occident, faisait vis-à-vis à la cathédrale.

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III - Le nouveau suburbium occidental

1) La basilica Sancti Litorii

Mais c'est déjà à l'Ouest du castrum qu'avait été établi, sous l'épis- copat de Litorius, le premier sanctuaire suburbain : une basilique, placée par la suite sous le patronage de cet évêque, la basilica Litorii127. Les sources qui la mentionnent, toujours sous ce titre, sont peu nombreuses : la plus ancienne est le calendrier liturgique de Perpetuus qui y fixe le Natale de l'évêque128. Vient ensuite le témoignage de Grégoire qui se résume à quelques lignes dans les deux notices consacrées, à la fin de YHistoria Francorum, respectivement à Litorius et à Martin. L'historien qui précise que cette basilique était la plus ancienne, prima basilica, ajoute à son propos deux renseignements : elle avait été faite, dit-il, ex domo cujusdam senatoris ; il y a tout lieu de croire que Litorius s'était borné à aménager une demeure privée pour la consacrer au culte, avec l'intention d'y établir sa sépulture; en effet, comme nous l'apprend également Grégoire, il y fut enseveli après sa mort 129. Au VIe siècle, Saint-Lidoire apparaissait comme la première basilique funéraire episcopale, celle qui avait précédé dans cette fonction Saint-Martin; c'est sans doute la raison pour laquelle s'est formée une pieuse tradition recueillie par Grégoire : la dépouille de Catianus, le légendaire fondateur de l'Église tourangelle, aurait été transférée, par les soins de Martin, du cimetière proche à l'intérieur de la basilica Litorii120. À n'en pas douter, il existait dans ce sanctuaire, du temps de Grégoire, un sépulcre qui passait, depuis une époque qui n'est certainement pas antérieure au début du VIe siècle131, pour être celui de l'apôtre envoyé par Rome.

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Où faut-il situer la basilique Saint-Lidoire? En se fondant sur des sources plus tardives, on a successivement revendiqué pour trois sanctuaires médiévaux — tous trois élevés dans un proche voisinage, aux abords de la route de Nantes, à environ 1400 m. du castrum — une filiation avec la basilica Litorii. Le dossier, composé d'informations très éparses, se présente ainsi :

1) Une lettre du pape Adrien II, datée de 871 et adressée à Charles le Chauve, mentionne pour la première fois un monastère placé sous le patronage de Saint-Médard. Elle nous apprend que cet établissement avait été récemment brûlé par les Normands — très certainement lors du raid de 853 — et qu'en cette fin du IXe siècle les corps de saint Lidoire et de saint Gatien y reposaient132. De ce document, É. Mabille conclut, sans la moindre hésitation, que Saint-Médard «ne peut être que l'ancienne église Saint-Lidoire qui vraisemblablement aura changé de nom dans le courant du VIIe siècle, en même temps qu'il s'y était établi une corporation religieuse»133. Ce n'est là en fait, comme l'a bien vu Longnon, qu'une hypothèse peu assurée; l'information donnée par la lettre pontificale pourrait être interprétée tout différemment : rien n'exclut en effet que les deux corps saints aient été provisoirement transférés à Saint- Médard, en attendant que la basilique, sans aucun doute voisine, de Saint- Lidoire, beaucoup plus endommagée par l'attaque normande — qui n'avait rien épargné de la ville de Tours — soit reconstruite 134.

2) Une ecclesia beatae Mariae Pauperculae dont l'existence est attestée à partir du début du IXe siècle135, mais qui était probablement de fondation plus ancienne, peut être située, grâce aux renseignements très précis fournis par des chartes de 920 et 943, dans le voisinage immédiat de Saint-Médard. À cet édifice détruit en 997 par un incendie succéda, semble-t-il, l'ecclesia beatae Mariae divitiis (Notre-Dame-la-Riche), dont le titre est mentionné pour la première fois en 1156 et qui se dressait vis-à-vis du monastère de Saint-Médard136. Or le récit de voyage du florentin Francesco Florio, publié vers 1467, nous apprend qu'à cette époque on vénérait le tombeau de saint Gatien (Catianus) dans le sanctuaire tourangeau de Notre-Dame-la-Riche, récemment restauré et orné de fres-

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ques137. De cette splendide église qui fut dévastée en 1562 par les protestants, au cours des guerres de religion, et dont la nef fut ensuite rebâtie avec des dimensions plus modestes, subsiste une crypte toujours dite «caveau de s. Ga- tien» et encore visible au coin de la rue Georges Courteline et de la rue Albe- ron 13S. Ceci suffit-il, comme l'affirmait l'abbé Vicart au terme d'une longue et minutieuse recherche139, pour affirmer l'identité de la basilica sancii Litorii et de l'église consacrée à Notre-Dame? Entre le témoignage de Grégoire, qui situe à son époque dans la basilique Saint-Lidoire le tombeau de Gatien, et celui de Francesco Florio, qui signale l'existence à Notre-Dame-la-Riche du « caveau » de ce même Gatien, neuf siècles se sont écoulés, au cours desquels ont pu intervenir trop de bouleversements pour que l'on puisse établir avec certitude une continuité.

3) II faut d'ailleurs ajouter qu'une chapelle Saint-Lidoire, située dans la rue du même nom, une artère qui conduisait au chevet de Notre-Dame-la- Riche, est à diverses reprises mentionnée entre le XIVe et le XVIe siècle. Démolie en 1357, lors de la construction des nouveaux remparts de Tours, elle fut ensuite rebâtie et reçue en 1488 une donation de Martin Briçonnet, curé de Notre-Dame-la-Riche. Cette chapelle140 disparut définitivement en 1573, date à laquelle — pour la remplacer, semble-t-il — un autel dédié à saint Lidoire fut érigé dans Notre-Dame-la-Riche. Mais jusqu'à la Révolution, une procession continua chaque année, le jour de la fête de s. Lidoire, de se rendre à une station sise au n° 1 de la rue portant le nom de cet évêque141. A. Longnon et plus récemment J. Boussard et M. Vieillard-Troiekouroff 142 ont proposé de situer la basilica sancii Litorii à l'emplacement de la chapelle Saint-Lidoire. Mais une fois encore l'immense lacune que présente notre information entre le VIe et le XIVe siècle rend l'hypothèse fragile.

Au total, les données dont on dispose ne permettent pas — malgré les longs débats auxquels a donné lieu la question — d'affirmer à pro-

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pos d'aucun des trois sanctuaires médiévaux dont la candidature a été mise en avant, qu'il a remplacé au cours des siècles l'antique basilique Saint-Lidoire, en s'élevant à l'emplacement exactement occupé par cette dernière. Mais les témoignages des diverses sources concordent au moins sur un point : une tradition, constante depuis le IXe siècle, situe le sépulcre de Litorius — et celui de Catianus — , ainsi que les cérémonies célébrées à leur mémoire, dans un espace nettement délimité du suburbium occidental, dans l'étroit quadrilatère où s'élevaient au Moyen Âge le monastère de Saint-Médard, Notre-Dame-la-Riche et la chapelle Saint-Lidoire. Or il s'agit là d'une région qui, aux abords immédiats de la route de Nantes, avait acquis, déjà dans le courant du IVe siècle, un caractère funéraire. En admettant même qu'entre la fin de l'épiscopat de Grégoire et l'époque carolingienne les corps de Litorius et de Catianus aient été transférés de la basilique antique dans un nouvel édifice, cette translation s'est certainement opérée à l'intérieur de cette zone cemeteriale. Tout indique donc que la basilica fondée par Litorius pour accueillir sa sépulture se trouvait, sinon à l'emplacement même de Notre-Dame-la-Riche ou d'un des sanctuaires voisins, du moins à faible distance de ces édifices.

Du temps de Grégoire, la basilique Saint-Lidoire apparaît comme un lieu de culte isolé et peu fréquenté : jamais dans les récits de l'historien elle n'est le théâtre d'événements naturels ou surnaturels advenus dans la cité ligérienne. C'est que, depuis un siècle déjà, la vie religieuse dans le suburbium avait commencé à se déplacer vers le Sud-Est, en se rapprochant un peu du castrum, pour s'organiser autour d'une nouvelle basilique funéraire ; la gloire et la puissance de Martin, auquel cette dernière était dédiée143, éclipsèrent finalement le souvenir de son pré-

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décesseur dont le sanctuaire fut, sauf lors du Natale Litorii, déserté par les fidèles144.

2) La basilica Sancti Martini

Les édifices successifs

C'est assez longtemps après sa mort et de façon d'abord bien modeste que la mémoire de l'apôtre commença à être honorée par la construction d'un monument. Durant les premières décennies qui suivirent sa disparition, le lieu de sa sépulture, le locus sepulchri dont parle Sulpice Sévère, avait sans aucun doute conservé un aspect tout semblable à celui des autres tombes du «cimetière des chrétiens»145. Une chapelle funéraire fut enfin aménagée sur le tombeau du saint. Plus nettement que Paulin de Périgueux qui, dans le livre VI de sa Vita sancii Martini, se borne à situer certaines manifestations de la puissance posthume de Martin dans le cadre de cette petite basilique146, son contemporain, Sidoine Apollinaire, mentionne ce sacellum dans un poème qu'il soumet au jugement d'un de ses amis, en 467, à une date où un nouvel et plus grand édifice venait (ses vers nous en assurent) d'être élevé en l'honneur de Martin. Le poète ne ménage pas l'expression de son mépris pour la première construction dépourvue d'élégance — plebeio

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machina cultu — 147 et, au surplus, fort médiocre par son élévation comme par ses dimensions au sol148. Ses vers dépeignent, de façon assez obscure, Yinternum . . . modici penetrale sacelli149 : «modeste sanctuaire tout intime», comme l'a compris R. Vaucelle150, ou plutôt, suivant la traduction proposée par le dernier éditeur, A. Loyen, «sanctuaire souterrain d'une modeste petite chapelle», qui serait donc un simple hypogée. Un siècle après Sidoine151, Grégoire de Tours évoque lui aussi la petite basilique primitivement édifiée sur la tombe de Martin — basi- licam parvulam super corpus beati Martini152 — qu'il qualifie, tout en louant la beauté de son plafond, alors remployé dans un autre sanctuaire, de cellula parvula153. Sa construction est signalée dans la notice consacrée à l'évêque Brice : le récit suggère clairement qu'elle ne fut entreprise qu'à la fin de l'épiscopat, soit à l'initiative de Brice lui- même, immédiatement après son retour d'exil (435/436), soit un peu avant, durant la période où le successeur de Martin avait été supplanté par Armentius (entre 430 et 435/6 environ)154. Dès lors la petite chapel-

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le remplaça la basilica sancii Litorii comme basilique funéraire episcopale : aux côtés de Martin y furent successivement ensevelis Brictius et Eustochius155.

Sidoine Apollinaire nous apprend encore que Perpetuus remplaça un sanctuaire, qu'il jugeait indigne de son illustre prédécesseur, par une basilique plus haute et plus vaste : amplaque tecta levans exteriore domo; / creveruntque simul valido tribuente patrono / in spatiis aedis, conditor in mentis156. La lettre dans laquelle le poète communique ces vers à son correspondant remonte au plus tard à 467. À cette date, le gros œuvre était certainement achevé157. Mais, compte tenu des travaux de finition et d'embellissement qui prirent sans doute encore quelques années, la dédicace pourrait avoir eu lieu un peu plus tard, peut-être le 4 juillet 471 qui coïncidait avec le centenaire de l'élévation de Martin à l'épiscopat158. Paulin de Périgueux, quant à lui, évoque précisément les efforts déployés pour acheminer jusqu'au chantier des colonnes, provenant très certainement d'un monument antique, et qui devaient être remployées dans la basilique nouvelle159. Ce n'était d'ailleurs pas là la seule parure dont l'évêque tourangeau avait voulu doter cette dernière. Les mètres de Sidoine, un autre petit poème de la plume de Paulin de Périgueux, ainsi que plusieurs pièces de vers ou de prose, dont les auteurs sont restés anonymes, avaient été commandés, comme en témoigne la correspondance échangée, à la demande expresse de Perpetuus, pour être gravés sur les murs de l'édifice et, en certains cas, servir de légende à des images ornant ceux-ci; en font foi également, dans la sylloge où ces inscriptions furent ensuite réunies, les intitulés qui les précèdent et précisent leur localisation dans l'édifice160. Son œuvre

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enfin parachevée grâce au concours d'une pléiade d'artistes et d'écrivains, Perpetuus institua dans la basilique, solennellement dédiée à Martin, les vigiles de plusieurs grandes fêtes qui figurent dans le calendrier rédigé par ses soins : outre les deux anniversaires de Martin, la Nativité de Jean-Baptiste, la Résurrection, l'Ascension, le Natale de Bri- ce et ceux d'Hilaire de Poitiers et de Symphorien d'Autun161. La basilica Sancii Martini était dès lors prête à accueillir de nombreux visiteurs et Martin, en leur faveur, y manifesta aussitôt sa virtus par de nombreux miracles, dont l'un est mentionné par la Vie des Pères du Jura et d'autres plus longuement relatés par Paulin de Périgueux au chant VI de son grand poème martinien.

À ces premiers renseignements viennent s'ajouter ceux que fournit en abondance, un siècle plus tard, Grégoire de Tours. La basilica Martini que fréquentait assidûment le prélat historien était toujours celle-là même que Perpetuus avait construite162 et où, depuis lors, tous les évê- ques tourangeaux, à l'exception de Volusianus et de Verus, avaient été ensevelis. Certes en 559, sous l'épiscopat d'Eufronius, Saint-Martin avait été endommagée par un incendie. Mais le sinistre avait été certainement beaucoup moins important que celui qui, un an auparavant, avait détruit l'ecclesia senior et nécessité sa reconstruction totale. Seule la couverture de la basilique fut détruite par les flammes et le prédécesseur de Grégoire, avec le concours financier du roi Clotaire, put procéder immédiatement à sa réfection163, de telle sorte, affirme l'auteur de YHistoria Francorum, que le sanctuaire fut restauré ut prius fue- rat 164. Cependant les murs de la basilique conservaient encore à l'avènement de Grégoire quelques traces de l'incendie qui les avait probablement noircis. Le nouvel évêque y porta remède en les faisant «peindre et décorer avec le brillant qu'ils avaient auparavant»165. C'est donc dans

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une basilique qui avait retrouvé toute sa splendeur que, durant l'épisco- pat de Grégoire, les visiteurs se pressent en foule dans l'attente d'un de ces miracles dont l'historien a donné le compte-rendu dans les quatre Livres du De virtutibus sancii Martini.

Grégoire de Tours apporte aussi des informations sur la position topographique des deux édifices funéraires successivement élevés à la mémoire de Martin. Son témoignage permet d'abord, semble-t-il, de répondre à une première question : quelle était la situation respective de la cella aménagée du temps de Brice et de la basilica construite par Perpetuus? ou plus précisément, le second édifice a-t-il remplacé dans l'espace le premier, comme il se substituait à lui dans le temps pour le culte rendu à l'Apôtre? À vrai dire, les déclarations de l'historien ont paru sur ce point fort ambiguës et elles ont donné lieu à des interprétations différentes. D'une part, Grégoire affirme que Martin fut enseveli in loco quo nunc adoratur sepulchrum ejus166, ce qui paraît impliquer que la deuxième basilique a été élevée, comme la première et à sa place, au-dessus de la sépulture du confesseur dont l'emplacement est demeuré immuable. Mais, d'autre part, l'historien évoque à deux reprises la translation du corps saint, consécutive à l'achèvement des travaux entrepris par Perpetuus167.

Influencé par ces derniers récits, É. Mabille était parvenu à la conclusion que la grande basilique martinienne ne s'élevait pas sur le même site que la cella primitive, qui, selon lui, aurait subsisté encore plusieur siècles 168. Toujours dans cette optique, C. Chevalier a même suggéré, avec beaucoup de prudence il est vrai, que l'on pourrait identifier cette dernière avec un oratoire consacré à

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saint Etienne que mentionnent Grégoire et des sources plus tardives 169. La théorie est en elle-même indéfendable, car elle va à l'encontre d'une série de témoignages très clairs qui affirment que la chapelle du temps de Brice fut bel et bien démolie : au vers de Sidoine qui évoque Perpetuus removens, faisant disparaître, le modeste sacellutn 170, fait écho le récit de Grégoire selon lequel l'évê- que se mit à l'œuvre, submota basilica111, ayant fait table rase de l'édifice ancien. Et si l'on objecte que les termes removere et submovere peuvent être entendus ici dans leur sens figuré (désaffecter) 172, que fera-t-on d'un autre fait attesté par Grégoire : le plafond de la cellula fut remployé pour couvrir une autre basilique construite par Perpetuus en l'honneur de Pierre et Paul173? La basilica a donc bien remplacé dans l'espace la cellula. Reste à expliquer la translation dont fait état Grégoire. Reprenant une autre hypothèse jadis formulée dans un commun ouvrage par J. Bourassé et C. Chevalier, A. Longnon supposait que le corps de Martin avait été déposé provisoirement, pendant les travaux de reconstruction, «dans une petite chapelle construite à cet effet» et qui aurait ensuite subsisté 174. Il ne semble pas nécessaire de recourir au détour inutile et hasardeux d'une telle explication, si l'on veut bien tenir compte des réalités architecturales :

La nouvelle basilique était beaucoup plus vaste (capaciorem dit Sidoine, ampliorem, répète Grégoire) que la cella qu'elle remplaçait;

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son plan était aussi certainement différent175; peut-être également la nature du terrain sur lequel elle s'étendait avait-elle imposé quelques contraintes aux bâtisseurs176. Tout ceci obligea vraisemblablement Per- petuus à déplacer de quelques mètres le tombeau de Martin, pour que celui-ci se trouvât dans l'abside de la basilique et exactement dans l'axe de cette dernière. Ainsi toute véritable contradiction disparaît de l'œuvre de Grégoire : il y a bien eu translation du corps saint, commotum in loco ubi nunc adoratur; mais cette translation s'est opérée à l'intérieur de la basilique nouvellement achevée sur le site de la précédente, et sur une distance assez faible pour que l'historien, lorsqu'il ne s'attache pas au détail, puisse considérer que la sépulture de Martin a toujours été in loco quo nunc adoratur177.

Cette difficulté résolue, il n'y a guère de problème pour déterminer l'endroit où s'élevèrent successivement la cellula parva et la magnifique basilique qui la remplaça. Pour cette dernière, Grégoire de Tours précise en effet qu'elle se trouvait à 550 pas de la «cité», soit un peu plus de 800 m.178. C'est là effectivement la distance qui, de façon approximative, sépare la muraille du castrum, dans son tracé occidental, d'un emplacement situé entre la route d'Angers et celle de Poitiers, où se sont succédé au cours des âges les édifices dédiés au saint patron de Tours179. Certes, les explorations archéologiques conduites entre 1860 et 1886 n'ont pas permis de retrouver, à l'emplacement de l'église gothique180 démolie à l'époque révolutionnaire, les substructions de la

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basilique de Perpetuus, non plus que le tombeau de Martin dans son aménagement du Ve siècle, comme on le crut — un peu trop facilement — à l'époque. C'est qu'on avait beaucoup attendu de ces fouilles — sans doute trop — et notamment qu'elles vinssent trancher un débat ouvert déjà depuis plusieurs décennies à propos du plan de cet édifice : en se fondant exclusivement sur les sources littéraires (principalement les versus basilicae du Martinellus 181 et les œuvres de Grégoire), Ch. Lenormant en 1836, G. Hübsch en 1866 et J. Quicherat en 1869, avaient fait tour à tour de Saint-Martin une église à rotonde, un temple en forme de croix et, en dernier lieu, une basilique pourvue de tribunes et d'une abside à déambulatoire182. Cette dernière restitution semble avoir vivement influencé les fouilleurs183 et conduit C. Chevalier, entre autres, à dater du Ve siècle les substructions d'un déambulatoire à chapelles rayonnantes retrouvées au voisinage du tombeau184. Dès 1891

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cependant, R. de Lasteyrie dénonçait l'erreur commise par l'archéologue amateur, qui avait attribué à l'épiscopat de Perpetuus les restes d'un édifice pouvant remonter tout au plus au Xe siècle185. On cessa alors pour longtemps de s'intéresser au matériel provenant des fouilles et les historiens s'efforcèrent à nouveau de restituer, sur la base des seuls documents littéraires, le plan et l'élévation d'une basilique186 qui, complètement détruite en 997, avait été ensuite — on connaissait mieux désormais l'histoire de l'édifice médiéval187 — relevée par Hervé de Buzançais (dédicace en 1014) sur un plan plus vaste entraînant une nouvelle translation du tombeau. Et pourtant les explorations de la deuxième moitié du XIXe siècle avaient livré quelques vestiges antiques : des poteries et modulons de terre cuite, des colonnes, colonnet- tes, chapiteaux et plaques de marbre, le tout brisé et utilisé comme matériau de remploi par les bâtisseurs de l'An Mil. Dans ces fragments que les fouilleurs avaient négligés — ils ruinaient par leur seule présence les théories hâtivement adoptées — , mais qui avaient été heureusement conservés, M. Vieillard-Troiekouroff 188 a récemment reconnu les

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éléments d'un décor architectural qui, par son style, est, sans aucun doute, celui que Perpetuus avait conçu pour le sanctuaire martinien. Bien plus, l'un de ces débris, une petite plaque de marbre, porte encore quelques lettres que l'on peut identifier comme ayant appartenu à l'une des inscriptions gravées, au témoignage de la sylloge du Martinellus, dans l'abside de la basilique du Ve siècle 189.

L'espace basilical

Il ne saurait être question ici de s'attarder longuement à l'étude historique et archéologique d'une basilique, qui a fait l'objet de nombreuses et savantes monographies; encore moins de proposer une nouvelle restitution de l'édifice antique. Les diverses tentatives faites en ce sens et les conclusions si divergentes auxquelles elles ont abouti montrent assez, semble-t-il, l'inanité, dans l'état actuel de notre information, de tels efforts. Au reste, les dernières analyses consacrées à la basilique de Perpetuus, notamment celles de J. Hubert et de M. Vieillard-Troie- kouroff 190, qui se sont prudemment gardés des théories ambitieuses et aventurées, s'efforcent seulement, avec une objectivité scientifique exemplaire, de rassembler les quelques certitudes auxquelles conduit l'examen des sources littéraires et archéologiques.

C'est sur un bilan de cette sorte que doit s'achever l'enquête topographique à propos de Saint-Martin, afin de fixer, dans l'espace basilical, les quelques points de repère indiqués par les textes. Les renseignements dont on dispose sont, à vrai dire, assez minces, puisque Grégoire s'est, de son propre aveu, volontairement abstenu de décrire un édifice que ses contemporains pouvaient aisément voir de leurs propres yeux191. Le document principal, sur lequel des générations d'historiens et d'archéologues ont exercé leur esprit critique et leur imagination,est constitué par une brève notice qui nous est parvenue en deux versions

L'ÉDIFICATION DE LA CITÉ MARTINIENNE

différentes. L'une est insérée dans le chapitre de l'Historia Francorum qui traite de l'épiscopat de Perpetuus (HF, II, 14)192; l'autre se trouve dans l'appendice des manuscrits du Martinellus, intercalée entre la syl- loge des vers composés au Ve siècle et plusieurs récits de miracles empruntés au De virtutibus sancii Martini de Grégoire 193. Nous présentons les deux textes en les disposant côte à côte pour faciliter la comparaison :

HF, II, 14 Quae habetur a civitate passus DL.

Habet in longo pedes CLX, in lato LX,

habet in alto usque ad cameram pedes

fenestras in aitano XXXII, in capso XX;

columnas XLI;

in toto aedificio fenestras LU, columnas

CXX, ostia Vili, tria in altario, quinque in

MARTINELLUS

Basilica sancii Martini abest a civitate passus quingentos fere et quinquaginta. Habet in longum pedes centum sexaginta, in lato pedes sexaginta; habet in alto usque ad cameram pedes XLV;

fenestras in altario XXXII, columnas XLI;

in toto aedificio fenestras LXXII, columnas centum viginti, ostia octo, tria in alta- riis, quinque in corpore, vel casso, vel capso.

Avec des formules à peu près identiques, l'une et l'autre notice, après avoir mentionné la distance séparant le castrum de Saint-Martin, indiquent avec les mêmes chiffres les dimensions de la basilique : soit environ 53 m. de longueur, 20 m. de largeur et 15 m. de hauteur194.

ESPACE URBAIN ET TOPOGRAPHIE CHRÉTIENNE

Tableau III INVENTAIRES DESCRIPTIFS DE SAINT-MARTIN

la vieille ville de tours

Dans l'intérieur de l'édifice toutes deux procèdent ensuite à la distinction de deux parties, capsum et altarium, entre lesquelles sont distribuées fenêtres, colonnes et portes, puis récapitulent, pour finir, le nombre de chacun de ces éléments dans l'ensemble de la construction. C'est ici qu'apparaissent des différences sensibles qui portent à la fois sur la répartition des colonnes entre capsum et altarium et sur le total des fenêtres (voir tableau ci-dessus). À quelle leçon faut-il se fier? On doit noter que le chapitre II, 14 de YHistoria Francorum et le recueil du Mar- tinellus, dans ses deux notices en prose, puisent certainement à une source commune ancienne, un document rédigé probablement à l'époque de Perpetuus et composé de deux pièces reproduites à la suite l'une de l'autre dans les deux ouvrages : d'une part le descriptif sommaire de la basilique Saint-Martin; d'autre part les instructions relatives aux fêtes qui devaient y être célébrées en l'honneur du saint évêque. Grégoire s'est visiblement inspiré de sa source dont il retranscrit le texte en y apportant sans doute quelques modifications, mais sans faire l'effort de le remanier vraiment pour l'harmoniser avec le style de son propre

384 L'ÉDIFICATION DE LA CITÉ MARTINIENNE

récit195. Il s'est borné pour assurer la transition entre ce dernier et la description du sanctuaire, et éviter une répétition, à remplacer par un pronom relatif (quae) l'expression basilica sancii Martini par laquelle débutait le texte original, comme en témoigne la notice du Martinellus. Le compilateur de ce petit recueil ne recopie pas, comme on l'a parfois affirmé, l'historien dont il connaît peut-être cependant les œuvres : disposant tous deux de la même source l'un et l'autre l'interprètent sur certains points de façon différente, avec, suivant les cas, plus ou moins de fidélité.

En ce qui concerne la notice relative aux festivitates martiniennes, il apparaît, comme on le verra 196, que la citation du Martinellus est sans aucun doute plus proche de l'original que celle de Grégoire. Qu'en est-il pour la description de la basilique? Peut-on penser que l'historien s'est trompé £n transcrivant un inventaire que le rédacteur du Martinellus aurait reproduit plus exactement197? Il est bien difficile de croire que l'évêque, qui fréquentait assidûment la basilica Sancii Martini, ait pu commettre à son propos de grossières erreurs. En fait, il la connaissait trop bien : aussi n'a-t-il pas remarqué que le texte par lui recopié était mal composé, peu clair pour un lecteur moins averti que lui; puisque en effet il n'est pas précisé explicitement dans quelle partie de l'édifice se trouvent les colonnes décomptées à part. Le scribe chargé de transcrire dans le Martinellus la même notice, peut-être parce qu'il ne connaissait pas le sanctuaire lui-même, a, semble-t-il, tenté d'apporter une clarification qu'il jugeait indispensable : pour ce faire, il a supprimé la mention in capso XX (fenestras) qui lui a paru interrompre fâcheusement et sans nécessité une description relative à Yaltarium. Par là même, il a attribué à ce dernier les 41 colonnes citées ensuite par l'original, commettant un contre-sens manifeste : lorsqu'on relit attentivement le chapitre de YHistoria Francorum, on se rend compte que ce nombre de colonnes ne pouvait se rapporter dans l'esprit de l'auteur (et de la source qu'il répétait) qu'à la partie de la basilique mentionnée

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immédiatement avant, le capsum. D'ailleurs, le rapport des proportions invite tout naturellement à situer l'ensemble le moins nombreux de colonnes dans la section de l'édifice où les fenêtres sont elles aussi en moins grand nombre, c'est-à-dire in capso. Mais précisément sur ce point, le rédacteur du Martinellus a pu être induit en erreur, s'il a consulté, pour vérification, la version donnée par Grégoire. Car il avait sans doute sous les yeux un des deux manuscrits de YHisîoria Franco- rum où le chapitre II, 14, présente une leçon aberrante quant au nombre total des fenêtres (72 au lieu des 52 mentionnées par tout le reste de la tradition manuscrite) 198. De cette donnée il pouvait déduire que le capsum comptant des fenêtres plus nombreuses, soit 42 (72-32) devait posséder aussi un plus grand nombre de colonnes. Tout ceci a conduit finalement le correcteur trop zélé à inverser les rapports numériques entre les éléments appartenant respectivement au capsum et à Y altarium. La version donnée par le Martinellus étant fautive, c'est donc celle présentée par YHistoria Francorum qui doit être retenue pour l'analyse.

Mais avant d'aller plus loin, il convient de s'interroger sur le sens à' altarium et de capsum. Les érudits, dès le XVIIe siècle et, à leur suite, les philologues et les archéologues qui ont eu à prendre ces deux termes en considération sont, dans leur très grande majorité, tombés d'accord pour estimer que par altarium il faut entendre la partie la plus sainte de l'église, celle où se trouve normalement l'autel {altarium) c'est-à-dire le chœur, le substantif capsum désignant donc, dans ce contexte, la nef. Cependant des voix se sont élevées pour contester cette interprétation : les Bénédictins qui rééditèrent Du Cange au milieu du XVIIIe siècle pensaient que dans la langue de Grégoire capsum était déjà employé, - avec l'acception que ce mot revêt dans quelques textes du XIIe siècle — comme synonyme de capitium ecclesiae, de chevet de l'église199. Au début de ce siècle, l'idée a été reprise et développée par M. Aubert : ce dernier propose en conséquence de reconnaître dans Y altarium mentionné par Grégoire la nef de la basilique Saint-Martin, en supposant que c'est au milieu de cette

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dernière que se dressait l'autel200. Une telle hypothèse qui repose entièrement sur la signification prise, six siècles après Grégoire, par le terme capsum201 est contredite par tout un ensemble de témoignages anciens. D'après l'intitulé qui la précède dans la sylloge du Martinellus, l'une des inscriptions de Saint-Martin était gravée super arcum absidis altaris202. L'expression associe explicitement, en les situant dans la même partie de l'édifice, autel et abside, de même que le fait un récit de Grégoire ayant pour cadre l'espace ouvert inter altare et sanctum tumulum203, entre l'autel et «l'abside du corps». D'autre part un canon du concile de Tours de 567 atteste l'usage, dont Saint-Martin donnait certainement l'exemple, de séparer durant les offices, par des chancels, la nef où se tiennent les fidèles, de l'autel érigé dans le «Saint des Saints», où est admis le seul clergé204. Au reste, à l'époque où un scribe trop zélé corrigeait la notice destinée au Martinellus, probablement au IXe siècle, le terme de capsum, comme le montre la glose ajoutée (in corpore vel casso), désignait encore dans l'usage le «corps» de l'édifice, c'est-à-dire à n'en pas douter la nef.

De tout ceci on peut donc conclure que le chœur de la basilique avec ses 32 fenêtres et ses 79 (120-41) colonnes était sensiblement plus allongé que la nef, celle-ci comptant seulement 20 fenêtres et 41 colonnes. Cette disposition ne saurait d'ailleurs surprendre205 dans un édifice dont le sanctuaire, abritant, en arrière de l'autel, la tombe vénérée de Martin206, était destiné à accueillir de très nombreux visiteurs. Il est

ESPACE URBAIN ET TOPOGRAPHIE CHRÉTIENNE 387

impossible de préciser davantage le plan général de la basilique, sans retomber dans le domaine de l'hypothèse pure. Tout au plus peut-on, de façon négative, rejeter catégoriquement certaines des restitutions jadis proposées : la largeur relativement modeste de l'édifice, les faibles dimensions de quelques-uns des fûts et chapiteaux retrouvés dans les fouilles — révélant qu'une partie des colonnes n'étaient que des colon- nettes destinées à la décoration207 — permettent d'exclure l'existence de doubles bas-côtés et de tribunes, comme est exclu pour le chœur un déambulatoire à chapelles rayonnantes. Il semble aussi très improbable que la basilica Martini ait comporté un transept saillant car, en ce cas, Grégoire n'aurait sans doute pas manqué, comme il l'a fait pour X ecclesia de Clermont, de noter la forme de croix affectée par la construction208.

Faute de données techniques plus détaillées, le plan et la structure architecturale de l'édifice échappent donc pour l'essentiel à l'archéologue. En revanche l'historien, avant tout soucieux de la réalité vécue, peut, grâce aux notations éparses dans les versus basilicae comme dans les œuvres de Grégoire et qui viennent heureusement compléter la sèche enumeration présentée par la notice, retrouver la configuration du lieu saint, telle qu'elle s'offrait aux Ve et VIe siècles à l'œil du visiteur peu averti d'architecture, au regard du simple fidèle se déplaçant en une pieuse démarche dans l'espace sacré de la basilique. Pour exploiter au mieux les renseignements divers dont on dispose, le plus simple est de les regrouper topographiquement le long de l'itinéraire tracé par le recueil des inscriptions de Saint-Martin, qui constituait un véritable guide pour les pèlerins209. Dans le sens normal de la visite, ceux-ci accédaient à la basilique par une porte — peut-être sous un porche? — ménagée dans la façade occidentale de l'édifice. Auprès de ce portail principal se lisaient deux premières inscriptions gravées du côté de l'extérieur, semble-t-il, puisqu'elles engageaient les fidèles à se recueillir avant de franchir le seuil du temple. Au-dessus de l'entrée

388 L'ÉDIFICATION DE LA CITÉ MARTINIENNE

s'élevait, au témoignage de ces mêmes vers, une tour que les arrivants étaient également invités à contempler210. Au-delà s'ouvrait Y aula211) sur la paroi formant le revers de la façade, et surmontant la porte déjà mentionnée, se voyait une peinture figurant la pauvre veuve de l'Évangile et le titulus commentant cette image212. On s'avançait ensuite dans la nef couverte d'une charpente ou d'un plafond (camera)213 et éclairée de chaque côté par 10 fenêtres. Quatre portes, à raison de deux sur chaque flanc, constituaient des issues secondaires. Au-dessus de celles- ci s'offraient encore à la vue des peintures accompagnées de légendes214. Une autre inscription gravée super arcum absidis altaris suggère

ESPACE URBAIN ET TOPOGRAPHIE CHRÉTIENNE 389

l'existence d'un arc triomphal ouvrant de la nef sur le sanctuaire215. Dans cette dernière partie de la basilique se trouvait d'abord l'autel surmonté d'une machina qui, aux dires de Grégoire, s'élevait presque jusqu'au plafond216. Il s'agit probablement d'une sorte de baldaquin en bois. Il n'est pas certain, comme on a cru pouvoir l'affirmer, qu'une seconde tour — qui en tout état de cause devrait être distinguée de la machina217 — se dressât en cet endroit de l'édifice : certes les vers inscrits sur la façade et qui mentionnent la tour d'entrée comparent celle- ci à une autre turns plus haute, qui élève Martin jusqu'au ciel; mais n'est-ce pas là une image mystique?218 En arrière de l'autel — un récit de Grégoire l'atteste clairement — s'étendait un espace libre assez vaste où des pèlerins malades avaient coutume de venir s'étendre219. Les visiteurs, après avoir parcouru la basilique dans toute sa longueur, parvenus à son extrémité orientale, accédaient enfin au tombeau du confesseur dont la gloire et la virtus étaient célébrées par des inscriptions gravées de part et d'autre du sépulcre et au-dessus de celui-ci220. Tout le sanctuaire était illuminé par les trente-deux fenêtres que mentionne la notice et qui s'ouvraient non seulement au long des parois latérales du

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chœur, mais aussi — deux épisodes relatés par Grégoire le révèlent — dans le mur terminal de l'abside221. Des trois portes que comptait Yalta- rium, l'une au moins ne donnait pas sur l'extérieur, mais assurait la communication avec une annexe de l'église, le salutatoriwn222. Ainsi se dessine la topographie sainte de la basilique, avec les diverses stations pieuses auxquelles les inscriptions et les images invitaient les fidèles.

L'édification, à la fin de l'épiscopat de Brice, d'une petite cella sur le tombeau de Martin n'avait apporté aucune modification à la région voisine qui conserva au cours des décennies suivantes son caractère essentiellement funéraire. En revanche l'érection de la grande basilique conçue par Perpetuus est à l'origine d'une profonde transformation de ce secteur et, à plus longue échéance, de tout le schéma urbain. Véritable martyrium élevé à la gloire d'un confesseur qui, comme le déclarait déjà Sulpice Sévère, avait «atteint, sans verser son sang, la plénitude du martyre»223, Saint-Martin est désormais bien plus que la nécropole funéraire des évêques de Tours : c'est un édifice de la liturgie stationna- le régulièrement fréquenté par les fidèles tourangeaux; c'est aussi le sanctuaire d'un pèlerinage qui attire au tombeau du thaumaturge un nombre grandissant de visiteurs. Auprès de ce foyer de vie religieuse commencent, dès la fin du Ve siècle, à se grouper d'autres églises ainsi que des bâtiments destinés à abriter tous ceux qui hantent ces lieux saints. Ce processus, qui s'amorce du vivant de Perpetuus et se poursuit tout au long du VIe siècle, intéresse, de façon simultanée, deux secteurs : d'une part, dans le périmètre sacré dépendant directement de Saint-Martin, l'atrium basilicae, sont peu à peu aménagés des sanctuaires et des locaux d'habitation qui sont des annexes de la basilique; d'autre part et parallèlement, dans un rayon de quelques centaines de mètres autour de ce premier groupe d'édifices, se constitue une véritable couronne de basiliques et de monastères.

3) L' atrium basilicae Sancti Martini

En retraçant les étapes de cette évolution, il convient, pour mieux suivre dans l'espace le processus de développement, de commencer par

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les édifices les plus proches de Saint-Martin, ceux qui sont compris dans le cadre de l'atrium224. L'existence de l'atrium basilicae beatissimi Martini est attestée pour la première fois par la Vie des Pères du Jura, composée vers 520; l'épisode qui le mentionne se situe à l'époque où le monastère jurassien était gouverné par l'abbé Lupicinus {circa 460- 480) 225, contemporain de l'évêque tourangeau Perpetuus : l'hagiogra- phe, narrant l'aventure d'un moine qui, sous l'impulsion du démon, avait déserté la communauté de Condat pour se rendre à Tours, nous montre ce Dativus qui, entré {ingressus) dans l'atrium, pénètre ensuite dans le sanctuaire martinien226. L'expression employée suggère clairement que, dès cette époque, l'atrium n'était pas seulement une étendue de terrain avoisinant la basilique, mais un espace matériellement délimité par une clôture. C'est donc sans aucun doute Perpetuus lui-même qui a conçu et aménagé, pour servir d'écrin à l'édifice funéraire élevé par ses soins, le cadre monumental227 qu'évoquent, un siècle plus tard, Fortunat228 et, plus souvent encore, Grégoire. Certes ce dernier lorsqu'il mentionne les atria ou, d'un singulier qui lui est plus familier, l'atrium229, se borne souvent à désigner d'un mot un lieu privilégié de la géographie sainte de Tours : celui qui, situé dans le prolongement de la célèbre basilique, sanctifié par la présence toute proche du tombeau, reçoit, pour le plus grand bénéfice des dévots et des malades, des effluves encore très puissants de la virtus martinienne et offre, comme le sanctuaire lui-même, la protection de l'asile aux fugitifs230. Les termes

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d'atrium sancii Martini ou d'atrium beati confessons231 qui reviennent souvent sous la plume de l'historien donnent, de l'espace ainsi placé sous le vocable du saint et sous sa protection, une définition toute spirituelle et juridique. Cependant, ici et là, Grégoire ajoute quelques détails qui laissent entrevoir plus concrètement, du point de vue de la topographie matérielle, quels étaient la configuration et l'aspect monumental de l'atrium basilicae232.

Il apparaît tout d'abord que ce dernier s'étendait en plusieurs directions autour de la basilique. Le secteur le plus nettement et le plus souvent défini233 se trouvait «devant le bienheureux sépulcre»234, «aux pieds du saint»235 et enveloppait, comme le note encore Grégoire, l'absi- dam corporis236. Cette partie de l'atrium, qu'il faut donc situer derrière la basilique, à son chevet, était considérée, par suite de la proximité du tombeau, comme la plus sainte, la plus propice aux manifestations de la puissance du confesseur : les pèlerins ne pouvant ou n'osant approcher directement, par l'intérieur du sanctuaire, le sépulcre se tenaient là pour adresser de l'extérieur — a forts — 237 leurs requêtes à Martin et quelques-uns y virent leur prière exaucée238; en cet endroit privilégié reposaient également des défunts qui avaient souhaité bénéficier d'une sépulture ad sanctum, comme l'attestent deux récits de Grégoire : un chapitre de l'Historia Francorum raconte comment des voleurs, venus

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de nuit dérober les trésors de la basilique, pour atteindre plus facilement une fenêtre de l'abside qui devait leur livrer passage, utilisèrent, en guise d'échelle, les chancels d'une tombe voisine239. D'autre part, selon la Vita sancii Venantii, l'abbé Venantius, alors qu'il assistait un jour à une messe célébrée dans la basilique Saint-Martin, entendit le défunt prêtre Passivus répéter en écho, depuis son tombeau tout proche, les paroles de l'oraison dominicale240. Mais en d'autres circonstances, lorsque Grégoire situe in atrio un épisode de l'histoire tourangelle, il désigne ainsi, semble-t-il, le parvis précédant la basilique, que mentionnait déjà la Vita Lupicini241 : c'est là, apparemment, qu'en compagnie d'Eberulfus, se promenait Claude, l'envoyé du roi Gontran, lorsqu'il prononça contra basilicam un faux serment242 et que l'abbé Venant eut — in medio beati confessons atrio — la vision d'une messe célébrée dans les cieux par les anges243; là encore que se postaient sans doute les mendiants pour solliciter des pieux visiteurs, avant leur entrée dans la basilique, la charité d'une aumône244. Enfin ce parvis communiquait avec la partie de X atrium située au chevet de la basilique par un passage ménagé au moins sur l'un des côtés de l'édifice : en empruntant ce chemin, le prêtre Léon, venu de nuit et trouvant les portes de la basilique fermées, put cependant se rendre directement à Γ« abside du tombeau» pour y prier245.

L'atrium, qui entourait la basilique martinienne sur trois côtés et vraisemblablement l'enveloppait de toutes parts, constituait — le témoignage de Grégoire confirme ici, à propos d'un événement du début du VIe siècle, celui de l'auteur de la Vita Jurensium Patrum — un ensemble clos, pourvu d'une seule issue : lors de la visite qu'il fit à Tours en 508, le roi Clovis dut, après avoir quitté la basilique où il venait de ceindre le diadème, franchir la portam atrii pour se diriger ensuite vers Y ecclesia

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de la cité246. Quant à l'aspect des constructions formant enceinte autour de Saint-Martin, il nous échappe en grande partie : il semble, comme le suggèrent quelques notations de Grégoire, que l'atrium était bordé, sur certains points au moins, de portiques — où les pèlerins malades venaient s'abriter247 et des réfugiés politiques tromper leur ennui par une promenade — et de bâtiments telle la domus basilicae, ouvrant les uns sur ce portique248 et d'autres peut-être directement sur l'espace intérieur. On ne peut aller plus loin dans la tentative de restitution, puisque les textes nous laissent tout ignorer des proportions et de la disposition générale de cet ensemble249.

Il est possible en revanche de recenser les édifices qui s'élevaient dans le cadre des atria beati Martini. Certains d'entre eux n'étaient pas consacrés au culte, mais servaient à des fonctions diverses, notamment à usage d'habitation. Leur aménagement remontait sans doute, pour une partie d'entre eux, à l'époque de Perpetuus. Mais faute de disposer à leur sujet d'autres renseignements que ceux fournis par Grégoire au détour de récits concernant son propre épiscopat, on ne peut établir une chronologie de leur construction. Au nombre des locaux et bâtiments divers de l'atrium, il faut tout d'abord citer pour mémoire les dépendances immédiates de la basilique : tel était le salutatorium qui communiquait directement avec elle par une porte et jouait, semble-t-il, le rôle d'une sacristie-parloir où le clergé recevait les fidèles; occasionnellement il servit à héberger un fugitif de marque, Eberulfus, qui préférait l'asile de la basilique elle-même, plus sûr à ses yeux que celui offert par des dépendances plus lointaines250; parmi les annexes de la

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basilique il faut peut-être aussi compter le trésor, si l'on comprend que, par ce terme, Grégoire a voulu désigner non seulement le dépôt sacré des reliques conservées à Saint-Martin, mais également le local particulier où celui-ci était enfermé251. Plus nettement distinctes du grand sanctuaire, d'autres constructions se dressaient dans le cadre des atria. Les unes étaient réservées à ceux qui en permanence assuraient à titres divers le service de la basilique. Des cellules étaient occupées par Yab- bas martyrarius et par d'autres clercs, formant tout ou partie d'un petit bâtiment sans étage dont la toiture fut partiellement démolie lors de l'émeute qui suivit le meurtre d'Eberulfus252. C'est aussi semble-t-il dans Y atrium que se trouvait la cellula habitée par le prêtre Winnocus et dans laquelle Grégoire dut finalement faire enchaîner l'ascète breton, lorsque celui-ci, adoucissant son jeûne par de trop fréquentes libations, fut pris de crises de delirium tremens253. Plus explicitement, l'historien nous apprend que, de son temps, un monastère de femmes, fondé par la religieuse Ingitrudis, s'était installé infra atrium sancii Martini254. Peu après la mort de la première abbesse, il fut mis au pillage par

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Berthegundis, furieuse de ne pas avoir été choisie par sa mère pour lui succéder à la tête de la petite communauté255. On ignore quel fut par la suite le sort de cet établissement, bien qu'on ait tenté à diverses reprises de l'identifier avec des monastères féminins plus tard mentionnés au voisinage de Saint-Martin256. Enfin, de plus humbles personnages attachés au service de la basilique étaient également tenus, par leurs fonctions, d'y résider: ainsi, sans doute, les «gardiens» (custodes) de l'édifice257.

Clercs, moines et moniales n'étaient pas les seuls habitants installés dans les atria Martini. À l'époque de Grégoire, Saint-Martin accueillit fréquemment des hôtes de passage, des fugitifs venus se placer sous la protection du bienheureux confesseur pour bénéficier de l'asile qu'offrait sa demeure. Il s'agissait souvent de réfugiés politiques se dérobant à la colère royale : ces hauts personnages, auxquels de grands égards étaient dus, se faisaient parfois accompagner dans leur retraite forcée par leur épouse, leurs enfants et par une suite nombreuse de serviteurs258. Pour abriter ces hôtes encombrants et peu disposés à se plier à une vie ascétique, des logements particuliers avaient probablement été aménagés. Un autre service était également assuré à Saint-Martin en faveur cette fois-ci des plus humbles : les pauvres inscrits officiellement sur les registres de la basilique bénéficiaient quotidiennement de secours matériels259. Au fonctionnement de la matricula rattachée à Saint-Martin était certainement affecté un local dont l'importance peut faire l'objet d'appréciations diverses : selon que l'on estime que l'institution correspondait à un simple bureau de charité, recevant en dépôt

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des aumônes et les redistribuant aux personnes assistées officiellement ou qu'elle constituait, comme cela paraît plus probable, un véritable hospice hébergeant un nombre fixe d'indigents260.

Une partie au moins de ces locaux divers — peut-être ceux réservés aux clercs — formaient vraisemblablement cette domus basilicae que Grégoire mentionne incidemment lorsqu'il nous montre Eberulfus et Claude déambulant dans la partie de 1' 'atrium qui l'avoisinait261. On pourrait objecter qu'il s'agit là d'une simple périphrase désignant la basilique comme l'édifice basilical, et non un bâtiment abritant ses dépendances. L'expression semble cependant trop étroitement calquée sur celle de domus ecclesiae pour qu'on ne soit pas tenté de faire le rapprochement avec ce dernier édifice qui, à proximité de la cathédrale, constituait la demeure de l'évêque et d'un certain nombre de clercs et de laïcs de son entourage. Au reste un autre texte de l'historien, relatif celui-ci à Brioude, confirme cette interprétation : il nous apprend que le sanctuaire consacré à s. Julien était flanqué lui aussi d'une domus basilicae qu'on ne saurait confondre, en l'occurrence, avec la basilique elle-même, puisqu'un serviteur y remplissait les fonctions — sans rapport avec le service divin — de bouteiller262.

À côté de ces bâtiments ou parfois peut-être à l'intérieur de ceux-ci, s'ouvraient dans le cadre des atria beati Martini plusieurs sanctuaires mineurs. Pour dresser un état chronologique de ces divers lieux de culte, les sources offrent des données qui ne sont pas toujours très précises. La plus ancienne, le calendrier liturgique de Perpetuus mentionne, ad basilicam, un baptistère édifié de toute évidence par l'évêque en même temps que Saint-Martin263. De ce baptisterium prius, dont la localisation précise demeure inconnue, Grégoire, comme il nous l'apprend lui-même, fit, un siècle plus tard, un simple oratoire consacré au culte de saint Bénigne de Dijon264, après avoir ouvert un nouvel édifice à la

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liturgie baptismale. De la même époque que la basilique date aussi, semble-t-il, une petite chapelle martyriale aménagée à ses abords : c'est là du moins ce que l'on peut déduire d'une inscription recueillie dans la sylloge placée en appendice aux œuvres de Sulpice Sévère265. Ce petit poème appartient en effet au cycle des pièces métriques composées à l'époque de Perpetuus pour Saint-Martin; mais il se distingue par son intitulé des versus basilicae proprement dit, comme la memoria à laquelle il se rapporte se distinguait vraisemblablement de la grande basilique voisine266; il célèbre, non le bienheureux confesseur enseveli dans cette dernière, mais cinq martyrs : Jean-Baptiste, Gervais et Protais, Felix et Victor; leurs «couronnes», c'est-à-dire sans aucun doute

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leurs brandea, sont conservées, précise-t-il, dans la domus à laquelle ces vers servent de titulus.

Quinque beatorum retinet domus ista coronas.

Hic ovat ex utero sanctus Baptista Joannes; Hic Felix Victor que pii, Gervasius almus Protasiusque sacer sunt hic per saecula testes . . ,

Dans l'œuvre de Grégoire apparaît ensuite un oratorium atrii beati Martini, une seule fois cité, sans que soit indiqué son âge267. Enfin on peut terminer cette enumeration avec le nouveau baptistère que l'évê- que-historien dit explicitement avojr lui-même construit et dédié avec des reliques du Baptiste et de s. Serge268. De tous ces édifices, les sources nous laissent malheureusement ignorer la situation exacte à l'intérieur de l'atrium, à une exception près : au témoignage de Grégoire l'un des baptistères — mais est-ce celui du Ve siècle ou celui du VIe siècle? — se trouvait au Sud de la basilique, à la hauteur d'une porte ouvrant sur le flanc droit de cette dernière269.

Les historiens de Tours ont trop souvent dans le passé multiplié de façon abusive le nombre des églises qui s'élevaient dans la ville ou dans le suburbium, faute d'avoir pris garde que, à une époque donnée, des titres légèrement différents et, au cours d'une évolution séculaire, des vocables changeants ont pu désigner un seul et même édifice, pour

la vieille ville de tours

SAINT-MARTIN

Localisation

Époque construction

Dépôts reliques

Desservants

— atrii beati Martini

Épiscopat de Grégoire

Jean-Baptiste (dépôt par Grégoire) Bois de la Croix

Puellae (dont la présence n'est pas attestée avant ï'épiscopat de Grégoire)

LeBlant 182

Épiscopat de Perpetuus

Jean-Baptiste Précurseur Gervais et Protais Felix et Victor

Natale sancii Johannis ad basilicam (HF X, 3, 5)

explicitement par les sources.

ESPACE URBAIN ET TOPOGRAPHIE CHRÉTIENNE ' 401

qu'on ne se montre pas prudent dans le décompte des sanctuaires annexes de la basilique. Le chiffre de quatre, auquel on parvient en se fondant sur des témoignages souvent imprécis quant au lieu et au temps, peut paraître excessif. Une confrontation minutieuse des textes s'impose donc pour permettre d'éliminer d'éventuels «doublets». À cette enquête, il est inutile de soumettre le nouveau baptistère : sa date de construction récente, son affectation liturgique interdisent toute confusion avec aucun des autres petits sanctuaires voisins270. Dans le cas des simples oratoires, en revanche, les indications vagues ou ambiguës, que l'on détient à leur sujet, peuvent laisser planer un doute : ne distingue- t-on pas à tort trois édifices là où il n'y en avait en réalité que deux?

Une hypothèse allant dans ce sens a été proposée il y a quelques années : selon M. Vieillard-Troiekouroff, son auteur, Yoratorium beati Martini ne serait autre que le baptistère de Perpetuus désaffecté en tant que tel, à la suite de l'érection par Grégoire d'un nouvel édifice baptismal, et transformé en simple chapelle; l'existence — signalée par l'auteur du De gloria martyrum — de reliques du Baptiste dans l'oratoire serait en effet l'indice que ce petit sanctuaire avait servi autrefois de cadre à la liturgie du baptême271. Bien qu'elle soit fort séduisante, cette théorie ne peut être retenue, car elle méconnaît une précision essentielle apportée par Grégoire : celui-ci nous apprend que les brandea du Précurseur ont été déposées dans l'oratoire par ses propres soins; leur présence ne peut donc en aucune façon éclairer le passé que l'on prête au sanctuaire de l'atrium. D'ailleurs, dans la notice relative à sa propre activité à la tête de l'Église de Tours, l'évêque-historien s'est trop clairement expliqué au sujet des deux baptistères pour qu'une ambiguïté puisse encore subsister à leur propos : ayant construit un nouveau baptistère, il l'a, dit-il, consacré avec des reliques du Baptiste et de s. Serge ; puis il a placé in ilio priore baptisterio des reliques de s. Bénigne qui y ont apparemment remplacé celles de Jean-Baptiste, transférées dans le nouvel édifice baptismal272. L'oratoire de l'atrium ne saurait donc

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être confondu avec le baptistère ancien, ni — ajoutons-le immédiatement, car les arguments sont analogues — avec la domus où un poète célébrait, un siècle avant l'épiscopat de Grégoire, la présence des branded du Précurseur.

Au reste, quelques indications complémentaires fournies par Grégoire permettent, semble-t-il, d'attribuer à Yoraîorium atrii une date de construction et une destination qui lui sont propres et le distinguent nettement des autres sanctuaires voisins. L'historien note que l'oratoire est desservi par des puellae qui ont en particulier la charge d'alimenter en huile la lampe qui l'éclairé273. Or, on le sait, une communauté de moniales, rassemblées par Ingitrudis, s'est précisément installée à l'époque de Grégoire auprès de Saint-Martin. Lorsqu'il l'évoque, l'auteur de YHistoria Francorum la désigne par les termes de monasterium in atrio sancii Martini (ou infra atrium sancii Martini), recourant à une périphrase à peu près identique à celle dont il use pour l'oratoire274. Il semble que l'on puisse en conclure que ce dernier fut aménagé et consacré par Grégoire à l'intention d'Ingitrudis et de ses moniales. Un indice supplémentaire est sans doute susceptible de renforcer l'hypothèse. Grégoire achève le chapitre relatif à Yoratorium atrii en ajoutant incidemment que celui-ci recèle aussi une relique de la vraie croix275. Quelle était la provenance de ce précieux fragment? Comme le trésor de reliques de l'Église de Tours n'a jamais compté la moindre parcelle du bois sacré276, ce n'est certainement pas Grégoire qui a pu en faire don à l'oratoire. En revanche, la fondatrice du monastère poitevin de Sainte- Croix était en mesure de le faire277. Or il existait entre la reine-moniale de Poitiers, Radegonde, et l'abbesse tourangelle Ingitrudis, l'une épouse du roi Clotaire, l'autre apparentée au roi Gontran, des liens de paren-

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té278 qui s'étendirent aux deux communautés fondées vers la même époque et accueillant toutes deux des princesses de sang royal vouées au cloître. On comprendrait fort bien qu'en faveur de la communauté- sœur de Tours, Radegonde ait pu se dessaisir d'un fragment du bois de la croix. On peut trouver là une raison supplémentaire de penser que l'oratoire de l'atrium était bien la chapelle du monastère d'Ingitrudis.

Moratorium atrii beati Martini identifié et distingué des autres monuments voisins, reste, pour achever la confrontation terme à terme, à comparer ce que nous savons de la domus des Cinq Martyrs et du bap- tisterium prius, afin de vérifier s'il ne pourrait s'agir d'un même édifice, évoqué sous des dénominations différentes par deux sources d'inspiration diverse. Il existe indubitablement entre les deux sanctuaires des points communs qui pourraient, à première vue, autoriser une assimilation. À l'un comme à l'autre, tout d'abord, est associée la mémoire de Jean-Baptiste : en l'honneur de celui-ci une fête était célébrée, au témoignage du calendrier de Perpetuus, dans l'ancien baptistère qui conservait probablement — du moins avant l'épiscopat de Grégoire — ses reliques; la présence de ces dernières dans la domus est clairement attestée par les vers de l'inscription qui mentionne, il est vrai, également celles de quatre autres martyrs. Mais le dépôt de reliques multiples dans un édifice baptismal n'est pas sans exemple279. D'autre part, l'un et l'autre sanctuaires appartiennent, tout porte à le croire, à la même campagne de construction, celle entreprise par l'évêque Perpetuus. Enfin, un argument de vraisemblance pourrait être invoqué : il paraîtrait assez normal que cet évêque, qui avait pris soin de faire composer et graver sur les murs de la basilique des inscriptions en l'honneur de Martin, ait procédé de même pour le baptistère voisin : pour répondre à son attente, le poète aurait choisi de célébrer ici, plutôt que le sacrement du baptême, la mémoire de Jean-Baptiste et celle de quatre autres martyrs qui, tout entier présents dans leurs reliques280, avaient fait du sanctuaire baptismal leur demeure, leur domus. De tou-

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tes ces convergences on serait prêt à conclure que le baptisterium prius et la domus ne font qu'un. Un obstacle majeur s'oppose cependant de facon décisive à une telle identification. Lorsqu'on se reporte au calendrier de Perpetuus, on constate que celui-ci mentionne deux fêtes de Jean-Baptiste, en deux lieux différents : la Passio sancii Johannis dont les vigiles sont célébrées ad basilicam in baptisterio; le Natale sancii Johannis dont les vigiles se déroulent ad basilicam domni Martini2*1. Or l'inscription métrique ne célèbre pas en Jean-Baptiste le martyr, comme cela eût été logique si elle avait été destinée à être gravée dans le baptistère où l'on fêtait la Passio du Baptiste; elle exalte le Précurseur qui, dès avant sa naissance, annonçait la venue du Sauveur : Hic ovat ex utero sanctus Baptista Joannes. La réminiscence scripturaire282 rend un son étrange dans un vers qui est destiné à informer les fidèles de la présence de reliques du Baptiste dans l'édifice; elle s'explique cependant parfaitement, si le poète a composé l'inscription pour le sanctuaire où était commémoré le Natale Johannis, la fête du Précurseur. La domus était donc bien distincte du baptisterium prius comme l'étaient les deux anniversaires de Jean-Baptiste. L'édifice ad basilicam où était fêté son Natale, qualifié de domus par le poète, était probablement une petite chapelle ouvrant directement sur la basilique martinienne ou s'élevant à ses côtés.

Aux deux sanctuaires annexes élevés dans l'atrium de temps de Perpetuus — le baptistère dit ensuite prius et la domus — sont donc bien venus s'adjoindre, sous l'épiscopat de Grégoire, deux autres sanctuaires, le nouveau baptistère et Yoratorium atrii. On comprend mieux alors que Venance Fortunat, en relatant le pèlerinage accompli par Radegonde sur le tombeau de Martin, ait loué la reine de sa dévotion circa sancii Martini atria, templa, basilicam2**. Les templa, qui s'ajoutent dans l'énumération à la basilique, ne sont pas mentionnés au pluriel par simple redondance poétique, comme on pourrait l'imaginer de prime abord. Comme les loca atrii veneranda2** dont parle Grégoire, ils

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désignent les édifices mineurs du culte qui s'ouvrent, dans le cadre des atria Martini, à la dévotion des fidèles. Avec ces sanctuaires annexes et les différents bâtiments d'habitation qui se sont établis dans son enceinte sacrée, la basilique Saint-Martin forme dans le suburbium un véritable groupe basilical qui fait pendant au groupe cathédrale dans le cas- trum.

4) Le « vicus » chrétien autour de Saint-Martin

Mais dans l'espace suburbain ouvert, l'urbanisme chrétien se développe avec plus d'ampleur que dans l'étroite «cité» close de murs : tout autour de Saint-Martin et de son atrium, dans un rayon de quelques centaines de mètres, s'élèvent basiliques, oratoires et monastères, dans un mouvement où l'initiative privée, suscitée par la dévotion au saint confesseur, prend le plus souvent le relai de la politique episcopale.

Basilica beatorum Apostolorum Petri et Pauli

Le phénomène se manifeste dès l'époque de Perpetuus qui n'est d'ailleurs pas étranger à ses débuts, car c'est sur son ordre qu'est édifiée, non loin de la basilica Martini et en même temps que celle-ci, une autre basilique déjà attestée dans le calendrier liturgique dont il est l'auteur. Perpetuus, dans ce document, institue pour le natale sanctorum Pétri et Pauli des vigiles ad ipsorum bastlicam et, pour le natale sancii Pétri episcopatus, ad ipsius basilicam265. En dépit de la différence de vocable que suggèrent ces notations et qui a laissé croire jadis à l'existence de deux édifices placés, l'un sous le vocable de Pierre et Paul, l'autre sous celui du seul Pierre286, il s'agit d'un seul et même sanctuaire, dédié aux Princes des Apôtres, tantôt honorés d'une fête commune, tantôt distingués pour les nécessités du culte, lors de l'anniversaire de la cathedra Pétri287. En effet Grégoire de Tours, dans le cha-

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pitre de YHistoria Francorum où il. mentionne la basilicam . . . beatorum apostolorum Pétri et Pauli, comme dans la notice du catalogue episcopal où il cite la basilicam sancii Pétri, apporte à chaque fois les mêmes précisions sur l'histoire d'un édifice qui est donc bien unique : il nous apprend que celui-ci fut élevé par Perpetuus qui remploya dans sa construction l'élégant plafond provenant de la première chapelle édifiée sur la tombe de Martin, puis démolie pour faire place à la grande basilique funéraire288. D'autre part, un autre récit de l'historien situe Saint-Pierre en bordure d'une place publique (publicus ager ou platea) proche de Saint-Martin : on y voit un homme, accusé à tort d'un crime, amené à Tours par la force publique pour y être emprisonné; alors que le malheureux arrivait sur la place publique devant la basilique Saint- Pierre (ante basilicam sancii Petri apostoli in publicum adductus agerem devenisset), il croise l'évêque Grégoire qui, sortant de la basilique Saint- Martin, traversait la place en sens contraire (nos de basilica sancii Martini per plateam veniremus); le prisonnier est dans ces circonstances par deux fois miraculeusement délivré de ses liens289. L'anecdote est précieuse parce qu'elle permet d'identifier la basilica sancii Petri avec la cella sancii Petri qui, mentionnée par des documents carolingiens parmi les dépendances de Saint-Martin, est ensuite connue sous le nom de capella sancii Petri de thesauro : une charte de Saint-Martin de l'année 1205 évoque, en des termes analogues à ceux employés par Grégoire, la platea sita juxta capellam sancii Petri de thesauro. Trois siècles plus tard, en 1494, les registres capitulaires de Saint-Martin, qui signalent la reconstruction de Saint-Pierre-du-Trésor, précisent que cette chapelle s'élève prope . . . ecclesiam collegiatam sancii Venantii Turonen- sis ac infra fines cimiterii ejusdem290. Bien que la basilique Saint-Pierre ait disparu, nous disposons, grâce au témoignage porté par ces différentes sources d'un ensemble de coordonnées qui permettent de déterminer approximativement sa situation. Proche tout à la fois de la basilique Saint-Martin et du monastère de Saint- Venant, lui-même bien loca-

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lise à quelques 200 m. au Sud de cette dernière291, la basilique dédiée aux Apôtres devait se trouver à mi-chemin entre les deux édifices. Or immédiatement ä l'Ouest de la Place du 14 juillet (anciennement place Saint-Venant, puis place de la Grandière), où ont été mis au jour des vestiges de Saint- Venant, passait, dans le tracé suivi par l'actuelle rue Descartes, une voie qui depuis le Ve siècle, semble-t-il, s'embranchait au Sud sur la route venant de Poitiers pour gagner directement vers le Nord Saint-Martin292. C'est là très probablement le grand itinéraire routier conduisant à l'agglomération tourangelle dont l'épisode du prisonnier miraculé, conté par Grégoire, requiert la présence à proximité de la basilique de l'apôtre Pierre293.

Monasterium sancti Venantii

De l'époque où les basiliques Saint-Martin et Saint-Pierre étaient en chantier date aussi, semble-t-il, le premier monastère fondé dans le suburbium. Grégoire ne précise malheureusement ni l'origine ni le titre primitif de cet établissement. De son témoignage, il ressort qu'une communauté masculine, installée non loin de la basilica sancii Martini, était soumise à la rude férule d'un certain Silvinus lorsqu'y entra, arrivant de Bourges, Venantius294. Ce dernier, quand Silvinus disparut, fut choisi par les frères pour le remplacer dans les fonctions d'abbé. Après avoir donné à maintes reprises des preuves de sa virtus, il mourut en odeur de sainteté et fut enseveli dans le monastère295. La carrière

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monastique de Venantius se situe à une époque où la basilique marti- nienne, que le saint abbé visitait assidûment296, se dressait déjà dans tout son éclat. Commencée par conséquent au plus tôt aux alentours de 470, elle prend fin au plus tard quelques années avant 507 : à cette date en effet, est élu à l'évêché de Tours Licinius qui, probablement en qualité de premier successeur de Venantius, dirigeait depuis quelques années déjà la communauté monastique. À la chronologie297 que l'on peut ainsi esquisser manque le point de départ : Grégoire nous laisse ignorer si le Silvinus, brièvement mentionné dans son récit et qui apparaît comme un contemporain de Perpetuus, était le premier abbé du monastère. Mais l'historien établit entre cet établissement et la basilica Martini une relation qui n'est pas seulement de voisinage géographique : l'existence de la communauté, telle qu'il la présente, est étroitement liée au renouveau du culte voué par Tours à son saint patron298. Sa fondation remonte donc, semble-t-il, au plus tôt au début de l'épis- copat de Perpetuus, l'initiateur de ce mouvement299. C'est d'ailleurs l'arrivée de Venant qui apporta, il faut le remarquer, l'illustration qui manquait jusque là à un monastère d'origine trop récente pour ne pas être encore obscur. Les miracles qu'opéra de son vivant le saint abbé et qui continuèrent, après sa mort, à se manifester auprès de son tombeau assurèrent la célébrité du monastère qui, dans le courant du VIe siècle, passa sous le titre de s. Venant300.

Les bâtiments monastiques, qui comportaient dès l'époque de Venantius un oratoire301, se dressaient bien, comme le dit Grégoire, non loin de Saint-Martin302, dans une position que les témoignages ultérieurs permettent de préciser. Un diplôme du roi Raoul, qui en 931 confirme des immunités accordées aux chanoines de «Saint-Martin, men-

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tionne Yabbatioîa sancii Venantii, sise ante portant castelli303. Le castel- lum dont il est ici question était une fortification qui, élevée au début du Xe siècle pour protéger la basilique martinienne et les sanctuaires du proche voisinage, laissait en dehors de l'enceinte, comme l'indique l'acte royal, le petit monastère. Celui-ci se trouvait à quelques dizaines de mètres de la muraille méridionale dont l'actuelle rue Néricault-Des- touches reprend le tracé, au droit d'une porte dite ensuite de Pisse-Barbe304. C'est là en effet que l'on retrouve au cours des siècles suivants, à quelques 200 m. au Sud de Saint-Martin, la collégiale Saint-Venant, un édifice successivement rebâti à l'époque romane et au XIVe siècle. Trois siècles plus tard, Th. Ruinart eut l'occasion de visiter cette dernière construction: il nous apprend que dans la crypte aménagée sous le chœur, les fidèles vénéraient encore un sarcophage qui passait pour celui de saint Venant305. À l'emplacement de la collégiale, démolie à la Révolution et dont il ne reste qu'un très médiocre vestige, au Sud-Est de la place qui porta longtemps de nom de Saint- Venant (aujourd'hui, place du 14 juillet), des fouilles ont été conduites en 1941 par H. Au- vray. Dans un carrelage situé à 1 m. 20 du sol de la cave qu'il explorait, l'archéologue a cru reconnaître le niveau de l'édifice du Ve siècle306.

Le monastère fondé par Radegonde

Ainsi amorcé à l'époque de Perpetuus, le développement de l'urbanisme chrétien, dans la région du suburbium voisine de Saint-Martin, reprend un siècle plus tard sous l'épiscopat d'Eufronius, avec la création de deux nouveaux établissements monastiques. À l'initiative de la reine Radegonde est d'abord fondé un monastère d'hommes307. Grégoire et Fortunat ayant omis de signaler cette réalisation, nous devons sur ce point à la moniale Baudonivia, biographe de Radegonde, toute notre information. Encore celle-ci tient-elle en quelques mots : c'est incidemment, à propos d'un événement advenu à une époque ultérieure de la

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vie de son héroïne, que Baudonivia évoque cette fondation. Après avoir rappelé les circonstances dans lesquelles la souveraine avait obtenu de l'empereur Justin II, pour son monastère poitevin, un fragment de la vraie croix (568/569), elle raconte les difficultés ensuite rencontrées par Radegonde : l'évêque de Poitiers Maroveus s'étant refusé à accueillir le cortège qui apportait la précieuse relique, elle dut donner ordre à ses délégués de rebrousser chemin et de déposer provisoirement celle-ci in Turonico suo monasterio virorum quod condideti0S. Grégoire, quelques années plus tôt, avait lui aussi narré les démêlés de Radegonde avec Maroveus et son récit concorde dans les grandes lignes avec celui de la moniale : l'évêque-historien note en effet que son prédécesseur Eufro- nius avait été chargé par le roi Sigebert — pour mettre fin à l'affaire — de convoyer lui-même à Poitiers la relique309. Cette dernière avait donc bien été — le choix du Tourangeau pour une telle mission le sous- entend — mise en sûreté pour quelque temps dans la cité ligérienne. Aussi, bien que Grégoire n'ait pas jugé utile de donner de plus amples précisions quant au lieu du dépôt, son silence ne peut en aucune façon infirmer les dires de Baudonivie, biographe consciencieuse et bien informée310. Il reste que le témoignage de cette dernière laisse en suspens deux questions : à quelle date et en quel endroit précis de Tours le monastère, où devait ensuite être brièvement conservé le bois de la croix, fut-il fondé ? À la première interrogation, il paraît relativement aisé d'apporter une réponse : la Vita Radegundis rédigée par Fortunat nous apprend que la souveraine, peu avant de s'installer à Poitiers en 561 pour y embrasser l'état monastique, avait accompli à Tours un pèlerinage que l'on peut situer dans les toutes premières années de l'épiscopat d'Eufronius311. C'est très certainement lors de son séjour auprès des lieux saints tourangeaux que Radegonde fit vœu de fonder le monastère. Le problème de la localisation de cet établissement est plus ardu. Cependant, quelque hypothèse que l'on adopte dans une ten-

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tative d'identification, il y a tout lieu de croire, étant donné la dévotion manifestée par la reine pour le tombeau du confesseur au cours de sa visite de la basilique martinienne312, que le site choisi était voisin de cette dernière. Peut-on aller plus loin? À défaut de certitudes, de fortes présomptions invitent à reconnaître, comme le suggérait déjà É. Mabil- le, l'oratoire du monastère de Radegonde dans une ecclesia sanctae Cru- cis mentionnée par un diplôme de Charles le Chauve, en date de l'année 855 313. C'est en tout cas la seule église connue dont la candidature puisse être retenue. Celle de Yoratorium infra atrium sancii Martini, récemment proposée parce que cet oratoire recelait à l'époque de Grégoire un fragment de la vraie croix, ne peut convenir, puisque ce petit sanctuaire était desservi par des moniales314. Sans avoir conservé aucune parcelle de la relique, l'ecclesia Sanctae Crucis pourrait avoir gardé dans son vocable le souvenir de l'épisode narré par Baudonivia. Moins proche de Saint-Martin que l'oratoire de l'atrium, elle n'était cependant pas fort éloignée de la grande basilique : elle s'élevait à une centaine de mètres au Nord-Ouest de celle-ci, à l'endroit où se dresse toujours, à l'angle de la rue de Chateauneuf et de la rue Henri Royer, l'église Sainte-Croix, un édifice reconstruit au XIIe siècle, agrandi au XIVe siècle et de nos jours désaffecté315.

Le monastère fondé par Monegundis

L'exemple donné par Radegonde fut imité quelques années plus tard par une sainte femme, la chartraine Monegundis, venue se fixer à Tours par dévotion pour Martin. Au témoignage de Grégoire, elle s'y établit, malgré l'opposition de sa famille, dans une cellula parva où elle vécut d'abord solitaire; elle rassembla ensuite autour d'elle une petite communauté de moniales qu'elle dirigea, en donnant maintes preuves de sa sainteté et de sa virtus, jusqu'à sa mort. Elle fut ensevelie dans sa cellule et continua, depuis son tombeau, à manifester son pouvoir mira-

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culeux316. Bien que Grégoire n'ait fait figurer aucune date dans cette biographie, son récit fournit indirectement les éléments permettant de situer l'époque où Monegundis séjourna à Tours. Avant d'atteindre cette cité, la sainte avait fait halte dans un bourg de Touraine, Evena, où elle arriva le jour où l'on célébrait la fête de s. Médard, dans l'église qui conservait des reliques de ce confesseur. Comme l'évêque de Noyon est mort en 561, la venue de Monegundis à Tours est postérieure à cette date; mais elle peut se placer peu d'années après celle-ci, puisque le culte de Médard s'est diffusé très rapidement après sa disparition, notamment dans le royaume de Sigebert, fervent dévot du confesseur317. Par ailleurs il ne semble pas que Grégoire, qui se porte témoin des miracles opérés au tombeau de Monegundis, ait connu celle-ci de son vivant318. Sa mort serait donc intervenue avant 573. C'est par conséquent sous l'épiscopat d'Eufronius que fut fondé le monastère féminin évoqué par Grégoire. Cet établissement, qui ne comptait qu'un petit nombre de moniales, était certainement tout proche du tombeau de Martin auprès duquel Monegundis avait fait vœu de s'établir319. Mais comme il disparut, semble-t-il, peu après l'année 1031, date à laquelle il est mentionné pour la dernière fois dans un diplôme du roi Robert le Pieux320, il n'a pas laissé de trace dans la topographie tourangelle. Étant donné cependant que les restes de Monegundis furent conservés jusqu'en 1562 à Saint-Pierre-le-Puellier321, une abbaye de femmes attestée à partir de la fin du VIIIe siècle322, on peut penser, à la suite de

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A. Longnon, que la cellula de Monegundis s'élevait à proximité de cet établissement auquel elle aura été probablement réunie. Dans cette hypothèse il faudrait donc situer le monastère fondé par la Chartraine à moins de 200 m. au Nord-Ouest de Saint-Martin323.

D'autres sanctuaires ?

Une basilique, trois monastères : la liste des édifices chrétiens qui, à la fin du VIe siècle, se dressaient aux abords de Saint-Martin et de son atrium était peut-être en fait plus longue. Les récits de Grégoire peuvent le laisser supposer, sans nous en donner toutefois la certitude. C'est ainsi que l'historien dans le chapitre du De gloria Martyrum consacré au protomartyr Etienne, cite Yorato- rium apud urbem Turonicam ab antiquis ejus nomine dedicatum. Sans préciser davantage son âge ni sa localisation, il se borne à noter qu'il fit agrandir l'oratoire, ce qui l'entraîna à en déplacer l'autel324. Sur la foi de ces premières indications, Mabille et Longnon n'ont pas hésité à identifier Yoratorium sancii Ste- phani avec la paroissiale Saint-Étienne, une église médiévale agrandie au XIVe siècle et désaffectée à la Révolution, qui s'élevait au Sud-Ouest du castrum, à moins de 100 m. de la muraille325.

Les deux érudits n'ont pas tenu compte, ce faisant, des détails fournis par la suite du récit de Grégoire326. Celui-ci ajoute que, faute d'avoir trouvé à l'intérieur de l'autel, déplacé sur son ordre, les reliques du protomartyr, il envoya, avant de célébrer la messe, chercher des brandea d'Etienne dans l'oratoire de la domus ecclesiae. Mais l'évêque avait omis de remettre à l'abbé chargé de cette mission la clé de sa châsse personnelle. Et Grégoire de dépeindre l'embarras de l'envoyé à son arrivée dans la demeure episcopale : «Que faire? quel parti prendre? Il restait indécis. Revenir vers moi? Il fallait du temps pour cela et il en fallait ensuite pour retourner...»327. Sur les entrefaites, la châsse s'ouvrit d'elle-même, permettant à l'abbé de rapporter dans les délais voulus les reli-

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ques demandées par l'évêque. Grégoire, de retour à la ville plusieurs jours après (post multos dies), retrouva cependant, affirme-t-il, la châsse fermée à clé comme il l'avait laissée à son départ328. Ainsi que l'avait déjà remarqué Th. Rui- nart329, plusieurs détails dans cet épisode — les hésitations de l'abbé à entreprendre un nouvel aller et retour, la durée de l'absence de l'évêque — sont inexplicables, si l'on situe l'oratoire Saint-Étienne à quelques pas du costrutti. Aussi Ch. Lelong et, à sa suite, M. Vieillard-Troiekouroff ont-ils conclu que Y oratorium sancii Stephani ne devait pas être recherché dans la topographie tourangelle et qu'il s'élevait en un point de la Touraine relativement éloigné de la ville330. Cependant il existait à l'époque carolingienne dans le suburbium, près de la basilique martinienne, ainsi que le faisait remarquer très justement C. Chevalier, un autre sanctuaire dédié à saint Etienne331 : Alcuin, abbé de Saint-Martin (796-804), aimait prier dans cet oratoire où il eût souhaité être enseveli, pour avoir ainsi sa dernière demeure à proximité de la basilique Saint- Martin, juxta videlicet ecclesiam sancii Martini. Au témoignage de la Vita Alcui- ni, l'empereur Charlemagne, lors de son pèlerinage à Tours, vint lui aussi se recueillir avec ses fils in ecclesiam sancii Stephani 332. Il est tentant de reconnaître dans cette église proche de Saint-Martin l'oratoire mentionné par Grégoire : la distance qui la séparait du castrum justifiait que l'on eût hésité à parcourir trois fois le chemin, ce qui eût retardé considérablement la cérémonie prévue pour l'inauguration du sanctuaire agrandi; quant à la longue absence de l'évêque, elle s'expliquerait d'une autre façon : il est possible que Grégoire se soit arrêté à Saint-Étienne au début d'une tournée pastorale qui se poursuivit ensuite plusieurs jours dans le diocèse.

Parmi les édifices chrétiens qui pourraient se situer aux abords de Saint- Martin, il faut également citer l'un au moins des deux monastères fondés en Touraine par l'abbé Brachio. Disciple de l'ascète Émilien, puis, à partir de 536, son successeur à la tête de la communauté auvergnate de Pionsat, Brachio, écrit Grégoire dans la Vita qu'il consacre à ces deux saints personnages, fonda, lors d'une première visite à Tours, deux monastères pourvus chacun d'un oratoire : Turonus venit, ibique, aedificatis oratoriis, duo monasteria congregavit333. Il confia les deux établissements à des prévôts, qu'à l'occasion d'un nouveau

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voyage en Touraine il remplaça ensuite par des abbés, avant de retourner en Auvergne où il mourut en 576 dans l'abbaye de Menât334. Des deux communautés tourangelles organisées entre 540 et 570, l'une au moins paraît avoir été assez proche de Saint-Martin pour permettre à Brachio, lors de ses séjours aux bords de la Loire, de passer ses nuits à veiller pieusement auprès du tombeau du confesseur335.

De toute façon et quel que soit le nombre exact des édifices chrétiens qui, à la fin du VIe siècle, s'élevaient au voisinage de Saint-Martin, ceux-ci constituaient dès lors autour de la basilique-martyrium une véritable agglomération. Dans cette région du suburbium qui n'a pas perdu son caractère funéraire, l'occupation est sans doute moins dense que dans le castranti Cependant, dans un périmètre de .dimensions à peu près équivalentes à celles de la ville forte, se concentre tout un peuple de clercs, de moines et de moniales auquel s'ajoute la population flottante des pèlerins qui trouvaient probablement à se loger aux abords immédiats. Ainsi, à l'ombre de la basilica Sancii Martini construite par Perpetuus, naît et se développe ce que Grégoire nomme à bon droit un viens christianorum336, puisque l'origine et les activités de ce groupement sont de nature religieuse. C'est là le premier noyau d'une nouvelle cellule urbaine qui, lorsqu'elle aura été au début du Xe siècle partiellement ceinte d'une muraille protectrice, portera le nom de cas- trum novum, par opposition à l'antique castrum de l'Est337. Mais déjà à

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l'époque de Grégoire, bien avant que ne s'achève cette évolution, l'agglomération occidentale mérite la dénomination de Martinopolis qu'une mode littéraire passagère a forgée pour elle au XIe siècle338.

5) La région entre le castrum et Saint-Martin

Le développement, à près d'un km à l'Ouest de la cité, d'un foyer de vie religieuse qui entretient avec cette dernière d'étroites relations n'est pas sans avoir apporté quelques modifications à la région comprise entre ces deux pôles de la chrétienté tourangelle. À vrai dire ce secteur qui, comme on l'a vu, paraît avoir été partiellement réoccupé au IVe siècle échappe pendant longtemps aux investigations de l'historien. Cependant, au travers du témoignage de Grégoire, on devine qu'au cours du VIe siècle, il commence à s'animer d'une activité plus intense. C'est entre la «cité» et la basilique Saint-Martin un continuel va-et-vient de clercs et de fidèles, empruntant une voie qui mène directement de l'une à l'autre : celle probablement que suivait déjà le roi Clovis en 508 lorsqu'il se rendit avec une procession de la basilique à Y ecclesia119 . C'est aussi dans cette région que convergent les principales voies routières conduisant à Tours négociants, voyageurs, pèlerins et visiteurs de toute sorte et que se situe le port fluvial où débarquent d'autres arrivants340.

La basilica Sancti Vincentii

Ce passage et les besoins d'accueil matériel et spirituel qu'il suscite sont probablement à l'origine de l'établissement dans ce secteur de deux sanctuaires, au cours de la deuxième moitié du VIe siècle. Grégoire signale d'abord, fort brièvement, la construction sous l'épiscopat de son prédécesseur de la basilica Sancii Vincentii341. La place donnée à cette information dans la notice consacrée à Eufronius suggère claire-

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ment, étant donné le plan adopté pour toutes les autres notices du Catalogue episcopal de Tours, que cette basilique fut érigée dans le subur- bium 342. Au Xe siècle, une cellula (ou abbatta) sancii Vincentii, quae sita est in suburbio Turonis urbis, est mentionnée par plusieurs chartes qui ont pour effet de dépouiller cet établissement d'une partie de son patrimoine foncier343. Il n'y a aucune raison de douter de l'identité de la basilica Sancii Vincentii élevée du temps d'Eufronius — et qui était peut-être déjà d'ailleurs une basilique monastique — et de l'abbaye connue sous le même vocable au IXe siècle. Devenue par la suite église paroissiale, Saint- Vincent fut reconstruite en 1363. De l'édifice gothique dévasté en 1562 par les Protestants344 ne demeurent de nos jours que de faibles vestiges, une fenêtre et des piliers repris dans les murs de deux maisons sises aux numéros 79 et 81 de la rue de la Scellerie. Cela suffit pour permettre de situer la basilique du VIe siècle à 300 m. environ de la muraille occidentale du castrum, aux abords d'une rue qui était un des decumani de la ville antique et qui, dans la topographie médiévale et probablement déjà au VIe siècle, constituait la voie la plus directe pour se rendre du castrum à Saint-Martin345.

La basilica Sancti Juliani

Grégoire de Tours relate longuement, dans le De virtutibus sancii Juliani, les circonstances dans lesquelles fut dédiée au martyr Julien de Brioude une basilique située à mi-chemin entre le castrum et Saint-Martin. Il rappelle d'abord qu'aussitôt après avoir reçu (à Reims) la consécration episcopale, il s'était rendu à Brioude où il assista à la fête du saint, le 28 août 573 ; à cette occasion, il arracha, dit-il, à la palla qui couvrait le tombeau de Julien quelques franges qu'il emporta comme

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une précieuse relique, en prenant le chemin de sa cité episcopale. Il en vient ensuite à ce qui fait l'objet même de son chapitre et des deux chapitres suivants : l'édification à Tours d'une basilique en l'honneur du martyr auvergnat346 par des moines qui" demandèrent à l'évêque de consacrer le nouveau sanctuaire avec des brandea de Julien. Au sujet de cette construction, Grégoire s'exprime en ces termes : Apud Turonicam vero urbem monachi in honore ipsius martyris basilicam, qualem possi- bilitas eorum habuit, aedificaverunt, cupientes, earn ejus virtutibus con- secrari. Audientes autem, haec pignora a me fuisse delata, rogabant, ut dedicata aedes hisdem augeretur exubits347. À lire ces lignes, on peut se demander si les moines s'étaient déjà mis à l'œuvre avant l'élection du nouvel évêque qui, par une heureuse coïncidence, apporta des brandea de Julien; ou si leur entreprise n'a pas été inspirée par l'arrivée de Grégoire, fervent dévot de Julien depuis sa jeunesse348. Quoi qu'il en soit, la dédicace de la basilique fut célébrée par Grégoire le 27 ou le 29 avril349 d'une année qui n'est pas précisée, mais qui se situe très certainement dans les premiers temps de l'épiscopat : en effet l'historien, qui rédige entre 581 et 587 le De Virtutibus Sancii Juliani350, prévient dès l'abord son lecteur que les événements miraculeux advenus lors de la cérémonie se sont produits il y a un certain temps (dudum)351. Des divers épi-1

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sodés de l'ouvrage qui ont trait à la basilique tourangelle352, il ressort d'autre part que celle-ci était flanquée de bâtiments monastiques, certainement élevés au cours de la même campagne de construction : Grégoire mentionne incidemment le cellier du monastère (qualifié de cella- riolum et de prumptuarium)353 et révèle l'existence d'un local où l'on distribuait nourriture et boisson aux pauvres inscrits sur la matricula de Saint- Julien354.

Quant à la localisation de la basilique l'écrivain ne fournit, comme on l'a vu, qu'une indication assez vague : apud Turonicam urbem. Mais Saint-Julien a joui au cours des siècles d'une telle célébrité et son histoire est si bien documentée que l'on peut suivre aisément la succession des édifices élevés à l'emplacement dont les moines avaient fait choix au VIe siècle355 : la première basilique, détruite par un raid normand en 853, fut relevée par l'archevêque Theotolon (931-947) et à nouveau reconstruite à la fin du XIe siècle et au milieu du XIIIe siècle; vendue comme bien national à la Révolution, l'abbatiale gothique, qui servit pendant plusieurs décennies de remise pour les diligences, fut rachetée par souscription en 1843; restaurée, elle se dresse de nos jours à l'angle de la rue Nationale et de la rue Colbert, non loin de la Loire. Quelques vestiges de la première basilica sancii Juliani ont d'ailleurs peut-être été mis au jour : lors de fouilles entreprises sur le site de l'ancien Hôtel Dunois (immédiatement au Sud de Saint-Julien), fut découvert un chapiteau en marbre blanc356 qui, selon M. Vieillard-Troiekouroff, «pourrait provenir du Saint- Julien mérovingien»357. Plus récemment, en 1951, des travaux exécutés dans la partie nord de l'église ont fait retrouver à 7 m. de profondeur une substruction courbe orientée, ara-

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sée sous le socle des piliers de l'édifice roman : on ne saurait cependant affirmer en toute certitude qu'il s'agit là de l'abside du VIe siècle358. Quoi qu'il en soit la localisation de la basilique Saint-Julien est assez bien assurée pour que l'on puisse la replacer dans la topographie antique, à 500 m. environ à l'Ouest du castrum, en un site que ses fondateurs n'avaient certainement pas choisi au hasard : comme l'a remarqué fort justement J. Boussard, la basilica Sancii Iuliani s'élevait à proximité immédiate du point où la voie arrivant, par le Sud-Ouest, de Poitiers faisait sa jonction avec la route qui, traversant le castrum d'Est en Ouest, reliait Orléans à Nantes, sur la rive gauche de la Loire359. Plus d'un voyageur devait s'arrêter au passage pour visiter la basilique et peut-être profiter de l'hospitalité du monastère. Cet établissement n'était d'ailleurs sans doute pas isolé : signalée par Grégoire, la présence d'un habitat haud procul ab ipsa basilica 36° suggère l'existence d'un petit viens routier, établi à un carrefour presque aussi important que celui que commandait, un peu plus à l'Est, le castrum lui-même. Entre la ville fortifiée à l'Est et la Martinopolis à l'Ouest, et aux abords des deux axes parallèles qui les unissent, Saint-Vincent et Saint-Julien apparaissent comme les premières mailles d'un réseau qui devait, au cours des siècles suivants, couvrir progressivement tout l'espace séparant les deux grands foyers de la vie religieuse tourangelle361, sur la rive gauche de la Loire.

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IV - Transligerim : la colonie monastique de Marmoutier

Dès la fin du IVe siècle, le christianisme tourangeau avait essaimé sur la rive droite de la Loire, donnant naissance à une colonie monastique. Malgré son relatif éloignement, le monastère ainsi fondé translige- rim appartient à la topographie chrétienne de la cité, parce qu'il fut pendant deux décennies environ la résidence de l'évêque Martin et qu'il devint, après sa mort, un des loca sancta de la dévotion tourangelle.

Ainsi que nous l'apprend Sulpice Sévère, Martin, qui s'était d'abord installé dans une cellula voisine de l'église, résolut bientôt, pour se soustraire aux visites importunes, de s'établir dans un lieu écarté de la ville : duobus fere extra civitatem milibus monasterium sibi statuii362. La décision fut prise, semble-t-il, dès les premières années de l'épisco- pat363. Quant au site choisi, à 3 km du castrum, de l'autre côté du fleuve, en amont, sans présenter le caractère d'âpre solitude que lui prête l'imagination du biographe364, il offre cependant à l'ascète une retraite assez bien protégée : c'est, à l'écart de la voie romaine qui court plus au Nord sur la hauteur, la plaine alluviale resserrée entre la Loire et le flanc abrupt du coteau, à l'endroit où, en amont de Tours, un méandre convexe de la rivière lui donne un peu plus d'ampleur; pour tout accès, un chemin étroit permet de se frayer un passage à travers bois365. Dans

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ce cadre agreste, où Martin est rejoint par de nombreux disciples, s'organise ce que Sulpice appelle simplement le monasterium, en le qualifiant parfois de monasterium episcopi ou de monasterium beati viri366. Si le lecteur était tenté d'imaginer sous ce terme un corps de bâtiment puissamment et richement construit, la description donnée ensuite par l'écrivain viendrait aussitôt le détromper. Martin, qui est le véritable abba de la communauté, occupe, dit-il, une cellulam ex lignis contex- tam367; dans la partie supérieure est aménagée, semble-t-il, pour le repos, une soupente à laquelle on accède par un mauvais escalier368. À l'exemple du Maître, certains frères se sont eux aussi construit une cabane en bois369. Cet abri précaire, ce tabernaculum, comme le nomme encore le biographe370, convient à l'ascète, au miles Christi dans la traversée du désert qu'est son passage ici-bas371. Tout aussi sommaire est le logement des frères — plus nombreux encore — qui ont creusé une grotte dans la falaise crayeuse372. Ces cabanes avec l'area «privative»

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qui les entoure373, ces loges de troglodytes percées de place en place dans le roc sont autant d'habitations individuelles où chacun peut, dans la solitude, consacrer la plus grande partie de son temps à la lecture et à la prière. Le monasterium n'est donc, suivant l'heureuse expression de J. Fontaine, qu'un «groupement d'ermitages»374, éparpillés sur une assez grande superficie à l'intérieur d'une enceinte375. Encore certaines cellules, ainsi celle où se retire Clarus, se situent-elles à une certaine distance, en dehors de la «clôture»376. Le monasterium comporte cependant quelques locaux réservés aux brefs instants de vie communautaire : le locum orationis, l'oratoire où les frères se réunissent pour les offices; un réfectoire, où «ils prennent tous ensemble leur nourriture»377.

Les sources nous permettent de suivre assez bien l'histoire ultérieure du monastère, au long des Ve et VIe siècles qui n'apportent que quelques retouches à l'organisation matérielle de la communauté. Peu après la mort de Martin semble-t-il, quatre pièces tnétriques, plus tard recueillies dans la sylloge du Martinellus 378, furent composées pour être gravées, comme l'indiquent leurs intitulés, dans trois cellae379 auxquelles était attaché le souvenir du saint, felix eremita sub antro380. Le premier historien de l'abbaye, Dom Martène, notait déjà que le cadre évo-

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que par les vers diffère quelque peu de la peinture qu'en avait faite Sulpice Sévère. Mais , expliquait-il, Martin n'occupait la cellule en bois mentionnée par le biographe que «pendant le jour; la nuit il couchait dans une grotte creusée dans le roc . . .»; outre celle-ci, il en avait encore trois autres, ce qui, ajoute-t-il, «ne doit pas paraître extraordinaire pour un évêque qui est obligé de recevoir beaucoup de monde»381! Si l'on peut à juste titre soupçonner Sulpice Sévère d'avoir stylisé à l'extrême le décor ascétique du monasterium, il convient cependant d'un autre côté de faire sa part à la dévotion envahissante de quelques fidèles disciples qui, après la mort du saint, ont probablement été portés à projeter son souvenir en de multiples endroits du monastère. Quoi qu'il en soit, les quatre inscriptions, qui célèbrent les vertus de l'ascète disparu, disent aussi la désolation de lieux désertés par de nombreux frères et retombés dans le silence de l'abandon382. Un demi-siècle plus tard, le poète Paulin de Périgueux, porte:parole de Perpetuus, atteste au livre VI du De vita sancii Martini que les «saintes cellules»383, où Martin continue de manifester sa virtus miraculeuse384, sont devenues objet de vénération pour tous les fidèles : ceux-ci, chaque année à Pâques, sous la conduite de leur évêque, traversent en procession la Loire pour rendre un hommage solennel au confesseur et se recueillir dans tous les lieux où ce dernier avait donné l'exemple d'une sainte existence385. À cette époque le monastère a sans doute déjà commencé à se repeupler: à l'extrême fin du Ve siècle, l'évêque Volusianus, à l'intention des frères qui l'habitent, construit, non loin de la première basilique dédiée par Martin aux apôtres Pierre et Paul, une seconde basilica placée sous le patronage de saint Jean. Nous devons ces informations à Grégoire qui témoigne qu'à son époque le monasterium, qui nunc major dicitur3*6, est à nouveau un foyer de vie spirituelle intense. À elle seule

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la nouvelle dénomination, dans sa double acception, indique le prestige dont jouit l'établissement : un prestige qu'il doit non seulement à son ancienneté, mais aussi à l'importance numérique de la communauté qu'il abrite. Tourangeaux ou étrangers, parfois venus de loin, comme Grégoire387 lors de sa première visite à Tours ou encore l'abbé limousin Aredius388, visiteur assidu, se rendent en pèlerinage à Marmoutier pour vénérer chacun des lieux — singuîa loca3*9 — que le bienheureux a jadis sanctifiés par sa présence. Cependant le monastère n'est pas seulement un musée martinien. Les cellules sont à nouveau habitées par des moines soumis directement à l'autorité de l'abbé390 ou — pour les plus lointaines — par des ermites qui préfèrent s'installer en dehors de la clôture pour mener une existence de reclus : c'est ainsi que la grotte que venait de quitter un certain Alaricus est immédiatement réoccupée par un nouveau venu, l'arverne Leobardus; durant les vingt-deux années de sa retraite, ce dernier ne cessa, dans l'intervalle de ses exercices spirituels, raconte Grégoire, de creuser le rocher pour agrandir sa cellule et y aménager la tombe où les frères l'ensevelirent après sa mort391.

Depuis l'époque où Grégoire avait l'habitude de venir prier dans les lieux naguère habités par le confesseur392, le zèle pieux des bâtisseurs et la fureur iconoclaste acharnée à la destruction de leur œuvre ont profondément bouleversé le site de Marmoutier : on le sait, au monastère brûlé en 853 par les Normands a succédé une abbaye romane qui fut à son tour remplacée au XIIIe siècle par un des plus grands établissements monastiques élevés en Occident; ses bâtiments, vendus comme biens nationaux en 1799, furent presque entièrement démolis en 1818- 1819; ce qui restait de Marmoutier, racheté en 1847 par les Dames du Sacré-Coeur, a été aménagé en maison d'éducation pour les jeunes fil-

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les. Aussi est-il bien malaisé de reconnaître de nos jours, au N° 16 du quai de Marmoutier (Tours — Sainte-Radegonde), la topographie du monasterium primitif que suggèrent de façon d'ailleurs fort vague les sources anciennes. La basilique consacrée par Martin aux Princes des Apôtres occupait probablement déjà l'emplacement — ou du moins étant donné le caractère vraisemblablement très modeste de l'édifice — une partie de l'emplacement, sur lequel s'éleva ensuite l'église construite par le comte de Blois vers 980, puis l'abbatiale romane dédiée en 1096 par le pape Urbain II sous le vocable de Sainte-Croix, de Notre- Dame, des Apôtres Pierre et Paul et de Saint-Martin et dont quelques vestiges ont été récemment mis au jour au-dessous du niveau gothique393. Il faut donc sans doute localiser la basilica sanctorum apostolo- rum Pétri et Pauli tout près de la muraille rocheuse sur laquelle s'alignait, selon toute vraisemblance, son flanc gauche. Quant à la basilica sancii Johannis, son histoire, au cours des siècles, est très mal connue; tout ce que Ruinart avait pu en apprendre se résume dans une brève note de l'édition des œuvres de Grégoire de Tours que l'érudit publia en 1699: quelques années avant cette date, on voyait encore, selon les témoignages qu'il avait recueillis, des vestiges qui avaient appartenu à un sanctuaire placé sous le vocable de s. Jean et que la construction de «nouveaux édifices» avait fait ensuite totalement disparaître394. Au cours d'une enquête plus approfondie, Dom Martène put établir que cette église, avant sa destruction, se trouvait «au bas de l'escalier de Rougemont»395. À se fier à cette indication, la basilique Saint- Jean se serait élevée au chevet de la basilica sanctorum apostolorum.

Apparemment les grottes dans lesquelles s'étaient établis les moines et les ermites ont mieux résisté aux destructions du temps. Deux d'entre elles avaient été particulièrement protégées, comme nous l'apprennent Dom Ruinart et Dom Martène396 : la grotte qui passait pour avoir abrité le «repos de Saint-Martin» — lectus sancii Martini — et celle, sous-jacente, où Brice aurait expié ses égarements, avaient été incorporées dans l'extrémité du bras septentrional du transept par les

ESPACE URBAIN ET TOPOGRAPHIE CHRÉTIENNE 427

bâtisseurs de l'abbatiale gothique397. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, quelques vestiges de ce croisillon Nord, échappés à la pioche du démolisseur et qui disparaissaient sous un tumulus couvert de ronces, purent être dégagés398. Depuis lors, les deux grottes sont de nouveau ouvertes aux visiteurs, mais, il faut bien l'ajouter, au prix d'une restauration que C. Chevalier, contemporain des travaux entrepris par les Dames du Sacré-Cœur, n'hésite pas à qualifier, au moins en ce qui concerne le «Repos de saint Martin», de «reconstruction»399. En fait n'avait-on pas procédé de la même façon au cours des siècles précédents sur les chantiers de l'abbaye? Et que dire des autres grottes où une tradition — dont les érudits du XVIe et du XVIIee siècle se font l'écho400 — situe avec assurance la retraite de Clarus, le disciple de Martin et celle de Leobardus, l'oratoire où serait venu prier la reine Radegonde et la cella creusée dans le roc où, suivant un récit légendaire faussement attribué à Grégoire401, les sept cousins de Martin, après y avoir vécu 41 ans, se seraient endormis dans la paix du Seigneur? À l'égard du passé chrétien on ne saurait confondre la piété créatrice des fidèles avec le respect conservateur des archéologues. Il faut sans aucun doute se résigner à ignorer la disposition exacte des ermitages dans le monasterium de Martin. À défaut de la topographie réelle effacée par le temps, le visiteur retrouve à tout le moins à Marmoutier un reflet de cette géographie sainte que la dévotion martinienne a commencé de dessiner dès le Ve et le VIe siècle.

428 L'ÉDIFICATION DE LA CITÉ MARTINIENNE

Au terme d'une étude menée secteur par secteur, il apparaît possible de dégager les lignes maîtresses dans l'évolution de l'organisme urbain tout entier, au cours des deux siècles et demi séparant l'élection de Litorius au siège episcopal de la mort de l'évêque Grégoire.

Durant le premier siècle de son histoire, le christianisme tourangeau n'a marqué la ville que d'une empreinte fort discrète. La construction d'une ecclesia à l'intérieur du castrum, celle d'une basilique funéraire dans le cimetière occidental manifestent, dès l'époque de Litorius, la présence chrétienne dans la cité, mais sans apporter pour autant un quelconque bouleversement à la topographie préexistante à laquelle s'intègrent les monuments de la religion nouvelle. Quant à la fondation d'une colonie monastique transligerim, loin de représenter à l'origine une réalisation de l'urbanisme chrétien, elle est au contraire conçue par Martin comme un moyen de fuir une ville dans laquelle il s'est refusé à faire œuvre de constructeur. Après la mort du confesseur — dont la disparition semble d'ailleurs compromettre sérieusement l'avenir de Marmoutier — les bâtisseurs chrétiens continuent pendant plusieurs décennies de n'ouvrir que de rares et bien modestes chantiers : l'érection, au temps de Brice, d'une simple chapelle sur la tombe de Martin, l'édification par Eustochius d'une seconde ecclesia dans le castrum s'inscrivent toujours dans le cadre tracé par les urbanistes de la fin de l'Antiquité. Jusqu'au milieu du Ve siècle, la cité close de murs demeure donc le centre unique de l'activité urbaine; le petit suburbium qui égaille quelques habitations dans la plaine occidentale, pas plus que la nécropole établie plus loin vers l'Ouest n'ont d'existence qui leur soit propre. Le schéma urbain demeure celui qui fut adopté à la fin du IIIe siècle et au début du IVe siècle en fonction des impératifs qu'imposait la défense d'une agglomération civile.

La construction, à l'initiative de Perpetuus, de la grande basilique martinienne du suburbium est la première création d'un urbanisme proprement chrétien. Elle engage le développement de la cité dans une voie toute nouvelle : si des clercs, des moines ou de simples dévots viennent immédiatement s'établir à l'ombre de la basilica sancii Martini, c'est parce que dans ce site, consacré par la religion, la présence du tombeau de Martin leur paraît assurer une protection plus efficace que celle de murailles fortifiées. Dès lors, le cadre urbain antique, qui ne répond plus aux préoccupations nouvelles de la communauté chrétienne, a éclaté. À un rythme d'abord assez lent dans la première moitié du VIe siècle, ensuite accéléré sous l'impulsion vigoureuse d'Eufronius et de Grégoire, la cité se développe désormais dans un espace remodelé

ESPACE URBAIN ET TOPOGRAPHIE CHRÉTIENNE 429

par le schéma chrétien, autour des trois pôles de la vie religieuse. Le castrum antique avec sa troisième ecclesia et la domus de l'évêque apparaît de plus en plus comme la «cité» episcopale, d'autant plus que la reconstruction de l'ecclesia prima entreprise par Grégoire confère enfin à l'édifice la majestueuse ordonnance convenant à la cathédrale où officient les successeurs de Martin. Sur la rive droite de la Loire, le monastère, jadis fondé par l'ascète en quête de solitude, est en pleine renaissance : il devient le Major Monasterium, le plus grand établissement monastique de la ville qui le revendique comme l'un de ses lieux saints. À l'Ouest enfin, autour de la basilica sancii Martini, sanctuaires et monastères se multiplient, formant une véritable agglomération, premier noyau de la Martinopolis402. Entre ces très nobilissimae ecclesiae quae sancii Martini gloriam praedicant403, les liens noués par la dévotion au saint confesseur tendent, sur le réseau des voies de communication, la trame d'un nouveau tissu urbain. À la cité christianisée a fait place une cité chrétienne : l'espace urbain, depuis l'épiscopat de Perpe- tuus, s'organise en fonction de la géographie que dessinent les loca sancta martiniens. Le poète Paulin de Périgueux en prend le premier conscience, qui décrit le site urbain en termes religieux : à ses yeux le cours de la Loire, dont il célèbre la beauté à la traversée de Tours, est providentiellement adapté, dans son tracé, à la topographie des lieux saints de la cité qu'il côtoyé et sépare :

Fluvius testatur alumnus

Mirandae virtutis opus, qui, moenibus urbis Junctus, contiguts adlambit saxa fluentis. Hic médius cellam discriminât atque sepulchrum, Divisisque locis diffusum interserit aequor . . . 404.

1 - Ecclesia

2 - Ecclesia sanctorum Ger-

vasii et Protasii

3 - Ecclesia (ou basilica)

S. Mariae Virginis et S. Johannis Baptistae

4 - Oratorium domus eccle-

5 - Basilica S. Litorii

6 - Basilica S. Martini

7 - Baptisterium prius

8 - Baptisterium (édifié par

9 - Basilica S. Petri et S.

10 - Monasterium S. Venantii

11 - Monastère de Monegun-

12 - Monastère d'hommes

dé par Radegonde

13 - Basilica S. Vincentii

14 - Basilica et monasterium

15 - Basilica apostolorum

tri et Pauli

16 - Basilica S. Johannis

cimetière du Haut-Empire

cimetière du Bas-Empire et du Haut Moyen Âge

la vieille ville de tours

Chapitre VI. Les temps de la vie chrétienne et la liturgie

Dans la vie religieuse de la communauté tourangelle, au cours des trois premiers siècles de son histoire, l'organisation de l'espace s'est étroitement conjuguée avec celle du temps. À la fin du IVe siècle, à l'époque où, grâce au témoignage de Sulpice Sévère, l'Église de Tours sort de l'ombre, Yecclesia est encore le lieu unique où se réunit le peuple fidèle pour participer chaque semaine à la synaxe dominicale et célébrer, à longs intervalles, quelques fêtes majeures de l'année chrétienne. Un siècle plus tard, dans des sanctuaires déjà nombreux, s'esquisse, comme le révèle le calendrier des vigiles de Perpetuus, la répartition d'une liturgie stationnale qui rassemble les fidèles soit dans l'église cathédrale, soit dans l'une des basiliques suburbaines, au rythme d'anniversaires plus fréquents : s'associant aux principales solennités fêtées par toute la chrétienté catholique, l'Église de Tours a choisi d'honorer aussi plus particulièrement des martyrs et des confesseurs gaulois, tels les premiers évêques tourangeaux, qu'elle inscrit à son sancto- ral. Dès lors s'amorce un double mouvement qui va s'accélérant au VIe siècle, ainsi que l'attestent les ouvrages de Grégoire. D'une part le culte de divers saints dont la cité a pu se procurer les brandea prend une place grandissante dans le calendrier de la piété locale. Mais ces différents courants de dévotion ne dispersent pas la sensibilité religieuse qui, parallèlement, se polarise de plus en plus autour de la personne du saint patron de Tours : intermédiaire privilégié dans les rapports que les Tourangeaux entretiennent avec Dieu, chef de file de la cohorte des bienheureux dont il coordonne les interventions ici-bas, Martin, dont la mémoire est honorée plus spécialement dans les lieux sanctifiés par son passage et lors de ses deux anniversaires, se trouve associé dans la cité à tous les temps forts de la vie chrétienne.

432 L'ÉDIFICATION DE LA CITÉ MARTINIENNE

I - Le cycle des fêtes annuelles

Au rythme régulier qu'introduit dans la vie des fidèles le retour hebdomadaire du dimanche se superpose, à intervalles plus variables, les temps forts que marquent les grandes fêtes dans le cycle de l'année liturgique. Pour toute la période qui précède l'élection de Perpetuus au siège episcopal, on ne dispose, à la vérité, que de renseignements fort minces au sujet des solennités célébrées par la communauté tourangelle. La plus anciennement attestée par les sources est celle de Pâques : dans les Dialogues de Sulpice Sévère, Gallus fait incidemment allusion aux Paschae diebus, à ces jours de fête (feriatis diebus), durant lesquels Martin, rompant avec le jeûne continuel qu'il s'imposait, avait coutume de manger du poisson1. On ne saurait cependant affirmer que l'Église de Tours, malgré le silence de l'hagiographe à leur sujet, ne connût pas dès cette époque d'autres solemnitates. L'évêque Thalasius d'Angers, peu après 453 semble-t-il, consultait ses collègues de Troyes et d'Autun, Lupus et Eufronius, sur les lectures qu'il convenait de faire durant les vigiles de Pâques, de Noël et de l'Epiphanie2. C'étaient là apparemment les trois anniversaires majeurs — puisque précédés de vigiles — que les Églises de la province de Lyonnaise Troisième, depuis sans doute déjà assez longtemps, avaient coutume de commémorer de façon particulièrement solennelle. Avec le Calendrier officiellement établi par Perpetuus et que Grégoire a eu l'heureuse idée de recopier et d'insérer dans la notice qu'il consacre à cet évêque à la fin de YHistoria Francorum3, on tient enfin un premier document d'importance capitale : grâce à lui, nous connaissons l'organisation de l'année liturgique, telle qu'elle fut instaurée à Tours dans la deuxième moitié du Ve siècle et telle qu'elle demeurait encore dans ses grandes lignes — seulement complétée par l'adjonction de quelques nouvelles solennités — à l'époque de Grégoire. Un siècle après Perpetuus, l'historien, apportant une importante contribution à notre information, fait en effet souvent référence, au fil de sa chronique, aux fêtes anciennes ou plus récentes qui rythment la vie de

LES TEMPS DE LA VIE CHRÉTIENNE ET LA LITURGIE 433

la communauté. Mieux que les actes des conciles du VIe siècle, qui fournissent cependant des renseignements non négligeables, ses récits donnent la couleur et l'animation du vécu au cadre institutionnel sèchement tracé par le Calendrier de son lointain prédécesseur. À ces témoignages, il faut enfin ajouter celui du Martyrologe Hiéronymien qui doit cependant être exploité avec prudence : en effet ni le fonds primitif du martyrologe compilé en Italie aux alentours de 450, ni les «additions gallicanes» qui y furent adjointes à Auxerre à l'extrême fin du VIe siècle

- à l'exception, dans ce dernier cas, de celles concernant les fêtes propres à l'Église de Tours — ne peuvent passer en toute certitude pour refléter en tous points l'état de la consuetudo tourangelle du temps de Perpetuus à celui de Grégoire4.

Le calendrier de Perpetuus et la chronique de Grégoire constituent donc, pour notre étude, les deux témoignages essentiels, non seulement parce que, portés à distance d'un siècle, ils permettent de saisir, en quelques cas, une certaine évolution, mais surtout, parce que, de nature fort différente, ils se complètent heureusement sur de nombreux points communs. Aussi paraît-il indispensable avant d'entreprendre recension et analyse des diverses célébrations tourangelles de l'année liturgique, de préciser comment cette dernière a été conçue respectivement par Perpetuus et par Grégoire.

1) Le calendrier tourangeau

Le calendrier du Ve siècle se compose de deux listes différentes. La première — de jejuniis — indique les périodes de l'année durant lesquelles s'imposent des jeûnes hebdomadaires plus ou moins rigoureux; cinq au total qui s'échelonnent entre la Pentecôte et la mi-février :

- «Après la Pentecôte, le quatrième et le sixième jour de la semaine jusqu'à la nativité de saint Jean;

- Des kalendes de septembre jusqu'aux kalendes d'octobre, deux jeûnes par semaine;

- Des kalendes d'octobre jusqu'à la déposition de saint Martin, deux jeûnes par semaine;

Tableau V CALENDRIER DES FÊTES PRÉCÉDÉES DE VIGILES

la vieille ville de tours

De la déposition de saint Martin jusqu'à la Nativité du Seigneur, trois

jeûnes par semaine;

De la nativité de saint Hilaire jusqu'à la mi-février, deux jeûnes par

LES TEMPS DE LA VIE CHRÉTIENNE ET LA LITURGIE 435

Les termes de chaque période de jeûne, il faut le remarquer, sont donnés par référence, tantôt à une date qui n'a» pas de signification liturgique particulière (kalendes ou milieu d'un mois), tantôt à l'une des fêtes religieuses, non datées, que l'on retrouve ensuite dans le second calendrier. Comme d'autres part il n'est pas fait mention du jeûne exceptionnel du Carême, cette première partie du document ne couvre qu'une partie de l'année liturgique, dont le déroulement ne peut vraiment être saisi qu'au travers de la liste suivante6.

Celle-ci — de vigiliis — énumère seize fêtes du temporal et du sanctoral précédées de vigiles, sans jamais préciser — sauf pour la Resurrectio Domini nostri Jesu Christi — le jour et le mois de la célébration. L'ordre suivi par le rédacteur du calendrier s'inspire, semble-t-il, de deux considérations différentes. On note tout d'abord que les anniversaires sont cités dans l'ordre chronologique de leur commémoration au long de l'année liturgique, à partir de la Noël, point de départ du cycle. Il est vrai que cette règle souffre apparemment deux exceptions. À en juger d'après le Martyrologe Hiéronymien, la seule de nos sources qui fournisse les dates de toutes les fêtes ici mentionnées, les deux solennités réservées au Baptiste ne paraissent pas situées, ainsi que le montre le tableau ci-joint, à la place qui devrait respectivement leur revenir. Faut-il accuser Perpetuus — on ne s'en est pas privé — d'avoir manqué sur ce point de rigueur dans la rédaction de sa liste de vigiliis?7. Il y a en fait quelque imprudence à vouloir lire un document tourangeau de la deuxième moitié du Ve siècle, en lui appliquant de façon trop systématique la grille que donne, à l'extrême fin du siècle suivant, un document d'origine italienne remanié et complété à Auxerre. En bonne méthode historique, il paraît plus sûr d'accorder dès l'abord un

436 L'ÉDIFICATION DE LA CITÉ MARTINIENNE

préjugé favorable aux témoignages portés à date ancienne à Tours même : rien ne permet de prêter à Perpetuus une fantaisie toute gratuite dans l'établissement d'un calendrier qui, au jugement de Grégoire, répartit bien les fêtes per circulum anni6; on doit plutôt supposer, comme le proposait déjà L. Duchesne, que l'Église de Tours suivait pour le Natale et pour la Passio sancii Johannis une consuetudo particulière, qu'elle fêtait ces deux anniversaires à des dates qui lui étaient propres9. L'hypothèse est d'autant plus vraisemblable que l'autre anomalie présentée, quant à l'ordre adopté par le calendrier des vigiles — la place occupée en dernière position par le Natale Sancii Hilarii (13 janvier) — , n'est certainement pas due à une négligence de Perpetuus. Il s'agit là, au contraire, d'un parti pris délibéré, de la seconde des intentions qui ont guidé, dans son travail de rédaction, l'évêque tourangeau. Celui-ci, tout en respectant le déroulement chronologique, a voulu, à l'évidence, distinguer deux catégories de fêtes : en tête sont énumérées celles que l'Église tourangelle célèbre en l'honneur du Christ, du Baptiste et des Apôtres avec toute la chrétienté catholique, 10 au total; viennent ensuite les solennités proprement tourangelles, six anniversaires gallicans — dont quatre concernant Tours — tous regroupés en fin de liste10. Dans son double dessein, Perpetuus a été heureusement servi par une répartition qui plaçait presque toutes les fêtes du sanctoral tourangeau dans la deuxième moitié de l'année, entre le Natale . . . Pétri et Pauli et la Noël. Seul le Natale Sancii Hilarii, tombant après l'Epiphanie, posait un petit problème que le prélat a résolu au prix d'un léger enjambement d'un cycle annuel sur l'autre11. La liste de vigiliis, malgré l'absence de dates, a donc bien toute la cohérence d'un véritable calendrier de l'année liturgique.

Au gré des événements qu'il relate, année par année, notamment dans YHistoria Francorum et dans le De virtutibus sancii Martini, Grégoire est amené à évoquer, dans leur retour cyclique, les fêtes qui, de

LES TEMPS DE LA VIE CHRÉTIENNE ET LA LITURGIE 437

son temps, s'inscrivent au calendrier de son Église. Pour quelques-unes de celles qui figuraient déjà dans la liste De Vigiliis, et, un peu plus fréquemment, pour d'autres ultérieurement introduites à Tours, il note la date de la célébration. Ces indications sont donc précieuses; encore faut-il, pour les interpréter correctement, pouvoir établir avec certitude quel système de datation emploie l'historien. Le quantième, que Grégoire indique de façon précise en se référant aux kalendes, aux nones et aux ides ou qu'il situe parfois de façon plus vague vers le début ou le milieu d'un mois, ne fait guère problème. L'indication relative au mois a paru en revanche plus délicate à comprendre : en effet, le plus souvent, au lieu de recourir aux noms traditionnellement en usage depuis l'époque romaine12, l'écrivain désigne les mois par un simple numéro, un chiffre ordinal qui donne leur rang respectif dans le déroulement d'un cycle annuel. Le tout est donc de déterminer quelle est pour Grégoire la date du commencement de l'année. À cette question, qui a embarrassé depuis fort longtemps, au détour des textes, commentateurs et traducteurs, un article d'ensemble a été consacré il y a quelques années par J. des Graviers13. Pour l'auteur de cette étude, l'historien des Francs, loin d'adopter un système unique dans la numérotation des mois, a toujours hésité entre plusieurs usages : si Grégoire considère souvent mars comme le premier mois, ce ne serait pas là, comme le croyait B. Krusch, une règle absolue; «parfois l'année commence pour lui à Noël, en janvier ou à Pâques et, peut-être même, ce qui est plus singulier, au mois d'avril»14. Ces conclusions appellent, semble-t-il, de fortes réserves.

Il convient tout d'abord, afin de poser en toute clarté le problème, de distinguer dans la démarche de Grégoire les deux points de vue différents auxquels, suivant les circonstances, il se place15. Certains des textes invoqués présentent seulement une réflexion de l'écrivain sur le

Tableau VI LA NUMÉROTATION DES MOIS DE L'ANNÉE À PARTIR DE MARS CHEZ GRÉGOIRE DE TOURS

la vieille ville de tours

les Rogations

végétation des champs

la végétation

végétation et champs.

végétation à Rome végétation

peste à Rome, pape Pelage

Selon toute vraisemblance

HF, VIII, 24 HF, IX, 19

HF, VIII, 7 HF, X, 19

LES TEMPS DE LA VIE CHRÉTIENNE ET LA LITURGIE 439

sens symbolique de l'année liturgique. Pour les chrétiens, celle-ci commémore, avec les fêtes du temporal, les œuvres par lesquelles Dieu a manifesté aux hommes sa toute-puissance et sa bonté. Lorsqu'il se place dans cette optique, Grégoire est effectivement partagé : Noël, jour anniversaire de la naissance du Sauveur, et Pâques, jour de sa Résurrection, pouvant également être considérés comme le point de départ du mystère de la Création et de la Rédemption, lui apparaissent tour à tour marquer le début de l'année chrétienne16. Mais pour autant, il ne fait jamais partir son décompte annuel du 25 décembre ou de la fête mobile de Pâques. Historien, Grégoire, d'autre part, se préoccupe plus souvent d'indiquer avec le mois (et éventuellement le quantième) une date en cours d'année. Et c'est à propos de ces datations, de leur signification, que peut se rencontrer une véritable difficulté : Grégoire compte-t-il toujours les mois à partir de mars ou lui arrive-t-il parfois, comme le soutient J. des Graviers d'attribuer le numéro un à janvier ou à avril? Un recensement portant sur tous les textes17 dans lesquels le mois est désigné par un adjectif ordinal — 34 au total — peut seul apporter les éléments d'une réponse. Dans 24 cas, soit parce que la date exacte de l'événement nous est par ailleurs connue, soit parce que le contexte indique un moment bien précis de l'année, il est certain que l'historien a pris mars pour point de départ de sa numérotation. Dans huit autres cas, les arguments positifs font défaut pour opérer une vérification; mais il n'y a aucune raison pour affirmer que cette même règle n'a pas été appliquée 18.

440 L'ÉDIFICATION DE LA CITÉ MARTINIENNE

II ne reste donc en tout et pour tout que deux datations rebelles à ce qui apparaît bien d'ores et déjà comme un système. Les textes dans lesquels on les trouve méritent donc d'être examinés de près. Dans un chapitre du De gloria Martyrum, Grégoire note que la fête de Vincent de Saragosse se célèbre duodecimo kalendas mensis undecimi 19. Il faut le reconnaître, en comptant les mois, à partir de mars, on obtient pour la fête du diacre martyr une date, 21 décembre, qui n'est jamais attestée, pas plus d'ailleurs que celle à laquelle on parviendrait (21 octobre), en prenant janvier pour point de départ du calcul. Ce sont là les raisons qui ont conduit J. des Graviers à supposer qu'en cette circonstance Grégoire avait, de façon bien étrange, avoue-t-il, attribué le numéro un au mois d'avril20. L'hypothèse, il faut le remarquer, apporte une solution qui n'est pas entièrement satisfaisante : elle aboutit à fixer au 21 janvier la fête de s. Vincent alors qu'au témoignage du Laterculus de Polemius Silvius, du Calendrier de Carthage et du Martyrologe Hiéronymien, c'est le lendemain, 22 janvier, qui est consacré au martyr espagnol21. On voit mal pourquoi Tours se serait ici écartée de l'usage commun aux autres Églises. Aussi peut-on être tenté de se livrer à une contre-épreuve : si l'on convertit cette date bien attestée du 22 janvier dans le système le plus fréquemment utilisé par l'historien, on obtient pour résultat le XIe jour des kalendes du XIIe mois (soit undecimo kalendas mensis duodecimi). En écrivant duodecimo kalendas mensis undecimi, Grégoire — ou l'un de ses scribes — n'a-t-il pas, par inadvertance, interverti le chiffre du quantième et celui du mois?22. Une erreur matérielle est d'autant plus concevable que les deux chiffres, voisins à une unité près, peuvent aisément se confondre. Un second texte de Grégoire est plus embarrassant : il s'agit d'un chapitre du De virtutibus sancii Juliani, dans lequel l'historien évoque la dédicace de l'église consacrée à Tours au martyr de Brioude : lors de cette cérémonie qui eut lieu, précise-t-il, le III Kal. mensis quinti, un tonneau de vin con-

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serve dans le cellier du monastère voisin se révéla, sous l'effet de la virtus du saint, une source de rafraîchissement intarissable pour les fidèles, conviés par les moines à fêter joyeusement l'événement. Et Grégoire de commenter ce miracle, qui produit les mêmes bienfaits qu'une vendange exceptionnellement abondante, par cette formule: aequatur maius octobri23. Si mai peut être désigné comme le cinquième mois, c'est donc qu'ici l'année ne commencerait pas en mars, mais en janvier et que la dédicace de Saint- Julien aurait été célébrée un 29 avril. On ne dispose malheureusement, pour la date de cette cérémonie, d'aucune autre source d'information. Peut-on soupçonner ici encore une erreur matérielle de la part de l'auteur? Il suffirait en effet d'intervertir le chiffre du quantième et celui du mois pour que, avec la date du V des kalendes du troisième mois (27 avril), tout rentre dans l'ordre. Certes, on ne saurait, toutes les fois qu'un texte est embarrassant, tourner la difficulté en le corrigeant en toute commodité. Mais dans le cas présent où deux datations seules présentent, au regard de 32 autres, un caractère aberrant, la démarche peut sans doute se justifier. Au reste, c'est faire bien peu de crédit à Grégoire, à son bon sens, que d'imaginer cet historien consciencieux changeant, au gré de sa fantaisie et sans en prévenir jamais son lecteur, la numérotation des mois24.

Au total, si l'évêque marque parfois quelques hésitations sur l'origine à donner au cycle annuel, c'est uniquement dans sa réflexion sur le sens de l'année liturgique. Chroniqueur soucieux d'adapter son récit au rythme saisonnier qui règle la vie matérielle et spirituelle de ses contemporains, il a choisi de faire commencer l'année avec mars, le mois où renaît la végétation et où s'annonce la promesse de la Résurrection et de la vie éternelle25.

Quelles que soient l'ampleur et la richesse du témoignage porté par Grégoire, c'est cependant Perpetuus qu'il convient de prendre pour guide, dans une étude de l'année liturgique dont son calendrier a fixé durablement les principales étapes : l'alternance des temps de pénitence et des jours de fête ; la succession parmi ces derniers des commémorations communes à toute l'Église et des anniversaires propres à la communauté locale.

Tableau VII CALENDRIER DES JEÛNES

la vieille ville de tours

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2) Les temps de la pénitence

Si Martin s'imposait à lui-même et imposait aux frères de Marmou- tier tout au long de l'année — les seuls jours de Pâques exceptés — l'observance d'un jeûne quotidien avant l'unique repas du soir26, ce régime ascétique ne pouvait, dans sa grande sévérité, convenir à l'ensemble du peuple chrétien. À cette époque, on exigeait sans doute déjà à Tours, comme dans d'autres Églises d'Occident27, que les fidèles jeûnassent pendant les quarante jours — quadragesimae dies — qui précèdent Pâques. Le calendrier de Perpetuus ne fait pas mention de ce carême, dont un canon du concile d'Agde de 506 atteste cependant l'ancienneté et l'universalité28. Probablement l'évêque tourangeau n'a-t-il pas éprouvé la nécessité de rappeler l'obligation de ce jeûne exceptionnel, dès lors bien établi par la coutume. Seule la pratique des jeûnes hebdomadaires en d'autres périodes de l'année dont il est, semble-t-il, l'initiateur à Tours29, retient son attention. La répartition de ces derniers dans le cycle annuel permet de distinguer quatre périodes de pénitence30. Après la Pentecôte — c'est-à-dire à une date qui suivant les années oscille entre le 10 mai et le 13 juin — commence, à l'approche de l'été, un temps de jeûne qui, à raison de deux jours par semaine, se poursuit jusqu'au Natale Sancii Johannis, très certainement la fête du 24 juin31. À ce même régime de deux jeûnes hebdomadaires, les fidèles sont à

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nouveau astreints à partir du 1er septembre pendant une période qui se continue à l'automne, pendant plus de deux mois, jusqu'à la Saint-Martin du 11 novembre. Lui faisant immédiatement suite s'ouvre, l'hiver approchant, un troisième temps de jeûnes plus rigoureux, avec trois jours par semaine jusqu'à la Noël. Enfin de la Saint-Hilaire (13 janvier) à la mi-février sont prévus à nouveau deux jeûnes hebdomadaires. Dans cette répartition saisonnière s'esquisse déjà — avec, dans le détail, des modalités propres à la communauté locale — ce que l'on appellera, à partir du VIIIe siècle, les Quatre-Temps. Déjà aussi s'individualise dans cette organisation, avec des jeûnes plus fréquents répartis sur une quarantaine de jours, la préparation à la fête de Noël : faisant pendant au carême, qui prélude par la pénitence aux solennités de Pâques, cette période d'abstinence préfigure ce que sera l'Avent, l'attente de VAdven- tum Domini32. Un siècle après Perpetuus, Grégoire établit très nettement un parallèle entre Ulis diebus qui inter depositionem sancii Martini ac dominici Natalis solemnitatem habentur d'une part, et, d'autre part, Ulis similiter quadraginta diebus quos ante Paschalia festa in summa abstinentia Patrum sanxit auctoritas33. De même, les Pères réunis à Mâcon en 581-583 précisent que, durant les six semaines qui séparent la Saint-Martin de la Noël, la messe doit être célébrée quadragesimali ordine, c'est-à-dire comme en temps de Carême (post nonam)34.

Quels étaient les jours de jeûne hebdomadaire ? Pour les périodes où ils se réduisaient à deux, le calendrier de Perpetuus indique le quatrième et le sixième jour de la semaine, soit le mercredi et le vendredi, conformément à une coutume anciennement établie dans le monde chrétien. Pour connaître le jour supplémentaire de jeûne qui s'imposait entre le 1 1 novembre et le 25 décembre, ou peut recourir d'abord au témoignage fourni par un canon du concile de Tours de 567. Les dispositions anciennes — antiqua . . . instituta — , que les Pères renouvellent ici à l'intention des moines, organisent pour ces derniers des jeûnes saisonniers, suivant une périodicité analogue à celle prévue par Perpetuus. La différence tient à la durée des temps d'abstinence et à la fréquence des

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jeûnes hebdomadaires, plus grandes pour ceux qui font profession monastique que pour les simples fidèles35. Or les jeûnes les moins sévères, à raison de trois par semaine, sont fixés secunda, quarta et sexta die, autrement dit le lundi, le mercredi et le vendredi. Le choix du lundi comme troisième jour hebdomadaire d'abstinence peut paraître surprenant, si l'on se réfère aux habitudes romaines qui, en ce cas, se portent sur le samedi36. Nous avons donc affaire à un usage particulier aux Églises gauloises : en effet un canon du concile de Mâcon de 581-583, qui s'inspire visiblement de la consuetudo tourangelle, apporte un témoignage concordant : il enjoint, dans le temps qui va de la déposition de Martin à la Noël, de jeûner secunda, quarta et sexta sabbati, le deuxième (lundi), le quatrième (mercredi) et le sixième jour (vendredi) de la semaine 37.

Si sévère soit-il, le régime instauré pour les jeûnes saisonniers, notamment pour celui qui prélude à la Noël, ne peut se comparer à la longue et rigoureuse abstinence du Carême, telle qu'elle apparaît définie par les sources du VIe siècle. Les conciles tenus à Agde en 506, à Orléans en 511 et en 541 en ont fixé avec fermeté la durée à 40 jours, tous, à l'exception des dimanches, marqués par le jeûne38. Les évêques, en la circonstance, semblent avoir voulu réagir contre un usage introduit en Gaule par les Wisigoths : celui de ne jeûner que 5 jours par semaine, du lundi au vendredi, en allongeant, à titre de compensation, le temps de pénitence à 50 ou même 60 jours39. Le carême s'ouvre donc le sixième dimanche avant Pâques — initium quadragesimae40 — et se clôt le Vendredi Saint avec lequel commence le triduum pascal. C'est un temps de mortification, où tout chrétien est tenu de se contenter

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d'un unique repas quotidien qui, pris en fin de journée, doit au surplus offrir un menu frugal. Grégoire célèbre l'ascétisme de quelques moines et ermites qui, redoublant d'abstinence durant cette période, se contentent, tel le tourangeau Senoch, d'une livre de pain et de quelques gorgées d'eau41. Les laïcs, eux aussi, sont invités à suivre, dans la mesure de leurs forces, de tels exemples. Beaucoup évitent les mets trop riches et flatteurs pour le palais; il faut être un mécréant bien endurci comme Roccolenus pour oser, pendant «les saints jours du Carême», faire son ordinaire de tendres lapereaux, une faute que le coupable, note l'historien, expia par un prompt trépas42. Mais le jeûne n'est pas une fin en soi : il doit permettre aux âmes de s'adonner plus facilement à une pieuse méditation. Pour prier, certains choisissent de faire retraite pendant 40 jours dans un monastère43 ou, tel ce pèlerin venu d'Angers, dans la basilique Saint-Martin44. Sans manifester une ferveur aussi constante, la grande majorité des fidèles se rend, avec un zèle plus soutenu qu'à l'ordinaire, à l'église pour assister aux offices des cinq dimanches précédant celui de Pâques — le dernier, celui des Palmes, donnant peut-être lieu à une procession solennelle45; d'autres services sont également très suivis : celui célébré à mi-carême, un mardi, medium paschalis festum, rassemble à l'ecclesia, note Grégoire, une foule particulièrement nombreuse46; il en va de même le Jeudi Saint où pour commémorer la dernière Cène, tous les membres de la communauté locale, beaucoup venant de cantons ruraux éloignés, se hâtent vers

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l'église47. Parmi les plus assidus se trouvent, sans aucun doute, les pénitents qui espèrent être admis ce jour-là à la réconciliation et les catéchumènes qui se préparent à recevoir le baptême le samedi et le dimanche de Pâques. C'est aussi très probablement le Jeudi Saint que l'on procède à la basilique Saint-Martin à l'ablution du tombeau du confesseur48. Cette pratique doit être mise en rapport, semble-t-il, avec la coutume, déjà attestée en Occident par Isidore de Seville, de dépouiller en ce jour de leur nappe les autels et de laver ces derniers avec de l'eau et du vin49.

3) Les grandes fêtes chrétiennes

Qu'elles soient ou non immédiatement préparées par un temps de pénitence, les grandes fêtes célébrées à Tours sont précédées de vigiles solennelles. Parmi celles qu'annonce la calendrier de Perpetuus et que mentionne un siècle plus tard Grégoire, les plus nombreuses, associant la communauté locale à la catholicité tout entière, sont consacrées au Christ, au Précurseur et aux Apôtres50. Les fêtes du Christ s'organisent en deux cycles, le premier commémorant le mystère de l'Incarnation, le second celui de la Passion et de la Résurrection.

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Les fêtes de l'Incarnation

Au début de l'année liturgique, dans la liste De Vigiliis, se succèdent la Noël et l'Epiphanie. Dès son introduction à Tours — sans aucun doute bien antérieure à l'épiscopat de Perpetuus — le Natale Domini est certainement fêté, conformément à un usage attesté en Occident à partir de la fin du IVe siècle51, le 25 décembre: c'est ce que suggère d'ailleurs sa position dans le calendrier de Perpetuus et dans la liste des jeûnes monastiques établis par le concile de Tours de 567; ce que confirme ensuite la recension auxerroise du Martyrologe hiéronymien, avec la mention du VIIIe jour avant les kalendes de janvier52. Perpetuus avait établi les offices de la Nativité à l'ecclesia de Tours53. Cet usage est suivi par ses successeurs, notamment par Francilio et par Grégoire54. Mais ce dernier témoigne que, de son temps, des services étaient célébrés, à l'occasion du Natale Domini, dans d'autres sanctuaires de la civitas. Les paysans habitant loin de Tours, s'ils n'étaient pas autorisés

— ainsi que le rappelle déjà un canon du concile d'Orléans de 511 — à fêter la Nativité dans l'oratoire privé d'une villa55, se rendent pour cette solemnitas dans l'église d'un des bourgs ruraux de la région, tels Man- thelan ou encore Le-Petit-Pressigny, où, dès la veille, note Grégoire, les cloches les appellent aux vigiles56. À Tours même, les fidèles semblent se partager, ad vigilias dominici Natalis, entre la basilique Saint-Martin et V ecclesia51. En tout cas, après avoir présidé dans cette dernière à une pieuse veillée, l'évêque, au matin, prend la tête d'une procession se ren-

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dant à la basilica Martini où, en présence de la communauté rassemblée, il dit la messe58. Dans les homélies qu'il prononce en cette circonstance, Grégoire, autant qu'on puisse en juger, invite ses ouailles à méditer le double mystère de l'Incarnation et de la Trinité et à se réjouir de la Rédemption promise à tous les hommes59.

C'est également à l'ecclesia que Perpetuus a institué les vigiles de l'Epiphanie60, une fête que l'on célébrait, déjà dans la deuxième moitié du IVe siècle en Gaule61, le 8e jour avant les ides de janvier (6 janvier), date qui figure également dans le Martyrologe Hiéronymien62. À l'époque de Grégoire, la solennité donne lieu le 6 janvier à une procession qui, bannières et croix en tête, se dirige en chantant de l'ecclesia à la basilique Saint-Martin63. Avec le dies sanctus epiphaniae, l'Église de Tours commémore non le baptême du Christ, mais, comme le suggèrent les commentaires de l'évêque historien, une double théophanie : la visite des Mages devant lesquels le Christ se manifeste pour la première fois comme roi et Seigneur des nations64; les Noces de Cana au cours desquelles Jésus accomplit son premier miracle65.

Dans la deuxième moitié du VIe siècle, et peut-être même plus tôt, on en est venu à considérer, ainsi que l'affirme le canon 18 du concile de Tours de 567, que tous les jours entre Noël et l'Epiphanie sont jours

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de fête, à l'exception d'un triduum de prières institué début janvier ad calcandum gentilium consuetudinem66. Cette dernière mesure vise des coutumes païennes toujours vivaces, les réjouissances licencieuses auxquelles donnaient lieu les kalendes du premier mois romain dédiées à Janus bifrons. C'est pour mieux lutter contre ces antiques pratiques idolâtres, auxquelles se mêlent peut-être des rites agraires de fécondité67, que la liturgie tourangelle confère au premier janvier un double caractère : la journée est en partie consacrée, avec la récitation de litanies à l'église, à des cérémonies d'expiation; mais c'est aussi le jour d'une fête chrétienne qui doit supplanter les festivités du paganisme; en cet octave de Noël, on célèbre — ce même canon conciliaire de Tours l'atteste pour la première fois en Occident — 68 la Circoncision, en chantant une messe à la 8e heure. Au total, les trois journées expiatoires étant défalquées, ce sont, de Noël à l'Epiphanie, dix jours de fêtes plus ou moins solennelles — peut-être l'anniversaire du protomartyr Etienne, honoré d'un sanctuaire à Tours, comptait-il au nombre des plus importantes69 — qui se succèdent presque sans interruption : ils forment une décade analogue à celle que constituent le triduum pascal et la semaine sainte qui le suit. À ce cycle de la Nativité se rattache enfin, au VIe siècle, la fête de la Vierge, Mère de Dieu. Dans la Gaule du

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VIe siècle, au témoignage de Grégoire, cette solennité, précédée de vigiles, est célébrée mediante mense undecimo, vers le milieu de janvier70; le Martyrologe Hiéronymien, dans sa recension auxerroise, la marque effectivement au 18 de ce mois71. Cette fête mariale, unique dans la liturgie gauloise, ne commémore pas, semble-t-il, un épisode particulier de la vie de la Vierge72; elle constitue un hommage rendu à ses vertus, notamment à sa virginité, mais aussi à sa virtus, à cette maternelle protection qu'elle accorde à ceux qui l'invoquent73.

Les fêtes de la Résurrection

Après le Carême s'ouvre un deuxième cycle de fêtes dédiées au Seigneur : dans le calendrier de Perpetuus ces solennités, au nombre de quatre, sont dotées de vigiles alternativement célébrées à la basilique Saint-Martin et à l'ecclesia. La première mentionnée, la Resurrectio domini nostri Jesu Christi, est fixée au 6e jour avant les kalendes d'avril (27 mars), tandis que les trois suivantes, Pascha, Dies ascensionis et dies quinquagesima, sont mobiles. Dans cette organisation, la fête de la Résurrection paraît faire double emploi avec celle du dimanche de Pâques. Évidemment l'Église tourangelle est ici héritière pour la commémoration de la Passion (et pour celle, consécutive, de la Résurrection) de deux traditions distinctes : l'une s'efforçait chaque année de réaliser la conjonction des données de l'Évangile, fournissant un élément fixe — le vendredi — et deux éléments variables — le rapport de l'événement au XIV lunae (14 Nizah) et son rapport au quantième mensuel; une autre tradition privilégiait au contraire une date fixe. Dans cette dernière optique, parmi diverses datations proposées, ce sont celles du VIII des kalendes d'avril (25 mars) pour la Passion et du VI des kalendes d'avril (27 mars) pour la Résurrection qui ont obtenu le plus

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grand succès : ces deux dates, mentionnées pour la première fois par Tertullien et par Hippolyte de Rome dans son Canon pascal, popularisées par les Acta Filati, figurent à partir du Ve siècle dans de nombreux calendriers liturgiques de l'Occident74. La signification mystique prêtée à la date du 25 mars a fait beaucoup pour accréditer celle-ci, en mettant en rapport la Passion, événement rédempteur, et la Création que l'on croyait avoir eu lieu à l'équinoxe, soit précisément le 25 mars selon le calendrier romain75. On trouve encore un écho de ce thème au premier livre de X Eistoria Francorum76.

Mais à l'époque de Grégoire la liturgie tourangelle célébrait-elle toujours la fête du 27 mars? Certes les termes dominicae resurrectionis dies reviennent assez fréquemment — une dizaine de fois — sous la plume de l'écrivain. Mais quel sens celui-ci leur prête-t-il? C'est là l'objet d'une enquête qui a été menée il y a quelques années par J. des Graviers77 et qui aboutit aux constatations suivantes : le plus souvent (7 fois, selon J. des Graviers) dominicae resurrectionis dies n'est qu'une périphrase utilisée par l'historien pour désigner le dimanche, comme le montre le contexte; il s'agit en effet de récits qui, en général, ont pour but de montrer à quels châtiments s'exposent ceux qui ne respectent pas le repos dominical78. Dans deux autres cas, l'expression est employée comme synonyme de la fête de Pâques, nommée ou clairement évoquée dans les lignes voisines79. Resterait donc un seul chapitre de X'Historia Francorum où la men-

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tion dies ilia dominicae resurrectionis solemnitas pourrait éventuellement se rapporter à la fête du 27 mars, sans que l'on puisse toutefois écarter l'hypothèse qu'il s'agit d'un dimanche ordinaire80. L'analyse fort pertinente des textes présentée par J. des Graviers — on ne peut que souscrire à la plupart des interprétations proposées — appelle cependant en deux cas quelques réserves, ce qui suffit à nuancer la conclusion un peu trop radicale que suggère son enquête. Une remarque s'impose au départ : lorsque, par deux fois, Grégoire, en recourant à une périphrase, évoque non l'un des quelconques dimanches de l'année mais — le doute n'est pas permis — le dimanche de Pâques, il assortit l'expression dominicae resurrectionis dies d'un qualificatif — gloriosus ou sanc- tus*1 — destiné à mettre en relief le caractère particulièrement solennel de la commémoration. Or on retrouve dans deux autres récits, qui ne peuvent, de l'aveu même de J. des Graviers, se rapporter à Pâques, ce type de formulation plus ample : un chapitre du De virtutibus sancii Martini relate l'histoire d'un homme qui, non metuens neque honorans diem sanctum dominicae resurrectionis, n'hésite pas en ce jour à moudre son grain; sa main fut aussitôt frappée de paralysie et ne fut guérie qu'à la suite d'un pèlerinage au tombeau de Martin. La leçon n'avait pas suffi : le même individu encourut à nouveau un châtiment analogue pour avoir, l'année suivante (alio vero anno), recommencé pareille besogne in hac die sancta*2. Cette dernière expression, qui fait allusion au retour annuel d'une même solennité, ne peut désigner un simple dimanche. Elle se rapporte bien plutôt à la fête du 27 mars, celle-là même qu'évoque très probablement encore Grégoire quand il qualifie de dominicae resurrectionis solemnitas la cérémonie célébrée à Chalon-sur-Saône en présence du roi Gon- tran en 588 (HF, IX, 20). Aussi, il ne semble pas que la coutume de fêter la Résurrection le 6e jour avant les kalendes d'avril soit tombée en désuétude à la fin du VIe siècle : cet anniversaire n'est-il d'ailleurs pas encore inscrit dans la recension auxerroise du Martyrologe hiéronymien?83 On accordera cependant volontiers qu'à cette époque, la fête du 27 mars est fortement éclipsée par les solennités pascales, comme en témoigne l'intérêt beaucoup plus soutenu qu'accorde Grégoire à ces dernières.

Pour célébrer Pâques, il fallait d'abord en déterminer chaque année la date. Des difficultés et des controverses que suscita dès l'origine

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ce problème, aucun écho en Gaule ne nous est parvenu avant 541. Les Pères réunis en concile à Orléans à cette date expriment leur volonté que cette fête ab omnibus sacerdotibus uno tempore celebretur. Pour le calcul d'une date, qu'ils souhaitent donc commune à toutes les Églises gauloises, et qui, rappellent-ils, doit être annoncée aux fidèles le jour de l'Epiphanie, ils renvoient au Laterculus de Victorius, en prévoyant cependant que, dans les cas douteux, les métropolitains pourront consulter le siège apostolique84. Les Églises de Gaule, du moins une grande partie d'entre elles, avaient donc adopté, probablement dès la deuxième moitié du Ve siècle, le comput pascal de Victorius d'Aquitaine. Ce dernier avait rédigé des Tables pascales vers 457, à la demande du pape Hilaire, en s'efforçant de combiner le type grec (comput alexandrin) et le type latin (comput de Rome)85. Mais les Tables de Victorius ne furent pas longtemps — si même on s'en servit jamais — en usage à Rome, où, dès 526, on adoptait le comput alexandrin sous la forme que lui donnait, pour les Latins, Denys le Petit86. En Gaule au contraire, on continua d'utiliser l'ouvrage de Victorius, comme en témoignent le canon conciliaire déjà cité et, dans la deuxième moitié du VIe siècle, les déclarations de Grégoire se référant au cyclum Victuri87.

Les Tables de l'Aquitain ne résolvaient cependant pas toutes les difficultés. Dans les cas litigieux, elles offraient deux solutions, deux dates pascales, celle des Alexandrins et celle qui résultait de l'application des anciennes règles romaines auxquelles quelques communautés en Gaule restaient peut-être encore fidèles88. Il y avait donc là périodiquement une source d'hésitations et de

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discordes auxquelles les Pères d'Orléans avaient espéré porter remède, en prévoyant consultation de Rome. Il ne semble pas cependant que cette dernière procédure ait jamais été engagée. Grégoire signale en effet qu'à deux reprises, à l'époque de son épiscopat, l'accord ne put se faire en Gaule sur la date de Pâques. En 577, Pâques fut fêtée à Tours, comme dans de nombreuses cités gauloises, le 18 avril, tandis que d'autres Églises en Gaule et en Espagne choisissaient, pour une raison qui n'apparaît pas clairement, le 22 mars89. Pour l'année 590, les Tables de Victorius d'Aquitaine offraient deux dates : Tours, se distinguant cette fois-ci de la majorité des Églises gauloises, opta pour celle du 2 avril, de préférence à celle du 26 mars, pour éviter une coïncidence avec la Pâque juive90. On notera que dans ces circonstances embarrassantes, Grégoire a toujours préféré la solution la plus conforme aux décisions élaborées par le concile œcuménique de Nicée, qui avait prohibé pour la célébration de Pâques toute date antérieure à l'équinoxe de printemps ou coïncidant avec celle de la Pâque juive91.

Pour parler de Pâques, Grégoire recourt à diverses expressions, employant tantôt un singulier (sanctus Pascha; sanctus dies Paschae; solemnitas ou festivitas Paschae; Paschae festum . . .), tantôt un pluriel {sancii dies Paschae; paschales solemnitates ; solemnitatum sanctarum festa . . .)92. Mais, sauf dans les cas où l'historien entend évoquer le seul dimanche de Pâques, le singulier comme le pluriel, dans ces diverses formules, désigne un ensemble de jours de fête, le triduum pascal qui va du Vendredi Saint au Dimanche de Pâques ainsi que, bien souvent, la semaine qui fait suite. Les récits de Grégoire permettent de reconstituer en partie le déroulement des cérémonies au cours de cette période. Le Vendredi Saint — sexta feria ante Pascha93 — est un jour de deuil, parasciven passiones dominicae94: dès la 3e heure de la nuit, avec des vigiles sans lumière, les fidèles sont conviés à commémorer par la priè-

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re et la méditation la Passion du Sauveur95 et, s'il en va à Tours comme à Poitiers, à manifester leur foi par l'adoration de la croix96. Au soir du Samedi-Saint, journée tout particulièrement réservée à l'administration du baptême97, débute à l'ecclesia — selon l'ordonnance de Perpetuus — l'office des vigiles, suivi au cours de cette même nuit — gloriosae noctis vigilia — d'une messe solennelle98. L'évêque qui doit, comme le rappellent sans relâche les conciles, présider dans sa cité à ces différentes cérémonies99, dit à nouveau la messe dans l'église cathédrale au matin

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du Dimanche pascal100, invitant les fidèles dans son homélie à célébrer cum summa exultatione «cette fête magnifique et tant attendue» de la Résurrection du Rédempteur101. À l'époque de Perpetuus, et probablement encore à celle de Grégoire, une procession conduit ensuite le peuple fidèle à Marmoutier, pour y vénérer le souvenir de Martin102. En signe d'allégresse, les membres du clergé ont revêtu des chapes blanches103 qu'ils conservent durant la semaine suivante, bientôt désignée dans certains sacramentaires sous le nom d'hebdomada in albis 104. Avec le dimanche de Pâques — prima die Paschae105 s'ouvre en effet une semaine durant laquelle se prolongent les festivités pascales et que clôture le dimanche d'octave, clausum Paschae106. Sur ce point, un canon du concile de Mâcon de 585 confirme ce que suggèrent les textes de Grégoire : au cours de cette semaine, pendant laquelle est interdit tout opus servile, sont célébrés quotidiennement des messes et d'autres services chantés pour louer le Seigneur, creator em ac regeneratorem nostrum 107.

La clausum Paschae ne met d'ailleurs pas définitivement fin, dans le temps de la liturgie, à l'allégresse suscitée par la Résurrection : durant les cinquante jours qui suivent Pâques, on continue de commémorer le mystère de la Rédemption, en célébrant successivement le retour du Christ remonté auprès de son Père et la descente de l'Esprit Saint. Précédé de vigiles qui se déroulent, suivant l'instruction de Perpetuus, dans la basilique Saint-Martin, le dies Ascensionis, quarante

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jours après Pâques — un jeudi — donne lieu au VIe siècle à une procession 108 qui rappelle symboliquement l'entrée du Christ dans le ciel : c'est en effet sous la forme d'une véritable pompe triomphale que Grégoire représente l'Ascension du Sauveur retournant siéger ad caelos dans la gloire de la majesté divine 109. Cinquante jours après Pâques, au die quinquagesima — un dimanche — l'Église tourangelle fait mémoire de l'effusion de l'Esprit Saint sur les Apôtres, événement inaugural de l'évangélisation des nations. La vigile de cette fête est située par le calendrier de Perpetuus dans l'ecclesia. Mais d'autres cérémonies se plaçaient au voisinage du tombeau de Martin. Ce n'est en effet probablement pas sans intention que Perpetuus avait fait graver sur l'un des murs de la basilica Martini une inscription commentant une image de l'église de Sion in qua descendit Spiritus sanctus super apostolos in specie ignis linguarum110. À l'époque de Grégoire en tous cas, la Pentecôte — pentecosten, un terme qui a la préférence de l'historien — m, réunit à nouveau au baptistère voisin de la basilique martinienne des néophytes pour l'administration du baptême112.

Depuis le début du VIe siècle, l'usage s'est introduit de faire place dans le temps de la quinquagèsime à un triduum de pénitence. Ces Rogationes avaient été instituées à Vienne vers 470, avant l'Ascension, par l'évêque Mamert, à la suite d'une série de tremblements de terre qui avaient plongé la population dans l'effroi113. Ces cérémonies destinées à fléchir la colère divine, qui s'étaient maintenues sous ses successeurs, avaient également été adoptées par d'autres

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communautés ecclésiales de la Gaule qui les célébraient à des époques variables : dès la fin du Ve siècle, elles étaient introduites à Clermont par Sidoine Apollinaire et à Riez par l'évêque Faustus, ainsi semble-t-il, qu'à Arles114. Le concile d'Orléans de 511 joua cependant un rôle décisif dans la diffusion des Rogations, en prescrivant que ces «litanies» seraient désormais récitées dans toutes les Églises du royaume franc et qu'elles auraient lieu partout à la même date, de telle sorte que le triduum de prières prît fin avec l'Ascension115. C'est certainement à la suite de cette décision et selon les modalités qu'elle prévoyait que les Rogationes furent instaurées à Tours. Elles y sont attestées pour la première fois par les Actes du concile tourangeau de 567, qui les mentionnent dans le canon 18 parmi les jours de jeûnes sévères imposés aux moines avant la Pentecôte116. Grégoire, de son côté, évoque à plusieurs reprises ces «rogations publiques», quae ante sanctum dominicae ascensiones diem agi soient117. À Tours, leur célébration en 591 mit fin, note-t-il, à une violente épidémie qui sévissait depuis le début d'avril118. Fidèle à l'esprit qui avait animé le promoteur de ce triduum de supplications, Mamert, l'Église tourangelle ne se borne pas à organiser, du lundi au mercredi précédant l'Ascension, des processions qui font le tour des «lieux saints» de la cité, en chantant des psaumes et en récitant des litanies119; elle invite les fidèles à observer un jeûne aussi sévère qu'en temps de carême, à prier en de pieuses veillées ainsi qu'à pratiquer l'aumône pour apaiser le courroux divin 120.

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Les fêtes des Apôtres et du Précurseur

Au nombre des solennités que l'Église tourangelle célèbre en association avec la catholicité tout entière figurent aussi les anniversaires des Apôtres et ceux du Précurseur. Le calendrier de Perpetuus mentionne deux fêtes apostoliques, toutes deux précédées de vigiles dans la basilique élevée par l'évêque aux Princes des Apôtres121 : l'une, le Natale sancii Pétri episcopatus, est consacrée à Pierre seul; l'autre, le Natale sanctorum Pétri et Pauli apostolorum, associe dans un même souvenir Pierre et Paul. Dans le premier anniversaire, on peut reconnaître le Natale Pétri de Cathedra que mentionne déjà, dans sa Depositio Marty- rum, le calendrier romain de Furius Dionysius Philocalus publié en 354 122 : l'annonce y est faite le VIIe jour des kalendes de mars (22 février) qui est aussi, comme le note le document, celui d'une fête païenne dédiée, dans le cadre du culte familial, aux parents disparus, la cara cognatio. Un siècle plus tard, le chronographe gaulois Polemius Silvius signale aussi la coïncidence entre la célébration païenne et une fête apostolique, d'ailleurs mal identifiée par lui123. Or un canon du concile de Tours de 567 évoque l'anniversaire inscrit au calendrier de Perpetuus en lui donnant le nom de festivitas cathedrae domni Pétri et condamne les chrétiens qui, retournant en ce jour aux rites païens, intrita mortuis offerunt et post missas redeuntes ad domus proprias ad gentilium revertuntur errores et post corpus Domini sacratas daemoni escas accipiunt 124. Cependant la fête de la cathedra Pétri ne revêtait sans doute pas tout à fait le même sens à Tours qu'à Rome : sur les bords du Tibre, chargée de résonnances complexes, elle célèbre sans doute les fonctions magistrales de Pierre, «Père pour les Romains de l'enseignement salutaire»125; dans la cité ligérienne, elle apparaît plus simple-

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ment comme l'anniversaire de son épiscopat — Natale episcopatus transpose Perpetuus — commémorant la collation de la cathedra d'évê- que à Pierre qui, explique Grégoire, ab apostolis ceteris episcopus ordi- natur, Romae cathedram locavit126. En revanche, la date de la célébration est la même à Tours qu'à Rome. Certes, le Martyrologe Hiérony- mien, dans sa recension auxerroise, réserve le 22 février à la cathedra Pétri in Antiochia127, consacrant à la cathedra Pétri in Roma le 18 janvier128. Mais si le calendrier de Perpetuus laisse seulement apparaître que le Natale sancii Pétri episcopatus se situe entre le 6 janvier (Epiphanie) et le 27 mars (Resurrectio domini nostri Jesu Christi), en revanche le canon conciliaire déjà cité atteste, sans aucune équivoque, qu'au milieu du VIe siècle l'anniversaire apostolique se trouvait toujours en concurrence à Tours avec les banquets funéraires païens du 22 février129. Il n'y a aucune raison de penser qu'il en fût autrement à l'époque de Grégoire. Le transfert de la fête apostolique du 22 février au 18 janvier — peut-être inspiré à l'épiscopat gaulois par le souci d'éviter que la solennité ne tombât certaines années pendant le Carême130 — date-t-il seulement de l'extrême fin du VIe siècle? Il semble plus probable qu'il remonte à une époque un peu antérieure, ce qui signifierait que Tours, contrairement aux autres Églises gauloises, est restée attachée à la tradition venue de Rome : l'attention que porte Grégoire au culte rendu par Y Urbs aux deux apôtres ne peut que renforcer l'hypothèse131.

Le Natale sanctorum apostolorum Pétri et Pauli qui, dans la liste De Vigiliis, se situe après la Pentecôte est, sans aucun doute possible, la fête déjà notée au IIIe jour des kalendes de juillet (29 juin) dans le calendrier de Philocalus132 et que l'on retrouve à la même date dans le

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Martyrologe Hiéronymien133. Il s'agit là de l'anniversaire du martyre commun des deux Apôtres134 qui, selon la tradition recueillie par Grégoire, ont souffert pour la foi le même jour, à un an de distance135.

Jusqu'ici l'analyse des mentions du calendrier des vigiles confirme l'hypothèse que Perpetuus a bien suivi, dans l'établissement de ce document, l'ordre chronologique. Reste à vérifier qu'il ne s'est point écarté de celui-ci pour fixer les anniversaires du Baptiste. Sous le nom de Natale sancii Johannis, une première fête, précédée de vigiles dans la basilique Saint-Martin, s'insère, dans la liste tourangelle, entre l'Épi- phanie (6 janvier) et le Natale sancii Pétri episcopatus (22 février). La seconde solennité, dont les vigiles se tiennent ad basilicam in baptiste- rio, est la Passio sancii Johannis, mentionnée après la Pentecôte (selon les années, 10 mai au plus tôt, 13 juin au plus tard) et avant le Natale sanctorum apostolorum Pétri et Pauli (29 juin). La plupart des commentateurs ont estimé, sans pouvoir toutefois en fournir la raison, que Perpetuus n'avait pas cité ces deux anniversaires à la place qui leur revenait dans le cycle de l'année liturgique. Ils en jugeaient, comme on l'a vu, d'après le Martyrologe Hiéronymien qui annonce le Natale (ou Nati- vitas) Johannis Baptistae au VIIIe jour des kalendes de juillet (24 juin) et qui fait mémoire de la passion du Baptiste {Natale sancii Johannis Baptistae qui passus est sub Herodo rege) au IVe jour des kalendes de septembre (29 août)136. Mais ce document fort composite témoigne, pour le culte du Baptiste, au terme d'une évolution qui n'était certainement pas encore achevée lorsque Perpetuus rédigeait son calendrier. Quelles en ont été les principales étapes? Les usages arménien et nestorien laissent entrevoir que l'Orient a connu d'abord — dès le IVe siècle — une fête du Précurseur qui, en rapport avec le baptême du Seigneur (Epiphanie), était célébrée en janvier. En Occident, saint Augustin est le premier à témoigner de l'existence d'une solennité qui commémore la Nativitas de Jean-Baptiste le 24 juin137. Cette dernière date, plus confor-

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me aux données de l'Évangile qui situe la naissance du Précurseur 6 mois avant celle du Sauveur138, devait finir par l'emporter sur celle de janvier. Quant à la commémoration de la Passion du Baptiste le 29 août, elle n'a pas d'attestations plus anciennes que le Martyrologe Hié- ronymien et le sacramentaire gélasien. C'est dans ce contexte d'une évolution encore inachevée que Mgr Duchesne a jadis proposé de trouver l'explication à l'ordonnance que présentent dans le calendrier de Perpetuus les fêtes du Baptiste. Selon l'auteur des Origines du culte chrétien, l'Église de Tours, sous l'influence de l'Orient, aurait d'abord fait mémoire du Précurseur en janvier; puis, sans abandonner cette première célébration, elle aurait adopté celle du 29 juin, dont le succès s'affirme en Occident au cours de la deuxième moitié du Ve siècle. À cette époque, où la fête du 29 août était encore inconnue, on aurait, pour justifier le double anniversaire, interprété le second, par un «compromis» un peu «étrange», comme celui de la décollation du Précurseur. Fort ingénieuse, l'hypothèse ne semble pas avoir entièrement convaincu. Et pourtant l'analyse comparée des deux calendriers de Perpetuus permet de vérifier pleinement sa justesse. En effet dans la liste de jejuniis, le Natale sancii Johannis est présenté comme le terme d'une période de jeûnes qui, commencée au lendemain de la Pentecôte, doit sans le moindre doute possible s'achever avant le début d'août, un mois durant lequel, selon le concile de Tours de 567, tous les jours sont fêtes et où aucun jeûne n'est prévu même pour les moines139. La date du 29 août étant donc exclue, il ne peut s'agir ici que de la fête {Natale étant employé dans son sens le plus général) du 24 juin : celle précisément que la liste de vigiliis, avec le terme plus précis de Passio, situe à sa place, entre la Pentecôte et le 29 juin, dans le cycle des fêtes précédées de vigiles. Et puisque l'Église tourangelle ne fête pas en juin la naissance dû Précurseur, il s'ensuit donc qu'elle la célèbre en janvier, après l'Epiphanie, comme l'indique bien l'ordre suivi par Perpetuus dans sa rédaction.

Cet usage très particulier s'est-il maintenu à Tours jusqu'à l'époque de Grégoire? Ce dernier mentionne à trois reprises une fête du Baptiste. Dans les deux

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premiers cas, le contexte n'est pas tourangeau. Un chapitre du De virtutibus sancii Juliani relate un miracle advenu à Saintes, die . . . natalis Baptistae 140 dominici. La célébration évoquée en ces termes est probablement celle de la Nativitas, mais le récit ne fournit aucun élément de datation. Un second texte, dans YHistoria Francorum, peut être pris en considération : Grégoire rapporte des propos tenus par le roi Gontran qui avait été pressenti, après la mort de son frère Chilpéric (sept. 584), pour tenir sur les fonts baptismaux son neveu Clo- taire; le souverain s'inquiète que le projet n'ait pas été encore mis à exécution, après avoir été remis de la Noël à Pâques, puis de Pâques à la festivitas sancii Johannis1*1. Comme les paroles du roi ont été prononcées en juillet 585 142, cette dernière solennité est sans aucun doute celle du 24 juin, mais le terme de festivitas est trop vague pour nous renseigner sur le sens de la commémoration. Plus intéressant paraît être un chapitre du De virtutibus sancii Martini qui concerne Tours : l'épisode narré par Grégoire commence lors de la fête de Jean- Baptiste, in festivitate . . . beati Johannis ; alors que le peuple tourangeau se rassemble en cette occasion à la basilique Saint-Martin pour assister à la messe, une esclave s'attarde à arracher l'ivraie qui menace d'étouffer la moisson. Aussitôt des pustules envahissent le visage et les mains de la femme qui a manqué au respect dû au Précurseur du Seigneur (reverentiam dominici Precursoris). La malheureuse accourt à la basilica sancii Martini; elle y est délivrée de son mal au bout de quatre mois 143, à l'occasion, semble-t-il, de la fête du 1 1 novembre, en même temps que les miraculés présentés dans les chapitres précédents. Le récit suggère une double conclusion. Tout d'abord, il ne fait aucun doute que la festivitas beati Johannis ici mentionnée est celle de juin, puisqu'elle tombe à l'époque où les blés ont déjà levé (ce qui ne serait pas le cas en janvier) mais n'ont pas encore été moissonnés (comme ils le seraient à la fin août); au surplus, on peut remarquer qu'un intervalle un peu supérieur à 4 mois sépare effectivement la fête printanière du Baptiste de la Saint-Martin de novembre. D'autre part, la cérémonie célébrée en l'honneur de Jean-Baptiste, à se fier au commentaire de Grégoire, paraît exalter non le martyr, mais le Précurseur. C'est peut-être là un indice — fragile il est vrai — qu'à l'époque de Grégoire on commémorait le 24 juin non plus la Passio du Jean-Baptiste, mais sa nativitas, ce qui impliquerait l'abandon par l'Église de Tours de la fête de janvier et peut- être l'adoption de celle du mois d'août. Quoi qu'il en soit, on peut, à tout le moins, en se fondant sur l'ensemble du témoignage porté par l'historien, affirmer avec plus d'assurance, que la festivitas du 24 juin était considérée, dans la

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deuxième moitié du VIe siècle, comme la principale fête du Baptiste, éclipsant, si cette dernière existait encore, celle du mois de janvier.

4) Le sanctoral tourangeau

Le sanctoral proprement tourangeau, qui constitue la deuxième partie du calendrier des vigiles de Perpetuus, consacre deux fêtes à Martin et annonce quatre autres anniversaires de saints gaulois, parmi lesquels on compte trois confesseurs — les évêques Litorius et Brice de Tours, l'évêque Hilaire de Poitiers — et un martyr, Symphorien d'Âu- tun. Les dates de ces diverses célébrations au VIe siècle sont connues : celles de la «Saint-Martin d'hiver» et de la «Saint-Martin d'été» sont données par Grégoire144 et reprises dans le Martyrologe Hiérony- mien145; ce dernier document indique aussi quels jours de l'année à Tours, à Poitiers et à Autun était fait mémoire des quatre autres saints ayant illustré respectivement ces différentes Églises146. En fonction de ces données, le calendrier de Tours, pour sa «saison gauloise» s'établit ainsi au VIe siècle :

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st-Martin d'été 4 juillet

st-Symphorien 22 août

st-Lidoire 3 septembre

st-Martin d'hiver 1 1 novembre

st-Brice 13 novembre

st-Hilaire 13 janvier

Mais d'autres questions se posent; et d'abord quel critère a présidé au choix des saints honorés? Martin, parangon des évêques, puissant thaumaturge et patron de la cité, auquel est réservé — à l'égal de Pierre et de Jean-Baptiste — l'honneur exceptionnel d'un double anniversaire, est évidemment, pour la piété tourangelle la figure centrale autour de laquelle s'organise le culte des autres saints gaulois; d'ailleurs, sauf dans le cas de Litorius qui avait fait aménager pour son dernier repos une basilique bientôt placée sous son patronage 147 et servant de cadre aux cérémonies de son anniversaire, les vigiles de ces fêtes se déroulent dans la basilique de Martin 148 : le bienheureux confesseur accueille en quelque sorte chez lui ses compagnons célestes. Or il apparaît que ceux-ci ont été particulièrement désignés à la vénération de la communauté tourangelle en fonction des liens qui les unissaient à Martin. Aux côtés de ce dernier > l'encadrant, figurent son prédécesseur Litorius et son premier successeur, Brice. Les mérites du fondateur de l'Église de Tours et plus encore ceux du disciple rétif peuvent certes paraître relativement minces; mais il n'y a guère d'Églises en Gaule qui n'aient, à l'instar de Tours, considéré a posteriori ses premiers prélats comme de saints personnages149. La présence d'Hilaire dans la liste ne saurait non plus étonner : l'évêque de Poitiers est honoré en sa qualité de maître spirituel de Martin, auquel il a enseigné — et ceci était loin d'être secondaire dans les préoccupations de Perpetuus150 — la saine doctrine dans le combat mené contre l'erreur arienne. Le choix de

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Symphorien peut paraître plus surprenant : entre le martyr qui souffrit pour le Christ à Autun au IIe ou au IIIe siècle (?) et l'ancien soldat porté sur le siège tourangeau à la fin du IVe siècle, on ne saurait établir de rapport direct. En fait Martin et Symphorien ont été fortuitement associés dans la deuxième moitié du Ve siècle par la commune dévotion que leur portaient Perpetuus de Tours et son collègue d'Autun, Eufronius. Unis par des relations amicales et probablement aussi par des liens de parenté151, les deux prélats ont d'abord œuvré, chacun dans sa cité, à la gloire du saint local : à l'époque où Perpetuus élevait à Tours la basilica sancii Martini, Eufronius, qui était encore simple prêtre, édifiait à Autun la basilica sancii Symphoriani. Mais cette prédilection déclarée n'empêchait pas que l'Autunois vénérât aussi Martin et le Tourangeau, Symphorien. La preuve en est que les deux évêques procédèrent à ce que l'on pourrait appeler le jumelage de leurs Églises : Eufronius apportait sa contribution à l'hommage rendu à Martin en faisant transporter à Tours un marbre destiné à couvrir le sépulcre du thaumaturge152 et, peut-être également, en faisant édifier dans sa propre ville une basilique dédiée à Martin153; de son côté, Perpetuus travaillait à la diffusion du culte de Symphorien, en inscrivant dans le sanctoral tourangeau le nom du martyr, devenu, en vertu des liens de réciprocité forgés entre Autun et Tours, le compagnon de Martin.

Reste un autre problème, celui de la valeur et du sens des dates retenues au VIe siècle pour les célébrations. En ce qui concerne Hilaire et Symphorien, la question n'a pas à être débattue dans le cadre de cette étude : l'Église tourangelle a certainement adopté l'usage de Poitiers et d'Autun. On doit en revanche s'interroger pour les anniversaires des trois premiers évêques de Tours et tout d'abord pour les fêtes marti- niennes du 1 1 novembre et du 4 juillet.

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La Saint-Martin d'Hiver

Avant qu'elle ne soit mentionnée par Grégoire et annoncée par le Martyrologe Hiéronymien, la date du III des ides de novembre (11 novembre) est, pour l'un des anniversaires martiniens que note, sans datation, le calendrier des vigiles, attestée par plusieurs documents qui, remontant à l'époque de Perpetuus — si ce n'est même pour certains, plus haut — , en assurent la signification. On doit d'abord citer l'inscription funéraire qui, dans la grande basilique suburbaine élevée par l'évêque, indiquait la date de l'événement appelé à devenir l'objet d'une commémoration; c'est, à la suite de Yelogium métrique composé par Sidoine Apollinaire en l'honneur de Martin, une brève mention en prose, qui, recopiée dans le Sylloge du Martinellus, est ainsi libellée : Depos(itio) s(ancti) Martini III id(us) Nov(embris); pausavit in pace D(omi)ni node media 154. Il n'est pas impossible qu'en ajoutant — comme cela se pratiquait souvent155 — cette formule de datation aux vers du poète, peu soucieux dans son envolée lyrique de précision chronologique, Perpetuus ne se soit borné à recopier l'épitaphe figurant dès l'origine sur l'humble tombe où le confesseur avait été primitivement enseveli. Quoi qu'il en soit, cette date du III des ides de novembre avait trop d'importance aux yeux des fervents de Martin pour qu'on puisse douter qu'elle n'ait été, après la disparition de l'ascète, pieusement conservée par la tradition tourangelle, confiée à la mémoire des dévots et probablement assez tôt consignée dans les diptyques "de l'Église. Un autre témoignage ancien concernant plus directement la célébration du natale martinien du 11 novembre nous a été transmis par deux voies différentes. Les manuscrits de Sulpice Sévère qui composent la famille du Martinellus présentent en appendice, à la suite des versus basilicae, deux notices en prose : l'une, déjà évoquée, donne un descriptif de la basilique Saint-Martin; la seconde énumère les solemnitates basilicae sancii Martini et mentionne en particulier : Tertio idus novembris depo- sitionem sancii Martini esse noveris; undecimo die mensis missam celebrare156. Ces lignes, à l'exception de la glose finale ajoutée tardivement

LES TEMPS DE LA VIE CHRÉTIENNE ET LA LITURGIE

pour traduire la datation en style romain, recopient très probablement l'instruction rédigée par Perpetuus lui-même. Grégoire, on le sait, a emprunté à la même source que le compilateur du Martinellus : au livre II de YHistoria Francorum, on retrouve, dans le chapitre 14 consacré à Perpetuus, sous des formes très voisines, et la description de la basilique157 et la mention des solennités qui doivent y être célébrées en l'honneur du confesseur. Pour celle de novembre, l'annonce se présente ainsi : depositionem vero ejus tertio idus novembris esse cognoscas158.

Étant donné que Sulpice Sévère ne mentionne, dans la lettre où il évoque la mort et les funérailles de Martin, aucune date159, une première question se pose : quel est exactement l'événement commémoré le 1 1 novembre? Le terme de depositio, qui figure dans les textes cités ainsi que dans le calendrier des Jeûnes établi par Perpetuus et ensuite dans le Martyrologe Hiéronymien 160, indique clairement que cette date est l'anniversaire de l'ensevelissement de Martin et non celle de la mort du saint confesseur, comme pourraient le laisser croire parfois certains raccourcis de Grégoire. Mais s'il arrive à l'historien de qualifier la «Saint-Martin d'hiver» de festivitas de transitu confessons l6X , ce n'est pas parce qu'il méconnaît le sens exact d'une fête évoquée dans un autre de ses récits sous le titre de depositio sancii Martini 162. En fait, il est tout naturel que, dans la pensée de l'évêque comme dans le souvenir des Tourangeaux, ait été associée à la commémoration de la déposition

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celle de la mort de Martin survenue dans les jours précédents, un dimanche précise Grégoire163. Étant donné que le 11 novembre, date de la depositio sancii Martini, tombait en 397 un mercredi, le décès de l'apôtre devrait donc être situé le dimanche 8 novembre164, ou plus exactement dans la nuit du 7 au 8. Mais quelle valeur peut-on accorder à l'information qui permet d'aboutir à cette datation? Les «preuves» que l'auteur du De virtutibus sancii Martini apporte à l'appui de son affirmation sont de nature à faire naître la suspicion : l'auteur se fait l'écho de récits légendaires, selon lesquels les évêques Séverin de Cologne et Ambroise de Milan — ce dernier ayant en réalité disparu quelques mois avant son collègue de Tours ! — auraient tous deux été miraculeusement avertis de la mort de leur frère Martin, le jour même où celle-ci survint, alors qu'ils célébraient la messe dominicale165. Si Grégoire avait trouvé dans ses archives une information relative au jour du décès de Martin, il n'aurait certainement pas eu besoin de recourir à une aussi laborieuse et fragile démonstration. En fait, l'idée que son illustre prédécesseur avait été admis à la vie éternelle un dimanche — une coïncidence que l'historien se plaît à souligner à propos d'autres saints personnages166 et à laquelle il attribue une signification symbolique167 — paraît lui avoir été suggérée par la lecture de l'inscription funéraire gravée dans la basilique : c'est en effet à l'épitaphe de Martin — puisque Sulpice Sévère ne dit rien de tel — qu'il emprunte la donnée nocte media; mais induit en erreur par son zèle pieux, l'historien a fait porter sur ces termes le génitif précédent, d(omi)ni qui se rapporte en fait à in pace. Aussi peut-il déclarer, sur la base de cette interprétation : transiti autem media nocte quae dominica habebatur (HF, I, 48); ou encore : nocte media quievit in pace; . . . ejus transitum die dominica fuisse manifestissimum est (VM, I, 3). On doit d'ailleurs tout de suite

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ajouter que, si Grégoire s'est trompé, la marge d'erreur est sans aucun doute très faible : un certain délai ayant été nécessaire pour ramener de Candes le corps de Martin et pour préparer les funérailles solennelles du mercredi 1 1 novembre, le décès du thaumaturge pourrait remonter, sinon au dimanche, du moins au lundi précédent.

Un autre point reste à élucider : à partir de quelle époque a-t-on célébré l'anniversaire du 11 novembre à Tours? Un troisième document est peut-être susceptible d'apporter un élément de réponse à cette question. Il s'agit des Actes rédigés en date du 14 novembre 461 168 par les Pères du concile siégeant à Tours sous la présidence de Perpetuus. Dans le prologue aux 13 canons qu'ils ont élaborés, les évêques évoquent la circonstance qui les a rassemblés à Tours : Cum ad sacratissi- mam festivitatem qua domni nostri Martini recepito celebratur, in civita- te Turonorum beatissimi sacerdotes, quorum subscriptio subter adjecta est, convenissent, necessario crediderunt ... definitionem . . . praesentis scripturae emissione firmarent 169. Etant donné la proximité des dates, il apparaît que la festivitas ici mentionnée ne peut être que celle du 11 novembre : vraisemblablement, les évêques se sont réunis à l'occasion de la fête; après avoir participé aux cérémonies liturgiques, ils se sont mis, les jours suivants, au travail, achevant leur cession conciliaire le 14 par la rédaction des Actes. Ainsi en novembre 461, au tout début de l'épiscopat de Perpetuus, alors que la grande basilique funéraire n'était pas encore édifiée, on célébrait à Tours un anniversaire martinien. Cependant ce dernier, on l'a souvent noté, est désigné par un titre inhabituel, qu'on ne retrouve dans aucune autre source : domni Martini recepito. Les rédacteurs des Actes conciliaires ont-ils seulement voulu, avec une expression recherchée, évoquer l'accueil triomphal réservé dans le ciel à l'âme de Martin, au jour où sa dépouille terrestre avait été confiée à la terre? Les dernières paroles du saint avaient bien été pour dire : Abrahae me sinus recepii 17° et Sulpice Sévère, qui les rapporte, avait eu, racontait-il, la vision de son maître patenti caelo receptus171.

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Mais ni les écrits du biographe ni aucun texte de la littérature hagiographique n'offrent l'exemple du substantif recepito utilisé comme synonyme d'assumptio. Il faut donc que la célébration tire son nom exceptionnel de quelque circonstance, elle aussi exceptionnelle, pouvant tenir soit au caractère singulier de l'anniversaire célébré en 461, soit à une particularité de l'événement commémoré. C'est la première de ces solutions qui a été retenue par E.-Ch. Babut. Ce dernier propose de voir dans la festivitas, à laquelle ont été conviés plusieurs évêques de Lyonnaise Troisième ainsi que les métropolitains de Bourges, de Cha- lon et de Rouen, la cérémonie inaugurale par laquelle Perpetuus aurait institué l'anniversaire de novembre, une sorte de «canonisation» avant la lettre, instaurant officiellement le culte de Martin172. On sait avec quel acharnement de parti-pris Babut s'est efforcé de démontrer que la sainteté de Martin était une supercherie littéraire : selon l'érudit, la mémoire de l'évêque tourangeau, en dépit des écrits mensongers de son biographe, aurait été après sa mort longtemps vouée à l'oubli dans sa propre cité elle-même; le culte martinien y aurait été créé de toute pièce par la seule volonté de Perpetuus. Bien que cette théorie, dans son ensemble, soit de nos jours controuvée, il paraît nécessaire, sur ce point précis, d'examiner les arguments avancés.

La présence d'un grand nombre d'évêques à la fête célébrée en 461 ne peut se justifier, nous dit-on, que dans la mesure où celle-ci était une première, puisque les prélats «n'ont eu l'idée de se constituer en synode qu'une fois assemblés»173. Mais faut-il prendre ainsi au pied de la lettre les formules de la rhétorique ecclésiastique? Il serait évidemment absurde d'imaginer que huit évêques étrangers à la cité ont eu par hasard, en novembre 461, l'idée de se rendre au tombeau de Martin. Ils ont sans aucun doute été conviés par Perpetuus. Mais la convocation lancée par ce dernier, qui ne se livrait guère à l'improvisation, concernait certainement la tenue d'une session conciliaire; pour l'ouverture de cette dernière, le métropolitain de Tours a tout naturellement choisi le jour de l'anniversaire du saint évêque qui devait, comme en témoigne le vœu final émis par les Pères, être le garant de la constitutio élaborée sous son patronage 174. Dans ces conditions, il est normal que les prélats

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se soient déclarés appelés à Tours par saint Martin dont le successeur Perpetuus n'avait été, en les convoquant, que le porte-parole. Babut tire d'autre part argument de l'absence, au livre VI du De vita sancii Martini episcopi, composé par Paulin de Périgueux avec des informations fournies par Perpetuus, de toute référence à la fête martinienne de novembre175. Mais ce silence n'est pas particulièrement significatif pour la période antérieure à 461, puisque une partie des épisodes relatés se situent après cette date, sous l'épiscopat de Perpetuus, c'est-à- dire à une époque où le Natale de novembre est par ailleurs bien attesté. Quant à l'hommage que, selon Paulin de Périgueux, le peuple tourangeau a coutume, chaque année à Pâques, de rendre à Martin, en visitant les cellules de Marmoutier176, loin d'exclure l'existence de célébrations réservées en propre au saint thaumaturge, il témoigne tout au contraire de la ferveur du culte martinien. D'ailleurs une analyse attentive des termes dans lesquels les Actes conciliaires évoquent la recepito domni Martini suffit pour ruiner la théorie de Babut, de l'aveu même de son auteur 177 : alors que les Pères relatent au passé les faits relatifs à leur rencontre à Tours en 461, ils emploient pour définir la fête à laquelle ils ont assisté un verbe au présent — festivitatem qua . . . cele- bratur — , un présent d'habitude qui évoque une solennité renouvelée chaque année, avant comme après 461.

Loin de signifier que la festivitas célébrée en 461 ait été la première de la série, le terme de recepito pourrait tout au contraire témoigner de la relative ancienneté de la fête de novembre : comme l'avait déjà suggéré Tillemont 178, ce titre singulier paraît avoir été forgé dans la tradition locale, pour rappeler la réception réservée par Tours à la dépouille mortelle de l'évêque décédé au cours d'une de ses tournées pastorales, à Candes. L'expression aurait donc été adoptée à une époque où étaient encore présentes dans toutes les mémoires les circonstances de la mort du saint et du voyage funèbre qui avait conduit ce dernier de Candes à Tours; des circonstances qui avaient certainement frappé les imagina-

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tions, puisqu'elles sont en partie à l'origine d'une légende dont Grégoire s'est fait l'écho : les Poitevins avaient tenté, à la faveur de la situation, de s'emparer à Candes du corps saint; mais les Tourangeaux avaient réussi à arracher ce dernier à leurs rivaux et à le ramener triomphalement dans leur cité179. L'hypothèse proposée ne préjuge pas de la date exacte à laquelle un anniversaire fut institué pour commémorer l'événement. Antérieure à 461, la fête de la recepito ne remontait peut-être qu'à l'époque où une première chapelle avait été élevée sur la tombe de l'évêque, du vivant de Brice, témoin des faits advenus en 397. Perpe- tuus, voulant donner au culte de Martin un éclat qu'il n'avait pas jusque là, aurait — de même qu'il remplaçait la modeste cella funéraire par une magnifique basilique — substitué à la célébration locale de la recepito la fête solennelle de la depositio, inscrite sous le titre très officiel de Natale dans le calendrier des vigiles.

La Saint-Martin d'été

Les origines de la «Saint-Martin d'été» paraissent encore plus délicates à établir. Selon la tradition tourangelle sur laquelle se fondent les usages de la fin du VIe siècle, cet anniversaire, célébré le 4 juillet, correspond à une triple commémoration. C'est ce qu'indique tout d'abord la notice du Martinellus relative aux festivités de la basilique Saint-Martin : quarto nonas Julias ordinationem episcopatus, translationem corpo- ris, dedicationem basilicae esse cognoscis 180. Ces formules, comme celles qui concernent la fête de novembre, se retrouvent presque mot pour mot dans le chapitre de X'Historia Francorum consacré par Grégoire à Perpetuus, à la différence près que l'ordre des événements commémorés est inverse : Solemnitas enim ipsius basilicae triplici virtute pollet : id est dedicatione templi, translatione corporis sancii vel ordinatione ejus episcopati. Hanc enim quarto nonas julias observabis181. Enfin Grégoire se fait l'écho d'un récit qui circulait à Tours, certainement avant que lui-même n'y fût consacré à l'épiscopat, récit qui explique la coïncidence des trois anniversaires : lorsque la grande basilique funéraire qu'il avait conçu d'édifier en l'honneur de son saint prédécesseur avait été achevée, Perpetuus avait songé à procéder à sa dédicace et à la transla-

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tion du corps de Martin, qu'il était nécessaire de déplacer de quelques mètres pour qu'il se trouvât dans l'abside du nouveau sanctuaire. Le pontife avait fait choix pour la cérémonie — à laquelle il avait convié un grand nombre d'évêques, d'abbés et de clercs de tous ordres — de la date du 1er juillet. Le jour venu, alors qu'on avait passé la nuit précédente en prière, on entreprit, après avoir creusé la terre qui le recouvrait, de soulever le sarcophage du confesseur. Mais tous les efforts furent vains et l'opération tentée à nouveau le lendemain, après une seconde nuit de veille, n'obtint pas de meilleur résultat. C'est alors que, dans le désarroi général, un des clercs présents fit une suggestion : se souvenant fort à propos que le Natalis episcopatus de Martin tombait le 4 juillet, il conseilla d'attendre cette date, conformément à la volonté exprimée par le saint, pour procéder à la translation : Scitis quia post hoc triduum natalis episcopatus ejus esse consueverat : et forsitan in hoc die se transferri debere vos admonet. Le conseil fut suivi et, effectivement, le 4ème jour de juillet, on put enfin opérer la translation grâce à l'aide d'un mystérieux vieillard qui disparut aussitôt après. Ainsi s'accomplit la volonté de Martin, imposant pour la consécration de sa basilique le jour anniversaire de son accession à l'épiscopat182.

Une dernière pièce doit enfin être jointe au dossier. À la tradition tourangelle qui fixe au 4 juillet le Natale episcopatus de Martin s'oppose une autre tradition dont l'Église d'Espagne est dépositaire : les calendriers mozarabes placent en effet le 11 août la célébration d'une fête consacrée à une unique commémoration, celle de ì'ordinatio sancii Martini. En étudiant une série de documents liturgiques espagnols, A. Lambert 183 a cru pouvoir établir que l'anniversaire de l'épiscopat de Martin, dans la péninsule hispanique, était célébré à cette date depuis une époque fort ancienne. Conservée par des sacramentaires de Tolède et de Silos (XIe siècle), une messe in ordinatione sancii Martini episcopi aurait été composée, dans le monastère fondé vers 556 — avec l'appui du roi Suève de Galice, Chararic (550-559) — à Dumium, par Martin de Braga; ce dernier lui-même serait l'auteur de cet office. Bien plus, transmis par un autre manuscrit de Silos, toujours du XIe siècle, un hymne in diem sacrationis sancii Martini pourrait, étant donné son «caractère classique », avoir été écrit dès le début du Ve siècle. La festivitas

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du 11 août remonterait donc à cette dernière période; d'ailleurs, ajoute le savant liturgiste à l'appui de sa thèse, «il est clair que si Martin de Dumium avait été au royaume suève l'introducteur de la fête restée inconnue avant lui, il n'aurait rien changé à la date acceptée de son temps, le 4 juillet»184. On peut certes ne pas être entièrement convaincu par la démonstration : en particulier les critères retenus pour la datation de l'hymne demeurent très subjectifs et, dans ces conditions, le saut d'un siècle et demi effectué, en remontant le temps, entre l'époque qui précède immédiatement l'arrivée de Martin de Braga (556) et le début du Ve siècle paraît bien périlleux. On ne saurait pour autant ignorer une tradition de culte qui est peut-être aussi ancienne — on le concédera volontiers — que celle attestée à Tours à partir de l'épiscopat de Perpetuus et reprise ensuite dans le Martyrologe Hiéronymien.

En fonction de ces différentes sources d'information, comment se pose le problème? Il ne fait évidemment aucun doute que la dédicace de la basilique Saint-Martin de Tours — et donc la translation du corps saint — a bien eu lieu un 4 juillet, que cette date ait été initialement choisie par Perpetuus ou qu'elle lui ait été imposée — comme le récit recueilli par Grégoire en conservait peut-être le souvenir — par un léger retard intervenu dans les préparatifs de la cérémonie. En revanche, en ce qui concerne la commémoration de Yordinatio episcopatus, les choses apparaissent beaucoup moins claires; les données diverses et complexes dont on dispose sont susceptibles de trois interprétations différentes entre lesquelles la critique s'est partagée :

1) On peut, en faisant totalement crédit aux sources tourangelles, penser que, dans l'Église de Tours, avant Perpetuus, le 4 juillet était déjà traditionnellement — c'est ce que suggère dans l'anecdote contée par Grégoire le verbe consueverat — considéré et sans doute même fêté comme le natalis episcopatus de Martin. Cette idée, qui a longtemps prévalu, a encore été soutenue par H. Delehaye185 et plus récemment encore admise, malgré quelques réticences, par M. Carrias186, bien qu'entre-temps de nouvelles théories aient vu le jour.

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2) N'accordant aucune confiance aux sources tourangelles, E,- Ch. Babut dès 1912, dans son fameux ouvrage sur Saint Martin de Tours, déniait à la fête de Vordinatio le caractère d'une solennité déjà traditionnelle avant l'épiscopat de Perpetuus. Choisi par ce prélat pour la cérémonie de consécration de la grande basilique suburbaine, le 4 juillet aurait été d'abord uniquement fêté, dans les années suivantes, comme l'anniversaire de cette dédicace. Plus tard (l'époque n'est pas précisée), la fête de juillet serait devenue, par suite d'une simple méprise sur sa signification originelle, ou de la volonté délibérée d'un des successeurs de Perpetuus, l'anniversaire de l'épiscopat de Martin. Le récit recueilli par Grégoire ne serait donc qu'une légende «composée pour justifier le changement de nom de la fête»187.

3) Enfin l'analyse des textes liturgiques espagnols, replacés dans le contexte des relations établies entre Tours et le royaume suève, a conduit A. Lambert à émettre une nouvelle hypothèse qui emprunte des éléments à l'une et à l'autre des deux théories précédentes : tout en réaffirmant le caractère antique de la fête de Vordinatio sancii Martini, l'auteur entend démontrer que, pour la célébration de celle-ci, la date du 4 juillet constitue à Tours une novation récente. En effet dans l'Église tourangelle comme dans le royaume de Galice, le Natale episcopatus aurait, à l'origine, été célébré le 11 août. À cette fête traditionnelle serait venu s'ajouter, dans la cité ligérienne, au cours de l'été, l'anniversaire de la dédicace de la basilique martinienne à laquelle Perpetuus avait procédé un 4 juillet. Cette dernière festivitas, devenue très populaire, aurait fini par éclipser la fête du mois suivant à tel point que — probablement dans la première moitié du VIe siècle — on se serait décidé à transférer au 4 juillet la commémoration de Vordinatio du saint confesseur. C'est cette fusion que tenterait d'expliquer la légende rapportée par Grégoire188.

Malgré les conclusions divergentes qui se dégagent, les efforts de la critique ont à tout le moins concouru à un premier résultat qui ne peut, semble-t-il, être remis en question. À la lumière des analyses serrées auxquelles il a été soumis, le récit de la translation du corps de Martin, tel que l'a narré Grégoire dans un chapitre du De Virtutibus sancii Martini, apparaît bien comme une légende et une légende forgée

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dans un dessein précis : faire authentifier en définitive par Martin lui- même la date du 4 juillet comme celle de son ordinatio. On ne s'attardera pas à relever longuement les traits qui, dans ce texte, appartiennent au répertoire du merveilleux hagiographe. On reconnaît en effet sans peine dans le récit — avec l'appesantissement soudain du sarcophage, l'apparition d'un mystérieux personnage qui réussit enfin à le soulever et surtout avec la présence de Martin qui, par son intervention surnaturelle, modifie le scénario conçu par les hommes — un thème souvent développé par les hagiographes : l'œuvre de Grégoire à elle seule, comme l'a bien montré M. Carrias, offre plusieurs exemples de ces «translations laborieuses et miraculeusement résolues . . ., à l'origine desquelles durent se trouver les difficultés matérielles causées par la lourdeur de ces grands sarcophages de pierre»189. Il n'y aurait là qu'un épisode à ranger dans la longue série des mirabilia martiniens, si la question de la date ne jouait dans le récit un rôle si encombrant, au point de faire perdre à celui-ci sa cohérence interne : le 4 juillet est en effet présenté tout à la fois comme une donnée transmise par la tradition historique et comme une date révélée de façon surnaturelle par Martin. Et comment croire, si ce jour avait été connu comme celui du Natale episcopa- tus du confesseur, qu'un seul clerc, parmi l'assistance assemblée pour la cérémonie de la dédicace, s'en soit brusquement souvenu, alors que l'évêque, martinien fervent et liturgiste averti, semblait avoir oublié, sinon ignoré, cette prétendue tradition de son Église?190 À trop vouloir prouver, la légende trahit les intentions qui ont présidé à son élaboration.

Mais qu'entendait-on justifier exactement par ce récit légendaire? Est-ce seulement, comme le suppose A. Lambert, le transfert à une date nouvelle d'une fête traditionnelle? À cette hypothèse, les objections ne manquent pas. Si l'on célébrait à Tours, le 11 août, le Natale episcopatus de Martin, il paraît peu vraisemblable que Perpetuus ait choisi de dédier la basilica Martini cinq semaines avant cet anniversai-

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re, instituant ainsi, le 4 juillet, une fête qui risquait inévitablement d'entrer en concurrence avec celle du mois suivant. D'ailleurs le calendrier liturgique, rédigé par l'évêque après la consécration du nouveau sanctuaire, ne mentionne, en tout et pour tout, que deux anniversaires mar- tiniens, le Natale Martini de novembre (depositio) et un Natale estival qui se situe entre le 29 juin et le 22 août et qui pourrait donc être la fête du 4 juillet ou celle du 1 1 août. Certes tous les anniversaires commémorés par l'Église de Tours n'étaient sans doute pas précédés d'une veillée de prière et la liste transmise par Grégoire n'est donc pas exhaustive. Mais à laquelle des deux fêtes estivales faudrait-il attribuer des vigiles? A. Lambert affirme qu'il s'agit de la solennité de juillet qui, célébrée avec plus de pompe, devait finir par éclipser la cérémonie initialement réservée à la consecratio Martini, entraînant le report de ce dernier anniversaire au mois précédent191. Mais tout ceci est pure hypothèse. Enfin toute la démonstration tentée repose sur une chronologie des sources en fait très discutable : «Ce groupement de la triple «vertu» en la solennité du 4 juillet, écrit A. Lambert, est attesté pour la première fois par Grégoire (HF, II, 14). C'est de son texte que dépend l'antique notice — solemnitates basilicae sancii Martini — dans les Martinades qui a pénétré dans le Martyrologe Hiéronymien»192. L'antériorité du chapitre de Grégoire par rapport à la notice du Martinellus serait révélée par l'ordre particulier dans lequel l'historien a énuméré les anniversaires commémorés le 4 juillet : Yordinatio episcopatus vient en troisième position seulement, alors qu'elle occupe dans la notice du Martinellus et dans le Martyrologe Hiéronymien la première place ; ce qui signifierait en clair que le transfert de la fête de Yordinatio du 1 1 août au 4 juillet, encore tout récent à l'époque où rédigeait Grégoire, aurait été entériné par l'usage un quart de siècle plus tard. L'argument — unique — utilisé pour étayer cette chronologie des sources est fort contestable ; l'ordre adopté par Grégoire dans son enumeration peut en effet s'expliquer de tout autre façon : il a probablement été dicté à l'écrivain par le récit légendaire qu'il avait en mémoire pour l'avoir transcrit peu avant dans le De virtutibus sancii Martini et qui, dans l'aventure prêtée à Per- petuus, évoquait successivement les préparatifs pour la consécration de la basilique, les efforts tentés pour procéder à la translation du corps

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saint, enfin l'intervention de Martin pour faire reporter la cérémonie au jour anniversaire de son ordinatio. L'étude comparée du chapitre consacré à Perpetuus dans YHistoria Francorum et de l'appendice en prose qui, dans le Martinellus, fait suite aux versus basilicae suggère que l'historien et le compilateur ont tous deux recopié un document ancien, en l'adaptant sans vraiment le modifier. Ce caractère est particulièrement sensible dans l'œuvre de Grégoire : les deux notices concernant la basilique martinienne et ses solemnitates demeurent, on l'a vu, comme un corps étranger introduit à l'intérieur du récit. Par conséquent, bien avant l'épiscopat de Grégoire, la fête du 4 juillet était déjà considérée à Tours comme l'anniversaire de l'élévation de Martin à l'épiscopat; d'une célébration antérieure de cette même festivitas le 11 août, on ne trouve en revanche aucune trace dans la cité ligérienne.

Plutôt qu'un simple changement de date pour une solennité ancienne, la légende recueillie par Grégoire ne s'efforcerait-elle pas de justifier l'institution nouvelle d'un anniversaire dépourvu de répondant dans la tradition? C'est dans cette voie que Babut avait déjà cherché une solution, mais avec une timidité — une fois n'est pas coutume — qui enlevait beaucoup de force et de vraisemblance à sa théorie. Il imaginait en effet, rappelons-le, que l'anniversaire de la dédicace de la basilique, à laquelle avait procédé Perpetuus, un 4 juillet, avait été plus tard interprété, peut-être à la suite d'une simple méprise, comme celui du Natalis episcopatus de Martin. L'hypothèse se défend beaucoup mieux, semble-t-il, si l'on veut bien reconnaître en Perpetuus Γ« inventeur» de la fête de Y ordinatio sancii Martini, commémorée, dès l'institution de la solemnitas, conjointement à la dédicace de la basilique et à la translation du corps saint. C'est là ce que peut suggérer aussi l'histoire du culte martinien, replacé dans le contexte général du culte rendu aux saints et aux martyrs dans les premiers siècles du christianisme. Contrairement à celui de la depositio, l'anniversaire de Yordinatio episcopi n'était que très exceptionnellement célébré par l'Église, au IVe et au Ve siècle, après le décès de l'évêque : il s'agissait là d'un hommage réservé à une réputation incontestée de sainteté193. Or, durant les premières décennies du Ve siècle, Brice n'accorda des honneurs à la mémoire de son prédécesseur qu'avec beaucoup de réticence et de parcimonie. Si

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l'on peut supposer avec assez de vraisemblance qu'à la fin de son épis- copat la chapelle, enfin élevée sur la tombe de Martin, offrait son cadre modeste à la célébration du Natalis de novembre, rien en revanche ne permet de penser qu'on y commémorât Yordinatio du saint évêque. La légende rapportée par Grégoire laisse tout au contraire deviner qu'au milieu du Ve siècle, on avait perdu jusqu'au souvenir de la date exacte à laquelle le confesseur avait été consacré à l'épiscopat. Mais avec l'élection de Perpetuus, c'est un disciple fervent de Martin qui est appelé à diriger les destinées de l'Église tourangelle. Le successeur d'Eustochius a d'emblée conçu un vaste programme destiné à conférer un éclat plus vif au culte martinien. À sa réalisation devait contribuer, autant que les ouvrages des architectes, des peintres et des poètes mobilisés par l'évê- que, le faste des cérémonies liturgiques. Or quelle meilleure manière d'exalter la mémoire de Martin que d'accorder à ce dernier l'hommage dont Rome donnait l'exemple pour son premier évêque, Pierre, celui d'un double anniversaire? S'ajoutant à la commémoration de la deposi- tio en novembre, le Natalis de l'été paraît avoir été institué pour honorer en Martin l'apôtre envoyé à la Gaule et le véritable fondateur de la tradition ecclesiale tourangelle 194, bref pour constituer la fête de la cathedra Martini. La consécration de la nouvelle basilique dédiée au confesseur et la translation du corps saint offraient à Perpetuus une occasion propice pour introduire discrètement la festivité nouvelle, à une date choisie non pour sa valeur historique — peut-être se souvenait-on vaguement tout au plus que Martin avait été consacré à la belle saison195 — , mais vraisemblalement parce qu'elle permettait une harmonieuse répartition des fêtes martiniennes entre l'hiver et l'été. La légende, plus tard recueillie par Grégoire, fut sans doute alors mise en circulation afin de mieux faire accepter, dans leur nouveauté, les instructions imperatives dictées par Perpetuus au sujet des anniversaires martiniens et dont la substance nous a été conservée par l'auteur de YHistoria Francorum et par le compilateur du Martinellus. L'existence d'une fête de Yordinatio sancii Martini inscrite le 11 août dans les calendriers mozarabes ne contredit point l'hypothèse. Il n'est guère vraisemblable qu'on ait été mieux informé en Galice qu'en Touraine de la chronologie de l'épiscopat de Martin; et la tradition espagnole remonte probablement à une époque plus récente qu'on ne l'a imaginé.

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La dualité des dates retenues pour le même anniversaire reflète donc plutôt l'incertitude où l'on était, à Dumium aussi bien qu'à Tours, au sujet du jour où avait eu lieu la consécration de Martin. Là, le choix du 11 août, comme ici, celui du 4 juillet relève probablement de raisons d'opportunité locales, dans le cadre de politiques parallèles et probablement contemporaines, visant à donner un nouveau développement au culte martinien.

En assurant dans le sanctoral tourangeau une place prépondérante à Martin, en l'honneur duquel il instituait une seconde fête, Perpetuus n'avait eu garde d'oublier le prédécesseur et le successeur du saint évê- que : les anniversaires de leur depositio figurent dans la liste des solennités précédées de vigiles, à la place correspondant, pour chacune d'elles, aux dates données plus tard par le Martyrologe Hiéronymien, le 13 septembre pour Litorius, le 13 novembre pour Brice196. Faute de toute autre information, il paraît difficile de dire si le premier et le troisième évêque de Tours étaient déjà l'objet d'un culte avant l'épiscopat de Perpetuus. Cependant la répartition dans l'année liturgique des anniversaires épiscopaux présente une disposition si heureuse qu'elle peut difficilement passer pour fortuite. On serait tenté d'imaginer que Perpetuus a au moins procédé à quelque arrangement des dates de célébration, afin d'encadrer dignement le Natale de novembre du confesseur, en le faisant précéder par la fête du «précurseur» et suivre par celle du disciple.

Le calendrier établi par Perpetuus pour les grandes fêtes du sanctoral tourangeau est demeuré en vigueur tout au long du siècle suivant. À l'époque de Grégoire, on commémorait toujours les différents anniversaires inscrits dans la deuxième partie de la liste De Vigiliis. Si l'écrivain ne signale jamais dans sa chronique de la vie tourangelle les fêtes d'Hilaire ou de Symphorien, ni même celles des évêques tourangeaux Litorius et Brice, on ne doit point conclure de ce silence que son Église avait cessé de faire mémoire, à dates fixes, de ces différents saints : le témoignage ultérieur du Martyrologe Hiéronymien démontre, au moins pour le prédécesseur et pour le successeur de Martin, qu'il n'en était rien. En fait, l'attention de Grégoire se concentre presque uniquement ■ — au détriment des autres fêtes — sur les anniversaires martiniens : c'est que ceux-ci, rassemblant un grand concours de peuple dans la

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basilique, sont autant d'occasions où se manifeste avec prédilection la virtus du thaumaturge197. S'attachant à relater ces miracles, l'historien est donc amené à évoquer à de nombreuses reprises les cérémonies du 1 1 novembre et du 4 juillet : les pieuses veillées de la nuit précédente 198, la messe matinale199 au cours de laquelle on lit quelque chapitre de la Vita Martini200 et où les fidèles communient nombreux201; enfin le festin public — epulum — qui suit la célébration liturgique et donne libre cours à la liesse populaire202. Mais tout en respectant scrupuleusement les instructions laissées par Perpetuus, ses successeurs ont probablement ajouté au calendrier des festivités précédées de vigiles quelques nouveaux noms : ainsi Grégoire y a, semble-t-il, inscrit Julien de Briou- de (28 août) dont il introduisait le culte dans sa cité episcopale203. Peut- être en a-t-il fait autant, bien qu'il ne dise rien à ce sujet, pour quelques confesseurs locaux dont le Martyrologe Hiéronymien annonce, dans ses additions gallicanes, l'anniversaire à Tours : l'évêque Perpetuus (30 décembre), les abbés Venant (11 octobre) et Maxime (20 août), la moniale Monegundis (2 juillet), le reclus Leobardus (18 janvier) et deux autres saints personnages, le prêtre Colombanus (19 octobre) et l'abbé Ursici- nus (28 juillet) qui ne sont pas connus par ailleurs204.

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De toute façon, le calendrier De Vigilis dressé par Perpetuus, même allongé par les soins de Grégoire, n'épuise pas la liste — de plus en plus longue — des saints honorés par l'Église de Tours. Parmi ces derniers, beaucoup n'ont eu droit de tout temps qu'à des cérémonies de caractère plus simple et pour lesquelles n'était pas prévue une veillée de prières. On ne peut douter en effet que les martyrs et confesseurs dont les reliques étaient vénérées à Tours et qui avaient souvent été choisis pour titulaires d'un des sanctuaires de la cité n'aient été fêtés au jour anniversaire de leur martyre ou de leur depositio, ou à celui qui commémorait la dédicace de l'édifice. Il est donc nécessaire de procéder, dans les sources, à l'inventaire des dépôts sacrés conservés dans les églises de la cité et, parallèlement, à l'analyse de la dédicace des édifices. Le seul intérêt de l'entreprise n'est d'ailleurs pas qu'elle doive permettre de restituer plus complètement, pour le sanctoral, le calendrier des fêtes tourangelles. Que ces dernières aient été ou non précédées de vigiles, leur célébration apparaît en effet, dans de nombreux cas, liée à la présence de reliques qui suscitent de façon croissante, du Ve au VIe siècle, les élans de la piété aussi bien dans le peuple fidèle que chez ceux qui ont charge de l'encadrer. Les solennités liturgiques ne glorifient pas seulement les lointains «citoyens du ciel»; bien souvent elles s'adressent à des «hôtes» présents matériellement dans le sanctuaire où elles se déroulent205. Ce sont donc, d'une manière générale, les rapports entre les offices célébrés par l'Église de Tours en l'honneur de Dieu et de ses saints et l'existence de reliques vénérées par la communauté locale qui doivent faire l'objet d'une étude approfondie.

II - Liturgie et culte voué aux reliques

Avant toutes choses, il est indispensable de définir clairement les voies dans lesquelles s'engage l'enquête. Précisons tout d'abord que nous entendons ici le terme de «reliques» dans son sens le plus large, conforme à son étymologie : il s'applique à tous les vestiges qu'un saint

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personnage, admis après sa mort à la gloire céleste, a laissés ici-bas et qui y manifestent, croit-on, ses vertus surnaturelles. Le plus précieux est évidemment le corps saint lui-même, confié au tombeau, ou à défaut, un fragment prélevé sur ce corps206; mais, en de nombreux cas, ce que Grégoire nomme indifféremment reliquiae, pignora ou cineres ne sont que de simples brandea ou «reliques représentatives»: des objets qui au contact du saint, de son vivant, ou, après sa mort, de son tombeau, passent pour s'être chargés de sa virtus. Quelle que soit sa nature, la relique apparaît comme le gage tangible de la présence du bienheureux; elle est aussi un capital qui produit intérêts pour la communauté ou le particulier qui la détient. Sa possession constitue, au jugement de Grégoire et de ses contemporains, une garantie presque indispensable : l'assurance que les hommages rendus par la liturgie, les prières élevées par chaque fidèle obtiendront des effets salutaires207.

Il faut certes se garder de toute généralisation hâtive : il y aurait imprudence à refuser d'admettre que le culte voué par la cité tourangelle à un bienheureux a parfois précédé l'arrivée ou la découverte de ses reliques et, parfois même, a pu se maintenir en leur absence. Inversement la détention d'une relique par un membre de la communauté, fut-ce l'évêque lui-même, ou la vénération spontanée dont le peuple entoure un tombeau n'impliquent pas obligatoirement la célébration de cérémonies publiques ou dans le second cas, la reconnaissance officielle par l'Église des mérites conférant la sainteté. Mais très souvent, l'histoire de Tours le démontre, le culte d'un saint s'est établi ou, du moins, a pris son essor avec l'introduction de ses reliques ou l'invention de sa sépulture. En ce domaine, si le hasard a sans doute eu sa part dans la diffusion de certains brandea en Touraine ainsi que dans l'invention de tombes saintes, le rôle des autorités ecclésiastiques a été en général décisif. À maintes reprises, les prélats, soit en procédant à l'acquisition de reliques, soit en authentifiant une sépulture sainte, ont orienté, canalisé dans des voies précises les élans pieux des fidèles et assuré — ou tenté d'assurer — au culte d'un martyr ou d'un confesseur le succès que la seule inscription de son nom au calendrier liturgique ne suffisait

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pas à lui accorder. C'est donc le développement d'une politique episcopale en matière de «reliques», avec les formes diverses qu'elle revêt suivant les époques, qu'il faut retracer pour tenter de mesurer l'influence que ces interventions ont exercée sur l'évolution de la liturgie de l'Église tourangelle et plus particulièrement sur la constitution de son sanc- toral.

Dès le milieu du IVe siècle, dans la communauté chrétienne depuis peu organisée, s'était accréditée une légende selon laquelle des martyrs avaient jadis souffert à Tours pour le Christ. Les fidèles, comme l'atteste le récit de Sulpice Sévère, s'étaient aisément persuadés qu'une tombe située sur la rive droite de la Loire, face à la cité, était la sépulture d'un de ces témoins de la foi. Un autel avait été érigé — une mensa probablement — et un culte avait pris naissance, approuvé ou seulement toléré par l'autorité ecclésiastique208. Sous la forme d'honneurs rendus à un sépulcre passant pour réceler le corps d'un martyr se manifeste ainsi, pour la première fois dans l'histoire de la piété tourangelle, la dévotion aux saints et à leur reliquiae sacrées. On sait comment Martin, peu après son élection au siège episcopal, dissipa brutalement les illusions populaires, en révélant que le prétendu martyr n'était qu'un vulgaire bandit de grand chemin209. Dès lors, l'Église de Tours, comme beaucoup d'autres Églises de Gaule nées après la fin des persécutions, dut satisfaire les pieuses exigences des fidèles en proposant à leur vénération des martyrs et des confesseurs étrangers et en se procurant, dans la mesure du possible, leurs reliques. Peu avant le milieu du Ve siècle, la sainteté de Martin ayant été officiellement reconnue, la tombe du confesseur commença à être vénérée à l'égal de celle d'un apôtre ou d'un martyr: le vœu des Tourangeaux était enfin exaucé; ils avaient désormais la certitude de posséder un corps saint, celui du patron que la Providence divine leur avait dévolu. Durant le siècle et demi qui suit, se développe un double mouvement : d'une part, on continue à amasser dans les sanctuaires de Tours un trésor de reliques saintes en provenance de diverses régions de la Chrétienté; parallèlement, le culte dont Martin est l'objet à son tombeau connaît un succès croissant et s'étend à certains de ses disciples qui, à l'exemple du Maître, avaient mené une vie sainte en Touraine et y avaient laissé leur dépouille mortelle. Si les

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grandes lignes de cette évolution apparaissent clairement dans l'histoire de Tours, il reste à préciser, pour chacun des saints accueillis dans le sanctoral, les circonstances à la suite desquelles ses reliquiae ont commencé à être vénérées dans la cité, c'est-à-dire l'époque et les motifs de chaque «adoption».

Comme très tôt la piété des Tourangeaux s'est partagée entre des martyrs étrangers, présents par leur brandea, et des confesseurs ensevelis en Touraine, il semble nécessaire, pour la clarté de l'exposé, d'étudier séparément ces deux courants de dévotion afin de pouvoir mieux ensuite évaluer leur force respective.

1) Les reliques importées à Tours

C'est sous l'épiscopat de Martin qu'est attestée pour la première fois l'arrivée à Tours de reliques d'importation étrangère. Dans un chapitre du De Gloria Martyrum consacré à Gervais et Protais, Grégoire, après avoir évoqué l'invention des deux martyrs milanais par l'évêque Ambroise (386), traite plus longuement de la diffusion de leurs reliques, des linges imprégnés de sang210; il précise notamment, en faisant état du témoignage de Paulin, que, Martin ayant reçu beaucoup de ces reliques, les plus anciennes églises de Tours s'en sont ainsi trouvées largement pourvues : De quorum reliquiis quia maxime Turonica urbs seniores eclesias contenet inlustratas. . . . Eorum reliquiae affatim collectae per universam Italiam vel Gallias sunt dilatae. Ex quibus et sanctus Martinus multa suscepit, sicut Paulini beatissimi narrât epistola211. Sur ce même sujet, l'écrivain revient à nouveau à la fin de YHistoria Francorum, dans la notice réservée à l'un de ses prédécesseurs, Eustochius : cet évêque qui a édifié dans la cité une deuxième ecclesia, y a déposé, note-t-il, les reliques de Gervais et Protais quae sancto Martino de Italia sunt delatae, sicut sanctus Paulinus in epistola sua meminit212. Bien qu'elle ne nous soit pas parvenue dans les collections manuscrites de ses œuvres, la lettre, dont il est ainsi par deux fois question, doit être sans le moindre

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doute attribuée à Paulin de Noie, comme l'a démontré de facon très convaincante P. Courcelle213. D'ailleurs toute une série de témoignages contemporains concordent pour nous assurer de la véracité des informations puisées par Grégoire dans le document perdu.

L'évêque Victrice de Rouen, dans le De laude sanctorum, composé vers 396, exprime sa gratitude à Ambroise qui lui avait fait parvenir, avec un premier lot de reliques, celles de Gervais et Protais214. Or la biographie de Sulpice Sévère suggère que Martin, lui non plus, n'était pas, quoiqu'en ait dit Babut215, un inconnu pour Ambroise. Il n'est pas certain que l'ascète, alors simple exorciste du diocèse de Poitiers, ait eu l'occasion, lors de son séjour à Milan216, de faire la connaissance du futur évêque de cette cité. En revanche, comme son ami Victrice, l'évêque Martin a pu nouer plus tard avec son collègue milanais, Ambroise, des contacts indirects par l'entremise de Paulin de Noie, leur commune relation; de plus le préfet Vincentius, qui, à la faveur de ses déplacements officiels, s'arrêtait souvent à Tours et à Milan pour saluer ici Martin et là Ambroise, a dans doute également servi de trait d'union entre les deux hommes217. Enfin Martin eut l'occasion de rencontrer Victrice et Paulin de Noie — nous le savons par une autre lettre, celle- là bien conservée, de ce dernier218 — à Vienne, où l'évêque de Tours baptisa une certaine Foedula, plus tard ensevelie, comme l'atteste son épitaphe, dans une basilique consacrée par des brandea de Gervais et Protais219. Tout ceci indique qu'un important lot de reliques des deux

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martyrs milanais avait été expédié (ou déposé au passage) par Ambroi- se à Vienne, qui en conserva une partie, après que Victrice et Martin y fussent venus prendre la part revenant à Rouen et à Tours220. «On comprend dès lors que Paulin, présent à cette répartition et guéri d'une maladie d'yeux par Martin à cette occasion» — ainsi que nous l'apprend Sulpice Sévère qui ne mentionne cependant pas le lieu du miracle221 — «ait pris plaisir plus tard, dans une lettre . . ., à rappeler cet épisode de diffusion des reliques à travers les Gaules»222. Le témoignage personnel de Grégoire, notant que les plus anciennes églises de Tours — seniores ecclesiae — sont illustrées par des reliques de Gervais et Protais, suggère que ces dernières avaient été à l'origine — avant qu'Eustochius au milieu du Ve siècle n'en eût prélevé une parcelle pour consacrer la deuxième ecclesia de la cité — déposées par Martin dans l'ecclesia prima, alors unique, ecclesia senior par excellence, où elles étaient encore vénérées du temps de l'historien. Ce geste, remarquons- le, n'impliquait certainement pas que l'édifice cathédrale fût placé sous le titre des deux martyrs milanais. Pendant longtemps encore l'ecclesia de Tours, de même que celles d'autres cités de la Gaule, ne portera aucun vocable particulier223. Comme Victrice le fit quelques années plus tard à Rouen dans l'église cathédrale enfin achevée par ses soins, Martin à Tours accueillait simplement les hôtes célestes dans le sanctuaire le plus digne de les abriter, l'ecclesia civitatis224.

Les reliques de Gervais et de Protais étaient-elles les seules que Martin se fût procurées? La question doit être posée : car, si les sources attestent clairement que les évêques de Tours, pendant le siècle qui sui-

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vit la mort du confesseur, ont eu à leur disposition des brandea d'autres saints étrangers à la Gaule, elles ne mentionnent en revanche, durant cette période, aucune importation nouvelle de reliques. D'ailleurs l'évolution de la situation politique et militaire au long du Ve siècle rendait de plus en plus difficile le maintien de relations entre les provinces de la Gaule du Nord et de l'Ouest et le reste de l'Occident, la péninsule italienne en particulier. Aussi peut-on se demander si les prélats tourangeaux n'ont pas durant tout ce siècle, comme l'a fait Eustochius pour la consécration de la deuxième ecclesia de la cité, constamment puisé dans un trésor de reliques multiples constitué par Martin. Que nous apprennent les titres des édifices dédicacés par leurs soins? On relève tout d'abord les noms de Pierre et de Paul : déjà Martin avait consacré à ces derniers la première basilique du grand monastère transligérien225; à son tour, Brice a peut-être — on l'a supposé avec beaucoup de vraisemblance — dédié aux Princes des Apôtres la chapelle funéraire élevée sur la tombe de Martin et dont le plafond fut ensuite remployé par Perpetuus pour couvrir une nouvelle basilique explicitement placée sous leur patronage226. Il est vrai que pour tous ces édifices, de même que pour la basilique Saint-Laurent construite à Mon- tlouis par Perpetuus227, nous n'avons aucune preuve que la consécration ait été opérée avec des brandea. En revanche, l'inscription métrique gravée dans une chapelle annexe de la grande basilique Saint-Martin, à l'époque de Perpetuus, y atteste la présence matérielle de cinq martyrs dont elle énumère les noms : aux côtés de Gervais et Protais sont mentionnés Felix et Victor ainsi que Jean-Baptiste228, auquel le successeur de l'évêque bâtisseur, Volusianus, consacre une deuxième basilique à Marmoutier229. Il faut l'ajouter : de même que des brandea de Gervais et Protais étaient conservés dans l'ecclesia prima de Tours depuis l'époque de Martin, de même des reliques du Précurseur consa-

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craient, au témoignage de Grégoire, une église fondée par le confesseur à Langeais230.

Si l'on analyse la liste des saints ainsi honorés à Tours durant le Ve siècle et dont certains y étaient sûrement vénérés dans leurs reliques, on est conduit à faire les constatations suivantes. On note tout d'abord que Jean-Baptiste figurait, auprès de Gervais et Protais, parmi les nombreux «hôtes célestes» qu'accueillait Victrice à Rouen en 386231. Les reliques du Précurseur avaient sans doute, avec d'autres, été rapportées d'Orient par Gaudence de Brescia et transmises à Ambroise de Milan qui en céda une partie à l'évêque de Rouen232. Il n'y aurait rien d'étonnant que le Milanais se fût montré tout aussi généreux pour Tours. Et si le lot de reliques destiné à l'Église de Martin n'était pas de composition strictement identique à celui que reçut Victrice, il n'y a aucune raison pour qu'il fût moins riche. Or — et c'est là la deuxième remarque qui s'impose — Felix et Victor, dont un sanctuaire de Tours détenait des brandea, comptaient, avant l'invention de Gervais et Protais, au nombre des principaux martyrs dont s'honorait Milan et que vénérait particulièrement son évêque Ambroise233. En dehors des relations établies entre Martin et ce dernier, on voit mal quelle autre circonstance ultérieure aurait pu conduire l'Église de Tours à importer les reliques de ces deux saints milanais. Quant à Pierre, Paul et Laurent, la présence de leurs brandea dans la cité ligérienne n'est attestée qu'à une époque relativement tardive. L'année même où il avait envoyé le clerc Agiulfus dans YUrbs pour y quérir des reliques, au nombre desquelles figuraient celles des deux apôtres et du diacre martyr, soit en 590, Grégoire découvrait dans le trésor de la basilique Saint-Martin les pignora ... sanctorum apostolorum cum reliquorum martyrum qui y avaient été depuis longtemps oubliés234. Tout semble indiquer que ce précieux dépôt appartenait primitivement à Y ecclesia prima — où Grégoire le fit replacer — et qu'il avait été provisoirement transféré dans la basilique suburbaine, lorsqu'en 558 un grand incendie s'était allumé dans le cas- trum235. Malheureusement les sources ne permettent pas de remonter

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au-delà de cette dernière date. Une partie de ce pieux trésor avait-il été amassé par Martin, qui avait eu l'occasion, avant d'être élevé à l'épisco- pat, de se rendre à Rome236 et qui conserva toujours, nous le savons par son biographe, une vénération toute particulière pour Pierre et Paul?237. L'hypothèse, qu'on ne peut entièrement écarter, est cependant loin d'être aussi assurée que dans le cas des martyrs milanais. On ne saurait, en tout état de cause, l'étendre aux reliques des témoins de la légion thébaine retrouvées par Grégoire dans les mêmes circonstances238. Certes au XIIe siècle, on affirmait dans les milieux tourangeaux que Martin, s'étant rendu en pèlerinage à Agaune, avait réussi par ses prières à faire sourdre du sol le sang qu'y avaient versé les martyrs et qu'il en avait rempli plusieurs ampoules. C'est là le récit que Guibert de Gembloux, lors de son passage à Candes en 1180, entendit de la bouche des clercs qui lui montraient l'une de ces petites fioles conservée dans la collégiale Saint-Martin239. Mais bien que le culte de Maurice et de ses compagnons ait, semble-t-il, commencé à se développer à Agaune dès la fin du IVe siècle, il est impossible d'accorder crédit à une légende tardive au sujet d'un épisode que Sulpice Sévère et Grégoire ignorent totalement. Les reliques des martyrs de la légion thébaine ont donc probablement été introduites à Tours bien après la mort de Martin, sans doute, comme on le verra, au début du VIe siècle.

Au total, les choix opérés par Martin en matière de patronage des saints et pour l'acquisition de leurs reliques ont profondément et longuement marqué la piété tourangelle. Proposés par lui à la dévotion des fidèles, les patrons célestes de Rome et de Milan — deux bastions de l'orthodoxie face à l'hérésie arienne — sont apparus à Tours, au cours du Ve siècle, de plus en plus comme les défenseurs et les soutiens de la vraie foi que la menace wisigothique mettait en péril240 : d'où la

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popularité du culte des Apôtres romains et des martyrs milanais dont témoigne la multiplication des édifices placés sous leur vocable. En ce qui concerne les saints étrangers à Tours, Perpetuus lui-même, pourtant grand novateur, n'a pas sérieusement remis en question la prééminence détenue par les «Italiens», en inscrivant dans son calendrier le nom de deux gaulois, Hilaire et Symphorien qui ne sont, ni l'un ni l'autre, honorés par la construction d'un édifice placé sous leur patronage. Quant à Etienne, auquel un oratoire — d'ailleurs dépourvu de reliques jusqu'à l'époque de Grégoire — était dédié ab antiquis, il n'est pas certain que son culte à Tours remonte au Ve siècle241 : l'appréciation que porte l'historien sur l'antiquité de ce sanctuaire est trop vague et subjective pour que l'on puisse en tirer une conclusion.

Avec le début du VIe siècle et l'établissement de la domination fran- que s'ouvre pour Tours une période nouvelle : les conquêtes réalisées par les Francs, les relations diplomatiques nouées par leurs souverains avec d'autres royaumes barbares d'Occident ou avec l'Orient byzantin arrachent la cité à son isolement et favorisent l'importation de reliques circulant sur les routes empruntées par les princes, les soldats, les marchands et les pèlerins. Cependant la médiocrité de la plupart des évê- ques qui, jusqu'à l'avènement de Grégoire en 573, se succèdent à la tête de l'Église de Tours explique que cette dernière doive ses acquisitions de brandea plus souvent au hasard des circonstances qu'à une véritable politique de ses chefs. Au cours de ces trois quarts de siècle, cinq ou six nouvelles reliques de saints sont introduites en Touraine, les unes à Tours même, d'autres, semble-t-il, uniquement dans un bourg du diocèse : l'initiative échappant assez souvent à l'évêque, la cité episcopale ne joue pas toujours le rôle d'un centre de diffusion des nouveaux cultes et de redistribution des brandea.

Au témoignage de Grégoire, les premières reliques importées au cours du VIe siècle furent celles de l'apôtre André et du martyr toulousain, Saturnin. C'est de façon toute fortuite qu'un homme de Touraine, servant dans l'armée levée par le roi Clodomir pour son expédition contre le royaume burgonde, se les était procurées : leur souverain ayant été tué dans la bataille de Vézeronce en juin 524, les Francs mirent le pays à feu et à sang; alors qu'ils commençaient à incendier «une certain église» de Bourgogne, le soldat tourangeau apprit des habitants

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que cette dernière recelait de précieuses reliques d'André et de Saturnin ; se précipitant dans le brasier, il réussit à arracher aux flammes les brandea qu'il rapporta dans sa petite patrie, le vicus Novivicensis , Neu- vy-le-Roi. Là, il les déposa dans l'autel de l'église qui jusqu'alors, note Grégoire, ne possédait aucune relique de saints et, dès lors, il célébra chaque année une fête en l'honneur d'André et de Saturnin. «Après sa mort, ajoute l'historien, son fils, ayant cessé de remplir ce pieux devoir, fut saisi de la fièvre quarte pendant toute une année. Alors il fit vœu de construire une nouvelle basilique en leur honneur. Ce qu'ayant fait, il fut guéri de sa fièvre»242. Nulle mention ici d'une intervention de l'évê- que de Tours qui, en 524, était très probablement Ommatius. Le culte d'André et de Saturnin paraît donc en ces débuts avoir revêtu un caractère strictement local. Quelques années plus tard, une basilique fut dédiée en Touraine à s. Germain (d'Auxerre), qui donne encore de nos jours son nom à la localité où elle fut élevée243. Grégoire de Tours se borne à indiquer que la fondation eut lieu «du temps» d'Injuriosus (529-546), une formule qui ne permet guère d'apprécier le rôle exact de cet évêque. La reine Clotilde, qui séjourna à Tours depuis son veuvage jusqu'à sa mort en 544, ne fut peut-être pas étrangère à l'introduction en Touraine du confesseur auxerrois (et de ses reliques?) : s'il faut en croire l'auteur des Miracula sancii Germani (IXe siècle), la souveraine avait en effet pour Germain une dévotion toute particulière qu'elle manifesta en faisant édifier sur sa tombe, à Auxerre, une splendide basilique244. Ne serait-ce pas également par l'entremise de Clotilde que Tours acquit des reliques des saints d'Agaune? Grégoire, on l'a vu, devait retrouver beaucoup plus tard à Saint-Martin une capsula contenant des reliquiae acauniensium fort décomposées par la pourriture (il ne s'agissait donc pas d'ampoules de sang) et d'autre part une châsse d'argent dans laquelle voisinaient les reliques des témoins de la bienheureuse légion et celles de nombreux autres martyrs et confesseurs245.

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Du premier lot l'évêque historien apprit qu'il avait été d'abord déposé dans l'ecclesia prima, depuis une époque ancienne, ab antiquis, c'est- à-dire à une date sûrement antérieure à l'incendie de ce dernier édifice en 558. La tutelle exercée sur la cité ligérienne pendant plusieurs décennies par une princesse burgonde de naissance et qui imposa par deux fois sur le siège episcopal des candidats venus de son pays, l'expédition lancée par son fils Clodomir, maître temporel de Tours, contre la Bourgogne246, ce sont là autant de circonstances qui ont pu favoriser l'introduction en Touraine, avec leurs reliques, des martyrs du Valais vénérés par les souverains burgondes et notamment par le roi Sigis- mond.

Plus que jamais, dans le troisième quart du VIe siècle, durant l'épis- copat d'Eufronius (556-573), l'influence des princes et des princesses de la famille royale paraît déterminante dans l'évolution de la piété tourangelle : ce sont en effet essentiellement les saints que leur dévotion personnelle met en honneur — on n'oserait dire à la mode — dont le culte se diffuse dans la civitas Turonorum : ainsi pour Vincent de Sara- gosse et pour Médard de Noyon. Dans la notice qu'il réserve à la fin de l'Historia Francorum à son prédécesseur, Grégoire note que, du temps de ce dernier, fut fondée à Tours une basilique consacrée à s. Vincent et que des églises furent édifiées à Orbigny et à Céré247 où, par ailleurs — dans un chapitre du De gloria martyrum 248 — il signale la présence de pignora du lévite de Saràgosse, là consacrant le sanctuaire local, ici provisoirement déposées dans la demeure d'un particulier par des pèlerins de passage. S'il n'est pas certain qu'en cette occurrence l'église de Céré ait réussi à obtenir quelque parcelle de ces reliquiae — le récit de Grégoire tourne trop court pou nous éclairer à ce sujet — , en revanche la basilique d'un troisième bourg de Touraine, Neuvy-le-Roi, obtint des brandea du même saint en des circonstances analogues249. Dans ce village de Touraine, on s'en souvient, un habitant, peu après 524, avait déposé dans l'église des reliques d'André et de Saturnin; plus tard, après sa mort, son fils avait fait vœu de construire un nouveau sanctuaire en l'honneur de l'apôtre et du martyr. Si l'on tient compte du passage d'une génération à une autre et aussi du temps nécessaire pour

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les travaux, on doit situer au plus tôt vers le milieu du VIe siècle et, plus probablement, un peu après, sous l'épiscopat d'Eufronius, l'achèvement de l'édifice. Il importe en effet d'en préciser l'époque, car c'est le jour même où l'on procédait à la translation des reliques d'André et de Saturnin de l'ancienne église à la nouvelle qu'arrivèrent à Neuvy des voyageurs porteurs des reliquiae de Vincent. Le prêtre du lieu obtint de ces derniers qu'ils lui cédassent une particulam pignorum ; il déposa celle-ci dans l'autel de la basilique ancienne, à la place des reliques qu'il venait d'en ôter. Des informations éparses que nous livre Grégoire, il ressort donc qu'à l'époque d'Eufronius, la Touraine a reçu une importante dotation en brandea du martyr espagnol. Or c'est depuis l'expédition menée en Espagne par le roi Childebert, en 541, que le saint patron de Saragosse a acquis en Gaule un grand renom : la crainte suscitée par sa puissance surnaturelle n'avait-elle pas conduit le souverain franc à lever le siège mis devant cette ville?250 Bien plus, Childebert qui, lors de cette campagne, ou un peu plus tard, s'était certainement procuré des reliques de Vincent, fonda en l'honneur de ce dernier, à Paris, avec le concours de l'évêque Germain, une grande basilique qui, à peine achevée, accueillit, en 558, sa sépulture251. L'exemple donné par le roi incita certains de ses sujets, comme en témoignent les deux récits du De gloria y Martyrum, à se rendre en pèlerinage à Saragosse pour en rapporter des brandea du saint lévite. La civitas Turonorum semble avoir bénéficié d'un double apport de ces reliques : de Childebert, peut-être par l'entremise de Germain, venu par deux fois se recueillir sur la tombe de Martin, Eufronius en reçut, semble-t-il, un lot qu'il partagea entre la basilique de Tours et l'église d'Orbigny252. En revanche la basilique de Neu- vy-le-Roi en fut dotée grâce à la générosité privée de pèlerins. C'est peut-être aussi à l'initiative d'un particulier que l'église d'Evena dut, quelques années plus tard, d'entrer en possession des reliques de Mé- dard de Noyon, honoré comme un saint dès sa mort en 560. Contempo-

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raine d'Eufronius, Monegundis253, en se rendant à Tours, put les vénérer lors de son passage dans le petit bourg, où elle arriva, note Grégoire, le soir même où l'on célébrait les vigiles du confesseur254. Mais quel que soit le canal par lequel ces reliques avaient été acheminées jusqu'en Touraine, il est bien clair que le culte rendu à travers elles au saint évêque de Noyon, connut une diffusion aussi rapide grâce aux efforts du roi Clotaire. Le frère de Childebert avait fait de Médard, pour lui- même et pour sa lignée, l'un de ses saints patrons d'élection : après avoir fait ensevelir l'évêque dans sa capitale de Soissons, il entreprit d'édifier sur sa tombe une grande basilique, dans laquelle il fut lui- même enterré en 561 et où, dès lors, commencèrent à affluer des pèlerins en quête de brandea du confesseur255.

Succédant à une longue suite d'évêques qui n'avaient guère exercé de contrôle sur l'importation de reliques et l'adoption, dans la piété tourangelle, de saints étrangers à la cité, Grégoire rend au siège episcopal, en ce domaine comme en d'autres, son rôle d'initiative et de direction. Le petit-cousin d'Eufronius mène une véritable politique qui vise à fortifier ou à implanter le culte de nombreux martyrs et confesseurs dans son diocèse. Pendant tout son règne, il ne cesse de travailler à enrichir le trésor de reliques à la disposition de son Église, afin d'assurer systématiquement à tous les sanctuaires anciens ou nouveaux la présence matérielle de l'hôte céleste auquel chacun d'eux est dédié. Dans le développement de cette entreprise on peut, grâce aux récits de l'historien, distinguer plusieurs étapes.

Après sa consécration, Grégoire n'arriva pas à Tours les mains vides. Il apportait avec lui un lot important et divers de brandea que sa famille lui avait légués ou qu'il avait lui-même acquis dans la première partie de sa vie. Il est cependant nécessaire de mettre à part un certain nombre de reliques que l'évêque a toujours considérées comme un bien personnel et privé : dans une croix d'or, qu'il portait en voyage suspendue à son cou, il gardait depuis sa jeunesse des reliquiae «de la bienheureuse Marie avec d'autres reliques des saints apôtres et du bienheureux Martin»256; il possédait également un étui en or contenant les

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cineres de saints d'Auvergne; son père, qui les avait acquises, n'avait pu lui dire le nom de ces bienheureux257. Il ne semble pas que Grégoire se soit jamais dessaisi de ces brandea en faveur de son Église. Mais au profit de cette dernière, il constitua, avec d'autres reliques qu'il apportait, une importante réserve. À son arrivée, il avait confié ce pieux dépôt à l'ecclesia. Mais dès la première année de son épiscopat, il fit aménager dans la domus ecclesiae un oratoire qui servait à la fois de chapelle episcopale et de reliquaire pour ce pieux trésor258 : dans une châsse enfermée dans l'autel se trouvaient «les reliques de Saint Saturnin martyr, du pontife Martin avec celles du confesseur Illidius et d'autres saints»259. De ces derniers, la liste peut être, en partie du moins, établie grâce aux indications incidemment fournies par l'historien au sujet des sanctuaires construits ou réaménagés de son temps à Tours et en Touraine : car pendant tout son épiscopat, Grégoire a largement puisé dans la réserve qu'il avait constituée au lendemain de son installation, pour consacrer de nombreux édifices. Nous savons par lui que l'oratoire de la domus ecclesiae recelait aussi des brandea de Julien : c'est lors du dernier pèlerinage qu'il avait effectué à Brioude, immédiatement après sa consécration au siège episcopal tourangeau, que le nouveau prélat avait arraché des franges au voile recouvrant le tombeau du martyr. Dans les premières années de son épiscopat il en donna quelques-unes à la basilique qui venait d'être édifiée à Tours en l'honneur du saint de Brioude260. Par la suite, il en distribua à des églises rurales : celle du Gaudiacus vicus (Joué-les-Tours) dont le fondateur ne nous est pas connu261; celle de la Paternacensis parochia (Pernay)

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dont le sanctuaire venait d'être construit en l'honneur du martyr auvergnat par un certain Litomeris262; enfin celle d'Artanne élevée et dotée de très nombreuses reliques, au témoignage du poète Fortunat, par Grégoire lui-même263. Toujours dans la châsse entreposée dans son oratoire, l'évêque conservait également des reliques d'Etienne : il envoya un de ses abbés prélever une parcelle de ces brandea pour consacrer un oratoire ancien, depuis longtemps dédié au protomartyr, mais dans lequel — il avait pu le constater à l'occasion de travaux d'agrandissement — aucune relique n'avait été jusqu'alors déposée264. C'est certainement encore dans Yoratorium de la domus ecclesiae qu'étaient précieusement gardées deux autres reliquiae : d'une part un bâton taillé dans le bosquet qui ombrageait à l'origine la tombe de Médard à Sois- sons265; d'autre part le mouchoir que l'évêque Nizier de Lyon avait sur la tête le jour de sa mort (en 573) et que Grégoire se fit tout aussitôt apporter à Tours266. Il se servit par la suite de fils arrachés à ce facie- tergium pour doter de brandea les églises de Pernay267, du Petit-Pressi- gny268 et d'Artanne269, toutes trois récemment édifiées. On peut penser que les reliques de s. Bénigne, que plus tard l'évêque déposa dans le

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baptisterium prius, désaffecté et transformé en simple oratoire270, provenaient aussi du trésor qu'il avait apporté à son arrivée à Tours. En effet à l'exception du protomartyr Etienne — dont le culte et les reliques sont alors largement répandus en Gaule — , ce sont des saints vénérés dans sa propre famille et dans les régions de la Gaule où celle- ci avait ses attaches que Grégoire a, grâce à sa réserve personnelle de reliques, proposé à la dévotion de ses ouailles : il y a donc tout lieu de penser que le culte du martyr dijonnais, jadis inventé par son grand- père maternel Grégoire de Langres et objet de la vénération de sa mère Armentaria271, a été introduit en Touraine par l'évêque historien de même qu'y étaient introduits par ses soins le culte de Nizier de Lyon, son grand-oncle maternel et celui des saints d'Auvergne, Julien et Illi- dius, patrons attitrés de la lignée paternelle de l'écrivain272.

Loin de se satisfaire pour son Église de cette dotation qu'il lui avait constituée dès le début de son épiscopat, Grégoire n'a négligé ensuite aucun moyen pour lui procurer d'autres reliques. Le hasard l'a servi en quelques circonstances. Sans que l'évêque ait eu, semble-t-il, à intervenir personnellement, Yoratorium atrii beati Martini, qu'il avait aménagé vraisemblablement à l'intention d'Ingitrudis et de sa petite troupe de moniales, fut pourvu d'un fragment du bois sacré de la croix273: il s'agissait là sans doute d'un don fait par Radegonde, fondatrice du monastère Sainte-Croix de Poitiers, à une communauté-sœur274. Mais Grégoire lui-même réussit à se faire céder par un voyageur revenant de Jérusalem une étoffe de soie qui, selon les affirmations de l'étranger, avait servi à envelopper la croix du Seigneur275. La précieuse relique fut déposée dans l'oratoire de la domus ecclesiae, désormais consacré à la croix, comme nous l'apprend un poème composé à l'occasion de cette dédicace par Fortunat276. En des vers que la recherche de l'effet

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rend assez obscurs, le poète célèbre d'abord l'instrument de la Passion et du Salut277, puis la relique que la «divine puissance» du Christ a accordée aux prières de Grégoire278; enfin il décrit les voiles blancs ornant le sanctuaire et sur lesquels, brodées en soie de couleur pourpre, des croix évoquent la présence du pallium imprégné de la virtus émanant du bois sacré279.

Cependant Grégoire ne comptait pas seulement sur la Providence divine pour s'approvisionner en reliques. Aussi a-t-il pris l'initiative de deux démarches : il a d'une part mené une enquête en interrogeant les prêtres du diocèse les plus âgés et en prospectant les églises, afin de retrouver des reliques anciennement acquises par Tours et dont on avait parfois perdu la trace; d'autre part il a expédié en terres lointaines des émissaires chargés d'y acquérir des brandea. La première de ces entreprises a déjà été évoquée, dans la mesure où elle nous permettait d'identifier quelques-uns des saints dont le culte avait été, avec leurs reliques, introduit à Tours avant le milieu du VIe siècle. Rappelons que cet épisode est relaté par Grégoire dans la notice qu'il consacre à son propre épiscopat et plus précisément dans le paragraphe où sont énumérées ses activités de bâtisseur et de restaurateur des édifices du culte. Malheureusement le récit de l'historien présente sur certains points un caractère vague ou ambigu. Au nombre des saints dont les brandea ont été retrouvés dans la basilique martinienne, il cite les témoins de la légion thébaine et les Apôtres (Pierre et Paul), puis des confesseurs et des martyrs dont il ne précise pas le nom. Or après avoir indiqué qu'il a déposé ces diverses reliques dans l'ecclesia, Grégoire

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enchaîne sur ses interventions dans d'autres sanctuaires de la ville : «c'est dans la cellule de saint Martin attenante à ladite église que je déposai les reliques des saints martyrs Cosme et Damien . . .; j'enjoignis de construire un baptistère auprès de ladite basilique (Saint-Martin) et j'y plaçai les reliques de saint Jean avec celles du martyr Serge et dans l'ancien baptistère je déposai les reliques de saint Bénigne martyr»280. Faut-il comprendre que les brandea de Cosme et Damien, de Jean-Baptiste, de Serge et de Bénigne étaient aussi de ceux découverts à Saint- Martin? Le caractère très général d'un exposé, où Grégoire regroupe dans un bilan de ses activités des faits d'époques différentes, l'hypothèse précédemment formulée au sujet des reliques de Bénigne, tout ceci invite à penser à des provenances diverses. Il paraît donc nécessaire de sérier les questions. Sans aucun doute Grégoire a procédé à une redistribution de brandea anciennement détenus par Tours. L'historien dit explicitement qu'il a restitué à l'ecclesia les reliques des saints d'Agaune (et celles d'autres saints dont il faut se résigner à ignorer le nom) qui avaient été provisoirement entreposées dans la basilique martinienne; le poème consacré par Fortunat aux martyrs de la légion thébaine fut peut-être composé à l'occasion de cette translation solennelle281. Par ailleurs la notice de YHistoria Francorum suggère que l'évêque a transféré les reliques de Jean-Baptiste du baptisterium prius au baptistère qu'il venait d'édifier. En cette circonstance — ou peut-être avant? — il a prélevé, semble-t-il, quelques parcelles des brandea du Baptiste pour les placer dans Yoratorium atrii beati Martini282; il a sans doute opéré de même avec ceux de Victor, que recelait une chapelle annexe de Saint-Martin, en faveur de l'église rurale nouvellement édifiée à Artan- ne283. Restent Cosme et Damien ainsi que Serge. Le culte de ces saints n'est pas attesté à Tours avant l'épiscopat de Grégoire. Ce dernier n'en serait-il pas l'initiateur? De leurs reliques qu'il dépose dans des sanctuaires urbains peut être rapproché un autre lot de brandea qui complète la riche dotation de l'église d'Artanne : celle-ci possède, au témoignage de Fortunat, outre des brandea de Cosme et Damien284, des reli-

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ques du martyr Georges285, de l'ange Gabriel286 ainsi qu'un fragment de pierre provenant du tombeau du Christ287. Tous ces pieux vestiges sont d'origine orientale. L'évêque de Tours aurait certes pu acquérir telle ou telle de ces reliques en Gaule même, où certaines d'entre elles — celles de Georges ou de Serge — circulaient à son époque288. Mais qu'il ait réussi à en rassembler un si grand nombre laisse plutôt supposer l'envoi d'une mission en Orient.

Or précisément, Grégoire note incidemment que deux clercs de son Église se sont rendus en Terre Sainte. C'est du diacre Jean, témoin de l'événement, qu'il tient le récit d'un miracle advenu sur les rives du Jourdain289. Pour en savoir plus à son sujet, il faudrait être sûr que l'on peut identifier ce personnage avec l'un ou l'autre des voyageurs homonymes que cite l'historien290. Il faut sans doute distinguer le diacre du «dénommé Johannes», un gaulois qui ne semble pas avoir d'attache avec Tours et que Grégoire a rencontré dans sa jeunesse alors que cet homme — un laïc — revenait d'un pèlerinage en Terre Sainte291. En revanche, l'historien dans un autre de ses ouvrages évoque un Johannis auquel il donne le titre de presbyter noster et qui pourrait bien être le diacre, entre-temps promu à un grade supérieur de la hiérarchie ecclésiastique : car ce clerc tourangeau est lui aussi présenté comme un voyageur; Grégoire le montre revenant de Marseille — à l'issue d'une traversée maritime? — , cum commercio negotiationis suae, des acquisitions dans lesquelles il n'est pas interdit de voir des reliques292. On

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éprouve un embarras analogue pour identifier le personnage que Grégoire nomme simplement «notre diacre» et qui fut témoin à Jérusalem d'un miracle dont l'évêque a transcrit fidèlement le récit293. S'agit-il encore du diacre Jean ou du diacre Agiulfus? Car ce dernier a lui aussi entrepris un voyage en Orient, sur l'ordre de son évêque qui l'avait chargé d'aller quérir en pays lointain des reliques294. Cette mission orientale est attestée par le petit discours que Grégoire place dans la bouche d'Agiulfus lors de la visite que celui-ci, de passage à Lyon, fit au tombeau de Nizier : «Si la dévotion de mon évêque m'a fait traverser les masses liquides de la mer pour aller visiter les sépulcres des martyrs de l'Orient et en rapporter des reliques, pourquoi n'en prendrai-je pas d'un saint confesseur des Gaules, par lesquelles je conserverai ma santé et celle des miens?»295. Malheureusement l'historien n'a pas jugé utile de donner les noms de ces martyrs orientaux dont son envoyé lui rapportait les pignora. Ne seraient-ils pas, entre autres, ceux de Cosme et Damien, de Serge, de Georges dont l'évêque peut disposer en faveur de plusieurs sanctuaires de son diocèse? On serait tenté de le croire.

Agiulfus accomplit également à Rome une mission identique296. Peut-être fit-il halte dans la Ville Eternelle sur le chemin qui le ramenait d'Orient en Gaule : c'est en effet à son retour de Rome, a Roma veniens, que, s'arrêtant à Lyon, il évoque, comme on l'a vu, sa visite aux lieux saints orientaux. Cependant on ne peut exclure qu'il se soit, en cette circonstance, remémoré un voyage plus ancien, suivi quelque temps plus tard d'une expédition dont Rome aurait été le but exclusif. En tout cas, il reçut dans l'Urbs, du pape Pelage, par l'entremise du diacre Grégoire — le futur pape Grégoire le Grand — , des brandea de martyrs et confesseurs dont l'évêque de Tours nous donne la liste : il cite d'abord les saints quorum sacra vestigia Domini manibus sunt ablu- ta, c'est-à-dire les Apôtres, en nommant ensuite spécialement Paul, puis

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le diacre Laurent, les martyrs de la via Salaria. Chrysanthe et Daria, et de la via Aurelia, Pancrace ainsi que les deux frères Jean et Paul qui souffrirent eux aussi à Rome pour le Christ297. On ignore si Grégoire distribua ces reliques dans différentes églises de son diocèse. Peut-être n'en eut-il pas le loisir : peu après le retour d'Agiulfus, qui rentre de Rome à la fin de 590 ou au début de 591, l'évêque paraît avoir été obligé, sans doute par la maladie, de suspendre ses activités et il ne les reprit ensuite que pendant une brève période avant sa mort298.

Quoi qu'il en soit, le prélat avait largement réalisé le programme qu'il s'était tracé : pour réunir à Tours les effectifs d'une puissante garnison céleste, il avait d'abord fait appel à la cohorte des saints gaulois qu'il vénérait depuis l'enfance; puis il leur avait adjoint le renfort des martyrs de l'Orient et de Rome. Chacun des sanctuaires de la cité était maintenant doté des reliques d'un de ces bienheureux, reliques dont la présence apparaissait désormais indispensable. On remarque en effet que, jusqu'au milieu du VIe siècle, le dépôt de brandea pour la consécration d'un édifice du culte n'a pas un caractère obligatoire299 : l'église de Neuvy-le-Roi en 524 ne possédait pas encore de reliques et l'oratoire Saint-Etienne en demeura dépourvu encore plus longtemps. C'est à l'époque d'Eufronius que la pratique commence à devenir plus fréquente, comme en témoigne la distribution des reliques de Vincent dans les églises fondées, du temps de cet évêque, à Tours et à Orbigny; elle correspond à des exigences de plus en plus affirmées de la piété : le prêtre de Neuvy-le-Roi, pour l'ancienne église de son village qu'il vient de priver de ses reliques, de même que l'ascète Senoch, pour l'oratoire qu'il a restauré, s'inquiètent l'un et l'autre de se procurer des brandea. À l'époque de Grégoire, on en arrive à considérer que tout édifice du culte doit être doté de quelques pignora. L'évêque, qui s'étonne de n'en

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point trouver dans l'antique oratoire Saint-Etienne, s'emploie aussitôt à combler cette lacune, de même qu'il le fait pour la cellula Sancii Martini. Mû par le même souci, il n'ôte jamais à une église les reliques d'un saint sans les remplacer par d'autres, ainsi que le montre la redistribution opérée par ses soins entre l'ancien et le nouveau baptistère. Enfin tous les sanctuaires nouvellement édifiés sont immédiatement pourvus par le prélat d'un dépôt sacré : qu'il s'agisse de fondations épiscopales, tel le baptistère déjà cité, Yoratorium atrii beati Martini, l'oratoire d'Ar- tanne ou encore ces ecclesiae et oratoria que Grégoire dit avoir dédiés en de nombreuses localités de Touraine en les honorant de reliques de saints300; ou qu'il s'agisse de sanctuaires élevés sur initiatives privées, comme la basilique construite par des moines à Tours en l'honneur de Julien ou l'église bâtie à Pernay par le laïc Litomeris et pour lesquels, ici et là, les fondateurs ont sollicité de l'évêque des pignora. De ce fait, la translation et le dépôt des brandea constituent dès lors les actes essentiels pour la dédicace d'un nouvel édifice. Cette cérémonie, à l'époque de Grégoire, revêt une grande solennité. Elle est précédée de vigiles célébrées au chant des psaumes dans un sanctuaire anciennement consacré au culte, où les reliques ont été déposées sur l'autel pour la nuit301. Au matin, une procession s'organise pour la translation des brandea : l'évêque, les mains voilées302, porte la châsse, elle-même recouverte de voiles303, où ont été placées les reliques; il est suivi d'un cortège de prêtres, de diacres et de fidèles304. Arrivé à destination, le prélat bénit l'autel et célèbre sur celui-ci une première messe305. Puis la châsse est placée dans l'autel où a été aménagé à l'avance un loculus

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pour la recevoir306. L'hôte céleste a dès lors pris possession de sa nouvelle demeure. Par leurs reliques, ainsi distribuées dans tous les sanctuaires, martyrs et confesseurs venus de toutes les régions de la chrétienté sont présents dans la cité à laquelle ils apportent leur protection.

2) Les tombeaux des confesseurs tourangeaux

Et cependant depuis un peu plus d'un siècle, la communauté tourangelle avait acquis la certitude qu'elle possédait en propre, avec la dépouille du second de ses évêques, un corps saint, celui d'un confesseur dont l'âme avait été, comme l'écrivait déjà Sulpice Sévère, «recueillie dans le sein d'Abraham»307. À l'adresse du bienheureux admis à participer à la gloire céleste l'Église tourangelle faisait monter, aux jours de fête, ses prières et ses hymnes; mais elle accordait aussi en permanence au tombeau où reposaient ses restes les marques de vénération réservées à la plus précieuse des reliques. Quand et comment est né, puis s'est développé le culte voué au sépulcre de Martin?

Le premier honneur officiellement308 rendu à son tombeau fut, peu avant le milieu du Ve siècle, la construction au-dessus de ce dernier d'un sacellum. L'hommage était encore fort modeste et, quelques décennies plus tard, Sidoine Apollinaire s'indignait qu'il eût été si chichement mesuré309. L'édifice, qui n'était certainement pas encore placé sous le patronage de Martin, apparaît comme une simple chapelle funéraire destinée essentiellement à protéger la sépulture de l'injure des intempéries310. La cellula était en effet de dimensions trop exiguës pour accueillir en grand nombre les dévots du saint. Et surtout le sarcophage dans lequel ce dernier avait été enseveli n'y était point mis en

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valeur : la cuve funéraire demeurait à demi-enfouie dans le sol qu'il fallut creuser pour l'en extraire, lors de la translation plus tard ordonnée par Perpetuus311. Si une brève épitaphe indiquait peut-être le jour du décès, aucun elogium ne célébrait les mérites du disparu qu'évoquait seulement une couronne votive suspendue au-dessus du tombeau312, symbole de la victoire remportée par l'athlète du Christ. Bref, l'Église tourangelle ne glorifiait pas encore le corps saint d'un confesseur que sa virtus aurait égalé aux martyrs. Les honneurs concédés allaient à la dépouille d'un saint évêque dont on faisait mémoire au jour anniversaire de sa depositio ; ils n'excédaient guère ce que la simple pietas exige, en faveur d'un défunt regretté, de la part d'une communauté dont il avait été le père spirituel.

Que tous les fidèles ne se soient pas satisfaits de ces simples honneurs funèbres, que certains d'entre eux, vouant déjà à la tombe de Martin — à titre privé — un véritable culte, aient souhaité voir ce dernier officialisé, c'est là ce que suggère le poème de Sidoine Apollinaire et ce que confirme le succès éclatant des dispositions nouvelles prises par Perpetuus. Dans la grande basilique que cet évêque édifie en l'honneur de son saint prédécesseur et qu'il place sous son patronage, le sarcophage, transféré en grande pompe, est désormais offert à l'admiration et à la vénération des visiteurs : l'abside très allongée, dans laquelle il est déposé, constitue, derrière l'autel, un véritable martyrium; Vabsi- da corporis313, comme la nomme Grégoire, a été conçue pour servir d'écrin au tombeau qui se dresse au-dessus du sol314 et se situe au cœur, sinon au centre géométrique315, d'un espace intérieur assez vaste pour permettre aux pèlerins de circuler commodément à ses abords ou de s'y tenir en prières. Sur le sépulcre est posé le marbre précieux que l'évêque d'Autun a fait envoyer à Perpetuus pour manifester sa dévotion à Martin316. Les fragments d'une dalle sculptée dans ce matériau, qui furent retrouvées lors des fouilles de 1860, appartenaient-ils à cet

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opertorium comme le pensait déjà C. Chevalier317? Leur décor — une grande croix gemmée dont subsiste la partie inférieure ainsi que le bras gauche, un candélabre allumé dont il reste la partie supérieure318 — a été très probablement incisé au Ve siècle319 dans un marbre qui pourrait provenir de carrières proches d'Autun320. Quoiqu'il en soit, plus explicites encore que cet aménagement, des inscriptions, composées à la demande de Perpetuus et gravées sur les parois de l'abside, proclament la sainteté glorieuse et efficace du corps enseveli dans le tombeau : ce dernier ne contient pas des restes vénérables mais inanimés ; il recèle des reliquiae, dans lesquelles se manifeste la présence vivante et toujours agissante de Martin. À une première inscription qui, sur l'un des côtés de l'abside, évoque le saint recevant dans le ciel la couronne de justice fait pendant321, sur l'autre côté, un titulus qui affirme clairement que ce dernier n'a point déserté la terre : Hic conditus est sanctae memoriae Martinus episcopus, cujus anima in manu Dei est; sed hic totus est praesens, manifestus omni gratia virtutum 322. Une troisième inscription, au-dessus du tombeau (item desuper) reprend la même idée : Martinus caelo praeminet, hic tumulo323. Enfin le poème commandé à Sidoine et qui figurait aussi dans l'abside (item in absida) exalte dans ses deux premiers vers le corps saint :

Martini corpus tous venerabile terris In quo post vitae tempora vivit honor . . . 324.

Nantis de ces assurances, les visiteurs affluent de plus en plus nombreux à partir de la fin du Ve siècle, dans l'espoir de bénéficier des

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salutaires effluves qui émanent du tombeau. Autour de ce monument sacré, l'Église tourangelle déploie le fastueux appareil d'un décorum qui en manifeste l'auguste majesté. Ces aménagements, dont d'autres martyria en Gaule offrent aussi l'exemple, nous sont surtout connus grâce au témoignage porté par Grégoire. Mais ils remontent certainement, pour une part au moins, à l'époque de Perpetuus. On note tout d'abord que le tombeau est en permanence illuminé325. Des candélabres

— ceroferales — 326, sans doute semblables à celui qui figure sur la dalle de marbre retrouvée en 1860, portent des cierges, dont la cire alimente la combustion d'une mèche en papyrus327. Des lampes — lychni — pendent du plafond de la basilique328 et plusieurs d'entre elles sont suspendues au-dessus du sépulcre, puisque l'huile qu'elles consument, réputée pour ses propriétés curatives, est couramment dénommée oleum de sepulcro beati Martini329. La clarté produite par ce luminaire «chasse, écrit Grégoire, en jouant sur le sens matériel et spirituel des termes, les ténèbres de la nuit»330 : elle symbolise la lumière de la foi dont Martin

— lumen nostrum — 331 a éclairé et continue d'éclairer les Gaules, ainsi sans doute que la lumière de la gloire éternelle dont il resplendit dans le ciel332. En dépit de cet éclairage, est soigneusement préservé cepen-

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dant le mystère qui réside en ces lieux sacrés333. Telles celles d'un grand reliquaire de pierre, les parois de l'abside sont recouvertes à l'extérieur d'une pallula334 et, à l'intérieur, de voiles suspendus335. Certains de ces vela couvrent aussi, semble-t-il, les chancels qui entourent le tombeau336. Ce dernier est lui-même revêtu d'une palla que Grégoire compare à la robe du Rédempteur337. Il y a en effet dans le tombeau d'un saint quelque chose de divin — divinum aliquid — 338 qui l'apparente à l'autel où l'on célèbre le saint sacrifice. Cette similitude est tellement ressentie que le sépulcre est dépouillé le Jeudi Saint de sa palla, comme le sont les autels de leur nappe liturgique, pour être, comme eux, lavé à grande eau339. C'est le seul jour de l'année où la majesté du saint, toujours présent à son tombeau, n'est point revêtue des voiles qui le protègent des regards indiscrets, sinon de la main hardie de certains

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fidèles, osant parfois toucher la pierre du sépulcre et même en arracher quelque fragment. Le culte voué au corps saint du confesseur a pris un tel essor qu'il s'organise aussi officiellement autour des «lits»340 où reposa Martin, à Marmoutier et à Candes. Dans le grand monastère d'outre-Loire, quelques disciples fervents avaient, après la mort de Martin, préservé le pauvre mobilier dont l'ascète se contentait dans sa vie quotidienne; une inscription métrique, composée par l'un d'entre eux, énumère ces pieux souvenirs; elle mentionne le tabouret sur lequel le saint s'asseyait dans la journée et décrit plus longuement le «lit» où il prenait quelque repos la nuit : sur une banquette probablement taillée dans le roc, des cendres recouvertes d'un cilice et, pour oreiller, une pierre341. De même à Candes, on conservait l'humble couche — encore des cendres et un cilice, au témoignage de Sulpice Sévère — sur laquelle il avait rendu le dernier soupir342. À la vénération spontanée dont certains fidèles entouraient depuis longtemps ces lits de Martin, l'Église tourangelle, dès l'époque de Perpetuus343, a donné sa caution officielle : à Marmoutier344 et à Candes345, des chancels, recouverts d'un pallium de soie, délimitent et protègent les lieux jadis sanctifiés par le corps du confesseur.

De saints personnages, qui ont mené une vie édifiante en Touraine et y ont été ensevelis346, obtiennent eux aussi, dans le sillage de Martin et probablement des autres évêques inscrits par Perpetuus à son calendrier liturgique347, l'hommage d'un culte rendu à leur sépulture. Nous

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les connaissons presque uniquement348 grâce à Grégoire qui leur dédie soit un chapitre du De gloria confessorum, soit un livre des Vitae Patrum, voire parfois les deux. Contrairement à ce qui s'était passé pour Martin, l'œuvre de l'hagiographe — sauf peut-être dans un cas, celui de Maxime pour lequel Grégoire avait entre les mains une première Vita349 — est l'aboutissement, la consécration d'une évolution qui a déjà assuré antérieurement à chacun de ces bienheureux l'honneur d'être vénéré in corpore à son tombeau. Et c'est précisément dans la mesure où ils rendent compte des différents processus grâce auxquels la sainteté de tel ou tel fut reconnue ou découverte, ensuite authentifiée, puis finalement célébrée officiellement, que ces écrits offrent un grand intérêt.

Grégoire nous présente au total 13 confesseurs tourangeaux350 qui doivent cette dernière qualité, pour la plupart d'entre eux (8 sont sûrement dans ce cas), non à la naissance mais au choix délibéré qu'ils ont fait de venir vivre et mourir dans la cité de Martin351. Si l'on met à part

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Solemnis dont la personnalité est totalement inconnue de l'historien, ce sont tous soit des clercs, soit des religieux ou des religieuses. Ceux qui ont embrassé la profession monastique sont cependant de loin les plus nombreux. Parmi eux on recense quatre femmes : Britta et Maura, vir- gines Deo sacratae, avaient fait vœu de virginité, sans s'intégrer, semble- t-il, à une communauté352; en revanche Papola, après avoir revêtu des vêtements masculins, est entrée, pour échapper à sa famille, dans une congrégation de moines; quant à Monegundis, elle a réuni à Tours une petite communauté féminine dont elle a assuré la direction jusqu'à sa mort. Parmi les religieux, Maxime, à Chinon, Venant, à Tours même, Ursus, à Loches puis à Sennevières, où lui succède Leobatius, se sont tous quatre illustrés dans les fonctions d'abbé. Leobardus a vécu en ermite dans une cellule proche de Marmoutier. Seuls trois confesseurs s'étaient enrôlés dans les rangs du clergé; mais à l'exception de l'évê- que Benignus venu à Tours en peregrinus et sans doute décédé durant ce pèlerinage, ces clercs ont mené, loin du monde, une existence ascétique : le prêtre Jean demeurait reclus dans une cellule voisine de l'église de Chinon; Senoch, bien qu'il ait été successivement promu au diaconat et à la prêtrise, a fondé un petit monastère où il vivait en reclus, dans sa cellula™*, une partie de l'année. C'est cette pratique de l'ascèse, commune à tous ces personnages, qui a valu à la plupart d'entre eux la grâce d'opérer de leur vivant des miracles au profit de leurs prochains et tout particulièrement de pouvoir guérir ceux-ci de leurs maux physiques. Ainsi les voies qui ont acheminé à la sainteté ces hommes et ces femmes sont celles qu'avait empruntées Martin; ce dernier, a dessiné

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un certain modèle de vie sainte auquel les «confesseurs» tourangeaux se sont conformés et auquel se réfère leur biographe. La profession monastique, à laquelle Martin était resté indéfectiblement attaché, apparaît comme la plus propice — sinon la seule, en des temps où il n'est plus guère donné de témoigner par le martyre — pour acquérir des mérites au jugement de Dieu.

Mais la condition du moine est aussi celle qui est la plus favorable pour que ces mêmes mérites soient connus des hommes et célébrés par l'Église. On peut parvenir à cette conclusion, en prenant pour point de départ les constatations suivants : bien qu'aucun d'eux, à l'exception de Maxime, n'ait trouvé un biographe avant que Grégoire ne se mette au travail, ce dernier est dans bien des cas parfaitement informé de la vie des confesseurs tourangeaux. Certes, l'évêque-historien n'a eu aucune peine à obtenir des témoignages sur Jean de Chinon ou Monegundis qui furent ses contemporains ou presque et il a connu personnellement Leobardus et Senoch. Mais à propos de Venant, d'Ursus et de Leobatius — sans parler de Maxime — qui avaient vécu près d'un siècle avant lui, Grégoire dispose de renseignements tout aussi précis. Aussi apparaît-il surprenant par contraste qu'il sache si peu de Papola et encore moins au sujet de Benignus, de Britta et de Maura ainsi que de Solemnis : c'est au point qu'il est incapable de situer aucun d'eux dans le temps. Or, à priori, rien ne laisse supposer que ces cinq personnages appartiennent à un passé particulièrement lointain de l'histoire de Tours. On doit remarquer que ces derniers confesseurs ont en commun — c'est à peu près tout ce que Grégoire peut nous apprendre à leur propos — d'avoir été des isolés dans la vie comme dans la mort. Benignus, un étranger qui n'avait aucune attache en Touraine, les vierges Britta et Maura, qui s'étaient sans doute recluses dans la maison familiale, Solemnis, dont la personnalité s'enveloppe d'un total mystère, ont été ensevelis après leur décès dans des lieux écartés et abandonnés : la sépulture de l'évêque peregrinus était recouverte de buissons et de ronces354, celle des deux vierges disparaissait sous un monticule plein d'épines, de ronces, de vignes sauvages et de broussailles épaisses; quant à Solemnis, il était inhumé à Maillé (Luynes) dans une crypte secrète, au milieu de ruines désertées par les hommes. Apparemment méconnus ou tombés dans l'oubli, les uns et les autres se font connaître bien après leur mort aux

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habitants du voisinage : Benignus se manifeste en songe à un pauvre homme qui, pour couvrir la tombe de son fils, s'était emparé du couvercle d'un grand sarcophage recelant — le bruit en courait — le corps d'un saint prélat. Devenu sourd, muet, aveugle et paralytique, le coupable, dès qu'il apprend le nom et la qualité du défunt, de la bouche même de ce dernier, fait remettre Yopertorium en place, afin d'obtenir sa guérison. Britta et Maura apparaissent à un paysan pour lui intimer l'ordre d'édifier un oratoire sur leur tombe que la renommée et d'étranges phénomènes lumineux désignaient depuis longtemps comme celle de vierges saintes; c'est à l'évêque Eufronius, qui avait d'abord refusé de venir consacrer le nouveau sanctuaire, qu'elles déclinent leur identité au cours d'une apparition nocturne. Deux possédés, arrivant de la basilique Saint-Martin, indiquent aux habitants de la région de Maillé, déjà troublés par de mystérieuses lumières éclairant les ruines, l'emplacement de la crypte où, avouent-ils, repose un saint, Solemnis. Dans chacun de ces épisodes, il y a donc eu invention du tombeau, à la suite d'une révélation confirmant et précisant ce que la rumeur laissait seulement pressentir jusque là. Dans ces conditions, on s'explique que Grégoire n'ait su de ces saints personnages que le peu qu'ils auraient bien voulu révéler d'eux-mêmes. Le cas de Papola est différent puisque cette dernière, travestie en homme, avait partagé la vie d'une communauté de moines, auxquels elle n'avoua son secret qu'à la veille de sa mort et que, après celle-ci, elle fut pieusement ensevelie par les frères dans le monastère. Mais l'aventure de Papola est si étroitement calquée sur l'histoire de sainte Eugénie qu'on peut se demander si Grégoire n'a pas ici — en toute bonne foi — recueilli une légende forgée sur un modèle qui a inspiré de nombreux hagiographes355.

En revanche, les confesseurs, au sujet desquels Grégoire est en mesure de fournir des renseignements historiquement circonstanciés, ont tous appartenu à une communauté de religieux ou du moins vécu dans la mouvance d'un monastère. L'abbesse Monegundis, les abbés Maxime, Ursus, Senoch, Leobatius et Venant ont, jusqu'à leur mort, dirigé avec fermeté et dévouement un établissement qu'ils avaient, à l'exception des deux derniers, eux-mêmes fondé. Pleures par les monia-

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les ou par les frères, ils ont tous été ensevelis dans la cellule qu'ils occupaient de leur vivant. Quant à Jean et à Leobardus, bien qu'ils aient choisi de vivre en solitaires, ils habitaient, le premier une cellula proche du monastère créé par Maxime, le second une grotte voisine de Marmoutier, où furent ensuite établies leurs sépultures respectives. Ainsi le renom de sainteté qui s'est attaché à tous ces personnages est né et s'est développé dans un milieu monastique, où s'est durablement maintenu, après leur disparition, le souvenir de leurs vertus et de leurs hauts faits. C'est cette tradition pieusement entretenue dans chaque communauté que Grégoire a recueillie à leur propos.

Le culte dont les confesseurs tourangeaux sont l'objet à leur tombeau s'est également établi de façon différente, selon que leur sainteté avait déjà été reconnue de leur vivant par ceux dont ils partageaient l'existence ou qu'elle fut révélée tardivement, après leur mort, par un simple intermédiaire. Dans ce dernier cas, après l'invention du corps, l'intervention de l'évêque paraît avoir été décisive. Certes les manifestations surnaturelles, qui avaient préludé à la découverte du tombeau ou l'avaient accompagnée, étaient en elles-mêmes propres à susciter la crainte révérencielle des habitants du voisinage à l'égard de défunts qu'ils étaient enclins à vénérer spontanément comme des saints. Mais face à un mystère qui demeurait quelque peu inquiétant, la prudence prévalut : peut-être se souvenait-on encore de la grossière erreur — ensuite dissipée par Martin — qui avait jadis fait prendre la tombe d'un brigand pour celle d'un martyr. Pour instaurer le culte nouveau, il était préférable d'obtenir la caution de l'autorité episcopale. Ainsi à l'évêque Eufronius, appelé pour bénir l'oratoire élevé par un simple fidèle sur la tombe de deux vierges, fut réservée la mission d'identifier les saintes et de proclamer leurs mérites. Bien que les possédés qui désignèrent la sépulture de Solemnis aient pu apparaître inspirés et guidés par Martin, Grégoire vint en personne à Maillé pour vérifier ce qui lui avait été rapporté au sujet d'une invention, semble-t-il, très récente : les témoignages qu'il recueillit sur les miracles advenus depuis lors en ce lieu lui permirent de reconnaître en Solemnis un authentique confesseur; le tombeau de ce dernier reçut en conséquence les honneurs réservés aux sépultures saintes : un voile pour le couvrir et des lumières pour l'éclairer356. C'est sans doute faute d'une intervention episcopale directe que

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la tombe de Benignus demeura privée de tels hommages; à vrai dire Grégoire lui-même, bien qu'il ait rangé le prélat peregrinus au nombre des confesseurs, ne trouve rien à raconter à son propos qui justifie vraiment ce titre ; son récit est surtout destiné à enseigner le respect dû aux sépultures chrétiennes et notamment à celle d'un évêque.

Abbés, abbesse ou moniale qui étaient déjà de leur vivant tenus pour saints par leur entourage ont reçu, immédiatement après leur mort, les honneurs d'un culte qui est né au sein de leur communauté respective et s'est développé autour de cette dernière, sans que l'intervention de l'évêque ait été requise. Suivant une pratique générale, la cellule que chacun d'eux avait sanctifiée durant sa vie — et où l'on conservait parfois pieusement son lit357 — fut convertie en chapelle funéraire, où désormais fut vénéré son tombeau, protégé de chancels358 et recouvert d'une palla359. Certes les sépultures de Leobatius et de Leo- bardus ne semblent pas avoir attiré de nombreuses visites : mais le premier de ces confesseurs était honoré surtout en sa qualité de disciple d'Ursus, dans l'ombre de son prédécesseur; quant au second, il était mort depuis trop peu de mois, lorsque Grégoire rédigea sa Vie, pour qu'il ait eu le temps de manifester sa virtus posthume. Toutes les autres biographies montrent que les fidèles n'ont pas tardé à affluer et les miracles à fleurir aux tombeaux des saints moines et des saintes moniales. C'est que la communauté, à laquelle chacun d'eux avait appartenu et qu'il avait illustrée, a certainement travaillé à diffuser le culte d'un confesseur dont la renommée rejaillissait sur elle. Il ne fallut pas longtemps ensuite pour que le monastère passe, tel celui dans lequel était entré Venant360, sous le patronage du saint qui faisait sa gloire. Au rayonnement de celle-ci, Grégoire a cependant apporté une importante contribution : en sa qualité d'évêque il a donné une solennité et un éclat particuliers aux cérémonies célébrées en l'honneur des deux bienheureux qu'il avait approchés, Senoch et Leobardus. Et surtout, hagiogra-

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phe, il a assuré par ses écrits361 une plus large diffusion au culte de tous les confesseurs tourangeaux.

À la fin du VIe siècle, l'Église tourangelle dédie un culte à un grand nombre de saints, martyrs ou confesseurs, étrangers ou indigènes : elle a continuellement œuvré, au cours des deux siècles précédents, pour appeler sur la communauté locale la protection de nombreux patrons qui, souvent présents par leurs reliques, sont devenus ses intercesseurs auprès de Dieu. Mais depuis l'épiscopat de Perpetuus, Martin occupe en fait, dans la liturgie tourangelle, une place privilégiée qu'aucun autre bienheureux ne lui a par la suite ravie ; bien au contraire, en dépit de la multiplication des courants de dévotion au cours du VIe siècle, son rôle dans la vie religieuse de la cité n'a cessé de croître.

À l'égal de l'apôtre Pierre, Martin reçoit l'hommage exceptionnel d'un double anniversaire annuel. Mais la mémoire du saint confesseur se trouve aussi étroitement associée à la célébration des principales fes- tivitates du temporal et du sanctoral. D'une part, la grande basilique qui lui est dédiée sert de cadre, dans l'organisation d'une liturgie sta- tionnale conçue par Perpetuus, aux anniversaires du Baptiste et de plusieurs saints ou martyrs gaulois ainsi qu'aux fêtes de la Résurrection et de l'Ascension du Seigneur; bien plus, on constate qu'à l'époque de Grégoire, à Pâques et à la Noël, la communauté tout entière, après s'être réunie, selon les prescriptions du calendrier de Perpetuus, à l 'ecclesia, se transporte en procession à Saint-Martin où se déroulent d'autres cérémonies; de même, l'évêque célèbre souvent la synaxe dominicale dans la basilique martinienne. D'autre part le souvenir de Martin est commémoré en bien d'autres sanctuaires de la cité; notamment, lors de ses anniversaires, dans ceux, nombreux, qui détiennent ses brandea, mais également, à diverses époques, en des lieux qu'il a de son vivant sanctifiés par sa présence : c'est ainsi qu'à Marmoutier les fidèles ont l'habitude, depuis le temps de Perpetuus au moins, de se rendre en pèlerinage le jour de Pâques, après avoir assisté à des offices dans l'ecclesia et dans la basilique suburbaine. La cathédrale elle-même, bien qu'elle ne soit pas placée sous le patronage du confesseur, finit par être

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considérée comme un sanctuaire martinien : Grégoire la définit comme l'église «où le bienheureux Martin a été consacré à la fonction episcopale»362. Et c'est sans doute la raison pour laquelle, bien qu'il ait replacé dans l'ecclesia les reliques des martyrs d'Agaune qui la sanctifiaient, l'évêque historien n'a point fait représenter sur ses murs l'héroïque sacrifice de Maurice et de ses compagnons, mais, accompagnés des vers de Fortunat leur servant de légende, les miracles accomplis par Martin de son vivant363.

Ainsi de la fin du Ve siècle jusqu'à la fin du siècle suivant, le culte de Martin, qui est peu à peu devenu le chef de la cohorte céleste commise à la protection de Tours, a progressivement envahi le temps et l'espace dans la cité qui le reconnaît pour son intermédiaire privilégié auprès de Dieu.

Chapitre VII. La cité du pèlerinage martinien

Les églises et les basiliques dont s'est dotée la ville de Tours servent régulièrement de cadre aux réunions du peuple chrétien que préside l'évêque : à tous les membres de la communauté s'impose, d'obligation, l'assistance aux offices du dimanche et des grandes fêtes chrétiennes dans les différents édifices où le calendrier les établit au long de l'année liturgique. Les sources, qui évoquent à maintes reprises la participation des fidèles tourangeaux à ces services religieux, notent aussi, et plus fréquemment encore, la présence, dans certains sanctuaires de la cité, de dévots qui, spontanément et en tout temps, y accomplissent une démarche de caractère plus privé. Ces pieux visiteurs sont très souvent des étrangers à la ville et au diocèse. Mais qu'ils aient dû entreprendre un long déplacement ou qu'ils viennent presque en voisins, ces hommes et ces femmes se distinguent des simples fidèles surtout par l'intention particulière qui les anime et fait d'eux des pèlerins. Ils ont en effet librement fait choix du sanctuaire qui leur paraissait le plus propice à la réalisation d'un vœu personnel : celui où la puissante intercession d'un saint patron auquel les attache une dévotion spéciale peut assurer à leur requête personnelle — c'est là ce qu'ils espèrent — une chance majeure d'être entendue et exaucée.

À la fin du VIe siècle, Martin, dont la réputation de thaumaturge est solidement établie, appelle dans la cité ligérienne un grand nombre de ceux qui placent tous leurs espoirs dans sa virtus : celle-ci passe pour s'exercer de façon plus efficace dans les lieux que le saint évêque a longuement illustrés de son vivant et plus encore sur le tombeau où il repose. Aussi les édifices sacrés où se perpétue son souvenir et tout particulièrement la grande basilique funéraire du suburbium exercent un pouvoir d'attraction bien supérieur à celui d'autres églises, déjà fort nombreuses, en Gaule notamment, qui possèdent de simples brandea

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du confesseur 1 : Tours, haut lieu du miracle, est devenue, au temps de Grégoire, la cité par excellence du pèlerinage martinien2.

Cette définition doit s'entendre aussi dans le sens où Martin possède à Tours le privilège presque exclusif de mobiliser la foule des pèlerins. Certes, la cité tourangelle est richement pouvue en corps saints3 et en reliques diverses qui attirent aussi un certain nombre de pieux solliciteurs. D'autres tombeaux que celui du moine-évêque y sont réputés pour les cures miraculeuses qui s'y produisent. Mais il s'agit de sépultures appartenant à de saints personnages qui, souvent venus eux- mêmes en pèlerins, ont achevé en Touraine le cours d'une vie méritante vouée au culte et à l'imitation de Martin4. C'est en qualité de disciples de l'apôtre, participant en quelque sorte de sa puissance surnaturelle, qu'ils sont sollicités de procurer, comme lui, certaines guérisons. Quant aux martyrs ou confesseurs qui, étrangers à la cité, y sont présents par leurs brandea, seuls parmi eux Nizier de Lyon et surtout Julien de

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Brioude réussissent à susciter la ferveur d'un contingent notable, encore que relativement faible, de visiteurs. Cependant la dévotion dont ce dernier est l'objet se mêle étroitement à la piété martinienne : dans la pensée de l'évêque Grégoire, qui a introduit le culte du martyr, dans celle de bon nombre de fidèles qui invoquent son aide, Julien se présente comme le compagnon céleste de Martin et son coadjuteur dans l'action posthume exercée ici-bas5. Ainsi donc ces divers courants de visites, mineurs par les effectifs qu'ils drainent, viennent confluer à Tours dans le flot puissant du pèlerinage martinien.

L'étude du mouvement ainsi défini doit en premier lieu s'efforcer de reconnaître quand et comment le pèlerinage est né et s'est développé pour atteindre cette ampleur que les écrits de Grégoire mettent en évidence dans la deuxième moitié du VIe siècle. C'est seulement pour cette dernière période, mieux connue grâce au témoignage de l'historien, que peut être ensuite entreprise une enquête systématique. Celle- ci, envisageant tout d'abord le pèlerinage comme un phénomène sociologique, tentera d'apporter réponse aux questions suivantes : quels sont ceux qui prennent la route de Tours pour venir y solliciter Yauxilium de Martin? Du courant, que déplace ainsi le renom des miracles opérés par le thaumaturge dans sa cité, peut-on — s'il est permis d'emprunter à l'hydrologie son vocabulaire — mesurer le débit et le régime? La recherche, qui ne saurait d'autre part ignorer la dimension proprement spirituelle du mouvement, doit enfin répondre à une dernière interrogation : que révèlent les pratiques auxquelles ils se livrent de la mentalité religieuse des pèlerins et de l'influence exercée sur celle-ci par la fréquentation des lieux saints tourangeaux?

I - Le développement du pèlerinage au travers de ses sources

L'histoire du pèlerinage tourangeau est suffisamment bien documentée pour qu'il soit possible de retracer les principales étapes de son

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développement et, mieux encore, de reconnaître les processus qui ont, en définitive, assuré le succès du mouvement. Les sources sur lesquelles se fonde l'enquête historique sont en effet, pour l'essentiel, constituées par des écrits qui furent, à l'origine, publiés pour servir une propagande organisée depuis Tours. L'Église tourangelle, en effet, ne s'est pas bornée à recueillir les profits d'une gloire que lui aurait acquise d'emblée et sans peine la possession du sanctum corpuscuîum. Tout au contraire, c'est grâce à la politique active de quelques-uns de ses chefs, grâce à leur volonté de porter publiquement témoignage, que Tours a progressivement conquis son renom de cité du miracle et attiré vers ses sanctuaires des foules de dévots de plus en plus nombreuses.

1) Sulpice Sévère : les origines lointaines du pèlerinage

Le pèlerinage trouve sa toute première et lointaine origine du vivant même de Martin : la virtus du saint évêque était déjà assez renommée — dans certains milieux tout au moins — pour attirer à Tours quelques visiteurs de marque qui venaient y chercher un apaisement à leur inquiétude spirituelle ou à leur souffrance physique6. C'est plus particulièrement à l'un d'entre eux, Sulpice Sévère, que revient le rôle d'avoir vraiment ouvert la route du pèlerinage. En donnant tout d'abord l'exemple de sa propre démarche : l'enquête historique, qui conduit Sulpice auprès de Martin, puis dans les lieux que ce dernier avait hantés de son vivant, se double d'une quête spirituelle. Les déplacements de l'écrivain en Touraine sont bien pour lui, au même titre que le voyage de son ami Postumianus aux Lieux Saints d'Orient, des pere- grinationes, même si ce terme est repris par son correspondant, Paulin de Noie, sur un ton d'ironie un peu amère7. Cependant, seules quelques

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âmes d'élite pouvaient être tentées de suivre la voie tracée par le disciple-biographe, venu à Tours «séduit par l'appel de la vie ascétique», pour chercher auprès de Martin lui-même ou de ceux qui l'avaient longuement connu les leçons de la sainteté8. Plus déterminante pour l'avenir du mouvement apparaît l'influence exercée indirectement par l'ensemble de l'œuvre de l'hagiographe : ses récits — notamment ceux de guérisons miraculeuses — , en alimentant la ferveur martinienne des générations successives, ont guidé sur les routes de Touraine nombre de pèlerins. Non que Sulpice Sévère, une fois le Maître disparu, ait manifesté dans ses écrits une vénération particulière pour la ville où Martin avait exercé la charge episcopale et reposait de son dernier sommeil : dans les Dialogues, il n'est jamais question de Tours qu'au passé, comme si, à la mort du saint évêque, cette cité était rentrée dans le néant obscur d'où la venue de ce dernier l'avait tirée. Une telle attitude était, on le devine, étroitement liée à un fait de conjoncture : dans Yepiscopatus Turonicae ecclesiae, tombé — comme son dernier voyage aux bords de Loire en 398 l'en avait convaincu9 — aux mains d'un disciple infidèle, Brice, l'écrivain ne reconnaissait plus l'évêché saintement gouverné par Martin; le bienheureux avait, à ses yeux, abandonné une ville où sa mémoire était laissée dans l'oubli. Et pourtant plusieurs épisodes narrés par le biographe étaient, tout au contraire, de nature à suggérer que les lieux fréquentés par Martin, les objets qu'il avait touchés demeuraient à jamais sanctifiés. Ainsi, par exemple, Gallus attestait que la paille, dans laquelle l'évêque, au cours d'une de ses tournées pastorales, avait couché une nuit, était ensuite devenue l'instrument de miracles guérisseurs; il racontait aussi qu'un énergumène amené à la porte du monastère de Martin avait été rendu à la santé avant même

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d'en avoir touché le seuil10. Dans ces anecdotes s'affirmait implicitement la conviction que tout ce qu'avait approché le thaumaturge s'était, à son contact, et pour toujours, imprégné de sa puissance surnaturelle. De là à conclure qu'à Tours, où il avait longtemps vécu et laissé sa dépouille mortelle, la virtus du saint confesseur continuait plus qu'ailleurs à se manifester, il n'y avait qu'un pas, aisé à franchir pour un public de lecteurs et d'auditeurs enclins à établir des rapports de nature quasi magique entre l'esprit et la matière.

Dans l'immédiat cependant les ouvrages de Sulpice Sévère, malgré le succès qu'ils obtinrent à leur parution, ne lancèrent pas le pèlerinage tourangeau. Pour qu'un tel mouvement pût s'amorcer, il fallait aussi que Tours fût prête à l'accueillir, que son Église consacrât, par les honneurs d'un culte officiellement organisé, les mérites passés et toujours actuels du confesseur et apportât à la ferveur des dévots l'encouragement et le soutien d'un encadrement spirituel. Or le successeur de Martin, Brictius, n'était pas encore disposé à reconnaître à l'évêque défunt les vertus que, du vivant de ce dernier, jeune prêtre, il lui avait déniées. Aussi n'est-ce pas vers Tours, désertée par les plus fidèles disciples du Maître, que les fervents admirateurs de Martin — ceux qui l'avaient connu ou qui le découvraient au travers de sa biographie — dirigeaient alors leurs pas : au début du Ve siècle, le pèlerinage martinien — si l'on peut employer ce terme pour un mouvement concernant seulement une petite élite éprise d'ascétisme — s'effectue à Primuliacum, là où, auprès de la tombe de Clarus, Sulpice et ses proches vivent et communient dans le souvenir de l'apôtre11.

2) Perpetuus et Paulin de Périgueux : le lancement du pèlerinage

Les premiers témoignages attestant l'existence du pèlerinage de Tours datent de l'épiscopat de Perpetuus. Le plus important, celui qu'avait porté cet évêque lui-même en rédigeant une charta de miracu- lis sancii Martini, nous est parvenu seulement dans la version poétique qu'à la demande de l'évêque composa Paulin de Périgueux et qui constitue le sixième chant du poème consacré par ce dernier à la gloire de

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Martin12. Il s'agit d'un recueil consignant des miracles procurés à Tours ou depuis Tours par la virtus posthume du confesseur; parmi ceux-ci les premiers en date ne remontent pas à une époque plus haute — comme l'indique la mention dans tous les épisodes d'un édifice abritant la tombe sainte — que la fin du règne de Brice. Plusieurs de ces événements miraculeux peuvent être datés avec précision. Grâce à ces quelques repères, on s'aperçoit que la composition ne tient aucun compte de l'ordre chronologique et qu'elle présente pêle-mêle des faits, tantôt contemporains de l'épiscopat de Perpetuus et se déroulant donc 1 dans la grande basilique élevée par les soins de cet évêque, tantôt antérieurs à son avènement et ayant pour cadre le premier sanctuaire modestement édifié sur le tombeau. Ainsi, par exemple, la victoire accordée grâce à l'intercession de Martin au maître de la milice Aegi- dius en 459 est évoquée avant les méfaits commis par les mercenaires huns de Litorius lors de leur passage à Tours en 437 13. C'est que les différents épisodes relatés ont été choisis pour leur valeur d'exempla et s'ordonnent pour construire une démonstration dont ils constituent les arguments concrets.

Les intentions du poète, très probablement celles que lui a assignées son commanditaire, Perpetuus, sont clairement énoncées dès les premiers vers : Martin, toujours vivant par ses miracles — vitam virtute probas, s'écrie Paulin à son adresse H — , dispense depuis son tombeau ses secours à ceux qui, en grand nombre, invoquent au loin son nom ou viennent l'implorer à Tours15. Martin est d'abord présenté comme le plus grand des médecins; ce thème, plusieurs fois repris en mineur dans la suite du poème, est largement traité dans les premières «strophes», où les talents du medicus sont illustrés par la guérison de nombreux possédés16. Le récit des combats d'Aegidius et de la victoire que ce dernier remporta à Arles sur les Wisigoths vient ensuite pour montrer quel puissant adjutor trouvent en Martin ceux qui l'invoquent à l'heure du péril17. Mais le confesseur se révèle aussi, dans un troisième volet, un sévère ultor à

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l'égard de qui suscite sa colère : une jeune paralytique qui, guérie après avoir fait vœu de se convertir, retourne ensuite à l'idolâtrie18, deux soldats huns qui avaient profané le premier sanctuaire dédié au saint 19, un mécréant qui faisait obstacle à la construction de la grande basilique funéraire20 en font tour à tour la cruelle expérience. Car les bienfaits que dispense Martin — le thème de la vengeance amorce un retournement rhétorique21 — ne vont qu'aux fidèles qui les méritent par l'ardeur de leur foi.

Le poète retrouve un ton plus serein pour aborder, dans la seconde partie de son chant, le chapitre des instruments matériels et des dispositions spirituelles susceptibles de procurer au suppliant les médications ou Yauxilium de Martin22. Déposée dans un vase sur le tombeau et s'y imprégnant de ses saints effluves, l'huile est susceptible de guérir toutes les maladies23; tout aussi efficace peut se révéler la cire des chandelles brûlant dans le sanctuaire24. Mais ces médications ne réussissent qu'aux malades qui y recourent avec une humble confiance dans la puissance du thaumaturge. Cette même disposition de cœur est indispensable à ceux qui, menacés par les éléments hostiles — l'eau, le vent, le feu — désirent obtenir le secours du confesseur. En invoquant avec ferveur le «Dieu de Martin», un matelot arrache à une perte certaine son navire immobilisé par le calme plat en pleine mer25; en une autre circonstance, c'est des flots déchaînés par la tempête que la prière sauve des Tourangeaux embarqués sur la Loire26. Tout aussi confiant que ceux-ci dans la virtus de Martin, un dévot détourne de ses plantations les orages dévastateurs avec un peu de cire provenant de la basilique Saint-Martin et un autre maîtrise par le même moyen un incendie allumé dans sa maison27.

Le livre VI du poème, qui s'ouvrait sur le spectacle des foules accourant à Tours et offrait ensuite l'exemple de quelques visiteurs miraculés28, s'achève donc avec l'évocation de trois pèlerinages : l'un,

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collectif, qui conduit chaque année à Pâques le peuple tourangeau à Marmoutier29, les deux autres, individuels, qui sont entrepris par des hommes pleins de foi venus chercher à la basilica sancii Martini un peu de «cire sainte» pour attirer sur leur personne et sur leurs biens la bénédiction du confesseur30. En insistant sur les bienfaits recueillis par ces visiteurs, Paulin engageait ses lecteurs à suivre leur exemple. D'ailleurs déjà, dans un développement qui, au livre V, interrompt le cours du récit emprunté à la biographie de Sulpice Sévère, le poète avait rangé la cité ligérienne parmi les sanctis religione locis qui méritent le déplacement31. À tous les fidèles dans l'incapacité de se rendre aux lieux sacrés entre tous de la lointaine Palestine, la miséricorde divine, expliquait Paulin, dispense des secours plus proches, plus accessibles. Elle se manifeste dans tous les endroits que les martyrs et les confesseurs ont sanctifiés par leur sacrifice ou leurs mérites : dans cette répartition géographique providentielle, Tours apparaît comme le lieu privilégié de la Gaule, où chacun des habitants de ce pays peut venir faire appel à l'intercession de Martin.

Quelques-uns des récits qui, dans le poème, mettent en scène des visiteurs accourus à Tours pour y solliciter le secours de Martin se situent sûrement à une époque antérieure à l'accession de Perpetuus au siège tourangeau32. L'érection, dans le deuxième quart du Ve siècle, d'une petite chapelle funéraire avait probablement déjà incité des dévots à se rendre sur la tombe du confesseur auquel l'Église tourangelle accordait cet hommage officiel. Mais il ne s'agissait encore, sans aucun doute, que de quelques initiatives isolées. C'est à Perpetuus que revient le mérite d'avoir donné le premier élan à un mouvement d'ampleur plus considérable. Toutes les sources en témoignent, l'organisation du pèlerinage martinien a été l'un des grands desseins de son épiscopat. Pour la réussite de ce projet, Perpetuus a en effet mis en œuvre tous les moyens dont il pouvait disposer : l'édification d'une nouvelle basilica

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sancii Martini, plus digne par son architecture du confesseur qu'elle voulait honorer, mais aussi beaucoup plus spacieuse (capaciorem, précise Sidoine, en soulignant par ce terme les préoccupations concrètes du bâtisseur)33; le soin apporté à orner les murs de l'édifice d'images et de légendes destinées à conforter chez les fidèles l'espérance confiante placée dans la virtus de Martin34; l'institution dans le sanctuaire d'un cycle de fêtes solennelles célébrées avec un grand faste liturgique35; tout ceci n'a pas été conçu pour satisfaire les seuls besoins du peuple tourangeau, mais afin d'accueillir en grand nombre des visiteurs étrangers en quête d'un secours.

Dans ce programme la charta de miraculis mise en vers par Paulin apparaît comme une sorte de manifeste destiné, après tous ces préparatifs, à lancer le pèlerinage : en publiant les preuves que la puissance de Martin était toujours active, l'œuvre entendait clairement associer à la gloire du confesseur la ville de Tours, où ce dernier continue d'opérer avec prédilection : Perpetuo urbs Turonum Martino antistite gaudet, concluait le poète36. En mettant l'accent principalement sur les guéri- sons procurées à son tombeau par le thaumaturge, en énumérant avec complaisance les maladies, infirmités et troubles de toute sorte37 que ses médications, elles-mêmes longuement décrites, soulageaient, Perpetuus et son interprète souhaitaient guider vers Tours, pour qu'elle y bénéficie de ces cures miraculeuses, la plus vaste «clientèle». Une publicité de cette nature ne pouvait manquer de rencontrer un large écho : la renommée du medicus était, plus que celle de l'ascète guérisseur d'âmes, propre à attirer des visiteurs. Toujours dans le même dessein, Perpetuus avait donné un grand éclat à la dédicace de la basilique nouvelle, où furent conviés «les prélats des environs ainsi qu'une multi-

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tude considérable d'abbés et de clercs de tous ordres»38. Parallèlement à la geste poétique consacrée par Paulin de Périgueux à la gloire posthume de Martin et dont la lecture était réservée à une élite, le témoignage oral de ces ecclésiastiques, revenus auprès de leurs ouailles, pouvait diffuser dans un public plus étendu la renommée de puissance du confesseur de Tours. Pour que le mouvement ainsi préparé et amorcé s'amplifiât, Perpetuus comptait enfin sur les pèlerins eux-mêmes, sur leur ardeur à répandre, à leur retour, le bruit des faits miraculeux dont ils avaient été, sinon les bénéficiaires, du moins les spectateurs. Une des pièces métriques gravées dans la basilique par les soins de l'évêque, celle qu'avait composée Paulin de Périgueux39, exprime clairement ce vœu : elle incite le visiteur à imprégner son regard de tout ce qu'il y voit; à contempler tout d'abord les images ornant la partie supérieure des murs et composant un cycle iconographique qui fait une large place aux miracles maintes fois renouvelés par Martin; puis, en abaissant les yeux, à observer les scènes qui se déroulent présentement dans le sanctuaire, celles qu'offrent les possédés et les malades sollicitant de leurs prières — souvent avec succès — le thaumaturge. Et l'inscription de conclure par cette invitation faite à chaque pèlerin — et sans doute réitérée par l'évêque lorsqu'il s'adressait à l'auditoire rassemblé dans la basilique — de porter désormais témoignage de la virtus toujours efficace de Martin :

Accedis reliquis inter tot milita testis

Dum narranda vides sollers et visa retexis40.

Que le courant du pèlerinage, ainsi lancé par Perpetuus, soit allé très rapidement, comme l'espérait l'évêque, s'amplif iant presque de lui- même, on ne saurait en douter. Non qu'il faille prendre au pied de la lettre les affirmations du poète, lorsque celui-ci, maniant sans retenue l'hyperbole, proclame qu'à Tours, «des diverses parties du monde accourent en foule des milliers de malheureux accablés d'infirmités sans nombre»41. Mais d'autres sources témoignent du renom grandissant de

532 L'ÉDIFICATION DE LA CITÉ MARTINIENNE

Martin et d'un premier et réel succès du pèlerinage tourangeau : elles attestent la venue à Tours, dans les dernières décennies du Ve siècle, de pieux personnages issus de régions et de milieux divers, mais partageant une commune dévotion pour le confesseur. La Vie des Pères du Jura met en scène un frère de Condat, le moine Dativus, qui, échappant à la férule de l'abbé Lupicinus (circa 460-490), prit le chemin de la basilique de Tours. Il venait y chercher une réponse aux questions qui le tourmentaient. Eclairé par la prière et les paroles que la virtus de Martin arrache à un possédé, il prend conscience que son devoir est de regagner son monastère et de s'y soumettre avec obéissance à la règle42. Quelques années plus tard, alors que l'abbé Oyend avait succédé à Lupicin, un autre membre de la communauté, le prêtre Antidiolus conservait dans sa cellule, toujours au témoignage de l'hagiographe, une «ampoule d'huile de saint Martin» qu'il avait très certainement rapportée d'une visite au tombeau du confesseur43. Le renom du pèlerinage tourangeau, qui, dans la deuxième moitié du Ve siècle, avait donc déjà pénétré jusque dans les solitudes du Jura, s'était répandu dans d'autres régions. La parisienne Geneviève, se trouvant à Orléans, s'embarqua sur la Loire pour aller se recueillir dans la grande basilique tourangelle : le récit de la Vita Genovefae note la présence, dans le sanctuaire, de nombreux malades, des possédés en particulier, venus y chercher un remède à leurs maux et dont quelques-uns furent guéris grâce aux prières de la sainte44. Les biographies que Grégoire consacra aux «confesseurs» tourangeaux nous font également connaître des pèlerins qui, vers la même époque, s'établirent à demeure dans la cité de Martin : originaire de Cahors, Ursus, après un séjour en Berry, gagna la Touraine où, à Sennevières, puis à Loches, il rassembla une communauté monastique. Le Berrichon Venantius, cédant à l'appel de l'idéal monastique, rompit ses fiançailles et se dirigea — Domino inspirante — vers la cité ligérienne, pour se retirer finalement dans un monastère voisin de la basilique Saint-Martin45. Enfin, dans les toutes dernières

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années du siècle, le roi franc Clovis visita, lors de l'une de ses premières expéditions contre les Wisigoths, la basilica Martini : la renommée dont jouissait le tombeau du confesseur était assez puissante pour inciter le souverain païen à chercher à ses pieds les preuves décisives, susceptibles de vaincre ses dernières hésitations. L'évêque Nizier de Trêves, dans la lettre où il relate l'événement, évoque la foule des déshérités et des infirmes se pressant ad pedes Martini', plusieurs guérisons miraculeuses furent effectivement opérées, affirme le prélat, sous les yeux de Clovis et engagèrent ce dernier à se faire baptiser sans retard. Par la suite, lors de la campagne victorieuse de Vouillé, le souverain franc devait, on le sait, à l'aller par l'intermédiaire de messagers, et en personne à son retour, manifester sa confiance, puis sa reconnaissance envers Martin, en associant l'Église tourangelle à cet hommage46.

Lointain aboutissement de la politique menée par Perpetuus, la visite que Clovis rendit en 508, dans des formes particulièrement solennelles, à la basilique martinienne ouvrait au pèlerinage de Tours les perspectives d'un nouvel essor. Au saint protecteur élu pour la sauvegarde de son royaume par le souverain, ses proches — sa veuve Clotil- de, la première — puis ses successeurs allaient fréquemment, à son exemple, venir apporter leur hommage, imités par les puissants de leur entourage ainsi que par certains de leurs sujets francs ou romains de plus humble condition. Une nouvelle raison incitait désormais à prendre la route de Tours : à la dévotion inspirée par les mérites exemplaires du confesseur, à l'espérance suscitée par les pouvoirs du saint guérisseur s'ajoutait la confiance placée dans le patron de la Gaule fran- que, garant de la paix et de l'unité du regnum Francorum.

3) Grégoire de Tours : l'essor du mouvement

Pour que nous soient révélés l'évolution et le développement du pèlerinage de Tours après la mort de Clovis, au long du VIe siècle, il faut attendre la génération d'écrivains que dominent Fortunat et surtout Grégoire. Aucun des prélats qui s'étaient succédé à Tours depuis la mort de Perpetuus n'avait en effet éprouvé la nécessité de reprendre la plume tombée des mains de ce dernier et de consigner les bienfaits

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dont les contemporains continuaient à bénéficier en visitant les lieux saints de Tours. Reprendre, à l'exemple de Perpetuus et à sa suite, la publication des miracles procurés par la virtus posthume de Martin, c'était là en revanche une tâche qui s'imposait à Grégoire; d'abord comme un devoir personnel : guéri à plusieurs reprises sur la tombe du confesseur, il souhaitait, par ce travail, acquitter une dette de reconnaissance privée47. Mais c'est aussi en sa qualité d'évêque de Tours que Grégoire se sentait tenu de perpétuer par ses écrits le souvenir des miracles que Dieu ne cessait d'opérer par son serviteur Martin «pour fortifier la foi des fidèles»48. Plus encore que les récents événements historiques qu'il s'était donné pour mission de relater, ces faits miraculeux devaient être sauvés de l'oubli, où la négligence de ses prédécesseurs — le reproche est à peine voilé49 — les avait laissés sombrer. Cette volonté d'assurer la continuité d'un témoignage, qui sert le prestige de Martin et de sa cité, n'est absente d'aucune des œuvres de l'écrivain qui toutes, à des degrés divers, font une place au récit des prodiges accomplis par le confesseur à son tombeau et apportent donc des informations sur le pèlerinage tourangeau. Mais elle s'affirme tout particulièrement dans les quatre livres du De virtutibus beati Martini episcopi.

LA CITÉ DU PÈLERINAGE MARTINIEN 535

L'auteur a conçu cet ouvrage comme une relation des miracles qu'opère la virtus posthume de Martin en tous lieux et circonstances, mais plus particulièrement — dans la très grande majorité des cas — à Tours même, en faveur des pèlerins. Ce faisant, il entendait donner une continuano au chant VI de Paulin de Périgueux qui, lui-même, s'inscrivait dans le prolongement de la biographie rédigée par Sulpice Sévè- ve50. Ce projet de Grégoire de renouer le fil d'une tradition d'écrits martiniens et de reprendre là où ses devanciers s'étaient interrompus, avant d'apporter son propre témoignage, nous vaut un premier livre de Miracula ainsi composé : l'évêque historien, après avoir rappelé à grands traits la vie de Martin51, puis résumé les récits consignés par Perpetuus et versifiés par Paulin de Périgueux52 — avec l'adjonction de quelques informations complémentaires53 — s'est efforcé de recueillir et de publier les miracles advenus à Tours entre le début du VIe siècle et son accession au siège episcopal de la cité, en classant par ordre chronologique les faits portés de «façon certaine» à sa connaissance54. L'entreprise était difficile et c'est pourquoi le Livre I du De virtutibus s. Martini, dans sa partie «neuve» (chapitres 7 à 40), ne donne, en dépit des recherches effectuées par l'historien, qu'une vision incomplète du pèlerinage entre 508 et 573 55. Il apparaît tout d'abord que, dans la

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mémoire des témoins interrogés par Grégoire, ne surnageait que le souvenir des événements les plus marquants : parmi les visiteurs mentionnés, la proportion des personnages de marque ou des individus liés au milieu ecclésiastique tourangeau est particulièrement et, semble-t-il, anormalement élevée, tandis que le «tout venant» du pèlerinage est assez peu représenté56. D'autre part, seuls les faits relativement récents ont été relatés à l'enquêteur : les trois-cinquièmes des chapitres relatifs à Tours concernent l'épiscopat du prédécesseur de Grégoire, Eufronius (556-573) 57. Pour la période antérieure, Grégoire ne semble guère avoir pu remonter au-delà des dernières années de l'évêque Injuriosus (529- 546). Certes, le pèlerinage le plus ancien dont il est fait mention se situe à l'époque où la reine Clotilde était encore en vie, soit avant 544 58. Mais comme, deux chapitres plus loin, il est déjà question de l'épiscopat de Baudinus (546-552) 59, il est clair que la première moitié du siècle échappe presque totalement à l'historien. On ne saurait donc conclure de son silence que le pèlerinage connut à cette époque une éclipse totale. Cependant malgré les déformations apportées à la perspective historique par les défaillances de la mémoire et de la tradition orale, le premier livre du De virtutibus s. Martini conserve, peut-être, de la réalité, un reflet qui n'est pas aussi infidèle qu'il pourrait y paraître. Sous les règnes des évêques éphémères et souvent médiocres qui se succédèrent dans les premières décennies du VIe siècle, le mouvement pèlerin s'est sans aucun doute continué sur la lancée donnée par Perpetuus, mais faute d'initiatives nouvelles, en s'essoufflant. L'activité dont fait preuve, à la tête de l'Église de Tours, Eufronius a vraisemblablement favorisé

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un nouvel essor du pèlerinage : le regain d'attrait qu'exerce la Touraine sous le prédécesseur de Grégoire se manifeste aussi par l'arrivée d'une nouvelle vague de moines et de saintes femmes qui, tels Monegundis, Brachio, Leobardus, Senoch ou le breton Jean choisissent alors de s'installer à demeure dans la cité de Martin60 et contribuent par leur exemple et leurs mérites à attirer d'autres pèlerins.

Le Livre I du De virtutibus s. Martini s'achève pratiquement avec le récit du pèlerinage qui avait conduit en 563 le petit-cousin d'Eufronius, encore diacre, ad pedes Martini et lui avait assuré le rétablissement d'une santé fort compromise61. À partir du début du Livre II, Grégoire, promu depuis peu au siège de Tours, entreprend de relater les miracles contemporains de son épiscopat, auxquels il consacre tout le reste de l'ouvrage62.

Pour mener à bien la tâche qu'il s'est assignée, Grégoire a mis au point des méthodes beaucoup plus élaborées que celles utilisées jadis par Perpetuus. Il a eu soin de s'en expliquer auprès du lecteur, afin que ce dernier ne puisse mettre en doute la véracité de ses dires. Dans sa démarche, l'historien du miracle se veut, autant qu'il est possible, rigoureux63. Au stade du constat et de l'enquête tout d'abord : Grégoire s'efforce de recueillir son information de la bouche même des miraculés64 ou à défaut, auprès de témoins dont la sincérité est avérée65. Parfois les circonstances le favorisent : soit que les faits se déroulent en

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sa présence66, soit qu'il ait la possibilité de rencontrer un malade — quelquefois déjà connu de lui — après sa guérison67. Mais souvent les devoirs de sa charge retiennent l'évêque éloigné : pour parer à cette éventualité, il a confié mission à ses représentants attitrés, notamment aux gardiens de la basilica Martini, de procéder en ses lieu et place à l'enquête et de l'instruire ensuite des événements68. Les données ainsi recueillies sur chaque cas constituent de véritables procès-verbaux : aux détails souvent fournis par les notices du De virtuti- bus s. Martini, il apparaît en effet que l'évêque s'efforçait de rassembler sur chaque affaire un dossier aussi complet que possible; il avait élaboré, semble- t-il, dans cette intention, une sorte de questionnaire-type; celui-ci avait d'abord pour but d'établir l'identité du visiteur : son nom, son état civil, son statut social ou son activité professionnelle, la cité ou la localité dont il était originaire. Puis venaient des demandes concernant le pèlerinage entrepris : motif de la visite, durée de celle-ci, circonstance et date du miracle, avec indication des pratiques religieuses et des exercices spirituels qui avaient contribué à obtenir ce dernier69. Aux renseignements ainsi sollicités se sont parfois ajoutées — on le devine au caractère plus intime de certaines indications — les confidences auxquelles s'abandonnaient quelques miraculés, faisant part de leur état d'esprit, remords pour le passé, pieuses résolutions pour l'avenir. En revanche, trop souvent au gré de Grégoire, le départ précipité de certains pèlerins qui, après leur guérison, quittaient secrètement Tours, la négligence des custodes chargés de la surveillance des lieux saints, l'imprécision des témoins laissaient une partie des questions sans réponse70. À l'issue de ce travail d'instruction, l'évêque disposait donc, pour tous les cas portés à sa connaissance, de fiches de rensei-

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gnements plus ou moins complètes. Ces documents, probablement mis au net et classés par ses secrétaires, devaient lui fournir la matière de son ouvrage.

C'est dans un deuxième stade qu'intervient l'élaboration littéraire. Celle-ci, à la différence de l'enquête, ne suit pas immédiatement l'événement. Les récits que recueillent les trois derniers livres du De virtutibus s. Martini ont été composés par Grégoire, non pas au jour le jour, mais, comme l'a établi l'analyse minutieuse de J. Schlick71, «par masses»: l'évêque attendait que se soit accumulé un paquet de «fiches», avant de se mettre à rédiger, à partir de celles-ci, une série de chapitres, probablement chaque fois qu'il disposait d'un peu de temps à accorder à ses travaux de plume.

Ainsi l'œuvre de Grégoire se présente à la fois comme une chronique qui reflète le cours des événements et comme un ouvrage médité qui réussit à dominer ceux-ci, grâce au recul pris par l'auteur. Chroniqueur faisant écho à une actualité encore toute proche, Grégoire veut avant tout livrer à ses lecteurs des faits; d'où un parti-pris, explicitement formulé, de brièveté et de dépouillement pour le récit : dans leur simple nudité les mirabilia que l'écrivain relate parlent d'eux-mêmes et il n'est nul besoin, assure-t-il, de les délayer avec un commentaire verbeux pour faire éclater l'intervention divine dont ils témoignent72. Pour que sa chronique suive fidèlement l'actualité, Grégoire s'est aussi imposé comme règle de porter les faits à la connaissance du lecteur dans l'ordre où ils étaient advenus73. En témoignent les mentions des grandes fêtes de la liturgie tourangelle dans leur retour cyclique, année après année, qui ponctuent régulièrement ces récits d'hagiographie martinienne. Ce sont en effet les solennités du calendrier religieux local — mieux adaptées à la nature particulière des événements relatés et souvent en rapport direct avec ceux-ci — qui servent de repères pour

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classer et présenter chronologiquement les miracles de Martin74. Comme quelques-unes de ces fêtes sont datées avec exactitude grâce à diverses concordances historiques indiquées par l'auteur, chacun des cycles liturgiques qui se sont déroulés dans l'intervalle de deux datations connues peut être attribué à une année précise. Il est donc possible de retrouver, dans ses grandes lignes, l'ensemble de la chronologie sous-jacente à l'œuvre de Grégoire : dans le livre II se succèdent les miracles advenus dans les années qui vont de l'arrivée de l'évêque à Tours, à l'automne 573, jusqu'à 581 ; le livre III couvre la période allant de 582 à 587 et le dernier livre conduit le lecteur de l'année 588 à juillet 593 75. Ces trois livres se présentent donc, par bien des côtés, comme des annales du miracle martinien.

Mais la simple relation des faits, si instructifs que ceux-ci fussent en eux-mêmes, ne satisfaisait pas entièrement l'évêque, soucieux d'édifier le public auquel il s'adressait. Aussi a-t-il su s'affranchir, lorsqu'il le jugeait indispensable, des principes auxquels est astreint le chroniqueur. La collection de miracles qui s'offraient à lui au moment de la rédaction lui fournissait en effet des sujets de méditation dont il a voulu faire profiter son lecteur. Tantôt Grégoire tient à tirer lui-même explicitement la leçon des événements : ces réflexions sont plus particulièrement développées dans la préface et dans la conclusion de chacun des livres; mais, à l'intérieur de chacun d'eux, elles précédent parfois, à la manière d'une introduction, ou suivent, comme un commentaire, les épisodes narrés par un chapitre ou un groupe de chapitres76. Tantôt,

LA CITÉ DU PÈLERINAGE MARTINIEN

Tableau VIII

CHRONOLOGIE DES MIRACLES DES LIVRES II, III ET IV DE VIRT. M.

selon J. Schlick

la vieille ville de tours

542 L'ÉDIFICATION DE LA CITÉ MARTINIENNE

plus fidèle à la règle de concision qu'il avait voulu s'imposer, Grégoire préfère que la leçon se dégage de la confrontation des événements eux- mêmes. Pour ce faire, il est amené parfois à rompre quelque peu avec l'ordre chronologique, à rapprocher dans son récit des épisodes qui ne se sont pas déroulés de façon strictement concomitante ou consécutive, regroupant ainsi des miracles opérés en un même lieu ou en faveur d'une même catégorie de suppliants77. Ce procédé, dont il n'use, sem- ble-t-il, que pour des événements relativement voisins dans le temps et qui n'introduit qu'une faible perturbation dans la succession chronologique, permet, par un effet de répétition ou par le jeu des comparaisons, d'attirer l'attention sur un enseignement que dessine en filigrane une série d'exempla. Dominé plus que Perpetuus par les préoccupations propres à l'historien, l'auteur du De Virtutibus s. Martini s'est cependant attaché, comme son prédécesseur, à mettre en valeur, au fil de son récit, les différentes formes que revêt l'intervention posthume de Martin et les conditions dans lesquelles elle opère.

Héritier de Perpetuus, Grégoire l'est encore dans le troisième et dernier stade de son entreprise littéraire, celui de la publication, par les intentions assignées à celle-ci. Rédigés selon un projet initialement conçu et qui donne son unité à l'ouvrage, les livres qui composent celui-ci ont été publiés successivement, au fur et à mesure de leur achèvement. C'est que, comme son prédécesseur, l'évêque a voulu œuvrer dans une perspective d'avenir, tout en répondant aux nécessités du présent. Les exploits que célèbre le panégyriste de Martin sont ceux d'un héros qui, renouvelant incessamment depuis son tombeau les miracles déjà accomplis de son vivant78, doit vivre à jamais dans la mémoire des hom-

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mes79. En recueillant année après année les faits qui sont propres à illustrer la virtus constante du confesseur et à en rehausser l'éclat, l'historien, ajoutant ses efforts à ceux de ses devanciers, travaille à exhausser un monument littéraire qui témoignera toujours, auprès de la postérité, de la puissance de Martin. Les faits qu'il réunit pour les transmettre aux générations futures sont autant de joyaux qu'il s'efforce d'assembler avec art pour couronner symboliquement la figure du saint thaumaturge. À cette fin, chacun des livres du De Virtutibus s. Martini se cloisonne en chapitres dont le nombre a été, à chaque fois, choisi pour sa valeur mystique80. L'évêque s'est inspiré ici d'un verset de l'Évangile de Matthieu (13,23) et de l'une des exégèses qui en était donnée. Martin, explique-t-il, parce qu'il a entendu et compris la parole du Seigneur, est semblable à la bonne terre qui, dans la parabole, reçoit la semence et donne trente, soixante et cent grains pour un81. Ces taux de rendement de plus en plus fructueux sont comparables aux bénéfices spirituels croissants que le disciple du Christ tire du veuvage, de la virginité et du martyre, trois degrés sur le chemin de la perfection chrétienne que Martin a gravis82. C'est pour symboliser cette triple per-

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fection que Grégoire a fixé à 40 (chiffre dans lequel 30 est compris) le nombre des chapitres du premier livre, à 60 celui du 2e livre, ce qui fait un total de 100, auquel s'ajoutent par la suite à nouveau les 60 chapitres du livre III et un nombre égal de sections probablement prévu pour le dernier livre83. Cette savante ordonnance, dont l'appréciation était réservée à une élite de lecteurs cultivés, donne au De Virtutibus s. Martini le caractère d'une œuvre destinée à préserver durablement dans la mémoire des générations futures le souvenir des hauts faits de Martin.

Mais, dans une perspective plus immédiate, l'ouvrage s'inscrit dans le cadre d'une politique visant à développer le pèlerinage martinien de Tours. C'était là pour Grégoire une préoccupation majeure dont témoigne une part importante de son activité episcopale : les soins donnés à la restauration ou à l'embellissement des lieux saints vers lesquels se pressent les visiteurs84, l'attention réservée à l'accueil de ces étrangers et surtout les efforts consacrés à l'encadrement spirituel d'une population flottante dont le prélat se considérait temporairement comme le pasteur. C'est en effet à l'intention des pèlerins autant qu'à celle de ses propres ouailles que Grégoire, chaque fois qu'il célèbre la synaxe, à Saint-Martin notamment, prononce ses homélies85; tantôt il prend pour sujet de celles-ci un épisode de la Vita Martini, tantôt il commente un miracle récemment accompli par le thaumaturge86, cédant parfois même la parole au miraculé pour que ce dernier fasse part au peuple assemblé de son expérience87. Faute de pouvoir tous bénéficier de la

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virtus surnaturelle du confesseur, les visiteurs devaient au moins profiter de l'enseignement légué par ce dernier à son Église : par leur entremise — Grégoire comme jadis Perpetuus l'espérait bien — pourrait être ainsi diffusé, sur les routes empruntées à leur retour par ces étrangers, dans leur famille et dans leur cité, le renom de puissance et de sainteté de Martin. C'est cette même publicité, mais plus large encore, que l'écrivain souhaite procurer au pèlerinage tourangeau par ses écrits martiniens. En publiant chacun des livres du De Virtutibus s. Martini dès son achèvement88, il comptait sur l'effet d'incitation que produirait auprès des contemporains l'annonce des miracles toujours renouvelés dans les lieux saints tourangeaux. «En apprenant de tels faits, constate-t-il, des peuples sans nombre viennent de contrées lointaines demander les secours du confesseur»89. L'historien tourné vers l'avenir cède ici le pas à l'évêque de Tours, auquel sa charge impose dans le présent un devoir : celui de faire connaître à tous ceux qui souffrent les remèdes dispensés dans sa cité par le saint thaumaturge. Pour atteindre cet objectif, Grégoire, en dépit de ses ambitions littéraires, a choisi délibérément la simplicité d'une prose dénuée d'artifice. Il eût pu s'adresser à Fortunat, comme Perpetuus s'était jadis adressé à Paulin de Périgueux, pour habiller ses œuvres en vers90. Il a préféré laisser à ses récits la rusticité d'un langage «adapté à l'intelligence du peuple»91. Pour la même raison, il a adopté, dans les commentaires qui

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accompagnent parfois sa narration, le ton et les thèmes de la pastorale92. Aussi, avec les exemples concrets dont elle illustre abondamment la virtus posthume de Martin, avec les renseignements pratiques qu'elle fournit sur les lieux saints visités, les fêtes fréquentées, les médications efficaces, avec les conseils spirituels qu'elle prodigue, chaque «livraison» de l'ouvrage se présente comme une sorte de manuel régulièrement mis à jour pour les pèlerins appelés à prendre la route de Tours. Autant que Martin, le De Virtutibus s. Martini, célèbre la cité où se manifeste avec la plus grande fréquence et la plus sûre efficacité la puissance du thaumaturge93. Mais si l'œuvre reflète la volonté de l'évê- que de donner au mouvement pèlerin un nouvel élan, elle atteste aussi la réussite de son entreprise.

II - Les pèlerins sur les routes de Tours dans la deuxième moitié du VIe siècle

1) Les méthodes de l'enquête

Les règnes successifs d'Eufronius et de Grégoire constituent, dans l'histoire du pèlerinage tourangeau, un. moment privilégié, où la richesse des témoignages est à la mesure de l'importance prise par le mouvement. Aussi est-ce dans cette période d'une cinquantaine d'années94 qu'une étude approfondie de ce dernier peut être entreprise de la façon la plus sûre et la plus rentable. La documentation, rassemblée pour l'essentiel par Grégoire dans le De Virtutibus s. Martini — et complétée par quelques chapitres épars dans ses autres œuvres95 ou dans les ouvrages de ses contemporains96 — , permet en effet, par son abondan-

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ce, de saisir pour la première fois le phénomène du pèlerinage dans toute son ampleur et sous ses différents aspects; par sa nature même, elle favorise l'enquête en autorisant l'historien à user commodément de méthodes diverses97. Les procès-verbaux rédigés par Grégoire suivant un schéma, à quelques variantes près, uniforme98, ces compte-rendus auxquels l'écrivain n'a donné que le minimum d'habillage littéraire se prêtent aisément à une analyse comparée, susceptible de mettre en évidence les caractères dominants du pèlerinage, tant du point de vue des faits matériels que de celui des mentalités. Mais cette information réunit aussi, semble-t-il, les conditions nécessaires à l'application des méthodes quantitatives : pour un laps de temps nettement défini, elle fournit en effet à l'enquête des éléments, de nature comparable, en nombre assez élevé pour qu'il soit possible de les soumettre à la statistique. Dans le De Virtutibus s. Martini et les sources annexes se trouvent en effet «fichées» les données relatives à 267 pèlerinages. Pour que ce chiffre prenne tout son sens, précisons tout de suite les critères retenus dans le recensement dont il est l'aboutissement. Ce recensement a porté uniquement sur le pèlerinage martinien de Tours : sont donc seulement dénombrées les visites qu'au terme d'un déplacement plus ou moins long, mais motivé par une requête précise — l'intention paraît en effet plus déterminante que la distance parcourue pour la définition du pèlerinage — des dévots, ou, en quelques cas, leurs représentants dûment mandatés99, ont rendu à divers lieux saints de la cité où se manifeste la virtus de Martin. Ainsi se trouvent exclus de l'enquête statistique les

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autres pèlerinages tourangeaux, ceux <jue suscitent la présence dans la civitas de saints personnages dotés de pouvoirs surnaturels, celle de leurs tombeaux où continue à se manifester leur puissance, celle enfin de reliques miraculeuses importées à Tours100. Sont également écartés les cas de miracles obtenus en un point quelconque de la Touraine par la simple invocation du nom de Martin. Dans le cadre ainsi délimité, le chiffre de 267 doit s'entendre des actes de pèlerinage : il représente le nombre des visites et non celui des visiteurs; il paraît en effet légitime de tenir compte du fait que certains des pèlerins se sont rendus plusieurs fois à Tours pour solliciter Martin101. Enfin seules les visites «personnalisées» ont été prises en compte : à maintes reprises, en effet, l'évêque de Tours mentionne la présence de pèlerins dont «beaucoup», dit-il, ont vu leurs prières exaucées102. Ces visiteurs, dont le nombre ne peut être déterminé, n'ont évidemment pas été comptabilisés. C'est dire que le chiffre de 267 ne résulte pas d'une évaluation arbitraire, mais de l'addition de cas précis et nettement individualisés. Les pèlerinages ainsi recensés sont en effet relatés le plus souvent de façon assez circons-

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tanciée pour que l'on puisse, en procédant à des décomptes partiels et en établissant des pourcentages, tenter de mesurer certaines des composantes du mouvement que suscite, en direction de Tours, la puissance miraculeuse de Martin.

Mais on ne doit pas oublier certaines réalités : les témoignages recueillis par Grégoire, étant donné les méthodes imparfaites par lesquelles ils ont été obtenus et le but assigné à leur publication, n'offrent pas toujours toutes les garanties requises pour l'application des méthodes statistiques. L'auteur du De Virtutibus s. Martini n'avait d'autre ambition que de donner une série d'exempla pour célébrer la virtus que Martin continue, depuis son tombeau, de manifester à Tours : aussi n'a- t-il retenu que les pèlerinages réussis, ceux que vient couronner un miracle, ne faisant exception à cette règle que pour relater quelques échecs particulièrement exemplaires à ses yeux et donc instructifs pour le lecteur103. Dans ces limites déjà étroites, l'enquête menée par Grégoire a probablement parfois — sans qu'il en ait eu conscience — privilégié certaines catégories de pèlerins qui paraissaient à l'évêque plus dignes — par leur personnalité ou le type de miracle dont ils avaient bénéficié — de retenir l'attention 104 : autant qu'à la réticence manifestée par certains visiteurs miraculés, répugnant à se faire connaître ou à répondre avec précision aux questions posées, certaines lacunes dans les informations recueillies sont, on peut le supposer, imputables à l'enquêteur. Il reste cependant que les résultats obtenus peuvent, à condition d'être soigneusement pesés et éventuellement corrigés, venir utilement confirmer et préciser les conclusions tirées d'une analyse «qualitative» des textes.

2) Les composantes du mouvement

Du mouvement qui, sous les règnes d'Eufronius et de Grégoire, conduisait les pèlerins vers la cité martinienne, on peut essayer tout d'abord de discerner les composantes, en recensant, selon divers critè-

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res d'analyse, ceux qu'il mobilise. Les récits de Grégoire fournissent en ce domaine des éléments d'information précieux, puisqu'ils nous font souvent connaître les régions, les milieux sociaux et les catégories d'individus auxquels s'étendait la sphère d'influence du pèlerinage tourangeau.

Origines géographiques des pèlerins

Chaque fois qu'il l'a pu, pour 160 pèlerinages sur 267 (c'est-à-dire dans 60% des cas), Grégoire à noté l'origine géographique des visiteurs : il mentionne le plus souvent le nom de la civitas dont ceux-ci sont originaires — précisant même parfois celui du bourg ou du village où ils résident — ; parfois il se contente d'indiquer la provenance de façon plus vague, notamment lorsqu'il s'agit d'individus qui mènent une existence errante, ou de personnages venant d'une des cours royales, ou encore d'étrangers à la Gaule. Ces différentes notations permettent dans une certaine mesure de circonscrire l'aire géographique dans laquelle se recrutent les pèlerins, de délimiter les régions qui en founis- sent les plus importants contingents, bref de tracer une carte du pèlerinage. À considérer les données dont nous disposons, les pèlerins peuvent être répartis, d'après leur origine géographique, en deux grandes catégories :

- 27,5% sont des Tourangeaux

- 72,5% viennent de régions extérieures à la Touraine.

Il paraît cependant nécessaire de nuancer quelque peu ces résultats : dans l'ensemble du mouvement pèlerin, le pourcentage des non- Tourangeaux était en fait certainement moins élevé que l'échantillon ne le fait apparaître. Inévitablement la présence des étrangers à la cité, ne serait-ce que par les problèmes que posait leur accueil, attirait beaucoup plus l'attention que celle de paysans originaires de villages voisins de Tours et dont la venue pouvait passer plus facilement inaperçue; d'autre part la curiosité de Grégoire, toujours enclin à s'informer de ce qui se passait hors du cadre familier de son diocèse, l'a probablement porté à s'intéresser davantage à ces voyageurs venus parfois de contrées lointaines, à leur faire préciser leur provenance plus souvent qu'il ne le faisait lorsqu'il était en présence d'habitants de sa propre civitas. La proportion de non-Tourangeaux parmi les pèlerins — plus de 7 sur 10, à se fier aveuglément aux chiffres — se trouve donc sans aucun doute surévaluée. De quelle ampleur doit être la correction? Il apparaît

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possible de déterminer un seuil au-dessous duquel on ne saurait descendre : à supposer que tous les visiteurs dont l'origine géographique n'est pas indiquée aient été des habitants de la Touraine, les étrangers au diocèse représenteraient encore 43% des effectifs du pèlerinage. En définitive, on peut penser, dans l'estimation la plus prudente, que les pèlerins se recrutaient, pour moitié au moins, hors des limites de la civitas Turonorum. Une première conclusion s'impose : le pèlerinage de Tours est pour une part importante un phénomène diocésain. Il serait d'ailleurs inexplicable qu'il en fût autrement : les Tourangeaux s'adressaient tout naturellement et avec plus de facilité que d'autres au saint et puissant patron que la Providence divine leur avait dévolu. Mais cette constatation ne doit pas conduire a priori à sous-estimer l'attrait exercé hors du diocèse par les lieux saints de Tours : bien au contraire, on peut le penser, la venue d'étrangers, l'exemple de confiance dans la virtus martinienne que manifestait leur déplacement, tout ceci souligné par les homélies de Grégoire105, n'a pu qu'inciter les habitants de la Touraine à mieux apprécier le privilège dont ils jouissaient et à recourir en plus grand nombre aux vertus du saint thaumaturge. La forte participation locale au pèlerinage est liée en partie au développement pris par le mouvement dans une aire géographique plus vaste.

Pour déterminer l'étendue de cette dernière, il faut, dans un second temps, considérer le seul groupe des pèlerins non-Tourangeaux. On constate tout d'abord que 12% d'entre eux seulement sont des étrangers à la Gaule : parmi ceux-ci les plus nombreux viennent d'Espagne106, quelques-uns d'Italie107 ou encore des «régions transmarines», c'est-à-dire probablement, étant donné l'usage que fait Grégoire de ce terme assez vague, des contrées orientales du bassin méditerranéen108. Les plus gros effectifs, dans la catégorie considérée, sont donc envoyés par des cités de la Gaule, 27 au total, dont le nom est mentionné explicitement ou, en quelques cas, se trouve suggéré par le contexte, dans 101

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procès-verbaux de pèlerinages. On ne peut se le dissimuler : procéder, à partir de là, à une analyse plus poussée constitue une entreprise délicate. Les données exploitables, réduites souvent à quelques unités, ne permettent pas de tenter une répartition en pourcentage entre les diverses civitates, ni même entre les provinces ecclésiastiques. Trop changeante dans la deuxième moitié du VIe siècle et établie suivant un découpage arbitraire, la carte politique des royaumes — des ressorts dont la taille serait d'ailleurs excessive pour notre propos — se révèle elle aussi inutilisable. C'est finalement dans le cadre des régions naturelles, dont les contours sont dessinés par la géographie physique et dont l'unité a fréquemment été soudée par l'histoire, qu'il apparaît le plus commode et le plus sûr d'opérer une répartition. Sans échapper totalement à un certain arbitraire, le regroupement des cités en de tels ensembles se justifie dans la mesure où il tient compte des distances, des obstacles que constituent les montagnes et les fleuves et des courants de relation anciennement ou plus récemment établis, tous éléments déterminants pour le déplacement des pèlerins. En appliquant une grille de ce type à la lecture des sources, on obtient, par ordre décroissant, les résultats suivants : le Massif Central, Clermont et Limoges, et ses abords immédiats, avec Bourges, envoient le contingent le plus élevé parmi les visiteurs étrangers à la Touraine, soit 22,5% 109. Les cités de Lyonnaise Troisième, celles du Mans, d'Angers, de Nantes et celles de Bretagne, unies par l'axe ou le débouché que constitue pour elles la Loire ainsi que par des liens administratifs et ecclésiastiques, viennent en deuxième position avec 18% des pèlerins110. Le Nord-Est de la Gaule — Cambrai, Vermand, Reims, Châlons-sur-Marne et les capitales royales, Sois- sons et Metz — fournit au pèlerinage 15,5% de ses effectifs111; le Sud-

la vieille ville de tours

Carte 2 - Origines géographiques des pèlerins miraculés à Tours.

Ouest aquitain — Poitiers, Bordeaux, Périgueux et Albi — , 13%112; le centre du Bassin Parisien (Paris, Orléans et Chartres) et la Normandie

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(Avranches, Bayeux, Lisieux), 11%113. Enfin pour les cités situées dans le couloir de plaines à l'Est du Massif Central (Sens, Auxerre et Vienne), le pourcentage tombe à 6%1U.

Il suffit d'un coup d'œil à la carte illustrant ces différents courants, pour s'apercevoir que les contrées proches des Pyrénées, celles voisines de la Méditerranée et des Alpes (notamment la Provence et le couloir Rhodanien), ainsi que les régions extrême-orientales (Vosges et vallée rhénane, massif jurassien) ne participent pas — ou ne le font que de façon très exceptionnelle — au mouvement. Pour ces dernières contrées, l'éloignement par rapport à Tours a évidemment constitué un obstacle. Mais on ne saurait cependant comprendre la géographie du pèlerinage en faisant appel à la seule notion de distance. Indépendamment de celle-ci, d'autres facteurs ont joué, les uns en rapport avec le contexte religieux ou politique, d'autres plus liés à des faits de contingence. Riche de ses propres martyrs et confesseurs, qui, pour certains, jouissaient d'une solide réputation de thaumaturges, le Sud-Est de la Gaule n'éprouvait nul besoin d'adresser ses habitants au saint patron d'une cité de tradition chrétienne plus récente et qui, au surplus, avait longtemps évolué dans une sphère politique différente. Presque aussi éloignées de la ville des bords de Loire, les civitates du Nord-Est, parce qu'elles abritaient la résidence de souverains francs, tous dévots de Martin, ont été au contraire attirées dans l'orbite du pèlerinage tourangeau : les fonctionnaires envoyés en mission depuis la «cour» ont ouvert la voie aux pèlerins sur les routes venant de Soissons ou de Metz. Quant aux cités plus proches de la Touraine, leur inégale participation au pèlerinage s'explique dans le détail par le jeu d'influences complexes qu'il est parfois possible de saisir. Les relations nouées par Tours et ses évêques avec les Églises de Poitiers, de Bourges ou de Cler- mont apparaissent en ce domaine plus puissantes que les liens anciennement créés par la géographie administrative et ecclésiastique avec les cités de la Lyonnaise Troisième. En certains cas, la démarche d'une personnalité connue et influente a probablement contribué à la nais-

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sance d'un courant local du pèlerinage : les Auvergnats ont peut-être suivi l'exemple donné par Grégoire, les Poitevins, celui de Fortunat, les Limougeaux, celui d'Aredius. Moins illustre que ces derniers, le paralytique Floridus, guéri sur la tombe de Martin, avait fait parmi les habitants de son petit village natal de Craon en Anjou115 des émules, puisque deux d'entre eux expérimentèrent après lui, avec succès, la virtus du saint patron de Tours116.

Quoi qu'il en soit, il reste que l'aire dans laquelle se recrutent les pèlerins ne recouvre par l'ensemble du territoire gaulois, bien qu'en quelques directions elle s'étende au-delà des limites de ce dernier. Doit- on pour autant en déduire que le renom du thaumaturge n'a dépassé les frontières du diocèse de Tours que pour assurer au pèlerinage un succès limité à une partie restreinte de l'ensemble gaulois? C'est là la conclusion à laquelle s'est arrêté, en étudiant dans un article l'origine géographique des pèlerins, Ch. Lelong117. Ayant établi, sur la base de son recensement, que 63% des visiteurs non-Tourangeaux viennent de «régions immédiatement périphériques qui s'inscrivent dans un cercle de 200 km. de rayon environ» autour de la cité martinienne, l'historien tourangeau croit pouvoir affirmer que le mouvement «mobilise surtout l'Ouest de la Gaule». Aussi le pèlerinage de Tours ne mérite-t-il à son avis que le qualificatif de pèlerinage régional. Il n'est nullement question ici d'entreprendre une bataille de statistiques : d'une enquête à l'autre, les résultats chiffrés sont un peu différents118, dans la mesure où les critères retenus, ici et là, pour la définition du pèlerinage et pour l'analyse des mentions géographiques ne sont pas exactement les mêmes. La divergence porte moins sur les écarts — d'ailleurs assez minimes — entre des chiffres que sur l'interprétation à donner aux ordres de grandeur que ceux-ci suggèrent. On accordera certes volontiers que l'analyse précise des sources interdit de prendre au pied de la lettre, comme on l'a trop souvent fait précédemment, telle affirmation hyperbolique de Grégoire déclarant, à la suite de ses devanciers, que «des

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peuples sans nombre viennent de contrées lointaines demander le secours de Martin»119. Il n'est pas non plus question évidemment de dénier la part importante prise dans le mouvement par les ressortissants des cités voisines de Tours. Mais en voulant réagir à juste titre contre l'idée accréditée par les formules emphatiques de Grégoire, selon laquelle des visiteurs viennent à Tours «presque du monde entier»120, Ch. Lelong s'est laissé entraîner à des conclusions qui paraissent trop restrictives.

Le pèlerinage de Tours mobiliserait surtout l'Ouest de la Gaule? mais si l'on prend pour limite idéale le méridien passant par Tours, on constate que la bande de territoires qui, à l'Est de cette ligne, traverse une grande partie de la Gaule (régions du Nord-Est et de l'Est; Bassin Parisien, dissocié en ce cas de la Normandie, Massif Central et ses bordures orientales) envoie plus de pèlerins (50, 5% des non-Tourangeaux) que l'Ouest proprement dit (Normandie, Bretagne, Val de Loire et région aquitaine : 36,5%). Il semble donc plus exact en ce cas de conclure, avec une formulation nuancée qui traduit mieux la réalité, que les secteurs extrême-orientaux et méridionaux n'entrent que de façon très exceptionnelle dans la sphère d'influence du pèlerinage de Tours. Certes, il est vrai qu'à l'exception des capitales du Nord-Est, les principales cités pourvoyeuses de pèlerins, Angers, Bourges, Poitiers, Limoges, Clermont et Paris, sont presque toutes situées dans un rayon de 200 km. autour de la cité ligérienne. Mais en fait certaines de ces villes en sont, par la route, beaucoup plus éloignées, Paris à près de 250 km., Clermont à quelques 300 km., sans parler de Metz et de Soissons — dont la participation est sous-estimée par l'étude de Ch. Lelong — pour lesquelles la distance excède 500 km. Encore s'agit-il là d'un kilométrage relevé sur les grands axes routiers modernes : les itinéraires anciens, en particulier faute de ponts fréquents sur les fleuves121, représentaient certainement des distances bien plus considérables pour des pèlerins qui, en majorité, se déplaçaient à pied et qui, souvent, en raison de leurs infirmités, n'étaient guère valides. Quant aux voies fluviales utilisées par certains d'entre eux, elles allongeaient encore davantage le

LA CITÉ DU PÈLERINAGE MARTINIEN 557

parcours122. Il ne faut pas oublier d'autre part que les territoires qui entraient dans la mouvance du pèlerinage de Tours ne constituaient pas un unique domaine politique, mais qu'ils étaient divisés en royaumes, entre lesquels une hostilité latente ou déclarée rendait la circulation souvent difficile. Enfin, la diffusion des brandea de Martin dans une bonne partie de la Gaule, l'existence dans le monde mérovingien d'autres centres de pèlerinage — dont aucun, il est vrai, ne paraît avoir pu rivaliser avec la ville de Martin — auraient dû être de nature à détourner plus d'un dévot d'entreprendre un déplacement jusqu'à Tours. Compte-tenu de cet ensemble de conditions, l'attrait des lieux saints tourangeaux, dans la deuxième moitié du VIe siècle, s'exerce dans un cadre qui, pour l'époque, ne peut être considéré comme un simple cadre régional. Elle mérite donc bien déjà, au moins en partie, le titre de «pèlerinage des Gaules»123, la cité qui accueille des visiteurs venus de villes et de villages qui géographiquement et politiquement ne gravitaient pas dans son orbite naturelle.

Les composantes sociologiques

Le pèlerinage jouirait cependant d'une influence bien médiocre, s'il ne mobilisait que les représentants de certaines catégories de la population. À une enquête de caractère sociologique, les sources se prêtent

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assez bien, puisqu'elles autorisent un recensement des pèlerins selon leur état-civil, leur race et leur condition sociale.

Dans la plupart des procès-verbaux rédigés par Grégoire figurent des indications de nature diverse et variable, mais dont l'analyse peut cependant tirer parti pour un premier classement des pèlerins : outre la mention du nom, l'emploi courant pour désigner le visiteur de termes génériques tels que homo, mulier (ou matrona), puer, puella, auxquels sont joints assez souvent des renseignements plus précis — le nombre des années pour les plus jeunes, ou, pour leurs aînés, l'état d'époux ou de veuf, de père ou de mère de famille — tout ceci permet d'esquisser une répartition par sexes et par grandes tranches d'âge dans un échantillon que l'on peut estimer, de ce point de vue, assez représentatif. Les chiffres obtenus sur la base d'un recensement portant sur 224 pèlerinages (soit 84% du total) 124 font apparaître, parmi les visiteurs, d'une part une majorité de représentants du sexe masculin (près de 75%) et d'autre part une majorité d'adultes (86%). Si l'on comprend aisément que de jeunes enfants, souvent handicapés, n'aient pu en grand nombre affronter les difficultés d'un voyage qui, même sur une distance assez brève, excédait leurs faibles forces, on peut à première vue s'étonner de la participation réduite des femmes au pèlerinage. Faut-il supposer que la dévotion à Martin, l'ancien soldat devenu miles Christi, était plus largement répandue parmi les hommes? On ne saurait écarter totalement l'hypothèse ; mais celle-ci ne peut à elle seule expliquer la nette disproportion constatée. Cette dernière reflète surtout, semble-t-il, les habitudes et les mentalités d'une époque où la société ne consent à ses membres de sexe féminin — les princesses exceptées — qu'une liberté d'action fort réduite. Que l'on songe aux obstacles que dut surmonter, avec une force de caractère assez exceptionnelle, la chartraine Monegundis pour réaliser son vœu de se rendre à Tours sur la tombe de Martin125. Soumises à l'autorité d'un père ou d'un époux, liées par le devoir à leur foyer, à leurs enfants, les contemporaines de Grégoire obtenaient sans aucun doute difficilement le consentement de leurs proches pour une entreprise qui n'apparaissait pas moins remplie de dangers pour le sexe faible que pour la tendre enfan-

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ce. Eu égard à cette situation, le nombre des femmes et des enfants qui se lançaient dans l'aventure du pèlerinage apparaît en définitive relativement élevé : il fallait que l'espoir placé dans une visite à Tours fût bien puissant pour que ces êtres faibles, femmes et enfants réunis, aient composé près du tiers des pèlerins (31%).

Bien que Grégoire n'indique que de façon très exceptionnelle l'ethnie à laquelle appartiennent les dévots de Martin, on peut essayer, en recourant aux leçons de l'onomastique, d'apprécier la part respectivement prise par la communauté gallo-romaine et par les conquérants francs dans le mouvement pèlerin. Les sources précisent en effet pour 114 visites pieuses — soit dans 42% des cas — l'identité du visiteur : 57 d'entre eux portent un cognonem latin, ou parfois grec, appartenant au fond commun des dénominations usitées dans le monde romain; 56 sont dotés d'un nom de consonance germanique; on relève enfin un nom celte, celui du breton Winnocus 126. On ne peut certes se fier entièrement aux indications de l'onomastique pour déduire la race à laquelle appartient un individu : dans la deuxième moitié du VIe siècle, les noms germaniques commencent déjà à jouir d'une certaine vogue qui incite des familles gallo-romaines — celle de Grégoire elle-même en offre un exemple127 — à les adopter parfois pour leurs fils ou leurs filles; il est vrai qu'inversement l'administration plus fréquente du baptême à de jeunes enfants peut, sous l'influence de l'Église, placer les rejetons de souche franque sous le patronage d'un saint honoré par la chrétienté latine128. On peut d'autre part s'interroger sur la valeur de l'échantillon analysé : celui-ci en effet ne reflète certainement pas la composition de la population dans l'ensemble du territoire gaulois concerné, où, à l'exception des régions du Nord et de l'Est, les Gallo- Romains demeuraient plus nombreux que les Francs. Mais il y a quel-

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ques raisons, pour penser que le nombre des dévots de Martin dans chacune des deux communautés n'était pas strictement proportionnel aux effectifs de celle-ci. Le culte de l'apôtre, qui, par son intercession, avait guidé Clovis et les soldats de son armée sur les voies de la conversion et qui depuis lors était considéré comme le patron du regnum Francorum et de ses souverains, était sans aucun doute largement répandu parmi les Francs : dans le cœur des barbares récemment conquis à la foi chrétienne, il rencontrait moins de rivaux que dans celui des Gallo-Romains dont la dévotion était depuis longtemps sollicitée par un grand nombre de saints, martyrs illustres ou simples confesseurs locaux. Aussi l'image que donnent les sources, celle d'un mouvement qui mêle et unit à égalité les autochtones et les nouveaux venus n'est-elle probablement pas trop infidèle.

D'ailleurs à une époque où commence à se réaliser la fusion des deux communautés, les contrastes sociaux revêtent plus d'importance que les différences ethniques. Pour une étude des composantes sociales du mouvement, nous disposons dans 119 cas (44,5%) d'indications permettant, directement ou par recoupement, de situer les pèlerins dans l'échelle sociale. Sur ce total, les plus fréquentes (59%) concernent des laïcs de marque et des ecclésiastiques, dont les titres et fonctions sont mentionnés avec précision. Pour les catégories moins élevées de la société, représentées dans l'échantillon par 41% des pèlerins, figurent des notations de nature disparate et souvent plus vagues : tantôt il est fait mention de la condition juridique (esclave — ingénu — cives. . .); tantôt le récit évoque l'activité économique (travaux des champs le plus souvent, plus rarement artisanat) qui fait vivre habituellement le pèlerin; tantôt enfin, un détail suggère que ce dernier jouit d'une certaine aisance qui lui permet de voyager confortablement et de faire l'aumône avec largesse ou qu'il est au contraire totalement dépourvu de ressources. À l'énoncé des chiffres que livre ce premier recensement sommaire, on serait tenté de conclure que le pèlerinage de Tours concernait principalement une frange relativement étroite de la société mérovingienne : les clercs d'une part, les privilégiés du pouvoir et de la fortune de l'autre. Mais c'est en fait, dans une juste appréciation des données, sur d'autres bases qu'il convient d'opérer un calcul : l'effectif constitué par les catégories sociales supérieures doit être mis en rapport, pour l'établissement d'un pourcentage, avec l'ensemble des 267 pèlerinages connus par les sources. Il est en effet évident que Grégoire n'a jamais omis dans ses relations de signaler les visiteurs dont la qualité lui

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paraissait prestigieuse ou respectable et dont la venue ne pouvait par ailleurs passer inaperçue : les ecclésiastiques ne manquaient sûrement pas de se faire connaître de l'évêque tourangeau qui leur accordait souvent l'hospitalité; quant aux grands qu'accompagnait une suite nombreuse, ils revendiquaient assurément, à leur arrivée dans la cité, les égards dus à leur rang. On peut donc être certain que pratiquement aucun laïc de marque, aucun clerc ne se dissimulent dans la masse des pèlerins dont la position sociale n'est pas précisée. Ces derniers étaient donc tous des personnages de modeste condition, comme le suggère d'ailleurs à maintes reprises leur comportement.

En conséquence la participation des différents groupes sociaux au pèlerinage se traduit par les pourcentages corrigés suivants : les milieux cléricaux au sens large, évêques129 et clercs de tous ordres130, abbés, abbesses131 ou moniales132, ainsi que quelques serviteurs laïcs engagés au service d'une Église (notaires, intendants. . .)133, avec 48 visites, prennent, comme on pouvait s'y attendre, une part importante au mouvement, en fournissant 18% des pèlerins. Les laïcs jouissant d'une position officielle (22), souverains et membres de la famille royale134,

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hauts dignitaires135 — maires du palais, référendaires, ducs ou comtes — enfin des fonctionnaires de rang plus modeste comme les tribuns136 représentent 8% des visiteurs. En marge de ce dernier groupe doivent être recensés à part quelques individus (11, soit 4%) qui se distinguent du commun : notables municipaux comme ceux auxquels Grégoire confère le titre de civis137 et qui appartiennent probablement au civium honoratorum or do praeclarus 138 de leurs cités respectives, propriétaires ruraux ou marchands jouissant d'une aisance certaine, dont témoignent des dons généreux faits à l'Église et aux pauvres139. Au total ces visiteurs que l'on peut, pour des raisons diverses, qualifier de «privilégiés» ne constituent que 30% des pèlerins. Tous les autres, la grande majorité, sont de petites gens : parmi eux quelques citadins — apprentis travaillant dans un atelier ou commis su service d'un négociant 140 — , surtout des ruraux — modestes tenanciers, colons misérables, ouvriers agricoles libres ou esclaves141 — , enfin des déracinés, de pauvres hères rejetés par leur famille, leur milieu et vivant d'expédients142. Parmi ces humbles, beaucoup de pauperes (les termes de pauper, de pauperculus reviennent souvent sous la plume de Grégoire) qui, au cours de leur voyage, ne peuvent compter survivre que grâce à la charité publique : au moins 12% des pèlerins à s'en tenir aux notations les plus explicites

LA CITÉ DU PÈLERINAGE MARTINIEN 563

de Grégoire143. En somme, sur les chemins qui conduisent à Tours, toutes les classes de la société se côtoyent. Le pèlerinage, que n'hésitent pas à entreprendre les plus hauts dignitaires de l'État et de l'Église, est aussi et surtout un grand mouvement populaire. Et c'est à ce dernier caractère que se mesure tout particulièrement l'influence en profondeur du pèlerinage martinien : il arrache à l'horizon familier de leur village ou de leur ville, à l'étroit milieu où se cantonne ordinairement leur existence, à leurs habitudes de piété routinière des humbles qui, sans cette circonstance, n'auraient eu, à la différence des grands, laïcs ou ecclésiastiques, normalement aucune chance d'entrer en contact avec le monde extérieur et de s'éveiller peut-être à un idéal spirituel.

Les motivations individuelles

Pour comprendre l'impact d'un mouvement qui, dans un périmètre relativement étendu de la Gaule, draine vers Tours des hommes, des femmes et des enfants appartenant aux deux communautés ethniques qui la peuplent et aux divers milieux qui en composent la société, l'enquête doit s'orienter enfin vers la recherche des motivations individuelles. D'emblée, une constatation s'impose à la simple lecture des œuvres de Grégoire : on vient chercher, dans la cité des bords de Loire, l'assistance de Martin pour les raisons les plus diverses. Le saint confesseur est un patron que l'on peut invoquer en toutes circonstances et son pouvoir universel explique le succès de son culte en général et du pèlerinage en particulier. D'autres saints en Gaule sont réputés pour leurs vertus miraculeuses : leurs tombeaux ou leurs reliques attirent aussi des visiteurs suppliants. Mais, à l'exception de Julien de Brioude, ils paraissent, si l'on ose dire, plus spécialisés : implorés en général pour leurs pouvoirs de guérisseurs, ils sont plus particulièrement renommés pour apporter soulagement à certaines maladies ou infirmités. Qu'il suffise ici de prendre l'exemple de ce qui se passe dans le territoire de

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Tours. Depuis leurs tombeaux, Maxime, Papola et Venant 144 guérissent, dit-on, les fiévreux, de même que Solemnis et Monegundis qui, par ailleurs, accordent leurs soins, le premier aux énergumènes, la seconde, tout comme Senoch, aux aveugles145. Conservées dans des églises de Touraine, les reliques de Nizier et de Jean-Baptiste passent pour rendre la vue aux visiteurs frappés de cécité et pour délivrer les possédés, tandis que celles de Médard son très efficaces contre le mal de dents146. Martin, lui, soulage tous les maux physiques, éclaire les âmes troublées et protège les destinées du monde franc.

Dans tous les compte-rendus de pèlerinage, sans exception, Grégoire a noté avec le plus grand soin le ou les motifs qui incitaient chacun des visiteurs à se rendre à Tours. Aussi l'enquête statistique peut-elle, en ce domaine, porter sur l'échantillon le plus large, les 267 actes de pèlerinage répertoriés dans les sources. Les chiffres ne font que confirmer et préciser l'impression qui se dégage dès que l'on parcourt les textes : la grande majorité des visites aux lieux saints martiniens de Tours sont motivées par la souffrance physique; 81% des pèlerins viennent chercher la guérison d'une affection ou d'une maladie qui altère la santé de leur corps ou de leur esprit. C'est donc en tout premier lieu — pour reprendre une expression chère à Grégoire — le plus grand des médecins147 que l'on vient consulter à Tours. Ses médications, véritables panacées, guérissent les aveugles 148 et les paralytiques 149 les sourds

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et les muets150 les fiévreux151 et les pestiférés152; elles délivrent de leurs démons les fous et les possédés153; elles soulagent de la dysenterie154, de la goutte155 et des diverses affections rhumatismales156 ou cutanées157, des maux de tête158, de gorge159, et de ventre160; elles rendent à la santé l'épileptique 161 comme l'hémorroïsse 162, redressent les boiteux163, combattent victorieusement la stérilité164; à la prière des dévots, Martin enfin ne dédaigne pas d'apporter ses soins aux animaux165 et aux récoltes166. Il paraît suffisant de s'arrêter à cette liste des maux auxquels le saint de Tours est prié de remédier, enumeration d'ailleurs incomplète, puisqu'il n'est guère en fait de misères physiques qui soient absentes des récits de Grégoire. Sans chercher à dresser un catalogue exhaustif, on pourrait évidemment tenter de traduire en pourcentage les principales affections dont sont atteints les pèlerins. Mais on ne saurait s'engager dans cette voie sans risque d'erreur : il n'est pas facile en effet, dans bien des cas, de diagnostiquer, sur la base des symptômes décrits par l'évêque de Tours, la nature exacte du mal; d'autre part, nombreux sont les visiteurs qui, véritables épaves humaines, sont atteints de plusieurs infirmités à la fois et ne se laissent pas ranger dans une catégorie précise167. En fait il n'y a pas lieu, semble-t-il, de concevoir trop de regrets en renonçant à une entreprise qui aboutirait à améliorer notre connaissance de l'état sanitaire de la Gaule au VIe siècle bien plus que celle du pèlerinage lui-même.

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À côté de la foule des infirmes et des malades qui assiègent Martin de leurs prières, s'individualise un second groupe de pèlerins, moins nombreux (19%), attirés à Tours par les exigences de la foi et qui voient dans le saint évêque surtout le médecin des âmes. Dans cette catégorie se rangent des pécheurs repentants qui prennent le chemin du pèlerinage en pénitents pour expier des fautes passées168, des dévots sauvés d'un grave danger ou guéris d'une maladie, après avoir en quelque lieu invoqué l'aide de Martin, et qui veulent témoigner par une visite à son tombeau leur reconnaissance169. Pèlerinages inspirés par une pieuse ferveur encore, ceux entrepris pour quérir à Tours des brandea du saint confesseur : l'initiative en revient tantôt à des évêques qui souhaitent consacrer un sanctuaire de leur cité à Martin, tantôt à des particuliers, clercs ou laïcs, désireux d'assurer à eux-mêmes et à leur entourage la protection permanente d'une relique170. Pieux pèlerins enfin ceux qui, dans leur quête spirituelle, souhaitent se recueillir171 dans les lieux où Martin a vécu et auprès du tombeau où il repose, afin que leur âme soit éclairée par cet «astre immense qui illumine les ténèbres de ce monde»172. Cependant dans tous les cas précédemment évoqués, la motivation n'est pas toujours aussi simple et pure qu'une classification, forcément un peu arbitraire dans sa rigidité, le fait apparaître. Ainsi au nombre des pèlerins mus par le repentir ont été comptés ceux — assez nombreux — qui, selon Grégoire, ont été frappés de contracture des membres ou de paralysie générale, pour avoir travaillé ou forniqué le jour du Seigneur173 ou s'être enivrés. Ces derniers attendent de leur visite à Tours, cela est évident, avec la pardon de la faute commise, la guérison du mal qui, croient-ils, les punit : de ce fait, ils pourraient être tout aussi bien classés avec les autres malades et infirmes dont ils grossiraient les effectifs de 3%. D'un autre côté, certains pèlerinages entrepris par des bien-portants et apparemment motivés par des exigences

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toute spirituelles ne sont pas dénués de préoccupations plus intéressées, notamment dans le domaine politique : les rois, les princes et les princesses174 (2% du total des visiteurs) qui se rendent à Tours songent au moins autant à obtenir la protection de Martin pour le regnum Fran- corum ou pour des entreprises personnelles, dont l'ambition n'est pas toujours avouable, qu'à faire le salut de leur âme.

On doit remarquer, sans pour autant vouloir faire d'une coïncidence fréquente une règle générale et systématique, qu'il s'établit souvent une correspondance entre la catégorie sociale à laquelle appartiennent les pèlerins et la nature des requêtes adressées à Martin. Le plus grand nombre des pèlerinages inspirés par la seule dévotion sont entrepris par des clercs et des religieux, ce qui n'exclut pas que certains d'entre eux viennent aussi chercher auprès de Martin la guérison de maux physiques. De même les pèlerinages que l'on peut qualifier de politiques sont le fait des laïcs de haut-rang, parmi lesquels cependant quelques- uns attendent de leur visite le rétablissement de leur santé ou le salut de leur âme. Enfin la masse des petites gens reconnaît surtout en Martin le guérisseur, le plus puissant des médecins. Aussi le bienheureux confesseur offre à chacun des groupes sociaux une assistance en rapport avec ses préoccupations essentielles : pour le peuple, il est le protecteur compatissant à son humble misère; pour les clercs, l'évêque- moine dont l'exemple soutient la foi; pour les grands et les rois, le patron du royaume et l'arbitre de ses destinées politiques. Ce pouvoir universel reconnu à Martin explique en grande partie la faveur dont jouit dans tous les milieux de la société mérovingienne, sans distinction de sexe, d'âge ni de race, le pèlerinage de Tours.

3) Amplitude et rythmes du mouvement

Une foule de pèlerins ?

L'étendue géographique atteinte par son rayonnement, la diversité des milieux qu'il touche, le large éventail de requêtes auxquelles il répond, tout laisse supposer que le pèlerinage martinien de Tours a mobilisé dans la deuxième moitié du VIe siècle un grand nombre d'indi-

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vidus. Les sources ne permettent malheureusement pas de chiffrer les effectifs des visiteurs que le mouvement draina durant cette période vers la cité ligérienne. Nous savons seulement — pour s'en tenir à la période où les datations sont le mieux assurées et les faits connus en plus grand nombre — que, durant les vingt premières années de l'épis- copat de Grégoire, les miracles opérés par Martin vinrent couronner 229 actes de pèlerinage. Ce qui signifie que, bon an mal an, 11 ou 12 pèlerins étaient exaucés par le confesseur. Mais quel pourcentage les miraculés représentaient-ils par rapport à l'ensemble des pèlerins? On ne saurait le dire, puisque il est absolument impossible de déterminer le coefficient par lequel il faudrait multiplier le premier chiffre pour obtenir le second : le miracle échappant par définition aux lois naturelles ne se prête pas en effet à un calcul de probabilités. Mais si l'enquête échoue à préciser le nombre total des pèlerins, du moins suggère-t-elle que celui-ci se situait dans un ordre de grandeur très élevé par rapport au contingent présenté par les procès-verbaux. Les miraculés ainsi mentionnés par les sources — c'est la première remarque qui s'impose — ne représentaient de toute évidence qu'un très faible pourcentage des visiteurs venus solliciter personnellement Martin de leurs requêtes. Quelle que soit la nature de l'événement que recouvre le terme — intervention surnaturelle ou phénomène qui contredit les pronostics humains, ceux des médecins notamment — le miracle constitue l'exception. Grégoire lui-même, si ardent à vanter la générosité avec laquelle Martin prodigue ses soins, ne peut le dissimuler : ses récits, qui donnent pour chaque épisode la vedette au miraculé, laissent aussi assez souvent entrevoir la présence d'autres suppliants, nombreux, relégués au rang de simples figurants, parce que leurs vœux n'ont jamais été exaucés. D'autre part, un second élément doit être pris en considération : quelle que fût l'issue du pèlerinage, celui-ci, bien souvent, n'a pas entraîné seulement les individus qui avaient personnellement besoin du secours de Martin, mais aussi des membres de leur entourage. À s'en tenir aux seules indications incidemment fournies par Grégoire — qui ne notait pas systématiquement le fait — , on constate qu'un miraculé sur cinq avait entrepris le pèlerinage avec un et parfois plusieurs accompagnateurs : ici ce sont des parents qui conduisent un jeune enfant175 ou un des époux qui se tient aux côtés de son conjoint176; là

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des serviteurs dévoués ou des amis fidèles177 qui guident les pas du pèlerin. Dans un assez grand nombre de cas, le pèlerinage revêtait un caractère familial, collectif : les grands malades, les infirmes devaient être soutenus ou portés par les leurs au long de la route178; même lorsqu'ils étaient relativement valides, les visiteurs n'entreprenaient pas toujours le voyage en solitaires : les femmes et les jeunes enfants, sur des chemins qui étaient loin d'être commodes et sûrs, avaient besoin d'aide et de protection; les personnes de marque, quant à elles, ne se déplaçaient pas sans une escorte nombreuse. Ces divers compagnons s'associaient ensuite per la prière au pèlerinage. Enfin aux visiteurs venus pieusement solliciter pour eux-mêmes ou leurs proches l'aide du thaumaturge s'en ajoutaient d'autres appelés à Tours pour des motifs différents : fervents de quelque autre saint honoré en Touraine et qui ne négligeaient pas, une fois accomplies leurs dévotions à leur patron d'élection, de se rendre dans les lieux saints martiniens179; et, animés par des sentiments où la religion a peu de part, des étrangers qu'attiraient à Tours la présence des pèlerins autant que le renom de Martin : voyageurs qui choisissent, par curiosité plus que par piété, de faire halte dans la cité ligérienne; et, souvent peu recommandables, toutes sortes d'individus habiles à exploiter la crédulité ou la commisération du prochain : marchands itinérants, colporteurs de fausses reliques, troupes de mendiants professionnels que leurs tournées amènent régulièrement à Tours180. L'intérêt qu'il éveille, les profits matériels que certains en attendent, ce sont bien là les signes que le pèlerinage rassemble un

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grand concours de peuple, une foule d'étrangers, assez nombreux aussi pour modifier l'aspect ordinaire de la cité.

C'est précisément dans l'espace offert par la géographie sainte de Tours et dans le temps de sa vie religieuse qu'il convient, pour prendre toute la mesure du mouvement en précisant chacune de ces deux dimensions, de situer les pèlerins parvenus au terme de leur voyage. Il s'agit donc d'examiner comment le flot des visiteurs se partageait entre les divers lieux saints de la cité et comment il se répartissait entre les différentes époques de l'année; bref de tenter d'apporter réponse à deux questions : où et quand les pèlerins venaient-ils faire entendre de Martin leurs requêtes?

Les lieux saints fréquentés

À la première de ces questions, les procès-verbaux établis par Grégoire, parce qu'ils mentionnent toujours avec précision le lieu du miracle, apportent une réponse fort claire. Deux chiffres sont particulièrement éloquents : la basilique du suburbium où repose le corps du confesseur est fréquentée par 94% des pèlerins. D'autre part, près de 9 pèlerins sur 10 ne vont pas solliciter ailleurs le secours de Martin. C'est dire que les autres loca sancta de la civitas ne reçoivent au total qu'un tout petit nombre de visiteurs181. Ils constituent d'ailleurs rarement le but unique du pèlerinage : seuls quelques fidèles (5%) préfèrent accomplir toutes leur dévotions à Candes auprès du lit funèbre du saint évê- que; plus rares encore sont ceux qui choisissent de se rendre exclusivement en d'autres lieux de la cité qui, bien que sanctifiés par le passage de Martin, ont acquis une moindre notoriété : Ciran-la-Latte, dont l'oratoire avait été consacré par le confesseur et le Pagus Nobiliacensis, où un arbre jadis redressé par sa virtus passait pour fournir des remèdes efficaces, n'attirent, semble-t-il, que des dévots du proche voisinage182. En revanche, Candes encore, Marmoutier où l'on vénère la cellule de l'ascète, Y ecclesia de Tours où il avait été consacré à l'épiscopat 183 ainsi

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que des sanctuaires dédiés à d'autres saints184 s'inscrivent parfois dans une tournée pieuse qu'effectuent certains pèlerins : les uns tentent d'obtenir ici ce qui leur a été refusé là; d'autres, dans l'ardeur de leur dévotion, tiennent à se recueillir dans les différents lieux où se perpétue le souvenir de Martin. De facon plus concrète, les récits de Grégoire, en faisant maintes fois référence à la masse anonyme des pèlerins présents à Tours, confirment et prolongent les enseignements que l'étude statistique tire de l'analyse d'un échantillon réduit aux seuls miraculés. C'est en effet le plus souvent dans les épisodes ayant pour cadre la basilique que l'évêque-historien évoque la présence à Tours «d'innombrables visiteurs». Certes, — et nous retrouvons l'épineux problème du nombre des pèlerins — on doit se défier des formules emphatiques auxquelles le panégyriste n'est que trop facilement enclin à recourir. D'un autre côté, parler de foule c'est faire appel à une notion toute relative; celle-ci ne se laisse apprécier que dans un contexte défini, notamment lorsqu'elle s'applique à un rassemblement d'individus dans un espace dont les dimensions sont connues. Mais c'est précisément ici le cas : à lire attentivement les récits de Grégoire, on retire l'impression que le vaste édifice élevé par Perpetuus, en maintes circonstances, était comble et qu'à ses alentours se bousculait encore, dans un va-et-vient incessant, une multitude de gens. Les pèlerins sont partout présents : les uns se pressent autour du tombeau, mal contenus par les chancels qui protègent ce dernier185; d'autres — nombreux aux dires de l'évêque — sont étendus tout le jour dans l'espace qui sépare la tombe sainte de l'autel186, lui-même assiégé par des dévots en prière187; certains, retenus par un sentiment d'humilité ou empêchés par l'affluence d'aller plus avant, se tiennent dans la nef ou s'arrêtent sur le seuil de la demeure de Martin188. Beaucoup cependant s'attardent dans la partie

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de l'atrium «qui est devant le sépulcre du saint», au chevet de la basilique189; les grands malades reposent sous les portiques bordant le parvis, tandis que les pèlerins contraints par leur pauvreté à vivre d'aumônes se postent sur le passage qui conduit à l'entrée principale de l'édifice, pour solliciter des visiteurs plus aisés une aide charitable 190.

Les temps du pèlerinage

Dans une tentative ayant pour but de vérifier que la basilique accueillait bien les pèlerins en foule, il faut aussi tenir compte d'une autre dimension, celle du temps. Un afflux passager qui ne se reproduirait qu'à long intervalle ne pourrait en effet amener, au terme d'une année ou de plusieurs années, qu'un nombre relativement limité de visiteurs. Était-ce le cas à Tours? Afin de s'en assurer, il est nécessaire d'examiner les pulsations du mouvement. L'affluence qu'évoque Grégoire est effectivement bien souvent celle des grands jours, des anniversaires pour lesquels «se rassemblent des grandes foules de peuples»191. À n'en pas douter, la virtus de Martin passe pour opérer avec une prodigalité toute particulière lors des fêtes que célèbre l'Église tourangelle. Le contingent des visiteurs que chacune de celles-ci attire est en rapport avec le renom dont elle jouit. La fréquence des miracles selon les époques de l'année peut donc, dans une certaine mesure, fournir un indice de fréquentation. Dans les procès-verbaux établis par ses soins, l'évêque a noté pour 121 miracles le jour de l'année où ceux-ci étaient advenus. Or on constate que, sur ce total, 105, soit plus de 87%, se sont produits à l'occasion d'un des deux anniversaires martiniens192. Il n'est malheureusement pas possible de savoir laquelle de ces deux fêtes, celle de juillet ou celle de novembre, était la plus fertile en événements miraculeux et donc la plus courue, puisque Grégoire en général se réfère à la festivitas de Martin, sans ajouter d'autre précision. Quant aux autres miracles «datés» (16), ils se situent tous, soit au voisinage des

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autres festivités du calendrier chrétien — durant la semaine pascale, à la Noël ou à l'Epiphanie193 — soit un dimanche quelconque de

Faut-il penser que Tours ne voyait affluer les pèlerins que deux fois l'an, lorsqu'elle commémorait le souvenir de son saint patron? Une analyse plus poussée des textes, tenant compte de données jusqu'ici négligées, invite à nuancer fortement une telle conclusion. Deux éléments doivent être pris en considération. Le premier concerne le «calendrier» des miracles. Si l'on met à part les notices du Livre I du De Vtrtutibus s. Martini, où l'auteur, faute d'informations assez précises, ne mentionne jamais l'époque de l'année où se situent les faits relatés, on peut affirmer qu'à chaque fois qu'elle s'est produite, Grégoire a toujours noté la coïncidence d'un événement miraculeux avec la célébration d'une fête ou d'un dimanche : l'évêque-historien était trop intimement persuadé qu'en ces jours la toute puissance de Dieu se manifeste intentionnellement avec un éclat tout spécial, pour avoir laissé échapper un seul exemple de nature à communiquer sa conviction au lecteur 195. Autrement dit, pour la seule période de son épiscopat, les miracles, 229 au total, doivent se distribuer en réalité de la façon suivante : 105, soit 46% lors des anniversaires martiniens; 16 (7%), lors d'une autre fête annuelle ou à l'occasion d'un dimanche et 108, (47%) un jour quelconque de l'année. C'est d'ailleurs cette prodigieuse générosité de Martin, qui ne réserve pas ses interventions aux seules festivités à lui consacrées, que l'évêque entend probablement souligner lorsqu'il affirme qu'à Tours le miracle est quotidien196. Une autre donnée doit également être prise en considération : la durée de la visite. La date du miracle, celle que note Grégoire, ne se confond pas toujours, loin de là, avec celle de la venue à Tours. Elles ne coïncident que dans les cas de guéri- son immédiate. À s'en tenir aux indications fournies en ce domaine

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pour 110 visites seulement, 47 pèlerins (42,7%) virent leurs vœux exaucés le jour même de leur arrivée dans la cité ligérienne. Quant aux autres miraculés, ils y séjournaient les uns depuis quelques jours, d'autres depuis quelques semaines ou quelques mois, certains depuis plusieurs années, lorsqu'ils méritèrent d'être entendus de Martin197. Bien qu'il y ait lieu de penser que les pèlerins finalement déçus dans leur espoir manifestaient une même persévérance, il n'est pas question d'accorder à ces notations plus qu'une valeur indicative. Les mentions de durée concernant le séjour sont trop fréquemment absentes du compte- rendu de Grégoire, et, lorsqu'elles y figurent, elles sont souvent trop imprécises, pour que l'on puisse songer à établir sur ce point une statistique ayant valeur pour l'ensemble du mouvement pèlerin ou même pour le groupe plus restreint des miraculés : il y aurait imprudence à traduire par une estimation chiffrée des expressions aussi vagues que longo tempore, paucis ou multis diebus19* ou des termes qui évoquent l'attente persévérante du visiteur 199.

Mais tout ceci suffit pour suggérer la complexité du mouvement qui, au long d'une année, fait alterner des vagues régulières et des flots plus puissants de pèlerins. Ceux-ci, à n'en pas douter, affluent particulièrement nombreux lors des anniversaires martiniens de juillet et de novembre : le choix de ces dates était dicté par le désir d'honorer le confesseur; il s'expliquait aussi par la conviction que ces deux fêtes étaient particulièrement propices au miracle. On comprend aisément que les pèlerins, notamment ceux qui venaient de loin, aient souhaité mettre ainsi toutes les chances de leur côté. Pour la même raison, beaucoup d'entre eux ne se contentaient pas en cette circonstance d'un bref

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séjour dans la cité ligérienne : ceux qui devaient affronter, au retour comme à l'aller, les fatigues d'un long voyage étaient contraints à faire une halte prolongée; et surtout les visiteurs, quelle que fût leur origine géographique, voulaient profiter de la période faste dans laquelle s'encadrait chacune des deux fêtes et qui formait une sorte de semaine sainte. Les pèlerins devaient être présents au moins dès la veille de la commémoration pour assister aux vigiles, au cours desquelles éclatèrent d'ailleurs plusieurs miracles200; souvent ils étaient arrivés plus tôt : certains priaient, note Grégoire, depuis trois jours dans la basilique lorsqu'ils furent, durant la «sainte festivité», exaucés par le thaumaturge201. D'autres, qui avaient participé sans résultat à la célébration de cette dernière, obtinrent le secours de Martin trois ou quatre jours plus tard202. Pour tous ces miraculés le séjour aux lieux saints tourangeaux s'était donc bien étendu sur une période de 4 à 8 jours203. D'autres malades moins heureux prolongeaient leur visite, alors que le flot des pèlerins de la Saint-Martin (d'été ou d'hiver) se retirait. Mais cependant, dans l'intervalle de ces deux fêtes, des dévots, venus par petites vagues successives et au total sans doute aussi nombreux, entretenaient vers Tours un courant incessant de pèlerinage : parmi eux, semble-t-il, en majorité des ruraux venus des campagnes avoisinantes et que la proximité des lieux saints incitait à prendre la route dès que le besoin s'en faisait sentir, assurés qu'ils étaient de pouvoir renouveler facilement, en cas d'échec, leur démarche, mais aussi des visiteurs de provenance plus lointaine qui, eux, s'attardaient fréquemment dans leur acharnement à fléchir Martin. Tous ces mouvements additionnés amenaient dans la cité martinienne ce qu'il paraît légitime d'appeler, au terme d'une année, une foule de pèlerins; à chaque reflux, ceux-ci laissaient auprès des lieux saints quelques-uns d'entre eux qu'y enchaînait un espoir indéfectible. En nombre variable suivant les saisons, les visiteurs étrangers sont donc toujours présents à Tours, devenue dans la deuxième moitié du VIe siècle un centre permanent du pèlerinage mar- tinien.

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III - Pratiques propitiatoires et spiritualité du pèlerinage

1) Les pratiques d'une foi superstitieuse

Durant leur séjour plus ou moins long aux lieux saints de Tours, les pèlerins s'efforcent par tous les moyens dont ils disposent de «capter» à leur profit un peu de la virtus miraculeuse de Martin. Le terme est sans doute celui qui rend le moins mal, avec ses diverses acceptions, le sentiment confus qui les anime et guide leur démarche. Il doit s'entendre tout d'abord au sens le plus matériel; la puissance de Martin est en effet conçue par tous, à commencer par Grégoire lui-même, comme une sorte de fluide qui, émanant du thaumaturge, a imprégné et imprégne encore les objets et les lieux au contact de sa personne physique204 : l'autel d'un oratoire rural consacré par sa main205, un arbre miraculeusement redressé par sa bénédiction206, la treille qu'il avait plantée à Marmoutier ou l'eau du puits qui l'abreuvait dans cette retraite207, les patènes qui ont servi à son ministère208 passent pour conserver un peu de cette force mystérieuse; mais de celle-ci sont surtout chargés les différents réceptacles qui ont successivement accueilli le corps saint, le lit où reposait l'ascète à Marmoutier209, l'humble couche sur laquelle il s'est éteint à Candes210 et, plus encore, à Tours même, le tombeau où il dort de son dernier sommeil211. Ici la virtus martinienne rayonne si

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puissamment qu'elle infuse tout ce qui se trouve à proximité du sépulcre : la terre de l'atrium, ad pedes sancii Martini212, le mur d'abside de la basilique et les tentures qui y sont accrochées213, la palla qui recouvre le tombeau214 et les chancels qui le protègent215, les lampes à huile et les cierges éclairant le sanctuaire216. Bien plus, toute matière qui, de façon même fugitive, se trouve exposée fortuitement ou volontairement aux effluves émanant du tombeau — le vêtement porté par un visiteur217, l'eau qui à Pâques sert à laver la pierre tombale218, un objet déposé à proximité de cette dernière — peut dans certains cas, croit-on, en être durablement imprégnée : le livre des Saintes Écritures acquiert après un tel séjour une vertu oraculaire219; une étoffe220, un liquide221, des propriétés curatives que révèle, résultat de cette mystérieuse osmose, une augmentation de poids ou de volume.

Ces croyances, largement répandues, expliquent les pratiques auxquelles se livrent nombre de pèlerins et particulièrement ceux d'entre eux qui sont atteints d'une affection ou d'une infirmité. Certains se contentent de placer tout ou partie de leur corps souffrant — notamment la partie malade — en contact — tactu salutari {VM, IV, 6) — avec l'un des monuments de la puissance martinienne; d'autres, se tenant à quelque distance, s'exposent simplement aux radiations de la virtus martinienne. À Candes, un diacre aveugle recouvre la vue après avoir toute une nuit pressé dévotement ses lèvres contre les chancels du lit funèbre222 et une femme, elle aussi frappée de cécité, après en avoir seulement touché le bois sacré223; de même, un boiteux est redressé pour s'être appuyé un bref instant au mur de la cellule224. Dans la basilique

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funéraire de Tours, une jeune muette, exposita ante sepulchrum sancii, prononce ses premières paroles225 et un enfant moribond, que ses parents couchent sur le tombeau, est rendu à la vie226. Plusieurs paralytiques retrouvent l'usage d'un membre malade en couvrant de baisers la pierre tombale227 ou en effleurant les chancels qui l'entourent228. Une hémorroïsse obtient une guérison complète en attouchant ses yeux et ses oreilles avec la palla du tombeau229. Des aveugles qui frottent leurs yeux éteints avec cette même palla ou avec les voiles suspendus dans l'abside revoient la lumière dont ils étaient depuis longtemps privés230. L'évêque Grégoire lui-même, souffrant de maux de gorge, expérimente à deux reprises avec succès la vertu curative contenue dans les velis dependentibus, dont il avait eu soin d'envelopper sa tête231.

Beaucoup de pèlerins cependant préfèrent tenter de s'approprier un peu du fluide miraculeux. Les uns choisissent de prélever dans les lieux saints quelques fragments d'un des matériaux — pierre, terre, bois, cire. . . — , à travers lesquels sourd la grâce de Martin; d'autres s'efforcent de recueillir celle-ci dans un objet servant de «récipient» — tissu, vase rempli d'un liquide. . . — qui, apporté par leurs soins et déposé quelques heures auprès du tombeau, est susceptible d'absorber l'influx mystérieux et de le restituer par la suite. Les visiteurs ainsi entrés par différents procédés en possession d'une parcelle de la vertu du thaumaturge en usent de façons diverses. Nombre d'entre eux la prennent immédiatement eux-mêmes, ou la rapportent à l'un de leurs proches, comme médication. Ces remèdes sont de nature très diverse, fibres textiles, cires, liquides, poudres; mais, pour autant, aucun d'eux ne paraît exercer, au jugement des pèlerins, une action véritablement spécifique. Quelques-uns sont empruntés aux étoffes précieuses qui servent d'ornements au tombeau et passent pour plus efficaces que les ligatures pratiquées par les harioli : attachées au cou d'un enfant, des franges prélevées sur la palla apaisent la fièvre qui le brûle232; un fil

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arraché au velum de l'abside et appliqué directement sur le ventre met fin aux douleurs intestinales dont souffrait Grégoire233. La cire des cierges allumés au tombeau a, elle aussi, des indications multiples : brûlée au chevet d'un malade, elle procure un soulagement immédiat, dont l'effet se confirme lorsque l'égrotant absorbe, dissoute dans l'eau, la cendre de la mèche234; appliquée dans l'oreille d'une sourde-muette, la cire rend à celle-ci l'usage de la parole et de l'ouïe235. Pouvant être administrés en onctions ou sous forme de potions, les liquides sont plus couramment utilisés. Quelques guérisons miraculeuses sont obtenues grâce au jus de la vigne — le suc d'un grain de raisin cueilli sur la treille de Marmoutier et macéré dans l'eau236 — , ou du vin ayant séjourné dans un vase placé sur le tombeau du confesseur237. L'eau peut, elle aussi, opérer des cures : celle que l'on puise dans le puits de Marmoutier, versée dans la bouche d'un malade, éteint la fièvre qui le brûlait238; celle «dont on lave le sépulcre avant la Pâque», prise par voie orale ou appliquée sur des pustules, fait merveille lors des épidémies de dysenterie ou de peste239. Servie dans l'une des patènes ayant appartenu à Martin, de l'eau ordinaire se transforme en un remède efficace pour combattre la fièvre et le délire240.

Mais, de tous les liquides, c'est sans aucun doute l'huile qui fournit à la thérapeutique sainte la médication la plus ancienne et la plus réputée. De son vivant le thaumaturge, aux dires de son biographe, avait opéré par deux fois des cures miraculeuses, en versant dans la bouche d'un malade de l'huile qu'il avait préalablement bénie241; un siècle plus

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tard, l'évêque Perpetuus, recourant au même procédé, remit sur pied un paralytique242; par la suite, deux autres confesseurs tourangeaux en usèrent de même : Monegundis préparait à l'intention des infirmes un remède salutaire, en ajoutant à de l'huile bénie de sa main un peu de sel; Senoch, se servant pour des frictions d'une huile sanctifiée par la bénédiction (oleo benedictione sanctificata), rendit à un visiteur l'usage de sa main contractée par la douleur243. Dès la deuxième moitié du Ve siècle, des pèlerins, sans passer par l'intermédiaire d'un saint personnage, prennent l'initiative de déposer eux-mêmes, suivant un exemple donné par Perpetuus, un vase rempli d'huile d'olive ou de rose auprès du tombeau du thaumaturge ou encore de puiser de l'huile dans les lampes allumées au-dessus du sépulcre : le liquide, pensent-ils, sous l'effet de la bénédiction du saint, s'est transmué en une médication des plus efficaces244. Du temps de Grégoire, ces huiles diverses sont toujours employées pour combattre des affections variées : quelques gouttes versées dans la bouche d'une muette lui rendent l'usage de la parole245; pure ou étendue d'eau bénite, «l'huile du tombeau», dont les malades ont coutume de frictionner leurs membres, a sauvé, aux dires de Grégoire, bien des vies en période d'épidémies246.

Mais dans la gamme des produits offerts par la pharmacopée mar- tinienne, ce sont les poudres qui, sans aucun doute, constituent les médecines les plus demandées. Réduite en poussière et dissoute dans l'eau, l'écorce de l'arbre redressé par Martin à Neuillé a fourni pendant longtemps un remède très apprécié : si apprécié que l'arbre en était complètement dépouillé lorsque Grégoire eut l'occasion de se rendre dans ce bourg de Touraine247. D'autres préparations sont réalisées en mélangeant à de l'eau soit, comme on l'a déjà vu, la cendre produite par la combustion de la mèche d'une chandelle provenant de la basilique248, soit encore un peu de terre ramassée dans l'atrium, au chevet du sanctuaire249. Cette dernière mixture est administrée à un jeune

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enfant par un prêtre qui n'avait pu pénétrer de nuit dans la basilique, alors fermée aux visiteurs, et accéder jusqu'au tombeau comme il le souhaitait. Car une pincée de poussière obtenue en raclant la pierre du sépulcre saint constitue, aux yeux de beaucoup de dévots, la panacée par excellence. S'il faut en croire Paulin de Périgueux, la découverte des propriétés curatives de cette poudre reviendrait à Perpetuus. Comme l'évêque, raconte le poète, voulait faire de l'huile du tombeau «un remède infaillible et employer ce baume éprouvé à soulager toutes les souffrances, il gratta légèrement le marbre du sépulcre et, versant dans le vase cette poussière bénie, il doubla les forces de l'huile sainte : car, en l'arrosant de cette poussière, il communiquait au liquide deux vertus nouvelles; le contact rendait la consécration plus parfaite et plus sûre, le mélange était un gage de plus pour la guérison»250. Son lointain successeur, Grégoire, ainsi que des membres de son clergé recourent, eux aussi fréquemment, au même procédé pour se procurer l'ingrédient indispensable à la préparation de potions miraculeuses251. Loin de se scandaliser d'une pratique qui passerait à nos yeux pour un acte de vandalisme sacrilège, l'autorité ecclésiastique donne à Tours un exemple imité par les pèlerins. Très nombreux sont parmi ceux-ci les malades qui, après avoir absorbé cette poudre mêlée à leur boisson habituelle, eau ou vin, en ont éprouvé, au témoignage de l'évêque historien, les bienfaisants effets252.

Tous les fragments de matière arrachés aux lieux saints, tous les produits imprégnés à leur contact de la virtus martinienne ne sont pas destinés, si l'on ose dire, à la consommation immédiate. Un certain nombre de visiteurs en rapportent chez eux à leur retour, dans le désir de prolonger les effets salutaires du pèlerinage. Ce qu'ils sont venus chercher à Tours, c'est, autant qu'un remède infaillible, conservé en prévision d'une éventuelle maladie, une relique qui doit en permanence protéger leur propre personne et celle des membres de leur famille, en écartant préventivement tous les dangers. Dans l'acquisition de ces brandea, les pèlerins, selon l'inspiration du moment ou les possibilités qui leur sont offertes, procèdent à des choix très divers. L'un d'eux, retenu par la crainte d'agir en plein jour et trouvant à la nuit les portes

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de la basilique fermées, s'empare d'un morceau de la corde «avec laquelle on sonne la cloche», en la coupant avec son couteau253. Un second, qui n'est autre que le futur évêque de Tours, Grégoire, emporte au retour de son pèlerinage quelques cierges : leur cire, après avoir procuré autour de lui plusieurs guérisons éclatantes, est placée par le jeune diacre dans un vignoble appartenant à sa famille; elle en écarte désormais les orages de grêle qui, jusque là, le ravageaient périodiquement254. L'un des compagnons de Georgius Florentius arrache un fragment de bois aux « chancels du lit qui se trouve dans le monastère du saint maître» et le dépose dans sa maison pro salvatione255. Grégoire relate aussi l'histoire de ce roi arien de Galice qui se convertit au catholicisme lorsque ses ambassadeurs, envoyés à Tours, lui portèrent un gage de la puissance du confesseur : il s'agissait d'un drap qui, préalablement pesé, avait été étendu pendant toute une nuit sur le tombeau ; à son contact il s'était tellement gorgé de la virtus du saint qu'au matin la balance accusa une forte augmentation de son poids256. L'évêque n'a pas été le témoin de cet événement ancien qu'il rapporte par ouï-dire. La valeur historique de son récit est sans doute bien faible et certains détails relèvent probablement de la pure légende : la pesée des brandea qui, avait-on raconté à Grégoire, était pratiquée couramment à Saint- Pierre de Rome, n'est attestée par aucune autre source257. De l'anecdote on peut cependant retenir un élément d'information plus sûr : une pièce d'étoffe déposée sur le sépulcre de Martin pouvait constituer pour un pèlerin une précieuse relique.

Mais, plus souvent, les pieux souvenirs d'une visite à Tours se présentent sous la forme d'une ampulla d'huile sainte ou d'une capsula remplie de poussière grattée sur le tombeau. L'existence des ampoules de saint Martin est anciennement attestée par les textes. Du vivant même du thaumaturge, le renom des cures que celui-ci opérait, en administrant cette médication, incitait déjà les dévots à présenter à la bénédiction du saint de l'huile contenue dans une petite fiole. Ainsi la

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femme du comte Avitianus avait, raconte Sulpice Sévère, «envoyé à Martin un flacon d'huile qu'elle le priait de bénir, suivant la coutume, pour guérir diverses maladies. C'était une ampoule de verre {ampullam vitream) à la panse arrondie, au col effilé»258. Le biographe ajoute que, sous l'effet de cette bénédiction, l'huile s'était mise à gonfler et à déborder, mais qu'en dépit de ce phénomène la fiole demeurait toujours pleine. Sulpice Sévère lui-même, lors d'un des pèlerinages qui le conduisit en Touraine, avait obtenu du saint évêque «un vase de verre plein d'huile (vas vitreum cum oleo) que Martin avait bénie»259. Il l'avait, ajoute-t-il, déposé dans sa maison — celle de son domaine de Primulia- cum, semble-t-il — sur le rebord d'une fenêtre haute, recouverte d'un linge. Précipité sur le pavement de marbre par la maladresse d'un esclave, le fragile récipient était demeuré miraculeusement intact. À la même époque remontait peut-être aussi une troisième ampoule, longtemps conservée à Marmoutier : selon une tradition tardive, elle aurait contenu le baume salutaire dont un ange avait oint les plaies de Martin un jour que celui-ci s'était blessé en tombant, comme le raconte Sulpice {Vita M., 19, 4), d'un escalier260. Par la suite, les pèlerins continuèrent de présenter à la benedictio du confesseur défunt des vases d'huile qu'ils plaçaient auprès de son sépulcre, dans l'intention de les rapporter chez eux à leur retour. «Chaque fois qu'on dépose le nectar de l'olive dans un endroit voisin du tombeau, explique Paulin de Périgueux, l'efficacité de la grâce transforme cette liqueur et lui prête aussitôt une

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énergie active et salutaire». À l'époque où il mit en vers la Vita Martini, cet usage s'était suffisamment établi pour que le poète pût songer à établir un parallèle avec les pratiques analogues auxquelles se livraient les visiteurs dans les sanctuaires palestiniens261. Son témoignage n'est d'ailleurs pas unique : la diffusion des ampoules de saint Martin à la fin du Ve siècle est également attestée par l'auteur de la Vie des Pères du Jura. L'hagiographe signale qu'à l'époque où le monastère de Con- dat était gouverné par l'abbé Oyend (circa 490-540), lui-même dévot du saint de Tours, une amputa cum oleo beati Martini se trouvait dans la cellule du prêtre Antidiolus, «suspendue comme sauvegarde près du chevet de son lit». Le prêtre avait probablement rapporté d'un pèlerinage à Tours la précieuse relique, qui fut conservée dans le monastère jurassien jusqu'au XVIIe siècle, époque où elle fut malencontreusement brisée262. Du temps de Grégoire, «l'huile du bienheureux sépulcre», comme la nomme l'historien, est plus que jamais en faveur auprès des pèlerins désireux d'emporter de leur visite un gage de la benedictio de Martin. Ainsi un diacre que travaillait une forte fièvre était venu déposer sur la tombe du saint un petit récipient — désigné dans le récit tantôt par le terme de vasculum, tantôt par celui à'ampulla — rempli préalablement d'huile de rose. De retour dans sa demeure, l'ecclésiastique, ayant utilisé avec succès un peu du liquide en massage sur le front et les tempes, suspendit l'ampoule à un mur. Mal lui en prit, car celle-ci — sans doute insuffisamment assujettie — tomba et se brisa. Le diacre put cependant recueillir sur le sol assez d'huile de rose pour en remplir à demi un autre vasculum dans lequel le niveau du liquide s'éleva miraculeusement; la médication put ainsi soulager par la suite d'autres malades263.

Cependant dans la deuxième moitié du VIe siècle, les visiteurs, au lieu de se présenter à la basilique munis d'un récipient déjà plein, pré-

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feraient parfois remplir un vasculum avec de l'huile prélevée dans les lampes du sanctuaire264. Le plus souvent d'ailleurs, Grégoire ne se soucie pas de préciser la provenance et la nature exactes d'huiles qui, de toute façon, acquièrent, en séjournant auprès du tombeau, leurs propriétés miraculeuses : ainsi lorsqu'il relate les pèlerinages accomplis par l'abbé limousin Aredius, fervent collectionneur de brandea marti- niens. Du temps d'Eufronius, celui-ci s'était rendu une première fois à Tours; «il emporta une petite ampoule pleine d'huile du sépulcre du saint évêque» (plenam ampullam olei de sepulcro sancii antistitis) et la déposa dans l'oratoire de sa maison comme une relique; à plusieurs reprises il usa de son contenu pour guérir des affections dont lui-même ou des gens de son entourage étaient atteints265. Lors d'une de ses suivantes visites, à une époque où Grégoire avait succédé à Eufronius, de nouveau Aredius se munit «d'une petite ampoule de l'huile du sépulcre saint» {ampullam parvulam de oleo sancii sepulchri completam). Sur le chemin du retour, il rencontra une femme portant elle aussi une ampoule à moitié remplie d'huile; la dévote présenta celle-ci à la bénédiction de l'abbé. Se refusant par humilité à accéder à cette requête, Aredius proposa de sanctifier le contenu du récipient en y versant quelques gouttes de l'huile de saint Martin. «Dès que le liquide apporté de la basilique du saint y eut été versé, l'huile s'éleva en bouillonnant jusqu'au sommet de l'ampoule. À cette vue la femme, admirant le pouvoir du confesseur, retourna avec joie dans sa maison»266. Bien loin du Limousin, à Ivoi dans les Ardennes (aujourd'hui Carignan, près de Sedan), l'ascète Vulfilaicus conservait lui aussi, dans la basilique qu'il avait érigée en l'honneur de Martin, une ampullam cum oleo plenam. Il avait rapporté celle-ci d'un pèlerinage effectué à Tours, dans sa jeunesse, en compagnie de l'abbé Aredius qui avait fait son éducation. L'ampoule avait été déposée dans l'autel comme une relique au moment de la consécration de la basilique ; mais elle restait accessible, puisque Vulfilaicus put par la suite utiliser un peu de son contenu pour débarrasser son corps de pustules envahissantes267.

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Largement attestée par les sources écrites, la diffusion, parmi les pèlerins se rendant à Tours, d'une pratique fort en honneur, à la même époque, auprès des visiteurs des plus célèbres lieux saints de la chrétienté (sanctuaires palestiniens, basilique de Saint-Ménas en Egypte, tombeaux des apôtres à Rome268) et qui n'était pas ignorée non plus en Italie du Nord269, en Espagne270 et dans quelques autres cités de la Gaule271, paraît confirmée par une découverte archéologique qui, malgré son importance, n'a pas eu tout le retentissement mérité. En 1865, dans les ruines d'une villa gallo-romaine située à Saint-Martin- de-Fraigneau en Vendée, à quelques kilomètres de Fontenay-le-Comte, on retrouvait, voisinant avec des monnaies d'Honorius et de Majorien, un «vase de terre couvert d'une glaçure noire et portant une inscription à la pointe». Ce petit vase à panse large et à col étroit, qui devint la propriété d'un érudit poitevin, Benjamin Fillon, et qui de nos jours est perdu, est connu grâce à la reproduction, un simple dessin, et à la description qu'en donne A. Lecoy de la Marche dans son grand ouvrage sur Saint Martin de Tours272. Que ce récipient ait été destiné à contenir de l'huile sainte provenant de la basilique martinienne de Tours, l'inscription qu'il portait en fait foi. D'après la copie qui nous est parvenue, elle était ainsi libellée :

t D(om)ni Martini antistitis balsamum oleum, (palme) Pro benedictione273.

Aucun doute n'est donc possible quant à l'origine du vase et quant à l'usage auquel il était réservé. Entre ce petit monument et les nombreuses ampoules

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rapportées de Terre Sainte par les pèlerins et conservées jusqu'à nos jours, notamment dans les trésors de Bobbio et de Monza, le rapprochement s'impose d'ailleurs immédiatement. Certes, d'un point de vue artistique, on ne saurait comparer un récipient de facture très commune avec les précieux flacons d'argent finement décorés au repoussé que la reine lombarde Theodelinde collectionnait avec piété. Mais un parallèle peut être établi entre l'inscription qui se lisait sur le vase vendéen et celles qui figurent sur les ampoules palestiniennes : dans l'un et l'autre cas sont précisés non seulement le contenu du récipient avec sa provenance, mais aussi sa fonction religieuse; le latin benedictio est ici l'équivalent du grec eulogia274. Bien qu'un unique exemplaire en ait été préservé jusqu'au XIXe siècle, les ampoules de Tours, comme celles de Palestine ou d'Egypte, étaient, sans aucun doute, produites en série pour satisfaire à la demande des pèlerins. L'inscription retrouvée à Saint-Martin-de-Fraigneau, très proche dans son libellé d'expressions employées par Grégoire275, reproduit vraisemblablement un formulaire dicté par l'autorité ecclésiastique, légitimement soucieuse d'établir son contrôle sur ces objets de piété. L'existence d'un atelier spécialisé dans leur fabrication paraît également confirmée par le témoignage des textes littéraires. Les descriptions données par Sulpice Sévère, ainsi que le choix des termes employés par Grégoire, montrent bien que, si la matière — verre ou terre — n'en était pas toujours la même, les récipients, avec leur goulot assez étroit pour être hermétiquement bouché, affectaient tous la même forme fonctionnelle. D'autre part, à plusieurs reprises, les sources suggèrent très nettement que certaines ampoules de Tours, comme nombre de celles provenant de Terre Sainte, étaient pourvues d'un système d'attache permettant de les suspendre276, soit pour les accrocher au mur d'un oratoire privé, soit pour les porter en voyage, comme encolpia autour du cou. Tout ceci paraît indiquer qu'il s'agissait d'une production destinée à un usage spécifique.

Une coutume toute parallèle, mais apparue, semble-t-il, plus tardivement, puisque Grégoire est le premier à la mentionner, consistait pour les pèlerins à remplir de poussière grattée sur le tombeau une petite boîte servant de reliquaire. L'évêque lui-même n'effectuait aucun déplacement, sans prendre avec lui une capsella de cette poudre mira-

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culeuse, grâce à laquelle il guérit sur sa route, nous dit-il, plus d'un malade277. L'archidiacre tourangeau Plato, élu au siège episcopal de Poitiers, avait emporté dans sa nouvelle résidence un chrismarium de pulvere beati sepulchri, grâce auquel il conjura un incendie menaçant la domus ecclesiae et dans lequel il puisa une médication bienfaisante pour l'un de ses serviteurs gravement souffrant278. Quant à l'abbé Are- dius, il avait ramené, entre autres pieux souvenirs d'une de ses visites à Tours, une capsula (ou capsa), dans laquelle il avait enfermé « un peu de la poussière du bienheureux sépulcre ». Il avait confié à son compagnon Vulf ilaicus, encore tout jeune, le soin de la transporter suspendue à son cou. Parvenu dans son monastère, «il prit la petite boîte pour la placer dans son oratoire; or la poussière, raconta plus tard l'ascète des Ardennes à Grégoire, avait tellement augmenté que non seulement elle remplissait toute la boîte, mais qu'encore elle débordait en dehors entre les jointures, là où elle pouvait trouver un accès»279. Les témoignages ne sont ni assez précis ni assez nombreux pour nous permettre de savoir si ces petits reliquaires portatifs renfermant un peu de poussière du tombeau connurent une aussi grande diffusion que les ampoules d'huile sainte.

2) L'encadrement spirituel des pèlerins : une éducation de la foi

Devant le spectacle sans cesse renouvelé de ces visiteurs qui entrent dans la basilique pour toucher le tombeau de Martin, s'abreuver de sa poussière diluée, s'enduire de son huile ou encore pour y dérober quelqu'une de ces dernières matières et l'emporter avec eux, on serait tenté de conclure qu'à Tours les pèlerins, à l'exception de quelques âmes d'élite, se livraient à des pratiques de caractère quasi magique relevant d'une superstition assez grossière. Un examen plus approfondi des textes permet de nuancer quelque peu cette première impression. Certes, il n'est pas question de nier que beaucoup de pèlerins venaient chercher auprès du saint thaumaturge une cure assez semblable, à

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leurs yeux, à celle qu'un hariolus réputé aurait pu leur proposer et qu'ils avaient d'ailleurs parfois déjà expérimentée sans succès avant de recourir à la virtus du confesseur280. On ne peut se dissimuler non plus que ces mêmes visiteurs étaient souvent portés à considérer les divers brandea dont ils se munissaient pour le retour comme autant d'amulettes protectrices. Mais il ne faudrait pas pour autant méconnaître les efforts déployés par Grégoire — secondé par les membres de son clergé — pour assurer l'encadrement spirituel du pèlerinage ni sous-esti- mer les résultats obtenus par une patiente pédagogie. Les leçons que Grégoire dispense aux lecteurs du De Virtutibus s. Martini et qui reflètent, à n'en pas douter, les thèmes de sa pastorale auprès des pèlerins visent à une véritable éducation de la foi281. L'évêque cherche inlassablement à faire comprendre qu'il est impossible de capter par des procédés matériels le mystérieux fluide émanant des lieux saints, sans avoir au préalable capté la grâce du confesseur par des exercices spirituels; qu'il est vain de soumettre le corps aux épreuves d'un voyage jusqu'à Tours, si l'âme est incapable d'affronter les cheminements plus rudes de l'ascèse. Car Grégoire, en dépit de sa crédulité parfois naïve, ne conçoit et ne présente jamais les miracles obtenus dans les loca sanc- ta, ou procurés par les brandea qu'on y prélève, comme une opération purement magique. La virtus qui en émane n'est point pour lui une propriété inhérente à ces lieux ou à ces objets. Elle n'est «qu'un effet de l'intercession accordée par Martin en considération de l'honneur rendu à ses restes»282, de même que le miracle guérisseur n'est que la récompense décernée à une foi indéfectible dans le « Dieu de Martin » : mira- cula, quae dominus Deus noster per beatum Martinum antistitem suum. . . . operari dignatus est, cotidie ad corroborandam fidem creden- tium confirmare dignatur2*3. Mieux que tout autre dans son vocabulaire, le terme de benedictio284 traduit sa façon de voir: la benedictio est d'abord et toujours la grâce miraculeuse détenue par le saint lui-même; si un objet ou une substance matériels sont aussi qualifiés du nom de

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benedictio, c'est seulement en tant qu'instruments capables de communiquer cette grâce bienfaisante aux fidèles qui les reçoivent pour ce qu'ils sont, pro benedictione, en signe de bénédiction285. Mais pour se faire entendre du plus grand nombre, Grégoire n'entre pas dans de longues considérations théologiques, il recourt à des exemples concrets, relatant et commentant l'expérience des miraculés : par petites touches discrètes ou avec une insistance plus marquée, il montre ce qui dans la conduite de ces derniers, dans leur disposition d'esprit et de cœur, leur

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a mérité d'obtenir la grâce de Martin. Cependant, si le De Virtutibus s. Martini peut apparaître comme un guide spirituel à l'usage des pèlerins qu'il convie à prendre le chemin de Tours, il constitue aussi un témoignage historique sur la valeur du pèlerinage comme initiation à la vie spirituelle. Assez probants sont les exemples cités par Grégoire pour qu'on ne puisse en douter : la fréquentation des loca sancta de Tours, la pratique religieuse plus assidue à laquelle elle entraînait, l'atmosphère de ferveur mystique qui à certaines heures y régnait, ainsi que l'enseignement qui y était dispensé, tout ceci a pu contribuer à faire bien souvent de pèlerins, animés à leur arrivée par une croyance mêlée de superstition, des chrétiens plus assurés dans leur foi.

Les tituli gravés à l'entrée de la basilique invitaient les visiteurs à suivre par un élan de foi la voie indiquée par Martin, à espérer d'une sincère repentance le pardon de leurs fautes et à s'adonner aux œuvres de charité286. À ces préceptes les pèlerins, quelque superstitieuse que fût la conviction ayant inspiré à l'origine leur démarche, restaient rarement sourds. On ne peut en effet mettre en doute la ferveur qui saisissait la plupart d'entre eux lorsqu'ils pénétraient dans les lieux saints. Parmi les termes qui reviennent le plus souvent sous la plume de Grégoire figurent les mots désignant la prière {oratio, preces) ou l'action de prier {orare, exorare, deprecari) et les expressions qui traduisent l'ardente requête adressée au saint {auxilium implorare, flagitare, expetere; deprecari. . . .). Et il ne s'agit pas seulement en l'occurence de clauses de style pieux fleurissant dans un discours ecclésiastique. L'évêque décrit avec précision des scènes dont il a été le témoin et des attitudes qu'il a observées ou bien il répète des confidences qu'il a reçues des intéressés eux-mêmes. Durant leur séjour les pèlerins — ses récits en font foi — se consacrent à de pieux exercices. Ils assistent naturellement aux différents offices — expectatis ex more solemnibus287 — qui se succèdent dans la basilique : messe, parfois spécialement célébrée à leur requête288, heures du jour, vigiles289 : en ces circonstances, ils s'associent à la prière commune dont ils espèrent, pour eux-mêmes comme pour les

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autres, un secours salutaire290. Mais il y a plus, comme le révèlent à maintes reprises les notations de Grégoire, sensible à l'atmosphère qui règne en ces moments privilégiés dans les loca sancta : dans la foule des suppliants qu'il nous dépeint, tendus dans une même attente angoissée ou agités par les mêmes frémissements d'espérance291, se développe un sentiment de foi collectif qui se communique à chaque individu, l'emporte, le soulève. Instants fugitifs d'exaltation passagère? En fait, on le constate, en dehors même des services religieux qui les réunissent, beaucoup de visiteurs, la très grande majorité, se livrent à longueur de jour et de nuit à l'oraison solitaire (in orationibus perdurare292, pernoc- tare293, insistere294; orationi vacare. . .295). Debout dans l'attitude de l'orant 296 ou plus souvent humblement prosternés au sol297, ils prient. Et cette prière ne consiste pas à réciter des lèvres quelque formule toute faite à laquelle on prête une vertu incantatoire, susceptible de rendre plus efficace l'attouchement du tombeau ou l'absorbtion de son huile. C'est la supplique ardente et spontanée que dicte une foi simple, mais vraie, à l'adresse de Martin, l'«ami de Dieu», l'intercesseur tout puissant298. Chaque pèlerin, à sa manière, s'efforce de faire parvenir son appel au saint thaumaturge. Quelques-uns, en proie à une violente émotion — tant dolore instigante quant fide — 2" la manifestent publiquement : comme cette Maurusa, frappée de cécité et de paralysie, que Grégoire nous dépeint vociferans beati viri auxilium300 ou encore ces dévots, plus nombreux, qui gémissent301 et versent des larmes abondan-

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tes302. Cependant la plupart des fidèles sont plongés dans un recueillement silencieux qui les isole du monde extérieur, les absorbe complètement : Grégoire les montre tout entier fondus en prière (orationem fun- dere; oratione fusa303) ou encore les dépeint dans une attitude morale autant que physique, incumbens orationi304, courbés et comme appesantis dans l'acte de prier. Quelques-uns atteignent ainsi une sorte d'extase305; d'autres, vaincus par la fatigue des longues veilles, succombent au sommeil, sans cesser cependant d'implorer Martin : dans leurs songes, ils voient parfois ce dernier leur apparaître pour leur donner ou leur promettre la guérison de leurs maux306. Lorsque le miracle tant attendu se produit enfin, c'est aussi vers le saint confesseur que montent les actions de grâce du miraculé et celles du peuple présent au prodige : une ferveur nouvelle s'empare de toute l'assistance307. Ainsi dans le cœur de presque tous les pèlerins que présente Grégoire viennent se mêler aux croyances superstitieuses des sentiments d'une religieuse dévotion.

Acte de foi, l'appel au secours lancé à Martin ne suffit pas toujours pour obtenir l'auxilium du thaumaturge : des visiteurs en sont convaincus qui s'efforcent de mériter plus sûrement la grâce du saint et tout d'abord d'obtenir, en faisant pénitence, le pardon de leurs péchés. Pour certains d'entre eux le pèlerinage en lui-même est, comme on l'a vu, essentiellement conçu comme un moyen d'expiation : les uns l'entreprennent, poussés par le seul remords de leurs crimes308; d'autres, par-

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ce que, frappés brutalement d'une infirmité, ils considèrent celle-ci comme un châtiment infligé pour une faute précise : abus de boisson, manquement délibéré au respect du repos dominical ou encore atteinte portée aux biens de l'Église. Mais beaucoup de ceux qui ont emprunté la route de Tours dans le seul but de s'y procurer une médication miraculeuse prennent aussi conscience, dans les méditations que leur inspirent la majesté des loca sancta ou les homélies de l'évêque, de leur indignité foncière : ainsi cette infirme venue du Poitou ad deposcendum beati praesidium et qui, après avoir assisté en vain à la fête du saint, fait retour sur elle-même avouant : obsistentibus peccatis, non merui- mus quod petebamus accipere309. La crainte qui agite les visiteurs, les larmes qu'ils versent en abondance, l'humilité de leur contenance manifestent au moins en partie cet état d'esprit. Mais celui-ci se traduit dans certains cas, de façon plus nette encore, par le recours à des mortifications volontaires, jeûnes et veilles. Abstenens se a cibis et somno, la reine Ultrogotha donne l'exemple de ces pratiques310. Les pèlerins qui passent leurs nuits dans les veilles ne souhaitent pas en effet seulement consacrer tout le temps de leur séjour à la prière : ils veulent aussi imposer à leur corps une épreuve, d'autant plus dure que parfois, au vœu de se priver de sommeil311, s'ajoute celui de demeurer toute la nuit debout en prière, en tenant à la main un cierge très lourd, de taille égale à la leur312. Comme les veilles, le jeûne313 est très souvent associé à l'oraison. Le suppliant, quelques fois de longs jours durant314, fait abstinence, soutenant son organisme souvent déjà affaibli par la maladie, cum summa parcitate315, et se privant en particulier, comme le note Grégoire, de viande et de vin 316. Pour les alcooliques qu'agitent des crises de delirium tremens, il s'agit d'une véritable cure de désintoxication très pénible à supporter et dont le succès est parfois compromis par

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une rechute317. Mais, poursuivi avec persévérance, ce régime qui conjugue les effets de la diète et de la pénitence se révèle, en d'autres cas, salutaire pour les corps autant que pour les âmes purifiées par l'ascèse318.

Avec la prière et le jeûne, les œuvres charitables permettent aussi d'acquérir des mérites et d'obtenir ainsi l'intercession de Martin. Mais étant donné qu'un très grand nombre de pèlerins sont très pauvres, voire dénués de toute ressource, et vivent eux-mêmes de la charité publique, la pratique de l'aumône apparaît relativement moins fréquente319. Elle est surtout réservée, comme une obligation que leur fait leur richesse, aux visiteurs fortunés : rois et princesses, hauts fonctionnaires, gros propriétaires fonciers. Ce sont eux surtout qui distribuent des secours à la multitude des indigents, font don à la basilique de sommes d'argent320, de terres321 ou d'une partie de récolte provenant de leurs domaines322, ou encore se chargent d'acheter la liberté d'esclaves ou de prisonniers pour dettes323. Cependant les pèlerins jouissant par leur travail de revenus plus médiocres donnent aussi aux pauvres ce qu'ils peuvent : ils font présent d'une modeste obole, de quelque nourriture, consacrant aussi en certains cas un peu de leur temps à soigner les malades et les infirmes324. Les plus déshérités eux-mêmes participent parfois à l'effort charitable : tel ce Theodomundus qui vit de mendicité et redistribue à plus malheureux une partie des aumônes qu'il reçoit325.

S'il ne fait pas de doute que durant leur séjour dans la cité marti- nienne les pèlerins, stimulés par l'espérance du miracle et pris par l'atmosphère de fervente exaltation régnant aux lieux saints, s'efforçaient dans leur très grande majorité de vivre chrétiennement cette expérience, on peut en revanche s'interroger sur les bénéfices spirituels qu'à plus longue échéance, ils retiraient de leur voyage. «La fête passée,

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adieu le saint», dit un proverbe que l'on serait tenté d'appliquer à tous ceux qui, avant leur venue à Tours, — et c'est le plus grand nombre — ne s'étaient guère souciés d'honorer le confesseur ni de mettre en pratique, à son exemple, les préceptes évangéliques. Étant donné la nature de nos sources, il est pratiquement impossible de se prononcer sur la conduite ultérieure des visiteurs dont la requête n'était pas exaucée. Il est cependant probable que certains d'entre eux, malgré l'échec de leur démarche, tiraient de leur visite — à la lumière des enseignements retenus — un profit moral. Un des récits de Grégoire au moins le suggère : il met en scène une Poitevine qui n'avait pas été guérie de son infirmité lors de la fête du saint, comme elle l'espérait; déçue, mais se résignant à la volonté divine, elle prend, avant de repartir, de saintes résolutions dont elle fait part aux siens : «Consummata ergo nunc oratione, reverta- mur ad patriam, fidentes de bonitate praesolis, quod corpore inbicillo prosit animae fidelis oratio»326. La persévérance manifestée par certains fidèles qui vinrent à plusieurs reprises solliciter Martin avant d'en être entendus et qui, dans l'intervalle de ces pèlerinages renouvelés, persistaient dans la pratique de l'ascèse et de la charité témoigne aussi de l'influence exercée sur les visiteurs par un séjour dans la cité de Martin. Mais, faute d'autres témoignages semblables, on doit s'en tenir, pour porter un jugement plus sûr, aux seuls cas des miraculés.

Parmi ces derniers, ceux qui ont pris la route de Tours pour expier une faute précise s'engagent par un vœu solennel, une fois leur grâce obtenue, à ne plus retomber dans l'erreur. Tous n'ont pas la force — et l'on ne saurait s'en étonner — de tenir leur promesse. Avec une belle honnêteté, Grégoire, chaque fois qu'il en est informé — souvent par les intéressés eux-mêmes qui, nouvellement repentants, reprennent le chemin des saints lieux — nous fait part de ces insuccès : ainsi quelques ivrognes retournent, malgré leurs serments, à l'usage immodéré de la boisson et subissent à nouveau les néfastes conséquences de leur vice327. L'engagement de respecter le repos dominical n'était pas non plus toujours maintenu par des fidèles qui avaient une fois contrevenu à ce commandement328. Enfin au nombre des pèlerins qui sont simplement venus chercher à Tours le rétablissement de leur santé, beaucoup

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rentrent chez eux, comme le note Grégoire, joyeux et remplis d'une sincère reconnaissance pour le thaumaturge329; mais, on peut le soupçonner à la lumière de quelques informations parvenues ultérieurement à l'évêque, parfois enclins à oublier bien vite, lorsqu'ils sont repris par la routine de leurs anciennes habitudes330 ou lorsque, délivrés d'une infirmité leur interdisant jusque là une existence normale, ils peuvent enfin goûter aux plaisirs de la vie331. Ceux-là ne sont sans doute devenus, après leur pèlerinage, ni pires ni meilleurs qu'avant. Mais d'autres — et ils sont relativement nombreux, compte-tenu de la faiblesse humaine — demeurent à jamais marqués par le miracle dont ils ont bénéficié. Pour eux quelque chose est définitivement changé : la grâce accordée par Martin les a acheminés à une conversion. En quelques cas, l'administration du baptême332 ou l'abjuration de l'hérésie333 font suite à un pèlerinage «réussi». Mais le plus souvent la conversion consiste, pour des chrétiens déjà baptisés, à mettre désormais leur vie en accord avec leur foi, en une conversio morum334. Certains fidèles, sans renoncer complètement au monde, reviennent chaque année, en exécution d'un vœu, aux lieux saints, pour y faire retraite dans la prière et s'y consacrer aux œuvres charitables, apportant régulièrement une offrande, nourrissant et soignant les pauvres d'une matricule335. L'engagement est total pour les miraculés — 14, soit un peu plus de 5% des pèlerins présentés par Grégoire — qui se vouent au service de Dieu, à Tours même ou dans leur patrie d'origine, en entrant dans les ordres ou en

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faisant profession dans un monastère336. À propos de l'un d'entre eux, un certain Ursulfus, qui, guéri de sa cécité, avait décidé de se consacrer au service de l'Église, Grégoire écrivait : «Martin lui ouvrit les yeux du corps afin qu'il pût contempler les choses terrestres, puis lui éclaira les yeux du cœur afin qu'il s'abstînt de les convoiter»337. On ne saurait mieux définir l'enrichissement spirituel que pouvait, dans un certain nombre de cas, procurer une visite aux lieux saints tourangeaux.

Dans la deuxième moitié du VIe siècle, le pèlerinage a fait de Tours un des centres religieux les plus importants de la Gaule, à la fois par le nombre élevé de visiteurs qu'accueille la cité et par l'influence que, sur ceux-ci et à travers eux, exerce l'Église de Martin. Certes, du fait même de son ampleur, le mouvement, qui attire vers les loca sancta une foule très mêlée, revêt des aspects qui ne sont pas tous édifiants. Avec ses malades étalant au grand jour de l'atrium leurs plaies purulentes ou leurs infirmités hideuses, ses énergumènes secoués de convulsions, hurlant, bavant et se roulant à terre, ses bataillons de pauvres en haillons qui assiègent les passants de leurs requêtes, avec ses monstres que des mendiants professionnels exposent à la curiosité et à la compassion publiques, ses filous à l'affût d'un mauvais coup, ses marchands d'amulettes et de fausses reliques spéculant sur la crédulité des dévots, les abords de la basilique devaient souvent, surtout aux jours de fête, ressembler bien davantage à une «cour des miracles» qu'à un lieu saint du miracle. Mais Tours est aussi — et c'est là ce qui compte — un foyer de vie spirituelle où les visiteurs viennent chercher et souvent trouver l'espoir qui fait vivre : espoir du miracle guérisseur que procurera la poussière ou l'huile du tombeau, mais également espoir du salut éternel. Passés le tumulte et la confusion qui régnent à ses portes, s'ouvre l'asile du sanctuaire où des hommes et des femmes, venus des horizons les plus divers, s'éveillent à une foi plus épurée. Sur le chemin du retour, c'est avec les «souvenirs» acquis durant leur visite — ampoules ou reliquaires portatifs — un peu de l'enseignement du confesseur qu'ils emportent et diffusent autour d'eux.

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Le succès du pèlerinage, tant au point de vue du nombre des individus mobilisés que de la qualité des bienfaits procurés, est à mettre largement au crédit de l'Église tourangelle et de ses évêques. L'essor du mouvement pèlerin est à vrai dire inséparable de celui de la cité qui en est le terme. Sans aucun doute le pèlerinage a puissamment contribué au développement de Tours, à l'enrichissement — dans tous les sens du terme — de sa communauté : grâce à lui, l'Église tourangelle reçoit des dons matériels particulièrement généreux, accueille en son sein des étrangers que leur dévotion retient auprès du tombeau du thaumaturge, et s'ouvre largement à tous les courants de pensées et de sentiments. Enfin le mouvement a aussi contribué a rehausser le prestige du siège de Tours dans la Gaule contemporaine. Mais inversement, l'Église tourangelle a beaucoup œuvré en faveur du pèlerinage martinien : elle s'est imposé de faire face aux lourdes charges que représentaient l'accueil et l'encadrement des pèlerins. Elle a dû, pour ce faire, se doter d'une organisation qui réponde non seulement aux besoins de la communauté locale, mais aussi à ceux d'une population flottante sans cesse renouvelée, auprès de laquelle elle exerce un apostolat et une mission d'assistance.

Chapitre VIII. Organisation ecclésiale et société chrétienne

Pour assurer le culte dans les édifices qu'elle élevait nombreux en l'honneur de Dieu et de ses saints, pour encadrer le peuple fidèle rassemblé dans la communauté locale, mais aussi pour accueillir les pèlerins qui affluaient vers les loca sancta martiniens et y séjournaient parfois longuement, l'Église tourangelle a su se doter de moyens à la mesure des charges qui lui incombaient. Grâce à des revenus matériels patiemment constitués et préservés avec vigilance, avec le concours d'une milice dont les effectifs croissants se composaient d'hommes et de femmes recrutés à son service et soumis à une commune discipline, elle a travaillé avec succès à diffuser le message évangélique dans toute l'étendue de la civitas Turonorum, s'efforçant d'y promouvoir une société chrétienne : une société dans laquelle, sous la tutelle de l'évê- que, les plus faibles et les plus déshérités peuvent, avec l'organisation de l'assistance, retrouver une place.

I - Les ressources matérielles

Les activités multiples que déploie progressivement l'Église tourangelle supposent des revenus de plus en plus importants qui lui permettent de vivre et de faire vivre tous ceux qui dépendent d'elle. Comment s'est constitué le patrimoine ecclésiastique de Tours? Quelles sont, à la fin du VIe siècle, la nature et l'importance de cette fortune? De quelle façon celle-ci est-elle gérée? Telles sont les questions auxquelles il faut, en premier lieu, tenter de répondre.

1) La constitution du patrimoine ecclésiastique

Au premier siècle de son histoire, l'Ecclesia turonica offre l'image d'une Église pauvre. Ceci ne signifie point, toutefois, qu'elle soit totalement dépourvue de ressources. Avares de renseignements en ce domai-

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ne, les textes laissent cependant entrevoir que les fidèles ont, dès l'origine, pourvu à ses besoins les plus pressants par leurs générosités. Il s'agissait certainement, pour une bonne part, des menues offrandes en nature ou en argent qu'outre les oblations liturgiques, apportaient régulièrement les ouailles d'un troupeau encore peu nombreux. Les rares témoignages dont on dispose ont surtout retenu les gestes de munificence, plus exceptionnels, mais aussi plus spectaculaires, de quelques riches évergètes : ainsi sait-on par Grégoire qu'«un certain sénateur» avait fait don à Litorius de la domus suburbaine, où fut aménagée la première basilique funéraire de la cité. C'est sans doute grâce à d'autres concours aussi généreux que cet évêque put également rassembler les fonds nécessaires à la construction de Y ecclesia prima1. Ces mêmes sources de revenus n'ont pas fait défaut à son successeur, Martin. Certes, Sulpice Sévère le proclame bien haut, ce dernier fut le «gardien de la pauvreté»2 pour son Église comme pour lui-même: nuîlius enim Me umquam xenium, nuîlius enim munus accepiO. Si l'ascète refusa effectivement les cadeaux que lui offrait l'empereur Valentinien, c'est qu'il voulait, en cette circonstance, préserver, face au pouvoir civil, la liberté ecclesiale4; mais il accepta les présents de fervents chrétiens, les cent livres d'argent remises par l'ancien vicaire Lycontius5 ou le xenium plus modeste que lui fit parvenir une vierge recluse6. Seulement ces dons — et d'autres, sans nul doute — il ne les conservait pas, mais les destinait immédiatement à soulager ceux qui souffrent, à racheter les prisonniers, à vêtir les indigents. Les œuvres de charité avaient priorité à ses yeux et tout ce qui aurait pu enrichir l'Église devait leur être entièrement consacré. C'est donc à une pauvreté librement consentie et non imposée par la conjoncture économique que Martin se vouait et appelait à se vouer, à son exemple, les clercs du presbyterium et les moines de Marmoutier. À ces derniers, il déclarait :

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«Nous ne devons rien amasser pour nos besoins». Dans le même temps cependant, distinguant du superflu le nécessaire, il reconnaissait que l'Église devait les entretenir : nos. . . ecclesia et pascat et vestiat. Comment celle-ci pourvoyait-elle aux dépenses du monastère (sumptus mo- nasterii)7? Si ascétique que fût le genre de vie des moines qui «avaient à peine de quoi manger et. . . manquaient de vêtements»8, une communauté comptant jusqu'à 80 membres n'aurait pu subsister, si elle n'avait disposé de quelques revenus réguliers. D'autant plus que la «règle» interdisait aux frères de se livrer au commerce ou à quelconque travail qui leur eussent permis de subvenir eux-mêmes à leurs propres besoins. Sulpice Sévère note que nombre d'entre eux étaient issus de l'aristocratie : en renonçant au monde pour se retirer au monastère tra nsligerim, où «tout était mis en commun»9, ceux-ci ne faisaient-ils pas don à la communauté de tout ou partie de leurs biens? on peut le supposer. En tout cas un épisode narré par le biographe suggère que cette dernière avait déjà la jouissance de quelques domaines appartenant à l'Église, qu'elle faisait exploiter par des paysans : elle en tirait du bois 10, mais aussi probablement des récoltes de grains. Ainsi était assuré, sans doute, l'ordinaire — fort maigre — des moines, que complétait, de temps à autre, le produit d'une pêche heureuse dans le fleuve11. Quant aux clercs, leurs moyens d'existence devaient être tout aussi modestes : certains refusaient d'ailleurs de s'en contenter, tel le prêtre Brictius qui s'adonnait avec profit à l'élevage des chevaux12. Ainsi donc l'Église de Tours dans la deuxième moitié du IVe siècle n'était pas riche; mais surtout elle était dans l'impossibilité de s'enrichir, d'accroître le petit patrimoine qui la faisait vivre, puisque Martin se refusa, pendant son épis- copat, à toute forme de capitalisation, dilapidant généreusement au

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profit des pauvres les ressources supplémentaires que la Providence lui envoyait. Bien que son successeur Brice ait certainement gouverné dans un tout autre état d'esprit la communauté ecclesiale, la situation économique de cette dernière, dans une époque dominée par la misère et les troubles sociaux, ne s'est sans doute guère améliorée.

C'est à partir du milieu du Ve siècle que l'Église de Tours a commencé d'édifier sa fortune. À ses propres évêques, elle doit la constitution d'un premier patrimoine foncier de quelque importance, qui, formé dès la fin du Ve siècle, s'est encore grossi de nouvelles générosités épiscopales au cours du siècle suivant. À compter d'Eustochius, les prélats qui se succèdent sur le siège tourangeau sont le plus souvent issus de l'aristocratie sénatoriale ou parfois des milieux francs dirigeants. Propriétaires de nombreux et vastes domaines13, ils ont probablement puisé dans leurs revenus personnels les moyens de leur politique et, surtout, ils ont légué tout ou partie de leurs biens à leur Église. Par là, ils manifestaient l'attachement qu'ils portaient à cette dernière; mais ils se conformaient aussi à ce qui apparaît dès le début du VIe siècle comme une coutume déjà bien établie ; les Pères réunis à Agde en 506 rappellent en effet, dans l'un de leurs canons, qu'un évêque ne peut, en faveur d'héritiers de son choix, ni même de son sang, disposer librement de toute sa fortune; une part de celle-ci au moins doit revenir à son Église14. Au cours des décennies précédentes, Perpetuus et Verus avaient donné l'exemple de cette pratique. Le premier, qui était «fort riche et avait des possessions en de nombreuses cités», fit, nous apprend Grégoire, «un testament et distribua ce qu'il possédait dans diverses cités à leurs Églises respectives, en attribuant à celle de Tours une quantité de biens non négligeable»15; le second légua lui aussi «ses biens à des Églises et à de bons serviteurs»16. Au siècle suivant, Dinifius laissa à Yecclesiae suae «ce qu'il avait de mieux»17 et son successeur, Ommatius, ν aide dives in praediis, distribua par testament sa fortune «aux Églises des cités dans lesquelles il avait des possessions»18; de

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même Francilio et son épouse Clara, qui n'avaient pas d'enfants, étaient «tous deux fort riches en terres cultivées, qu'ils donnèrent pour la plus grande partie à la basilique Saint-Martin», en réservant seulement «quelques-unes à leurs proches»19. Quant à Injuriosus, c'est de facon plus exceptionnelle, une fortune monétaire s'élevant à 20.000 sous d'or qu'il laissa à son décès à l'ecclesia turonica20. Encore cette liste est-elle sans doute incomplète; car Grégoire mentionne uniquement, semble-t-il, les testaments épiscopaux qu'il a retrouvés dans les archives ecclésiales et dont il résume la teneur, se bornant, lorsqu'il ne peut s'appuyer sur des documents, à suggérer d'une allusion ce qu'il tient de sources d'information plus vagues : il est probable que d'autres prélats de Tours, jdont l'historien signale seulement le rang social élevé et la richesse, tels Eustochius, Volusianus ou Eufronius, n'avaient point oublié, eux non plus, l'Église dans leurs dernières volontés. Cette pratique n'était d'ailleurs pas l'apanage des seuls évêques, comme en témoigne un récit de l'Historia Francorum : Grégoire nous raconte comment un certain Ambroise réussit à détourner son frère Loup de s'engager dans les rangs du clergé tourangeau21. Il redoutait, explique l'historien, que, devenu clerc, ce dernier n'instituât l'Église son héritière. Il s'agissait donc là d'un usage largement répandu, au moins à l'époque de Grégoire, parmi les diacres et les prêtres.

Cependant, à partir du début du VIe siècle, c'est plus encore à la générosité des souverains francs que l'Église tourangelle doit l'accroissement, dans des proportions certainement considérables, de son patrimoine et de ses revenus. Clovis, on le sait, avait donné l'exemple de ces largesses royales en comblant la basilique Saint-Martin de munera, auxquels vint s'ajouter pour l'Ecclesia turonica toute entière un lot de ces biens-fonds que le souverain distribuait aux Églises de son royaume22. Après son décès, Clotilde, retirée à Tours, fit, avec cette larga ac prona voluntate que Grégoire loue en elle, abandon à Dinifius de domaines provenant du fiscus, que l'évêque légua ensuite à son Église23. En

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faveur de cette dernière, deux des fils du couple royal manifestèrent aussi leur générosité : Childebert Ier24 et plus encore son épouse Ultro- gotha25 accordèrent de nombreux présents à la basilique martinienne; Clotaire, qui avait déjà fait parvenir des cadeaux à Injuriosus, prit plus tard à sa charge la restauration de Saint-Martin, sérieusement endommagée par un incendie sous l'épiscopat d'Eufronius26. Quant à la reine Radegonde, séparée de son époux, elle se montra, au témoignage de Fortunat, munificam, durant son séjour en Touraine, faisant présent aux sanctuaires des joyaux auxquels elle renonçait en abandonnant la cour27 et dotant sans doute des praedia nécessaires à son entretien le monastère qu'elle venait, comme nous l'apprend Baudonivia, de fonder dans la cité ligérienne28. Les textes, malheureusement, ne précisent pas toujours la nature des munera — un terme très général qui revient souvent sous la plume de Grégoire — octroyés par les princes et les princesses dans la première moitié du VIe siècle. Des quelques indications concrètes qu'ils fournissent, il ressort cependant qu'une part importante des donations royales fut alors constituée par des biens-fonds. Or, il faut l'ajouter, provenant du fiscus, ces terres jouissaient du privilège de l'immunité qui fut peut-être concédé, par ailleurs, à d'autres propriétés de l'Église. En tout cas pour les domaines qu'elle tenait de Clovis ou de Clotilde, cette dernière bénéficiait d'une franchise totale d'impôts et de charges publics, si même elle ne percevait pas à son profit — la chose est moins sûre — le produit de ces diverses impositions29. De toutes ces générosités royales, les sources ne suggèrent la valeur que de façon très vague ou indirecte, le plus souvent par un éloge de la munificence du donateur. Toute tentative d'estimation précise est donc impossible. Ce-

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pendant quelques signes révélateurs donnent au moins en ce domaine une certitude : à la fin du règne de Clotaire (t 561), l'Église tourangelle était dotée, grâce à l'évergétisme royal, d'un important patrimoine foncier et d'un trésor d'orfèvrerie et d'espèces monétaires considérable. Grégoire se plaint amèrement qu'à la deuxième génération les successeurs de Clovis aient songé à spolier les Églises plutôt qu'à les enrichir30. C'est que ces dernières — et celle de Tours notamment — suscitaient désormais, par leur fortune, l'envie et la convoitise des souverains. Le changement d'attitude tient donc moins à la personnalité des nouveaux princes — qui n'étaient, dans l'ensemble, pas sensiblement plus cupides que leurs ancêtres — qu'aux transformations de la conjoncture économique. Déjà le fils aîné de Clotaire, Chramne, avait violemment dénoncé une politique qui, s'indignait-on dans son entourage, avait enrichi les Églises de Tours et de Limoges au détriment du fisc royal31. Cette même constatation inspira sans aucun doute l'attitude des autres petits-fils de Clovis. Effectivement, les générosités royales se tarissent à la fin de l'épiscopat d'Eufronius et au début de celui de Grégoire. Si elles reprennent dans les dernières décennies du VIe siècle, c'est avec moins d'ampleur que précédemment; et l'on note en particulier que les donations de terres se raréfient. Ingoberga, la veuve de Caribert, fit don, par un testament rédigé en 589, de biens-fonds à X ecclesia de Tours et à la basilique Saint-Martin32. Il n'est pas certain que d'autres membres de la famille royale aient alors œuvré pour accroître le patrimoine foncier de Tours. Certes Chilpéric, à la fin de son règne, s'efforça de racheter ses fautes par des largesses aux Églises33, imitant sur ce point la politique plus constante de son frère Gontran34 : ni l'un ni l'autre probablement n'oublièrent l'Église de Martin dans leurs généreuses distributions; mais celles-ci prirent sans doute la forme de dons en argent, plus fréquemment attestés à cette époque; à la suite d'un

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vœu, Frédégonde offrit une grosse somme (multum pecuniae) à la basilique du saint confesseur35; quant au roi Childebert II, il contribua de ses deniers, nous apprend Fortunat, à la subvention des œuvres charitables de l'Église tourangelle36. Au total l'ecclesia turonica a largement bénéficié, sans doute plus que d'autres Églises gauloises, des libéralités royales : en effet, presque tous les princes issus de la race de Clovis, qu'ils exerçassent ou non leur autorité sur la cité ligérienne, ont souhaité, au moins à un moment de leur règne, se concilier Martin, patron du regnum Francorum et cela même lorsque, avec le temps, l'élan de ces pieuses dispositions commençait à s'essouffler.

La générosité des particuliers à d'ailleurs pris alors partiellement le relai de l'évergétisme royal. Elle n'avait jamais totalement fait défaut, même aux époques les plus difficiles, les plus troublées de l'existence de Tours. Mais aux offrandes souvent bien modestes des fidèles tourangeaux s'ajoutent, dans la deuxième moitié du VIe siècle, celles des dévots de Martin qui sont alors nombreux à venir, souvent de loin, en pèlerinage sur la tombe du confesseur. L'Église n'avait cessé d'inciter les ouailles à fournir, dans la mesure de leurs moyens, une contribution à la vie et aux œuvres de la communauté locale. Perpetuus, dans cette intention, avait fait représenter dans la basilique Saint-Martin l'histoire de la pauvre veuve de l'Évangile versant son obole dans le gazophylacium. La légende qui accompagnait la «peinture» donnait ce geste pieux en exemple aux visiteurs, pauvres comme riches : nec quemquam excusât tennis atque arta facultas37. Il semble que les fidèles, dans leur grande majorité, répondaient favorablement à cet appel : la législation conciliaire, dans la première moitié du VIe siècle, traite à plusieurs reprises de ces oblationes, dont le montant total était assez important pour qu'il parût nécessaire d'en réglementer la répartition et l'usage38. Mais les canons de ces conciles ne proposaient pas de tarif pour des offrandes, en principe spontanées, que chacun déterminait en

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fonction de ses disponibilités et de sa générosité. Pour la première fois vers 567, une lettre signée du métropolitain de Tours, Eufronius, ainsi que de trois de ses suffragante, et adressée ad plebem exhorte les fidèles à donner à l'Église décimas ex omni f acuitale, la dîme de tous leurs avoirs, les esclaves y compris. Quant à ceux qui n'ont pas d'esclaves, mais des enfants (les prélats entendent probablement désigner par là ceux qui, ne possédant ni la terre ni les instruments de travail, n'ont pour toute richesse, pour tout capital, que leur proies), il leur est demandé de verser une sorte de capitation, s'élevant, pour chaque enfant, à un tiers de sou. Pour justifier leur requête les évêques invoquent les fléaux qui menacent le pays et les besoins pressants qu'ils font naître, en particulier pour le rachat des captifs39. La dîme n'apparaît donc pas encore comme une institution obligatoire et régulière : son versement est seulement sollicité du peuple chrétien pour permettre à l'Église de faire face à une situation exceptionnelle. À cette époque, en effet, dans la province de Lyonnaise Troisième, démembrée, après la mort de Caribert (567), entre ses trois frères, la civitas Turono- rum, attribuée par un pacte à Sigebert, a été envahie par Chilpéric, puis reprise par son souverain légitime grâce à l'aide de Gontran40. Cette guerre fratricide, qui dévaste la région, alourdit les charges de l'Église — qui s'emploie notamment à racheter les prisonniers — au moment même où, comme on l'a vu, l'évergétisme royal lui fait complètement défaut. Eufronius et ses collègues furent-ils entendus sur le moment? Qu'advint-il par la suite de leur initiative? Il y eut sans aucun doute, du côté de nombreux fidèles, de fortes réticences. D'autre part, il faut le remarquer, le temps des épreuves se prolongea pour Tours pendant une grande partie de l'épiscopat de Grégoire, justifiant certainement de la part de l'autorité ecclésiastique le maintien de sa requête : Grégoire, lorsqu'il veut démontrer l'impiété d'une population (il s'agit en l'occurrence de celle de Nice), en apporte pour preuve «qu'elle ne donne plus de dîmes»41. En revanche, il offre en exemple la foi des Bordelais qui, parce qu'ils avaient fait vœu de lui remettre la dîme de leurs troupeaux, obtinrent de Martin que leurs chevaux échappassent à la grave

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épizootie qui s'était abattue sur le pays42. Très lentement, l'idée qu'un bon chrétien doit verser le dixième de ses avoirs à l'Église commence à se frayer un chemin dans les esprits. Mais elle est bien loin d'avoir triomphé dans la communauté tourangelle et dans les autres Églises de Gaule, lorsqu'en 585 le concile de Mâcon, stigmatisant le mauvais vouloir des ouailles, tente, sans grand succès semble-t-il, de donner au versement de la dîme le caractère d'une prescription législative43.

Les oblationes des fidèles en général et la dîme en particulier devaient permettre, entre autres, à l'Église d'« offrir l'hospitalité au pèlerin» et de «les rassasier avec une nourriture suffisante»44. Mais si le pèlerinage repésente pour l'Ecclesia turonica une charge qui va s'alourdissant avec le développement du mouvement, il constitue parallèlement une source croissante de revenus : en effet, les visiteurs qui en ont les moyens manifestent souvent leur dévotion confiante ou leur reconnaissance par des dons faits à l'Église ou à l'un de ses établissements. Sur ces présents, les sources ne fournissent pas toujours les précisions que l'on souhaiterait obtenir : ainsi Grégoire se borne-t-il à évoquer en des termes très vagues les munera offerts à la basilique du confesseur par des parents implorant la guérison de leur fille paralysée45, ceux apportés par le mauvais conseiller de Chramne, Léon, dans l'espoir de fléchir la colère de Martin46, ou les beneficia dont Charigisilus, le référendaire de Clotaire, combla les serviteurs de la basilique, après y avoir retrouvé l'usage de ses pieds et de ses mains grâce à la virtus du thaumaturge47. Mais en quelques cas, on dispose de témoignages en peu plus précis qui permettent de se faire une idée plus nette de la nature et de l'importance des dons. Certains pèlerins offrent, à l'occasion de leur visite aux lieux saints, des espèces monétaires : cela va d'un

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tiers de sou, pour les plus modestes48, à une véritable fortune pour les puissants de ce monde, tel ce roi de Galice qui avait envoyé à Tours, disait-on, une quantité d'or et d'argent égale au poids de son fils malade dont il sollicitait le rétablissement49. D'autres, pendant leur séjour, procèdent à leurs frais à des distributions de vivres et de boissons en faveur des pauvres assistés par l'Église, comme le firent une jeune aveugle et son père à la basilique Saint- Julien50. Mais bien des solliciteurs ne s'estiment pas quittes aussi aisément envers Martin. Les uns s'engagent à remettre annuellement un véritable tribut : avant de devenir évêque du Mans, Bertrand avait fait vœu, lorsqu'il avait reçu la tonsure dans la basilique martinienne, d'envoyer chaque année cent pièces d'or ad sepulchrum. . . sancii Martini51; l'apiculteur Coelestis, ayant invoqué avec succès Yauxilium de Martin, avait promis de consacrer la récolte de cire d'une de ses ruches — soit 70 à 100 livres par an — '■ au luminaire de la basilique52; la matrone Remigia et l'aveugle Vinastis assumaient, chacun de leur côté, l'entretien et le service de la matricule des pauvres à Candes pendant une période de l'année53. D'autres dévots enfin se préoccupent d'assurer à l'Église tourangelle, au-delà même de leur mort, des revenus permanents par la donation ou le legs d'une terre : miraculeusement guéri après une double chute qui l'avait rendu impotent, un familier de la cour de Clotaire, Gundulfus, donne, de son vivant, tous ses biens à la basilique Saint-Martin54; c'est aussi à de pieuses donations que le monastère d'Ingitrudis doit les villae qui assurent son entretien55. Un notable de Chartres, Blidericus, institue Martin héritier de ses domaines, dont il conserve seulement la jouissance sa vie durant, dans l'espoir — bientôt réalisé — qu'il obtientra du saint la grâce d'avoir un fils 56. Un certain Baudulfus de Poitiers lègue ses biens

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à la basilique martinienne57, tandis que le propriétaire terrien bordelais Aunulfus laisse par testament à l'Ecclesia turonica le tiers d'une de ses villae, que son père avait d'ailleurs acquise par des procédés malhonnêtes58. Comme ces riches laïcs, des ecclésiastiques de haut rang testent aussi en faveur de Tours : l'abbé limousin Aredius partage ses possessions entre saint Martin et saint Hilaire59; l'évêque de Reims Romulfus attribue, par un testament dont Flodoard a résumé la teneur, quelques- uns de ses biens à «diverses églises. . . du diocèse de Tours»60.

2) La richesse de l'Église de Tours à la fin du VIe siècle

Les sources ne permettent pas de dresser un inventaire précis et complet des biens qui sont en la possession de l'Église de Tours au terme de cette évolution, à la fin du VIe siècle. Elle offrent néanmoins un échantillon d'exemples suffisant pour que l'on puisse déterminer grossièrement la composition de la fortune tourangelle et, dans une certaine mesure, apprécier son importance. Cette fortune est pour partie mobilière, avec tout d'abord les trésors des églises qui, outre les tissus de prix ornant autels et tombeaux61, recèlent des objets de métal précieux servant au culte : ce sont des vases liturgiques — calices et patè-

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nés du ministerium cotidianum62, ou encore des pyxides, des coffrets d'évangéliaires et des cassettes-reliquaires, des croix et des couronnes votives, enfin des candélabres. Les sanctuaires de la ville en sont particulièrement bien pourvus : déjà dans la première chapelle funéraire élevée en mémoire de Martin une couronne suspendue au-dessus de son tombeau avait éveillé la cupidité d'un soldat hun63; dans la grande basilique qui lui a succédé, des voleurs, entrés de nuit par effraction, à l'époque de Grégoire, prélèvent, avec des étoffes de soie, un énorme butin en or et en argent. Les différentes pièces de ce riche mobilier liturgique, les unes intactes, les autres broyées ou fondues, sont ensuite retrouvées et restituées à Saint-Martin64. L'ecclesia n'est sans doute pas moins riche : Grégoire mentionne incidemment qu'on y trouve une patène colore sapphirino, donnée, disait-on, par l'empereur Maxime65 et une cassette d'argent renfermant des reliques des martyrs d'Agaune66. Ce sont ces objets de valeur et d'autres que, pour mieux le compromettre au yeux du roi Chilpéric, on suggère malignement à l'évêque, en lui conseillant de fuir en Auvergne, d'emporter avec lui, adsumptis meliori- bus rebus ecclesiae67. Mais les sanctuaires ruraux eux aussi possèdent chacun un trésor de vases et d'ornements liturgiques : dans l'église de Candes, on conserve une patène en cristal de roche68 et dans celle du Petit-Pressigny deux calices en argent69; à Yzeures, les instruments de sacris ministeriis sont de nature à tenter un voleur qui décide de s'introduire de nuit dans l'édifice du culte; mais le malandrin ne réussit pas à s'emparer des objets convoités, soigneusement mis sous clé par un gardien conscient de ses responsabilités70. Enfin les monastères eux-mêmes ne sont pas dépourvus de telles richesses : le butin pris par des soldats barbares dans le monastère de Latta en 573 est d'un poids si

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élevé qu'il fait chavirer les navires dans lesquels rembarquent les pillards71. Au total, l'Église tourangelle détient certainement, avec ces trésors liturgiques, des quantités notables de métal précieux qui, il est vrai, sont improductives et immobilisées dans le sacrarium de ses différents sanctuaires.

Elle dispose aussi, sous forme d'espèces monétaires, de liquidités qui, particulièrement abondantes à certains moments, sont généreusement dilapidées, mais, semble-t-il, ensuite rapidement reconstituées. En ce domaine, on ne connaît qu'un seul chiffre, celui des 20.000 solidi (et plus) que l'évêque Baudinus, vers le milieu du VIe siècle, hérita de son prédécesseur, Injuriosus, et qu'il distribua aux pauvres du diocèse72. Que représente une telle somme? Il est possible d'apprécier sa valeur réelle, de mesurer le pouvoir d'achat qu'elle assure, grâce aux éléments de comparaison que fournit pour le VIe siècle l'œuvre de Grégoire73. À une époque où un esclave du sexe masculin dans la force de l'âge coûte de 12 à 20 aurei1 A, où un prélat peut vivre, sans aucun doute fort convenablement, avec un revenu annuel de 100 aurei75, où une domus sénatoriale à Bourges est évaluée à 300 aurei16, quelques milliers de sous d'or constituent déjà une masse de manœuvre considérable : en donnant mille pièces d'or, un simoniaque peut espérer obtenir du roi un évê- ché77; le double de cette somme suffit pour convaincre un évêque, Aegidius de Reims, de trahir son souverain78; avec le don de 7.000 aurei, le roi Theudebert rend à la population de toute une ville, celle de Verdun, sa prospérité perdue79. Au niveau d'une dizaine ou de plusieurs dizaines de milliers de solidi se traitent seulement des affaires d'état à état : l'alliance politique ou militaire d'un souverain barbare

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d'Occident s'achète entre 10.000 et 50.000 sous d'or, cette dernière somme — la plus élevée de toutes celles que cite Grégoire — représentant la subvention versée par l'Empereur d'Orient à Childebert, dans le but d'obtenir l'intervention armée de ce dernier en Italie contre les Lombards80. Grâce à ces éléments de référence, on peut juger de l'opulence des finances de l'Église de Tours à l'époque où Baudinus est porté sur le siège episcopal. Était-ce là une situation exceptionnelle? Il semble bien que, quelques décennies plus tard, Grégoire avait réussi à reconstituer une solide réserve financière pour son Église. Lorsque l'évêque, accusé de trahison par le comte Leudaste, doit quitter sa ville pour aller se justifier devant le concile réuni à Berny en 580, le prêtre Ricul- fus, agissant comme s'il détenait déjà l'autorité episcopale, s'introduit dans la domus ecclesiae et entreprend d'y inventorier l'argent qui s'y trouve. Sur ces trésors destinés à l'assistance et qui sont donc ceux des pauvres, le comte Leudaste, lorsque le retour de Grégoire est annoncé, fait main basse, emportant dans sa fuite précipitée «or et argent»81. Une partie seulement des sommes dérobées sont ensuite récupérées par l'Église tourangelle. Mais quelques années plus tard, en 585, l'évêque dispose à nouveau d'importantes liquidités, puisqu'il peut, sans la moindre difficulté, offrir, de verser — datum ab ecclesia argentum — la forte composition due par Sichaire à Chramnesinde pour avoir assassiné le père, le frère et l'oncle de ce dernier82. À s'en tenir à l'article de la Loi salique concernant le meurtre d'un Franc ingénu, cette composition, pour un triple assassinat, devait être au moins de 600 solidi93; mais en fait, le montant, variant dans la pratique dans des proportions considérables — et parfois, semble-t-il, de façon assez arbitraire — avec la qualité sociale de l'agresseur et de la victime, était probablement beaucoup plus élevé : quelques temps après, Sichaire, superficiellement réconcilié avec Chramnesinde, constatait en effet, avec une ironie amère: «Grâce à la composition que tu as reçue, l'or et l'argent surabondent dans ta maison»84. En tout cas, les finances ecclésiales ne paraissent pas avoir été obérées à la suite de cette grosse dépense.

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Mais plus que les espèces monétaires qui vont et viennent, c'est en fait la terre, qui, lui assurant ses ressources les plus régulières, constitue l'essentiel de la fortune de l'Ecclesia Turonica. Comme on l'a vu, les donations et les legs les plus importants que celle-ci reçut au cours des premiers siècles de son histoire, ceux des rois et de ses propres évê- ques, consistaient principalement en domaines fonciers. Étant donné que les documents originaux — chartes, testaments, — nous font défaut et que Grégoire, notre meilleur informateur, tout en les citant, n'a pas jugé utile de donner la teneur de leurs dispositions, il n'est pas possible de dresser un inventaire précis et complet des biens ecclésiastiques à la fin du VIe siècle. Cependant il arrive à l'historien de mentionner, pour les besoins de son récit, certains des praedia de son Église. Bien que fragmentaires et parfois vagues, ces indications suffisent, semble-t-il, pour donner une idée assez nette de la composition et de la localisation du patrimoine foncier et pour suggérer son étendue. Il apparaît tout d'abord que l'Ecclesia turonica, en tant qu'Église-mère, est un grand propriétaire. À Tours même, à l'intérieur du castrum, elle possède — en dehors des édifices du culte et de leurs dépendances immédiates — au moins un immeuble. Les termes dans lesquels Grégoire parle de cette domus laissent à penser qu.'il s'agissait là des horrea de l'église urbaine : on y conservait en effet des grains, du vin, des jambons et autres denrées, provenant des domaines ruraux et destinés sans aucun doute à la consommation de l'évêque, de son clergé et de ses hôtes85. Une autre domus, sise de l'autre côté de la Loire, servait apparemment au même usage86. Dans la campagne tourangelle se situent plusieurs exploitations agricoles, des villae qui offraient peut-être aussi, dans quelques cas, une résidence secondaire pour l'évêque. On relève, dans les ouvrages de Grégoire, cinq mentions relatives à ces villae de l'Église. Il faut l'avouer, les indications topographiques très sommaires fournies par l'historien à propos de certaines d'entre elles, dont le nom n'est pas donné, rendent l'identification souvent difficile; il n'est donc pas totalement exclu qu'un même domaine ait pu être cité deux fois avec une caractéristique différente, que le contexte incitait l'auteur à mettre dans chaque cas en évidence. Sous cette réserve, on peut établir, en partant du plus obscur pour aller vers le mieux connu, la liste sui-

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vante. Dans un chapitre du De virtutibus s. Martini, il est question d'une villa à laquelle, déjà vers le milieu du VIe siècle, l'évêque Baudinus se rendait par eau; l'épisode est narré de façon trop confuse — le prélat traversait-il la Loire comme le suggère le verbe transire ou bien remontait-il le cours de ce fleuve ou d'un de ses affluents comme semble l'indiquer l'expression navigio subvehente? — pour que l'on puisse proposer une localisation même approximative87. C'est dans un rayon de 30 milles (soit environ 45 km) autour de Yurbs que se situait la villa où quelques décennies plus tard Grégoire se trouvait séjourner, lorsque la basilique Saint-Martin fut souillée par le meurtre d'Eberulfus et la bataille rangée qui s'en suivit88. Uniquement soucieux de montrer que son éloignement l'a empêché de conjurer ce terrible événement, l'historien n'apporte aucun autre élément susceptible d'orienter davantage les recherches. Plus loin de Tours, sur les bords de la Vienne, s'étendait, avec ses champs, la villa quelque temps prêtée par Grégoire à son ami Fortunat89. Deux autres domaines enfin se laissent un peu mieux identifier. Dans la villa Martiniacensis s'élevait un oratoire où, disait-on, Martin était venu souvent prier et où, par la suite, Guntharius, abbé de Marmoutier, puis évêque de Tours, avait l'habitude de se recueillir au passage90. Dans le chapitre du De Gloria confessorum où il la nomme, Grégoire précise que cette propriété était proche de l'oppidum turoni- cum : ce qui permet de reconnaître son souvenir dans le toponyme de Martigny, un écart de la commune des Fondettes, situé sur la Loire à moins de 10 km de Tours91. Probablement faut-il identifier ce domaine avec la villa sancii Martini que Fortunat évoque dans l'un de ses carmina : le poète avait été chargé par Grégoire, retenu à Tours par la célébration des fêtes de Pâques, d'y accueillir les descriptores envoyés par le roi Childebert II et de leur offrir un repas, qu'il fit servir à l'endroit où la Martini aula beati (sans doute l'oratoire) emicat92. D'autre part, au nombre des pèlerins miraculeusement guéris sur la tombe de Martin,

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Grégoire cite un garçon originaire de villa Themello in pago Turonicae urbis vici Ambiacensts (probablement Thomeau)93. Bien que l'hagiogra- phe ne le dise pas explicitement, cette villa, dont il parle comme d'un domaine bien connu de lui, appartenait certainement à l'Église. Il faudrait ajouter à la liste de ses possessions connues les petits domaines que l'évêque donnait en usufruit à certains de ses prêtres : ainsi sans doute cette villula proche de Yurbs, concédée, semble-t-il, au prêtre Léon94. Quant à la villa que l'évêque de Nantes Felix revendiquait, en contestant les droits de Tours, on ne saurait dire si elle se trouvait dans la civitas Turonorum ou dans le territoire d'une autre cité (celle de Nantes?)95. Car l'Église de Tours possédait également des terres en dehors de la Touraine; dans le Poitou voisin, les biens légués par Bau- dulfus96 et ceux laissés par l'évêque de Reims Romulfus97; dans le Bordelais, près de Blaye, la portion de domaine qu'Aunulfus avait attribuée par testament à l'ecclesia turonica9* ; peut-être aussi d'autre propriétés s'étendaient-elles en Normandie et en Anjou, si l'on admet que les évê- ques Volusianus et Licinius99, possessionnés respectivement dans chacune de ces régions, avaient désigné, selon la coutume, l'Église pour leur héritière.

Des biens de l'Église de Tours, c'est-à-dire de la communauté ecclesiale tout entière, les sources distinguent nettement ceux que possèdent en propre certains de ses établissements. Bien qu'on ne dispose d'aucunes données précises à ce sujet, on peut supposer que le patrimoine de Marmoutier s'était sensiblement accru depuis l'époque de Martin. En

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effet des monastères moins prestigieux étaient bien pourvus de terres : dès le début du VIe siècle, celui de Loches tirait de ses domaines d'assez grandes quantités de blé pour que l'abbé Ursus ait entrepris d'installer un moulin à eau pour le moudre100; un monastère de femmes peut-être rattaché à la basilica sanctae Mariae Virginis et sancti Joannis Baptistae, avait, entre autres biens, un pré qui voisinait, pour le malheur des religieuses, avec celui du peu honnête Pelage101; de son côté, la communauté rassemblée par Ingitrudis auprès de Saint-Martin disposait, on l'a vu, pour assurer son entretien de plusieurs villae102. Mais plus que tout autre établissement, la basilica sancti Martini regorgeait de biens. En Touraine même, Grégoire mentionne seulement trois domaines lui appartenant : il situe à Navicellae (Nazelles, sur la rive droite de la Loire, vis-à-vis d'Àmboise) un petit bien — recula — , assez important cependant pour exciter la convoitise du roi Caribert103; l'historien cite également la domus Jocundiacensis qui était certainement peu éloignée de Tours, puisque Gontran Boson et Mérovée, réfugiés dans l'asile de Saint-Martin, l'avaient choisie pour but de promenade104; qu'il s'agisse là d'une exploitation agricole in dominio sancti Martini ne fait guère de doute : un siècle plus tard, les documents comptables de Saint-Martin de Tours, récemment découverts et publiés par P. Gasnault, mentionnent toujours Jogundiaco au nombre des villae et des domus dont la basilique tirait ses revenus105. C'est enfin dans les limites de la civitas turonica que se situaient très probablement les biens donnés par Gun- dulfus, citoyen de Tours, à la basilique du confesseur106. Les possessions tourangelles de cette dernière étaient certainement beaucoup plus étendues que ne le suggèrent ces quelques mentions : au cours des guerres que se livrent les souverains francs dans la deuxième moitié du VIe siècle, chaque fois que la Touraine est envahie et d'où que viennent les agresseurs, Grégoire note en effet que des res sancti Martini ont eu à souffrir des dévastations et des pillages commis par l'armée107. Mais,

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même en ces circonstances, il restait à la basilique les revenus qu'elle tirait de domaines plus lointains : il y avait dans le pays chartrain la propriété dont Blidericus lui avait, à la suite d'un vœu, fait donation108; dans le Maine, la villa Turnacensis (Ternay)109; en Poitou, une exploitation agricole dans laquelle était établi un clerc qui fit avec succès le pèlerinage de Tours110. Peut-être cette terre était-elle une de celles qui avaient jadis appartenu à l'évêque Francilio et à son épouse Clara et que le couple avait léguées en presque totalité à la basilica sancii Martini. Grégoire mentionne encore dans le territoire de Bourges une domus beati Martini dont les tenanciers sont condamnés par le comte à payer une amende111 et, dans le Bordelais, la villa Marciacensis (Marsas, Gironde)112.

Ainsi donc, à la fin du VIe siècle, l'Ecclesia Turonica et, parmi ses établissements, Saint-Martin tout particulièrement sont à la tête d'un riche patrimoine foncier. Celui-ci s'étend largement en Touraine, où les domaines ecclésiastiques occupent souvent les fertiles terroirs des vallées, celles de la Loire, de l'Indre et de la Vienne. Mais la propriété de Tours se disperse aussi dans les territoires de presque toutes les civita- tes du Centre-Ouest de la Gaule, de Bayeux à Bordeaux, de Nantes à Bourges, en passant par Le Mans et Angers, Chartres, Poitiers et Limoges. Déjà se dessine l'image que donnent un peu plus tard, dans la deuxième moitié du VIIe siècle, les documents comptables de Saint- Martin de Tours : cet état — sans doute, il est vrai, très incomplet — des tenanciers et des redevances dues par chacun d'eux permet en effet de situer, grâce aux toponymes identifiés, un assez grand nombre de biens de la basilique non seulement en Touraine, mais aussi, aux confins de cette dernière, en Anjou et en Poitou, ainsi que dans le Maine, le

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Limousin et le Blésois113. À la possession de la terre s'ajoute celle des esclaves ruraux qui lui sont attachés. Ces humbles personnages n'apparaissent que rarement dans les sources; Grégoire cependant évoque quelques fois la familia Ecclesiae turonicae114 ou celle de Saint-Martin115, lorsque l'un des membres des troupes serviles leur appartenant, unus ex mancipiis, ayant reçu la grâce d'un miracle sur la tombe du confesseur, est affranchi par l'Église. Ce sont ces esclaves, sans doute nombreux, et, dans des proportions qu'il est impossible de déterminer, des colons fixés héréditairement à la terre, mais juridiquement libres — tels ceux d'une villa berrichonne que le comte Olio prétend astreindre au service militaire116 — qui mettent en valeur le domaine de l'Église. Du point de vue économique, cette exploitation apparaît relativement diversifiée : les champs labourés consacrés à la production céréa- lière117 y tiennent une grande place; mais Grégoire cite aussi, parmi les biens les plus précieux de l'Église, les vignobles, développés dans tout le val de Loire, et les prés118; sur ces derniers, on pratique l'élevage des bovins et surtout celui d'autres bêtes de somme ou de trait (jumenta), notamment des chevaux119. La présence de jambons dans les resserres de l'Église atteste que l'on élève aussi des porcs120, probablement envoyés à la glandée dans les forêts qui, par ailleurs, fournissent aussi le bois nécessaire à la construction et au chauffage. Il faut sans aucun doute ajouter à cette liste les vergers et les ruches qui, au témoignage de Grégoire, font partie du paysage agricole de la Touraine121. Grâce

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aux revenus en nature, si ce n'est en argent (on ignore si certains produits étaient commercialisés), qu'elle tire de ses exploitations, l'Église de Tours peut subvenir ordinairement aux besoins de tous ses dépendants. Certes sa richesse n'a pas encore les proportions qu'elle atteindra au IXe siècle, lorsque dans une lettre adressée à l'Abbé Alcuin, Eli- phand de Tolède pourra reprocher à Saint-Martin de posséder à elle seule des biens innombrables et plus de 20.000 tenanciers 122, lorsque le domaine de l'abbaye s'étendra jusque dans les régions mosane et rhénane123. Mais à la fin du VIe siècle, cette fortune colossale a déjà commencé à s'édifier.

3) La gestion du patrimoine ecclésiastique

Au reste, on peut également mesurer l'importance de ce patrimoine à la place que prennent alors, dans la vie de la communauté ecclesiale et dans les préoccupations épiscopales, sa gestion et sa défense.

Dans la deuxième moitié du VIe siècle, l'Église de Tours n'est plus l'unique propriétaire de la masse — devenue considérable — des revenus et des biens, ni l'évêque leur seul administrateur. Qu'il en ait été ainsi, en revanche, dans les premiers temps du christianisme tourangeau, lorsque l'ecclesia urbaine, encore pauvre, était pour le diocèse tout entier le centre unique de la vie religieuse, un épisode, narré par Sulpice Sévère dans les Dialogues et déjà évoqué plus haut, en fait foi : certains frères ayant suggéré de réserver au monastère de Marmoutier une partie de l'offrande apportée par Lycontius, Martin admoneste

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sévèrement ses compagnons; il leur fait entendre qu'ils n'ont aucun droit particulier sur cette somme; celle-ci appartient à l'Église qui a charge de tous ses fils. Et c'est en sa qualité de chef de l'Ecclesia turo- nica que l'évêque, seul juge de l'emploi qu'il faut faire de cet argent, décide d'en disposer pour le rachat des captifs124. Mais, par la suite, le développement de la fortune tourangelle allant de pair avec la multiplication des basiliques, des monastères, des églises rurales et des institutions charitables, ces établissements bénéficient souvent, à titre individuel, de la générosité des donateurs qui entendent gratifier un sanctuaire déterminé, assurer les besoins de telle communauté monastique ou assister une certaine catégorie de pauvres. Ainsi Clovis, on s'en souvient, of f re-t-il, de nombreux présents à la basilique Saint-Martin. Il s'agit là, pour Tours, du premier exemple attesté par les sources historiques d'un usage certainement plus ancien : en effet, les canons conciliaires dans la première moitié du VIe siècle, et déjà notamment ceux élaborés à Agde en 506, font état, comme de pratiques habituelles et depuis longtemps établies, des donations et legs faits en faveur de monastères, de basiliques urbaines ou d'églises rurales125. Mais si la législation canonique reconnaît ainsi dès cette époque aux établissements ecclésiastiques une certaine capacité patrimoniale, — l'aptitude à recueillir des dons — , elle insiste toujours sur le rôle eminent de l'évêque; celui-ci conserve en principe l'administration de l'ensemble de ces différents patrimoines, le soin de pourvoir à l'entretien des divers édifices et des clercs qui les desservent; ce n'est que très progressivement qu'est ensuite reconnu à chaque établissement le droit de gérer de façon un peu plus autonome les biens qui lui ont été dévolus par les fidèles. En ce qui concerne les oblations manuelles, la question est réglée à Orléans dès 511 : le concile convoqué par Clovis fixe une répartition assurant aux églises rurales les deux-tiers et aux basiliques urbaines la moitié des offrandes déposées sur l'autel, le reste allant à l'évêque. Bien qu'aucun témoignage concret de la mise en pratique de ces dispositions ne nous soit parvenu, il est probable que ce système fut adopté à Tours, et qu'il y resta en vigueur pendant tout le VIe siècle. Cependant le premier concile d'Orléans maintient encore toute la masse des terres, des esclaves et des troupeaux, quelle qu'en soit l'affecta-'

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tion particulière, in episcopi potestaîe126. La rigueur de cette législation commence à s'atténuer en 538. Certes, sur les biens fonciers offerts aux basiliques des villes, les Pères, de nouveau réunis à Orléans, réaffirment la potestas de l'évêque, qui peut seul disposer des revenus pour la réparation matérielle de ces édifices ou l'entretien de leur clergé. En revanche, ce même concile permet de suivre les usages locaux en ce qui concerne le patrimoine des parrociarum vel basiltcarum in pagis civita- tum127. Les évêques se réfèrent sans nul doute à la décision prise par leur collègues méridionaux en 527, à Carpentras, selon laquelle les églises rurales pourraient désormais réserver pour leurs besoins les biens qui leur ont été donnés, si l'Église episcopale est suffisamment riche 128. Cette dernière condition paraît alors avoir été amplement remplie à Tours. D'ailleurs quelques années plus tard, en 541, lors d'une nouvelle session conciliaire à Orléans, obligation est faite à ceux qui fondent une église sur leur propre domaine, d'affecter à celle-ci les biens nécessaires à sa dotation129. Enfin au 5e concile d'Orléans (549), il n'est plus seulement question des biens donnés ou légués aux églises, monastères et xenodochia — donc de la seule capacité de ces établissements à recevoir legs et donations — , mais des res vel facultates leur appartenant130. Ainsi avec l'accroissement de la fortune ecclésiastique, s'est affirmée une certaine tendance au morcellement du patrimoine et à la décentralisation de sa gestion.

C'est cette dernière situation que reflète dans la deuxième moitié du VIe siècle la chronique de Grégoire. L'historien distingue nettement les biens de l'Église episcopale — res Ecclesiae131 — des possessions des autres établissement, notamment de celles, souvent évoquées, de la basilique Saint-Martin, les res basilicae sancii Martini ou les res beati antestitis132. Et si, dans certains cas, quelque ambiguïté pouvait encore

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subsister, puisque Martin est à la fois le patron de l'Église tourangelle et le titulaire de la grande basilique suburbaine, les clauses du testament d'Ingoberga suffiraient pour la dissiper : sur les conseils de Grégoire lui-même, la pieuse souveraine teste en faveur, d'une part, de l'Ecclesia turonica et, d'autre part, de la basilica sancii Martini133. De plus, les termes dont use en d'autres circonstances l'historien révèlent clairement qu'à ses yeux la basilique Saint-Martin est titulaire des biens qui lui ont été affectés : à propos du domaine de Nazelles qui, arraché contre toute justice par le roi Caribert, est restitué par son successeur Sigebert, il écrit : hoc in dominio sancii Martini restituii, quod usque hodie ab ejus basilica possidetur134. Enfin quelques récits montrent bien que les patrimoines sont gérés de facon distincte : l'Ecclesia a ses adores qui sont les représentants de l'évêque; ce sont eux que le comte Leu- daste fait traîner devant son tribunal, afin de spolier plus commodément l'Église d'un de ses domaines135. Pour Saint-Martin, l'abba marty- rarius, que l'on voit, dans un autre épisode, mis en possession d'un domaine par un pieux donateur 136, a ses propres agents, agentes sanctae basilicae137. Dans l'un et l'autre cas, le patrimoine foncier étant particulièrement étendu et dispersé, son administration paraît avoir requis un personnel laïc relativement nombreux et divers : aux employés qui, à Tours, centre de la gestion, tiennent les comptes des revenus et redevances s'ajoutent des intendants résidant sur le domaine dont ils ont la charge, au moins quand celui-ci est important et éloigné de la cité, comme la domus beati Martini sise dans le territoire de Bourges138.

Cependant l'autonomie obtenue par chaque établissement, pour la jouissance et la gestion des biens qui lui ont été affectés par des fidèles, est maintenue à l'intérieur de limites très étroites. L'évêque demeure en effet juridiquement et moralement responsable pour l'ensemble des patrimoines de son Église. Le développement de la fortune ecclésiastique joint à la multiplication des filiales de l'Ecclesia mater exige en fait

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de sa part une vigilance accrue dans le contrôle qu'il se doit d'exercer. Il appartient tout d'abord au chef de l'Église de s'assurer que les donations et legs concourant à la formation du temporel — que ceux-ci bénéficient à l'Église ou à l'un de ses établissements — soient effectués conformément aux prescriptions du droit. Tout au long du VIe siècle les textes conciliaires, élaborés dans le souci d'éviter contestations et litiges, insistent sur l'importance des documenta quibus ecclesiae posses- sio firmatur. Ces scriptura doivent être établis et conservés avec le plus grand soin. Un canon du concile d'Agde menace de retrancher de la communion tout clerc qui détruit, altère ou livre à la partie adverse un de ces actes139. Car, comme le soulignent les Pères réunis à Orléans en 541, ce qui est donné par un document en règle — sub conpetenti ac justo docomento — ne peut être réclamé à l'Église par les héritiers du donateur140. Or les évêques, selon la formule employée au troisième concile de Paris (556-573), sont par excellence, pour la communauté ecclesiale, les custodes cartarum141. L'Église tourangelle semble avoir fait quelques fâcheuses expériences consécutives à la négligence de certains de ses prélats en ce domaine : on s'expliquerait mal qu'Eufronius ait décidé de rétrocéder une partie de l'héritage légué à son Église par Baudulfus, s'il avait été en mesure de présenter devant un tribunal un acte en bonne et due forme relatif à ce legs142. Son successeur, Grégoire, apparaît en tout cas particulièrement soucieux d'appliquer les sages prescriptions de la législation conciliaire. Il s'entoure de notaires dont la tâche ne consiste pas uniquement à copier ou à prendre sous la dictée les œuvres composées par l'historien143. Certains de ces employés ont pour mission de rédiger dans les termes voulus les actes par lesquels des fidèles bien intentionnés, mais dépourvus de compétence juridique, entendent faire abandon à l'Église de leur fortune. C'est à l'un de ces notarti que la reine Ingoberga, conseillée par Grégoire, fait appel pour mettre par écrit ses dernières volontés et tester notamment en faveur de l'Ecclesia turonica et de la basilica sancii Martini14*. L'évêque

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s'était occupé personnellement — la qualité de la donatrice obligeait — de cette affaire qui concernait en partie Saint-Martin. En d'autres circonstances, sans intervenir de façon aussi directe, il veille cependant aux intérêts de la basilique : tantôt il délègue un de ses diacres, ainsi pour prendre une livraison de cire destinée par la générosité d'un fidèle à cette dernière145; tantôt il laisse à Yabba le soin de recueillir une donation, mais ce n'est pas sans s'être assuré que toutes les formalités légales — son insistance à noter leur exécution l'atteste — sont bien remplies : ainsi l'abandon que le chartrain Blidericus fait à Saint-Martin de ses domaines prend-il la forme solennelle d'une tradition, d'une mise en possession de l'abbé en présence de témoins, et s'accompagne de la rédaction d'un acte où sont consignés les termes de la transaction 146. Quant à la donation opérée par Gundulf us, elle est garantie par un précepte du roi qui accorde son autorisation147, le donateur tenant probablement les propriétés qu'il offre à la basilique d'un bienfait royal.

Mais que toutes les précautions légales aient été prises ou non au moment de l'acquisition, il arrive parfois que l'Église, ou l'un de ses établissements, se voit contester, dans un procès intenté devant la justi-

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ce civile, la possession de certains de ses biens, quand ceux-ci ne sont pas, plus fréquemment encore, pillés ou soustraits par la force à sa jouissance sur l'ordre d'un puissant. Bien que la législation canonique dénonce inlassablement durant tout le VIe siècle ceux que les Pères nomment necatores pauperum 148 et qu'elle aggrave progressivement les sanctions qui les frappent, substituant au concile de Tours de 567 l'ana- thème à l'excommunication149, les atteintes au patrimoine ecclésiastique — l'histoire tourangelle en offre maints exemples — ne cessent de se multiplier. Dans cette situation, les évêques se doivent d'être, comme il leur est recommandé par le troisième concile de Paris, les defensores rerum150, les défenseurs de tous les biens de l'Église sans exception. Seuls, ils détiennent l'autorité spirituelle nécessaire pour amener les coupables à résipiscence ou, si ces derniers s'entêtent, pour les retrancher de la communion. Seuls aussi, ils disposent d'un prestige suffisant pour requérir éventuellement l'intervention royale. Ainsi, Eufronius avait-il tenté d'user de persuasion pour convaincre Eustochius de renoncer à réclamer les biens légués par son parent Baudulfus à la basilique Saint-Martin151. Grégoire agit de la même façon: il s'efforce de ramener dans le droit chemin, par de patientes exhortations, le cham- brier Eberulfus «qui avait ravi injustement les biens du saint prélat»152; avec le chef des haras Pelage, qui «cherchait toutes les occasions de causer des dommages à l'Église et à la basilique Saint-Martin», il essaie tout d'abord «les menaces et les douces paroles», avant de se décider à suspendre le coupable de la communion153. Ces moyens, il est vrai, sont loin de se révéler toujours efficaces, face à des individus endurcis dans le crime et dont les méfaits ne prennent fin qu'avec la vie. Aussi l'évê- que de Tours est-il conduit à en appeler à la justice du roi : de Sigebert, Eufronius obtient la restitution à Saint-Martin du domaine de Navicel- lae154; à la requête de son successeur, le prince Theudebert met un terme aux exactions de la soldatesque qui se livrait au pillage des sanc-

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tuaires de Touraine155. Grégoire parvient aussi à convaincre Chilpéric qu'il faut révoquer le comte Leudaste, en lui apprenant «tous les maux que ce dernier faisait aux églises de Tours et à toute la population»156. Quelques années plus tard, ce même souverain, alerté par l'évêque, fait arrêter les voleurs qui avaient dépouillé la basilica sancii Martini de ses trésors et il prend des mesures pour que ceux-ci soient rendus au lieu saint157. En ces occasions, comme en d'autres, Grégoire s'est dépensé sans compter et, au total, il à réussi le plus souvent en définitive, à préserver la patrimoine ecclésiastique dont il était comptable.

Cependant les menaces qui pèsent sur la propriété ecclésiastique ne viennent pas toutes de l'extérieur. L'Église n'est pas à l'abri d'atteintes portées par ceux-là mêmes qui se sont engagés à son service, certains étant tentés de la dépouiller de son capital foncier ou d'en détourner les revenus. Aux vives préoccupations que manifestent à ce sujet les assemblées conciliaires, aux pressantes recommandations qu'elles formulent, on peut juger que de telles exactions n'étaient pas rares. La législation canonique interdit à l'évêque, en tout premier lieu, de considérer comme sa propriété et de léguer les terres, les meubles et les esclaves de l'Église158; elle ne l'autorise à les aliéner qu'en cas d'extrême nécessité et dans des conditions strictement définies159. Le chef de la milice chrétienne du diocèse doit à son tour exercer une étroite surveillance sur les clercs de la ville, les abbés et les prêtres ruraux afin d'empêcher que ceux-ci ne s'approprient un domaine dont l'Église leur a concédé la simple jouissance ou n'aliènent les biens de leur établissement. Si cette dernière mesure se révèle indispensable, l'acte de vente doit être signé par l'évêque, faute de quoi la transaction serait nulle et non avenue160. Il semble que les prélats tourangeaux, autant que nous

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en soyons informés, aient tous donné l'exemple d'une probe gestion161 et qu'ils aient également assuré un contrôle efficace sur celle des clercs et des religieux relevant de leur autorité. En effet on ne trouve dans la chronique tourangelle qu'un seul épisode relatif à la dilapidation de biens ecclésiastiques : à la faveur de l'absence de Grégoire, contraint d'aller se justifier devant le concile de Berny à la suite du complot ourdi par le prêtre Riculfus dans le but de le supplanter, ce dernier, se croyant déjà parvenu à ses fins, comble de présents les principaux clercs de la cité, dont il veut obtenir les sympathies complices, faisant des largesses avec les vignes et les prés de l'Église162. Il est d'ailleurs probable qu'à son retour, le prélat, justifié, sut remettre de l'ordre et récupérer les domaines ainsi distribués.

Pas plus que l'évêque pour le patrimoine de l'Ecclesia, les clercs ou les religieux placés à la tête d'une de ses filiales ne peuvent donc disposer de biens qui, affectés à leur établissement, restent cependant sous la tutelle de l'Église. Bien plus, l'emploi même des revenus que procurent les différentes dotations n'est pas laissé à leur initiative : comme l'évêque, et sous son contrôle, ils doivent utiliser ces revenus in repara- tionibus ecclesiarum, alimoniis sacerdotum et pauperum vel redemtioni- bus captivorum. Cette réglementation, élaborée par le concile d'Orléans dès 511 pour les oblationibus vel agris, quos domnus noster rex (Clovis) ecclesiis suo munere conferve dignatus est163, esquisse une répartition

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des ressources qui sont destinées à trois postes de dépenses différents, sans que la quote-part pour chacun d'eux soit, toutefois, explicitement fixée à un tiers : il s'agit d'assurer l'entretien des édifices du culte, la subsistance des clercs qui les desservent et enfin d'assumer les tâches de l'assistance. Il faut l'avouer, il est souvent bien difficile de savoir de quelle façon, dans la pratique, cette règle était appliquée : les sources tourangelles ne livrent que fort peu d'éléments permettant de saisir comment s'établissait le budget de l'Église et de ses établissements. Le chapitre relatif aux édifices du culte peut, sans aucun doute, être mis à part, car les problèmes d'entretien se posaient à peu près dans les mêmes termes pour tous les sanctuaires du diocèse. Périodiquement, il fallait engager des dépenses considérables qui ne pouvaient certainement pas être couvertes par les ressources normalement affectées à l'établissement: de même que la construction, les reconstructions ou restaurations nécessitées par les lentes dégradations dues au temps ou par des catastrophes telles que les incendies étaient, en partie au moins, subventionnées tantôt par les évêques puisant dans leur propre fortune ou dans les réserves de l'Église, tantôt par de généreux évergè- tes : Eufronius, pour relever deux des églises du castrum, après l'incendie dont ce dernier fut la proie164, Grégoire, pour reconstruire sur un plan plus vaste Y ecclesia prima I65 aussi bien que pour agrandir X'orato- rium sancii Stefani166, ont certainement mobilisé des fonds spéciaux; quant à la basilique Saint-Martin, endommagée elle aussi par les flammes, elle fut restaurée avec le concours financier du roi Clotaire167. En dehors de ces opérations importantes, l'entretien courant, en année normale — menues réfections et frais de luminaire pour l'essentiel — représentait une charge relativement légère, assez facilement supportée grâce aux oblations en argent ou en nature des fidèles168. En revanche,

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les moyens de subsistance mis à la disposition des clercs et des moines, de même que les secours accordés aux déshérités par les œuvres charitables n'étaient pas assurés par des moyens aussi simples et uniformes. Les solutions adoptées étaient étroitement liées, d'une part, à l'organisation interne des différentes troupes constituant la milice chrétienne du diocèse et, d'autre part, variaient avec les formes diverses prises par l'assistance.

II - Les forces humaines : la milice chrétienne

Depuis sa fondation, des hommes et des femmes ont consacré leur existence au service de l'Église tourangelle. Si leurs vocations étaient différentes, qui appelaient certains à s'enrôler dans les ordres cléricaux et d'autres à choisir la vie monastique ou érémitique, tous ont eu, à leur place, un rôle à jouer dans le cadre de l'organisation ecclesiale. De leur nombre, de leur valeur personnelle et de leur respect de la discipline — particulière à leur condition ou commune à toute la milice de Tours — dépendait l'efficacité de la mission chrétienne. Sur tous ces points, une enquête peut être menée en confrontant les prescriptions de la législation conciliaire gauloise, abondantes depuis le milieu du Ve siècle, et la documentation concrète fournie par les sources historiques, particulièrement riche pour deux périodes : l'époque de Martin et, plus encore, la deuxième moitié du VIe siècle.

Clercs, moines, solitaires, religieuses ou saintes femmes sont, à titres divers, des membres de la milice chrétienne de Tours. Tous ont en commun de s'être, pour reprendre une expression familière à Grégoire, conversi ad Deum 169. La décision qu'ils ont prise se manifeste au VIe siècle par une transformation de leur aspect extérieur qui les distingue désormais des simples fidèles : c'est, pour les hommes qui reçoi-

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vent la tonsure, le sacrifice de leur chevelure — humiliatis capillis — 170 et pour les deux sexes, l'adoption, mutata veste111, d'un vêtement différent de celui des saeculares. Mais tout ceci ne fait que traduire dans les apparences la volonté de changer de vie, de donner à celle-ci un nouveau sens : quels que soient la position et le lieu dans lesquels ils s'établissent, les conversi s'engagent à deservire172, un terme que Grégoire emploie parfois de façon absolue pour désigner la profession de tout miles Christi.

1) Le clergé séculier

Les grades du cursus

Au sein de cette milice chrétienne, le clergé constitue un corps nettement individualisé : les clercs sont des hommes — il n'y a aucune tra-

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ce de l'existence de diaconesses dans la société cléricale tourangelle173 — ayant reçu de l'évêque une ordination qui les qualifie pour exercer, sous la direction de ce dernier, différents offices auprès du peuple chrétien. À l'époque de Martin et déjà même sous l'épiscopat de son prédécesseur Litorius, l'Église tourangelle comptait des clercs de divers degrés : Sulpice Sévère présente, aux côtés de l'évêque, des lecteurs, des diacres et de nombreux prêtres m. Les conciles de la province de Lyonnaise Troisième dans la deuxième moitié du Ve siècle et, à leur suite, le concile d'Agde de 506 mentionnent les sacerdotes (ou presbyteri) et les diaconi (ou îevitae), en esquissant déjà dans leur législation une distinction entre ces clercs plus tard qualifiés a'honoratiores et les sous-diacres, seuls représentants explicitement nommés des grades inférieurs175. Vers la même époque, les Statuta Ecclesiae Antiqua, dans la Gaule méridionale, énuméraient, après l'épiscopat, en ordre de dignité décroissante, sept degrés dans la cléricature : presbyter, diaconus, sub- diaconus, acolitus, exorcista, lector, ostiarius 176. Mais si acolytes et exorcistes apparaissent dans les canons du concile de Mâcon de 585, où la

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province de Tours est représentée par l'évêque manceau Badegisi- lus177, la présence explicite de clercs appartenant à ces deux grades n'est jamais attestée dans l'Église tourangelle, pas plus d'ailleurs que dans de nombreuses autres Églises gauloises 178. Grégoire range au nombre des clerici minores179 uniquement des portiers, des lecteurs et des sous-diacres. À vrai dire, pour les premiers, l'historien, en ce qui concerne du moins Tours, n'emploie jamais le terme officiel d'ostia- rius1S0, mais celui de custos. Cependant le rôle des personnages désignés sous ce dernier nom, à la basilique Saint-Martin 181 aussi bien que dans des églises rurales, comme celles de Chinon ou d'Yzeures182, permet, semble-t-il, de les identifier aux portiers, de reconnaître en eux ces clercs subalternes situés aux frontières de l'ordre clérical : ils ont en effet pour tâche d'assurer de jour et de nuit la garde de l'édifice du culte dont ils détiennent les clés — ces claves qui, symboles de la fonction â'ostiarius, sont remises à ce dernier par l'évêque au moment de son ordination183 — et d'exercer un contrôle sur les fidèles et les visiteurs étrangers. À ceux de la basilica sancii Martini Grégoire avait, en particulier, confié une mission délicate, trop délicate pour être laissée à de simples employés laïcs : ils devaient faire rapport à l'évêque sur tout miracle advenu au tombeau du thaumaturge184. Il est probable que les

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custodes sont apparus assez tardivement à Tours, dans le courant du VIe siècle, lorsque la surveillance des sanctuaires, dès lors riches et fréquentés par des pèlerins nombreux, a paru exiger la présence de gardiens préposés spécialement à cet office185. Plus anciennement attestés, les grades du lectorat et du sous-diaconat posent moins de problèmes. Les lectores qui sont, à tour de rôle, chargés de lire pendant la messe les leçons empruntées au Psautier, au Livre des Apôtres186, ou encore, lors de sa fête, à la Vita d'un saint187, forment le choeur des psalmis- tes188; à Saint-Martin, ils constituent une schola placée, déjà au début du VIe siècle, sous la direction d'un primicirius 189. Bon nombre d'entre eux étaient de tout jeunes gens, comme l'indique l'expression juniores lectores employée par un canon du concile de Vaison190. Ce sont donc sans doute les lecteurs qui composent, pour une bonne part au moins, la turba juniorum clericorum, la troupe des plus jeunes clercs attachée, au témoignage des canons du concile tourangeau de 567, à toutes les églises du diocèse191 et dont la présence à V ecclesia et à la basilique Saint-Martin est également signalée par Grégoire192. On ne saurait cependant identifier totalement lectores et juniores; ce dernier terme est employé de façon peu rigoureuse par les textes conciliaires qui lui confèrent, suivant les cas, une acception plus ou moins large : tantôt les canons citent les juniores au dernier rang, après les prêtres, les diacres et les autres clercs (sans doute les sous-diacres)193; tantôt ils opposent

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aux clerici seniores (ou honoratiores) les membres ex juniore ordine cle- ricorum 194, faisant, semble-t-il, de juniores clerici un synonyme de clerici minores et englobant sous ces termes lecteurs et sous-diacres195. À ces derniers, qui sont notamment chargés de recevoir les oblata apportés par les fidèles pour la messe196, les conciles d'Orléans en 549 et de Tours en 567 consacrent quelques articles197. Grégoire quant à lui ne met en scène à Tours nommément qu'un seul représentant du sous-diaconat, Riculfus198.

D'une manière générale, l'évêque historien a tendance à confondre dans l'obscurité de l'anonymat l'humble troupe des clerici minores, tandis qu'il fait dans ses récits une large place aux clerici majores, évoquant la personnalité de nombreux diacres et prêtres qui ont joué à ses côtés un rôle important. La dignité dont les uns et les autres sont revêtus en fait les membres d'une sorte d'aristocratie cléricale. Le diaconat et la prêtrise sont en effet considérés — le terme revient souvent sous la plume de Grégoire et dans les textes conciliaires — comme un honneur {honor)199, avec lequel sont conférées, au cours de l'ordination et par l'imposition des mains de l'évêque, des fonctions sacrées200. V honor le plus prestigieux appartient aux presbyteri. Ceux-ci partagent avec l'évêque le titre de sacerdos et le droit de célébrer le sacrifice, d'ensei-

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gner le peuple et de donner le baptême201. À l'éminente dignité du prêtre, Martin avait déjà rendu symboliquement hommage, au cours du banquet offert à Trêves par Maxime, en tendant la coupe à boire au presbyter qui l'accompagnait plutôt qu'à l'Empereur202. À son tour Grégoire, en qualifiant le prêtre Simon de conpresbiter noster203, met en relief le rôle des presbyteri qui'il associe de façon quasi collégiale à l'évêque dans l'exercice du sacerdoce. Les diacres, ordonnés non ad sacerdotium sed ad ministerium, sont seulement, pour l'administration du patrimoine et de l'assistance204, les auxiliaires des prêtres, partout où ceux-ci exercent leur ministère ; mais ils sont aussi ceux du sacerdos summus. À ce dernier titre, certains d'entre eux, notament l'archidiacre, sont appelés à remplir, auprès de l'évêque, ou en son nom, des missions importantes205 qui les gonflent parfois de vanité : les conciles doivent les rappeler à plusieurs reprises au respect dû aux presbyteri qui sont leurs supérieurs dans la hiérarchie ecclésiastique206.

L'origine sociale des clercs

Dans quelles conditions ces clercs sont-ils recrutés et promus? Dans l'Empire romain comme, ensuite, dans le royaume franc, le législateur civil édicté des lois qui, variables suivant les époques, ont toujours pour but de préserver les intérêts de la société que l'évasion dans les ordres de certains de ses membres pourrait léser. Et surtout pour l'accession à la cléricature, pour la promotion aux divers degrés qui la composent, les conciles du Ve et du VIe siècle, reprenant et développant la législation canonique ancienne, ont peu à peu fixé, dans l'intérêt de

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l'Église, un ensemble de règles précises. Sur ces différents points, le droit doit être confronté avec la réalité : celle que les textes conciliaires eux-mêmes laissent entrevoir, en suggérant les préoccupations particulières aux Pères qui légiféraient pour la province de Tours; celle surtout que révèlent plus crûment les sources historiques.

Une première question se pose : dans quels milieux se recrutent les clercs tourangeaux? Entre l'époque de Martin et celle de Grégoire, on constate en ce domaine des différences assez sensibles. Dans le dernier quart du IVe siècle, le clergé de Tours est composé pour une part relativement importante, semble-t-il, d'hommes issus de l'aristocratie gallo- romaine et, plus précisément, de cette fraction de l'aristocratie qui, se détournant des honneurs et des charges publics, choisit de mener une existence pleinement chrétienne207. En effet, beaucoup de ceux que Martin promeut au diaconat ou à la prêtrise se sont formés dans le «grand monastère» transligerim qui, au témoignage de Sulpice Sévère, était peuplé de nobles en grand nombre208. La figure la plus représentative à cet égard — et la mieux connue — est celle de Clarus, adules- cens nobilissimus, mox presbyter, qui s'était rendu auprès de Martin, relictis omnibus209. Il est probable que le diacre Aurelius, les prêtres Arpagius, Evagrius, Eusebius et Refrigerius, avec lesquels le biographe resta lié d'amitié, avaient les mêmes origines sociales210. Faut-il voir dans ce recrutement aristocratique l'influence indirecte de la législation civile et religieuse alors en vigueur? La première opposait des obstacles juridiques à l'entrée dans les ordres de ceux qui appartenaient à d'autres catégories de la société — paysans libres ou esclaves, membres des corporations urbaines, curiales — tous rivés héréditairement à leur condition, parce que, de leurs activités, dépendaient le maintien de la vie économique de l'Empire et, par là même, l'assurance pour l'État de rentrées fiscales. L'Église, quant à elle, souhaitait écarter de ses rangs tous ceux qui, anciens militaires, juges ou fonctionnaires, avaient contracté, dans l'exercice de leurs fonctions séculières, une souillure qui paraissait indélébile211. En fait le prestige tout particulier, dont jouissait

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Martin dans la frange de l'aristocratie chrétienne gagnée à l'idéal ascétique, a sans aucun doute joué de facon plus positive pour attirer certains de ses représentants au sein du clergé tourangeau. Ce dernier appelait d'ailleurs aussi à lui des recrues d'origine différente. Les empêchements prévus par la loi étaient, on le sait, souvent tournés et Martin, l'ancien soldat promu, au grand scandale d'une partie de l'épis- copat gaulois, au siège de Tours, n'était certainement pas homme à s'embarrasser de prescriptions trop formalistes. Il a certainement accueilli dans son clergé des individus dont le passé était assez trouble : n'avait-il pas reçu à Marmoutier, «après leur conversion, quelques frères qui avaient jadis perdu la grâce de leur baptême par diverses erreurs»?212 D'autre part, au nombre des clercs qui l'entouraient, quelques-uns étaient d'extraction fort modeste, tel Brictius «qui, avant d'entrer dans le clergé, n'avait jamais rien possédé»213. La réprobation méprisante manifestée dans ce cas par Sulpice Sévère, qui se plaît à souligner — comme si elle expliquait les vices et les fautes de ce prêtre — la bassesse de ses origines, ne doit pas laisser croire que Brice constituait une exception unique au sein d'un clergé issu principalement, mais non dans sa totalité, de l'aristocratie gallo-romaine.

Au VIe siècle, et notamment à l'époque de Grégoire, le clergé de Tours reflète mieux dans sa composition celle de la société contemporaine; car il s'ouvre largement à des recrues issues des catégories les plus nombreuses et les plus humbles. Les progrès du christianisme, qui commence à conquérir les masses rurales, expliquent sans doute cette évolution autant que l'assouplissement de la législation. L'Église, qui ne refuse plus guère qu'aux membres d'une seule profession, celle des usuriers214, l'accès aux ordres, tient certes toujours compte, en ce domaine, des intérêts de la société et de l'état. L'ordination des esclaves demeure interdite : les droits légitimement exercés sur leur personne par le maître sont d'ailleurs, comme par le passé, jugés incompatibles avec la liberté qu'exige le service de Dieu. Mais l'affranchissement, du

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consentement du patron, ouvre désormais plus facilement au nouveau libertus l'entrée dans la cléricature215. En ce qui concerne les hommes libres, le concile d'Orléans de 511 a admis le principe qu'aucun d'eux ne peut être ordonné sans l'assentiment du roi ou de son représentant, le comte, sauf s'il est fils, petit-fils ou arrière petit-fils de clerc216. On doit le constater, cette prescription n'est pas répétée par les conciles ultérieurs et il paraît douteux que la monarchie franque ait jamais eu les moyens d'exercer un contrôle assez efficace pour la faire respecter, si ce n'est pour les laïcs de haut rang exerçant des charges publiques. Ce fut, semble-t-il, le cas pour Wiliacharius, beau-père du prince Chramne, entraîné ou compromis dans la révolte de ce dernier contre Clotaire; jeté en prison, il reçut finalement du roi son pardon et la permission d'être ordonné presbyter à Tours217. On peut également citer Gundulfus qui occupait un emploi à la cour, lorsqu'il décida de se vouer au service de Martin : il obtint du roi, dit Grégoire, « un décret qui lui permit de donner de son vivant tous ses biens à la basilique». Le «précepte» royal autorisait aussi certainement son ordination218. Mis à part les évêques eux-mêmes, d'ailleurs rarement issus du clergé local, ce sont là, avec peut-être Aquilinus219, les seuls clercs que les milieux dirigeants de la société aient fourni à Tours au VIe siècle. Tous les autres, dans la mesure où les informations fournies par Grégoire per-

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mettent de le vérifier, sont d'extraction modeste voire très humble. Le sourd-muet Theodemundus vivait de la charité publique220, Piolus se trouvait, «dans un monde de labeur», inapte par son infirmité à tout travail qui pût assurer sa subsistance221, Ursulfus était un simple ouvrier agricole brutalement frappé de cécité222, avant qu'un miracle de Martin ne guérisse chacun d'eux et ne l'incite à se faire clerc. Quant à Riculfus, l'évêque Eufronius l'avait tiré de la misère — de pauperibus provocatus — pour en faire finalement son archidiacre223. Alors que Grégoire avait depuis peu succédé à son cousin, un prêtre, appelé à officier à sa place et dont l'historien tait charitablement le nom, trahit, au cours de l'office, par sa prononciation triviale, {rustice. . . verba depromeret) ses origines plébéiennes224. Encore tous ces clercs étaient- ils des hommes libres avant leur ordination. D'autres étaient nés esclaves : ainsi Veranus rendu à la santé au tombeau de Martin et auquel — comme il en avait fait le vœu — son maître, le prêtre Simon, rendit la liberté pour le vouer au service de Martin225; ainsi cet autre dont l'historien nous laisse ignorer le nom, ex nativitate servus ipsius basilicae, qui fut, à la suite de circonstances analogues, ordonné clerc, certainement après avoir été affranchi par l'autorité ecclésiastique226. D'autre part, le clergé de Tours — il faut le noter — est également à l'image de la société contemporaine, dans la mesure où des individus de races différentes s'y côtoient. Les clercs pourvus d'un nom à consonnance germanique y figurent presque aussi nombreux que ceux qui sont porteurs d'un cognomen d'origine latine ou grecque. On ne peut, on le sait, à une époque où des Gallo-romains adoptent déjà volontiers des dénominations empruntées aux barbares, se fier entièrement, pour déterminer l'ethnie, à l'onomastique. Cependant ce que celle-ci suggère se trouve, en quelques cas, confirmé par une indication plus précise des sources : allié à la famille royale, le presbyter Wiliacharius est sans aucun doute un Franc de haut lignage227; de Senoch, diacre puis prêtre, Grégoire

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nous apprend qu'il est gente Teiphalus229. L'ecclesia turonica, métropole de la Troisième Lyonnaise, compte aussi dans ses rangs — on ne saurait s'en étonner — quelques clercs bretons, tels les prêtres Jean et Winnocus229.

Les filières de recrutement et de promotion

Mais plus qu'à leur condition sociale ou à leur appartenance ethnique, l'Église est attentive à la valeur individuelle des candidats à la clé- ricature. Une abondante législation, répétant quod sancii patres nostri synodali sententia statuerunt230, s'applique à définir les qualités requises des impétrants.

Qu'il suffise de le rappeler brièvement : elle exige des futurs clercs une parfaite intégrité du corps et de l'esprit — rejetant ceux qui sont physiquement mutilés ou qui, possédés du démon, ont perdu l'équilibre mental231, mais aussi des garanties de moralité; de ce fait, se trouvent écartés les individus qui ont été condamnés à la pénitence publique232 pour avoir commis une faute grave, telle que l'homicide233 ou l'adultère234. Contrairement à ce dernier, le mariage n'est pas une cause d'empêchement : un homme préalablement engagé dans ses liens peut être ordonné, mais il doit, pour devenir diacre ou prêtre, avoir été, conformément au précepte paulinien, unius uxoris vir, c'est-à dire ne pas avoir été marié deux fois, ni avoir épousé une veuve235; il lui faut obtenir le consentement de son épouse236 et s'engager à ne plus entretenir dès lors avec celle-ci des relations conjugales237. Enfin les Pères mettent à l'entrée dans les ordres des conditions de foi et de science : pour qu'un laïc soit admis au diaconat ou à la prêtrise, il est nécessaire non seulement qu'il soit baptisé, mais encore qu'il possède, pour guider le peuple chrétien, une formation intellectuelle suffisan-

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te238. Sur ce dernier point, la législation n'est pas très exigeante : elle rejette les illettrés et prévoit, avant l'ordination, une année de formation239, au cours de laquelle le «converti» a doctis et probatis vins et disciplinis et regolis spirituali- bus plenius instruatur240. De même, toute promotion ad gradum altiorem s'ac- compagnant de responsabilités accrues, un âge minimum pour chaque degré — 25 ans pour le diaconat, 30 ans pour la prêtrise — est requis, à partir du début du VIe siècle, par les canons conciliaires241, ce qui implique l'accomplissement d'un stage suffisamment long dans le grade immédiatement inférieur242. D'une manière générale, l'évêque doit, avant de procéder à une ordination, s'assurer, par une enquête au cours de laquelle clercs ou laïcs peuvent venir témoigner et faire connaître d'éventuels motifs d'empêchement, que le candidat remplit bien toutes les conditions exigées243. C'est en partie pour cette raison que les conciles interdisent à un prélat de promouvoir un clerc d'une autre Église sans avoir obtenu l'assentiment de l'évêque qui gouverne cette dernière et qui, de ce fait, est seul en mesure de porter un jugement sur le mérite de l'impétrant244.

Mais toutes ces règles destinées à écarter les recrues indésirables étaient-elles appliquées à Tours? À examiner les situations concrètes, on s'aperçoit qu'il est nécessaire, pour une plus juste appréciation, de distinguer dans le recrutement deux filières nettement distinctes : il y a d'un côté, ceux qui entrent tout jeunes dans le clergé et, de l'autre, ceux qui s'y agrègent à un âge plus avancé. Les premiers reçoivent, à l'abri des tentations et des périls du monde, une véritable formation et, en

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fonction des qualités qu'ils démontrent, peuvent être régulièrement promus aux grades supérieurs. Martin, semble-t-il, avait systématiquement usé de cette méthode pour assurer la relève du clergé que lui léguait son prédécesseur; Marmoutier, on le sait, remplissait à cette époque le rôle d'une sorte de «grand séminaire» : les jeunes gens qui y entraient, souvent après avoir déjà reçu dans le siècle une éducation soignée245, «s'y formaient à l'exemple de leur bienheureux maître», s'exerçant d'abord à la copie, puis se consacrant entièrement à la prière et à la méditation246; ceux d'entre eux qui se sentaient appelés par cette vocation s'engageaient ensuite dans la cléricature. Ainsi Refrigerius, qui «s'était dès le début de son adolescence attaché à Martin»247, Cla- rus, qui avait fait de même, furent-ils ordonnés prêtres. Aurelius et, s'il faut en croire Grégoire, Brice avaient passé par un stage dans le diaconat avant d'atteindre à la prêtrise, puis, pour ce dernier, à l'épiscopat248. Que ce système ait assuré à Tours un clergé de qualité, tant du point de vue spirituel qu'intellectuel, ne paraît pas douteux à la lecture des Dialogues de Sulpice Sévère qui mettent en scène un certain nombre de diacres et de prêtres tourangeaux. Pour un clerc, le fait de sortir de Martini monasterio était d'ailleurs considéré dans d'autres Églises de Gaule comme un brevet de valeur exceptionnelle : cette assertion du biographe249 trouve sa confirmation dans l'élection à l'épiscopat de plusieurs disciples de Martin250.

Au VIe siècle, le clergé tourangeau recrutait toujours nombre de ses membres dès leur jeune âge. Venu à Tours alors qu'il était un juve- nis, le sourd-muet Theodomundus, guéri au terme de trois années de prières assidues au tombeau de Martin, fut recueilli par la reine Clotil- de : la souveraine «le mit à l'école. . . et Dieu en fit un clerc parfait»251. Piolus avait, semble-t-il, une quinzaine d'années lorsqu'il s'engagea dans les rangs du clergé252. D'autres étaient certainement encore plus

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jeunes : ainsi ce Dagobaldus attaché à son service que Grégoire qualifie de puer et de clericus253. Ces quelques indications, que l'on peut glaner dans la chronique tourangelle, laissent deviner, dès la première moitié du VIe siècle au moins, l'existence à Tours, comme dans d'autres cités gauloises où l'historien la mentionne plus explicitement, d'une école episcopale254, ouverte à des enfants et à des adolescents qui se destinaient à la cléricature et revêtaient d'abord le lectorat. Grégoire ne précise pas si cette schola était confiée, comme à Nîmes, à Rodez ou à Bourges255, à l'archidiacre ou, comme à Lisieux, à un prêtre exerçant la fonction de praeceptor256. Quoiqu'il en soit, l'évéque veillait sans aucun doute personnellement à l'éducation de la turba clericorum juniorum installée, comme le prescrit un canon du concile tourangeau de 567, dans la domus ecclesiae257 . Mais, toujours selon le même témoignage, d'autres jeunes lecteurs se formaient aussi dans les vici les plus importants du diocèse, sous la direction de l'archiprêtre placé à la tête de l'église locale258. Après avoir acquis les rudiments indispensables à la lecture et à l'écriture, tous ces juniores, à l'instar de Theodomundus, «apprenaient par cœur la suite des psaumes», en même temps qu'ils recevaient quelques notions de chant pour être capables de psalmodier. À ce programme, qui les préparait très techniquement à participer à la célébration des offices religieux, s'ajoutaient l'étude des Écritures et la lecture des textes hagiographiques, au moins pour les plus doués259.

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Car tous les lecteurs n'étaient certainement pas promis à s'élever dans les différents échelons de la carrière cléricale. Certains demeuraient leur vie durant dans les grades inférieurs : lorsque Grégoire dit de Theodomundus qu'«il est demeuré de longues années au service de l'Église» en qualité de clericus, cela signifie très probablement que ce personnage n'a point eu accès aux ordres majeurs260. Cependant bon nombre de clercs recrutés tout jeunes recevaient par la suite des promotions régulières. Le seul d'entre eux dont le cursus nous soit assez complètement retracé est Riculfus : protégé par l'évêque Eufronius qui en avait fait un clerc (sans doute un lecteur), il avait gravi successivement, et vraisemblablement à l'âge requis par la législation canonique, les degrés du diaconat — exerçant même la fonction d'archidiacre — puis de la prêtrise et il aspirait à obtenir l'épiscopat261. Il semble, qu'à l'exemple de son prédécesseur, Grégoire, pendant tout son règne, fut fort respectueux des prescriptions conciliaires, quand il s'agissait de promouvoir de jeunes clercs : lorsque le neveu de l'évêque Felix de Nantes, Burgundio, qui avait alors 25 ans, vint lui demander de le consacrer, en sa qualité de métropolitain, évêque du siège nantais, il refusa tout net en se retranchant derrière l'autorité des canons: «II est écrit dans les canons, mon Fils, que personne ne peut accorder l'épiscopat à qui n'a pas d'abord franchi régulièrement les degrés de l'ordre ecclésiastique»262. On peut penser que plusieurs des clerici honor adores gravitant dans l'entourage immédiat de Grégoire avaient suivi, sous sa direction, depuis leur jeunesse, la filière cléricale : il y a dans le qualificatif de diaconus noster dont l'évêque-historien qualifie Agiulfus263, dans celui de presbyter noster (ou de conpresbyter) qu'il réserve à Euthi-

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mius, à Johannis, à Leo et à Simon264 une nuance d'affection quasi paternelle qui ne peut échapper. Grégoire donnait souvent des missions de confiance — les ambassades conduites par Agiulfus et Johannis en témoignent265 — à ces clercs qu'il avait lui-même formés et promus : au nombre de ces derniers on peut donc aussi sans doute compter Piato et Probatus, successivement investis de la charge d'archidiacre266. Dans l'ensemble, les clerici qui avaient grandi au sein de l'Église constituaient de bons éléments pour encadrer le peuple chrétien. Sans doute leur culture, comparée à celle du clergé de la fin du IVe siècle ou encore à celle des évêques contemporains issus de l'aristocratie, était-elle limitée et médiocre : du moins avaient-ils reçu une solide formation religieuse. N'étant pas mariés, puisqu'ils étaient entrés dans la clérica- ture avant d'avoir l'âge de contracter une union matrimoniale, ils étaient entièrement disponibles pour leur ministère et les louanges décernées ici et là par Grégoire attestent leur piété. Seule l'ambition de parvenir pouvait parfois les détourner de leur devoir : mais pas plus que jadis celui de Brice, l'exemple du prêtre Riculfus267 ne doit jeter le discrédit sur un groupe de clercs qui ont consacré toute leur vie au service de l'Église tourangelle.

On doit porter un jugement plus réservé sur ceux de ses membres, nombreux au VIe siècle, qui se sont agrégés au clergé tourangeau à un âge relativement avancé : il s'agit en certains cas, semble-t-il, de clercs qui se sont transférés depuis un autre diocèse et plus souvent de laïcs ayant déjà derrière eux une longue carrière dans le siècle. Certes, des promotions de ce genre n'étaient pas inconnues dans d'autres Églises de Gaule et les canons conciliaires les autorisaient, on l'a vu, sous certaines conditions. Seulement à Tours — et c'est là un premier point qui doit retenir l'attention — , le phénomène prend sans aucun doute des proportions plus amples qu'ailleurs, en liaison avec le pèlerinage. Le service de Martin retient en effet définitivement un certain nombre de

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visiteurs: des dévots, comme le prêtre Jean268 et l'ascète Winnocus269, tous deux bretons, ou comme Senoch arrivant de son Poitou natal270, venus se recueillir dans les lieux sanctifiés par Martin; des réfugiés politiques, tel le franc Wiliacharius, ayant bénéficié de l'asile offert par la basilique martinienne271; et surtout des malades guéris au tombeau du thaumaturge : Aquilinus, originaire du Nord-Est de la Gaule272, et le viennois Landulf us273 pour avoir retrouvé la raison, Gundulfus pour avoir recouvré l'usage de ses jambes perdu au service de la cour274, un aveugle d'Avranches rendu à la lumière275, tous ces miraculés, renonçant à rentrer dans leur pays, se sont engagés, par reconnaissance, dans les rangs du clergé de Tours, où les rejoignent, pour la même raison, trois habitants de Touraine, Veranus soulagé d'une goutte tenace276, Ursulfus277 et un esclave dont on ignore le nom278, délivrés de la cécité. Parmi ces recrues, on note une forte proportion de laïcs adultes, de malades et d'étrangers au diocèse. Laïcs, ils étaient souvent pourvus de femme et enfants, dont ils ne s'étaient pas toujours séparés : nous savons par Grégoire que Wiliacharius était marié et que son épouse ainsi que l'une de ses filles l'avaient accompagné à Tours. Mais son cas était sans doute loin d'être unique : les Pères réunis au concile tourangeau de 567 signalent que les prêtres et diacres exerçant leur ministère dans les villages sont assez fréquemment — non quidem omnes sed plu- res — des hommes mariés qui continuent de vivre avec leur épouse, ce qui ne va pas sans susciter chez les fidèles quelque scandale279. Les soupçons peuvent paraître d'autant mieux fondés que ces laïcs promus à la cléricature n'avaient pas toujours, dans le passé, mené une existence édifiante. Au sujet de Wiliacharius encore, Grégoire nous apprend

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qu'au temps où ce dernier était réfugié avec sa femme dans la basilique Saint-Martin, le sanctuaire avait été profané par l'inconduite du couple. Landulfus, quant à lui, s'était adonné de façon immodérée à la boisson. Certes il ne semble pas que l'on puisse mettre en doute la sincérité de la plupart de ces «convertis»; mais si les fautes anciennes pouvaient être effacées par le repentir, leurs conséquences se révélaient parfois durables : ainsi les malades mentaux dont la folie, attribuée à une possession démoniaque, avait en réalité — plusieurs exemples cités par Grégoire, celui de Landulfus notamment, en témoignent — l'ivrognerie pour cause, étaient sujets à d'inquiétantes rechutes280. Et surtout, d'une manière plus générale, à quelques exceptions près, ces hommes n'étaient nullement préparés, par leur éducation, par leur activité antérieure dans le siècle, à jouer le rôle de guides du peuple chrétien. Certains même, anciens esclaves ou ouvriers agricoles, étaient sans doute illettrés.

Or — et c'est là un deuxième point qui doit retenir l'attention — il ne semble pas que les évêques de Tours, et Grégoire en particulier, se soient entourés de toutes les précautions exigées en pareilles circonstances par les conciles. Pour les étrangers au diocèse — dont on ne savait que le peu qu'ils avaient bien voulu dire d'eux-mêmes — il aurait fallu procéder à une enquête; pour ceux qui étaient déjà clercs avant leur arrivée en Touraine, comme semble-t-il, Jean de Chinon et Winno- cus, obtenir l'accord de l'évêque dont ils relevaient jusque là. Grégoire ne mentionne jamais le recours à ces procédures, difficiles, il est vrai, à mettre en pratique, surtout lorsqu'il s'agissait de ressortissants des évê- chés bretons, coupés depuis plusieurs décennies du monde franc. D'autre part pour les laïcs, nulle trace de cette année d'attente prévue par la législation conciliaire avant leur ordination, afin de les mettre à l'épreuve et de leur dispenser un enseignement religieux. Dans les récits de Grégoire, les miraculés qui manifestent le désir de se consacrer au service de l'Église tourangelle sont, aussitôt guéris, tonsurés et

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ordonnés. C'est que, dans l'esprit du pieux évêque, ils ont été élus par Martin lui-même et qu'il n'est donc nul besoin de chercher d'autre garant. Cependant, on doit le noter, l'évêque de Tours a souvent conservé dans ces cas une certaine prudence en ce qui concerne les promotions : les nouvelles recrues, lorsqu'elles étaient d'humble extraction et donc dépourvues de toute culture, restèrent apparemment cantonnées dans les ordres inférieurs. En revanche, parce qu'ils avaient reçu antérieurement une certaine formation intellectuelle ou religieuse, Jean de Chinon, Senoch — celui-ci étant d'ailleurs passé par l'étape du diaconat — Wiliacharius et Winnocus furent promus à la prêtrise; et ce dernier fut le seul, autant que nous en soyons informés, qui démérita du sacerdoce, en s'enivrant jusqu'à être atteint de delirium tremens. À son propos Grégoire révèle, non sans quelque naïveté, le motif qui l'avait poussé à l'ordonner prêtre : l'ascète breton avait initialement l'intention de poursuivre le pèlerinage qui l'avait d'abord conduit à Tours jusqu'à Jérusalem; «pour le retenir plus facilement, car il nous paraissait très religieux, précise l'évêque historien, nous l'honorâmes de la grâce de la prêtrise»281. Dans sa hâte et son zèle pour accroître la troupe des serviteurs de Martin, Grégoire négligeait parfois de s'assurer de la qualité des recrues. Celles-ci étaient-elles donc insuffisantes en nombre? On ne saurait pour autant l'affirmer. Certes, l'Église de Tours, qui devait pourvoir tout à la fois à l'encadrement de ses propres fidèles et à celui des pèlerins, avait sans doute en ce domaine des besoins particulièrement importants. Rien ne permet cependant de supposer qu'elle ait souffert d'une véritable crise de recrutement : bien au contraire, les effectifs paraissent s'être régulièrement accrus entre l'époque de Martin et celle de Grégoire. À vrai dire il n'est guère possible d'avancer un chiffre, même pour la fin du VIe siècle : nous connaissons pour cette période le nom ou la personnalité de près d'une quarantaine de clercs exerçant leur ministère dans les sanctuaires du castrum et du subur- bium. Ils ne représentent certainement pas la totalité du clergé urbain. Quant aux églises établies dans les vici, elles comptaient chacune en moyenne 5 à 6 clercs, soit un total approximatif — car toutes les églises rurales ne nous sont sans doute pas connues282 — atteignant pour les clerici vicarii un chiffre peu inférieur à 200 et qui ne comprend pas les

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clercs desservant les oratoires élevés dans des domaines privés. Bref, il semble que l'on puisse estimer à plusieurs centaines — on n'oserait préciser davantage — les effectifs du clergé tourangeau, auquel venaient s'ajouter ceux des troupes monastiques.

2) Les troupes monastiques et les ascètes

Développement des fondations monastiques

À la fin du VIe siècle, le milieu monastique tourangeau apparaît plus divers encore, dans sa composition, que le corps clérical. Cela tient tout d'abord à l'origine des différentes communautés dont il est formé : la plupart d'entre elles ont été en effet rassemblées et organisées par des personnalités venues d'horizons divers, sans qu'ait pu toujours s'exercer, de la part de l'autorité episcopale, un véritable contrôle. Il n'en avait pourtant pas toujours été ainsi, puisque le monachisme fut introduit en Touraine par Martin et que le premier monastère fondé par ce dernier, Marmoutier, peut se définir comme un monastère episcopal : les 80 frères qui le peuplaient à l'époque où Sulpice Sévère y séjourna n'avaient d'autre abba que l'évêque lui-même283. Très rapidement le «grand monastère» d'outre-Loire avait essaimé des filiales dans les campagnes tourangelles. Résumant, d'une formule, le programme appliqué par Martin dans l'évangélisation de son diocèse, le biographe écrit : ubi fana destruxerat, statim ibi aut ecclesias aut monasteria cons- truebat. Par ce dernier terme, Sulpice Sévère désignait sans aucun dou-

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te de petites cellules monastiques qui, telles des garnisons dont les effectifs avaient été prélevés sur le gros de la troupe cantonnée et formée à Marmoutier, recevaient la mission d'occuper le terrain récemment conquis sur le paganisme284. Dès cette époque, quelques vici de Touraine comptaient aussi des communautés plus importantes : le château-fort d'Amboise, désaffecté de ses fonctions militaires, abritait «de nombreux moines»285; et à Claudiomagus, aux confins des cités de Tours et de Bourges, voisinaient «une église pleine de saints religieux» et «une multitude de vierges sacrées»286. Est-ce dans cette dernière communauté que Martin avait fait entrer la fille de l'ex-préfet Arbo- rius287, ainsi que la femme d'un ancien soldat qui avait choisi de vivre en ermite dans un lieu écarté?288 On ne saurait l'affirmer : la participation aux funérailles de Martin d'un important «chœur de vierges»289 laisse supposer l'existence de plusieurs monastères féminins : l'un d'entre eux s'élevait peut-être à l'intérieur des murailles du castrum de Tours ou à proximité de ce dernier, puisque Gallus, dans l'un des récit des Dialogues, note la présence de moniales assistant à la messe célébrée par le saint évêque dans l'ecclesia290. Ces communautés d'hommes ou de femmes n'avaient certainement pas toutes été directement fondées par Martin; mais elles reconnaissaient en ce dernier leur maître spirituel : tels «ses rejetons», remarque Sulpice Sévère, religieux et religieuses «s'étaient, à son exemple, multipliés à leur tour au service du Seigneur»291. Et le mouvement ne prit d'ailleurs pas immédiatement fin avec la mort du confesseur : à l'influence posthume de ce dernier, il faut encore rattacher, semble-t-il, une dernière fondation vers le milieu du Ve siècle. L'initiative en revient à Maxime que Grégoire qualifie de «disciple de Martin», sans doute parce que ce moine avait été formé à Marmoutier encore dans l'esprit que l'ascète y avait insufflé de son vivant. Ce religieux, après s'être expatrié quelque temps dans la communauté monastique lyonnaise de l'Ile-Barbe, revint ensuite ad pa-

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triam, pour instituer dans le castrum de Chinon un monastère292. Les établissements de Marmoutier et de Chinon mis à part, les fondations martiniennes, dont on ne trouve plus trace par la suite, ont probablement disparu pour la plupart dans le courant du Ve siècle, soit que le décès du Maître et l'oubli passager dans lequel fut plongée sa mémoire en aient tari le recrutement, soit que la vague d'insécurité qui s'abattit alors sur la Touraine ait balayé ces petites communautés isolées.

Sous une forme différente, le mouvement monastique reprend son essor dans la civitas Turonorum à partir du dernier quart du Ve siècle. On doit à Grégoire de précieux récits de fondation, historiquement circonstanciés, pour nombre de monastères dès lors constitués dans le diocèse. Il est vrai que, par ailleurs, l'écrivain se borne parfois à mentionner incidemment d'autres établissements, sans se soucier de préciser leur origine. Malgré tout, son témoignage permet de retracer dans ses grandes lignes l'histoire du monachisme tourangeau durant cette seconde période, tout en révélant les caractères nouveaux qu'il revêt. Il apparaît clairement que désormais l'initiative en ce domaine ne vient plus du siège episcopal : on chercherait en vain, dans les notices du catalogue des évêques de Tours, mention d'un monastère créé par l'un d'entre eux. Toutes les fondations connues sont à mettre à l'actif de simples particuliers, étrangers par leur naissance à la Touraine où ils choisissent de s'établir pour rassembler autour d'eux une communauté : de façon significative, ce sont les Vitae consacrées par Grégoire à ces «confesseurs», devenus tourangeaux par élection, qui fournissent l'essentiel de la documentation. À la lumière de ces témoignages, on voit s'amorcer une reprise du mouvement monastique à la fin du Ve siècle et au début du siècle suivant. De cette époque datent en effet trois monastères masculins : l'un d'entre eux, dont le fondateur ne nous est pas connu, s'élevait auprès de la grande basilique Saint-Martin, depuis peu édifiée par Perpetuus, lorsqu'y entra, arrivant de son Berry natal, Venantius qui en prit ensuite la direction, assurant par son prestige personnel un rayonnement durable à la communauté placée après sa mort sous son patronage293; deux autres établissements sont fondés par Ursus, originaire de la cité de Cahors : celui-ci après avoir construit

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un monastère à Sennevières, institue une autre communauté au pied du castrum de Loches294. Une nouvelle vague de fondations, plus nombreuses encore, se développe à partir du milieu du VIe siècle : venant d'Auvergne, où il s'était converti à l'exemple de l'ascète Émilien, Brachio organise, à proximité de Saint-Martin semble-t-il, deux monastères à la tête desquels il place des abbés, avant de retourner définitivement dans son pays natal 295. Quelques années plus tard, toujours dans la même région du suburbium, la reine Radegonde, de passage à Tours, établit une communauté masculine296 et la chartraine Monegundis rassemble autour d'elle un petit nombre de religieuses297. Sous l'épiscopat d'Eu- fronius encore, arrive du Poitou le Taifale Senoch, qui réunit trois moines dans les ruines d'un village partiellement relevées par ses soins, entre Ligueil et Loches; mais l'on ignore si la minuscule communauté survécut longtemps à l'ascète qui disparut en 576 298. Depuis peu s'était organisé, non loin des murailles du castrum de Tours, un autre établissement qui reçut de Grégoire, tout récemment élu au siège episcopal, des brandea de Julien de Brioude, sous le patronage duquel se placèrent les moines299. C'est également dans les premières années de l'épiscopat de Grégoire, qu'Ingitrudis, mère de l'évêque de Bordeaux Bertrand, vint installer dans l'atrium de Saint-Martin un monastère de filles300.

À cette liste d'une douzaine de communautés créées à diverses périodes de l'histoire tourangelle et qui subsistaient encore à la fin du VIe siècle, il convient, pour compléter le tableau à cette dernière époque, d'ajouter une série d'établissements qui nous sont beaucoup moins bien connus et dont la date de fondation nous échappe. Il n'est pas aisé d'en déterminer le nombre exact, car l'historien ne fournit pas toujours les indications suffisantes pour nous permettre d'identifier avec certitude certains d'entre eux. Quatre monastères peuvent être pris en compte

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sans difficulté, tous sans aucun doute fondés avant l'arrivée de Grégoire à Tours : il s'agit du monastère de Maillé, dont on ne saurait cependant dire avec certitude s'il était peuplé de moines à l'époque où l'évêque historien le visita301; autre exemple, celui de Latta — en aval de La Chapelle-sur-Loire — , pillé en 573 par les soldats de Chilpéric302; c'est le cas aussi du monastère, plus difficile à localiser, où l'on vénérait le tombeau de sainte Papola303, ainsi que d'un établissement rattaché à l'autorité de l'abbé du Majus monasterium, puisque ce dernier y envoya un de ses moines pour y travailler304. Il est plus délicat de déterminer, dans quatre autres cas, si les communautés, que Grégoire cite de façon très vague, se confondent avec l'une de celles qu'il nous a plus longuement présentées ou si elles doivent en être distinguées : le récit de l'écrivain nous laisse en effet presque tout ignorer de ce monastère proche du lieu où l'on suppliciait les condamnés et dont l'abbé recueillit un pendu échappé par miracle à la mort305; il n'apporte non plus aucune précision sur le monasterium où l'évêque avait fait interner le mauvais prêtre Riculfus306, ni sur les communautés de moniales où il fit entrer une jeune esclave guérie au tombeau de l'ascète Maxime307 et l'aveugle Gunthedrudis rendue à la lumière par la virtus de Martin308. Enfin, dans deux derniers cas, on peut s'interroger sur l'existence, auprès d'un sanctuaire par ailleurs connu, d'une communauté monasti-

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que, dont le texte suggère la présence plus qu'il ne l'atteste explicitement. Ainsi on a pu se demander si la cellula de Candes «abritait une communauté proprement monastique ou un groupe de clercs vivant en commun»309. Mais étant donné que, dans aucun des nombreux récits de Grégoire ayant pour cadre le vicus Condatencis, la présence de moines ou de moniales n'est signalée, on peut répondre, semble-t-il, par la négative. En revanche, il n'est pas impossible que la basilica sanctae Mariae ac sancii Johannis — la troisième ecclesia de Tours — ait constitué, comme nous en avons fait l'hypothèse, le sanctuaire monastique de la communauté féminine évoquée par Grégoire à propos de ses démêlés avec le chef des haras Pelage310. Au total, et malgré les quelques incertitudes qui demeurent, on peut considérer qu'à la fin du VIe siècle la civitas Turonorum comptait au moins — certains ne sont certainement pas mentionnés par Grégoire — une bonne vingtaine d'établissements monastiques.

Échappant à l'initiative episcopale, cet ample mouvement de fondations s'est développé depuis les dernières décennies du Ve siècle de facon assez désordonnée et cela, en dépit des efforts de la législation conciliaire pour soumettre au contrôle de l'évêque la création des nouveaux monastères. Déjà à la réunion de Vannes, le vœu avait été émis qu'un même abbé ne pût diriger plusieurs de ces derniers311 : les Pères s'alarmaient sans aucun doute du zèle anarchique de certains fondateurs, essaimant au cours de leurs pérégrinations des communautés qu'ils abandonnaient ensuite à un simple praepositus. De facon plus nette, le concile d'Agde exige que nul ne bâtisse un monastère sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de l'évêque312, qui doit notamment empêcher que des moines ne viennent s'installer au voisinage immédiat d'un établissement de moniales313. Les prélats tourangeaux ne paraissent guère avoir été en mesure de faire respecter ces prescriptions. Ainsi Ursus laisse-t-il, sans encourir le moindre reproche, la congrégation de moines rassemblés par lui à Sennevières aux soins du pré-

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vôt Leobatius, pour aller construire un autre monastère à Loches où, il est vrai, il prend la résolution de se fixer définitivement. Brachio mène en toute indépendance une existence itinérante, tantôt en Touraine auprès des deux communautés qu'il y a organisées, tantôt en Auvergne où il se retire finalement. Quant à S,enoch, ce n'est qu'après avoir édifié les bâtiments monastiques qu'il se soucie d'obtenir l'approbation de l'évêque Eufronius, invité à venir en consacrer l'oratoire. Mais bientôt, sans plus se préoccuper de diriger les quelques frères qui étaient venus le rejoindre, il choisit de s'astreindre à une réclusion totale, puis il cède à la tentation de retourner voir sa patrie et sa famille. Lorsqu'il est de retour, il faut à Grégoire — qui avait entre-temps succédé à Eufronius — user de toute sa persuasion pour convaincre l'ascète, rentré dans sa solitude, de reprendre pendant une partie de l'année la vie communautaire. Le nouvel évêque se laisse, semble-t-il, moins facilement tenir à l'écart que certains de ses prédécesseurs : s'il n'a point suscité la formation de leur communauté, comme on l'a parfois suggéré, du moins a-t-il probablement encouragé l'entreprise des moines qui construisaient Saint-Julien314; il paraît d'autre part impossible que, sans l'accord du prélat, l'abbesse Ingitrudis ait pu installer ses moniales dans l'atrium de Saint-Martin. D'une manière générale, même si l'on ne dispose pas à ce sujet de témoignages précis, on peut penser que la fondation des monastères proches des sanctuaires urbains et suburbains a été, de tout temps, un peu mieux contrôlée par l'autorité episcopale que celle des monastères ruraux.

Suscité pour une grande part par des initiatives privées que le siège episcopal n'a pas vraiment réussi à orienter et à coordonner, le mouvement monastique se présente en Touraine, à la fin du VIe siècle, avec un développement très inégal et une organisation assez diverse. On note tout d'abord une grande disparité dans le nombre respectif des établissements féminins et masculins, ces derniers l'emportant par une écrasante majorité315. En ce qui concerne la dimension des communautés, le contraste n'est pas moins sensible : à la forte population monastique de Marmoutier et probablement de quelques autres institutions dont la célébrité attire les recrues, s'opposent les très faibles effectifs

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des monastères fondés par Senoch et par Monegundis. Si l'on considère la localisation, on constate qu'une proportion élevée d'établissements, la moitié environ, se situe dans la zone urbaine et plus précisément dans le suburbium de Tours — la ville enclose de murs ne comptant au mieux qu'une seule communauté — et que, parmi les autres monastères, plusieurs, trois au moins, s'élèvent dans un lieu habité, dans un castrum ou un viens important de la civitas. Enfin, les règles établies par les fondateurs, bien que ceux-ci aient tous été mus dans leur entreprise par une même dévotion envers Martin316, offrent entre elles une assez grande diversité, que suffisent à mettre en lumière les quelques indications fournies en ce domaine par Grégoire. Il ne s'agit point ici de la pauvreté, de la chasteté et de l'obéissance auxquelles voue par essence le statut monacal, mais de l'organisation de la vie communautaire. À Marmoutier, dans le monastère qui en dépendait et, sans doute aussi, à Chinon, les moines, suivant le précepte édicté par Martin, continuent à se consacrer entièrement à la prière et à la méditation des textes sacrés; seuls les plus jeunes d'entre eux, ainsi que le montrent les récits de Grégoire, s'occupent toujours à recopier des manuscrits317. En revanche, à Sennevières et à Loches, chaque membre de la communauté doit, comme en avait décidé le fondateur Ursus, manibus propriis operavi et victum a terra in sudore vultus exigere31*. Plutôt que de s'adonner au travail de la terre, Senoch, probablement avec le concours des quelques frères qui l'entourent, donne l'exemple, à la fin de sa vie, d'un labeur manuel effectué pour le bien public et notamment en faveur des voyageurs pour lesquels, rapporte Grégoire, «il prenait la peine de construire des ponts»319. Il semble que, dans certains établissements, lès moines dispensaient aussi des soins aux pèlerins malades, attirés par la présence de brandea à Saint-Julien ou par celle d'un corps saint, comme celui de Maxime à Chinon, d'Ursus à Loches ou ceux de Venant et de Senoch dans les monastères passés sous le patronage respectif de ces deux confesseurs. À cette fonction «hospitalière» se consa-

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craient plus sûrement les religieuses que Monegundis avait formées avant sa mort320. À cette dernière exception près, on ne sait pratiquement rien du genre de vie des moniales tourangelles. Peut-être certaines communautés féminines, en particulier celle dirigée par Ingitrudis, que d'étroites relations unissaient au monastère Sainte-Croix de Poitiers, avaient-elles adopté, comme ce dernier, la règle arlésienne «de saint Césaire et de la bienheureuse Cesarie»321. En tout cas, on trouvait probablement en Touraine les deux types d'établissements féminins que distingue un canon du cinquième concile d'Orléans : les uns obligeant les religieuses à une réclusion totale et perpétuelle à l'intérieur de la clôture, les autres autorisant aux moniales quelques contacts avec le monde extérieur322.

La population monastique : origines et recrutement

La diversité du milieu monastique tourangeau tient en second lieu à la nature de son recrutement. En ce qui concerne la sphère sociale où celui-ci s'opérait, on dispose de fort peu d'informations, sauf pour l'époque de Martin, pour laquelle on a déjà noté, à propos des clercs sortis de Marmoutier, l'origine aristocratique d'une bonne partie des membres de cette communauté. Encore ne saurait-on affirmer qu'il en allât alors de même pour les autres monastères : ainsi, des deux moniales que met en scène Sulpice Sévère, l'une était, on l'a vu, fille de haut fonctionnaire, mais l'autre, épouse d'un simple soldat. Aux Ve et VIe siècles, bien peu de figures monastiques nous sont connues en dehors de celles des fondateurs et de quelques-uns des abbés ou abbesses qui leur succédèrent. Francs ou Gallo-Romains, ces derniers étaient le plus souvent issus des couches supérieures de la société. Maxime était encore probablement un de ces jeunes nobiles qui avaient à l'origine peuplé en grand nombre Marmoutier; et Flamiris, le seul de ses successeurs connu à la tête du monastère de Chinon (troisième quart du VIe siècle), appartenait au même milieu que le noble évêque de Paris Germain, avec lequel il était lié d'amitié323. Si Brachio et sans doute Senoch se

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présentent comme des barbares d'assez humble origine, Ursus et Leo- batius, qui succéda à ce dernier à Sennevières, paraissent avoir été de condition aisée, de même que Monegundis et Venantius324. À la tête de la communauté illustrée par ce dernier, on trouve ensuite Licinius, un riche propriétaire angevin, et Guntharius, un aristocrate de race fran- que, tous deux appelés à exercer plus tard les fonctions épiscopales à Tours325. Enfin Ingitrudis, quant à elle, était de sang royal326. Ceux qui s'avéraient capables de rassembler et de gouverner une communauté monastique provenaient donc le plus souvent, comme maints évêques contemporains, de cette élite à laquelle sa fortune, sa position sociale et sa culture assuraient prestige et autorité. Les usages pour la désignation d'un nouvel abbé ou d'une nouvelle abbesse tendaient ensuite à perpétuer cet état de choses. Certes, les règles monastiques adoptées par plusieurs monastères tourangeaux — sinon par tous — prévoyaient en principe l'élection par les frères ou les moniales : au témoignage de Grégoire, Venantius et Papola — cette dernière malgré son refus — avaient été portés à la direction de leur communauté respective par le suffrage de ses membres327. Mais bien souvent, le fondateur ou l'abbé en charge désignait aux électeurs, avant sa mort, le candidat de son choix, qui parfois avait déjà exercé pendant ses absences l'office de praepositus : ainsi avaient opéré Brachio et Ursus pour les monastères qu'ils avaient fondés328. C'est à une héritière de son sang qu'Ingitrudis entendait laisser sa communauté : elle avait d'abord choisi sa fille Ber- thegundis, bien que celle-ci fut pourvue d'un mari et de plusieurs enfants329; après qu'elle se fut brouillée avec cette dernière, elle institua sur son lit de mort sa nièce comme abbesse, en dépit des murmures

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du reste de la congrégation que Grégoire fit bientôt taire par ses réprimandes330. L'évêque tourangeau, du moins lorsqu'il jouissait comme ce dernier d'une autorité solidement établie, ne se privait pas d'intervenir pour approuver un choix — ainsi pour la succession d'Ursus à Senne- vières et à Loches331 — mais aussi sans doute parfois pour l'orienter. Certains monastères du suburbium de Tours, tels Saint- Venant ou Mar- moutier, étaient trop importants pour que — on peut le soupçonner — le siège episcopal et peut-être même le pouvoir royal aient pu les laisser aux mains d'un abbé qui n'aurait pas joui de leur estime ou de leur confiance332. Ces diverses interventions, plus ou moins directes, favorisaient le recrutement des abbés et des abbesses dans un cercle relativement fermé.

Il ne faudrait point en conclure que les simples moines et moniales soumis à leur férule fussent de même rang social que les abbés et les abbesses. Certes, la communauté organisée par Ingitrudis paraît avoir accueilli de préférence, sinon de façon exclusive, des jeunes filles apparentées à la famille régnante : aux côtés de la nièce et — plus épisodi- quement — de la fille de la noble abbesse, y vivait Berthefledis, fille du roi Caribert333. Mais il s'agit là d'un cas certainement exceptionnel. Autant qu'on puisse en juger, les monastères de la civitas Turonorum, de même que son clergé, s'ouvraient largement au VIe siècle à des recrues d'origine beaucoup plus humble : les trois seules dont Grégoire signale l'entrée dans une communauté du diocèse sous son épiscopat sont, d'une part, une femme libre mais de situation modeste, Gunthe- drudis334, et, d'autre part, deux jeunes esclaves de l'Église, une fille et un garçon, certainement affranchis par ses soins335. En effet du point

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de vue du statut juridique des individus, la liberté paraît être la seule qualité exigée de qui souhaite s'agréger à une communauté336.

D'une manière générale, on ne trouve pas, dans la législation conciliaire, définition, comme pour l'accès à la cléricature, d'un ensemble de conditions requises pour embrasser la profession monastique. S'agis- sant de candidats de sexe masculin, Yabbas est seul juge pour apprécier la valeur des vocations; il lui est seulement recommandé, dans le cas où le candidat est un religieux venant d'une autre communauté, d'obtenir l'assentiment de l'abbé dirigeant cette dernière337. Aucune cérémonie publique ne vient donner un caractère officiel à un engagement qui demeure de nature uniquement morale. Sulpice Sévère évoquait déjà l'entrée à Marmöutier de quelques frères qui, après avoir confessé leurs fautes anciennes à Martin, avaient été charitablement pardonnes et acceptés338. Grégoire relate aussi l'arrivée de Venantius dans la communauté qui devait plus tard porter son nom : le jeune homme, se jetant aux pieds de l'abbé Silvinus, avait fait part à celui-ci de son désir de fuir le monde et sa contagion. Aussitôt Silvinus, après lui avoir adressé quelques exhortations, «lui fit couper les cheveux et l'admit dans les rangs de la troupe monacale»339. Un autre récit de l'historien, relatif à un monastère qu'il s'abstient volontairement de localiser, montre de façon plus précise encore comment se déroulait la «réception» d'un nouveau moine: «un jeune homme venant au monastère se présenta à l'abbé pour vivre au service de Dieu. Comme celui-ci lui faisait beaucoup d'objections, lui disant notamment que le service était dur dans ce monastère et qu'il ne pourrait pas remplir entièrement tout ce qui lui serait enjoint, il promit de remplir tous les commandements après avoir invoqué le nom de Dieu»340. Ainsi donc le candidat déclare

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sa vocation à l'abbé; celui-ci tente d'éprouver sa résolution, puis il lui fait prêter serment d'obéir à tous les articles de la règle portés à sa connaissance. On le voit, l'enquête sur l'impétrant prend la forme d'un simple entretien entre ce dernier et Yabbas et l'admission du nouveau venu dépend uniquement d'un jugement tout subjectif du chef de la communauté. Il est vrai que dans le cas de Venantius à Tours, comme dans celui de Brachio en Auvergne ou encore dans le dernier épisode relaté qui se situe probablement en Bourgogne, le candidat, qualifié de puer ou de juvenis, est un adolescent encore assez malléable pour être formé et discipliné. Les jeunes novices étaient en effet initiés au monastère à la lecture et à l'écriture et ils apprenaient par cœur les Psaumes de David341. Par la suite ils étaient invités à lire et à méditer les Saintes Écritures et des ouvrages leur enseignant quales qui recluduntur esse debeant vel cum quali cautela monachis vivere oporteat, les Vies des Pères, les Institutions de Cassien et, bien entendu, la Vita Martini342. Parallèlement, ils étaient astreints comme leurs aînés, à heures fixes du jour et de la nuit, à des exercices spirituels, oraisons et psalmodie343. Mais tous n'étaient pas aussi doués pour l'étude que Brachio; et surtout parmi ceux qui venaient chercher refuge dans une clôture monastique, il y avait aussi, dans des proportions qu'il est impossible de déterminer, des hommes ayant derrière eux un long passé chargé de fautes et d'ignorance qui pouvait les rendre plus rétifs à la férule de l'abbé. Aussi la population monastique était-elle sans doute, si l'on s'en tient aux critères moral et intellectuel, encore plus mêlée que le corps clérical. D'autant que les monastères étaient parfois obligés d'accueillir des recrues qu'ils n'avaient point désirées : des clercs que l'évêque y reléguait, tel le prêtre Riculfus, pour leur inconduite344; des laïcs guéris par la virtus d'un saint qu'on y faisait entrer, non sur leur volonté déclarée, mais sur celle prêtée au thaumaturge, comme cet esclave délivré d'une fièvre tenace au tombeau de Maxime que Grégoire plaça dans le monastère de Chinon345; des membres de la famille royale, ainsi la

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princesse Berthefledis dans le monastère de l'atrium Saint-Martin, qui y étaient cloîtrés pour des raisons essentiellement politiques346.

Et pourtant, pour les jeunes filles et les femmes aspirant à l'état de moniales, la législation canonique était en principe plus exigeante. Leur engagement revêtait d'ailleurs la forme d'une cérémonie solennelle, au cours de laquelle l'évêque leur imposait le voile, symbole de leur profession. Ainsi, déjà à la fin du IVe siècle, au témoignage de Sulpice Sévère, pour la fille de l'ancien préfet Arborius, miraculeusement guérie à distance par la virtus de Martin et que son père avait décidé de consacrer à la virginité perpétuelle: «il alla trouver Martin pour lui présenter, vivant témoignage de ses «vertus», la jeune fille guérie par lui malgré son absence et ne souffrit pas qu'un autre que Martin lui imposât l'habit des vierges et la consacrât»347. Un siècle plus tard, les Statuta ecclesiae antiqua, dans les canons qui constituent une recapitu- latio ordinationis officialium ecclesiae, mentionnent, au nombre des ordinations opérées avec la bénédiction de l'évêque, la velatio des vierges348. Pour ce changement d'habit, les conciles exigent, dans le cas des femmes mariées, le consentement de leur époux349; pour les jeunes filles, ils manifestent le souci qu'elles ne prennent pas une décision trop hâtive : ainsi les Pères réunis à Agde en 506 émettent-ils le souhait qu'elles ne puissent recevoir le voile des sanctimoniales avant l'âge de quarante ans, même si leur conduite est irréprochable350. Le synode d'Orléans en 549 imagine une autre précaution : il prévoit de soumettre les nouvelles recrues à un temps de probation — une sorte de noviciat — d'une durée de 1 à 3 ans, avant leur professio351. Il est loin d'être sûr

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que toutes ces prescriptions aient été toujours bien observées à Tours. C'est ce que suggèrent deux récits de Grégoire. L'historien nous raconte comment Berthegundis quittant son mari et ses enfants à l'instigation de sa mère, l'abbesse Ingitrudis, s'était retirée dans la communauté organisée par cette dernière. L'époux abandonné étant venu protester auprès de Grégoire, celui-ci admonesta vigoureusement, en la menaçant de l'excommunication, Berthegundis qui se résolut à reprendre la vie conjugale. Mais quelques années plus tard, elle revêtait à nouveau l'habit monastique dans le monastère infra atrium sancii Martini, dont elle ne finit par sortir qu'à la suite d'une brouille violente avec sa mère. L'évêque, dans cette affaire, s'était efforcé, sans grand succès, d'appliquer l'une des sentences de la législation conciliaire352. Mais en une autre circonstance, il se montra lui-même moins respectueux d'autres décisions éloborées par les conciles : apprenant qu'une jeune esclave de l'Église avait été guérie par la virtus posthume du confesseur Maxime, il ordonna que, sans délai, celle-ci revêtit l'habit des sanctimoniales353. Son zèle pour peupler les monastères de son diocèse l'emportait sur la prudence conseillée par les conciles.

Comme dans le cas des clercs, on ne saurait affirmer que cette attitude fût justifiée par un manque de vocations. Pour chiffrer les effectifs des troupes monastiques de Touraine, les éléments font presque totalement défaut. Lorsque Martin disparut, les moines et moniales qui suivirent son cortège funèbre étaient, rapporte Sulpice Sévère sur la foi des témoins qui l'on informé, près de deux mille354. On ne peut guère se fier à une telle estimation355. À l'époque de Grégoire, les communautés sont de taille trop diverse pour que, par le jeu de moyennes, on puisse proposer une évaluation. Cependant on peut douter que le chiffre avancé par Sulpice Sévère ait jamais été atteint, entre la fin du IVe siècle et la fin du VIe siècle, par l'ensemble des communautés tourangelles.

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Les milieux ascétiques

Pour achever le recensement de la milice chrétienne prêtant service dans la civitas Turonorum, il convient de prendre en compte un certain nombre d'individus : ceux-ci, sans s'intégrer au clergé ou à une communauté monastique, ont adopté un genre de vie ascétique que, sous ses formes diverses, reconnaît plus ou moins nettement la législation canonique. Parmi les femmes, on trouve tout d'abord des vierges qui se sont cloîtrées dans leur propre maison après avoir reçu la bénédiction episcopale ou, plus simplement, après avoir fait, en un engagement privé, vœu de chasteté356 : ainsi celle dont Sulpice Sévère célèbre l'austérité et qui, ayant décidé de se soustraire «aux regards de tous les hommes», recluse dans «un petit domaine», refusa de «renoncer à la rigueur de ses principes», même pour recevoir la visite de l'évêque Martin357; ou encore ces deux virgines, Britta et Maura, dont la renommée avait gardé le souvenir et dont le tombeau fut inventé en un lieu solitaire à l'époque d'Eufronius358. Les canons des conciles, notamment ceux de Tours en 567, mentionnent aussi Yordo viduarum ; celui-ci comprend des veuves qui se sont engagées, en présence de l'évêque, à ne pas se remarier et à mener une existence chaste et pieuse359. La reine Clotilde, retirée dans la cité ligérienne après la mort de son époux, et que Grégoire nous dépeint «assidue à faire l'aumône, passant les nuits dans les veillées pieuses, vivant dans la chasteté et une dignité parfaite», même si elle n'en avait pas véritablement fait professio, donne l'exemple de ce veuvage consacré à Dieu360. Il faut enfin ajouter une dernière catégorie que, faute d'une définition officielle, on pourrait nommer celle des «saintes femmes». Sans appartenir à un ordre com-

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me celui des vierges ou des veuves, elles vivent dans la proche mouvance de l'Église : au nombre de ces feminae religiosae, on peut ranger cette aveugle qui, après avoir recouvré la vue à Candes, brûla d'une foi si ardente, que «dès lors, jusqu'au jour de sa mort, elle ne quitta plus ce lieu»361; mais aussi Eustenia, la propre nièce de Grégoire, que ce dernier nous montre visitant et soignant les malades362. La marge est évidemment étroite, qui sépare des fidèles particulièrement assidus à la prière et à la charité de ces saintes femmes ou de pieux laïcs uniquement animés du désir de deservire. De ces derniers se distinguent plus clairement en revanche les ascètes vivant en solitaires, les uns retirés «au désert», d'autres, plus nombreux, logeant dans une cellule proche d'un lieu habité, où ils s'adonnent à une réclusion volontaire, afin de ne pas être distraits de leur oraison continuelle. Parmi les premiers, on peut citer l'ancien soldat qui, du temps de Martin, «s'était bâti une cellule au loin, dans un lieu écarté, pour y vivre en ermite»363 et peut-être ce Benignus venu en peregrinus dans le territoire de Tours et qui passa, sans doute à tort, après sa mort, pour un évêque étranger364. Dans la deuxième moitié du VIe siècle, Grégoire mentionne plusieurs reclus : le breton Jean qui se tenait dans une petit cellula sise à proximité de l'église de Chinon365; le Taifale Senoch qui adopta quelque temps le même genre de vie, à l'écart des frères précédemment réunis sous sa direction366; l'ascète breton Winnocus habitant une cellule dans Y atrium de Saint-Martin et qui ne sut pas se défendre de la générosité des fidèles lui apportant des vases pleins de vin367; Alaricus et Leobardus qui se succèdent dans une grotte creusée de leurs mains au voisinage de Mar- moutier368. Sur ces différentes formes d'engagements pris — les quelques exemples connus en témoignent — par des individus de condition et de race diverses369, l'Église n'avait guère le moyen d'exercer son con-

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tròie; elle ne pouvait que s'efforcer de donner un caractère irréversible à la décision de quitter le monde, en menaçant ceux qui seraient tentés d'y retourner des foudres de l'excommunication.

3) L'unité de la milice tourangelle

Relativement nombreuse, la milice tourangelle apparaît aussi très diverse dans sa composition comme dans son recrutement. Avec cet ensemble hétérogène, les évêques de Tours ont tenté, avec quelque succès, de forger une troupe solidement organisée au service de l'Ecclesia turonica. Sur les différents éléments d'un milieu qui se définissait, au moins de l'extérieur, en se distinguant du monde des simples laïcs370, les prélats disposaient tout d'abord des pouvoirs que leur conféraient la puissance économique de leur Église et le prestige social reconnu à leur fonction. Ils assuraient, on l'a vu, à tous les membres de la milice les moyens matériels d'existence, en versant aux uns un Stipendium, en garantissant aux autres la jouissance des biens concédés aux établissements ecclésiastiques. De la volonté affirmée de maintenir tous les serviteurs de l'Église dans la dépendance économique de son chef témoigne la législation canonique du VIe siècle : celle-ci interdit aux clercs et aux moines de solliciter du roi, sans permission de l'évêque, un bienfait371; d'autre part, elle prévoit, au nombre des sanctions applicables à un clerc négligent ou désobéissant, le retrait des subventions assurant son entretien372 : peut-être Grégoire usa-t-il de cette dernière mesure à l'encontre du prêtre Riculfus lorsque, dès le début de son épiscopat, il lui retira sa confiance373. Par ailleurs, l'évêque était aussi un protecteur naturel, face à un pouvoir civil dont les détenteurs n'étaient pas toujours enclins à respecter la dignité et les privilèges reconnus par la loi à tous ceux qui s'engageaient au service de Dieu. Ceux-ci étaient en premier lieu dispensés de toutes les charges publiques et notamment du

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service militaire incompatible avec leur professio374. Les conciles gaulois rappellent à plusieurs reprises, à Tours en 461, à Orléans en 541, à Mâcon en 581-583, les peines sévères encourues par les clercs qui oseraient porter les armes375. Bien qu'elle ne soit pas formulée, dans leur cas, de façon aussi explicite, l'interdiction vise aussi les moines : ceux-ci sont en effet frappés d'excommunication, s'ils retournent à la vie du monde376. Quelques clercs ou religieux se laissaient sans doute séduire par les attraits du métier militaire et surtout, de leur côté, au VIe siècle, les souverains et leurs représentants locaux, comtes ou ducs, — comme l'attestent le canon déjà cité du concile d'Orléans de 541 et plusieurs récits de Grégoire377 — étaient parfois tentés de remettre en cause l'exemption dont bénéficiaient les clercs : une dispense officiellement reconnue pour les prêtres et les diacres et que l'Église considérait — telle était en particulier l'interprétation de Grégoire — comme applicable à tous ceux vivant dans sa mouvance, les juniores et les pauvres assistés compris378. Seul l'évêque était en mesure de faire respecter une large application de ce privilège, quitte en certains cas à payer — non sans avoir élevé une protestation de principe — l'amende du ban pour les dernières catégories évoquées379. D'autre part les clercs — et probablement aussi les religieux — étaient partiellement soustraits à la compétence des tribunaux civils. Il ne saurait être question ici de revenir sur les origines du privilegium fori et de suivre, dans toutes ses variations, l'évolution du droit en ce domaine380, d'autant que, avant le milieu du Ve siècle, son application dans le diocèse tourangeau échappe

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totalement à l'investigation. Qu'il suffise de rappeler, pour l'époque ultérieure, le double aspect de cette législation. L'interdiction pour les clercs de faire appel, sans l'autorisation de l'évêque, à la justice civile pouvait apparaître, d'un certain côté, comme une contrainte, à laquelle les intéressés étaient tentés — l'insistance des conciles de la deuxième moitié du Ve siècle à condamner cette démarche le suggère381 — de se soustraire. En revanche, la législation synodale du VIe siècle tend à assurer aux serviteurs de l'Église un véritable privilège, dans le cas où ceux-ci sont cités en justice par un laïc. En effet, depuis le concile d'Orléans de 538, une telle citation, pour prendre effet, est subordonnée à l'autorisation préalable de l'évêque382; lorsque celle-ci est accordée, le clerc poursuivi ne peut être interrogé par le juge civil qu'en présence de l'archidiacre ou d'un prêtre délégué par l'évêque, dont l'assistance garantit l'impartialité et la régularité de l'instruction383. On peut mesurer combien ce patronage episcopal était précieux, lorsqu'on considère le sort réservé à ceux qui n'avaient pas la chance d'en bénéficier : à l'époque où Grégoire était lui-même mis en accusation devant le concile de Berny et se trouvait momentanément dans l'incapacité d'intervenir, le sous-diacre Riculfus, arrêté et jeté en prison sur l'ordre du roi, fut soumis à d'effroyables tortures, destinées à arracher au misérable des aveux complets384.

Des troupes disciplinées sous l'autorité de l'évêque

Mais le siège episcopal s'est efforcé d'assurer à la milice tourangelle une cohésion beaucoup plus profonde que celle reposant sur la défense d'intérêts communs. Depuis Martin qui a souvent montré la voie, en passant par les prélats de la seconde moitié du Ve siècle, auteurs d'une importante somme législative, jusqu'à Eufronius et Grégoire, héritiers d'une tradition ecclesiale déjà fort riche, les évêques de Tours ont œuvré en ce sens, déployant leur action simultanément dans plusieurs directions. Le but à atteindre était tout d'abord pour l'évêque

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de se faire reconnaître comme chef unique et suprême, en resserrant sur le corps clérical son autorité et en étendant celle-ci aux troupes rassemblées dans les monastères aussi bien qu'aux solitaires. De ce point de vue, Martin, tout à la fois episcopus et abba, pouvait servir de modèle. Mais là où le confesseur avait réussi par ses charismes personnels, en usant de l'exemple plus que de la contrainte, ses successeurs ne pouvaient parvenir qu'en élaborant et en appliquant les règles d'une discipline rigoureuse.

À cette dernière on penserait volontiers qu'il était relativement aisé de soumettre les clercs qui, pour leur promotion notamment, dépendent directement de l'évêque. Et pourtant, du succès de l'entreprise, pourraient faire douter, à première lecture, les textes conciliaires. En effet, les Pères dénoncent à maintes reprises l'insubordination des membres du clergé385, leur négligence à remplir leur ministère et même à assister aux offices386, leur penchant pour une vie vagabonde qui peut les entraîner à abandonner les ordres 387 : inlassablement les conciles doivent rappeler l'obligation faite aux clercs de n'entreprendre aucun voyage sans s'être munis d'une lettre de recommandation délivrée par l'évêque388 et menacer les clerici rompant avec leurs vœux de l'excommunication. À partir des différents canons conciliaires, on pourrait dresser un catalogue peu édifiant des défauts et des vices du clergé : en bonne place s'y trouveraient la luxure qui pousse les prêtres et diacres mariés à user des rapports conjugaux389 et les autres clercs à forniquer avec leur servante ou avec des femmes étrangères390, mais

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aussi la violence homicide391, l'ivrognerie392, le vol393 et le parjure394; à côté de ces manquements graves, la pratique de l'usure395, le recours à la magie396, le goût pour les plaisirs mondains — la chasse397, les banquets398, le luxe des vêtements399 — font figure de fautes vénielles. Deux questions se posent à l'historien : les errements ainsi signalés sont-ils le fait du plus grand nombre ou seulement de quelques-uns? D'autre part, la répétition des mêmes condamnations d'un concile à l'autre signifie-t-elle l'impuissance des autorités ecclésiastiques à faire respecter la législation ou tient-elle, en partie au moins, à la volonté des Pères de rappeler constamment les principales règles disciplinaires? Une étude plus attentive des textes législatifs, la confrontation de ces derniers avec les sources historiques — bien que celles-ci ne fournissent pas toujours les éléments nécessaires à une vérification — invitent à situer les problèmes dans un cadre plus concret et suggèrent des conclusions relativement optimistes. On ne peut, en effet, traiter de la soumission du clergé à la discipline imposée par l'Église, sans tenir compte de l'aptitude de ses chefs à la faire observer; l'obéissance des clercs dépend évidemment pour beaucoup de Yauctoritas personnelle de chaque évêque, de son prestige : de fait, chaque fois que celui-ci s'est trouvé affaibli, du temps de Brice soupçonné d'adultère400, à l'époque de Francilio, un des rares prélats tourangeaux qui aient — est-ce une sim-

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pie coïncidence? — conservé son épouse à ses côtés401, des remous se sont produits au sein du clergé de Tours; Grégoire lui-même en a fait l'expérience lorsqu'il s'est trouvé paralysé par un complot politique ourdi contre lui402. Alors, des clercs se sont dressés contre le chef de l'Ecclesia turonica, chassant Brice, assassinant probablement Francilio, ou travaillant à obtenir la déposition de Grégoire. Mais sur le siège de Martin se sont succédé en majorité de saints évêques, souvent énergiques et actifs, qui ont créé une tradition d'autorité assez forte pour résister à ces assauts passagers.

D'ailleurs au VIe siècle, l'évêque, pour diriger et surveiller le clergé, est, en principe, utilement secondé par l'archidiacre. Exercée par un diacre choisi pour ses qualités personnelles plus que pour son ancienneté403, cette charge, unique pour tout le diocèse — comme l'attestent l'expression d'archidiaconatus urbis et le titre d'archidiaconus civita- tis40A — , a pris en effet une importance nouvelle. À la fin du IVe siècle, où son existence est déjà attestée à Tours par Sulpice Sévère, et au siècle suivant, l'archidiacre était préposé à des fonctions exercées dans le domaine de la liturgie et de l'assistance405. C'est à partir du début du VIe siècle que s'ajoute à ces responsabilités la mission de faire observer la discipline de tous les clercs et de punir ceux d'entre eux qui failliraient à leurs devoirs406. S'adressant à un archidiaconus, Fortunat le salue comme celui qui curam. . . de grege pontificis, magne minister, habes407. Ainsi devenu le plus proche auxiliaire de l'évêque, son bras

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droit, l'archidiacre pouvait être tenté de se considérer comme son successeur tout désigné. Ce sont de telles ambitions qui, contrariées, poussèrent Riculfus à la révolte : l'élection de Grégoire au siège de Tours avait déçu l'espoir que l'archidiacre avait conçu de succéder à Eufro- nius; lorsque le nouvel évêque lui ôta la charge archidiaconale en lui conférant, sous couleur de lui accorder une promotion, la prêtrise408, Riculfus se jeta dans un complot politique dans le but de discréditer le prélat, d'obtenir sa déposition et de le supplanter. Grégoire réussit, on le sait, à se justifier, et après avoir écarté l'intrigant et ses complices, il sut reprendre en main le clergé tourangeau : dans cette tâche, il fut heureusement aidé par des archidiacres — Plato tout d'abord, puis, après l'élection de ce dernier au siège episcopal de Poitiers409, Proba- tus410 — qui remplirent avec efficacité leurs fonctions, sans sortir des limites de leur rôle.

C'est grâce à cette autorité fermement maintenue que les prélats tourangeaux ont pu élaborer, dans les réunions conciliaires de Lyonnaise Troisième, une législation disciplinaire plus rigoureuse et assurer parallèlement son application dans leur diocèse. Car si les Pères, peut- être parce qu'ils se heurtent à certaines résistances, répètent souvent les mêmes sentences, ils expriment aussi d'un concile à l'autre, des exigences croissantes; cette tendance se manifeste toute particulièrement dans la volonté tenace de faire du clergé un corps soumis à une chasteté qui le voue tout entier à son ministère. Sur ce point, la discipline, jusqu'au milieu du Ve siècle, ne concernait, pour l'essentiel, que les clercs des ordres majeurs, les prêtres et les diacres, auxquels il était interdit de se marier : de ces derniers seuls on exigeait, s'ils avaient contracté antérieurement les liens du mariage, que chacun d'eux eût été unius uxoris vir et qu'il cessât, dès son ordination, d'entretenir des rapports conjugaux avec son épouse, comme le rappellent respectivement les conciles d'Angers (453) et de Tours (46 1)411. Mais déjà les Pères réunis dans cette dernière cité demandent que les clercs qui ont le droit de se marier, c'est-à-dire les clerici minores et notamment les

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sous-diacres, ne soient pas autorisés à épouser une veuve412. Parallèlement, les sentences émises par les deux conciles manifestent une sévérité croissante à l'égard des membres du clergé qui nouent des relations coupables avec des femmes étrangères : à Angers, il est prévu que ceux d'entre eux qui appartiennent aux ordres mineurs ne pourront être promus à un grade supérieur413; quant aux prêtres et aux diacres, ils seront suspendus de leurs fonctions. Sans entrer dans de telles distinctions, le concile de Tours menace tous les clercs adultères qui, après admonition de leur évêque, ne se seront pas soumis, de l'excommunication414. Mais c'est au concile de Vannes que, quelques années plus tard, pour la première fois en Gaule, on déclare que le sous-diacre n'a pas le droit de prendre femme, ce qui implique très certainement que ce dernier, s'il est déjà marié, doit se soumettre, comme dans ce cas les prêtres et les diacres, à la continence415. Désormais, sous l'influence de la discipline romaine, le statut du sous-diaconat tend à s'aligner sur celui des ordres majeurs416, du moins d'abord dans les Églises de Lyonnaise Troisième, puis dans les Églises de Gaule dont les représentants, réunis au concile d'Agde, adoptent la résolution prise à Vannes417.

En revanche, les deux premiers synodes d'Orléans restent muets sur la question du mariage des sous-diacres. Il faut attendre les conciles d'Orléans de 538 et de 549 pour voir proclamer à nouveau l'interdiction faite aux subdiaconi de se marier ou, s'ils l'étaient avant leur ordination, d'user des droits du mariage, sous peine de déchéance418. Dans les années suivantes, c'est encore à Tours, lors de la session conciliaire

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de 567, que s'affirme une intransigeance nouvelle en ce qui concerne la chasteté, exigée de tous les clercs qui participent auprès de l'autel à la célébration du saint sacrifice. D'une part, une série de canons prohibent, comme maintes sentences conciliaires par le passé, la cohabitation des clercs avec des femmes étrangères à leur famille, mais en précisant que cette mesure concerne tous les membres du clergé, de l'évê- que jusqu'au sous-diacre419. D'autre part et surtout, les peines frappant les clerici qui ne respectent pas l'obligation de la continence dans le mariage, «le prêtre vivant avec sa prêtresse, le diacre avec sa diaconesse, le sous-diacre avec sa sous-diaconesse», sont aggravées: dépouillés selon l'usage ancien de leurs fonctions ecclésiastiques, les coupables seront désormais, au surplus, écartés pendant un an de la communion420. Certes, cette sévérité accrue se justifie sans doute par un certain relâchement de la discipline au sein du clergé rural, le seul, il faut le noter, à susciter sur ce point les préoccupations des Pères réunis à Tours : il est probable que les évêques, souvent âgés, qui s'étaient succédé à un rythme accéléré sur le siège tourangeau au cours de la première moitié du VIe siècle, n'avaient eu ni les forces ni le temps nécessaires pour exercer un contrôle étroit sur les églises éloignées de la ville421. Mais en même temps, les dispositions plus sévères adoptées s'accompagnent de la mise en place d'un système soumettant les clercs à une surveillance mutuelle qui doit assurer leur pleine efficacité422. Au reste, Eufronius et ses collègues tiennent déjà assez bien en main leur clergé pour faire place dans leur législation à une mesure accordant aux archiprêtres responsables d'une communauté de vicus423 une garantie contre un éventuel abus de l'autorité episcopale : les prélats s'engagent à prendre conseil des prêtres du diocèse avant de suspendre l'un d'entre eux424. Préférant, dans le cas de Riculfus425, obtenir d'un synode provincial la sentence de déposition et de relégation, Grégoire, quant à lui, manifeste dans ses écrits une grande sévérité à l'égard des clercs qui, «au mépris des statuts des canons», entretiennent des relations

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avec des femmes étrangères»426 ou conservent des rapports conjugaux avec leur épouse427. Nul doute qu'il se soit montré, dans l'exercice de sa charge, aussi attentif à corriger les abus ainsi dénoncés : renouant avec la tradition instaurée par Martin, il entreprend dans le diocèse de fréquentes tournées pastorales qui lui permettent de vérifier lui-même la bonne conduite des clercs428. Ainsi dans la deuxième moitié du VIe siècle, soumis à la vigilante autorité de l'évêque, le clergé tourangeau, s'il n'est point exempt de défauts, donne dans l'ensemble l'exemple de cette pureté de mœurs indispensable à ceux qui sont chargés d'encadrer le troupeau des fidèles.

Dès la deuxième moitié du Ve siècle, les synodes de Lyonnaise Troisième ont élaboré une législation originale, ensuite reprise et développée par les conciles francs du VIe siècle — notamment celui tenu à Tours en 567 — , qui donne à l'évêque les moyens d'étendre son contrôle sur les monastères ainsi que sur les individus faisant profession d'ascétisme en solitaires. Les prélats siégeant dans ces assemblées ont peu à peu formulé en ensemble de prescriptions applicables de droit aux membres de toutes les communautés monastiques, quelle que fût la règle particulière sous laquelle chacune d'elles avait été fondée, et à tous les ermites, quel que fût le genre de vie que ces derniers s'imposassent à eux-mêmes. Le souci primordial et constant des Pères est de donner à l'engagement pris par les uns et les autres un caractère définitif et irrévocable : les vierges et les veuves qui rompent leur vœu de chasteté429, les moines qui retournent à la vie du siècle sont, dans toutes les sessions conciliaires, menacés de l'excommunication430. Très tôt également, les évêques de Tours et leurs suffragante paraissent préoccupés de mettre un frein à l'humeur vagabonde de certains moines de

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leurs diocèses : dès 453, le concile d'Angers décide que les religieux, tout comme les clercs, ne peuvent entreprendre aucun voyage sans s'être munis d'une lettre de recommandation délivrée par l'évêque, sous peine d'être écartés de la communion431. Le synode de Vannes, et, à sa suite, le concile d'Agde et le premier concile d'Orléans, revenant sur le problème des moines gyrovagues, s'emploient à définir des dispositions pratiques permettant de réintégrer ces derniers au sein de leur communauté d'origine : ramenés dans leur monastère, au besoin avec le concours de la force publique, ils seront soumis à une sévère bastonnade afin d'expier leur désobéissance432. Dans le même esprit, les Pères assemblés à Vannes prennent aussi position à l'égard des moines désireux de s'isoler de la communauté et de se bâtir une cella particulière : seuls les religieux qui ont démontré une force de caractère exceptionnelle ou ceux dont l'état de santé requiert quelque adoucissement à la règle commune se voient autorisés à vivre ainsi en marge du monastère — en restant cependant dans la mouvance de ce dernier — , à condition d'avoir obtenu la permission de l'abbé433 et, ajoute-t-on à Orléans en 511, celle de l'évêque434. Toutes ces mesures, prises pour l'essentiel avant la fin du Ve siècle, concernent uniquement les moines et moniales qui, pour une raison ou pour une autre, sortent des limites de la clôture monastique. Mais, au siècle suivant, la législation conciliaire tend à intervenir aussi dans l'organisation interne des communautés. Déjà le concile d'Orléans de 511 formule une instruction relative à l'habit monastique435. Le concile qui siège à Tours en 567 va beaucoup plus loin. Il ne se borne pas en effet à interdire les visites féminines dans les communautés de religieux436. Il édicté aussi une réglementation très précise concernant le logement des moines : les cellules individuelles sont proscrites ; de même, défense est faite à deux « frères » de partager le même lit ou de cohabiter seuls dans une même cellula. Les moines doivent prendre leur repos en commun dans un dortoir unique, sous le contrôle de quelques-uns d'entre eux qui se relaient pour assurer une

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veille durant toute la nuit437. Enfin, au sujet des repas, pris eux aussi en commun dans le réfectoire, est promulguée dans le canon 18 un.e ordonnance : celle-ci détermine les périodes de l'année et les jours de la semaine où les moines, astreints aux jeûnes, sont privés de prandium et ne prennent qu'un unique repas le soir, la cena438.

Pour maintenir cette discipline, l'abbé, tenu pour responsable de la bonne conduite des frères qu'il dirige439, se voit reconnaître par les conciles de larges pouvoirs. Hormis les dispenses qu'il a lui-même accordées, toute infraction à la règle peut être sanctionnée, sur son ordre, par des châtiments corporels440. Lorsqu'un moine, rompant ses vœux, abandonne la communauté et se soustrait à la juridiction de l'abbé, c'est encore à ce dernier que revient le rôle de dénoncer le coupable à l'autorité episcopale, qui prononce l'excommunication. Selon la formule employée par le premier concile d'Orléans, les moines doivent obéissance et respect à leur abbas441, une règle qui, de facon implicite, s'applique aux moniales à l'égard de l'abbesse. Mais à partir du début du VIe siècle, avec les deux premiers conciles d'Orléans, se manifeste aussi une tendance à limiter, dans son autonomie, le pouvoir de l'abbé sur la communauté : l'évêque, chargé d'appliquer une législation canonique qui concerne désormais de plus en plus la vie interne des communautés, reçoit corrélativement autorité sur les abbés du diocèse. Ceux-ci sont tenus une fois par an de se rendre à une assemblée réunie sous sa présidence. D'autre part, si un abbas commet une faute, le pontife doit exercer sur lui un droit de correction fraternelle pour le ramener dans la bonne voie442; en cas de manquement grave à la règle ou de désobéissance délibérée aux ordonnances épiscopales, l'abbé peut être excommunié443. Certains prélats — à Tours? ou dans les Églises suffra-

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gantes? — avaient-ils usé avec arbitraire de cette dernière mesure? Toujours est-il que le concile assemblé en 567 dans la cité ligérienne demande que l'évêque, avant de procéder à la déposition d'un abbé, s'entoure des conseils des autres abbés de la civitas444. Puisque l'on songe à la tempérer quelque peu, c'est donc que l'autorité episcopale sur les monastères — et sur les ermites — est dès lors bien établie. Au reste, le successeur d'Eufronius sait utiliser celle-ci sans éclats inutiles, préférant persuader plutôt que contraindre. Certes, Grégoire est obligé de faire enchaîner dans sa cellule l'ascète Winnocus auquel l'abus du vin avait fait perdre la raison445; mais il réussit par de patientes exhortations à convaincre le reclus Leobardus de ne pas sortir de sa cellule pour aller s'établir en un autre lieu446. Avec les mêmes méthodes, il veille au maintien de la discipline dans les monastères : les réprimandes suffisent pour ramener les moniales établies dans l'atrium de Saint- Martin à l'obéissance due à l'abbesse qui avait succédé à Ingitrudis447. Auprès de Senoch, tiraillé par des aspirations contraires, Grégoire tient le rôle d'un directeur de conscience : il conseille à l'ascète un genre de vie mixte qui lui permette de satisfaire son goût de la solitude, sans négliger ses devoirs envers la petite communauté dont il est Yabbas448. Aussi dans les monastères et les ermitages sur lesquels s'exerce le contrôle vigilant de l'évêque, religieux, moniales ou solitaires, dans leur grande majorité, donnent-ils, eux aussi, aux fidèles l'exemple d'une vie pure, entièrement consacrée à Yofficium divinum.

Au service de la mission

Les évêques de Tours ne se sont pas contentés d'asseoir leur autorité disciplinaire sur le clergé d'une part et sur les moines et ascètes d'autre part. Ils se sont efforcés, pour mieux coordonner l'action des uns et des autres, de fondre les différentes troupes de la militia en un corps animé d'un même esprit. Du temps de Martin, cette fusion avait été réalisée grâce aux échanges opérés constamment entre la communauté de Marmoutier et le corps clérical, le «grand monastère» fournis-

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sant une bonne partie de ses nouvelles recrues au clergé, et les clercs, à l'instar de l'évêque, venant périodiquement se retremper dans l'atmosphère monastique. Au VIe siècle, les successeurs de Martin ont tenté d'obtenir cette même cohésion par d'autres moyens : en imposant aux clerici une existence communautaire proche de celle des moines; et en associant plus étroitement ces derniers, ainsi que les solitaires, à la mission.

Les groupes de clercs attachés aux différents sanctuaires sont progressivement constitués en petites communautés, unies, en dehors du service liturgique, par une même règle de vie. Le clergé de l'église cathédrale fut certainement le premier à recevoir cette organisation : Grégoire nous apprend que l'évêque Baudinus instituit mensam canoni- corum449. Cette institution, présentée pour Tours comme une innovation, est en effet attestée par l'historien vers la même époque auprès de l'église episcopale de plusieurs autres cités de la Gaule : à Clermont450, à Bourges451 ou à Lyon452, les clerici canonici, desservant l'ecclesia et inscrits sur ses rôles, prenaient leur repas en commun, sous la surveillance de l'archidiacre, à la table que présidait l'évêque dans la domus ecclesiae. La présence à ce convivium de tous les clercs qui chantent l'office à la cathédrale, prêtres, diacres, sous-diacres, mais aussi juniores élevés dans la maison episcopale, revêt un caractère obligatoire453: à Bourges, le diacre Patrocle, plongé dans ses oraisons, ayant oublié de se rendre ad convivium mensae canonicae cum reliquis. . . clericis, est menacé, en cas de récidive, de renvoi par l'archidiacre: «Ou bien, s'écrie celui-ci, tu prends tes repas avec les autres frères, ou bien, sois en sûr, tu nous quittes; car il n'est pas convenable que tu refuses de manger avec qui tu es censé partager les fonctions ecclésiastiques»454. Le terme fratres, employé, en cette circonstance, pour désigner les

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membres du clergé de la cathédrale, met bien en évidence les liens unissant ces derniers, à l'instar des moines, sous la règle455. C'est probablement à l'organisation de la vie matérielle de cette communauté relativement nombreuse qu'était proposé, à Tours, le rector domus ecclesiasticae, mentionné par Grégoire dans l'un de ses récits456. Il semble qu'une mensa fut, peu après, également établie pour les canonici des basiliques suburbaines, tout au moins à Saint-Martin : alors qu'il y avait trouvé asile, Eberulfus fut un jour invité, en compagnie de son secret ennemi, Claude, et de quelques citoyens de Tours, à prendre part ad convivium basilicae sanctae457. À cette époque, et très probablement depuis plusieurs décennies déjà, les clercs attachés à la basilique marti- nienne habitaient la domus basilicae, où ils prenaient leur repos dans un dortoir commun458.

Dès 567 une bonne partie du clergé rural se voit, à son tour, imposer par le deuxième concile de Tours, une organisation communautaire, encore plus étroite, semble-t-il. Le canon 20 concerne sans aucun doute les clercs desservant les églises rurales édifiées dans les vici du diocèse, certainement les plus importantes du plat pays, puisque le texte mentionne auprès de chacune d'elles la présence de clerici de tous grades, prêtres, diacres, sous-diacres et jeunes lecteurs : en effet, ce corps clérical en réduction est placé localement sous l'autorité à! archi- presbiteri qui, de facon significative, sont qualifiés du titre de vicani459.

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Or les Pères exigent que ces clercs soient désormais logés dans des cellules dont l'accès doit être rigoureusement interdit aux femmes étrangères comme aux épouses légitimes. L'archiprêtre, qui a la responsabilité de faire observer cette discipline et de veiller particulièrement sur les juniores460, sera lui-même soumis à une surveillance: les membres de la petite communauté — s'adjoignant si nécessaire quelques pieux laïcs — doivent se relayer pour l'accompagner dans ses déplacements et ne jamais le laisser seul dans sa propre cellula. Le canon conciliaire ne fait pas allusion à l'existence d'une mensa pour le clergé villageois; mais c'est probablement parce que celle-ci avait été antérieurement organisée : en effet Grégoire, dans des épisodes qui ont pour cadre le village d'Artonne en Auvergne461 et celui de Bessay en Poitou462, présente, comme une institution bien établie de son temps, le convivium réunissant les clercs sous la présidence de Y archipresbyter loci. Quoi qu'il en soit, il n'y a aucune raison de penser que les décisions élaborées en 567 n'aient point été appliquées en Touraine. Certes, l'évêque historien qui, de facon curieuse ne cite pour son diocèse aucun archiprêtre, ne s'attache guère à décrire dans son déroulement concret la vie des clerici vicani. Mais à plusieurs reprises cependant, ses récits évoquent les communautés cléricales des vici qui, comme celle d'Amboise dès l'époque de Martin463, comptent chacune plusieurs membres : ils mentionnent ainsi à Evena des sacer dotes — deux au moins — 464, à Manthe- lan465 et au Petit-Pressigny466 un prêtre assisté de clerici des grades inférieurs, au nombre desquels se trouvait même à Chinon et à Yzeu-

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res467 un ou plusieurs portiers. Mais c'est à propos de Candes que Grégoire suggère le plus clairement la vie communautaire qui unit les clerici dans la cellula condatensis. Cette dernière expression qui revient souvent sous sa plume468 ne désigne pas seulement le lieu, saint entre tous, où Martin avait rendu le dernier soupir, mais aussi la communauté de clerici qui dispose, pour son entretien et celui des pauvres assistés par elle, de ressources matérielles (divitiis sanctae cellulae)469. Certains clercs échappaient évidemment à une telle organisation : sans parler du prêtre Jean de Chinon qui s'était astreint volontairement à la réclusion470, ou de Riculfus qui, déchu de ses fonctions d'archidiacre et promu à la prêtrise, s'était par dépit ou sur ordre, retiré sur ses propres biens471, on peut citer, en se fondant sur le témoignage de Grégoire, au moins un diacre et un autre clerc vivant in hospitiolo proprio412. C'est que les petits oratoires isolés étaient souvent desservis par un clerc unique. Quant aux églises élevées sur des domaines privés, leur clergé — on peut le supposer, bien que les sources tourangelles ne nous fournissent guère d'indications à son sujet — était moins étroitement soumis, en dépit des sentences conciliaires, aux ordonnances épiscopales473. Quoiqu'il en soit, la constitution, auprès des principaux sanctuaires du diocèse, de communautés de clercs présentait, sans aucun doute, des avantages multiples : elle permettait d'abord — l'exemple de Candes le suggère — une meilleure gestion des ressources affectées à chaque établissement, parce que ces dernières n'étaient pas mises à la disposition des clercs à titre individuel, mais administrées par la collectivité cléricale. La vie communautaire assurait d'autre part une solide formation aux juniores au contact de leurs aînés. Enfin, d'une manière générale, elle soumettait les clercs — c'était là le principal but recherché — à une règle de vie ascétique qui les unissait, en les distinguant des laïcs.

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De leur côté, moines et ermites se trouvent sollicités de participer à la mission à laquelle Martin les avait déjà étroitement associés. Au Ve et au VIe siècle, les monastères continuent de fournir quelques recrues au clergé : à leur «école» se forment de tout jeunes gens qui se destinent à entrer dans les ordres474; ou bien ce sont des moines aguerris par l'expérience ascétique qui passent plus tardivement dans la cléricature, tels Licinius et Guntharius, tous deux abbés de Saint- Venant avant de devenir ensuite évêques de Tours475. Mais surtout se manifeste une autre tendance, qui consiste à mettre les religieux, en tant que tels — sans les arracher à leur professio — , plus directement au service de l'Église et du peuple fidèle. Pour ce faire, les prélats tourangeaux confèrent les ordres à certains d'entre eux : la prêtrise avait déjà été accordée, en des circonstances qui ne sont pas précisées par les sources, aux moines Maxime476 et Venant477; un siècle plus tard, cette même pratique est à nouveau utilisée, selon une politique qui paraît délibérée, par Eufro- nius et son successeur : ainsi Grégoire, pour retenir Winnocus à Tours mais aussi pour l'attacher plus étroitement à l'Ecclesia turonica, fait-il de l'ascète breton un presbyter478. De même, il gratifie de l'honneur de la prêtrise l'abbé Senoch, déjà promu au diaconat par son prédécesseur479. Il ne semble pas que l'évêque ait agi de même avec le solitaire Leobardus; du moins réussit-il à convaincre ce dernier de ne pas se retirer dans un lieu écarté et de demeurer dans une cellule proche de Marmoutier et, de ce fait, soumise au contrôle de l'abbé480. Le but recherché dans ces différents cas est en effet d'obtenir que ces saints personnages, loin de s'enfermer dans la clôture d'un monastère ou dans la retraite d'un lointain ermitage, fassent profiter de leurs vertus et de leurs talents le peuple fidèle. De même que l'abbé Venantius, l'ascète Leobardus donne ainsi des soins aux malades; opérant sur les

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corps souffrants des cures efficaces, touts deux se révèlent également capables de guider les âmes par leurs pieuses exhortations481. Cependant l'expérience la plus significative et la plus originale est celle que Grégoire a tentée avec Senoch : faisant leur part, d'un côté, aux aspirations manifestées par le Taïfale pour la solitude, et, d'autre part, aux devoirs que ses dons miraculeux lui imposaient à l'égard des malades, l'évêque sut forger pour lui une règle de vie mixte; durant les périodes pendant lesquelles «l'autorité des Pères oblige de jeûner avec une grande abstinence», Senoch s'adonnait à une réclusion totale; mais pendant le reste de l'année, il acceptait, obéissant sans détour aux conseils de Grégoire, de se mettre à la disposition des infirmes et de tous les malheureux qui plaçaient leur espoir dans son action charitable482. On pourrait objecter qu'il s'agit, ici et là, de personnalités hors du commun, de quelques «confesseurs» dont la virtus était exceptionnelle. Mais ce serait oublier que les conciles du VIe siècle ont également légiféré dans le but d'associer plus étroitement tous les abbés d'un diocèse — avec les troupes qu'ils dirigent — à la vie de l'Église. Suivant une décision prise par le premier concile d'Orléans, un synode doit — on s'en souvient — réunir chaque année les chefs des différentes communautés monastiques sous la présidence de l'évêque, qui peut ainsi étendre plus facilement sur ces dernières, son contrôle. Par la volonté des Pères siégeant à Tours en 567, cette assemblée joue aussi le rôle d'un conseil destiné à éclairer de ses avis le prélat qui décide une mesure disciplinaire à l'encontre de l'un de ses membres483. Mais, lors de ces sessions annuelles ou de réunions de caractère plus exceptionnel, les abbés sont invités à prendre part aux grandes réalisations de la politique episcopale. Ainsi Perpetuus avait déjà convié, avec les clercs de tous ordres, «la multitude des abbés» à la cérémonie organisée pour la translation du corps de Martin et la consécration de la grande basilique édifiée en l'honneur de ce dernier484. De même, un siècle plus tard, Grégoire, pour procéder à la nouvelle dédicace de l'oratoire Saint-Étienne, agrandi par ses soins, s'entoure d'abbés485. En de telles circonstances,

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la présence de ces derniers, aux côtés des clercs appartenant aux ordres majeurs, manifeste l'accord unanime des différentes troupes de la militia tourangelle, collaborant sous la direction de l'évêque.

Cette entente se réalise aussi localement, souvent favorisée par les relations de voisinage qui s'établissent entre une église et un monastère. Les communautés monastiques se sont en effet assez fréquemment installées à proximité de sanctuaires ruraux ou de basiliques suburbaines. Dès l'époque de Martin, s'élevait auprès de l'église d'Amboise un monastère486, et à côté de celle de Claudiomagus vivaient deux communautés, l'une féminine, l'autre masculine487. Au siècle suivant, un établissement monastique est fondé par Maxime près du castrum de Chinon où se dresse l'ecclesia construite sous l'épiscopat de Brice et où les moines disposent aussi, semble-t-il·, d'un refuge en cas d'insécurité488. Un même voisinage rapproche de l'église de Loches le monasterium créé par l'abbé Ursus489. De tels «jumelages» ne relèvent pas tous évidemment de l'initiative episcopale. En revanche, la politique des évêques de Tours, depuis Perpetuus tout au moins, est en grande partie à l'origine de la constitution d'un véritable suburbium monastique autour de la basilique Saint-Martin490. Dans le même sens, l'intervention vigilante des prélats se manifeste à plusieurs reprises auprès des ascètes pour détourner ceux-ci de l'expérience, riche en promesses mais aussi en tentations, de l'anachorèse : obéissant probablement aux exhortations de prudence qu'adressent aux émules des anachorètes orientaux les évêques gaulois491, le breton Jean sait trouver la solitude dans une cellule située aux portes de l'église de Chinon492 et non loin du monastère Saint-Maxime. L'ascète Winnocus s'établit dans une cellula à l'intérieur de Y atrium de Saint-Martin493, et, sur les conseils de Grégoire, Leobar-

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dus demeure, jusqu'à sa mort, dans une grotte proche du monastère de Marmoutier494. Ainsi se constituent des foyers de vie chrétienne où, pour la plus grande édification des fidèles, s'épanouissent les diverses vocations religieuses. Mais c'est sans aucun doute la basilique Saint- Martin qui offre l'exemple le plus achevé de cette association de plusieurs catégories de serviteurs de Dieu : à l'intérieur des murs qui ceignent l'atrium basilicae, cohabitent, rassemblés par une même ferveur pour le saint confesseur, les clercs qui chantent l'office dans le grand sanctuaire funéraire, les moniales réunies par Ingitrudis, l'ascète Win- nocus, déjà cités, ainsi que de saintes femmes et de pieux laïcs qui, pour des raisons diverses, se sont placés sous le patrocinium sanctae basilicae495. Au gouvernement de cette population, formée d'éléments aussi divers et nombreux, est préposé par l'évêque, au VIe siècle, un personnage qui porte le- titre de martyrarius et abba496. Les fonctions que celui-ci exerce ne doivent pas être confondues avec celles d'un abbé placé à la tête d'une communauté, comme le démontre la distinction établie par un canon du concile d'Orléans de 533 entre abbates et martyr ar H491 . Il n'y a d'ailleurs aucune preuve — contrairement à ce qui se passe pour les moniales — que des moines fussent installés avant la fin du VIIe siècle à Saint-Martin. La charge de martyrarius sancii Martini fait de son titulaire — un prêtre ou un diacre ■ — 498 un des principaux dignitaires ecclésiastiques du diocèse, après l'évêque, et à égalité

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de rang avec l'archidiacre : Leo qui avait rempli cette fonction fut ensuite promu à l'épiscopat499 et quelques années plus tard, durant la période d'interrègne qui suivit la mort de l'évêque Guntharius, le mar- tyraire Leubastes prend la direction d'une délégation de clercs allant solliciter à Clermont la candidature du prêtre Cato au siège episcopal de Tours500. C'est que les responsabilités assumées sont lourdes et importantes : le martyrarius est le «conservateur» du trésor le plus précieux, le corps du saint confesseur déposé dans la basilique; de cette dernière, il est Yaedituus, le gardien en chef du temple qui, avec les custodes placés sous ses ordres, surveille la foule des visiteurs. Sa juridiction s'étend sur Y atrium où il doit faire respecter le droit d'asile : une tâche souvent difficile comme en fit l'expérience Yabba en charge en 585, qui ne put empêcher la sanglante tuerie déchaînée à l'initiative de Claude501. Responsable de l'ordre et de la sécurité, le martyrarius exerce son contrôle sur tous ceux qui vivent dans le périmètre sacré autour du saint tombeau et qui doivent contribuer à faire de la basilica sancii Martini un centre de vie religieuse exemplaire : le lieu où, par excellence, se rencontrent et s'associent toutes les forces militant au service de Dieu et de Martin.

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III - Pour l'édification d'une société chrétienne

Les ressources financières dont dispose l'Ecclesia turonica, les forces humaines qu'elle mobilise sont, pour une bonne part, mises au service de la communauté laïque et tout particulièrement de ses membres les plus faibles et les plus démunis. Pour la collectivité locale tout entière face au pouvoir central et à ses agents, pour les humbles — pauperes — face aux puissants — potentes — , l'évêque est un protecteur qui use de ses pouvoirs spirituels pour défendre la paix, l'équité et une certaine justice sociale. Dans cette dernière perspective, l'Église dont il est le chef, s'efforce aussi d'assurer à tous ceux qui, faute de moyens de subsistance, sont, au sens économique du terme, des pauvres — pauperes502, egentes — des secours matériels, en drainant l'aumône privée et en organisant elle-même des institutions charitables.

1) Le rôle de l'Église dans la vie de la cité

Le rôle que joue l'évêque dans la cité, ses interventions dans la vie politique et sociale de la communauté ne revêtent pas un caractère institutionnel. Pas plus que leurs autres collègues, les prélats tourangeaux ne furent investis officiellement de fonctions publiques503. Ces dernières étaient exercées, dans le cadre le l'Empire romain, par le gouver-

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neur de la province, puis, à l'époque franque, par le comte placé à la tête de la civitas, l'un et l'autre chargés de maintenir la loi et l'ordre, de rendre la justice et de contrôler la gestion municipale. Celle-ci était à la fin de l'Empire toujours assurée par les magistrats de la cité et par les membres de la curie locale. Ces dernières institutions ont sans doute survécu à la conquête barbare, comme l'attestent aux VIIe et VIIIe siècle pour les civitates de la région ligérienne les Formulae Andecavenses et Turonenses504. Mais, on le sait, déjà au IVe siècle, magistrats et décurions n'étaient plus les représentants d'une autonomie municipale depuis longtemps évanouie, mais se trouvaient réduits à l'état de simples exécutants des directives émanées du pouvoir central. Si quelques membres de Yordo des curiales, de cette «bourgeoisie» municipale qui, par nécessité plus que par vocation, peuplaient les magistratures et le conseil apparaissent épisodiquement dans les sources tourangelles505, de façon significative aucun d'eux n'est jamais présenté dans l'exercice de responsabilités politiques. L'effacement auquel étaient contraints, en ce domaine, les dirigeants traditionnels de la cité a eu pour conséquence de placer moralement l'évêque dans la position de chef d'une collectivité civique qui, d'ailleurs de plus en plus, avec les progrès de la mission, s'identifiait avec la communauté religieuse. Car ce sont les pouvoirs spirituels conférés par le droit canon et reconnus par la loi civile qui donnent au sacerdos summus le prestige et la force nécessaires pour gouverner de fait sa cité — episcopatu urbem regebat, écrit Grégoire à propos d'un de ses collègues506 — et pour défendre ses habitants. Certes, on ne saurait prendre au pied de la lettre les plaintes du roi Chilpéric déclarant que, de son temps, les évêques exerçaient dans

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leurs cités respectives l'autorité monarchique dont ils avaient dépouillé les princes francs507. La brutale tyrannie, avec laquelle le souverain traita à plusieurs reprises Tours et son pasteur, suffit à démentir ces propos outranciers. Mais il est bien certain que l'évêque tourangeau, dans la mesure où il ose se dresser contre l'arbitraire royal et contre les exactions des puissants, est progressivement devenu tel que Fortunat définit son ami Grégoire : caput Turonis et plebis patersos.

L'aide aux victimes des guerres

À ce titre, l'une des préoccupations essentielles des prélats fut de préserver leur cité de la guerre, ou du moins, d'atténuer les souffrances que celle-ci faisait endurer à la population. La paix, que les Empereurs avaient réussi à rétablir pour l'essentiel en Gaule au IVe siècle, prit fin avec le début du siècle suivant : la civitas Turonorum fut dès lors souvent le théâtre d'opérations militaires. Au cours du Ve siècle, la Touraine connut les raids barbares, les désordres de la révolte bagaude et les excès de la répression qui s'ensuivit, puis la menace de nouvelles invasions. Le concile d'Angers de 453 manifeste, pour la première fois, le souci du métropolitain de Lyonnaise Troisième et de ses suffragants d'éviter que leurs villes ne tombent aux mains des barbares à la faveur d'une trahison : un des canons élaborés par les Pères angevins frappe d'excommunication quiconque livrerait sa cité à l'ennemi509. Malgré tout, on le sait, Tours succomba à l'assaut des Wisigoths. Autant qu'on puisse en juger, la sage politique de Perpetuus réussit à épargner aux Tourangeaux, au moins pendant un premier temps, le traitement rigoureux infligé à d'autre populations catholiques soumises au joug de l'occupant arien510. Tours fut enfin délivrée par les victoires de Clovis et put jouir pendant quelques décennies de la «pax Francorum». Mais bientôt, les héritiers du roi franc, en se partageant son royaume, se révélèrent incapables de maintenir entre eux la concorde indispensable au maintien de cette paix. Ce fut surtout après la mort de Caribert en 561 que Tours eut à pâtir de ces conflits fratricides : pendant près d'un

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quart de siècle, la Touraine fut l'enjeu de combats que se livraient les princes rivaux. En ces circonstances, l'évêque assume la défense des intérêts de sa cité. Lorsque celle-ci est envahie, il s'entremet auprès des chefs militaires afin d'arrêter pillages et massacres, tantôt usant de persuasion et de prière, tantôt brandissant les armes de son pouvoir spirituel : ainsi, on s'en souvient, Grégoire parvint-il à convaincre le prince Theudebert, occupant la Touraine au nom de Chilpéric, de mettre un frein aux exactions de la soldatesque511; quelque temps plus tard, le prélat tint en échec Roccolenus qui, investi d'une mission semblable, menaçait «de brûler la cité et ses faubourgs», en lui inspirant une sainte terreur à l'égard de la vengeance de Martin512. Ces interventions manifestaient le zèle charitable du pasteur qui, impuissant à conjurer l'événement, s'efforçait d'en limiter les conséquences en intercédant en faveur de ses ouailles auprès du vainqueur. Mais en d'autres circonstances, lorsque s'offre un choix, l'évêque agit en véritable responsable politique, prenant, malgré des avis contraires, la décision que lui dicte, pour le bien de sa cité, une juste appréciation de la situation. Ainsi, lorsqu'en 584 le roi Gontran somme les Tourangeaux de lui prêter serment de fidélité, l'évêque réussit à convaincre ses concitoyens, désireux de rester fidèles à la cause de Childebert II, que, dans l'immédiat, toute tentative de résistance serait vouée à l'échec et noyée dans le sang et qu'en conséquence «il vaut mieux pour le moment se soumettre au roi Gontran que de voir dévaster tout le pays par l'incendie et par le fer»513. Il évite ainsi aux Tourangeaux les terribles représailles qui s'abattent sur leurs voisins du Poitou, obstinés dans leur révolte contre le souverain de Bourgogne.

Faute de pouvoir, le plus souvent, empêcher le déchaînement des guerres civiles ou étrangères, l'Église s'efforce du moins de secourir les victimes de ces conflits : parmi ces dernières, bénéficient tout particulièrement de sa sollicitude les captifs, otages enlevés par les barbares au cours de leurs razzias ou soldats faits prisonniers durant les opérations militaires. Ceux-ci ne peuvent espérer recouvrer la liberté qu'en

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échange d'une rançon, dont le montant, en général, excède les ressources de leur famille. Martin avait donné l'exemple en consacrant les cent livres d'argent apportées en offrande par Lycontius redimendis capti- vis514. On ne saurait dire si cette œuvre de charité, que recommandait à la même époque Ambroise de Milan et qu'une constitution de l'Empereur Honorius reconnaissait peu après officiellement comme une charge assumée par l'Église515, profita dans ce cas précis à des Tourangeaux. Mais par la suite, les raids barbares, puis les conquêtes dont la Civitas Turonorum fut l'enjeu, enfin les levées auxquelles furent soumis les Tourangeaux, appelés à servir dans les armées franques, firent de la redemptio captivorum un souci de plus en plus pressant pour les évê- ques de Tours. Déjà le concile d'Orléans de 511 fait un devoir aux Église d'utiliser une partie des revenus concédés par la faveur royale à cette action charitable516. Aux alentours de l'année 567, les besoins en ce domaine deviennent si considérables dans la province de Lyonnaise Troisième que le métropolitain Eufronius et trois de ses suffragante sollicitent, par une lettre, leurs ouailles de verser la dîme, afin de contribuer par là au rachat des prisonniers517. C'est que, dès lors, il ne se passe guère d'années sans que les combats que se livrent entre eux les rois francs ou les expéditions qu'ils lancent contre les peuples voisins, notamment contre les Bretons, ne mobilisent des contingents de Tourangeaux518, multipliant pour ceux-ci les risques de captivité. De façon significative, Grégoire ne manque pas de donner en exemple les chrétiens qui offrent de l'argent pour le rachat des captifs519, une des œuvres charitables en faveur de laquelle le concile de Mâcon de 585 s'efforce de donner à la dîme le caractère d'un versement obligatoire pour tous les fidèles520.

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La défense de l'équité

Dans leur sollicitude pour leurs concitoyens, les évêques veillent aussi à ce que justice leur soit rendue en toute équité, mais aussi avec cette humanité dont la charité chrétienne doit tempérer la sévérité de la loi. Pour ce faire, ils intercèdent fréquemment auprès du juge civil en faveur des inculpés ou des condamnés. Martin avait ainsi usé de son auctoritas pour sauver des prisonniers promis au supplice par le comte Avitianus, obtenant de ce dernier qu'ils fussent relâchés. Si Sulpice Sévère ne donne aucune indication sur les charges relevées contre ces malheureux, il laisse clairement entendre que les peines prononcées par un fonctionnaire «avide de sang humain et de funèbres supplices» étaient sans commune mesure avec les fautes commises521. L'exemple donné par le saint évêque, en cette circonstance et en d'autres, fut imité par ses successeurs au VIe siècle. Les comtes, qui rendaient alors la justice à Tours au nom du souverain franc, étaient en effet eux aussi, le plus souvent, peu enclins à la clémence dans des procès qui, instruits de façon expéditive, ne laissaient guère de chance à l'accusé de se défendre ou de faire éclater son innocence. Certains, tel le trop fameux Leudaste, étaient des juges notoirement corrompus, vendant leur sen- tance au plus offrant et suscitant de fausses accusations contre ceux de leurs administrés dont ils convoitaient les biens522. Un canon du concile de Tours de 567 s'élève avec indignation contre ces judices qui oppriment les humbles, ceux qui ne sont ni assez riches ni assez puissants pour se soustraire à leurs abus de pouvoir; il invite l'évêque à les réprimander sévèrement, et, si les exhortations demeurent sans effet, à les frapper d'excommunication523. C'était reconnaître officiellement à l'autorité episcopale un droit de regard et d'intervention sur l'exercice de la justice comtale. Dès le début de son règne, Grégoire tenta d'user de cette prérogative auprès du comte Leudaste. Mais bien qu'il eût, à plusieurs reprises, fait serment de s'amender, ce dernier ne cessa pendant

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toute la durée de son mandat de s'adonner à des pratiques iniques, s'enrichissant de façon éhontée aux dépens des justiciables qu'il terrorisait par ses violences524 ou faisait jeter en prison sous de fallacieux prétextes525. L'évêque finit par obtenir du roi la destitution de Leudaste. Avec ses successeurs526, plus honnêtes ou plus sensibles aux conseils de la religion, Grégoire eut assez souvent gain de cause, leur arrachant la grâce de plus d'un condamné.

Dans les récits relatifs à ces affaires527, l'évêque historien s'efface le plus souvent pour donner le premer rôle à Martin : c'est la virtus du confesseur qui, en rompant les liens des captifs et en leur permettant parfois de se réfugier dans l'asile de la basilique, démontre que les accusés sont innocents ou du moins pardonnes; dès lors, le juge n'a plus qu'à se rallier à la sentence prononcée par le saint. Cette présentation des faits ne doit pas tromper : dans tous les cas relatés, l'action de l'évêque a été en fait déterminante. C'est Grégoire qui, informé des affaires judiciaires, dépose, lorsqu'il le croit justifié, un recours en grâce et le fait aboutir. Sa conviction est telle que, dans sa foi ardente, il se sent soutenu par Martin et qu'il lit dans un incident banal — l'évasion d'un détenu — un signe adressé par son saint patron. Un innocent qui avait été condamné sur la foi d'accusations calomnieuses fut, nous apprend Grégoire, finalement réhabilité. Comment? Alors qu'il était conduit en prison, ligoté sur un cheval, et qu'il passait devant la basilique Saint-Martin, ses liens se détachèrent et il put venir se jeter en suppliant au pied de l'évêque : miracle opéré par Martin, qui fit éclater la vérité, commente l'hagiographe. Mais Grégoire ajoute quelques précisions qui éclairent la suite des événements dans leur déroulement concret : il a, dit-il, écouté l'homme lui exposer sa cause et, convaincu de son innocence, il est allé ensuite trouver le juge; c'est son plaidoyer qui a amené ce dernier à décider l'élargissement du prisonnier528. Quelque temps auparavant, dans des circonstances analogues, que relate un récit beaucoup plus chargé en éléments merveilleux, l'évêque avait déjà

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eu le bonheur de redresser une autre erreur judiciaire529. Fortunat n'ignorait pas quelle influence pouvait exercer son ami sur le tribunal : il presse Grégoire, dans un court billet, d'entreprendre des démarches auprès du juge pour obtenir la libération d'une jeune fille incarcérée sur les ordres de ce dernier530. Nous ignorons l'issue de l'entreprise et même la nature des charges requises contre l'accusée. Probablement cette dernière appartenait-elle à cette catégorie de malheureux qui, coupables au regard de la loi, étaient en fait les victimes d'un système social implacable pour les faibles. Parmi eux, se comptaient les prisonniers pour dettes, tel ce pauvre homme dont Grégoire nous narre la lamentable histoire: «sommé d'acquitter une dette qu'il avait contractée dans sa détresse, et comme il n'avait pas le pouvoir et la faculté de rendre ce qu'il avait emprunté, il fut mis en prison»531. Dans ce cas et dans d'autres semblables, il ne suffisait pas de fléchir le juge; il fallait désintéresser le créancier à prix d'argent. L'évêque encouragea l'initiative de personnes charitables qui rachetaient la liberté des débiteurs insolvables jetés en prison. Ainsi en alla-t-il pour le malheureux précédemment cité. De même, grâce à l'argent que lui donnaient les fidèles, l'ascète Senoch put, au cours de son existence, délivrer nombre de ces condamnés pour dettes532.

Intercédant toujours en faveur de la clémence, c'est encore l'évêque qui impose aux autorités civiles le respect de l'asile offert par les églises aux fugitifs. Grégoire raconte comment de son temps, à cinq reprises533, des condamnés de droit commun, quelques-uns peut-être innocents, d'autres vraisemblablement coupables, furent ainsi «délivrés par la protection du saint»534, puisque le juge abandonna ensuite les

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poursuites contre eux et qu'ils purent sortir sans être inquiétés de la basilique Saint-Martin. En réalité, cet heureux résultat n'avait pu être obtenu sans que le prélat apportât son concours actif à l'opération : il lui appartenait en effet de s'opposer d'abord à toute intrusion de la force publique dans le sanctuaire et de négocier ensuite la remise en liberté des réfugiés, selon les dispositions prévues par la législation canonique et reconnues par la loi civile : le premier canon du concile d'Orléans de 511 stipule en effet que les meurtriers, adultères et voleurs ayant trouvé asile dans une église échapperont au châtiment et retrouveront l'usage de la liberté, à condition de s'être engagés à donner satisfaction à la partie lésée535. Ceci implique que l'évêque conduise — sans doute en accord avec le juge — les tractations avec cette dernière, avant de recevoir le serment par lequel le coupable promet — sous peine d'être excommunié — de payer à la victime ou à sa famille la composition prévue par la Loi Salique pour son crime ou son délit.

Pour certaines causes, l'intervention de l'évêque dans le domaine judiciaire revêt une forme plus directe, à la fin de l'Empire romain aussi bien, ensuite, qu'à l'époque franque. Constantin avait officiellement reconnu la juridiction episcopale, qui trouvait son fondement dans un précepte paulinien (I Corinth., VI 1-8); et il avait accordé à celle-ci, semble-t-il — les textes, leur date et leur portée sont controversés — une compétence très générale aussi bien ratione materiae que personae : pour toute affaire, les laïcs, tout comme les clercs, avaient la possibilité de recourir à cette instance; il suffisait que l'une des parties saisît l'évêque. Par la suite, les empereurs furent progressivement amenés à réduire la juridiction ecclésiastique à de plus étroites limites, excluant de sa compétence les causes criminelles pour lui laisser les litiges ad religionis observentiam pertinentes et restreignant, en matière civile, le recours à l'arbitrage de l'évêque aux seuls cas où celui-ci est demandé par les deux parties536. Il ne saurait être question ici d'analyser les textes législatifs organisant Yaudientia episcopalis, d'autant que la manière dont ceux-ci furent appliqués dans le diocèse de Tours au IVe et au Ve siècle nous échappe presque totalement. Les prêtres que Sulpice Sévère

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nous présente à l'époque de Martin audiendis negotiis occupati, dans le salutatorium de l'église où ils recevaient les fidèles, avaient été, on peut le supposer, chargés par l'évêque, soucieux de réserver tout son temps à la prière et à la mission, de régler les litiges soumis à la juridiction ecclésiastique537. Mais nous ignorons tout de la nature de ces affaires. Au Ve siècle, les successeurs de Martin eurent certainement à connaître de causes portées par des laïcs devant leur tribunal, comme leur collègues du Sud de la Gaule auxquels les Statuta Ecclesiae Antiqua recommandent de juger sans colère et de s'entourer des conseils de leurs clercs538; ou comme Sidoine Apollinaire à Clermont qui, ayant en vain tenté d'arbitrer un procès de succession opposant la matrone Eutropia à un prêtre, renvoie l'affaire à un autre prélat dont le siège est inconnu539. Au reste, si elle a pour objet principal de condamner les clercs s'adressant au juge civil au lieu de recourir au tribunal episcopal, la lettre souscrite vers 453 par Eustochius de Tours commence par faire état, de façon très générale, du jus distringendorum negotiorum détenu par les évêques540.

Au VIe siècle, les souverains francs ne paraissent par avoir été tentés de dénier à ceux-ci le droit de juger en certains cas les laïcs. Le concile de Mâcon en 585 mentionne encore Yaudientia episcopûlis, à propos, il est vrai, de clercs soustraits arbitrairement à cette instance par des juges civils541. Mais dans un semblable conflit de compétence, évoqué plus concrètement par un récit de Grégoire, c'est certainement un justiciable laïc (s'il se fût agi d'un clerc, l'historien n'aurait pas manqué de le souligner) que le comte Armentarius essaie de disputer à Nizier de Lyon : le fonctionnaire royal prétendait se saisir en appel d'une affaire que l'évêque estimait terminée par son propre jugement542. D'ailleurs Grégoire, faisant l'éloge de son collègue et ami Avi- tus de Clermont, le dépeint justitiam populis tribuens543. Cependant, au

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cours du VIe siècle, se manifestent de nouvelles tendances : d'une part l'évêque, en sa qualité de protecteur des faibles, s'affirme de plus en plus comme leur juge naturel; mais toutefois sans exclusive : car d'autre part, s'esquisse, pour un certain nombre d'affaires, une véritable collaboration entre juridiction laïque et juridiction ecclésiastique. De cette évolution témoignent d'abord les textes conciliaires : déjà les Pères réunis à Agde considéraient que les affranchis, étant placés sous la protection de l'Église, devaient recevoir justice de l'évêque, ante audien- tiam544. Le concile de Mâcon de 585 réaffirme la compétence du juge ecclésiastique pour tous les procès intentés aux affranchis; mais, est-il ajouté, l'évêque, s'il le désire, peut autoriser des juges laïcs à siéger avec lui545. Un autre canon du même concile confie à la tutelle episcopale les veuves et les orphelins; ces derniers, en conséquence, ne peuvent être cités devant un tribunal civil sans que l'évêque en ait été averti, de telle sorte qu'il puisse venir lui-même — ou envoyer un de ses clercs — prendre place aux côtés du judex : la sentence sera rendue communi deliberatione546. Précisément le témoignage de Grégoire atteste le fonctionnement à Tours, une dizaine d'années déjà avant le concile de Mâcon, d'un tel tribunal mixte, dans lequel le comte siège cum senioribus vel laids vel clericis547, pour des causes, semble-t-il, fort diverses. À cette époque la puissance comtale était aux mains de Leu- daste qui faisait en vérité peu de cas, dans ses sentences iniques, de l'opinion exprimée par ses assesseurs ecclésiastiques. Mais quelques années plus tard, une affaire retentissante donna l'occasion à l'évêque de jouer un rôle décisif en collaboration avec le juge civil, successeur de Leudaste : une sanglante vendetta avait mis aux prises deux familles du village de Manthelan, celle de Sichaire et celle de Chramnesinde. Dans cette cause criminelle, où n'était impliqué aucun protégé de l'Église, Grégoire agissant, nous dit-il, adjuncto judice, avec le concours du juge, somme Sichaire et les siens, coupables de plusieurs meurtres, à comparaître; à l'audience où il siège avec le comte, l'évêque prend longuement la parole : il prêche la paix et invite les deux parties à se réconcilier moyennant le versement d'une composition dont le montant élevé pourra, offre-t-il, être fourni par l'Église548. Au succès de cet

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arrangement qui, finalement accepté, mit pour un temps un terme à l'enchaînement des violences, Grégoire a donc pris une large part. Ce n'est pas que sa présence ait été vraiment nécessaire pour évaluer le tarif de la composition pécuniaire rachetant la vengeance : le comte franc était sans aucun doute plus familier avec le «code pénal» germanique et plus compétent pour l'appliquer. Mais à la mise en œuvre de cette procédure barbare qui devait — et c'était là l'essentiel à ses yeux — ramener la paix, l'évêque a contribué en faisant intervenir dans le cours de la justice la charité chrétienne ; et cela, au double sens du terme, puisque la réconciliation fraternelle prêchée par le prélat a été généreusement financée par son Église : qu'il jugeât seul ou aux côtés du judex laïc, l'évêque n'avait pas d'autre ambition.

Quelle que fût la composition du tribunal qui avait statué, l'Église ne se désintéressait pas ensuite du sort des condamnés : de même qu'elle aida Sichaire — et peut-être d'autres — à payer la composition exigée par la coutume barbare, de même elle se préoccupait de ceux auxquels était appliquée une peine d'emprisonnement. Si quelques-uns de ces détenus réussirent, au témoignage de Grégoire, à s'échapper et à gagner l'asile d'une église, la plupart d'entre eux, bien évidemment, purgeaient la totalité de leur condamnation dans un cachot. À l'évêque et à son clergé revenait la mission d'apporter à ces derniers un secours moral et matériel. Sous l'influence du christianisme, les constitutions impériales, dès le IVe siècle, avaient déjà tenté d'humaniser un peu le régime des prisons, en reconnaissant notamment à l'autorité religieuse un certain droit de regard sur ces dernières. Avec l'approbation des souverains francs, la législation conciliaire du VIe siècle œuvre dans le même sens. Un canon du concile d'Orléans de 549 recommande à chaque pontife de prendre les dispositions suivantes : chaque dimanche, il devra déléguer auprès des détenus l'archidiacre, pour que celui-ci leur apporte les consolations de la religion; en même temps, il chargera une personne de confiance de distribuer aux prisonniers des vivres fournis par la domus episcopale549. Grégoire apparaît très soucieux de l'appli-

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cation de ces mesures et particulièrement de la seconde. Il s'élève avec indignation contre la dureté d'un juge qui, déniant à ses représentants tout droit de visite, ne permettait à personne de donner les «aliments nécessaires» à quatre prisonniers enchaînés dans une des geôles de Tours550. C'est qu'un tel refus, exceptionnel semble-t-il, pouvait avoir des conséquences dramatiques, puisqu'il laissait les malheureux abandonnés aux épouvantables rigueurs de la condition carcérale, privés du «nécessaire». On comprend mieux avec quelle urgence la charité était sollicitée par cette œuvre des prisons, et l'on mesure aussi par là même l'importance de l'effort exigé des finances épiscopales, à la lumière d'une autre révélation de l'écrivain : les geôliers, nous apprend-il, refusaient parfois totalement «le boire et le manger» aux détenus551. Privés des distributions hebdomadaires auxquelles faisait procéder l'évêque, ceux-ci auraient été inéluctablement condamnés à périr à brève échéance.

La protection des faibles

Les prisonniers ne sont pas les seuls à bénéficier d'une protection que l'Église tourangelle s'efforce d'assurer, d'une manière générale, aux faibles, à tous ceux que leur situation sociale ou leur statut juridique mettent en position d'infériorité face aux puissants : d'une part les petites gens et, parmi eux, notamment les veuves et les orphelins; d'autre part les esclaves et les affranchis. Les premiers avaient beaucoup souffert de la fiscalité impériale, sans que l'autorité episcopale pût ou voulût tenter d'intervenir en ce domaine : brutalement exigés des humi- liores par les agents du fisc qui ne prenaient avec eux aucun ménagement — comme en témoigne leur conduite envers Martin pris pour l'un d'entre eux552 — , les impôts écrasaient principalement les individus aux

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revenus les plus modestes; ce système inique, dénoncé par Salvien au début du Ve siècle, ne fut pas étranger à la révolte bagaude dans les pays de la Loire553. Au VIe siècle, capitation personnelle et contribution foncière, telles que les avait instituées Dioclétien, sont maintenues; mais le régime fiscal, profondément altéré par l'incapacité des souverains francs à gérer des finances qui n'ont plus de publiques que le nom, apparaît plus que jamais injuste. La révision du rôle des impôts, destinée à assurer, par des recensements périodiques des personnes et des biens, l'assiette des contributions, est opérée de façon très irrégulière554; et souvent elle n'est qu'un prétexte à une aggravation des charges fiscales, ressenties dès lors par les contribuables comme de véritables exactions, d'autant que les rois eux-mêmes, dans des accès — fugitifs — de remords, s'accusent parfois de rançonner leurs sujets les plus démunis et renoncent provisoirement au recouvrement de l'impôt555. Si les prélats tourangeaux du VIe siècle s'efforcent, en premier lieu, de défendre les biens de leur Église contre toutes nouvelles exigences du fisc, ils se préoccupent aussi en ce domaine de protéger la population citadine : car cette dernière se compose en majorité de petites gens qui, à la différence des grands propriétaires ruraux, maîtres de la plus grande partie de la terre tourangelle, sont acculés à la misère par toute pression fiscale supplémentaire. Les menaces brandies par Injuriosus avaient fait renoncer Clotaire à son intention d'exiger des habitants de la ville de Tours des impositions plus lourdes. Une semblable tentative de la part de Caribert se heurta à l'opposition énergique d'Eufronius, qui obtint même finalement du souverain la promesse que « plus jamais personne de la population de Tours ne paierait un impôt au trésor public». Respectée par Sigebert, cette décision fut, semble-t-il, remise en cause par Chilpéric : discriptiones novas et gravis in omne regno suo fieri jussit. Remis en possession de Tours, Childebert II, suivant l'exemple de son père Sigebert, ne soumit d'abord la ville «au fardeau d'aucun impôt». Mais abandonnant ces bonnes dispositions, il voulut en 589 exiger les anciennes contributions, au taux élevé auquel Clotaire avait

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prétendu les porter556. Encore une fois, l'évêque, en la circonstance Grégoire, en usant de son autorité morale, parvint à obtenir que les habitants de i'urbs turonica ne soient pas imposés «par égard pour saint Martin»557. Aux yeux de l'historien des Francs, il ne s'agit pas là d'un privilège octroyé par la générosité royale, mais d'une mesure appelée par la simple équité : car, comme il le remarque, seuls doivent être soumis à l'impôt public «ceux que leur condition désignait en toute justice comme imposables»558.

Parce qu'ils sont particulièrement vulnérables du fait de leur infériorité juridique, les esclaves sont eux aussi l'objet de la sollicitude episcopale. À Tours moins qu'ailleurs, on ne pouvait oublier l'exemple donné par Martin qui, encore simple «candidat au baptême», traitait son esclave comme un frère559. Non que les successeurs du saint prélat aient jamais songé à remettre en cause le principe lui-même de l'esclavage. Celui-ci représentait une forme du droit de propriété que l'autorité ecclésiastique ne condamnait pas : car cette institution apparaissait nécessaire à l'économie et inhérente à un ordre social irrémédiablement vicié depuis la faute originelle et dont l'Église n'envisageait pas le bouleversement. Cette dernière était elle-même propriétaire de troupes serviles nombreuses, dont le labeur permettait aux moines — à ceux d'entre eux du moins auxquels la règle interdisait tout travail manuel — de se vouer à la prière, aux clercs de se consacrer à leur ministère et assurait, grâce aux revenus tirés des terres ecclésiastiques, le financement des œuvres charitables. Aussi le concile d'Agde interdit-il aux abbés d'affranchir les esclaves de leurs moines560; de même, il fait défense aux évêques de vendre — sauf cas de force majeure — les mancipiola ecclesiae, car ceux-ci, au même titre que les autres possessions de l'Église, constituent le bien inaliénable des pauvres561. Les prélats doivent donc également, pour sauvegarder ce patrimoine, poursuivre et ramener les fugitifs562 et même, ajoute-t-on à Orléans en 541, fai-

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re valoir les droits de l'Église sur les descendants d'esclaves qui tenteraient de se soustraire à leur condition héréditaire563. De la même façon la puissance (manus) exercée par le dominus laïc sur son servus n'est nullement contestée. En conséquence, l'Église s'interdit d'encourager, de quelque façon que ce soit, l'évasion des esclaves : à ceux qui voudraient échapper à leur état de dépendance en s'enrôlant dans les rangs du clergé, elle fait obligation, comme on l'a vu, d'obtenir au préalable l'assentiment du maître à leur affranchissement564; aux esclaves qui tentent de se dérober par la fuite aux châtiments encourus pour quelque faute, elle n'ouvre l'asile de ses sanctuaires que de façon toute provisoire : un canon élaboré au concile d'Orléans de 511 et repris par les Pères réunis dans cette même cité en 549 proclame que l'esclave réfugié dans une église doit être rendu à son maître, dès lors que celui- ci promet le pardon ; si, malgré tout, le fugitif refuse de quitter l'asile, le dominus a le droit d'user de la force pour l'en faire sortir565.

Mais l'Église, en contre-partie, s'efforce d'adoucir la condition servile. Les droits qu'elle reconnaît au maître ne sont pas sans limite. Elle interdit à ce dernier, sous peine d'excommunication, de mettre un esclave à mort, une telle sentence ne pouvant être légalement rendue que par un juge566; avec la procédure organisée pour la restitution des esclaves fugitifs, elle s'emploie à épargner à ces derniers de cruels châtiments corporels : le maître, qui, en dépit du serment qu'il a prêté, inflige une punition, est écarté de la communion567. Enfin, si les Pères siégeant à Orléans en 541 enjoignent aux prêtres de ne pas unir des esclaves qui se réfugient à l'église pour s'y marier contre la volonté de leur maître, ils invitent discrètement ce dernier, une fois son autorité rétablie, à donner son consentement à cette union568. On serait tenté de juger cette législation bien timide et incomplète. Mais ce serait mécon-

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naître la barbarie des mœurs contemporaines, contre laquelle devaient lutter les autorités ecclésiastiques. Qu'on en juge par quelques récits de Grégoire : à Tours, un certain Faretrus avait poursuivi son esclave jusque dans l'oratoire personnel de Venant et, profitant de l'absence de l'abbé, l'avait enlevé et tué569. Et ceci n'est rien à côté des raffinements de cruauté déployés par le duc Rauching : ce sinistre personnage, qui tirait jouissance des sévices infligés à ses serviteurs, ordonna de mettre à mort deux d'entre eux, un garçon et une fille, parce que ceux-ci s'étaient enfuis dans une église pour s'y marier sans son assentiment; interprétant à sa manière le serment qu'il avait prononcé pour obtenir du prêtre que les fugitifs lui fussent rendus — il s'était engagé à ne pas séparer les nouveaux époux — , il les fit enterrer vivants dans un même cercueil570. Mais étaient-ils moins cruels ces maîtres qui abandonnaient à la charité des passants leur esclave frappé d'infirmité, en le jetant, parce qu'il n'était plus d'aucune utilité, aux pieds du tombeau de Martin571? Dans ces conditions, on comprend que les Pères, dans leurs canons, aient fait porter l'essentiel de leurs efforts sur un point primordial : le respect dû à la vie de l'esclave. Il faut ajouter, d'autre part, que la législation conciliaire ne reflète que très partiellement l'action entreprise par le clergé pour obtenir que les esclaves soient traités comme des êtres humains. Il n'est pas douteux qu'à Tours l'évêque et les clercs prêchaient d'exemple avec les esclaves appartenant à l'Église ou attachés à leur service personnel. Ainsi lorsque ceux-ci sont malades, Grégoire et sa nièce Eustenia, ou encore des prêtres, tels Simon, Léon, Ulfaricus et Euthimius, vont les visiter, leur prodiguent des soins et prient pour leur rétablissement572. Et surtout l'enseignement dispensé aux fidèles tend à faire comprendre qu'au regard de Dieu les esclaves sont les égaux des hommes libres et doivent être traités par ces derniers comme des frères. Ce sont là les leçons que tire Grégoire, pour ses ouailles comme pour ses lecteurs, des miracles accomplis par Martin. Le saint, pour accorder son secours, considère la foi des suppliants et non leur statut juridique : sa vengeance frappe Faretrus, meurtrier de son esclave573, aussi promptement qu'elle fait justice des meurtriers

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d'hommes libres; ses médications guérissent les serviteurs aussi sûrement que leurs maîtres574. Enfin l'Église se montre favorable à l'affranchissement des esclaves ou à leur rachat. Elle accorde son patronage au maître désireux d'accorder la liberté à un serviteur méritant, en lui offrant les facilités de procédure consentie par la manumissio in eccle- sia575. Reconnu officiellement par Constantin, mentionné par les conciles gaulois, ce mode d'affranchissement paraît couramment utilisé à Tours à la fin du VIe siècle : y recourent non seulement Grégoire et ses prêtres pour leurs propres esclaves ou ceux de l'Ecclesia turonica576, mais également des propriétaires laïcs tel Theodulfus, civis Turoni- cus577. Parallèlement, l'Église tourangelle et, à son instigation, des fidèles charitables procèdent au rachat de certains esclaves que leurs maîtres n'ont pas la générosité d'affranchir578. Étant donné le poids des contraintes économiques et des habitudes sociales, ce mouvement de libération ne pouvait revêtir une grande ampleur. Il ne concerne qu'un petit nombre d'individus dont les mérites éclatants ou la détresse profonde sollicitent plus particulièrement la charité chrétienne. Dans la première catégorie, on trouve, comme par le passé, des esclaves qui, pour leurs bons et loyaux services, reçoivent la liberté, — emeritam libertatem 579, écrit Grégoire à propos de l'un d'entre eux — d'un maître qui les affranchit de son vivant ou après sa mort, par testament580; il

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s'y ajoute les esclaves guéris au tombeau de Martin et pour lesquels la volonté du thaumaturge paraît, au jugement de Grégoire, clairement exprimée : Martin, explique-t-il, a voulu « délivrer le corps de sa faiblesse aussi bien que la condition servile de ses charges»581. Presque tous ces miraculés — une dizaine sous l'épiscopat de Grégoire582 — sont affranchis ou rachetés. Suscite également un élan charitable une autre catégorie d'individus soumis au joug de la servitude : il s'agit d'hommes jadis libres qui, faute de pouvoir s'acquitter d'une dette, ont été réduits en esclavage par leurs créanciers. En utilisant pour les racheter les offrandes apportées par les fidèles, l'ascète Senoch délivra, au témoignage de l'historien, plus de deux cents de ces malheureux «des liens de la servitude et du fardeau de leur dette»583.

Qu'un esclave ait été libéré par une cérémonie célébrée in ecclesìa ou en vertu de pieuses dispositions testamentaires qu'encourage l'autorité ecclésiastique, la responsabilité de l'évêque à son égard se trouve engagée. Les Pères réunis à Agde en 506, à Orléans en 549, à Mâcon en 585, reprenant des sentences déjà émises par des conciles de la Gaule méridionale au Ve siècle, proclament que l'Église doit protéger les affranchis et cela, quel que soit le mode juridique par lequel ceux-ci ont reçu la liberté584. Les canons qui traitent de cette question fustigent comme de mauvais chrétiens ceux qui osent remettre en esclavage des hommes et des femmes libérés en bonne et due forme du joug de la servitude. L'insistance avec laquelle les textes conciliaires les rélèvent suggère que de tels abus — le plus souvent commis par des héritiers s'estimant lésés dans leurs intérêts — étaient fréquents; elle laisse supposer qu'en conséquence les évêques devaient faire preuve de la plus extrême vigilance pour s'opposer à ces dénis de justice. Deux épisodes relatés par Grégoire en apportent l'illustration pour la civitas Turono- rum. Dans un cas, les fils d'un propriétaire terrien remettent sous le joug une femme à laquelle leur père avait accordé la liberté; dans l'au-

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tre, c'est une jeune fille, née de parents déjà affranchis par leur patron, à laquelle les héritiers de ce dernier font subir le même sort. En ces circonstances, Grégoire, selon son habitude, attribue à Martin l'entier mérite d'avoir redressé par son intervention l'injustice : à peine remise en esclavage, la première de ces malheureuses victimes est frappée d'une paralysie totale et, devenue inutile, elle est abandonnée par ses maîtres, mais non par Martin, qui lui rend «à la fois, les dons de la liberté et ceux de la santé»585. La seconde, s'étant refusé à accomplir tout travail, est jetée enchaînée dans Yergastulum. La poutre dans laquelle ses pieds étaient maintenus se fend, ce qui permet à la jeune fille de gagner la basilique Saint-Martin, où les chaînes ligotant encore ses mains se brisent tout aussi miraculeusement; et Grégoire de conclure : sic incolumnitate pariter libertateque donata est586. Malgré la modestie avec laquelle Grégoire s'efface, on devine — le récit des événements tourne court et l'on saute à la conclusion — que l'évêque est intervenu pour faire valoir les droits des deux affranchies et obtenir que leurs prétendus maîtres renoncent définitivement à leurs revendications. D'ailleurs Grégoire déclare lui-même qu'un autre libertus, un certain Securus, a vécu usque hodie incoîumnis, parce que son affranchissement le plaçait sub patrocinio sanctae ecclesiae537 . C'est de ce patronage, exercé dans la pratique par l'évêque, qu'ont certainement bénéficié les deux affranchies pour la sauvegarde de leur liberté.

2) L'Église et l'assistance

En faveur des faibles dont il assume dans une société, impitoyable pour eux, la protection, l'évêque use de ses pouvoirs spirituels, de son auctoritas morale; mais il doit aussi, souvent, mettre au service de leur cause les ressources financières dont il dispose : la délivrance des captifs, l'aide aux prisonniers de droit commun, le rachat d'esclaves, voire le versement d'une composition trop lourde pour les facultés d'un condamné constituent autant d'opera bona, subventionnés par les finances épiscopales ou par les dons généreux des fidèles. Cependant chacune de ces œuvres ne demande qu'un effort financier passager, limité dans le temps. C'est en revanche de facon permanente, quotidienne, que

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l'Église tourangelle doit assurer la subsistance des indigents : les paupe- res qui vivent uniquement grâce aux secours de la charité, parce qu'ils sont dénués de tout moyen propre d'existence ou parce que leurs infirmités les rendent incapables de travailler, deux disgrâces souvent cumulées. Pour cette œuvre d'assistance, l'Église de Tours a, dès les premiers siècles de son histoire, tenté de mobiliser toutes les bonnes volontés, toutes les ressources disponibles. Mais au cours du VIe siècle, avec la misère grandissante, l'ampleur de la tâche fait apparaître la nécessité d'une véritable organisation, grâce à laquelle les efforts puissent être mieux distribués et en partie canalisés au profit d'institutions charitables spécialisées.

Les premières formes d'assistance

Nourrir ceux qui ont faim, vêtir ceux qui sont nus est un devoir qui s'impose à tout chrétien pour obéir aux préceptes de l'Évangile. L'Église, par son enseignement, encourage les fidèles à distribuer eux-mêmes directement des aumônes aux pauvres. Mais elle se fait le plus souvent l'intermédiaire entre les généreux donateurs et les malheureux, drainant les offrandes des premiers pour les redistribuer aux autres. D'une manière générale, toutes les ressources dont elle dispose, et qui proviennent aussi bien des oblations en argent que des revenus de terres à elle concédées, constituent par excellence le bien des pauvres. Martin déjà mettait spontanément en pratique cette idée, qui refusait de conserver pour lui-même et ses frères plus que le strict nécessaire et consacrait toutes les offrandes au secours des déshérités. Le principe est ensuite juridiquement formulé par les conciles ; énoncé pour la première fois au synode de Vaison de 442 588, il est dès lors inlassablement répété par les assemblées gauloises du VIe siècle: le patrimoine ecclésiastique étant le patrimoine des pauvres, ceux qui s'emparent des biens de l'Église ou qui cherchent à retenir legs et donations faits en faveur de celle-ci doivent être exclus de la communion, velut necatores pauperum5*9. Ces sentences ne reflètent pas seulement une théorie des-

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tinée à justifier la fortune ecclésiastique et à la protéger des attaques dont elle est l'objet. Certes, les évêques du Ve et du VIe siècle, et notamment les successeurs de Martin, ne sont pas comme ce dernier — qui faisait déjà figure d'exception en son temps — des ascètes épris de charité au point de tout sacrifier aux bonnes œuvres. Il leur faut tenir dans la société, pour y jouir de quelque prestige, un rang en rapport avec la dignité ecclésiastique dont ils sont revêtus. Ils doivent aussi assurer l'entretien de clercs plus nombreux auxquels ils ne peuvent, dans l'intérêt même de la mission, demander de vivre dans le quasi dénuement imposé par Martin aux frères de Marmoutier. Enfin le temps n'est plus, auquel rêvait encore le confesseur, où l'on faisait «des catéchumènes en plein champ»; pour les besoins d'une liturgie qui a pris une ampleur nouvelle, comme pour la glorification de Dieu et de ses saints, paraît nécessaire l'édification de multiples sanctuaires dont l'architecture et le décor, par leur beauté, offrent aux fidèles un reflet des splendeurs célestes. Mais pour autant, les prélats n'oublient pas les œuvres charitables : ante omnia curam habe pauperum, recommande à chacun d'eux l'auteur du De septem ordinibus ecclesiae590.

En rapport avec ces diverses exigences, le concile d'Orléans de 511 esquisse justement une répartition des dépenses entre trois postes principaux : comme on l'a déjà vu, le canon 5 stipule que les dons récemment faits par Clovis aux Églises de son royaume doivent être utilisés pour la réparation des édifices du culte, l'entretien des prêtres et celui des pauvres591. Mais ceci ne signifie nullement que la part réservée à ces derniers soit fixée à un tiers des revenus de l'Église, puisque aucune proportion n'est indiquée592. D'ailleurs, un autre canon élaboré par le même concile enjoint à chaque évêque de vêtir et de nourrir, autant

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qu'il lui est possible, les pauvres et les malades inaptes au travail593. À une époque où il gère encore les biens de l'Église comme une masse indivise594, le sacerdos summus apparaît donc comme le grand ordonnateur de la bienfaisance, dont il assume la charge financière in quantum possibilitas habuerit. C'est bien dire que la part affectée par l'Église à l'assistance n'est pas tarifée, mais laissée à l'appréciation de chaque évêque, qui la détermine en fonction de ses disponibilités et des besoins à couvrir, mais aussi selon les élans de sa charité personnelle. Bien sûr, l'imprévoyance et l'improvisation ne sont plus de mise. En des temps où l'Ecclesia turonica n'était pas riche, mais où les pauvres n'étaient pas encore légion, Martin donnait ce qu'il avait, quand il était sollicité pour vêtir un pauvre à demi:nu ou pour racheter des captifs. «Il ne pensait pas au lendemain»595, faisant confiance à la Providence pour lui procurer de nouvelles ressources. Depuis lors, si les revenus de l'Église ont augmenté, les charges auxquelles elle devait faire face en matière d'assistance se sont elles aussi alourdies avec les guerres et leur cortège de malheurs. Ainsi à la fin du Ve siècle, la population de Tours comptait déjà un nombre relativement élevé, semble-t-il, d'indigents, à l'entretien desquels Perpetuus avait l'habitude — consuetam. . . opem, écrit Paulin de Périgueux — de subvenir, en leur fournissant vivres et vêtements. Les dépenses occasionnées par ces distributions régulières devaient certainement être prévues par l'évêque dans son «budget». Cependant l'assistance ainsi assurée n'avait pas le caractère d'une institution officielle de l'Église; par bien des côtés, elle relevait de la charité privée du prélat, de l'évergétisme d'un grand seigneur chrétien, qui soulageait, en grande partie à ses frais — expensis suis — et sous des formes laissées à son initiative, la misère de ses concitoyens les plus démunis596. La situation n'est pas sensiblement différente dans la première moitié du VIe siècle, une époque où d'ailleurs la cité ligérienne bénéficie de la paix et de la prospérité restaurées. Selon l'idée qu'ils se

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font de leurs devoirs, selon leur générosité personnelle, les évêques tourangeaux accordent des secours plus ou moins abondants : en gestionnaire prudent, Injuriosus avait surtout songé, semble-t-il, à thésauriser; il laissa à sa mort, on s'en souvient, plus de 20.000 sous d'or à son Église. Son successeur, Baudinus, «qui aimait à faire beaucoup d'aumônes», s'empressa au contraire de distribuer cette somme considérable aux pauvres597.

Les matricules des pauvres

C'est seulement après le milieu du VIe siècle que l'épiscopat tourangeau manifeste le souci d'organiser l'assistance dans le cadre d'institutions officielles. Cette volonté apparaît clairement exprimée tout d'abord dans un canon du concile tenu à Tours en 567 : Eufronius et les Pères qui siègent à ses côtés demandent que désormais chaque cité nourrisse ses pauperes et egenos incolas. . . ut ipsi pauperes per civitates aliénas non vagentur598. La préoccupation qui inspire cette résolution était sans aucun doute particulièrement vive à Tours : le pèlerinage déjà fort renommé y attirait, dans les lieux saints martiniens, depuis des régions parfois lointaines, des bandes de mendiants599 qui espéraient recevoir des pèlerins de généreuses aumônes et venaient en fait grossir, momentanément ou durablement, le nombre des indigents attendant des secours de l'Église. Mais — et c'est là le plus important — il ne s'agit pas seulement d'établir une sorte de barrière protectionniste aux limites du diocèse, par une mesure dont l'efficacité paraît d'ailleurs avoir été douteuse. Le canon déjà cité ajoute en effet une seconde recommandation : ut tant vicani presbyteri quant cives omnes suum pau- perem pascant. Autrement dit, à l'intérieur de la civitas, chaque communauté rurale établie dans un vicus est tenue, sous la responsabilité de son archiprêtre et avec la participation de tous les fidèles, de nourrir ses propres pauvres600. Ces derniers — tel semble le but recherché —

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ne seront plus tentés d'aller chercher des secours au chef -lieu, où l'on a déjà fort à faire pour soulager la misère urbaine, puisqu'ils seront désormais assistés sur place. L'application de cette décision ne présente alors pas de difficulté, compte tenu de la tendance nouvelle qui prévaut depuis 538 dans la gestion du patrimoine ecclésiastique : depuis cette date, les églises rurales ont la possibilité, on s'en souvient, de réserver, pour leurs besoins propres, les revenus de tous les biens qui leur ont été affectés601. Dans le mouvement de décentralisation qui s'amorce, le partage des ressources peut permettre une redistribution des charges, notamment en matière d'assistance.

C'est, semble-t-il, à la même époque et dans le même contexte qu'apparaît à Tours une première matricule des pauvres, celle de la basilique Saint-Martin. Cette institution est en effet mentionnée pour la première fois par Grégoire dans un épisode qui se rapporte à l'épisco- pat de son prédécesseur : l'historien y évoque la matrìcola quant sanctus suo beneficio de devotorum elymosinis pasca602. Jusque-là, le terme matricula n'avait figuré dans les textes conciliaires que pour désigner la liste des clercs auxquels l'Église accorde un Stipendium603. Dans le cas présent, la suite du récit le montre, les ayants-droit sont des pauvres et la matricule, l'établissement qui, ayant enregistré ces derniers sur ses rôles, s'oblige à leur procurer cotidie des secours604. On ne saurait affirmer en toute certitude que la matricule de Saint-Martin de Tours fût le tout premier établissement charitable de ce type créé en Gaule. Dans le résumé qu'il donne des dernières volontés de l'évêque rémois Benna- dius (t avant 475), Flodoard, au Xe siècle, cite en effet parmi les bénéficiaires de legs la matricule des pauvres605; mais l'historien n'utilise-t-il

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pas de façon anachronique ce vocable606? Il est vrai que le testament du successeur de Bennadius, Remi, mentionne aussi des dons à la matricule de Reims ainsi qu'à celle de Laon607. Cependant ce document n'est pas lui non plus à l'abri de toute critique : dans la recension brève qu'en donne l'archevêque Hincmar — la seule qui puisse être considérée dans l'ensemble comme authentique — - le texte a été sans doute «altéré en plus d'un endroit»608. De toute façon, même si l'on admet que, sous le nom de matricule, a fonctionné à Reims (et à Laon) dès la fin du Ve siècle un établissement charitable, il faut bien reconnaître que cette institution, loin de devenir dès lors «courante», comme on l'a parfois affirmé609, n'a pas connu de diffusion en Gaule pendant les décennies suivantes. La législation conciliaire ne la mentionne jamais, avant que le synode diocésain tenu à Autun entre 561 et 603 n'y fasse une allusion d'ailleurs très vague610, et les sources historiques ne l'attestent, pour la première moitié du VIe siècle, dans aucune autre cité gauloise. À Tours même, on l'a vu, il n'y a aucun indice de l'existence d'un organisme charitable de ce genre avant l'épiscopat d'Eufronius.

Tout semble en revanche désigner cette dernière époque comme celle où d'importantes réformes se sont précisément imposées en matière d'assistance. Sur la Touraine, qui avait bénéficié de près d'un demi-siècle de paix et de prospérité, s'abattent alors une série de catas-

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trophes : en 557 le castrum de Tours est la proie des flammes et l'année suivante un nouvel incendie endommage la basilique Saint-Martin; au même moment, la révolte du prince Chramne contre le roi Clotaire marque le début de ces «guerres civiles» qui vont, à de nombreuses reprises par la suite, dévaster la civitas Turonorum6U. Victimes de ces malheurs, otages captifs, paysans ruinés, citadins sans abri sollicitent des secours de l'Église : en quelques années le nombre des pauperes croît dans des proportions considérables, obligeant Eufronius à élaborer une véritable politique de l'assistance. Il faut, d'une part, doter l'Église de ressources supplémentaires pour qu'elle puisse faire face aux nouveaux besoins : et c'est l'appel pressant lancé aux alentours de 567 aux ouailles épargnées par la misère, pour les inviter à verser la dîme qui doit servir principalement in captivorum redemptione. Il faut, parallèlement, assurer une meilleure distribution des secours : et c'est, prévue par le concile de 567, la décentralisation de l'assistance. Dans ce plan d'ensemble se situe la fondation, auprès de Saint-Martin, d'une première matricule, puis, dans un délai relativement bref, de deux autres : dans le viens de Candes, peut-être dès la fin de l'épiscopat d'Eu- fronius; à Tours même, auprès du sanctuaire monastique de Saint- Julien, au début du règne de Grégoire. On constate qu'au même moment et sans aucun doute pour les mêmes raisons, quelques autres civi- tates de Gaule, celles de Clermont et de Limoges612 peut-être, sûrement celle du Mans613, se dotent elles aussi de l'institution matriculaire. Il ne s'ensuit pas cependant que, dès cette époque, le système se soit généra-

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lise et que « dans toutes les villes et les gros bourgs ruraux ait existé une matricule»614. Certes, pour s'en tenir à la Touraine, Grégoire n'a sans doute pas eu l'occasion de mentionner dans ses oeuvres toutes les matricules de son diocèse et notamment toutes celles qui étaient établies dans un village. L'ecclesia de Candes n'était probablement pas la seule église rurale à laquelle fût annexée une matricula pauperum. Évoquant les ravages commis par Roccolène dans les campagnes tourangelles, l'historien écrit : cuncta devastans nullam spent alimonii in domos ecle- siae vel pauperum hospitiola relinqueret615. Cette dernière expression est à la vérité très ambiguë : désigne-t-elle seulement les humbles chaumières de paysans ou bien des «hospices» ouverts, auprès des bâtiments de l'église rurale (domos ecclesiaé), pour les indigents que celle-ci secourt? En tout état de cause, rien ne permet d'affirmer que dans la civitas Turonorum, non plus que dans les autres cités de Gaule, l'assistance dispensée dans le cadre des vici ait partout et toujours revêtu la forme d'une matricula. Par leur nature même, leur organisation, les matricules des pauvres apparaissent plutôt comme des «établissements-pilotes ».

Il faut bien l'avouer, le témoignage porté par Grégoire sur le fonctionnement des matricules tourangelles, précieux parce qu'il est, pour cette époque, unique, manque cependant de précision sur bien des points. On serait donc tenté de combler les lacunes de notre documentation avec des informations provenant de sources plus tardives et souvent étrangères à la civitas Turonorum. Mais ces rapprochements, utiles pour éclairer certains raccourcis de l'historien, doivent être opérés avec prudence. Car les exemples empruntés au VIIe et au VIII siècle et, a fortiori, à l'époque carolingienne reflètent sans nul doute un état de l'institution qui n'est plus exactement celui des origines. L'étude doit donc se fonder d'abord et avant tout sur les quelques textes — sept au total — où Grégoire évoque, parfois très rapidement, les matricules de Saint-Martin et de Saint-Julien de Tours ainsi que celle de Candes616. Que nous apprend-il au sujet de leur organisation économique? Chacune de ces matricules assure des secours à un certain nombre de pau-

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vres qui se distinguent de la troupe des reliquorum pauperum par leur qualité de matriculant617. Ce titre, que confère l'inscription de leurs noms sur le rôle (matricula) de l'établissement, leur donne droit à une assistance régulière, quotidienne. Mais quelles sont l'origine et la nature des ressources dont dispose en leur faveur la matricule? Relatant un épisode qui a pour cadre l'établissement charitable installé à Saint-Martin, Grégoire déclare que les pauvres immatriculés y sont nourris grâce aux devotorum elymosinis et il ajoute : cotidie a fidelibus necessaria tri- buantur618. Ces aumônes prennent assez souvent la forme d'un don en argent : ainsi voit-on, toujours dans le même récit, un fidèle apporter un tiers de sou d'or à la matricule. En d'autres circonstances, à Saint- Julien de Tours et à Candes, les donateurs distribuent vivres et boissons619. On peut douter cependant que ces aumônes, en nature ou en espèces, aient été assez abondantes et surtout assez régulières pour permettre à elles seules l'entretien des matricularii. De fait, il apparaît que les établissements charitables disposent de revenus propres, provenant de biens fonciers qui leur ont été affectés, eux aussi d'ailleurs, par la générosité de certains fidèles. L'évêque historien note incidemment qu'à Candes, un pauvre a été nourri, pendant plus de six ans, a divitiis sanctae cellulae620. De façon plus nette encore, il mentionne dans un autre chapitre une villa quae sub tuitione sancii matricolae (celle de Saint-Martin) habebatur621. Ces indications doivent être rapprochées d'une des clauses figurant dans le testament que rédigea en 634 le diacre Adalgisel-Grimo; ce dernier prévoyait qu'à sa mort la matricule de Saint-Martin de Tours bénéficierait d'un legs devant prendre, suivant les circonstances, l'une des deux formes suivantes : ou bien elle recevrait, versée aux adores basilici sancii Martini Turonis, une somme de 600 solidi, représentant le prix que le diacre escomptait tirer de la vente d'un quart de sa villa de Fatiliagus; ou bien, si cette transaction ne s'était pas faite, elle serait mise directement en possession de cette même portion de son domaine622. Bien qu'un peu tardif pour notre pro-

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pos, ce document confirme ce que suggérait déjà Grégoire : la matricule de Saint-Martin (et très probablement les autres aussi) possède un patrimoine distinct par son affectation — mais non par sa gestion623 — de celui de la basilique.

Une seconde question se pose : comment se manifeste concrètement l'assistance accordée aux matriculant? Sur la foi d'une déclaration déjà citée de Grégoire, on pourrait imaginer la matricule comme une sorte de bureau de bienfaisance, recevant des dons et les redistribuant aux pauperes inscrits sur ses rôles. En fait, cette fonction apparaît très secondaire, lorsqu'on scrute attentivement le témoignage de l'historien : la part d'aumônes attribuée quotidiennement à chaque ma- tricularius ne constitue pas une allocation grâce à laquelle ce dernier devrait vivre une journée entière. Ces menues offrandes apportées par des fidèles ou par des pèlerins, à l'occasion d'une pieuse visite, sont, il faut le remarquer, remises directement aux «pauvres bénis» ou, plus exactement, à l'un d'entre eux qui fait office de custos, tandis que «les autres se dispersent aux environs»624. La «recette», d'un montant évidemment très variable selon les jours, ne représente sans aucun doute qu'un petit bénéfice supplémentaire que se partagent les matricularii, comme ils se partageront aux siècles suivants le produit de la vente des nouveau-nés abandonnés par leur parents625. Car par ailleurs — et c'est

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là l'essentiel — la matricule, avec les revenus réguliers dont elle dispose, offre la table et le gîte à ceux qu'elle a charge d'assister. L'historien nous montre en effet à plusieurs reprises, à Saint-Julien de Tours aussi bien qu'à Candes, les marguilliers attablés pour prendre en commun leur repas (aepulum)626. Certes, durant leur séjour aux lieux saints, quelques pèlerins apportent parfois victuailles et vin qu'ils servent eux- mêmes avec humilité aux pauvres627. Mais il s'agit là de distributions exceptionnelles, l'ordinaire étant habituellement assuré aux frais de l'établissement charitable. Celui-ci loge également, semble-t-il, les ma- tricularii. Dans un autre épisode qui se situe au village de Candes, un des ces pauvres, raconte Grégoire, voit lui apparaître Martin précédé d'une grande lumière, une nuit, dum ad domum hospitis sui decumbe- ret628. On peut penser que cet hôte n'est autre que le saint confesseur, patron de l'église locale et de la matricule qui, annexée à celle-là, abrite le repos nocturne des pauvres : d'autant que les clameurs poussées par le visionnaire, ajoute l'historien, réveillent ses voisins qui accourent aussitôt. La matricule se présente donc comme un établissement qui comporte réfectoire et dortoir : de facon significative le terme, qui a déjà glissé dans le vocabulaire de Grégoire du sens de liste à celui d'institution charitable, est également employé par l'écrivain pour désigner le bâtiment dans lequel celle-ci est installée629.

Faut-il donc qualifier la matricule d'hospice de pauvres? Cette définition est encore insuffisante, car elle ne tient pas compte de la dimension socio-religieuse de l'institution. En effet les matriculant ne sont pas de simples «pensionnaires». La matricule rassemble en une communauté — matricula congregata est, écrit Grégoire630 — des membres qui, tous de sexe masculin semble-t-il631, se donnent le nom de frè-

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res632 et sont soumis à des exercices religieux; dans le sanctuaire auprès duquel ils sont installés, ils sont tenus d'assister à tous les offices quotidiens : à Candes, Grégoire nous les montre se levant pour les matines633, et à Saint-Martin de Tours, se réunissant à sexte634. Il est probable que, dès cette époque, le martyrarius de cette dernière basilique, l'abbé de Saint- Julien ou l'archiprêtre de Candes exercent leur autorité pour leur faire respecter cette sorte de règle635. Peut-être aussi déjà l'Église leur demande-t-elle de menus services pour la surveillance et l'entretien du sanctuaire; en tout cas, en 585, lorsque le proscrit Ebe- rulfus est assassiné dans l'atrium de Saint-Martin où il avait trouvé asile, c'est spontanément que les marguilliers, appelant à la rescousse «les autres pauvres», se dressent pour tirer vengeance des assassins qui ont profané le saint lieu636. En contre-partie d'obligations qui les intègrent non au clergé proprement dit, mais à la familia ecclésiastique au sens large, les matricularii jouissent de quelques-uns des privilèges accordés aux serviteurs de l'Église, notamment de l'exemption du service militaire. Ce statut particulier n'est pas toujours reconnu par les représentants du roi chargés d'opérer des levées en Touraine : de même que les juniores, les pauperes en 578 sont frappés de l'amende du ban pour s'être soustraits à la réquisition. Grégoire proteste avec vigueur contre cette sanction car, dit-il, non. . . erat consuetudo, ut hi ullam exsolverent publicam functionem611 . Les matricularii forment donc une catégorie de pauvres placés directement sous la tutelle et la protection de l'Église. De ce point de vue, la matricule a pu être qualifiée «d'institution de défense sociale»638. Cependant, à l'époque de Grégoire, elle est encore avant tout une œuvre de charité : les pauvres qu'elle assiste — tel à Candes ce malheureux que ses frères avaient chassé et dépouillé de sa part d'héritage639 — sont de vrais pauvres, même si leur sort, plus

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enviable que celui des autres pauperes, les fait apparaître à côté de ces derniers comme une minorité relativement privilégiée. Car bien évidemment les matricularii, inscrits sur les rôles d'établissements charitables dont les capacités d'accueil n'étaient pas sans bornes, étaient en nombre limité; leurs effectifs ne représentaient sans doute qu'un contingent assez faible par rapport à l'ensemble de la population indigente. Malheureusement les sources ne fournissent pratiquement pas de données chiffrées. Grégoire nous laisse seulement deviner qu'à Saint- Martin, lors des événements de 585, les marguilliers étaient assez nombreux pour mettre en déroute une troupe de 300 guerriers, avec l'aide, il est vrai, des «autres pauvres»640. Quant à ces derniers, au témoignage de Fortunat, ils se rassemblèrent par milliers (catervatim coeuntia mi- lia) pour profiter du repas que leur fit servir le comte Sigoaldus. Mais il faut dans ce cas faire leur part à l'amplification propre au genre du panégyrique et aux circonstances particulières de l'événement : la fête de Pâques, à l'occasion de laquelle fut organisé le festin, avait certainement attiré, avec des habitants de tout le diocèse et des pèlerins étrangers, une foule exceptionnelle de pauvres641. Compte tenu des informations fournies par des sources plus tardives, on se rallierait volontiers à l'estimation prudente récemment proposée par M. Rouche, attribuant «aux marguilliers des chiffres de l'ordre des dizaines et aux autres pauvres de l'ordre des centaines»642. Quoi qu'il en soit, l'Église qui prend totalement en charge les pauperes qu'elle inscrit, selon des critères inconnus, sur les rôles des matricules, n'abandonne pas les autres indigents à leur sort. La matricule est en effet une institution modèle qui doit servir d'exemple aux fidèles. Avec le concours qu'elles sollicitent de ces derniers, les autorités ecclésiastiques continuent, comme par le passé, de dispenser des secours aux autres pauvres : non seulement les malheureux qui mendient aux portes des sanctuaires reçoivent directement des visiteurs et des pèlerins des aumônes et bénéficient parfois de la générosité d'un puissant qui, tel le roi Childebert II, fait servir par Sigoaldus à leur intention un festin, mais encore l'évêque à Tours et, dans les vici, les archiprêtres, comme l'Évangile et les canons conciliaires leur en font une loi, prélèvent toujours sur le budget de leur église,

724 L'ÉDIFICATION DE LA CITÉ MARTINIENNE

c'est-à-dire sur des ressources dues elles aussi à la générosité des fidèles, de quoi procéder à des distributions en espèces ou en nature.

L'assistance aux malades

Mais il est une catégorie de pauvres dont la misère ne peut être soulagée uniquement par des secours de cette nature : ce sont les malades et les infirmes. Certes, en 511, le concile d'Orléans se borne à prescrire aux évêques de distribuer vivres et vêtements aux infirmis qui debilitate f adente non possunt suis manibus laborare643, et les Pères à nouveau réunis dans cette cité en 549 rappellent que ce devoir n'incombe pas seulement aux évêques, mais à tous les chrétiens, ajoutant qu'il doit s'exercer tout particulièrement à l'égard des lépreux644. Bien sûr, l'effort financier qui leur était demandé ne dispensait pas les clercs et les fidèles de visiter les malades pour leur apporter individuellement des soins et un réconfort moral. Mais, depuis quelques décennies déjà, certaines Églises de Gaule avaient été dotées, par la générosité de riches particuliers óu à l'initiative de leur évêque, d'établissements spécialisés, où les malades isolés et démunis de ressources étaient hébergés et soignés. Sans doute ne peut-on guère ajouter foi au récit à demi- légendaire dans lequel Grégoire situe quelque part dans le Jura un hos- pitiolum leprosorum à l'époque où l'abbé Romain gouvernait le monastère de Condat (avant 460) 645. On sait en revanche, de sources sûres, qu'au début du VIe siècle, l'évêque Césaire avait organisé à Arles, auprès de l'église cathédrale, une domus pour les infirmis6*6 et que, vers la même époque, à Reims, un disciple de Rémi, Atolus, avait construit un xenodochium pouvant recevoir douze malades647. Le concile

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tenu à Orléans en 549 mentionne également Yecsinodochium fondé à Lyon quelque temps auparavant par le roi Childebert et son épouse Ultrogotha, pour qu'y soient assurées la cura aegrotantium vel exceptio peregrinorum648. Le mouvement se poursuit dans la deuxième moitié du siècle : ainsi, au témoignage de Fortunat, la reine Radegonde, avant de se retirer à Poitiers, institue à Athies une domus réservée aux egenis feminis, dont elle soigne elle-même les plaies649. À Chalon-sur-Saône, l'évêque Agricola (t 580) édifie dans le suburbium, nous apprend Grégoire, un xenodochium leprosorum650. Dans la province de Lyonnaise Troisième, à Pontlieue auprès du Mans, fonctionne vers la fin du VIe siècle, à côté d'une matricule des pauvres, un xenodochium, auquel l'évêque Bertrand assigne un legs dans son testament de 61 6651. Ces quelques exemples choisis parmi les mieux connus — 'il ne saurait être question ici de dresser une liste exhaustive652 — témoignent suffisamment de la diffusion dans les cités gauloises d'une institution destinée en priorité aux malades ou à certaines catégories d'entre eux, mais qui accueille également parfois des pèlerins épuisés par leur voyage. Dans ce dernier cas aussi une organisation officielle prend partiellement le relai de la charité privée qui, comme le rappelle encore le concile de Mâcon de 585, oblige à titre personnel l'évêque et les fidèles à accorder l'hospitalité aux étrangers653.

Mais à Tours qu'en est-il? Les renseignements dont nous disposons paraissent, par contraste, bien maigres et imprécis. On s'étonne d'autant plus de la discrétion des sources sur ce point que le problème des

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malades, dans cette cité, se posait avec une acuité extrême : les lieux saints martiniens attiraient et retenaient, venus de régions proches ou lointaines, des pèlerins souffrant des maux les plus divers et très souvent démunis de tout moyen d'existence. Ces étrangers venaient grossir les effectifs de la maladie dans une civitas dont les habitants, surtout les pauvres affaiblis par la malnutrition, n'étaient guère épargnés par les affections endémiques et les épidémies. Des secours que procurait l'Église de Tours à tous ces malheureux, apparaissent assez clairement dans notre documentation ceux qui relèvent de la charité privée. Les évêques de Tours ont souvent manifesté une sollicitude toute particulière pour les malades et les infirmes. À l'endroit de ces derniers, Martin, usant de ses talents de thérapeute et de ses dons de thaumaturge, avait donné l'exemple d'un dévouement constant654. Un siècle plus tard, Per- petuus, ainsi que nous l'apprend Paulin de Périgueux, s'appliquait à préparer de saintes médications, en mélangeant à de l'huile bénie un peu de poussière grattée sur le tombeau du confesseur, afin d'apporter un soulagement aux maux des pèlerins655. Ce sont ces mêmes remèdes que Grégoire, assisté par un archiatre et imité par les prêtres de son presbyterium ou par de saintes femmes comme sa nièce Eustenia, s'emploie à procurer aux malades qu'il visite656. Quant aux abbés et aux solitaires qui ont mérité d'être vénérés en Touraine comme des confesseurs, ils se sont presque tous illustrés par les cures miraculeuses qu'ils opéraient sur les «patients» qui venaient les consulter. Dans bon nombre de ces cas, il faut le souligner, les guérisons ne sont pas seulement obtenues par la récitation de prières, les bénédictions ou l'imposition des mains — tous rites qui, du seul point de vue thérapeutique, pouvaient d'ailleurs avoir un effet apaisant sur les sujets atteints d'affections psychosomatiques — mais aussi par des soins proprement médicaux. À la suite de Martin, Perpetuus, Grégoire et Monegundis administrent en potion aux malades de l'huile dont les vertus salutaires avaient été éprouvées par la médecine antique dans certaines affections657. Mais on peut parler encore à plus juste titre de traitement médical,

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lorsque Venant, Monegundis ou Senoch massent, toujours avec de l'huile, des membres atteints de contracture658, lorsque Monegundis encore et Leobardus appliquent sur des pustules ou des plaies purulentes des compresses imbibées de salive659, lorsque Senoch extrait habilement le venin en pressant la morsure faite par un serpent660. Aux soins qui sont ainsi prodigués s'ajoute souvent une distribution d'aumônes : «À tous ceux qu'il guérissait par la main de Dieu, écrit Grégoire à propos de Senoch, s'ils étaient pauvres, il donnait nourriture et vêtement»661.

Cette assistance médicale et économique était-elle aussi prêtée à certains malades, au moins à ceux d'entre eux qui étaient le plus gravement atteints, dans le cadre officiel d'établissements hospitaliers? On ne trouve à vrai dire dans les sources aucun témoignage explicite de l'existence à Tours de telles institutions. Car il semble exclu que les matricules aient pu remplir cette fonction. Dans les autres cités, leur rôle est toujours distinct de celui du xenodochium662. Certes, à Candes l'un des matricularii que met en scène Grégoire est un muet663; mais il s'agit là d'une infirmité qui ne requiert pas de soins particuliers. Quant aux marguilliers de Saint-Martin, leur intervention vigoureuse contre les séides de Claude en 585 semble bien indiquer qu'ils étaient parfaitement valides. Faut-il donc en conclure qu'à Tours les grands malades, qui auraient eu besoin d'être constamment assistés, se trouvaient, lorsque, étrangers à la cité, leur pauvreté leur interdisait de se loger à prix d'argent dans une mansio, complètement abandonnés? Certaines descriptions de Grégoire qui nous montrent des pèlerins terrassés par leur mal, gisant dans l'atrium de Saint-Martin ou dans le sanctuaire, pourraient le laisser croire. Mais il faut se garder de sauter à une conclusion hâtive sous le coup d'une impression qui doit en fait être corrigée par deux remarques : d'une part, ce spectacle de profonde détresse des pèlerins malades, la basilique l'offre surtout aux heures des offices

728 L'ÉDIFICATION DE LA CITÉ MARTINIENNE

diurnes, alors que de nuit, après les vigiles, elle apparaît au contraire déserte et même fermée; d'autre part, et d'une manière générale, il est bien évident que, là où existaient des «hôpitaux», ceux-ci ne donnaient asile qu'à une partie assez faible des malades, de même que les matricules n'accueillaient qu'une minorité parmi les pauvres664. Tout ceci invite à scruter plus attentivement les textes. Quelques notations de Grégoire suggèrent qu'à défaut d'établissements spécialisés, la fonction hospitalière était assurée à Tours par des monastères, notamment par ceux qui se dressaient aux abords de Saint-Martin. Bien sûr, dans les récits qui ont pour cadre ces communautés, l'historien, à son habitude, donne la vedette aux cures opérées de façon instantanée : à peine franchie la porte du monastère, le malade est miraculeusement guéri de la main de l'abbé ou de l'abbesse. Mais on peut penser que, en fait, dans la grande majorité des cas, il fallait, pour obtenir une amélioration dans l'état du patient, des soins longuement répétés, c'est-à-dire une hospitalisation. Que l'on relise les Vies de quelque confesseurs tourangeaux : Grégoire nous y apprend que l'abbé Venant obtenait parfois la guérison d'un paralytique en faisant coucher celui-ci dans son propre lit 665 pius instructif encore paraît le compte-rendu que donne l'historien des occupations quotidiennes de Monegundis : il nous montre l'abbesse présidant aux repas ascétiques des moniales, s'accordant quelque repos dans une cellule sans confort et partageant, dans l'intervalle, tout son temps entre la prière et les soins dispensés aux infirmes : Ibique in Dei laudibus degens, multis infirmis, oratione facta, salutarla impertiebat medicamenta666. Voilà qui suppose, semble-t-il, la présence permanente de malades hospitalisés dans les locaux du monastère. D'ailleurs, à l'approche de la mort de leur abbesse, les moniales s'inquiètent : bientôt Monegundis ne sera plus là pour préparer les médications habituelles; il est donc nécessaire qu'avant de mourir, elle bénisse un mélange d'huile et de sel en quantité assez grande pour assurer une provision à la communauté; car si ce remède venait à leur manquer, les moniales seraient obligées «de mettre les malades dehors»667. Il est probable que ceux-ci pouvaient être également hébergés dans d'autres monastères de la civitas : ainsi, dans celui qu'il dirigeait, Senoch, sauf pendant ses

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périodes de retraite, se tenait «à la disposition des infirmes»668. Il faut le remarquer, dans d'autres cités à partir du VIe siècle, l'établissement hospitalier était assez souvent annexé à un monastère669, les moines ou les moniales étant disponibles pour jouer le rôle d'infirmiers. Au fond, il n'en allait sans doute pas autrement à Tours : mais la solution apportée au problème de l'accueil des grands malades paraît y avoir été élaborée à une époque relativement ancienne — à se fier au témoignage de la Vita sancii Venantii, à la fin du Ve siècle — alors que le premier essor du pèlerinage commence à conduire à Tours des visiteurs frappés d'infirmités en assez grand nombre. Or à cette époque, le xenodochium était une institution encore inconnue ou du moins très peu répandue en Gaule; lorsque, par la suite, celle-ci se diffusa, on n'éprouva sans doute pas la nécessité, dans la cité ligérienne, d'adopter le terme nouveau pour désigner les organismes hospitaliers qui y avaient été créés quelques décennies plus tôt et qui ne s'y distinguaient pas des monastères. À Tours, l'assistance était donc bien assurée sous toutes les formes qu'inspire la charité chrétienne.

En mettant les richesses qu'elle avait peu à peu accumulées, les forces de la milice qu'elle recrutait au service des pauperes, les humbles et les indigents, l'Église tourangelle montrait qu'elle était restée fidèle à l'enseignement de Martin. Par là même, les successeurs du saint confesseur se sont efforcés de faire passer dans la réalité quotidienne, de façon exemplaire, l'idée qu'ils se faisaient de la mission dévolue à Tours, héritière de l'Apôtre.

Chapitre IX. Urbs Martini : histoire et idéologie

Jusqu'au IVe siècle, Tours, médiocre civitas d'une province périphérique de l'Empire romain, n'avait pas eu d'histoire qui lui appartînt en propre. Elle n'avait d'ailleurs trouvé nul historien pour s'intéresser, si peu que ce fût, à son pâle destin. C'est avec la conquête chrétienne et plus précisément avec l'apostolat de Martin que Tours naît à l'Histoire. Dès lors dans la cité ligérienne, des événements, liés à sa vocation religieuse nouvelle, paraissent dignes de retenir l'attention. En mettant en lumière les vertus dont avait fait preuve Martin durant son épiscopat, Sulpice Sévère, le premier, fait sortir de l'ombre la ville où son héros avait exercé cette charge. Par la suite, deux des plus grands prélats tourangeaux, Perpetuus, en passant commande littéraire à plusieurs poètes — notamment à Paulin de Périgueux — , puis Grégoire, en tenant lui-même la plume, reprennent le récit de Sulpice Sévère et le prolongent par l'histoire ultérieure de leur cité, pour laquelle ils revendiquent l'héritage martinien. À ces différentes relations se mêle une réflexion sur la signification des événements advenus, une signification qui s'enrichit à mesure que passe le temps et que chaque nouveau témoin jouit d'un plus grand recul pour former son jugement. Le dernier venu, Grégoire, pour donner encore plus de champ à son investigation, remontant jusqu'aux origines de l'humanité, situe sa chronique tourangelle dans une perspective historique universelle. L'évêque ne s'est pas fait historien par dilettantisme, mais par devoir : plus encore que ses prédécesseurs, dont il a médité les œuvres, il est persuadé que sa cité a, de toute éternité, été prédestinée à jouer un rôle capital dans le plan divin sur le monde; dans son passé, il lit et veut faire lire le sens de la mission qui est impartie à celle-ci. Après une lente maturation, l'idéologie tourangelle trouve enfin dans les ouvrages de Grégoire son expression la plus achevée.

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I - La ville de l'apôtre des Gaules

1) Sulpice Sévère : suggestions et réticences

Un premier développement de la réflexion aboutit à établir, dans le cadre de l'évangélisation de la Gaule, un lien providentiel entre Tours et Martin. Dans l'œuvre de Sulpice Sévère, l'idée affleure encore à peine; mais elle s'amorce avec le thème de l'apostolicité de Martin, auquel l'écrivain donne une résonance de plus en plus large à mesure que mûrit sa pensée. Le biographe, dans la Vita, présente son héros comme le successeur légitime des Apôtres, l'héritier de la mission et des pouvoirs dont le Christ avait investi ces derniers. Les miracles et la prédication du confesseur manifestent en effet en sa personne la continuité de la tradition apostolique : déjà à Ligugé, alors qu'il n'était encore que simple exorciste, le saint, en ressuscitant deux morts, s'était révélé potens etiam et vere apostolicus1; de nombreuses années plus tard, à Trêves, les remontrances qu'il a le courage d'adresser au tyran Maxime font apparaître l'évêque de Tours, au milieu d'un groupe de prélats qui s'abaissent aux plus viles flatteries, comme l'unique détenteur, dans sa parole, de l'apostolica auctoritas2. Revenant sur cette affaire dans la Chronique, Sulpice renchérit sur ses précédentes déclarations, en affirmant que Martin est «un homme tout à fait comparable aux Apôtres»3; par la bouche de Postumianus, il reprend et confirme, dans les Dialogues, ce jugement : Martin, fait-il dire à son interlocuteur, est «en tout semblable aux Apôtres», per omnia Ulis consimilis4. Le parallèle trouve une illustration dans un épisode inédit de la vie du confesseur, dont le biographe donne la primeur dans sa lettre à Eusèbe : au cours d'un incendie, Martin a réussi à surmonter «par sa vertu» l'épreuve du feu, en combattant ce dernier par la prière, de même que jadis, «par la

-URBS MARTINI: HISTOIRE ET IDÉOLOGIE 733

puissance de leur foi», Pierre ou encore Paul avaient échappé, l'un et l'autre, dans des circonstances différentes, aux abîmes marins qui menaçaient de les engloutir5. Mais dans le discours qui clôt les Dialogues, Sulpice Sévère va beaucoup plus loin, lorsqu'il s'écrie : «Heureuse sans doute est la Grèce qui a mérité d'entendre les prédications de l'Apôtre; mais les Gaules n'ont été nullement délaissées par le Christ qui leur a donné Martin»6. Ce dernier n'apparaît plus seulement comme un vir apostolicus, un successeur des Apôtres. Ayant reçu sa mission directement du Christ, il est lui-même un des Apôtres, le treizième, auquel avait été réservée l'évangélisation de la Gaule.

Dans un tel contexte, le rôle particulier dévolu à Tours comme centre de cet apostolat n'est, contre toute attente, guère mis en valeur par Sulpice Sévère. À deux reprises seulement l'écrivain y fait référence, mais sans jamais insister. Lorsqu'il relate tout d'abord l'élévation de Martin au siège tourangeau, il souligne dans l'événement l'intervention de la volonté divine : c'est cette dernière qui a inspiré l'élection populaire et qui a ensuite triomphé de la résistance des prélats appelés à la consécration du nouvel élu, en confirmant par la voix inspirée d'un psalmiste le choix du peuple chrétien7. Mais en présentant par ailleurs la charge episcopale comme un fardeau imposé à l'ascète pour l'éprouver, en s'efforçant de démontrer que, chez ce dernier, la virtus et Yauc-

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toritas ne dérivent pas de la consécration episcopale et qu'en d'autres temps et d'autres lieux le confesseur « aurait pu aussi bien que voulu être un martyr», le biographe soutient une thèse8 qui interdit d'accorder un rôle privilégié à Tours. Pourtant, il semble tout près d'associer cette dernière à la gloire de Martin dans l'envolée lyrique sur laquelle s'achèvent les Dialogues. Engageant Postumianus à diffuser au cours de son voyage de retour le «procès-verbal des entretiens» tenus à Primu- liacum, il encourage son ami à s'arrêter d'abord en Campanie, auprès de Paulin, en qui il trouvera un auditeur favorablement prévenu. Car, ajoute-t-il, «Paulin n'est pas jaloux de Martin, dont il sait apprécier les gloires et les miracles accomplis au nom du Christ : il ne refusera pas de comparer notre saint évêque à son cher Félix»9. De la même façon, Postumianus, s'il fait escale en Afrique, devra répéter à Carthage ce qu'il vient d'entendre : « Carthage sans doute. . . connaît déjà notre grand homme. Mais il est bon que, maintenant surtout, elle apprenne plus de choses sur Martin : cela l'empêchera d'admirer trop exclusivement le martyr dont le sang l'a consacrée, son grand martyr Cy- prien»10. Il ne s'agit plus de comparer, comme l'avait proposé Sulpice à ses hôtes, à l'ouverture de leur colloque, le prestige que l'Orient a acquis grâce à ses ascètes et celui que Martin a conféré par ses «vertus» à la Gaule. L'écrivain fait allusion à une pieuse rivalité de «clochers» qui pourrait opposer entre elles des villes également fières de leurs saints patrons respectifs, une rivalité qui, conclut-il, n'a, en fait, pas lieu d'être. On perçoit ici l'écho d'un thème développé avec prédilection, à la même époque, précisément par Paulin de Noie11 et également par Prudence 12 : chaque ville de quelque importance a été dotée,

URBS MARTINI : HISTOIRE ET IDÉOLOGIE 735

par une distribution providentielle, d'un saint — apôtre, martyr ou confesseur — qui, lui apportant la lumière de la foi, l'a illustrée de son vivant et continue de l'illustrer depuis son tombeau. Mais, il faut le remarquer, dans les lignes où Sulpice Sévère exploite cette conception, le nom de Tours, que semblait appeler la confrontation avec Noie et Carthage, n'est pas mentionné ; à la cité qui a mérité d'avoir pour évê- que Martin et de posséder son sépulcre, est refusé tout éloge. L'omission, sans nul doute volontaire, s'explique très probablement par la rancune que le biographe nourrissait contre la cité ligérienne, depuis que celle-ci avait choisi pour chef spirituel le traître Brice13. Aux yeux du disciple fidèle, Tours, en laissant sombrer la mémoire du saint confesseur dans l'oubli, avait démérité de Martin et perdu le droit de le revendiquer pour sien : elle n'avait plus sa place dans une géographie providentielle du salut.

Perpetuus et Grégoire, les deux évêques qui ont le plus contribué par leurs efforts à faire de Tours le haut lieu du culte martinien et à diffuser par l'écrit cette image de leur cité, étaient tous deux de fervents lecteurs de Sulpice Sévère. Dans les ouvrages de ce dernier, ils ont puisé leur foi en la puissance du saint confesseur, mais aussi, malgré les silences ou les réticences du biographe à ce sujet, la certitude que Martin avait bien été — comme Paulin le disait de Félix pour Noie — «donné» à Tours: témoins des miracles que le thaumaturge continuait de procurer depuis son tombeau, ils se sentaient assurés que ce dernier n'avait pas quitté sa ville, où il poursuivait sa mission.

2) Perpetuus et Paulin de Périgueux : une version tourangelle actualisée de la mission martinienne

De facon significative, le projet littéraire que Perpetuus a conçu et dont il a confié la réalisation au poète Paulin de Périgueux se présente comme une mise à jour de l'œuvre de Sulpice Sévère. Ce caractère apparaît tout d'abord, à l'évidence, dans la composition du poème;

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après avoir, dans les cinq premiers livres, raconté la vie de Martin en habillant de vers le récit, déjà ancien, de Sulpice Sévère, Paulin donne à celui-ci le prolongement que peut attendre un lecteur contemporain : un sixième livre, rédigé à partir de procès-verbaux établis par Perpetuus 14, publie les miracles que, depuis sa mort, le thaumaturge a opérés à son tombeau. Mais l'actualisation de l'ouvrage de Sulpice Sévère revêt aussi une autre forme, plus subtile : bien que, dans toute la partie de son œuvre où il est tributaire de ce dernier, il ait suivi de très près son modèle, Paulin a en réalité réécrit la biographie de Martin dans une optique différente de celle de son devancier; des faits relatés par Sulpice, lorsque ceux-ci s'y prêtent, le poète donne — on le décèle à quelques nuances — une version plus favorable à Tours, celle sans aucun doute que justifiaient aux yeux de Perpetuus les événements récemment advenus dans sa cité. Car on ne saurait le contester : c'est bien l'ensemble du poème, et non pas seulement son dernier chant, qui a été composé, ainsi que l'a démontré A. H. Chase, à la demande de l'évêque tourangeau. En témoigne tout d'abord le Prologue qui n'est pas, comme on l'a prétendu longtemps, une introduction au seul livre VI, mais qui constitue la préface de tout l'ouvrage15; rédigé avant que ce dernier fut achevé et maintenu en tête de l'édition définitive, il mentionne en effet la première commande de Perpetuus : celui-ci avait envoyé au poète «l'histoire» de Martin — c'est-à-dire le texte de la Vita Martini de Sulpice Sévère — qui devait lui servir de canevas pour composer les livres I à III16; le prélat fit ensuite tenir à Paulin, comme l'at-

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testent les premiers vers du chant IV, un exemplaire des Dialogues qui fournissent la matière des deux livres suivants 17, avant de lui faire parvenir sa propre relation utilisée pour la rédaction du livre VI 18. D'une

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commandite venue de la cité ligérienne témoignent aussi, dans les cinq premiers chants, des allusions à la situation tourangelle contemporaine et notamment à l'essor récent du pèlerinage martinien19. Ces informations, ainsi que des instructions qui leur étaient probablement jointes, devaient permettre à Paulin de transposer dans une tonalité plus tourangelle l'œuvre de Sulpice, afin que l'activité déployée par Martin de son vivant apparût bien comme le prélude aux manifestations de sa vir- tus posthume à Tours. C'est donc dans l'ensemble des six livres du De vita sancii Martini episcopi que l'on peut percevoir l'écho des idées inspirées par l'évêque au poète, interprète de ses intentions.

Paulin de Périgueux prend pour point de départ de son ouvrage la conclusion à laquelle Sulpice Sévère n'était parvenu qu'au terme de sa réflexion. Le chant I s'ouvre en effet avec la Bonne Nouvelle annoncée par le Christ et transmise, sur son ordre, par les Apôtres à toutes les contrées de l'univers. Dans l'œuvre missionnaire, les pays reculés de la Gaule (extremis Gallis) n'ont pas été oubliés par le Sauveur :

Ille ergo, in totum cui par miserano mundum, sévit et in nostris miracula plurima terris, donans extremis Martini insignia Gallis10.

Ainsi donc Martin est présenté d'emblée comme l'apôtre envoyé pour évangéliser la Gaule. Dans le cours de l'ouvrage, le thème reparaît à plusieurs reprises, souligné de réminiscences scripturaires. Comme les premiers disciples, Martin a bénéficié d'une effusion de l'Esprit Saint (Actes, 10, 44), qui inspire déjà son geste charitable à l'égard du pauvre d'Amiens21. De même dans la virtus miraculeuse qui permet ensuite au

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saint évêque d'abattre les sanctuaires païens par sa seule prière, Paulin reconnaît les pouvoirs promis aux Apôtres par le Christ après sa Résurrection (Marc, 16, 15-18)22. Le poète exprime à nouveau cette idée dans une pièce de vers destinée à être gravée dans la basilique Saint-Martin; évoquant les guérisons opérées par le thaumaturge, il commente : Om- nis apostolicis gaudet curatio signis22. Il s'agit là d'un thème particulièrement cher à Perpetuus — il faut le noter — puisqu'il est repris dans d'autres tituli du sanctuaire, composés par l'évêque ou inspirés par lui : Martin, renouvelant les miracles du Christ24, apostolus actu25, y est présenté comme un nouveau Paul26.

Mais dans le cadre de cette mission apostolique en Gaule, l'élévation au siège episcopal de Tours n'est plus tenue pour une péripétie secondaire. La ville, dont Paulin célèbre, au début du Livre II de la Vita, l'éclat et la prospérité matérielle27, était animée d'une sainte ambition; elle appelait de ses vœux ardents Martin qu'elle souhaitait faire sien :

Sed pollere magis cupiens antistite tali ardebat tous Martinum adsciscere votis28.

Ces vœux répondaient à la volonté divine. Avec plus de force que son devancier, la poète, en commentant la scène mouvementée de l'élection et de la consécration du nouvel évêque, le proclame : c'est par décision du Christ que Martin a été appelé à exercer la charge episcopale à Tours,

Nam vere nullt licuit nescire vocantis judicium Christi per tot documenta probatum 29.

740 L'ÉDIFICATION DE LA CITÉ MARTINIENNE

Et si la dignité episcopale dont Martin est revêtu ajoute à sa gloire déjà immense30, elle fait toute celle de Tours: celle-ci est désormais Yurbs Martini31, une cité que sanctifie la présence de l'apôtre et dans laquelle Dieu opère des miracles par l'entremise de son serviteur. Pour illustrer la virtus du saint, le poète s'attarde, non sans intention, à décrire particulièrement quelques-unes des cures opérées par le thaumaturge avec de l'huile bénie de sa main. Après avoir relaté au livre V les circonstances dans lesquelles Martin avait rendu, grâce à cette médication infaillible, la parole à une jeune muette (Dial., Ill, 2)32, il en arrive, en suivant son modèle, aux épisodes relatifs à ces ampoules d'huile bénie que la femme du comte Avitianus et le biographe lui-même s'étaient procurées à Tours (Dial., Ill, 3). Mais avant d'entamer ce nouveau chapitre et pour mieux mettre en valeur les faits qu'il va exposer, Paulin se lance dans un ample développement33 — totalement absent du texte des Dialogues — , dans lequel il esquisse à grands traits une géographie du miracle : il existe dans le monde, explique-t-il à son lecteur, des sancii religione loci34, où la grâce divine dispense ses bienfaits aux suppliants; Bethléem où «naquit le Verbe de Dieu», et, plus encore, Jérusalem qui vit sa Passion et sa Résurrection sont par excellence les Lieux Saints d'où émanent toujours des effluves sacrés. Aussi les fidèles ont-ils pris l'habitude de venir déposer dans les sanctuaires palestiniens des vases d'huile pour que ce liquide s'y charge d'une vertu surnaturelle. Mais «ceux que l'intervalle d'une longue route sépare de ces lieux et retient éloignés dans d'autres pays»35 n'ont pas été oubliés par la Providence divine qui a distribué les saints sur toute la terre : ils peuvent recevoir les mêmes secours, en présentant de l'huile à la bénédiction de ces «hommes justes»36 ou en l'exposant auprès de leurs tombeaux. Depuis que Martin y a revêtu la charge episcopale, Tours est devenue, par sa présence, un de ces loci sancii. Ainsi, en s'adressant «dans son voisinage à la piété du grand prélat», l'épouse d'Avitianus, lorsqu'elle pria

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celui-ci de bénir un flacon d'huile à son intention, était assurée d'obtenir «les faveurs célestes aussi facilement, grâce aux prières de Martin, que si, d'un vol rapide, elle s'était transportée à la hâte jusque dans le tombeau du Seigneur pour y porter ses vœux»37. Dans cette géographie providentielle de la sainteté qui n'est certes pas nouvelle, Tours trouve pour la première fois une place, et une place de choix. En mettant en parallèle la cité ligérienne avec Jérusalem, Paulin entend sans aucun doute évoquer les deux points extrêmes de la mission accomplie par les Apôtres. Celle-ci a commencé en Orient, à Jérusalem, dont l'Église a reçu la première — du Christ lui-même — son évêque, en la personne de l'Apôtre Jacques; elle s'achève dans l'Extrême-Occident — extremis Gallis — , lorsque Martin, dernier venu dans le collège apostolique, est donné à Tours pour évêque. Ce n'est en effet certainement pas coïncidence fortuite si Perpetuus, qui a insufflé ses idées au poète, fait représenter sur l'un des murs de la basilica Martini le trône de Jacques dans l'Église de Sion — mater omnium ecclesiarum, comme le précise la légende accompagnant cette image — 38 et graver, sur la paroi opposée, l'inscription métrique — commentant probablement une autre image — où Paulin range les miracles guérisseurs de Martin parmi les aposto- licis signis39.

Le livre V du De Vita sancii Martini episcopi s'achève sur la mort de l'évêque et sa glorieuse assumption. Mais Paulin prend soin de rassurer aussitôt son lecteur : le saint confesseur demeure présent par sa virtus et il continue depuis son tombeau de dispenser des secours à ceux qui viennent l'implorer. Dans une envolée lyrique, le poète s'adresse à Martin :

Vix solum a nobis potuisti abscondere vultum, nobiscum pietate manens. Te saepe fréquentes invisunt populi, coram curano vivit, adsunt optatae confestim dona salutis.

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Verba silent, sed signa nitent. Si corpore paulum a visu abstraheris, praesens virtute videris40.

L'une des inscriptions que Perpetuus fait graver auprès du tombeau exprime la même certitude : Hic conditus est sanctae memoriae Marti- nus episcopus, cujus anima in manu Dei est; sed hic totus est praesens, manifestus omni gratia virtutum41.

Le thème est repris par Paulin à l'ouverture du chant VI :

Instauras nostram renovanda ad murmura curam, dum vitam virtute probas, non clause sacerdos lege obitus, carnisque sine carne superstes cerneris, expeteris, contingeris atque teneris. Dum largiris opem praesentem, ostendis honorem, Quaerenti adsistens et numquam absconse precanti42.

En relatant quelques-uns des miracles accomplis depuis sa mort par le saint confesseur, ce dernier livre de l'ouvrage doit précisément apporter les preuves que la virtus de Martin est toujours agissante. Dans ses manifestations posthumes, l'auteurs s'efforce de mettre en valeur la continuité d'une action qui ne s'est point achevée avec la vie. Le témoignage, que Paulin tient pour le présent de l'évêque Perpetuus, fait écho à celui que portait pour le passé Sulpice Sévère, ou, plutôt, il confirme ce que les récits du biographe, dans la transposition opérée par le poète, annonçaient déjà. D'une partie à l'autre du grand poème en l'honneur de Martin — les cinq livres consacrés à son existence terrestre et le sixième à sa glorieuse survie — se répondent les mêmes thèmes. Martin, de son vivant, avait été, lors de son voyage en Illyrie et ensuite en Italie, en butte à des persécutions de la part des ariens. À ces épisodes brièvement narrés par Sulpice Sévère43, Paulin avait donné, au livre I de son œuvre, un grand relief : l'ascète devient le héros d'un combat qu'il engage lui-même contre les hérétiques : «il attaque les évê- ques, il attaque le peuple»44. C'est que cette conduite préfigure l'inter-

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vention posthume du confesseur se portant au secours d'Aegidius, assiégé dans les murs d'Arles par les Wisigoths ariens, et faisant annoncer à Tours par la voix d'un possédé la victoire du général catholique45. Dans l'un et l'autre cas, Martin anime la résistance à l'hérésie dont les progrès foudroyants, à la grande inquiétude du poète, menacent désormais la Gaule tout entière. De même, l'évêque avait, dans l'exercice de sa charge, guéri bien des malades, notamment en leur administrant, ainsi qu'on l'a vu, de l'huile qu'il avait préalablement bénie. À son tombeau, ses dévots — et Perpetuus lui-même en donne l'exemple — viennent maintenant, comme l'annonçait déjà au livre V l'exposé relatif à cette pratique46, déposer des flacons d'huile : cette dernière se charge toujours au contact du corps saint de la benedictio du thaumaturge et procure les mêmes cures salutaires qu'au temps de Sulpice Sévère47.

Ainsi se manifeste, dans sa continuité, l'action de Martin à Tours. De même que son contemporain Sidoine Apollinaire, Paulin préfère jeter un voile pudique sur l'époque, encore peu lointaine, où le souvenir du confesseur disparu n'était guère présent dans sa propre cité48. Qu'importe, puisque la tradition est renouée : c'est en effet un peu de l'Apôtre qui revit en Perpetuus, son fidèle disciple et son porte-parole inspiré49. Grâce à lui, Tours se retrouve, conformément à sa vocation,

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ville de Martin, bastion de sa foi, haut lieu de ses miracles. Et elle le demeurera à jamais. Le poème à la gloire de Martin s'achève à la gloire de Tours — et de Perpetuus — sur une note triomphale :

Perpetuo urbs Turonum Martino antistite gaudet50.

3) Grégoire et son ami Fortunat : l'hagiographie de la cité martinienne

Grégoire de Tours et Venance Fortunat sont eux aussi les héritiers spirituels de Sulpice Sévère et, par certains de leurs écrits, ils se présentent comme les continuateurs de Perpetuus et de Paulin de Péri- gueux. Cette définition vaut surtout pour l'évêque-historien et, dans une œuvre ou, à vrai dire, n'est négligée aucune occasion de célébrer Martin et sa ville, elle s'applique plus particulièrement aux quatre livres De virtutibus beati Martini episcopi. En effet dans cet ouvrage, Grégoire commence par rappeler brièvement le sujet traité par Sulpice dans la Vita et les Dialogues (VM, I, 1), puis il résume avec soin le livre VI de Paulin de Périgueux (VM, I, 2), avant d'apporter à son tour un témoignage sur les manifestations posthumes de la virtus martinienne ab eo tempore. . . quo Paulinus reliquit51 : il publie d'abord au livre I les virtu- tes quae sub antecessoribus nostris factae sunt52 et qu'il a pu apprendre de «personnes fidèles»53 et consacre les trois livres suivants à la relation des faits miraculeux advenus sous son propre épiscopat54. L'écrivain s'est donc efforcé de constituer une sorte de «somme» martinienne, en rassemblant tout ce que l'on pouvait connaître de l'activité passée et présente du thaumaturge. Ce faisant, Grégoire reprend aussi à son compte tout ce qui a été acquis par la réflexion antérieure et il ajoute de nouveaux éléments pour étayer la démonstration d'une thèse qu'il fait sienne et entend développer : à mesure que ses procès-verbaux allongent la liste des miracles opérés par le saint à Tours — et ils sont désormais la très grande majorité — , les preuves s'accumulent, irréfu-

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tables à ses yeux, qu'une mission spéciale a bien été dévolue par la Providence divine à cette cité.

Malgré la dévotion qu'il porte au saint évêque de Tours et qui lui a inspiré un grand nombre de vers, Fortunat n'appartient que pour une faible part de son œuvre à la lignée des écrivains qui ont fait progresser l'idéologie tourangelle. Certes, le poète a célébré à plusieurs reprises les miracles accomplis de son vivant par Martin en des pièces métriques, destinées pour certaines, semble-t-il, à être gravées sur les murs de X ecclesia de Tours55, et surtout il a entrepris de composer une grande geste martinienne. De ce projet ambitieux, il a réalisé la première partie sous la forme d'une Vita sancii Martini en quatre livres, qui constitue une nouvelle version poétique de l'œuvre de Sulpice Sévère56. Il se proposait de donner, comme l'avait fait Paulin de Périgueux, mais grâce au recul du temps, avec plus d'ampleur que ce dernier, une suite au récit biographique. Cette intention perce déjà dans les derniers vers du chant IV : celui-ci s'achève sur un envoi dans lequel le poète, adjurant son livre d'aller porter un peu de lui-même dans son pays d'Italie, évoque les guérisons miraculeuses que Martin, depuis son séjour céleste, y avait opérées en sa faveur et en celle de son ami Felix57. Mais c'est surtout dans la lettre par laquelle il dédicace les quatre livres de la Vita à Grégoire, que Fortunat se fixe un nouveau programme de travail : «quand vous aurez décidé, écrit-il, que, par l'aide du Christ et l'intercession du Seigneur Martin, l'ouvrage où vous avez retracé les miracles de ce grand saint doit être mis en vers, vous ordonnerez qu'on m'en transmette un exemplaire»58. L'évêque de Tours n'était pas hostile — il

746 L'ÉDIFICATION DE LA CITÉ MARTINIENNE

le déclare lui-même à la fin de l'Historia Francorum — à un projet de cette nature59. Mais le temps peut-être, et, plus certainement, le souffle ont manqué à Fortunat pour le mettre en œuvre. Car le poète était sans aucun doute inférieur à la tâche entreprise, comme en témoignent les quatre livres de la Vita sancii Martini : il s'agit là d'un pur exercice littéraire pour lequel il n'a pas su, comme Paulin de Périgueux un siècle plus tôt, renouveler le sujet, lui donner un regain d'actualité. Fortunat s'est en effet contenté d'agrémenter les faits qu'il emprunte à son modèle, et qu'il résume d'ailleurs très rapidement60, de descriptions oiseuses et d'effets rhétoriques avec lesquels il croit donner la mesure d'un grand talent61 : ainsi la scène du manteau coupé en deux lui offre-t-elle seulement l'occasion de peindre un paysage hivernal en Ambianie et de comparer, en une série d'antithèses d'un goût douteux, le froid qui glace les membres de Martin et l'ardeur qui embrase son âme charitable62; de même, la scène du banquet à la cour de Maxime devient essentiellement prétexte à décrire, dans le plus grand détail, le fastueux apparat de la table impériale63. Les récits de miracles se succèdent, sans autre lien que les effusions de pieux sentiments qu'ils suggèrent au poète et qui édulcorent dans ses vers l'œuvre puissante de Sulpice Sévère. Car Fortunat ne s'est nullement attaché à restituer la pensée du biographe, pas plus que celle de Paulin de Périgueux avec

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lequel il prétendait pourtant rivaliser64. Les seules idées qui affleurent parfois dans le poème en l'honneur de Martin ou dans les carmina, Fortunat les doit à son contemporain et ami, l'évêque de Tours : s'il n'est pas, comme Paulin l'avait été pour Perpetuus, l'interprète constant et fidèle de Grégoire, il a néanmoins, et presque malgré lui, subi son influence. Et c'est dans la mesure où ses vers témoignent de la diffusion des thèmes chers à l'historien, qu'ils méritent en quelques cas d'être cités pour illustrer le développement de l'idéologie tourangelle à la fin du VIe siècle.

De l'œuvre de Sulpice Sévère, Grégoire retient essentiellement une phrase de la déclaration qui clôt les Dialogues ; il rappelle que le biographe avait égalé Martin «aux Apôtres et aux premiers saints», allant jusqu'à dire que — et ici l'historien cite sa source presque mot pour mot — felicem quidem Graeciam, quae meruit audire apostolum praedican- tem; sed nec Gallias a Christo derelictas, quibus donava habere Marti- num65. Dans la Préface du Premier Livre De Virtutibus beati Martini episcopi, Grégoire faisait déjà sienne cette idée, en affirmant que Dieu avait envoyé Martin «aux nations menacées de périr» {gentibus peritu- ris)66; et il y revient, en formulant plus clairement sa pensée, au chapitre 3, lorsqu'il retrace la carrière du confesseur, né «à Sabaria, ville de Pannonie, mais destiné par la miséricorde de Dieu au salut des Gaules»67. Nouveau Paul comme le suggérait déjà Sulpice, Martin a reçu les mêmes pouvoirs que Pierre; dans sa bouche, Grégoire place les paroles prononcées par ce dernier lorsque, après la Pentecôte, il accomplit son premier miracle en faveur d'un mendiant infirme : «Je n'ai ni or ni argent; mais ce que j'ai je te le donne : au nom de Jésus-Christ, lève-toi et marche» {Actes, 3, 6)68. Pour rendre le thème de l'apostolicité de Martin plus accessible à ses lecteurs, l'écrivain l'illustre avec des images empruntées à un répertoire que Paulin de Noie et Prudence avaient déjà exploité pour célébrer les premiers disciples du Christ.

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Apôtre, Martin est venu apporter la lumière de la foi : il est, inter reli- qua luminaria, «l'astre immense» (immensum sidus) par lequel les ténèbres deviennent brillantes69, le 50/ novus qui s'est levé «pur et resplendissant» sur un monde proche de sa fin70. Et les rayons de cet astre nouveau sont destinés à éclairer la Gaule vers laquelle Dieu a dirigé sa course; évoquant les débuts de la prédication martinienne, Grégoire s'écrie : tune jam et lumen nostrum exoritur, novisque lampadum radiis Gallia perlustratur71. Semblable à l'olivier fertile (Ps., 51, 10) qui produit, de conversionibus miserorum, ses fruits pour le Seigneur72, Martin est encore présenté sous les traits du médecin : et il ne s'agit pas seulement ici des pouvoirs guérisseurs du. thaumaturge, mais de la mission salvatrice confiée à l'apôtre, que le Tout-Puissant «a daigné nous accorder pour guérir nos infirmités, pour cicatriser nos plaies et nous apporter d'efficaces médicaments»73. Quelques-unes de ces formules imagées se présentent également sous la plume de Fortunat : le Dieu unique en trois Personnes, déclare le poète, a répandu partout la lumière apostolique {lumen apostolicum) et, pour qu'un jour nouveau se lève sur toutes les contrées de la terre, il a envoyé Pierre à Rome, Paul aux Illyriens et aux Scythes, Matthieu aux Éthiopiens, Thomas aux Perses, Barthélémy à l'Inde, André à l'Achaie et Martin à la Gaule74. Dans cette région, ce dernier s'élève comme un phare puissant qui projette au loin une lumière éblouissante75. En d'autres vers, Fortunat choisit ses comparaisons dans le registre agraire : avec Martin, providentiellement conduit de sa ville natale de Sabaria jusqu'à Tours, la semence germée en Pan- nonie a été transplantée en Gaule, pour y faire lever dans un sol ingrat les riches moissons du Seigneur76.

Mais si le poète se satisfait de quelques métaphores pour définir la mission de Martin, l'historien manifeste le souci de situer cette dernière dans le contexte particulier qui fut le sien. Présenter Martin comme l'Apôtre des Gaules — même si, par ce' dernier terme, on entend seule-

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ment désigner, par opposition à l'Aquitaine, la moitié nord du pays77 — tenait du paradoxe, puisque le confesseur n'avait pas été le premier à apporter à ses habitants la Bonne Nouvelle. Avant Grégoire, son prédécesseur et parent, Eufronius, s'était déjà avisé de la difficulté : en témoignent les considérations que développe le prélat dans la lettre adressée à la reine moniale Radegonde78 et qui révèlent que, depuis sa parution, l'ouvrage de Paulin de Périgueux n'avait cessé de susciter réflexion au sein de l'Église tourangelle. À la souveraine «venue presque de la même région» que Martin, ce dernier est donné en exemple et présenté, dans le cadre d'une répartition géographique voulue par Dieu, comme l'un de ses ouvriers, quibus agrum ejus intenta operatione fidei rastro colentibus, ad filicem centini numeri reditum divina tempe- riae Christi seges pervenire79. En effet, ajoute l'évêque, «lorsqu'au début de la religion catholique les premiers germes de la foi vénérable ont commencé à bourgeonner à l'intérieur des Gaules et, tandis que les mystères ineffables de la Trinité divine n'y étaient encore parvenus qu'à la connaissance de quelques-uns, le Seigneur, pour ne pas y moins gagner que ce qu'il avait obtenu dans le reste du monde grâce à la prédication des Apôtres, daigna envoyer le bienheureux Martin de race étrangère pour illuminer ce pays comme le lui conseillait sa miséricorde. Bien que celui-ci ne vécût pas au temps des Apôtres, il ne fut pas privé cependant de la grâce apostolique»80. Ainsi donc, la mission apostolique de Martin en Gaule se trouve justifiée par les résultats insuffisants obtenus dans cette contrée par une première prédication et, sem- ble-t-il aussi — à en juger par l'accent mis sur le dogme trinitaire — , par les menaces qu'y faisaient peser sur l'intégrité de la foi les progrès de l'hérésie arienne. Cependant, sur la première histoire du christianis-

750 . L'ÉDIFICATION DE LA CITÉ MARTINIENNE

me gaulois avant l'arrivée de Martin, Eufronius n'apporte aucune précision. Grégoire comble cette lacune : il attribue, on le sait, l'évangélisa- tion de la Gaule — après la naissance de l'Église de Lyon — à sept missionnaires envoyés à l'époque de l'empereur Dèce par le siège romain, au nombre desquels figure Catianus, le fondateur prétendu de l'Église tourangelle81. Cette légende recueillie et accommodée par ses soins82 pouvait satisfaire à un double titre les ambitions que l'historien nourrissait pour sa cité. Tout d'abord, elle donnait à Martin un précurseur digne d'annoncer sa venue83 : Catianus, disciple des successeurs de Pierre, s'il n'avait pas entièrement réussi dans sa tâche «à cause de l'opposition des païens», avait en fait — et c'était là son vrai rôle — frayé la voie à l'Apôtre, qui lui succède après le pâle intermède du règne de Litorius, à peine nommé dans le chapitre de ì'Historia Franco- rum où Grégoire résume l'histoire de son Église à ses débuts84. D'autre part, puisque Tours avait déjà été, entre bien d'autres villes plus importantes, élue pour recevoir son premier évêque en la personne du missionnaire venu de Rome, il n'était plus possible de douter qu'elle n'eût été par avance destinée à Martin et choisie pour être le centre de son nouvel apostolat en Gaule. Ainsi, sans que soient en rien diminuées les dimensions de la mission à lui dévolue, Martin se trouvait étroitement rattaché à Tours, inséré dans une succession episcopale qui se fondait sur la tradition vénérable de cette Église. C'est pourquoi les Tourangeaux avaient raison d'affirmer que Martin leur «avait été donné par Dieu»85.

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Mais ce privilège n'avait-il pas été, à la mort de l'évêque, remis en cause par la faute de son successeur? Tours pouvait-elle revendiquer encore pour sien le saint confesseur auquel elle n'avait accordé, au cours des premières décennies suivant sa disparition, aucun hommage officiel? Pour Grégoire, qui avait la tâche ingrate d'évoquer cette sombre période de l'histoire de sa cité86, il importait d'écarter définitivement les soupçons que le silence réprobateur de Sulpice Sévère à l'égard de cette dernière avait éveillés et pouvait encore entretenir auprès des lecteurs. L'historien s'y emploie, en relatant les événements qui s'étaient déroulés à Candes après le décès du saint évêque. La nouvelle avait attiré dans le petit village «les populations du Poitou et celles de Touraine». Une violente altercation mit aux prises, raconte Grégoire, les représentants des deux communautés, également désireuses de s'assurer la possession du corps saint87. Dans le débat qui s'engage, les Poitevins font valoir un droit de priorité : ils réclament leur moine, celui qui avait fondé chez eux un monastère, avant de leur être enlevé par la force pour être conduit à Tours et y être consacré à l'épiscopat. Les Tourangeaux, ajoutent-ils, peuvent se tenir pour satisfaits d'avoir, durant le reste de sa vie, eu l'usufruit de sa virtus. Mais le corps du défunt doit revenir à sa légitime propriétaire, la communauté poitevine88. Les Tourangeaux réfutent, en ordre inverse, les arguments de leurs adversaires. Ils rappellent d'abord que le saint avait manifesté une puissance miraculeuse plus efficace avant son épiscopat qu'açrès son épiscopat : «il est donc nécessaire que ce qu'il n'a pas accompli chez nous pendant sa vie, il l'achève après sa mort». Ils invoquent ensuite la volonté de Dieu, qui a conduit l'ascète de Ligugé au siège episcopal de Tours, et la coutume, «instituée de toute antiquité», selon laquelle un prélat doit être enseveli dans sa cité episcopale. Enfin ils se placent sur le terrain de la partie adverse pour mieux confondre celle-ci : si l'on voulait faire jouer en faveur d'un monastère un droit de priorité, ce serait celui de Milan qui pourrait légitimement revendiquer la dépouille mortelle de

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Martin89. Sur cette dernière réplique se clôt le débat juridique et commence une veillée, au cours de laquelle les deux parties s'observent avec méfiance, montant la garde auprès du «trésor»90 convoité. Mais Dieu, le juge tout puissant, rend son verdict : en plongeant les Poitevins dans un profond sommeil, il permet aux Tourangeaux d'enlever le corps du confesseur et de l'emporter chez eux. Il n'a pas voulu, explique Grégoire, «que la ville de Tours fût frustrée de son propre patron»91. L'anecdote n'a très certainement aucune valeur historique. On ne trouve en effet nulle trace d'une telle péripétie dans le récit que Sul- pice Sévère faisait à sa belle-mère Bassula de la mort et des funérailles de Martin92. Par ailleurs, la douleur contenue, que le biographe peignait chez les disciples accompagnant leur maître vénéré à sa dernière demeure, n'a aucun rapport avec la froide âpreté que les Tourangeaux, dans l'épisode rapporté par Grégoire, mettent à réclamer un «corps inanimé», en spéculant sur sa valeur miraculeuse. Tout suggère au contraire que l'on a affaire, dans ce dernier cas, à une légende élaborée à une époque relativement tardive93 : celle où le culte du saint était déjà institué à son tombeau, mais de façon encore trop récente pour qu'on n'éprouvât pas dans les milieux tourangeaux quelques remords et surtout quelques craintes d'avoir si longtemps laissé la sépulture dans un quasi abandon. Car, si la ville de Tours n'avait pas été menacée d'être dépossédée, après sa mort, du corps de son saint évêque, il n'en avait pas été de même pour son héritage spirituel : faute de l'avoir revendiqué aussitôt, l'Église tourangelle pouvait redouter que ce dernier ne lui fût contesté, lorsqu'un demi-siècle plus tard elle voulut renouer avec la

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tradition martinienne. Ce sont là probablement les préoccupations que traduisait la légende, en s'efforçant d'établir les droits imprescriptibles de Tours sur Martin94. C'est en tout cas le sens que lui donne Grégoire. En terminant le livre I de ÏHistoria Francorum sur le récit de cette translation miraculeusement opérée, l'historien ne se laissait pas seulement aller au plaisir de conter. Il voulait démontrer que Tours n'avait jamais été privée de la protection du saint et cela, alors même qu'allait commencer, avec le règne de Brice — relaté au début du Livre II95 — , une période où .la mémoire du confesseur n'avait pas été honorée par son Église : Martin avait été enlevé à deux reprises par les Tourangeaux, une première fois de son vivant pour qu'il devînt leur évêque, une seconde fois après sa mort pour qu'il demeurât le patron de leur cité. En permettant ce dernier rapt, comme il avait autorisé le précédent, Dieu avait confirmé sa volonté de donner l'apôtre à Tours. Celle- ci restait donc bien Yurbs propria96 de Martin.

Une fois ceci établi, il n'était plus très difficile à Grégoire de démontrer qu'elle l'était dès lors demeurée. En témoignaient les manifestations posthumes de la virtus du thaumaturge qui s'étaient multipliées depuis l'époque où Perpetuus avait commencé de les relever. «Dieu renouvelle chaque jour, écrit l'historien dans la préface du premier livre du De virtutibus s. Martini, les miracles qu'il daigna opérer par le bienheureux Martin, son pontife, quand il vivait de la vie du

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corps. Maintenant Celui-là fait briller son tombeau par les miracles qu'il opéra par lui lorsqu'il était dans le monde»97. Le plus souvent, dans ses procès-verbaux, Grégoire laisse les faits parler d'eux-mêmes. Lorsque, parfois, il accompagne le récit d'un commentaire, c'est presque toujours pour souligner, avec le verbe renovate ou l'adverbe coti- die99', la continuité et la permanence de l'activité exercée à Tours par «le plus puissant des médecins». Car toute inquiétude n'avait pas disparu des cœurs : on le vit bien un jour de Noël, où un possédé du démon annonça dans la basilique le départ de Martin; le saint, vociférait-il, avait abandonné les Tourangeaux «à cause de leurs crimes sans nombre». L'assemblée et son pasteur lui-même sentirent alors l'angoisse les saisir. Mais, sur les entrefaites, un paralytique fut redressé tandis qu'il priait auprès du saint tombeau. L'évêque laissa éclater sa joie: «que toute crainte s'éloigne de nos cœurs, car le bienheureux confesseur habite avec nous»; et le peuple de se joindre à son action de grâce: Gloria in excelsts Deo, qui, sicut quondam pastores angelico lumine, ita nos hodie praesentia confessons beati clarificavit et, eum nobis adesse, pr aesenti virtute monstravit". Grégoire ne manque pas de signaler, au nombre des interventions miraculeuses de Martin, celles qui ont pour effet de protéger plus spécialement la cité de Tours, en écartant ses ennemis ou en leur infligeant des châtiments exemplaires. Ainsi l'envoyé du roi Chilpéric, Roccolène, qui menaçait de brûler «la ville et tous ses faubourgs», fut, rapporte-t-il, empêché de traverser la Loire dont les eaux s'étaient brusquement gonflées «par la puissance du saint homme» et, frappé d'une maladie incurable, il ne tarda pas à expier par la mort le projet criminel qu'il avait osé former100. En toutes circonstances, l'historien s'efforce de discerner dans l'histoire de la civitas Turonorum, en dépit des malheurs qui ont accablé celle-ci depuis près de deux siècles, les signes du bienfaisant patronage exercé par Martin. Et sur ce point encore, Fortunat lui fait écho; le tombeau où repose le

URBS MARTINI: HISTOIRE ET IDÉOLOGIE 755

saint évêque, écrit-il dans l'épilogue de la Vita s. Martini, constitue un rempart bien plus efficace que les murs entourant la ville de Tours, puisqu'il protège aussi les campagnes environnantes : Va, dit-il à son livre,

. . . Turonum pete moenia supplex,

qua Martinus habet veneranda sepulchra sacerdos,

cujus honor tumuli facit hic sua rura tueri101.

Dans la démonstration que Grégoire reprend à Paulin de Périgueux et développe avec des exemples plus récents, l'historien insiste sur un thème à peine esquissé par son devancier 102 : dans ses interventions posthumes, de même que de son vivant, Martin agit en représentant du collège apostolique, mais aussi en qualité d'évêque de Tours. Il tient sa puissance des mérites éclatants qui l'ont égalé aux premiers disciples du Christ et l'ont réuni à ceux-ci dans le Ciel; à ce titre, il est un patron universel — toto orbi peculiaris patronus103 — qui joint ses efforts à ceux des autres saints et martyrs 104 : tous les fidèles qui invoquent son nom, aussi bien auprès du tombeau qu'en quelque lieu qu'ils se trouvent, peuvent espérer son secours. Mais, dans le même temps, Martin demeure, par delà la mort, le véritable titulaire de la chaire episcopale de Tours, la cathedra Martini 105. À un paralytique auquel il apparaît en songe, Martin décline sa qualité de Turonorum sacerdos106; pour l'ab- besse Monegundis, il est toujours Yantistes pastor magnus, auquel elle recommande sur son lit de mort ses compagnes107. Car c'est le saint confesseur qui a désigné ceux qui, à sa suite, ont occupé le siège tourangeau : il a obtenu de Dieu que Brice lui succédât 108 et, plus tard, Cato a été écarté au profit d'Eufronius «par la volonté de Dieu et de saint Martin»109. Quant à Grégoire — c'est Fortunat qui l'ajoute — , il a été envoyé par Julien de Brioude à Martin pour que ce dernier en fît le

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pasteur de son Église110. Les prélats de Tours ne sont donc en fait que les vicaires de l'Apôtre et l'évêque-historien se présente lui-même comme son porte-parole111. Voilà pourquoi Tours, qui avait jadis été préparée pour recevoir Martin et devenir le centre de son apostolat en Gaule, peut et doit continuer la mission qui fut celle du confesseur durant sa vie terrestre.

II - La cité de l'Alliance nouvelle

1) L' Historia Francorum : l'idéologie tourangelle dans une dimension historique

Cette mission que Tours a remplie avec Martin, puis héritée de lui, Grégoire la situe aussi — et c'est là son apport essentiel à l'idéologie tourangelle — dans un cadre infiniment plus vaste que celui de l'évan- gélisation de la Gaule : pour l'auteur de ÏHistoria Francorum, le rôle de la cité martinienne s'inscrit dans une perspective universelle, celle du plan divin sur le monde tout entier.

Ici, Grégoire n'est plus tributaire des hagiographes qui, avant lui, avaient célébré la gloire du saint confesseur. Ses principales sources d'inspiration — il les cite lui-même — sont les Chroniques d'Eusèbe et de Jérôme, celle de Sulpice Sévère et, plus encore, les Histoires composées par Paul Orose Adversus Paganos112. À ces différents auteurs, il a emprunté, on le sait, certains éléments de leurs calculs chronologiques113, ainsi que la teneur de plusieurs chapitres du Livre I de YHisto- ria Francorum', à travers leurs écrits, lui sont également parvenues quelques-unes des idées que les Pères de l'Église avaient développées

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dans leurs travaux exégétiques. Mais c'est, sans aucun doute, la lecture d'Orose qui lui a inspiré son projet historique, en lui offrant un modèle pour le réaliser. En effet les Sept Livres d'Histoire de l'Espagnol, malgré leur sous-titre, ne sont pas seulement l'un de ces nombreux ouvrages apologétiques destinés, après tant d'autres, à confondre les païens à l'aide à' exempta tirés de l'histoire; il ne s'agit pas non plus d'une Histoire ecclésiastique, comme celle qu'avait composée Eusèbe de Cesaree à la gloire de la foi chrétienne. Loin de se cantonner uniquement dans le monde des martyrs et des persécuteurs, des Pères et des hérésiarques, Orose avait, le premier, conçu la nécessité d'écrire, en historien chrétien, une histoire universelle dans sa totalité et d'expliquer, à la lumière de la raison et de la révélation, l'ensemble de l'évolution historique déroulée jusqu'à lui114. Or ce sont là précisément les exigences qui s'imposent, environ un siècle et demi plus tard, à Grégoire : à une époque où «le culte des belles lettres. . . se meurt dans les villes de Gaule» et où «l'on ne trouve dans le peuple personne qui soit capable de consigner par écrit les événements présents»115, l'évêque, comptable de l'héritage culturel qui lui a été transmis, se sent la responsabilité de sauver de l'oubli, sans exclusive aucune, tous les faits historiques récents parvenus à sa connaissance et tous ceux dont il est le témoin116. Dans le même temps, il est poussé à cette entreprise par le besoin impérieux de comprendre et de faire comprendre : si assurées que soient sa foi en Dieu et sa confiance en Martin, il ne voit pas sans angoisse, au moment même où le christianisme paraît l'emporter définitivement sur les erreurs païennes, se déchaîner les violences de toute sorte et triompher la barbarie117. À ce chaos d'événements contradictoires mais inextrica-

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blement liés entre eux118, il lui faut tenter, pour lui-même d'abord, et pour apaiser aussi les craintes de ses contemporains, de trouver un sens : et c'est en prenant pour guide Orose, en appliquant les méthodes élaborées par ce dernier, qu'il entreprend de donner une suite à son ouvrage.

Il paraît nécessaire de rappeler brièvement les thèmes essentiels de la pensée historique d'Orose. Le disciple d'Augustin est convaincu que c'est Dieu qui est à l'œuvre dans l'histoire; celle-ci ne constitue que le développement dans le temps d'un plan unique, conçu par Lui de toute éternité pour le salut de l'humanité119. L'idée n'était pas entièrement nouvelle dans la réflexion chrétienne : depuis longtemps, exégètes et apologistes avaient tiré de la Bible, qui révèle les mystères de la création et de la chute, ceux de la Rédemption et de la fin du monde, «un discours sur l'Histoire universelle»120. Mais pour Orose, l'action divine ne se manifeste pas seulement dans une lignée d'événements privilégiés, les mirabilia Dei relatés par les Écritures. Tout ce qui arrive est voulu par Dieu «arbitre de tous les siècles, de tous les royaumes et de tous les lieux»121. Toute l'histoire est, dans le prolongement de l'histoire biblique — la vêtus historia — , histoire sainte. L'usage de la seule raison peut permettre de s'en convaincre : pour Orose, les faits parlent d'eux-mêmes et les historiens païens ont malgré eux, dans leurs récits, témoigné de l'action de la Providence divine122; celle-ci n'intervient-elle pas de façon manifeste, dans un but pédagogique, pour châtier individus et peuples obstinés dans l'erreur ou la désobéissance et pour

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récompenser les Justes par le succès et la victoire123? Cependant Orose était trop lucide pour s'en tenir à cette conception simpliste de la justice immanente. Trop d'événements paraissent incompréhensibles, voire injustes, à la raison humaine pour que celle-ci ne soit pas contrainte d'avouer que les voies de Dieu sont le plus souvent impénétrables pour elle124. Seule, la Révélation peut permettre à l'homme, quoique de façon bien imparfaite, d'approcher ce mystère qu'est la Providence divine. Or, puisque Dieu parle dans l'Histoire comme il a parlé dans la Bible, l'historien chrétien doit tenter d'adapter à la lecture des événements récents ou contemporains les méthodes élaborées par l'exégèse pour la lecture du texte biblique, et notamment la méthode typologique. Celle-ci se fonde, on le sait, sur l'idée que les manières d'agir de Dieu présentent aux différentes étapes de l'histoire du salut un ensemble de traits communs, qui sont comme la marque divine : tout le contenu de l'Ancien Testament est «ombre», «figure» ou «type» qui trouve sa réalité, sa vérité ou son accomplissement dans le Nouveau Testament. En comparant les événements et les personnages de l'histoire, en décelant les analogies qu'ils présentent entre eux, Orose tente de la même façon de découvrir les étapes et les ébauches successives qui préparent l'achèvement du plan divin sur le monde125.

La Vetus Historia et le rôle du peuple juif

C'est tout imprégné de ces idées que Grégoire s'est mis à l'œuvre. Bien qu'il se fût donné pour tâche de «consigner par écrit les événements présents»126, il a estimé nécessaire de commencer son ouvrage ab orbe condito et de retracer d'abord, dans un premier Livre, les grandes lignes de l'évolution historique depuis la Création jusqu'à la mort de Martin. Aux yeux d'un grand nombre de critiques, la lecture de YHistoria Francorum ne prend d'intérêt qu'à partir des tout derniers

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chapitres de ce livre I, quand Grégoire, abandonnant les trop vastes perspectives de l'histoire du monde au cours des cinq premiers millénaires, concentre son attention sur la Gaule et sur les débuts de l'Église gauloise, avant d'entreprendre le récit de la conquête franque au livre II et de se faire, ensuite, le chroniqueur attentif des «temps mérovingiens». Il y a déjà plus d'un siècle, A. Lecoy de la Marche traduisait ce sentiment, lorsqu'il écrivait: «Personne, sans doute, n'ira chercher dans Grégoire de Tours l'histoire des temps anciens. Le manque d'exactitude et de discernement qui, de l'aveu de tous, distingue cette compilation, se reconnaît sans peine»127. Et de fait, si l'on admet que l'évêque tourangeau a eu la prétention de donner, dans ces premières pages, un abrégé d'histoire universelle, force est de critiquer la composition d'un résumé hâtif qui présente d'énormes lacunes. Mais c'est là faire un mauvais procès à Grégoire, dont le propos était tout autre, et méconnaître le véritable intérêt du livre I. Celui-ci, dans l'esprit de son auteur, ne constitue qu'une simple introduction à l'œuvre originale qu'il se propose de composer, mais une introduction indispensable à l'intelligence des livres suivants; et c'est à ce titre qu'il mérite ici examen. Comme ses devanciers chrétiens et notamment comme Orose, l'historien des Francs est persuadé que l'histoire est la réalisation d'un plan divin unique et conçu de toute éternité et qu'elle ne peut être vraiment comprise — telle est la raison d'être de la profession de foi sur laquelle s'ouvre l'ouvrage128 — qu'à la lumière de la Révélation. En conséquence, il ne lui paraît pas possible de commencer son récit in médias res, sans ôter toute signification aux faits qu'il a personnellement tâché de relater. Pour donner un sens à ces derniers, il lui faut les situer dans l'économie générale du projet divin et dans son déroulement chronologique, le saecularum ordo, en retraçant et en datant les principales étapes de l'histoire du salut que révèlent l'Écriture Sainte et — ici Grégoire adopte pleinement les conceptions d'Orose — les historiens de l'Antiquité. Ce point de vue de l'écrivain une fois admis, le choix opéré dans les faits relatés n'apparaît plus arbitraire; dans son travail de compilation, l'auteur ne retient du passé que ce qui peut éclairer le présent : d'une part les événements qui recèlent une valeur pédagogique, en montrant de façon exemplaire l'intervention de la justice immanente de Dieu;

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d'autre part ceux qui ébauchent et préfigurent les réalités contemporaines. Il est donc nécessaire de porter attention aux faits sélectionnés, puisqu'ils doivent servir de clé pour la lecture des livres suivants de YHistoria Francorum.

Grégoire commence par rappeler ce qui a été révélé par l'Écriture Sainte. Dans le premier chapitre où il fait le récit de la Création et de la chute, il proclame que «le Seigneur forma le Ciel et la terre dans son Christ qui est le principe de toutes choses, c'est-à-dire dans son Fils»129 et que le premier homme Adam, façonné à son image, «a préfiguré avant de pécher le Seigneur Rédempteur»130. On ne pouvait d'emblée affirmer plus clairement que la Création et la Rédemption ne constituent pas deux plans successifs, mais un seul et unique projet, Dieu, dans sa prescience n'ignorant pas que l'homme pécherait. De fait, depuis qu'Adam et Ève, «séduits par une astuce du serpent», ont transgressé les préceptes divins et ont été «voués aux souffrances du monde»131, la race humaine toute entière «se vautre dans une criminalité exécrable»132. La faute originelle a donc fait de l'histoire une histoire du péché. Mais l'histoire est aussi — c'est sa seconde face — histoire du Salut : un salut longuement préparé, d'abord avec Noé préservé lors du Déluge, «parce qu'il était très fidèlement attaché au Seigneur et qu'il représentait un exemplaire de son modèle»133, puis avec les grandes figures du peuple juif, élu par Dieu : Abraham « qui a reçu les promesses de notre foi»134; Joseph «qui préfigurait le Rédempteur»135; Moïse qui, en conduisant les Hébreux vers la Terre Promise, leur a ouvert le passage de la Mer Rouge», tipum. . . nostri baptismatis136;

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Zorobabel — id est Christus ηΊ — qui les a libérés de la captivité de Babylone; tous ont annoncé et préparé la venue du Christ, envoyé «pour la rédemption tant de cette nation que de toutes les nations»138. Le sacrifice du Rédempteur a sauvé l'homme en substance. Mais, après la Passion et la Résurrection, l'histoire conserve son ambivalence : le diable, Vinimicus comme le nomme Grégoire, détient toujours ses pouvoirs maléfiques et, à son instigation, se déchaînent de nouveaux crimes, les persécutions139. Cependant, la voie du salut est désormais plus facile à suivre : car la mère Église, que préfigurait l'arche de Noé, «voguant au milieu des flots et des écueils de ce siècle, nous couve dans son sein maternel; son pieux embrassement et sa protection nous défendent contre les maux qui nous menacent»140. Tout en donnant ainsi du récit biblique, résumé à grands traits, une exégèse typologique — qui n'a d'ailleurs rien d'original — , Grégoire ne manque pas de mettre en valeur les interventions de la Justice immanente : Dieu a préservé les hommes justes comme Enoch ou Noé141; et surtout il a châtié de façon exemplaire les rebelles à sa Loi, tel Hérode ou Pilate 142, non par colère mais pour «nous rappeler à l'ordre. . . et nous amender»143. Mais c'est surtout l'histoire du peuple juif tout entier qui donne l'illustration des méthodes de la pédagogie divine : «Tandis que les Hébreux méprisent les préceptes divins, ils sont soumis au joug des peuples étrangers. Mais s'étant convertis, ils guérissent et avec le secours de Dieu ils sont délivrés par les bras d'hommes forts»144, avant de retomber dans l'idolâtrie et d'être punis par 70 années de captivité à Babylone 145, puis finalement «livrés aux Gentils», alors qu'approche la venue du Messie146.

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L'Empire romain d'Auguste à Théodose

Parvenu à ce point en suivant le récit biblique, Grégoire commence à faire appel au témoignage de l'Histoire. Il se contente d'abord, à l'exemple de Jérôme — auquel il emprunte d'ailleurs ces données — de fixer quelques synchronismes entre l'histoire d'Israël et celle des autres peuples, Babyloniens, Égyptiens, Grecs et Latins 147. Après avoir, à cette occasion, évoqué fugitivement la Rome royale, il passe aussitôt, en sautant allègrement plusieurs siècles, à la Rome impériale à laquelle il accorde ensuite une large place148. Ce raccourci ne saurait surprendre de la part d'un disciple d'Orpse : pour ce dernier, qui partageait en ce domaine les conceptions d'Eusèbe de Cesaree, Dieu, sachant dans sa prescience que le peuple hébreu démériterait de sa faveur et serait «destitué totalement de sa grâce»149, a élu, pour réaliser son dessein, un nouveau peuple, celui des Romains150. Il a été en conséquence accordé à Rome d'étendre progressivement, depuis l'Ouest, son hégémonie à tout l'univers et de succéder, en rassemblant leur héritage, aux trois royaumes qui avaient précédemment établi leur domination sur une partie du monde : à l'Est, le royaume babylonien, le premier et le «type» des empires à vocation hégémonique; au Sud, l'Empire carthaginois et au Nord, l'Empire macédonien151. Annoncée de longue date, l'alliance nouvelle avec les Romains est définitivement scellée à l'époque d'Auguste, dont la personne est sacralisée par Orose : le règne du princeps, qui assure unité et paix à Yoikoumene, prépare et annonce l'avènement du Christ et celui du royaume messianique152. Du projet

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divin dont il néglige la lente maturation, Grégoire, pour aller à l'essentiel, ne retient que l'aboutissement : c'est dans l'Empire romain, du temps d'Auguste, que le Christ, issu de la race juive, «a daigné naître pour notre Rédemption»153. L'époque de sa venue n'a rien de fortuit, comme le démontre un double synchronisme que l'évêque-historien a relevé chez l'auteur de YAdversus Paganos : de même qu'Abraham, «figure» du Rédempteur, était né dans la 43e année du règne de Ninus, «type» du monarque terrestre, de même Jésus est né dans la 43e année du règne d'Auguste154. Autrement dit, pour que le Christ vienne accomplir les promesses reçues par Abraham, il fallait qu'Auguste ait obtenu, sur un empire rassemblant tous les peuples, «le pouvoir monarchique» — obtenuit monarchiam 155 — , jadis détenu par Ninus sur un seul peuple. L'Empire universel d'Auguste accueille le Rédempteur promis «à toutes les nations»156.

Dans la longue série des empereurs qui ont succédé à Auguste, Grégoire nomme d'abord Tibère, sous le règne duquel le Christ a souffert la Passion157, puis Claude, parce que, de son temps, «le bienheureux Pierre apôtre arrive à Rome» et que «c'est depuis cette époque qu'il a commencé à y avoir des chrétiens dans la ville de Rome»158. Il s'attache ensuite à présenter les princes qui, de Néron à Dioclétien, ont déchaîné ou toléré des persécutions contre les chrétiens, en exaltant la mémoire des martyrs qui ont témoigné pour le Christ159. En revanche, il note, comme un juste châtiment infligé à Israël, la destruction, sous le règne de Vespasien, du Temple de Jérusalem et le massacre de 600.000 Juifs160. D'une manière qui peut paraître surprenante, Grégoire passe

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ensuite sans transition des empereurs païens aux empereurs chrétiens : il cite Constantin comme «le trente-quatrième à occuper l'Empire des Romains» et, presque incidemment, note que, «après le décès de Dio- clétien, la paix a été rendue aux Églises»161. C'est que, pour l'historien, la conversion de l'empereur, qui va bientôt entraîner celle de l'Empire tout entier, ne constitue pas un événement inattendu : elle était déjà acquise en substance avec Auguste. D'autre part, Grégoire a peu de sympathie pour Constantin dont il se plaît, ici au moins, à rappeler les crimes plutôt que les hauts faits. Le modèle des empereurs chrétiens est, à ses yeux, Théodose : à lui seul sont réservés des éloges, parce qu'«il a mis tout son espoir et sa confiance dans la miséricorde divine» et que, obéissant aux «inspirations divines», il a — pour bien peu de temps, il est vrai — rétabli l'intégrité de l'Empire par sa victoire sur l'usurpateur Maxime162. Mais, à cette dernière exception près, on sent bien que Grégoire accorde de moins en moins d'intérêt et de considération au pouvoir impérial, désormais le plus souvent partagé entre deux princes régnant chacun sur l'une des partes imperii. Contrairement à Orose qui pouvait et voulait encore croire que Yimperium romanum était Yimperium novissimum, le dernier avant la fin du monde 163, il sait la domination romaine condamnée à terme. Déjà, il a relevé les signes de la fragilité de l'Empire: l'incursion en Gaule du roi des Alamans, Chrocus, qu'il situe sous le règne de Valerien et de Gallien, préfigure les invasions barbares auxquelles Rome finira par succomber164; d'autre part, à l'intérieur de l'Empire devenu chrétien, si l'erreur païenne est écrasée, les hérésies, et notamment l'hérésie arienne, suscitées par le diable 165 et encouragées par des empereurs comme Constance 166, puis Valens — lequel expie ses crimes contre la vraie foi d'une mort ignominieuse167 — divisent les chrétiens.

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En fait, l'historien porte désormais moins d'attention au destin de {'Imperium Romanum qu'à celui de la Gaule. Il avait déjà signalé, sous Auguste, la fondation de Lyon 168. Mais à partir du chapitre 28, c'est une véritable chronique gauloise qui s'insère et se développe dans la trame générale du récit. Une première série de chapitres est réservée aux Églises gauloises nées aux temps héroïques des persécutions : celle de Lyon, tôt illustrée par ses nombreux martyrs (HF, I, 32 et 34), puis celles que fondent au siècle suivant les sept missionnaires envoyés depuis Rome et leurs disciples (HF, I, 30-31 et 33). Si, après avoir évoqué les dévastations commises en Gaule par Chrocus (HF, I, 32 et 34), Grégoire retourne à l'étude des règnes impériaux, il réserve dans chaque paragraphe une mention aux affaires gauloises : il note la naissance de Martin sous le règne de Constantin (HF, I, 36) et, sous celui de ses successeurs, l'héroïque résistance opposée par les évêques Maximin de Trêves et Hilaire de Poitiers à l'hérésie arienne alors triomphante (HF, I, 37 et 38), avant de présenter la mission dont Martin a été chargé pour évan- géliser la Gaule (HF, I, 39). Enfin, à partir du chapitre 43 jusqu'à la fin du livre, il n'est plus question que des Églises gauloises. Certes, il s'agit là d'un sujet que Grégoire affectionne et qu'il connaît particulièrement bien : on comprend donc qu'il ait tenu à livrer ses informations aux lecteurs. Mais à la fin du Livre I, la part faite au récit gaulois prend des proportions telles, qu'on ne peut se contenter de cette explication. Si l'évêque concentre son attention presque exclusivement sur sa patrie, c'est pour une raison bien plus essentielle : dans l'Empire romain d'Occident, auquel n'est plus promise qu'une survie précaire, la Gaule lui apparaît comme un secteur géographique privilégié par la Providence; celui où doit se réaliser une nouvelle étape du plan divin au cours de laquelle les Francs, fondateurs d'un nouveau royaume a Deo, et Tours, la cité martinienne, vont jouer les premiers rôles. Du reste, le Livre I, commencé avec la création du monde, s'achève avec l'apparition d'un astre nouveau qui s'est levé, en la personne de Martin, à l'horizon gaulois 169 : dans cette image, symbole d'espérance, est contenue la promesse du renouveau dont la Gaule va être le lieu privilégié.

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Le passage à l'histoire contemporaine

Ayant, au terme du Livre Premier, conduit ses lecteurs presque jusqu'à la fin du IVe siècle, Grégoire, lorsqu'il entreprend de poursuivre son récit dans le Livre II, se sent désormais livré à lui-même, avec le seul espoir de bénéficier de l'inspiration divine, pour accomplir la tâche qui l'attend : «parvenus où nous en sommes au moyen des histoires des auteurs précités, écrit-il dans la Préface, nous allons traiter selon l'ordre de Dieu des événements qui se sont accomplis postérieurement»170. Certes, pour l'extrême fin du IVe siècle et les deux ou trois premières décennies du siècle suivant, il peut encore utiliser Orose ainsi que deux autres historiens latins, Sulpicius Alexander et Renatus Fri- geridus, dont les œuvres ne nous sont connues que par les extraits qu'il en a donnés171. Mais pour la suite, il lui faut, à partir de divers documents écrits qu'il a rassemblés 172 et de traditions orales qu'il a recueillies, procéder lui-même à une synthèse historique. Il a, d'autre part, un second sujet d'appréhension, plus sérieux encore : on doit le remarquer, il tient par avance, à se justifier de devoir «rapporter pêle-mêle et confusément aussi bien les miracles des saints que les massacres des peuples»173; pour ce faire, il invoque comme précédents l'exemple donné par la Bible avec l'histoire d'Israël et celui des ouvrages composés par «Eusèbe, Sévère, Jérôme ainsi qu'Orose», «qui ont inséré dans leurs Chroniques à la fois les récits des guerres des rois et ceux des miracles de saints»174. Car Grégoire est, bien sûr, toujours persuadé qu'au travers de l'histoire qu'il s'apprête à narrer, la volonté divine a continué de se manifester comme par le passé. Mais la démonstration qu'il veut

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en apporter lui paraît extrêmement difficile; il doit en effet, le premier, déchiffrer et faire comprendre la signification providentielle d'événements qui, pour la raison humaine, se présentent comme une suite de catastrophes : l'effondrement de l'Empire romain en Occident et le déchaînement des forces barbares.

2) Les Francs et Clovis : l'Alliance avec le nouvel Israël scellée à Tours

L'historien ne s'attarde ni ne s'attendrit sur le sort de la Romanité expirante. Ce qu'il estime utile de rapporter, sans égard aucun pour l'ordre chronologique, au sujet du règne de quelques empereurs de la fin du IVe siècle et de la première moitié du siècle suivant175, montre bien qu'il ne s'intéresse plus du tout à un Empire condamné en Occident par le jugement de Dieu : si Grégoire cite le témoignage de Rena- tus Frigeridus à propos de Valentinien III et du patrice Aetius176, si, revenant ensuite en arrière, il remonte avec Sulpicius Alexander jusqu'aux temps du tyran Maxime, de Valentinien II et de l'usurpateur Eugène, avant de passer, en utilisant à nouveau Renatùs Frigeridus, au sac de Rome et aux usurpations qui l'ont suivi177, c'est uniquement parce qu'il recherche chez ces auteurs des renseignements sur le passé des Francs et, notamment, une réponse à la question : «Qui a été le premier roi des Francs?»178. Son attention se concentre en effet sur ce peuple : car il voit en lui l'instrument choisi par Dieu pour faire triompher la foi catholique sur l'hérésie arienne dont les autres nations barbares étaient porteuses et que l'Empire était impuissant à endiguer. Toute cette partie s'est jouée en Gaule : des envahisseurs adeptes de l'arianis- me, d'abord les Vandales, de façon éphémère 179, puis les Wisigoths 18° et les Burgondes181 y ont établi leur domination, tandis que les tribus franques, encore attachées au paganisme, restaient cantonnées dans l'extrême Nord du pays, au voisinage des Thuringiens et des Ala- mans182. La progressive unification du monde franc sous un chef uni-

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que — un roi qui remplace les ducs 183 — et, parallèlement, le lent développement de la puissance territoriale franque184 ont préparé l'avènement de Clovis, «un grand homme et un guerrier eminent»185 qui, en se convertissant à la foi catholique, a obtenu d'« étendre son royaume à travers toutes les Gaules»186. En effet, le propos de Grégoire dans le Livre II — il s'en explique clairement dans la préface du Livre suivant, où il fait le bilan de ce qui a été acquis précédemment — est, en adoptant la méthode proposée par Orose, de «comparer les succès survenus aux chrétiens qui confessent la Trinité et les désastres subis par les hérétiques qui la divisent»187. Les faits relatés ont donc été choisis et ordonnés en fonction de cette démonstration : l'historien, dans son récit, met en évidence, d'une part, les revers essuyés par les peuples ariens qui, en Gaule, ont persécuté les catholiques et, d'autre part, les victoires remportées par les Francs après leur conversion à la vraie foi. Ainsi les Vandales, qui «s'étaient rués sur les Gaules» et les avaient dévastées sur leur passage188, ont été successivement chassés d'Espagne, puis, «vaincus par l'Empire», dépossédés de leur royaume africain, non sans que leurs souverains, Thrasamond, Hunéric ou Gélimer, aient expié par un châtiment cruel «les coups qu'ils avaient portés aux Églises de Dieu»189. Chez les Burgondes, ont aussi péri de «mort violente» les rois Godégisile, Gondebaud et Godomar qui et patriam simul et animas perdiderunt190. Quant aux Wisigoths, après la disparition de Théodoric tué dans le combat contre les Huns et l'assassinat de son fils Thorismond 191, ils se sont entêtés dans l'erreur : Euric a déchaîné en Aquitaine «une grave persécution contre les chrétiens»192 et «le persécuteur a péri peu de temps après, frappé par la justice divine»193; enfin son successeur Alaric, «qui a renié l'indivisible Trinité, est privé de son royaume, de son peuple et, qui plus est, de la vie éternelle»194. Tout au

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contraire, le roi franc Clovis, «qui a confessé la Trinité, a écrasé lesdits hérétiques avec son aide et étendu son royaume à travers toutes les Gaules»195. Tout d'abord, «en invoquant le nom du Christ», alors qu'il n'était pas encore baptisé, «il a mérité d'obtenir la victoire» sur les Ala- mans196; puis, après son baptême, «il obtint avec l'aide de Dieu la victoire» sur les Wisigoths 197. «Ainsi, conclut Grégoire, le Seigneur restitue à ceux qui croient vraiment en lui leurs biens au centuple. . . ; au contraire, lés hérétiques n'en acquièrent pas davantage, mais ce qu'ils possèdent leur est enlevé»198.

Dans tous ces événements, Grégoire reconnaît donc l'intervention, évidente à ses yeux, de la Justice immanente de Dieu, arbitre des royaumes. Mais en même temps, il croit discerner dans l'histoire qu'il relate, en appliquant à la lecture des faits les méthodes de l'exégète typologique, les modes plus mystérieux par lesquels une nouvelle étape du plan divin sur le monde se réalise. Les Francs sont plus que l'instrument provisoire de la Providence divine. Succédant aux Juifs et aux Romains, ils sont le nouveau peuple élu par Dieu ; en la personne de Clovis leur a été donné un nouveau Moïse pour les conduire vers la terre promise — par la voix de Martin dans la basilique de Tours — à leur domination; un nouveau Constantin aussi qui, solennellement couronné dans cette même basilique, a fondé un royaume «en se conciliant, comme l'écrivait Eusèbe de Cesaree du premier empereur chrétien, l'Alliance de Dieu»199. Mais puisque Constantin était lui-même un nouveau Moïse et Rome un nouvel Israël, c'est le chef choisi pour guider le peu-

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pie juif qui est, pour Grégoire, par excellence, le «type» du roi désigné pour conduire le peuple franc : tout le récit de l'historien est conçu pour mettre en évidence cette mystérieuse ressemblance que le dessein divin imprime à leurs rôles dans l'histoire. D'une manière générale, le livre II de YHistoria Francorum baigne tout entier dans une atmosphère biblique : Grégoire y a multiplié les citations scripturaires, le plus souvent empruntées à l'Ancien Testament. Dès le prologue, l'évocation des combats soutenus par les rois d'Israël200 annonce et préfigure les luttes menées par les chefs francs. Mais le parallèle entre les deux peuples se précise lorsque l'historien, après avoir recherché les origines de la royauté chez les Francs201, en vient à traiter de l'idolâtrie à laquelle ces derniers sont longtemps restés attachés : « II est avéré que cette génération d'hommes a toujours manifesté de la complaisance pour les cultes idolâtriques et n'a certainement pas reconnu Dieu. Ils se forgeaient des idoles empruntées aux forêts et aux eaux, au monde des oiseaux et des bêtes ainsi qu'aux autres éléments et ils étaient accoutumés à les honorer comme Dieu et à leur offrir des sacrifices»202. Que ce développement soit, ainsi que le note R. Latouche, «dénué de tout caractère historique»203, on en conviendra aisément. Mais il s'agit là sans aucun doute d'un parti pris délibéré de l'auteur. Le souci de Grégoire n'était nullement de présenter à ses lecteurs, avec leurs fonctions et leurs attributs particuliers, les dieux des premiers Francs; il voulait tout au contraire donner de l'idolâtrie, dont ceux-ci avaient été les adeptes, la définition la plus générale possible; et cela, afin que puissent s'appliquer aux divinités honorées par les ancêtres de Clovis les condamnations portées contre les idoles par l'Ancien Testament et longuement citées par l'écrivain dans la suite du chapitre. Car ce rapprochement permettait de faire comprendre que l'élection, dont le peuple franc devait être l'objet, n'était pas — si insondables que fussent les desseins divins — plus déroutante pour la raison que ne l'avait été celle du peuple juif. Païens endurcis, les Francs avaient longtemps péché, mais par ignorance :

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«Oh! s'écrie l'évêque, si les fibres de leurs cœurs avaient été touchées par cette voix terrible qui, par l'intermédiaire de Moïse, a parlé au peuple en lui disant : 'Qu'il n'y ait pour toi d'autres dieux que moi. Tu ne fabriqueras pas d'idole et tu n'adoreras aucune image de ce qui est dans le ciel, de ce qui est sur la terre et de ce qui demeure dans les eaux; tu n'en fabriqueras pas et tu ne les adoreras pas' (Exode, XX, 3-5) »204. Mais, si véhéments que soient ses regrets, l'historien s'incline devant la volonté divine : Dieu, dans sa Providence, n'avait pas jugé encore venu le temps de se révéler aux Francs. Ces derniers n'étaient donc pas coupables comme les Juifs qui, après avoir reçu de Moïse la Loi édictée par l'Éternel, étaient retournés à plusieurs reprises aux pratiques idolâtres, avant de démériter définitivement de la grâce divine. Celle-ci, de même qu'elle avait ensuite touché d'abord les Romains, s'étendit enfin aux Francs au moment opportun205, lorsque ces derniers se rassemblaient sous l'autorité de Clovis.

Pendant les premières années de son règne, le souverain, il est vrai, était resté «encore enfoncé dans les erreurs du fanatisme»206. Longtemps les exhortations de son épouse, la très catholique Clotilde, «qui ne cessait de prêcher pour qu'il connaisse le vrai Dieu et abandonne les idoles»207, avaient paru rester sans effets. Mais vint le jour où Clovis, jusqu'alors toujours victorieux208, se trouva en difficulté au cours d'un combat contre les Alamans. Comme jadis Constantin à la bataille du Pont Milvius — la réminiscence affleure clairement dans le récit — , le

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roi franc fit vœu de se convertir, s'il triomphait de ses ennemis209. Effectivement, «en invoquant le nom du Christ, il mérita d'obtenir la victoire»210. Il tint ensuite sa promesse : Grégoire le dépeint s'avançant, «nouveau Constantin»211, vers la piscine pour se faire baptiser, ainsi que ses hommes, par l'évêque Rémi, qui «égalait Silvestre par ces miracles»212. Derrière la figure de Constantin, explicitement nommé, se profile déjà ici celle de Moïse : Eusèbe de Cesaree, on le sait, avait comparé les soldats de Maxence, vaincus par Constantin et noyés dans les eaux du Tibre, aux Égyptiens qui, partis à la poursuite de Moïse et du peuple juif, avaient été engloutis dans la Mer Rouge213. Grégoire connaissait sans doute l'interprétation que l'évêque de Cesaree avait donnée de la bataille du Pont Milvius : en une autre circonstance, il cite en effet l'Histoire Ecclésiastique qu'il avait certainement lue dans la traduction latine procurée par Ruf in214. Plus nettement encore, le baptême de Clo- vis et des 3.000 soldats de son armée215 s'inscrit, dans le contexte de l'Historia Francorum, au terme d'une lignée d'événements providentiels qui l'ont préfiguré : le plus proche d'entre eux est évidemment le baptême reçu par Constantin — selon les Acta s. Silvestri dont l'historien s'inspire216 — de la main du pape Silvestre. En citant, tout comme sa source, les Actes des Apôtres, Grégoire, remontant le cours du temps, fait aussi référence au baptême administré — au début de sa prédication à Jérusalem — par Pierre, type de Silvestre, à 3.000 Juifs {Actes, 2, 41)217. Enfin, l'eau de la piscine, dans laquelle le chef franc et les hommes de son armée ont été lavés «de la maladie d'une vieille lèpre», évo-

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que la Mer Rouge, au passage de laquelle, suivant l'expression empruntée par Grégoire à l'apôtre Paul, «nos pères ont été baptisés sous la conduite de Moïse » (I Corinth., Χ, 1-2)218.

D'ailleurs, dans la suite du récit, Clovis apparaît de plus en plus clairement comme un nouveau Moïse. Certes l'évêque de Tours, qui s'essaie à appliquer les méthodes de l'exégèse typologique à un domaine nouveau de l'histoire, probablement retenu par une certaine timidité, n'attribue pas ce dernier qualificatif à son héros. Mais tout est fait pour suggérer l'idée : la conquête des territoires occupés au Sud de la Loire par les Wisigoths hérétiques est en effet décrite par l'historien comme un nouvel Exode qui conduit les Francs, «avec l'aide de Dieu»219, vers la terre à eux promise; chacune des interventions miraculeuses, par lesquelles, au cours de la campagne, se manifeste Yauxi- lium Dei accordé aux Francs, trouve un parallèle dans le récit biblique de la sortie des Juifs de l'Egypte pharaonique. Un premier obstacle se présente sur la route de Clovis : « Quand il fut arrivé avec son armée au bord du fleuve de la Vienne, il ignorait complètement en quel lieu on devait le traverser, car il avait grossi à la suite d'une inondation due à des pluies. Or comme dans la nuit il avait prié le Seigneur de daigner lui montrer un gué par lequel il pourrait passer, le matin venu, une biche d'une grandeur merveilleuse entra devant eux dans le fleuve par la volonté de Dieu et, tandis qu'elle passait à gué, le peuple connut le lieu où il pourrait le traverser»220. Bien que de façon moins spectaculaire, ce miracle renouvelle en partie celui par lequel Dieu avait ouvert, dans les eaux de la Mer Rouge, un passage au peuple d'Israël221. Que Grégoire ait voulu suggérer cette interprétation ne fait aucun doute lorsqu'on poursuit la lecture du chapitre : « En venant à Poitiers, tandis

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que le roi reposait dans sa tente, au loin, un phare de feu fut aperçu qui sortait de la basilique Saint-Hilaire et semblait arriver sur lui comme pour montrer qu'avec l'aide de la lumière du bienheureux confesseur Hilaire, il battrait plus aisément les armées hérétiques avec lesquelles cet évêque s'était souvent mesuré pour la foi»222. De même qu'une columna ignis précédait les Juifs dans le désert pour leur indiquer de nuit le chemin (Exode, 13, 21-22) et s'interposa durant la halte nocturne entre le camp des Égyptiens laissé dans l'ombre et le camp d'Israël seul éclairé (Exode, 14, 20), de même, à la veille de la bataille décisive contre les Wisigoths, un pharus ignea répand se lumière protectrice sur les Francs et leur chef. On ne saurait douter ici de la volonté de Grégoire d'établir entre les deux phénomènes surnaturels un étroit parallèle. Ce dernier s'imposait d'autant plus facilement à son esprit que Fortunat, auquel l'historien emprunte l'épisode miraculeux advenu à Poitiers, avait déjà fait le rapprochement. Dans le Liber de virtutibus sancii Hilarii, composé entre 565 et 573 223, le poète exaltait la résistance que le confesseur poitevin n'avait cessé d'opposer à l'hérésie arienne; reprenant le combat qu'il avait mené de son vivant contre l'empereur Constance, Hilaire, ajoute l'écrivain, accorda depuis son tombeau son patronage à l'entreprise de Clovis contre les Wisigoths : Chlodoveus dum contra haereticam gentem pugnaturus armatas actes commovisset, media node meruit de basilica beati viri lumen super se venientem adspicere, admonitus, ut festinanter sed non sine venerabilis loci oratione adversum hostes conflictaturus descenderet. Quod ille dili- genter observans et oratione occurrens tanta prosperitate altero pro se pugnaturo processit ad bellum, ut intra horam diei tertiam ultra humana vota sortiretur victoriam. Et Fortunat de commenter ainsi l'événement : Similis quaedam contigli Israhelitici temporis hujuss causa virtutis. Nam ibi columna ignis praecesserat, hic figura lampadis admonebat224. À Grégoire, qui procédait de façon plus allusive mais qui accommodait sa vision à l'ensemble des faits, il ne restait plus qu'à ajouter un dernier

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trait pour que l'analogie entre le combat du peuple hébreu et celui du peuple franc devînt éclatante. Clovis, après avoir «obtenu avec l'aide de Dieu la victoire» sur Alaric, tué dans la bataille de Vouillé, et s'être emparé de sa capitale de Toulouse, vint mettre le siège devant Angoulê- me : cui tantam Dominas gratiam tributi, ut in ejus contemplatione muri sponte corruerent225. Pour Clovis se renouvelle le prodige opéré par Dieu en faveur de Josué, successeur de Moïse : les murailles d'Angoulê- me tombent miraculeusement, comme jadis celles de Jéricho (Josué, 6, 30 : muri illico corruerunt; cf. Josué, 6, 5). De toutes ces victoires méritées par Clovis, Grégoire tire une conclusion : «Ainsi Dieu prosternait chaque jour ses ennemis sous sa main et agrandissait son royaume parce qu'il marchait d'un cœur droit devant lui et faisait ce qui plaisait aux yeux de Dieu»226. Avec les réminiscences scripturaires qui, dans la formulation de ce jugement, évoquent les rois David et Josaphat227, Clovis est assimilé à l'un de ces virorum fortium228, de ces «hommes forts», que le secours divin avait jadis appelés à la délivrance d'Israël. Mais dans la personne du souverain franc s'accomplit plus particulièrement ce qu'ébauchait la figure de Moïse: la Trinité que ce dernier «avait reconnue dans le buisson» et que son «peuple avait suivie dans la nuée», Clovis «l'a confessée» et, «avec son aide, a écrasé les

Du nouvel Exode dont Clovis-Moïse a pris la tête, Tours a été à la fois le point de départ et le point d'arrivée. C'est dans cette cité que tout d'abord a été scellée, par l'intercession de Martin, l'Alliance avec le

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nouveau peuple élu. Certes, à la prière de Clovis, Dieu avait déjà, au cours du combat contre les Alamans, accordé son aide aux Francs. Mais à Tours, à la veille de la campagne contre les Wisigoths, II s'est engagé par une promesse solennelle; dans la basilique martinienne les envoyés du roi, venus solliciter «un présage de victoire», ont obtenu une réponse favorable; au moment où ils entraient dans le sanctuaire le primicirius , inspiré par Martin, «entonna à l'improviste» le psaume XVII : «Tu m'as armé, Seigneur, de courage pour le combat, tu as jeté sous mes pieds ceux qui se révoltaient contre moi, tu as fait tourner le dos à mes ennemis et tu as ruiné ceux qui me haïssaient»230. Par la bouche de son desservant, Martin prophétisait : désormais, Clovis peut marcher avec l'aide de Dieu qui ne lui fera plus défaut. Et c'est de nouveau à Tours que, revenu victorieux d'Aquitaine, le chef franc revêt la tunique de pourpre et ceint le diadème231. Les insignes du pouvoir qui lui ont été ainsi remis par les envoyés de l'Empereur Anastase font de lui symboliquement un Auguste, le successeur confirmé de Constantin. Mais la cérémonie d'investiture qui se déroule dans la basilique du confesseur est toute empreinte d'un caractère religieux : Clovis, qui tient son royaume de Dieu, est, en présence de Martin, médiateur de l'Alliance, consacré — il ne manque que l'onction d'huile pour que l'on puisse dire sacré — roi du nouvel Israël qui réunit, dans l'unité et la paix de la vraie foi, Francs et Gallo-Romains. Centre apostolique des Gaules, Tours devient la capitale religieuse d'un regnum fondé par la volonté de Dieu et placé sous le patronage de Martin. Aux successeurs de ce dernier, avec son aide toujours efficace, revient, Grégoire en est convaincu, la mission d'être les gardiens de l'Alliance nouvelle et les guides de la monarchie franque dans les voies tracées par le Seigneur.

3) Les successeurs de Clovis : Tours gardienne de l'Alliance

Mais très vite après la mort de Clovis, cette mission s'avère extrêmement difficile à remplir et Grégoire, à plusieurs reprises, est presque sur le point de désespérer qu'elle puisse être menée à bien. Les événements, dans lesquels l'historien avait lu jusque-là clairement l'accomplissement d'une nouvelle étape du plan divin, se brouillent et s'obscurcissent souvent à sa vue : le regnum Francorum est déchiré par les guer-

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res civiles qui opposent entre eux les successeurs légitimes de Clovis et dressent contre ces derniers des usurpateurs. Bientôt la paix de l'Église est à nouveau troublée : mus par la même cupidité qui leur fait convoiter le royaume de leurs frères, les souverains ne respectent plus les biens ecclésiastiques. Tant qu'il raconte les vicissitudes du royaume franc durant la première génération des successeurs de Clovis {HF, III et HF, IV jusqu'au chapitre 21), Grégoire, qui traite de faits révolus, conserve une certaine sérénité dans son récit. Certes, l'assassinat des fils de Clodomir par leurs oncles232 ou, pour s'en tenir à quelques exemples, l'alliance qui unit Theudebert et Childebert contre leur parent Clotaire233 soulèvent sans aucun doute son indignation. Mais l'historien s'abstient de porter trop ouvertement condamnation contre des princes qui, par leurs campagnes contre les Burgondes, les Wisigoths et les Thuringiens, continuent, dans la ligne politique de Clovis, d'étendre le regnum Francorum, en soumettant les peuples hérétiques ou païens234. D'ailleurs, certains de ces souverains, malgré leurs fautes, sont les dignes successeurs du vainqueur de Vouillé. À Théodebert, Grégoire accorde les qualités d'un «grand roi» : «il administrait le royaume avec justice, vénérant les évêques, dotant les Églises, secourant les pauvres»235. Et, en Clotaire, l'historien va jusqu'à reconnaître un «nouveau David». Ce qualificatif vient, il est vrai, sous la plume de l'auteur, à l'occasion du combat contre-nature qui oppose le roi à son fils Chram- ne, nouvel Absalon révolté contre l'autorité paternelle et cruellement châtié de sa trahison236. Mais le titre décerné à Clotaire vaut surtout, au

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jugement de Grégoire, pour le souverain qui, ayant «placé tout son espoir en Dieu»237, a mérité à la fin de son règne de restaurer l'unité du royaume de Clovis.

En revanche, avec l'entrée en scène des fils et héritiers de Clotaire (HF, IV, 22), le ton de l'écrivain, qui narre dès lors des événements contemporains, change complètement : témoin impuissant de la tragédie historique qui se déroule sous ses yeux, Grégoire ne peut cacher son effroi et son découragement. Les guerres civiles redoublent de violence et n'épargnent plus les Églises. La mort de Caribert, «qui haïssait les clercs, négligeait les Églises de Dieu et méprisait les prêtres»238, dresse, pour le partage de sa succession, ses trois frères, Sigebert, Chilpéric et Gontran, les uns contre les autres239. Au cours du conflit, l'armée de Chilpéric ravage tout sur son passage, «incendie les églises, emporte les vases sacrés, tue les clercs, disperse les monastères d'hommes, commet des outrages dans ceux des filles et dévaste tout»240. Grégoire croit revenu le temps des persécutions d'Hérode, de Néron — auxquels il compare explicitement le roi franc241 — et de Dioclétien242. Il ne comprend plus : « Nous nous demandons encore avec stupeur et étonne- ment pourquoi tant de plaies se sont abattues sur ces gens»243; et l'angoisse le saisit : « Raconter ces guerres civiles cause à mon cœur une douleur»244. L'historien, devant ce déchaînement absurde de forces

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brutales, ne trouve plus de sens à son œuvre : et c'est là certainement la raison pour laquelle il décide d'arrêter son récit à la fin du livre IV, avec l'assassinat de Sigebert245. Lorsque, malgré tout, il se remet au travail, il ne dissimule pas, dans le Prologue du Livre V, le dégoût qui le submerge : « II me répugne de rappeler les vicissitudes des guerres civiles qui épuisent fort la nation et le royaume des Francs»246. Son inquiétude grandit : il constate en effet que les successeurs de Clovis, «n'ayant plus la paix», sont «privés de la grâce de Dieu»247. L'Alliance nouvelle est-elle donc définitivement rompue? Les discordes qui opposent les princes francs évoquent à l'historien les divisions internes qui ont jadis entraîné la ruine de Rome et, auparavant, celle de Carthage. Bien plus il se demande si n'est pas arrivé «ce temps dont le Seigneur a prédit qu'il serait le commencement des douleurs» et le prélude à la fin du monde248. Ce pessimisme, qui est la tonalité dominante des livres suivants, n'abandonne l'écrivain qu'au moment où, après la mort de Chilpéric (HF, VI, 46) et celle du prétendant Gondovald (HF, VII, 38), la réconciliation entre le roi Gontran et son neveu Childebert II (HF, VII 33 et VIII, 26) rend progressivement la paix à la Gaule. Dans la personne du roi de Bourgogne, Grégoire voit refleurir les vertus d'un souverain très catholique. Gontran, qu'animent désormais «la crainte de Dieu, l'amour des églises, le respect pour les évêques et la charité pour les pauvres»249, se conduit en tout comme le ministre de Dieu, rex acsi bonus sacerdus250. Mûri par les épreuves traversées, il reconnaît que les princes francs de sa génération, oublieux de l'exemple donné par leurs pères, ont péché contre la Loi de Dieu et ont été justement privés du secours divin251. Aussi, après la disparition successive de ses frères

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Sigebert et Chilpéric, victimes de leurs ambitions rivales, a-t-il travaillé à restaurer la concorde et la paix, se considérant comme le père de leurs fils respectifs, Childebert et Clotaire, et exerçant pendant leur minorité sa tutelle sur l'ensemble du regnum Francorum252. Les sages propos, émaillés de réminiscences scripturaires, que Grégoire prête à diverses reprises à Gontran, font presque du fils de Clotaire Ier, «nouveau David», l'émule de Salomon. Et les ultimes paroles du roi que rapporte un des tout derniers chapitres de YHistoria Francorum résonnent comme un augure favorable pour l'avenir du royaume franc; recueillant sur les fonts baptismaux son plus jeune neveu, Clotaire II, le roi s'écrie : «Que cet enfant grandisse et qu'il réalise ce que son nom signifie, qu'il jouisse de la même puissance que jadis celui de qui il a reçu le nom»253. Aussi l'évêque historien, parvenu au terme de sa vie et de son œuvre, peut porter, grâce à la paix enfin rendue à la Gaule, un jugement plus serein : avec le recul du temps, il discerne, au sein d'une dynastie dont les membres se sont souvent privés par leurs crimes de la grâce divine, une lignée de souverains qui, depuis Clovis, en passant par Clotaire Ier, jusqu'à Gontran, marchent dans les voies du Seigneur et conservent son Alliance.

Au reste, même aux époques les plus sombres, Grégoire n'a jamais totalement perdu espoir : lorsque l'historien sentait sa raison près de vaciller, il a toujours trouvé réconfort dans sa foi en Dieu et dans sa confiance en Martin. Cette dernière lui permet de déchiffrer les signes par lesquels le confesseur renouvelle, dans sa ville de Tours, les promesses faites à Clovis. Depuis son tombeau, Martin continue de veiller sur les destinées du regnum Francorum, confié à son puissant patronage, et à intercéder en sa faveur. La chronique tourangelle, qui tient une

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si grande place dans l'œuvre de Grégoire, représente donc beaucoup plus que l'histoire particulière d'une des villes de Gaule que l'auteur connaît le mieux. Les manifestations de la virtus posthume de l'apôtre, dont la cité ligérienne est le lieu privilégié, éclairent, aux yeux de l'écrivain, l'histoire du royaume des Francs tout entier. Grâce à elles, l'historien réussit à redonner aux événements une signification qu'il sentait lui échapper. En effet à Tours, Martin, par ses prophéties, révèle, au moins en partie, les desseins cachés de Dieu qui, en arbitre des royaumes, juge les souverains et condamne ceux d'entre eux qui s'égarent. Inspiré par le confesseur, l'évêque Eufronius a pu prédire la mort de Caribert254 qui, pour avoir persécuté les Églises, protinus divina jussio- ne transitum accipiens, requievit255. En une autre circonstance, Martin répond directement à Mérovée, venu lui demander «de lui révéler ce qui allait arriver et de lui faire connaître par un signe du Seigneur s'il pouvait obtenir ou non le royaume»256 : le prince, qui souhaitait déposséder son père Chilpéric et écarter ses frères du pouvoir, reçoit de la consultation des Saintes Écritures, déposées sur le tombeau du confesseur, l'avertissement que cette entreprise impie le conduira à sa perte. C'est d'ailleurs toute la descendance de Chilpéric qui est condamnée; après avoir «célébré les vigiles dans la basilique du saint prélat», Grégoire en est informé en songe par un envoyé céleste : « Dieu a frappé Chilpéric et ses fils et il ne survivra aucun de ceux qui sont sortis de ses reins pour gouverner son royaume à jamais»257. Tours est donc présentée par l'historien comme l'oracle de la Gaule franque, l'équivalent chrétien, selon l'expression de Michelet, de «ce que Delphes était pour la Grèce»258.

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Mais, depuis sa cité, Martin fait plus que transmettre les sentences de la justice immanente de Dieu. Auprès de ce dernier, il intercède pour que soit épargné le royaume qu'il patronne : grâce aux interventions qui lui sont consenties, il oblige à deux reprises les souverains, prêts à engager une lutte fratricide, à conclure la paix. Une première fois, en 534, alors que Childebert et Theudebert avaient uni leurs forces contre Clotaire et que ce dernier n'avait plus «d'espoir que dans la miséricorde de Dieu», le confesseur exauce les prières de la reine-mère Clotilde, venue le supplier à son tombeau : au moment où le combat allait s'engager, une violente tempête s'élève; au milieu des éclats de la foudre, un déluge de grêle et de pierres soulevées par le vent s'abat sur les coalisés, blessant les soldats et dispersant les chevaux. «Sur Clotaire au contraire, pas une goutte de pluie ne tomba, pas un coup de tonnerre ne fut entendu par lui et on ne sentit pas un souffle de vent dans ce lieu»259. À la suite de ce miracle, tout semblable à celui dont le pieux empereur Théodose avait bénéficié en 394 dans la bataille de la Rivière Froide260, Childebert et Théodebert, convaincus que Dieu les châtiait pour leur projet criminel, « envoyèrent des députés pour demander paix et concorde»261. «Personne, conclut Grégoire, ne doit hésiter à voir là un miracle de Martin obtenu par la reine»262. Quelques années plus tard, en 574, pour riposter aux agressions de Chilpéric, Sigebert mobilise toutes ses forces contre ce dernier, «préparant une guerre civile». Chilpéric, se voyant abandonné par Gontran et «craignant que, si les deux armées se heurtaient, leur royaume ne fût aussi ruiné, demande la paix». Grégoire commente ainsi l'événement: «il est hors de doute que, sans un miracle de saint Martin, les rois ne se seraient pas réconciliés sans se battre, car le jour même où ils ont fait la paix trois paralytiques ont été envoyés à la basilique du bienheureux»263. L'historien explicite sa pensée dans le chapitres du De Virtutibus sancti Martini20* où il relate la guérison miraculeuse de ces pèlerins. Venus respective-

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ment d'Auxerre, d'Orléans et de Bourges, tous trois ont été redressés au tombeau du confesseur, «le jour même où le très glorieux roi Sigebert, traversant la Seine, fit la paix avec ses frères, sans que l'armée combattît. Que personne, répète Grégoire, n'en doute : cet événement fut aussi une victoire du bienheureux pontife»265. Plus nettement encore que lors du précédent épisode, Tours apparaît ici, dans la pensée de l'historien, comme le centre religieux autour duquel doit se réaliser la concordia ; elle est la ville sainte où les trois souverains, que leurs discordes rendaient infirmes à l'égal des trois paralytiques, remportent symboliquement, en la personne de ces derniers, la seule victoire qui soit authentique : celle de la foi qui, triomphant du Mal, les réunit sous le patronage de Martin et sauve le regnum Francorum.

Ainsi assuré que ne ferait pas défaut au royaume franc Yauxilium de Martin, Grégoire, soutenu par un tel garant, a trouvé la force, bien qu'il ait été parfois tenté d'abandonner, de continuer à porter témoignage. Car puisque, selon ses vœux les plus chers, un avenir est promis au regnum Francorum pour la réalisation d'une nouvelle étape du plan divin sur le monde, l'évêque ne peut se dérober à la tâche qui lui est impartie dans le cadre de celui-ci. Il a conscience qu'en écrivant l'Histoire des Francs, il est lui-même l'un des instruments grâce auxquels s'accomplissent les vues de Dieu sur ce peuple266. Aussi son œuvre est- elle, au plein sens du terme, celle d'un écrivain engagé : elle s'adresse aux contemporains et tout particulièrement aux rois, dans l'intention déclarée d'infléchir leur politique vers les voies tracées par le Seigneur et d'éviter à la nation franque les errements des peuples juif et romain. Soumis à la réflexion des souverains, le récit des guerres civiles qui ont, pendant plusieurs décennies, cruellement éprouvé la Gaule et valu à leurs auteurs des défaites ignominieuses et une mort violente, ce récit a en lui-même une valeur pédagogique. Mais pour être sûr d'être compris, Grégoire n'hésite pas à interpeller les puissants : commentant les événements, il ose faire la leçon aux princes. Il leur rappelle qu'ils sont

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les serviteurs du Christ dont ils tiennent leur royaume et qu'à ce titre, ils doivent protéger les Églises et non les spolier, secourir les pauvres au lieu d'accumuler de vains trésors et sauvegarder la paix civile en maintenant entre eux la concorde. À ces conditions, qui sont les clauses de l'Alliance accordée par Dieu à Clovis, ils conserveront leur royaume et remporteront la victoire sur les «nations adverses»267. Dans ces exhortations, Grégoire veut faire entendre la voix de Tours, pour laquelle il revendique le droit de guider les destinées du regnum Fran- corum. L'écrivain ne s'exprime pas en effet en son nom personnel, mais en sa qualité de successeur de Martin et d'évêque de Tours : des titres qui lui font un devoir de poursuivre la mission de l'apôtre dont l'Église tourangelle est l'héritière. L'Historia Francorum, telle que l'a conçue son auteur, ne pouvait être écrite qu'à Tours, auprès du tombeau de Martin, arche de l'Alliance nouvelle : car c'est à Tours que le saint confesseur révèle le sens de l'Histoire, depuis qu'en Gaule s'est mis en marche le nouvel Israël.

Dans un sermon prononcé dans la cité ligérienne à l'occasion de la fête martinienne du 11 novembre, un prédicateur, demeuré pour nous anonyme, célèbre la félicitas de Tours. Cette laudano sancii Martini, transmise par deux manuscrits dont le plus ancien date du Xe siècle268, fut-elle composée dans le courant du VIe siècle ainsi que le pensait

A. Lambert?269 Il n'est pas exclu, comme l'a suggéré plus récemment

B. M. Peebles, que l'œuvre soit un peu postérieure à celle de Grégoire270. On y retrouve en tout cas bon nombre des thèmes qui furent

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développés par la littérature martinienne entre la fin du IVe siècle et la fin du VIe siècle, de Sulpice Sévère à l'auteur de YHistoria Francorum. Martin, cui quoque post Apostolos tanta collata est gratia211, a été, proclame le prédicateur, donné à Tours, Deo largiente272. Patron de la cité273, le confesseur demeure à jamais le pasteur de son Église274, qu'il continue, depuis son tombeau, de gouverner (continue digneris guberna- re)275. Il est aussi le dux sous la bannière duquel la communauté tourangelle combat victorieusement, affermie dans sa foi trinitaire276. Bienheureuses donc sont la ville de Tours, où repose le corps du saint, la population qui a reçu ce dernier pour évêque, la Touraine tout entière que la «rosée de sa bénédiction» a fertilisée, la basilique qui conserve son sépulcre et la cohorte des ascètes qui desservent ce lieu saint277. Mais la puissance miraculeuse du confesseur assure aussi un large rayonnement spirituel à sa cité. Pour qualifier le rôle de cette dernière, l'Anonyme trouve une formule qui semble bien résumer tout ce qui a été acquis par deux siècles de réflexion tourangelle : Felix igitur civitas Turonensis, quae tanti pastoris irradiata doctrina, ac per ipsius almi- fluum corpus caput effici meruit totius Gallicae regionis21*. Ce titre de caput totius Gallicae regionis consacre Tours comme capitale religieuse de la Gaule.

Les enseignements recueillis au cours d'une enquête, qui s'est efforcée de restituer le cours d'une évolution, puis d'en préciser les différents aspects, portent à une même conclusion : pour Yurbs turonica s'est opérée, entre le milieu du IVe siècle et la fin du VIe siècle, une mutation d'un caractère si radical et si achevé qu'elle prend valeur exemplaire pour l'histoire des cités de la Gaule contemporaine, elles aussi engagées dans un processus similaire. Le résultat final de cette transformation dépasse en effet de loin la simple somme des diverses novations — pourtant considérables — apportées par cette période : l'établissement d'un siège episcopal dans la cité et la conversion de ses habitants à la foi nouvelle; le remodelage de l'espace urbain par la constitution d'un réseau de sanctuaires chrétiens et la réorganisation du temps vécu au rythme des grandes célébrations liturgiques; le développement d'un courant de pèlerinage qui transforme les relations d'échanges avec le monde extérieur et, pour la vie interne de la communauté, l'intervention dans les rapports sociaux des préceptes de la morale évangélique; finalement, le prestige éclatant conquis par une cité demeurée fort obscure dans l'Antiquité. Chacun de ces faits peut trouver des parallèles dans d'autres communautés citadines de la Gaule à la même époque. Mais à Tours, toutes ces réalisations nouvelles, étroitement liées entre elles, sont marquées d'une même empreinte, parce qu'elles correspondent à la mise en œuvre d'un projet clairement conçu par les prélats de la deuxième moitié du Ve siècle et pleinement réalisé par l'évêque Grégoire à la fin du siècle suivant : faire de Tours une cité chrétienne et, plus spécifiquement, puisque le christianisme y avait été prêché par Martin, Yurbs Martini.

De même que sur les bords de Loire, un peu partout en Gaule on voit à cette époque, sous la conduite de l'évêque, responsable politique pour sa cité autant que chef spirituel de son Ecclesia, le corps civique local se fondre avec la communauté chrétienne et la ville s'identifier avec son Église. Mais à Tours, c'est aussi — inversement — l'Église qui a choisi de s'incarner pleinement dans la ville, toute entière sacralisée par le souvenir et la présence toujours efficace de Martin. Que la cité tourangelle ait pu, au même titre que son Ecclesia, être créditée de la

788 L'ÉDIFICATION DE LA CITÉ MARTINIENNE

sainteté de l'Apôtre — pourtant demeuré de son vivant fort étranger aux institutions temporelles — , les circonstances historiques n'y furent pas étrangères : la position occupée, aux limites du royaume wisigoth et du domaine franc, par l'agglomération tourangelle avait fait de celle- ci le point de départ de la reconquête opérée par le très catholique Clo- vis aux dépens des Ariens établis au Sud de la Loire; elle en fit aussi le terme d'une expédition, au retour de laquelle le souverain franc recevait de l'Empereur d'Orient, pour lui-même et pour sa dynastie, reconnaissance et légitimation de son pouvoir sur la Gaule. Mais dans ce rôle dévolu par les circonstances à leur ville, ce sont les évêques tourangeaux qui ont voulu reconnaître et faire reconnaître une élection providentielle, la réalisation d'un plan divin sur la Gaule, préparé par l'envoi de Martin à Tours. C'est cette conviction qui inspira les initiatives politique prises, au nom de leur cité et en faveur de la catholicité gauloise, par Perpetuus, animant la résistance morale à l'occupant arien, par Volusianus et Verus, appelant Clovis comme un libérateur, par Lici- nius, accueillant dans sa ville le roi, au retour de son expédition victorieuse. C'est encore cette conviction qui inspira à Grégoire de se faire l'historiographe de Tours, dont la mission terrestre était, à ses yeux, de servir de modèle au royaume du nouveau peuple élu dont il se voulait l'historien. Enfin de facon plus pragmatique, tous ces prélats, en s'effa- cant volontairement derrière Martin, tout-puissant patron de l'Église et de la ville, ont veillé à sauvegarder les intérêts temporels de celle-ci, garants, de leur point de vue, de l'indépendance spirituelle de celle-là. Dès lors que Martin et l'Église, dont le confesseur était le véritable fondateur et demeurait l'évêque in aeternum, apparaissaient prédestinés à une ville, il fallait que celle-ci offrît en tout le reflet des promesses dont elle était dépositaire. De Perpetuus à Grégoire, tous les évêques tourangeaux, les uns par d'éclatantes initiatives, les autres par un travail plus obscur, ont œuvré pour que Tours présente, dans l'espace urbain comme dans le temps et les structures de la vie citadine, l'image d'une cité sainte, entièrement consacrée à l'Apôtre. Mieux encore, par la prédication et par l'écrit, ils ont aussi contribué à faire de leur ville plus qu'une agglomération d'édifices sacrés et profanes, plus qu'une concentration d'individus régis par les mêmes institutions civiles et religieuses : une communauté dont les membres étaient appelés à partager et à diffuser un idéal, celui que Martin leur avait légué par son exemple et son enseignement. Des ruines de la cité antique était née une ville chrétienne : la civitas Turonorum s'était muée toute entière en une Mar- tinopolis.

App. 1 - TABLEAU GÉNÉALOGIQUE DES ROIS MÉROVINGIENS JUSQU'À LA FIN DU VIe SIÈCLE

(en ce qui concerne les reines, princes et princesses, seuls sont mentionnés ceux qui sont

1. Tableau généalogique des rois mérovingiens

la vieille ville de tours

l'histoire de Tours).

aCLOTAIRE I

Soissons 511 Francs 558 +561

1) Ingundis

2) Aregundis

3) Chunsina

4) Guntheuca

5) Radegonde

2>CHILPÉRIC I ~

Soissons (Neustrie) 561-584

1) Audovera

2) Galswinthe

3) Frédégonde

»Chramne vice-roi d'Aquitaine 556-560

1) Théodebert

+ 575 1) Mérovée

+ 577 1) Clovis

+ 580 3) Basine

moniale Ste Croix 3) Samson

+ 577 3) Chlodobert

+ 580 3) Dagobert

+ 580 3) Thierry

3) CLOTAIRE II Neustrie 584 Bourgogne- Austrasie 613 + 629

2. La famille de Grégoire de Tours

la vieille ville de tours

VETTIUS martyr

sénateur 2e

IMPETRATUS prêtre de Clermont

(Sacerdos év. de Lyon)

fils (Silvester?)

ATTALUS cornes à Autun

ARMENT ARIUS év. de Langres

GREGORIUS ~ ARMENTARIA I

év. de Langres

506/7-539/40

TETRICUS év. de Langres

539/40-572/3

év. de Tours

NICETIUS cornes, dux patricius

App. 3 - ÉGLISES RURALES ET AUTRES ÉTABLISSEMENTS CHRÉTIENS DANS LES CAMPAGNES TOURANGELLES

3. Églises rurales et autres établissements chrétiens dans les campagnes tourangelles

la vieille ville de tours

ÉGLISES RURALES

Fondées d'après HF, X, 31

Attestées par d'autres

AUTRES ÉTABLISSEMENTS

monastère (ibid.) monastères (ibid.)

*Chinon, m. de Maximus (GC, 22)

la vieille ville de tours

Senaparia m. (Senne- vières) et *Loches m. d'Ursus (VP, XVIII)

Martiniacensis o. (Mar- tigny) (GC, 8)

la vieille ville de tours

*Chinon, ermitage (GC, Maurae o. (Sainte- Maure) (GC, 18) Senochi m. (Saint- Senoch) (VP, XV)

Latta, m. (La Chapelle- sALoire) (HF, IV, 48)

Malliacense m. (Maillé, puis Luynes) (GC, 21) S. Benigni s. (Saint- Branchs) (GC, 17)

à date plus ancienne.

App. 4 - LE DIOCÈSE DE TOURS DU IVe AU VIe SIÈCLE

4. Le diocèse de Tours du IVe au VIe siècle

la vieille ville de tours

5. Plan de la ville de Tours à la fin du VIe siècle

la vieille ville de tours

PLAN DE LA VILLE DE TOURS LA FIN DU VIe SIÈCLE

Domus ecclesiae

Basilica s. Litorii

Basilica s. Martini

Baptisterium (du Sud)

Basilica s. Pétri et Pauli

Monasterium s. Venantii

Monastère fondé par Radegonde

Monastère de Monegundis

Basilica s. Vincentii

Monasterium s. Juliani.

798 APPENDICES

6. Sylloge des inscriptions tourangelles

Au nombre des sources qui éclairent les premiers siècles du christianisme tourangeau figure une série de carmina, tous relatifs à des sanctuaires martiniens de la cité (cellules de Marmoutier; basilique Saint-Martin; ecclesia et édifices du groupe episcopal; enfin, dans le territoire de Tours, oratoire d'Artanne). Certaines de ces épigrammes sont dues à des poètes connus — au Ve siècle, Paulin de Périgueux et Sidoine Apollinaire et, au siècle suivant, Venance Fortunat — ; les autres ont été composées par un ou plusieurs auteurs demeurés anonymes. D'autre part, ces pièces métriques ont été transmises par des voies différentes : les premières figurent, comme il se doit, parmi les œuvres des écrivains précédemment cités, mais aussi, pour quelques-unes d'entre elles, dans une ancienne Sylloge dite du Martinellus, où elles se mêlent aux secondes.

Tels sont les éléments fondamentaux dont il faut tenir compte pour tenter d'apporter, de façon aussi objective et nuancée que possible, réponse à une question initiale, fort débattue : ces carmina sont-ils tous ou pour partie des inscriptions jadis effectivement gravées dans les édifices auxquels ils se rapportent? Edm. Le Blant en était persuadé, qui fit figurer tous ces poèmes dans son Recueil des Inscriptions chrétiennes de la Gaule. Ce parti pris a été depuis lors, à plusieurs reprises, contesté. Or, il faut bien l'admettre, dans d'autres cas, les critiques adressées au savant épigraphiste sont justifiées : Le Blant a aussi admis dans son Recueil — notamment dans la section tourangelle — quelques textes qui, à l'évidence, par leur nature même, n'appartiennent nullement au domaine de l'épigraphie1. En ce qui concerne les carmina de Tours —

la vieille ville de tours

800 APPENDICES

dont la liste est donnée ci-joint — , la question doit donc être à nouveau posée.

Aussi paraît-il nécessaire de reprendre l'enquête, en sériant les problèmes que pose chaque ensemble de carmina. L'étude doit, par là même, permettre d'élucider le sens de ces différentes compositions métriques, en situant ces dernières dans le contexte historique où elles ont été élaborées. Se bornant volontairement à une présentation générale, elle doit enfin préparer, grâce aux résultats qui pourront être acquis, une publication épigraphique complète dans le cadre du Recueil des Inscriptions chrétiennes de la Gaule en cours de parution.

I - Les Carmina du Martinellus : Marmoutier et la basilica Sancti Martini

A - Les textes de la sylloge

Tradition manuscrite

Aux œuvres de Sulpice Sévère se trouve annexée, dans une famille de manuscrits dite jadis franque ou franco-allemande — parce qu'elle se compose essentiellement de témoignages écrits en France ou en Allemagne — , une série d'appendices de caractère martinien — d'où le nom de Martinellus également donné à cette famille2; précédant des pièces diverses dont le nombre et l'ordre sont sujets à variation (notices descriptives, profession de foi pseudo-martinienne, fragments tirés des œuvres de Grégoire de Tours . . .), figure dans tous ces manuscrits une sylloge de vers ainsi composée : les quatre premières épigrammes sont relatives aux cellules de Marmoutier; les 12 suivantes — les versus basi- licae — à la basilique Saint-Martin; un dernier poème, bien qu'il ne soit précédé d'aucune indication particulière, se rapporte, étant donné le

APPENDICES 801

sujet traité, à un autre édifice, probablement un sanctuaire annexe de la grande basilique3.

Parmi les manuscrits extrêmement nombreux de cette famille, les plus anciens sont, dans l'ordre chronologique, les suivants :

Pour la branche franque, plus spécifiquement tourangelle :

- Le Parisinus latinus (Paris, BN 13.759), écrit à Tours dans le premier

quart du IXe siècle de la main du prêtre Adalbaldus sur l'ordre de l'abbé de Saint-Martin Fredigisus.

- Le Parisinus latinus (Paris, BN 5325), écrit à Tours dans le premier

ou le deuxième quart du IXe siècle.

- Le Parisinus latinus (Paris, BN 10.848), de même provenance et

datant du deuxième quart du IXe siècle.

Pour la branche allemande :

- Le Quedlinburgensis , ms 79 de la Stifts-und Gymnasialbibliothek de

Quedlinburg, légèrement postérieur aux manuscrits tourangeaux précédemment cités4.

- Le manuscrit de Saint-Emmeram (Ratisbonne), écrit vers 830 et

actuellement conservé, sous la cote 108, à la Lilly Library d'Indiana University.

- Le Frisingensis , provenant de Freising (Xe siècle) et conservé à

nich à la Bayerische Staatsbibliotek (cod. lat. Monac. 6326).

Les textes de la sylloge ont fait l'objet de publications successives, d'après un ou plusieurs manuscrits qui ne sont pas toujours parmi les témoins les plus anciens :

- Th. Eckard, Codices manuscripti quedlinburgenses , Quedlinburg,

1723, p. 71-77 et 82-83; d'après le ms de Quedlinburg.

- Hieronymus de Prato, en appendice aux Sulpicii Severi Opera, t. I,

Vérone, 1741, p. 387-391 (suivis de notes de commentaire); d'après Îe codex Veronensis Bivilaquius (identifié comme le manuscrit de la bibliothèque de Vérone CXII, 105 par B. M. Peebles)5, le seul selon

802 APPENDICES

lui (p. 387) à contenir une collection d'épigrammes martiniennes dont il se croyait, en conséquence, le premier éditeur.

- C. Marino, ap. A. Mai, Scriptorum veterum nova collectio, t. V, 1831,

p. 138-143; d'après le manuscrit de Venise Venetus Zenianus (aujourd'hui Marc. Lat., IX, 61).

- J. P. Migne, Carmina Sulpicio Severo attributa, dans PL, LXXIV,

ris, 1850, col. 671-674; d'après le manuscrit de la bibliothèque royale de s. Victor 480, fol. 123.

- Edm. Le Blant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, t. I, Paris 1856,

p. 231-246; d'après les précédentes éditions et les ms. latins de la BN 3788, 5325, 5580, 5583, 5584.

- De la publication de Le Blant dépend J. Quicherat, Restitution de la

basilique Saint-Martin de Tours, dans Revue archéologique, 1869 et 1870, repris dans Mélanges d'archéologie et d'histoire, II, 1886, p. 30-73; ainsi que, pour quelques carmina qu'il a choisi de commenter, C. Chevalier, Les fouilles de Saint-Martin, Tours, 1888, p. 55-81.

En l'absence d'une recension de tous les témoins anciens, l'édition procurée par Le Blant demeure la meilleure. Sur quelques points où les erreurs commises par les copistes sont manifestes, le texte peut cependant, semble-t-il, être amendé, en tenant compte du sens de l'œuvre, des réminiscences scripturaires ou littéraires dont elle s'inspire6, autant que des leçons données par d'autres manuscrits, inconnus de l'épigra- phiste.

Marmoutier. N° 1

Incipiunt versus in foribus primae cellae sancii Martini. Venimus en isthuc : hic nemo personat, eheu!

Venimus en isthuc et crucis arma silent. Vere bellator Domini dormit : sonet, eheu! 4. Bellator dormit, desiderandus homo.

Intremus tarnen et fletu precibusque precemur Sanctorum Dominum, Martinique Deum;

APPENDICES 803

Sternamurque loco quem Sanctus flendo rigabat : 8. Auxilium nobis spiritus ejus erit.

Bellator dormit; sed tu nos protege, Christe; Qui non dormitas, protege Israhelem.

Voici que nous venons ici vers toi : ici, hélas, nul ne se fait entendre! Voici que nous venons ici vers toi et les armes de la croix sont silencieuses. Il est bien vrai, le combattant du Seigneur s'est endormi : puisse-t-il se faire entendre, hélas! Le combattant s'est endormi, cet être que l'on doit regretter. Entrons cependant et supplions de nos larmes et de nos prières le Seigneur des saints, le Dieu de Martin; et prosternons-nous en ce lieu que le saint arrosait de ses pleurs : son esprit viendra à notre secours. Le combattant s'est endormi; mais toi, protège-nous, Christ; toi qui ne peux t'endormir, protège Israël.

Marmoutier. N° 2

Item in cella alia.

Hic inhabitavit Domini vestigia lambens;

Hic inhabitavit vir cruets arma gerens; Hic inhabitavit sanctus purusque sacerdos; 4. Hic inhabitavit corpore, corde probus;

Hic inhabitavit scutum cui sancta fides est,

Umbo crucis, verbo spendidus atque micans; Hic inhabitavit felix eremita sub antro; 8. Hic inhabitavit quem paradisus habet.

Ici habita celui qui baisait les traces du Seigneur; ici habita l'homme qui portait les armes de la croix; ici habita l'évêque saint et pur; ici il habita, chaste de corps et de cœur; ici habita celui dont la foi sainte est un bouclier, Y umbo au centre de la croix, brillant et resplendissant par son éloquence; ici habita le bienheureux ermite dans la grotte; ici habita celui que possède le paradis.

Marmoutier. N° 3

Item in cellula interiore.

Sancte Deus, miserere loci quem semper amasti;

Dilige, multiplica, protege, semper ama, Quando completo pastorem tempore nostrum 4. Ad loca migrasti lucida, sancta, bona;

Nos quoque velamento alarum sancte tuarum

804 APPENDICES

Protege, conserva, dilige, semper ama. Suppliciter petimus : dones tribuasque benignus 8. Ut nosmet Sanctus ac simul ille juvet.

Dieu saint, aie pitié de ces lieux que tu as toujours aimés; chéris- nous, multiplie-nous, protège-nous et aime-nous toujours, alors que tu as transporté, une fois son temps achevé, notre berger vers des lieux brillants, saints et bons; en nous enveloppant saintement aussi de tes ailes, protège-nous, conserve-nous, chéris-nous et aime-nous toujours. Nous te le demandons de nos supplications : dans ta bonté, donne et accorde qu'en même temps ce grand saint nous assiste aussi.

Marmoutier. N° 4

Item illic super locum lecti ejus.

Qualia sint isthic bellantis tela frequenter

Vidimus, absentem cum fuit esse virum : Carbones atros cerneres, horrentia quaeque, 4. Pulveris et nebulas, squalida cuncta nimis.

Cilicium, subter capiti lapis et cinis altus Exesis membris hic, videbare, torus. Sellula namque fuit requies in nocte silenti, 8. Pro scamno aut cathedra huic haec quoque sella die.

Quels sont les traits qui doivent armer le combattant, nous l'avons souvent vu ici, lorsqu'il arrivait que le grand homme fût absent. Vous auriez pu apercevoir — tout cela fait frémir — des charbons noirs et, non moins repoussants, des nuages de poussière. Un cilice, une pierre sous la tête et de la cendre épaisse, c'était là, à tes yeux, un lit pour tes membres fatigués. Car cette banquette servait à ton repos dans la nuit silencieuse; en guise de siège ou de chaire, le jour, ce banc aussi.

Basilique Saint-Sartin. N° 5

Incipiunt versus basilicae; primum a parte orientis.

Ingrediens templum ferto ad sublimia vultum :

Excelsos aditus suscipit alta fides. Esto humilis sensu sed spe sedare vocantem : 4. Martinus reserat quas venerare fores.

Haec tuta est turris trepidis, objecta superbis, Elata excludens, mitia corda tegens.

APPENDICES 805

Celsior ilia tarnen quae coeli vexit ad arcem

Martinum, astrigeris ambitiosa viis; Unde vocat populos qui praevius ad bona Chr(ist)i

Sidereum ingressus sanctificavit iter.

Lorsque tu pénètres dans le temple, porte tes regards vers les hauteurs : les accès supérieurs sont ceux qu'emprunte une foi élevée. Que ta conscience te rende humble, mais que l'espérance te fasse suivre celui qui t'appelle : Martin ouvre les portes que tu vénères. Voici la tour tutélaire pour les timides, menaçante pour les superbes; elle est un obstacle pour les cœurs qu'enfle l'orgueil et une protection pour ceux que remplit la douceur. Plus haute cependant celle-là qui porta Martin jusqu'à la citadelle céleste, se dressant dans les voies astrales; de là haut, il appelle les peuples, lui qui, les précédant dans les domaines du Christ, a sanctifié la route des étoiles.

Basilique Saint-Martin. N° 6

A parte alia.

Intraturi aulam vénérantes limina Christ Pellite mundanas toto de pectore curas Et desideriis animum vacuate profanis. Votorum compos remeat qui justa precatur.

Vous qui, avant de pénétrer dans la nef, vénérez le seuil du Christ, chassez complètement de votre cœur les soucis mondains et libérez votre âme des désirs profanes. Il s'en retourne, ses vœux exaucés, celui qui formule de justes prières.

Basilique Saint-Martin. N° 7

Quisquis templa Dei petiturus mente serena

Ingrederis veniam culpis deposcere seris

806 APPENDICES

4. Non animo debes non titubare fide.

Quae petis impetras, si puro pectore poscas. Fides, ut ipse ait sic, tua salus erit.

Quiconque s'apprête à gagner d'une âme sereine le temple de Dieu ... Tu entres demander le pardon des fautes où tu t'attardes. Non, ton âme ne doit pas chanceler dans sa foi. Tu obtiens ce que tu demandes, si tu pries d'un cœur pur. Ta foi, Lui-même l'a dit ainsi, sera ton salut.

Basilique Saint-Martin. N° 8

In introitu a parte occidentis; historia (pietà) evangelicae viduae. Discat evangelico Christum, sermone fateri, Quisque venu summo vota referre Deo. Quamvis corde tremens, supplex genu, cernuus oret, 4. Si cesset opere, nempe fides vacua est.

Lege sub hac pariter locuples pauperque tenetur :

Cui census desit, mente probabit opus. Nec quemquam excusât tenuis atque aria facultas : 8. Affectu constat gloria, non pretto.

Qui tributi quaecumque opus est, is plurima conferì :

Parva licet dederit, maxima quaeque cupit. Inter opum cumulos scimus, vel dona potentum, 12. Praelatam viduae pauperis esse fidem,

Mercantem nummis caelorum regna duobus.

Sublimem vexit Justus in astra pater. Non quae multa dedit, sed quae sibi nulla reliquit, 16. Laudari meruit judicis ore Dei.

Qu'apprenne, de la leçon évangélique, à confesser le Christ, quiconque vient accomplir ses vœux au Dieu Très Haut. Il peut bien, le cœur tremblant, le genou fléchi, se prosterner pour prier : si elle cesse d'agir, sa foi, assurément, est vaine. Cette loi oblige également le riche et le pauvre. Les œuvres de celui à qui fait défaut la richesse seront appréciées, compte tenu de l'intention. Nul ne peut alléguer comme excuse des ressources faibles et limitées. Le mérite réside dans l'intention et non dans la valeur du don. Celui qui a offert tout ce qui lui était nécessaire a apporté beaucoup plus. Certes il a donné peu, mais il souhaitait donner le plus. Aux amoncellements de richesses, nous le savons, aux dons des puissants fut préférée la foi de la pauvre veuve qui

APPENDICES 807

acheta deux deniers le royaume des cieux. Le Père juste l'a transportée au plus haut des astres. Celle qui n'avait pas donné beaucoup, mais qui n'avait rien conservé pour elle-même, mérita d'être louée de la bouche du Dieu juge.

Basilique Saint-Martin. N° 9

A parte Ligeris super ostium.

Discipulis praecipiente Domino in mare navigantibus, venus flanti- bus, fluctibus excitatis, Dominus super mare pedibus ambulai; et sancto Petro mergenti manum porrigit; et ipse de periculo liberatur.

Alors que les disciples, sur l'ordre du Seigneur, naviguent sur la mer et que, sous le souffle du vent, les flots sont soulevés, le Seigneur marche à pied sur la mer; et il tend la main à Pierre en train de se noyer; et celui-ci est délivré du danger.

Basilique Saint-Martin. N° 10

Sanctissima Chr(ist)i ecclesia, quae est mater omnium ecclesiarum, quam fundaverunt apostoli, in qua descendit Spiritus Sanctus super apostolos in specie ignis linguarum. In ea positus est thronus Jacobi apostoli et columna in qua verberatus est Chr(istu)s.

La très sainte Église du Christ, qui est la mère de toutes les Églises, que fondèrent les apôtres, dans laquelle l'Esprit Saint descendit sur les apôtres sous forme de langues de feu. Dans celle-ci sont placés le trône de l'apôtre Jacques et la colonne contre laquelle fut flagellé le Christ.

Basilique Saint-Martin. N° 11

Eat (e contra?)*.

Quisque solo adclinis mersisti in pulvere vultum Humidaque inlisae pressisti lumina terrae, Attollens oculos trepido miracula visu 4. Concipe et eximio causant committe patrono. Nulla potest tantas conplecti pagina vires,

808 APPENDICES

Quamquam ipsa his titulis caementa et saxa notentur.

Terrenus non claudit opus, quod regia caeli 8. Suscipit et rutilis inscribunt sidera gemmis.

Martini si quaeris opem, trans astra resurgens

Tange polum, angelicum scrutatus in aethere coetum.

Mie conjunctum Domino perquire patronum, 12. Sectantem aeterni semper vestigia regis.

Si dubitas, ingesta oculis miracula cerne,

Quis famuli meritum verus salvator honorât.

Accedis reliquis inter tot milia testis, 16. Dum narranda vides sollers et visa retexis.

In sanctis quidquid signavit pagina libris,

Instaurât, rénovante Deo : quo munere gaudent

Caecus, clodus, inops, furiosus, anxius, aeger, 20. Debilis, oppressus, captivus, maestus, egenus.

Omnis apostolicis gaudet curano signis.

Qui flens adfuerit, laetus redit; omnia cedunt

Nubila; quod meritum turbai, medicina serenai. 24. Expete praesidium : non frustra haec limina puisas.

In cunctum perget pietas tam prodiga mundum.

Qui que tu sois, toi qui, prosterné jusqu'au sol, as enfoui ton visage dans la poussière et pressé tes paupières mouillées contre la terre où elles laissent leur empreinte, lève les yeux pour prendre connaissance des miracles offerts à ton regard tremblant et confie ta cause à un patron incomparable. L'étendue de ses pouvoirs, aucun écrit ne peut la contenir, même si le ciment et la pierre portent gravée cette inscription. Un édifice terrestre ne peut renfermer ce que la demeure du Roi des cieux accueille et ce que les étoiles inscrivent en gemmes rutilantes. Si tu veux obtenir le secours de Martin, t'élevant au delà des astres, gagne le plus haut des cieux, après avoir rencontré dans l'éther le chœur des anges. Le patron que tu cherches est là, en compagnie du Seigneur, marchant toujours sur les traces du Souverain éternel. Si tu doutes, regarde les miracles qui s'imposent à tes yeux et par lesquels le Sauveur vrai honore les mérites de son serviteur. Tu viens te joindre comme témoin à des milliers d'autres, observant avec application ce qui est digne d'être rapporté et racontant à ton tour ce que tu as observé. Tous les miracles qui ont été consignés dans les pages des Saintes Écritures, réitérés par la volonté de Dieu, sont renouvelés par Martin : de ses bienfaits se réjouissent l'aveugle, le boiteux, le pauvre, le possé-

APPENDICES 809

dé, l'anxieux, le malade, le faible, l'opprimé, le captif, l'affligé, l'indigent. Chaque guérison bénéficie de prodiges apostoliques. Celui qui s'est présenté en larmes, s'en retourne joyeux; tous les nuages se dissipent; à celui que trouble sa conscience, un remède rend la sérénité. Demande sa protection : ce n'est pas en vain que tu frappes à cette porte. Sa piété si généreuse s'étend au monde entier.

Basilique Saint-Martin. N° 12

Super arcum absidis altaris.

Quam metuendus est locus iste! Vere templum Dei est et porta coeli.

Que ce lieu est redoutable! C'est bien le temple de Dieu et la porte du ciel.

Basilique Saint-Martin. N° 13

Circaa tumulum ab uno ìatere.

Hic conditus est sanctae memoriae Martinus episcopus cujus anima in manu Dei est; sed hic totus est praesens, manifestus omni gratia virtu- tum.

Ici est enseveli l'évêque Martin de sainte mémoire; son âme est dans la main de Dieu; mais ici, il est tout entier présent, manifestant de toute sa grâce ses pouvoirs.

Basilique Saint-Martin. N° 14

Item in alio latere.

Certamen bonum certavit; cursum consumavit; fidem servavit. De cetero reposita est Uli corona justitiae quam reddet Uli Dominus in illa die Justus judex.

Il a combattu le bon combat; il a achevé sa course; il a gardé sa foi. Du reste, pour lui est réservée la couronne de justice que le Seigneur, le juste Juge, lui donnera en ce jour-là.

Basilique Saint-Martin. N° 15

Item desuper.

Confessor mentis, martyr cruce, apostolus actu, Martinus coelo praeminet hic tumulo.

810 - APPENDICES

Sit memor et miserae purgans peccamina vitae 4. Oecultet meritis crimina nostra suis.

Confesseur par ses mérites, martyr par sa croix, apôtre par son action, Martin, depuis le ciel, préside ici à son tombeau. Qu'il se souvienne de nous et que, lavant les péchés de notre misérable vie, il fasse oublier nos fautes par ses mérites.

Basilique Saint-Martin. N° 16

Item in absida.

Martini corpus tous venerabile terris,

In quo post vitae tempora vivit honor, Texerat hic primum plebeio machina cultu, 4. Quae confessori non erat aequa suo.

Nec desistebat cives onerare pudore

Gloria magna viri, gratia parva loci; Antistes sed qui numeratur sextus ab ipso 8. Longam Perpetuus sustulit invidiam,

Internum removens modici penetrale sacelli Amplaque tecta lev ans exterior e domo; Creveruntque simul valido tribuente patrono 12. In spatiis aedis, conditor in meritis,

Quae Salomoniaco potis est confligere tempio,

Septima quae mundo fabrica mira fuit. Nam gemmis, auro, argento si splenduti illud, 16. Istud transgreditur cuncta metalla fide.

Livor, abi, mordax absolvanturque priores, Nil novet aut addai garrula posteritas; Dumque venit Christus, populos qui suscitet omnes, 20. Perpetuo durent culmina Perpetui.

Depositio sancii Martini Jertio idus novembris; pausavit in pace Domini nocte media9.

Le corps de Martin, révéré par toute la terre, en qui la gloire survit après le temps de la vie, n'était recouvert ici d'abord10 que par un édifi-

APPENDICES 811

ce de style commun, qui n'était pas digne du confesseur qu'il voulait honorer : l'immense gloire du personnage et l'humilité du lieu ne cessaient de charger de honte les fidèles. Mais l'évêque Perpetuus, qui occupe le sixième rang à sa suite, a mis fin à cette longue période de discrédit, en se refusant à garder le sanctuaire souterrain d'une modeste petite chapelle et en élevant le vaste bâtiment d'une construction en hauteur et à l'extérieur. Par la faveur de ce puissant patron, le temple a grandi en surface en même temps que grandissait en mérites le fondateur d'un ouvrage qui peut rivaliser avec le temple de Salomon, la septième merveille du monde. Si ce dernier en effet étincelait de pierreries, d'or, d'argent, celui-ci est par la foi au-dessus de tous les métaux. Arrière, mordante jalousie, et que nos prédécesseurs soient absous. Quant à la postérité prompte au caquetage, qu'elle ne change ni n'ajoute rien ici et jusqu'à ce que vienne le Christ pour ressusciter tous les peuples, que dure perpétuellement l'édifice de Perpetuus. Déposition de saint Martin le trois des ides de novembre (11 novembre): il s'est endormi dans la paix du Seigneur au milieu de la nuit.

Basilique Saint-Martin (sanctuaire annexe ?). N° 17

In memoria securi re? (sanctorum reliquiarum?)11.

Quinque beatorum retinet domus ista coronas;

Quorum si titulum relegas et nomina noscas

In coelis quae scripta manent semperque manebunt.

4. Hic ovat ex utero sanctus Baptista lohannes; Hic Felix Victorque pii, Gervasius almus Protasiusque sacer sunt hic per saecula testes, Qui veram docuere fidem cruce, sanguine, morte.

8. Juncti quinque simul digiti de corpore Christi Efficiunt celsam magno certamine palmam Perpetuis dignisque Deo quam floribus ornant.

812 APPENDICES

De cinq bienheureux cette demeure conserve les couronnes; si tu lis avec soin cette inscription, tu connaîtras aussi leurs noms qui demeurent écrits dans les cieux et y demeureront toujours. Ici Jean- Baptiste, qui exulta depuis le sein maternel; ici, les pieux Felix et Victor, le bienfaisant Gervais et le vénérable Protais témoignent ici pour les siècles, eux qui enseignèrent la vraie foi par la croix, le sang, la mort. Unis tous les cinq comme les doigts du corps du Christ, ils concourent par un grand combat à une noble palme qu'ils ornent de fleurs immortelles et dignes de Dieu12.

Β - Des tituli gravés dans les sanctuaires

II y a, pour affirmer que les épigrammes recueillies dans la sylloge du Martinellus étaient réellement gravées sur les murs des édifices13, de nombreuses raisons :

1) Les premières sont suggérées par les textes eux-mêmes. Dans de nombreux carmina, l'auteur interpelle le lecteur, en s'adressant à lui comme à un visiteur (N° 1, v. 1,2 et 5; n° 5, v. 1; n°6, v. 1; n°7, v. 1; n° 11, v. 1 et 24; n° 17, v. 2), arrêté en un endroit précis de l'édifice (porte de la première cellule de Marmoutier, n° 1, v. 5; seuil de la basilica Martini, n° 5, v. 5; n°6, v. 1; n°7, v. 3; nef de la basilique, n° 11; domus recelant les reliques de cinq martyrs, n° 17, v. 1). Très souvent aussi, un adverbe — hic, istic, ... — localise dans l'espace monastique (n° 1 et* 2, passim', n° 4, v. 1 et 8) ou dans l'espace basilical (n° 13; n° 16, v. 3; n° 17, passim) le texte, parfois qualifié par le poète lui même de titulus (n° 17, v. 2), gravé dans la pierre (n° 11, v. 6), pour être offert à la lecture des fidèles (n° 17, v. 2). Dira-t-on qu'il s'agit là d'un procédé littéraire où l'écrivain emprunte ses formules à l'épigraphie? Mais en certains cas,

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le libellé des épigrammes n'a de sens que s'il constitue la légende commentant sur les murs de la basilique des images qui y sont «peintes» (n° 9 et 10; et dans une certaine mesure, n° 8 et 11). De même, la transcription quasi littérale d'un verset biblique (n° 12 : Gen. 28,17) n'aurait pas sa place dans un recueil de poèmes; en revanche sa présence se justifie parfaitement dans une sylloge épigraphique, qui reproduirait en l'occurence une inscription ornant l'arc triomphal. Enfin, il faut le remarquer, les vers de Sidoine Apollinaire sont, dans le Martinellus , suivis d'une courte mention en prose donnant la date de la depositio de Martin qui ne figure pas dans les manuscrits des œuvres du poète. Une telle adjonction relève d'usages habituels en épigraphie14.

2) À ces premiers arguments s'ajoutent ceux que fournit le contexte littéraire. Dans la sylloge, les intitulés, qui précédent chacune des pièces métriques, mentionnent l'endroit exact où celles-ci devaient se lire dans les sanctuaires. De leur côté, Paulin de Périgueux et Sidoine Apollinaire, dans leur correspondance, donnent des indications sans ambiguïté sur la destination de leur contribution respective. Dans la lettre d'envoi accompagnant le poème qu'il a écrit à la demande de l'évê- que Perpetuus, Paulin précise qu'il a composé les vers, quos pagina in pariete reserata susciperet15. Quant à Sidoine, il informe le correspondant, auquel il soumet les mètres élégiaques commandés par Perpetuus, en ces termes : «C'est pour être gravée sur les murs de cette basilique (Saint-Martin) que le dit évêque me presse d'écrire cette petite pièce de vers»16.

3) Si l'on ne peut douter des intentions, peut-on, pour contester leur mise en œuvre, invoquer l'absence de preuves matérielles? Celles- ci cependant ne font pas défaut.

Elles sont apportées tout d'abord par plusieurs témoignages anciens. Le Codex Vossianus Lat. Q 69 de Leyde (f° 19va) qui contient une sylloge rassemblant quelques inscriptions de Rome reproduit le premier titulus de Saint-Martin de Tours (n° 5), en y remplaçant le nom de Martinus par celui de Stefanus puisque, à Rome, l'inscription était destinée à un sanctuaire dédié au proto-martyr par le pape Etienne II

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(725-757) 17. Le pontife aurait pu, il est vrai, s'inspirer d'un modèle littéraire. Mais il n'en va pas de même pour le lapicide qui grava sur l'archivolte de la porte de l'église de Mozac (canton de Riom, Puy-de- Dôme) le premier vers de l'épigramme n° 5, suivi du premier vers de l'épigramme n°618. L'étrange emprunt n'a visiblement pas été opéré par un lecteur dans un manuscrit du Martinellus, mais directement à Tours, sur le monument, par un visiteur distrait où inintelligent : ce dernier a lu à la suite l'un de l'autre les vers initiaux de deux tituli, probablement gravés à la même hauteur19. Cette copie fut sans doute exécutée seulement au XIIe siècle20. Mais les témoignages recueillis par J. L. Chalmel sur la basilique Saint-Martin de fours avant sa disparition suggèrent précisément que, lors des reconstructions successives de l'édifice, les bâtisseurs avaient toujours reproduit fidèlement — bien que parfois sur un support différent, le vitrail par exemple — les inscriptions (et les images) qui ornaient le sanctuaire élevé par Perpe- tuus21.

Enfin, et c'est là l'essentiel, de l'une des inscriptions de la basilique du Ve siècle a subsisté un fragment qui fut retrouvé lors des fouilles menées à la fin du siècle dernier par C. Chevalier22 et publié seulement en 1963 par les soins de M. Vieillard-Troiekouroff23. C'est une petite

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plaque de marbre blanc, longue de 15 cm, haute de 10 cm et épaisse de 6 cm, dont tous les rebords correspondent à des cassures : au-dessus de deux traits parallèles incisés à la partie inférieure, huit lettres sont gravées; en restituant pour les caractères mutilés des deux extrémités, un F initial en un M final, comme l'a proposé fort justement l'éditeur, on peut lire : FESTVSOM. Or ce sont là huit lettres qui entrent dans la composition de deux mots de l'épigramme n° 13, de telle sorte que l'on peut proposer la restitution : ... (mam)FESTUS 0M(nia) gratia virtu- tum)24.

L'identification du texte gravé n'est pas douteuse : la séquence de lettres qu'offre le fragment de marbre est assez rare — elle ne s'intègre dans aucun des formulaires épigraphiques courants — pour qu'on puisse l'attribuer sans hésitation à l'épigramme dont la sylloge donne par ailleurs la copie. D'autant plus que cette séquence occupe, ici et là, la même position dans la mise en page : les mots dans le composition desquels elle entre sont parmi les derniers du texte livré par le Marti- nellus ; de même les huit lettres incisées dans le marbre appartiennent à une dernière ligne d'inscription, comme le montre la présence au-dessous d'elles d'un double trait final.

D'autre part le fragment inscrit provient bien de la basilique de Perpetuus et non d'un édifice ultérieur. Il a en effet été retrouvé avec d'autres éléments de cette construction — chapiteaux et plaques de marbre, modulons de terre cuite . . . — , tous cassés et remployés dans les substructions de la basilique romane, celle qui succéda au sanctuaire du Ve siècle. De plus, le marbre dans lequel est gravée l'inscription mutilée est analogue à celui d'autre fragments portant des ornements ciselés (palme, canthare, feuilles stylisées) qui appartenaient au décor de la basilique de Perpetuus. Enfin l'examen paléographique permet lui aussi d'écarter, s'il était encore besoin, une datation tardive25.

Grâce à ce faisceau d'arguments et de preuves, on peut donc affirmer que les épigrammes 1 à 17 de la sylloge étaient effectivement gravées dans les édifices auxquels elles se rapportent, les cellules de Mar- moutier pour les quatre premières, la basilique Saint-Martin et un sanctuaire annexe de celle-ci pour les suivantes.

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C - Date et signification de ces compositions épigraphiques

II est nécessaire d'examiner ici séparément deux groupes d'inscriptions, qui sont sensiblement différents par leur ton et leur inspiration.

1) Les tituli de Marmoutier

Ils se distinguent des versus basilicae tout d'abord par un style qui leur est propre et qui est la marque de leur auteur, très probablement unique pour ces quatre pièces. Le retour des mêmes mots, des mêmes membres de phrase, qui reviennent comme des leitmotive, confère à ces épigrammes, et notamment aux trois premières, le caractère de litanies inlassablement répétées; celles-ci, mêlant aux exclamations de détresse les invocations de la prière, modulent un long cri de douleur. Car, dans une expression souvent maladroite, mais frémissante de sincérité, le sentiment qui domine est celui du deuil éprouvé à la mort de Martin. Le regret poignant, la tristesse accablante suscitée par cette perte l'emportent sur la certitude — timidement affirmée ici27, alors qu'elle éclate dans les tituli de la basilica Martini — qu'un puissant protecteur a été acquis dans le ciel. C'est dire, que, comme le pressentait G. B. De Rossi28, ces inscriptions, dont les accents sont assez proches de ceux de Sulpice Sévère dans la lettre au diacre Aurèle, ont été composées, comme cette dernière, peu après la mort de Martin sans doute et, en tout cas, à une date bien antérieure à celle des versus basilicae. D'ailleurs le poète laisse clairement entendre qu'il a personnellement connu Martin et qu'il a été le témoin de sa vie exemplaire (n° 4, v. 2). De plus, dans ses vers, perce l'impression que la communauté monastique, éprouvée par le décès encore récent de son abba, souffre aussi des conséquences entraînées par cette mort. Dans la plainte d'abandon qu'expriment les épigrammes 1 et 3, on retrouve certes le thème habituel à la déploration des défunts, celui du grand vide qu'ils ont laissé derrière eux. Mais il y a plus : c'est dans le silence de la solitude — hic nemo personat (N° 1, v. 2) — que s'élève la voix du poète, qui dit la désolation de lieux naguère peuplés de disciples et que désormais seule la grâce

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divine peut à nouveau multiplier (n° 3, v. 2 et 6). Lorsqu'il invoque le Christ pour que celui-ci accorde sa protection à Israël (N° 1, v. 10), l'auteur songe, semble-t-il, en employant ce terme, à la communauté dispersée en un nouvel Exode, celui qui conduit, au début de l'épiscopat de Brice, de nombreux moines à déserter Tours pour s'installer au voisinage de la villa de Sulpice Sévère, à Primuliacum29.

À n'en pas douter, l'anonyme est un frère de Marmoutier, un des rares membres de la communauté monastique demeurés après 397 dans les cellules des bords de Loire. En témoignent sa culture et ses préoccupations. Ses œuvres, pauvres en réminiscences littéraires30, sont en revanche émaillées de citations scripturaires empruntées aux textes pauliniens, à la Genèse et surtout à ces Psaumes31 que les moines apprennent par cœur. D'autre part, en Martin — qualifié une seule fois du titre de sacerdos (n° 2, v. 3) — , elles exaltent avant tout le moine fermement attaché à sa profession. Le répertoire limité d'images dans lequel puise le poète est choisi pour célébrer le miles Christi {bellator Domini, n° 1 et 4), protégé, selon des métaphores déjà usuelles, par l'étendard de la croix (n° 1, v. 2 et n° 2, v. 6) et par le bouclier de la foi (n°2, v. 5)32, mais plus particulièrement pourvu des armes offensives {tela, n° 4, v. 1) que sont les instruments de mortification de l'ascète, longuement énumérés dans l'épigramme n° 4. En bref, l'époque n'est pas encore venue où Martin sera reconnu comme apôtre et thaumaturge, salué comme évêque exemplaire par la cité unanime. Il n'est encore que le saint abba pleuré par une communauté monastique amoindrie qui, seule à Tours, conserve pieusement sa mémoire.

2) Les versus basilicae

À la composition des tituli de Saint-Martin ont œuvré Paulin de Périgueux, Sidoine Apollinaire, ainsi qu'un ou plusieurs poètes anony-

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mes qui, contrairement au moine versifiant naguère pour Marmoutier, maîtrisaient tous parfaitement les techniques savantes de leur art. Il ne saurait être question, dans le cadre de cette rapide étude, de s'attarder à analyser les jeux subtils et précieux du langage poétique auxquels ils se complaisaient. Il importe, en revanche, de mettre en évidence l'unité d'inspiration qui, malgré la diversité des auteurs, a présidé à l'élaboration de leurs œuvres. Cette unité tient tout d'abord au fait que ces écrivains étaient tous des contemporains de Perpetuus33 et que, rédigeant leur texte à sa requête, ils étaient portés par l'élan de dévotion suscité par l'évêque en faveur de Martin. Mais il y a plus : en passant commande des épigrammes, Perpetuus avait donné, on ne saurait en douter, des directives très précises pour que celles-ci s'intègrent au programme d'ensemble qu'il s'était tracé et auquel obéissaient aussi les architectes et les peintres sur le chantier de la nouvelle basilique. Dans le sanctuaire, dont l'ampleur et l'élévation avaient été conçues pour offrir un reflet visible de la gloire du confesseur, les inscriptions, commentant à la façon d'une légende le sens des différentes parties de l'édifice ou des images représentées sur ses murs34, devaient rendre plus explicite l'intention du bâtisseur : celle d'exalter en Martin l'Apôtre, dernier venu dans le collège, et qui, à l'égal des Douze, a bénéficié d'une effusion de l'Esprit Saint et reçu pouvoir de témoigner par des œuvres de puissan-

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ce. À la démonstration de ce thème central concourent, à la place assignée à chacune d'elles dans l'espace basilical, toutes les inscriptions; celles-ci développent, dans une succession d'arguments, un même discours à l'adresse des fidèles, sur le trajet emprunté par eux depuis le seuil de la basilique jusqu'à l'abside du tombeau. Car il s'agit, par Ten- seignement ainsi dispensé, de faire progresser, de station en station, suivant un itinéraire spirituel35, le visiteur dont l'espérance, éveillée par les promesses initiales, doit finalement se muer en certitude.

Les quatre premiers tituli, gravés, d'une part, à l'entrée de l'édifice (n° 5, 6 et 7) — probablement de chaque côté de la porte principale36 et, d'autre part, sur le revers de la façade (n° 8), préparent le pèlerin à une visite fructueuse : ils invitent celui-ci à suivre la voie ouverte par Martin avec ce même élan de ferveur qui a dressé vers le ciel la tour occidentale de la basilique (n°5); ils l'exhortent ensuite à chasser de son cœur toutes les préoccupations mondaines (n° 6), pour ne conserver que la foi (n° 7) et cet esprit de charité dont la pauvre veuve de l'Évangile avait donné l'exemple parfait (n° 8)37. Fort de cet enseignement, le fidèle peut ensuite s'avancer dans la nef, sur les murs de laquelle sont formulées en trois inscriptions — accompagnant des peintures — les promesses de salut offertes par l'intercession de Martin. Transcrit sur la paroi de droite, le poème composé par Paulin de Périgueux (n° 11) fait pendant à deux légendes gravées sur le mur septentrional. La première de celles-ci, avec la «peinture» qu'elle commente (n°9), évoque l'épisode de l'Évangile (Matth., 14,22-31) au cours duquel Jésus, marchant sur

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les flots, tend une main secourable à Pierre menacé d'être englouti dans les eaux. C'est certainement à cette scène que Paulin se réfère, lorsqu'il établit dans ses vers un parallèle entre les miracles réalisés par le Sauveur et ceux que Dieu accomplit par son serviteur Martin : «Tous les miracles qui ont été consignés dans les pages des Saintes Écritures, réitérés par la volonté de Dieu, sont renouvelés par Martin». D'un côté, la virtus miraculeuse de Martin, exaltée par les vers du poète et très probablement illustrée par quelques images38; de l'autre, en vis- à-vis, la représentation du Christ arrachant Pierre à la noyade, un thème rarement traité dans l'iconographie paléochrétienne39": le choix n'est certainement pas fortuit. Le parallèle était déjà suggéré dans le récit de Sulpice Sévère, où Martin, menacé par les flammes d'un incendie, était déjà comparé à Pierre exposé au danger des flots40. Il s'est imposé de façon différente, mais avec plus de force, à la suite d'une intervention posthume de Martin que Perpetuus, en qualité de témoin, avait relatée dans sa Charta de Martini miraculis et que Paulin de Péri- gueux avait ensuite célébrée dans le livre VI du De vita sancii Martini*1 : une année, des fidèles, qui se rendaient à Pâques en pèlerinage à Marmoutier, avaient failli, au cours de la traversée, périr dans les eaux de la Loire; Martin, invoqué dans le péril, avait sauvé les naufragés, manifestant, ajoute plus tard Grégoire dans une glose probablement inspirée par le décor de la basilique, cette même virtus, quae Petrum pereuntem pia amplectens dextra ne perirei eripuit42.

Mais l'inscription composée par Paulin a été aussi conçue pour faire pendant à la seconde légende gravée sur le mur nord de la nef : cette

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dernière commentait une peinture dans laquelle l'Église de Jérusalem était symboliquement figurée par la basilique de Sion, construite à l'emplacement du Cénacle, là où l'Esprit Saint était descendu, au jour de la Pentecôte, sur les Apôtres (n° 10). Le peintre avait représenté aussi le trône de l'apôtre Jacques, premier évêque de Jérusalem ainsi que la colonne de la flagellation, deux reliques offertes au Ve siècle, dans la basilique de Sion, à la vénération des pèlerins, comme en témoignent aussi les Itinéraires de Terre Sainte43. À l'exaltation de l'apôtre Jacques, fondateur de la première Église, dans le cadre de la mission confiée par le Christ aux disciples pour convertir, à partir de l'Orient, toutes les nations, répondait, avec les vers de Paulin, la célébration de Martin qui, en se manifestant à son tour par des apostolicis signis, apparaissait comme le véritable fondateur de l'Église de Tours, engendrée par «la mère de toutes les Églises» pour le salut de l'Extrême-Occident.

Conforté par ces assurances, le visiteur, en passant sous l'arc triomphal donnant accès à l'abside, était averti par un verset de la Genèse (n° 12 : Gen., 28,17) que, «par cette porte du ciel», il pénétrait dans le «temple de Dieu». Là, auprès du sépulcre du confesseur, les promesses sont enfin réalisées: Martin, «tout entier présent» à son tombeau, y dispense les preuves d'une virtus toujours efficace (n° 13) : nouveau Paul (n° 14)44, il se révèle pleinement apostolus actu (n° 15). Sur les accents triomphaux du poème de Sidoine (n° 16) qui, à la facon d'une conclusion, magnifie l'œuvre entreprise par Perpetuus et promise, selon le poète, à l'éternité, s'achève45 un cycle épigraphique et ico-

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nographique par lequel Tours, désormais unanime, proclame Martin Apôtre, au moment où elle mobilise ses forces pour défendre la vraie foi, transmise par ce dernier à son Église, contre les assauts de l'hérésie arienne.

À la diffusion de ce thème devait contribuer non seulement l'achèvement du sanctuaire et de son décor, mais aussi, pour attirer vers le saint lieu la foule des pèlerins, la constitution de la sylloge qui, selon l'heureuse expression de J. Quicherat, leur servirait de «guide». C'est en effet certainement à l'initiative de Perpetuus, l'évêque qui sut si bien organiser, avec la publication — - confiée à Paulin — des miracles posthumes de Martin, une active propagande en faveur du pèlerinage de Tours, qu'ont été rassemblées, en un petit recueil à l'usage des visiteurs, les inscriptions de la basilique. Précédées des tituli de Marmou- tier, dont les cellules attirent dès lors, elles aussi, des contingents de pèlerins, suivies des deux notices en prose consacrées à la basilique et à ses fêtes, elles forment la premier noyau de l'appendice du Martinellus, plus tard étoffé par l'adjonction de quelques autres textes46.

II - Les vers de Fortunat et l' Ecclesia Turonica

A - Les textes

II n'a pas semblé utile de reproduire ici les carmina de Fortunat relatifs à des édifices tourangeaux : en effet le texte, établi par F. Leo pour l'édition des MGH, ne pose guère de problèmes47. Nous nous bornons donc à donner les titres de ces différentes pièces, dont la composition se répartit en deux périodes nettement distinctes : au tout début, puis à la fin de l'épiscopat de Grégoire de T., auquel le poète fait à chaque fois hommage de ses vers48 :

APPENDICES 823

1) Avant 576 ou même avant 575 :

- Carm., I, 5 : In cellulam s. Martini ubi pauperem vestivit, rogante Gre-

gorio episcopo (MGH, AA, IV, 1, p. 9 et 10).

- Carm., II, 3 : Versus in honore sanctae crucis vel oratorii domus eccle-

siae apud Turonos (p. 29).

- Carm., II, 14 : De sanctis Agaunensibus (p. 42-43).

2) Entre 585 et 591/2 :

- Carm., X, 5 : Versus de oratorio Artannensi (p. 234).

- Carm., X, 6 : Versus ad ecclesiam Turonicam quae per Gregorium epis-

copum renovata est (p. 234-238).

- Carm., X, 10 : Versus de oratio Artannensi (p. 244-245).

Β - Des inscriptions ou des poèmes de circonstance ?

La décision prise par Le Blant de faire figurer ces pièces métriques (et d'autres) dans son Recueil épigraphique fut, dans les années qui suivirent la parution de ce dernier, vivement contestée. Ainsi en 1890, G. Boissier écrivait à leur sujet: «Elles ne se trouvent plus sur les monuments et il est même assez douteux qu'elles y aient jamais été gravées. Il me paraît d'une saine critique de les laisser dans les œuvres de leur auteur et de ne pas en grossir inutilement les recueils épigraphi- ques»49. Une décennie plus tard, W. Meyer reprenait l'offensive: dans son ouvrage sur Fortunat (Der Gelegenheitsdichter Venantius Fortuna- tus)50, il s'efforçait de démontrer que toutes les œuvres du poète qui pouvaient apparemment passer pour des tituli d'églises relevaient en fait du genre purement littéraire de la «Kunstgedicht» ou de la «Festgedicht» : selon le critique allemand, il s'agissait de poèmes de circonstance composés pour célébrer soit l'achèvement d'un sanctuaire, soit une solennité religieuse dont ce dernier était le cadre. Destinés à la lecture ou à la récitation, ces vers n'avaient jamais été gravés dans les édifices.

Des prises de position aussi rigides ont été dictées, dans le débat ainsi ouvert, par un esprit de système peu compatible avec l'objectivité

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scientifique. Si l'on veut apporter au problème sinon une solution définitive, du moins quelques éléments de réponse, il est nécessaire de réexaminer, en écartant tout a priori, chaque cas particulier. Pour ce faire, on ne dispose d'autres données que celles fournies par les carmina eux-mêmes et par leurs titres. Sur cette base, il semble cependant possible d'opérer un classement entre des oeuvres appartenant à la littérature et d'autres susceptibles de relever de l'épigraphie.

1) Deux des carmina de Fortunat recueillis par Le Blant comme des tituli tourangeaux ne méritent certainement pas cette qualification :

a) Le carm., II, 3 a été composé, comme l'indique son titre, «en l'honneur» {in honoré) d'une relique de la sainte croix et de l'oratoire — aménagé par Grégoire dans la domus ecclesiae51 — où cette relique était déposée52. Le poète se livre d'abord à une méditation sur la vertu salvatrice de la croix (v. 1-12); puis, s'adressant à la deuxième personne (v. 13 et 24) à Grégoire, il loue l'évêque qui a mérité d'obtenir, en réponse aux vœux qu'il adressait au ciel, la palla ayant jadis enveloppé le bois sacré (v. 13-16). Enfin, il s'attarde à décrire longuement des voiles brodés de l'emblème crucifère que les fidèles ont offerts à Grégoire pour orner le petit sanctuaire (v. 17-24). Ni le titre de la pièce, ni les thèmes évoqués, ni même la manière dont ces derniers sont traités ne peuvent laisser supposer que l'œuvre fût destinée à être gravée. Elle présente en revanche, comme le soulignait W. Meyer53, tous les caractères d'un elo- gium inspiré par l'admiration que voue le poète à son ami de Tours.

b) Le carm., II, 14 traite «des martyrs d'Agaune» {De sanctis Agaunensis) : il exalte le sacrifice de Maurice et de ses compagnons (v. 1-18), à l'occasion du transfert dans l'ecclesia de Tours (ν. 19-28)54 de leurs reliques, dont Fortunat, pour conclure, implore pour lui même le secours (v. 29-30). Tout indique — on peut encore ici se rallier à l'opinion de W. Meyer55 — que le poème a été écrit pour la cérémonie de la translatio, au cours de laquelle il a très probablement été récité : c'est

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bien là une œuvre de circonstance qui ne peut être rangée parmi les tituli inscrits à demeure dans un sanctuaire.

2) Dans les autres carmina, en revanche, on peut être tenté de reconnaître des inscriptions :

a) Le carm., I, 5, dont le titre évoque la cellula s. Martini ubi pau- perem vestivit, se rapporte, non à une cellule de Marmoutier comme le croyait Le Blant, mais bien évidemment au secretarium où, selon le récit de Sulpice Sévère {Dial., II, 1), Martin avait fait don de sa tunique à un mendiant transi de froid. L'intitulé de cette pièce métrique pourrait déjà indiquer que celle-ci était· destinée à être gravée sur un mur du petit local — transformé en oratoire par Grégoire56 — , si du moins on écarte la correction proposée par F. Leo dans son édition, in cellulam, pour revenir à la leçon donnée par les manuscrits, in cellula57. D'autant que le poème commence par une adresse au visiteur (v. 1 et 2 : Qui cele- rare paras . . .) et se poursuit avec un développement (v. 3-20) ayant toutes les apparences d'une légende explicitant le sens d'une peinture : Fortunat relate tout d'abord le geste charitable de Martin (v. 3-10); puis, suivant toujours fidèlement le texte de Sulpice Sévère {Dial., II, 2,1), il enchaîne avec le miracle qui manifesta quelques instants plus tard la sainteté du prélat (v. 11-14): alors que ce dernier célébrait la messe, vêtu d'un grossier vêtement que dissimulait mal son surplis, un globe de feu s'éleva au-dessus de sa tête. Le poète ajoute ensuite un autre détail (v. 15-20) : au même moment, les bras de l'évêque, que ne cachaient pas les manches trop courtes de son habit, apparurent recouverts de pierres précieuses. En fait, ce dernier trait est emprunté à un autre récit de Sulpice Sévère (la vision d'Arborius, Dial., Ill, 10,6) qui, dans l'œuvre de ce dernier, n'a aucun rapport avec l'histoire de la tunique donnée au pauvre. Dans le carm., I, 5 — ainsi d'ailleurs que dans le carm., X, 6, v. 1-12 et 107-116 — , Fortunat, comme l'a bien montré H. Delehaye58, réunit donc en une scène unique deux épisodes distincts, alors que dans la Vita s. Martini, antérieurement versifiée, il

826 APPENDICES

n'avait opéré entre eux aucun rapprochement (III, v. 23-73; IV, v. 305- 330). Si Fortunat, avec une hardiesse qui ne lui était pas coutumière, se sépare ainsi de son modèle littéraire, c'est peut-être parce qu'il décrit une peinture exécutée sur un mur de la cellula, pour laquelle il est chargé par Grégoire de composer une légende : il n'est pas rare en effet qu'un artiste, s'inspirant librement des textes, fusionne en une représentation unique plusieurs épisodes successifs. Certes on pourrait faire valoir contre une telle hypothèse un argument déjà présenté par W. Meyer59 : les deux derniers distiques du poème, dans lesquels Fortunat se recommande à Martin (v. 21-22), puis dédie son œuvre à Grégoire (v. 23-24), n'ont guère leur place dans un titulus. Mais précisément, par leur ton même, ces quatre vers se détachent nettement du reste de la composition, pour laquelle ils constituaient probablement une simple formule d'envoi.

b) Les deux carmina relatifs à l'oratoire d'Artanné (Carm., X, 5 et 10) appellent des remarques analogues. W. Meyer les considérait comme deux versions successives d'un elogium composé en l'honneur du bâtisseur60. Il est vrai que le titre, De oratorio Artannensi, pourrait le laisser croire. Cependant, la première de ces pièces métriques — qui traitent en fait chacune un thème différent — commence par une adresse au visiteur sur le point de pénétrer dans le sanctuaire (v. 1 et 2), pour lui apprendre que ce dernier, dédié à l'ange Gabriel, a été édifié par l'évêque Grégoire (v. 3-10). Quant à la seconde, elle énumère, à l'intention des fidèles, les brandea conservés dans les différentes parties de l'oratoire : un fragment de pierre provenant du tombeau du Christ, des reliques de Georges61, de Cosme et Damien, de Julien de Brioude et de Martin de Tours, de Victor de Milan et de Nizier.de Lyon62. Dans la forme comme dans le fond, ces deux compositions ne sont pas sans rappeler les inscriptions gravées, d'une part, à l'entrée de la basilique

la vieille ville de tours

Fortunat, Carm., X, 6, b (v. 79-132)

: éloge du bâtisseur et de son 79-92), évoquant (v. 80-81) :

Leprosum purgavit (v. 93-102)

divisa (v. 103-106)

dédit (v. 107-116)

suscitavit (v. 117-120)

excisa (v. 121-124)

prostrata (v. 125-128)

martyr (v. 129-132)

Sulpice Sévère

Dial, II, 2,1

Vita M., 18,3

Dial, Π, 1-2 et Dial, III, 10,6

Vita M., 7-8 et Dial, Π, 4,4-7

Vita M., 13

Dial, III, 9, 1-2

828 APPENDICES

Saint-Martin et, d'autre part, dans le sanctuaire proche de cette dernière et dédié à cinq martyrs63.

c) Le long poème (132 vers) dédié ad ecclesiam Turonicam {Carm., X, 6) pose un problème beaucoup plus complexe. Il célèbre la reconstruction de l'ecclesia prima de Tours qui, détruite par un incendie à l'époque d'Eufronius, fut relevée par son successeur, décorée intérieurement de peintures — comme nous l'apprend le poète64 — et dédiée la 17e année de l'épiscopat de Grégoire65. De façon étrange, cette pièce de vers paraît formée de la juxtaposition de deux poèmes qui traitent, chacun en des termes différents, les mêmes sujets, à quelques détails près : l'une et l'autre rédactions commencent par un éloge de l'édifice et de son bâtisseur et se poursuivent par une série de strophes qui relatent divers épisodes de la vie de Martin; comme le montre le tableau ci-joint, 5 des 8 miracles évoqués dans la première partie (a) sont à nouveau présentés, suivant un ordre différent, dans la seconde partie (b) qui compte au total 7 épisodes miraculeux seulement, tous précédés d'un titre66. Enfin il manque à la rédaction b l'épilogue qui clôt la rédaction a.

Fort embarassé par la longueur du texte, Le Blant a choisi de publier, au titre d'inscriptions de l'ecclesia, quelques extraits du poème, sélectionnés par ses soins : d'une part le début de la rédaction a {Emi- cat altithroni cultu venerabile templum . . .) qu'il tient, non sans quelque hésitation, pour la dédicace de l'édifice reconstruit (n° 185 de son Recueil); d'autre par les sept strophes de la rédaction b dans lesquelles il reconnaît, à cause de la présence des titres, les légendes des peintures mentionnées par Fortunat (n° 186 à 192). En revanche, W. Meyer dénie tout caractère épigraphique à l'ensemble de l'œuvre, à ses yeux un simple elogium, pour la composition duquel le poète se serait repris à deux

APPENDICES 829

fois : mécontent d'un premier jet, Fortunat aurait remis son œuvre sur le métier pour la parfaire; après sa mort, un éditeur maladroit ou trop scrupuleux aurait publié les deux rédactions en les mettant bout à bout67. Il paraît bien téméraire de décider, comme l'a fait Le Blant, que Fortunat destinait telle strophe de son poème plutôt que telle autre aux murs de l'ecclesia de Tours. Mais il semble également difficile de croire, avec W. Meyer, que l'écrivain, rédigeant sur le même sujet deux elogia, n'ait pu se résoudre à sacrifier un premier essai raté (?) à un second qui serait la version définitive (?). Ici et là, dans le cadre de deux théories opposées, l'analyse procède d'une même méthode, fort discutable : elle privilégie de façon tout à fait arbitraire certaines parties du poème.

Il convient, semble-t-il, de prendre celui-ci dans sa totalité, tel qu'il nous a été transmis par la tradition manuscrite. Dès lors qu'on lui reconnaît une unité, on peut être amené à rapprocher l'œuvre de Fortunat d'un texte plus ancien, mais d'inspiration voisine. Il s'agit de la lettre adressée par Paulin de Noie à Sulpice Sévère au sujet des «églises domestiques» édifiées par ce dernier dans sa villa de Primuliacum (Epist., 32,1-6). Pour ces sanctuaires et pour les images qui ornent certains d'entre eux, Paulin offre à son ami un échantillon de carmina de sa composition; proposant pour chaque thème plusieurs rédactions, il laisse à Sulpice Sévère toute liberté de choisir celles des versions qu'il lui conviendra de faire graver sur les murs des édifices de son domaine. Il n'est pas impossible de penser que, suivant cet exemple, Fortunat ait voulu, à son tour, insérer, au milieu des éloges-eux — mêmes versifiés68 — qu'il adressait à Grégoire, les textes de deux séries d'inscriptions métriques; comme son illustre devancier avec le maître de Primuliacum, il remettait à l'évêque de Tours, meilleur juge que lui-même des

830 APPENDICES

commentaires nécessités par les images, le soin d'opérer un choix. Car, à la différence des autres parties du poème, les strophes évoquant les miracles de Martin présentent bien les caractères de légendes picturales; et cela, en dépit des efforts déployés par W. Meyer afin de les faire passer pour de simples transpositions poétiques des récits de Sulpice Sévère. Le critique tire argument de l'ordre différent dans lequel se succèdent, dans chacune des deux parties du carmen, les épisodes narrés : c'est là, à ses yeux, la preuve que les compositions de Fortunat n'étaient pas conçues pour s'adapter à l'ordonnance d'un cycle d'images. Cependant pour expliquer le parti pris par le poète, choisissant dans la Vita Martini et dans les Dialogues certains épisodes et les traitant dans un ordre qui n'est jamais celui des ces dernières œuvres, W. Meyer est obligé d'admettre qu'il y avait certainement «rencontre» entre les vers de Fortunat et les peintures de 1' 'ecclesia69 '. Cette dernière concession va trop loin pour ne pas entrer en contradiction avec la théorie professée : si elles sont inspirées par les images, les strophes de Fortunat constituent bien des légendes, susceptibles d'être gravées. Qu'il n'y ait pas, dans les deux versions proposées, identité totale quant aux épisodes retenus et quant à l'ordre dans lequel ils sont présentés ne constitue pas, dans cette optique, un obstacle insurmontable : Fortunat travaillait, on peut le supposer, pour un projet pictural dont les thèmes n'étaient peut-être pas encore entièrement définis; il a fourni à Grégoire sur chacun des sujets envisagés une seule version ou deux, au gré de son inspiration. On ne saurait aller plus loin dans la voie des hypothèses et essayer de deviner quel fut le choix opéré par Grégoire. La démonstration tentée n'a d'ailleurs d'autre ambition que d'aboutir à cette conclusion, mesurée par la prudence : rien n'interdit de penser que Fortunat ait voulu, dans le carni., X, 6, œuvrer pour le décor épi- graphique de l'ecclesia de Tours.

Car, il faut bien l'avouer, dans ce cas, comme dans celui des trois carmina précédemment analysés, il manque — et il manquera toujours, à moins de découvertes archéologiques toujours possibles — la preuve décisive que pourraient seuls donner les monuments inscrits. Cependant, à défaut de ces derniers, le contexte dans lequel ont été élaborées les œuvres du poète peut sans doute suggérer un ultime argument en faveur de leur caractère épigraphique.

APPENDICES 831

C - Le sens des Carmina martiniens de Fortunat dans leur rapport avec l' ecclesia de Tours

Les œuvres composées par Fortunat pour l'ecclesia et pour la cellula attenante — les plus importantes dans le groupe des carmina tourangeaux — sont entièrement consacrées à Martin. Cette constatation peut, semble-t-il, renforcer l'hypothèse que les vers, commandés par Grégoire à son ami, étaient bien destinés à être gravés sur les murs d'édifices auxquels demeurait attaché le souvenir du confesseur. Comme on l'a déjà noté, Fortunat, dans certaines de ces compositions, semble avoir voulu rivaliser, en une sorte de joute poétique, avec les auteurs des titu- li de la basilica Martini. Mais il y a plus : les sujets choisis, de toute évidence sur les instructions de Grégoire, tendent tous à exalter en Martin l'évêque : à une exception près, les miracles évoqués ont en effet tous été accomplis par le thaumaturge durant son épiscopat70. La geste poétique, qui célébrait à Marmoutier la sainteté ascétique de Yabba et, dans la basilique funéraire, la puissance de l'apôtre donné à Tours pour la Gaule, se trouve ainsi complétée par un troisième volet qui met plus particulièrement en valeur les vertus de l'évêque. Or Grégoire, qui, dans ses propres œuvres littéraires, — entre autres thèmes — présente Martin, dans l'exercice de la charge episcopale, comme un modèle exemplaire71, a voulu donner à l'église cathédrale, reconstruite par ses soins sur un plan plus vaste, la majesté convenant au sanctuaire où celui-ci avait officié72. À la réalisation de ce programme devaient contribuer les peintures rappelant les hauts faits du prélat, fondateur de la tradition tourangelle, mais aussi très probablement, pour expliciter leur sens, des légendes inscrites : aux yeux de Grégoire, héritier et continuateur de cette tradition, il était tout naturel que dans l'ecclesia, devenue dès lors le troisième pôle de la dévotion martinienne, s'achevât le cycle épigraphique, commencé à Marmoutier, continué dans la basilica Martini, pour parfaire, grâce à l'enseignement ainsi dispensé aux visiteurs, l'image que Tours voulait donner de son saint patron.

Index des noms de personnes

Abraham, 761, 764.

Absalon, 778.

Adalgisèle-Grimo (diacre de Verdun), 622

(η. 123), 625 (η. 137), 719, 720 (η. 623). Adovacrius, voir Odoacre. Aegidius (évêque de Reims), 247, 248 (η. 4),

266 (η. 102), 292-293, 330, 614. Aegidius (maître de la milice), 119, 122

(n.97), 123-125, 127, 128, 141, 154, 527,

Aetherius (évêque de Lyon), 252 (n. 31). Aetius (maître de la milice), 35 (n. 70), 97,

100-103, 119-120, 123, 127, 768. Aginus (duc de Tours et de Poitiers), 304. Agiulfus (diacre de Tours), 325, 491, 504-

505, 638 (n. 205), 647-648. Agnès (abbesse de Poitiers), 230 (n. 237 et

238), 561 (n. 131). Agricola (évêque de Chalon), 255 (n. 44),

Aigulfus (fidèle de Langeais), 59 (n. 171). Alaric Ier (roi wisigoth), 91. Alaric II (roi wisigoth), 27, 130 (n. 126),

157-167, 198, 769, 776. Alaricus (reclus à Marmoutier), 217, 425,

Albinus, voir Aubin d'Angers. Albinus (évêque de Carhaix ou d'Alet), 146. Alboflède (sœur de Clovis), 158 (n. 228). Alboin (roi des Lombards), 161-162. Alpinus (comte de Tours), 178, 196

(n. 108). Amandinus (évêque de Châlons), 138

(n. 155), 145, 151. Ambroise (citoyen de Tours), 605.

Ambroise (évêque de Milan), 37 (n. 74), 67

(n. 207), 78 (n. 246), 156, 470, 480

(n. 193), 487, 488, 489, 491. Amelius (évêque de Bigorre), 310 (n. 324). Anastase (empereur), 168-169, 777. Anatolius (moine à Marmoutier), 51, 65

André (apôtre), 493-494, 496, 748. Animodus (vicaire à Tours), 306. Ansovaldus (représentant de Chilpéric),

Anthemius (empereur), 121 (n. 93), 126. Antidiolus (prêtre de Condat), 532, 584. Apra (dévote de Martin), 561 (n. 132). Aprunculus (évêque de Clermont), 184

(n. 60). Aquilinus (clerc de Tours), 553 (n. 111),

641, 649. Arborius (préfet de la Ville), 66 (n. 202), 75

(n. 237), 77-78, 79 (n. 248), 364 (n. 115),

524 (n. 6), 653, 665, 825. Arcadius (sénateur arverne), 249 (n. 13). Aredius (abbé limousin), 27 (n. 46), 218

(n. 196), 315, 425, 523 (n. 5), 548 (n. 101),

555, 561, (n. 131), 585, 588, 590 (n. 285),

612, 633 (n. 172), 646 (n. 259), 717

Aregundis (reine), App. 1. Armentaria I (épouse de Grégoire de Lan-

gres), 206 (n. 141), 252 (n. 36), 500, App.

2. Armentaria II (mère de Grégoire de T.),

204 (n. 139), 251, 253, 254-259, 264, 534

(n. 48), 545 (n. 91), App. 2. Armentarius (clerc de Tours), 263 (n. 93).

INDEX DES NOMS DE PERSONNES

Armentarius (comte de Lyon), 700. Armentarius (évêque d'Autun), 253 (n. 36). Armentarius (évêque de Langres), 206

(n. 141), App. 2. Armentarius (médecin de Tours), 726

(n. 656). Armentius, (évêque de Tours), 112-113,

116-117,373. Arpagius (prêtre de Tours), 51, 65 (n. 200),

108, 634 (n. 174), 639. Artemia (mère de Nizier de Lyon), 251, 260

(n. 81), 264, App. 2.

Arvandus (préfet du prétoire), 121 (n. 93). Athanagild (roi wisigoth), 239 (n. 270). Athaulf, (roi wisigoth), 95. Athenius (évêque de Rennes), 145-146. Atolus (disciple de Rémi de Reims), 724. Attalus (comte à Autun), 205, App. 2. Attalus (neveu de l'évêque Grégoire de

Langres), 252 (n. 34), App. 2. Attila, 103, 119, 127. Aubin (évêque d'Angers), 192 (n. 92), 194

(n. 97-99); — culte: 301. Audovera (reine), 285, App. 1. Audoveus (évêque d'Angers), 301. Auguste (empereur), 763-764, 765, 766. Augustin (évêque d'Hippone), 537 (n. 63),

545 (n. 87). Aunacharius (évêque d'Auxerre), 561

Auno (habitant de Touraine), 309. Aunulfus (propriétaire bordelais), 612,

618. Aurelius (diacre, puis prêtre de Tours), 51,

65 (n. 200), 67 (n. 206), 108, 634 (n. 174),

Ausone (poète), 77 (n. 246). Auspicius (préfet), 77-78. Austrapius, (duc de Tours et Poitiers, puis

évêque de Champtoceaux), 178-179, 196

(n. 108), 208, 226-227, 230 (n. 237). Austregisèle (habitant de Touraine), 308-

309. Austremoine (évêque de Clermont), 511

Auxence (évêque de Milan), 156 (n. 217). Aventius (fils spirituel d'Eufronius de

Tours), 207 (n. 148).

Avitianus (comte), 14 (n. 19), 41 (n. 89), 61,

69 (n. 211), 72-73, 79, 80, 345, 524 (n. 6),

583, 696, 740.

Avitianus (évêque de Rouen), 35 (n. 72). Avitus (abbé de Saint-Mesmin, près d'Orléans), 195 (n. 103). Avitus (empereur), 119-121, 123. Avitus (évêque de Clermont), 248-249, 258,

260, 261, 700.

Avitus (évêque de Vienne), 163 (n. 244). Badegisilus (évêque du Mans), 300, 635. Barthélémy (apôtre), 748. Basile (évêque de Cesaree), 44 (n. 103). Basine (fille de Chilpéric, moniale de Saint- Croix), 331, App. 1. Bassula (belle-mère de Sulpice Sévère), 79,

752. Baudegisilus (pèlerin à Tours), 557

(n. 122). Baudinus (évêque de Tours), 4, 178 (n. 27),

181, 183, 185, 186 (n. 70), 187, 188, 194,

536, 614, 617, 674 (n. 401), 682, 714. Baudulfus (donateur), 224, 611, 618, 626,

628. Bénigne (évêque « peregrinus »), — culte :

513 (n. 350), 514, 515, 516, 518, 668. Bénigne (martyr de Dijon), — culte : 256,

264 (n. 97), 401, 499-500, 502. Bennadius (évêque de Reims), 715. Beppolenus (duc), 210 (n. 162), 295, 296,

297 (n. 249). Berthefledis (fille de Caribert, moniale à

Tours), 662, 665, App. 1. Berthegundis (fille d'Ingitrudis), 396, 661,

666. Bertrand (évêque de Bordeaux), 273, 282,

286, 287, 559 (n. 128), 692 (n. 506). Bertrand (évêque du Mans), 299, 300, 315,

329, 611, 612 (n. 58), 630 (n. 161), 708

(n. 580), 717 (n. 613), 725. Berulfus (duc), 269 (n. 128), 273, 286, 304. Bladastes (duc), 292. Blidericus (pèlerin), 611, 620, 627. Bodicus (comte breton), 294 (n. 233). Bodilo (notaire à Tours), 626 (n. 143). Brachio (abbé de Menât), 217, 389 (n. 218),

414-415, 512 (n. 346), 537, 655, 658, 660-

661, 664; — culte : 258 (n. 69).

Brice (évêque de Tours), — avant l'épisco- pat : 49, 51, 65 (η. 200), 67 (η. 206), 70,

603, 634, (η. 174), 640, 645, 737 (η. 17); — episcopal : 4, 72 (η. 226), 89, 93, 103- 118, 365, 373, 374, 428, 480, 490, 525,

604, 673-674, 688, 735, 753, 755, 817; — culte: 32 (η. 62), 34, 434, 442, 465-466, 482, 512 (η. 347).

Brictius, voir Brice.

Britannicus (fils de l'empereur Claude), 8

(n.l). Britta (vierge consacrée de Touraine), 217,

365 (n. 120), 507 (n. 310), 511 (n. 332),

513 (n. 350 et 351), 514-516, 667. Brunehaut (reine), 247, 268, 269, 278, 282,

App. 1. Burgundio (neveu de Felix de Nantes), 301,

302 (n. 277), 647. Caluppa (ascète arverne), — culte : 258

(n. 69). Campanus (prêtre de Tours), 194, 638

Canaon (fils de Weroc), 296. Caribert (roi franc), 193, 203, 209-211, 213-

214, 219, 222-225, 233 (n. 248), 237-242,

265, 310 (n. 325), 317-318, 536 (n. 57),

619, 625, 704, 779, 782, App. 1. Cassianus (évêque d'Autun), 33. Catianus (premier évêque de Tours?), 4, 7,

17, 29 (n. 54), 30-33, 42 (n. 92), 351, 368,

Catihernus (prêtre breton), 188-190, 192. Cato (diacre de Tours), 65 (n. 200), 634

(n. 174), 638 (n. 204). Cato (prêtre de Clermont), 181-182, 260

(n.80), 644 (n. 242), 690, 717 (n. 612),

755. Cautinus (évêque de Clermont), 181-182,

258 (n. 67), 260, 455 (n. 94), 511 (n. 333). Célestin (pape), 45 (n. 109). Césaire (évêque d'Arles), 22, 27, 28 (n. 51),

137 (n. 150), 151, 164-165, 724. Chalda (fille de Wiliacharius, épouse de

Chramne), 227 (n. 225). Chaletricus (évêque de Chartres), 219, 232

(n. 247), 238. Chanao (comte breton), 177, 191, 192

Chararic (roi suève de Galice), 475.

Chardaricus (évêque gaulois de siège inconnu), 238.

Chariato (évêque dans la province de Tours), 144-145.

Charigisèle (référendaire), 200, 610.

Chariulfus (notable de Comminges), 291.

Childebert Ier (roi franc), 173-174, 177, 188, 191, 195, 196 (105), 200, 208-209, 250 (n. 13), 252, 254 (n. 41), 496, 606, 725, 778, 783, App. 1.

Childebert II (roi franc), 223, 233 (n. 248), 252, 268-274, 275, 286, 289, 292, 294, 315, 317-318, 328-330, 331, 332, 567 (n. 174), 608, 615, 617, 694, 704, 723, 780, 781, App. 1.

Childéric (chef franc), 122, 124-126, 128, 158, App. 1.

Chilpéric (roi franc), 209-215, 222, 232 (n. 247), 233 (n. 248), 239, 254 (n. 41), 265-270, 271, 276-289, 290, 293, 295, 301, 303, 311, 314, 317, 328, 607, 609, 613, 629, 656, 692, 704, 779, 780, 781, 782, App. 1.

Chlodobert (fils de Chilpéric), 277 (n. 159), 287, App. 1.

Chlodovaldus, voir Cloud.

Chramne (fils de Clotaire Ier), 175, 179 (n.29), 182, 208-209, 211, 212, 222, 226- 227, 607, 717, 778, App. 1.

Chramnesinde (habitant de Touraine), 309, 312, 615, 701.

Christophe (négociant de Tours), 307 (n. 311), 308.

Chrocus (roi des Alamans), 765, 766.

Chrodieldis (fille de Caribert, moniale de Sainte-Croix), 331-332, App. 1.

Chrodigildis (jeune aveugle du Mans), 232 (n. 247).

Chrysanthe et Daria (martyrs), — culte : 505.

Chuldericus «le Saxon», 292.

Chunsina (reine), App. 1.

Chuppa (connétable), 306.

Clara (épouse de l'évêque Francilio), 198 (n. 112), 605,620.

Clarus (prêtre et moine de Tours), 51, 65

(n. 200 et 202), 67 (n. 206), 423, 427, 634 (n. 174), 639, 645; — culte : 110, 526.

Claude (empereur), 764.

Claude (envoyé du roi Gontran), 290-291, 393, 397, 683.

Claudius Lupicinus (gouverneur de Maxima Senonia), 15-17.

Clément (pape), 24, 25 (n. 43), 26, 29 (n. 53).

Clodion (roi franc), 101, 122, 123.

Clodomir (roi franc), 173-175, 180, 188, 195 (n. 103), 493, 495, 778, App. 1.

Clotaire Ier (roi franc), 173-176, 178, 179 (n. 29), 181-182, 185, 190, 195, 196 (n. 105), 200-203, 208-209, 211-213, 216, 218 (n. 196), 222-223, 226, 229, 230 (n. 237), 233 (n. 248), 236, 254 (n. 41), 260, (n. 80), 317, 318, 354, 375, 497, 535 (n. 55), 536 (n. 57), 561 (n. 134), 567 (n. 174), 606, 631, 704, 717, 778, 781, 783, App. 1.

Clotaire II (roi franc), 270, 277 (n. 159), 294, 315, 328, 464, 778, 781, App. 1.

Clotilde (reine), 158, 161-162, 180, 184, 195- 196, 199-202, 412 (n. 322), 494, 495, 533,

605, 606, 645, 667, 772, 783, App. 1. Clotsinde (petite fille de Clovis), 161. Cloud (fils de Clodomir), 174 (n. 5), App. 1. Clovis (fils de Chilpéric), 210, 211 (n. 164),

214-215, 268, 277, 285-288, App. 1. Clovis (roi franc), 23 (n. 39), 29, 89, 126 (n. 113), 130 (n. 126), 157-169, 171-173, 177, 179, 188, 193, 197-199, 201-202, 393, 416, 417 (n. 345), 533, 535 (n. 55), 605,

606, 623, 712, 769-777, 788, App. 1. Coelestis (apiculteur de Touraine), 611. Colombanus (prêtre de Tours), 483. Conomer (comte breton), 177, 208-209, 211,

212 (n. 167). Constance II (empereur), 56 (n. 163), 765,

Constance (patrice), 95, 96, 99. Constantin Ier (empereur), 18, 30, 35 (n. 72),

162, 699, 708, 765, 766, 770, 772-773,

Constantin III, (empereur), 92, 95, 106. Corentin (évêque de Quimper), 191.

Cosme (martyr), — culte : 364, 502, 504,

825 (n. 56), 826.

Cynegius (préfet du prétoire), 57 (n. 163). Cyprien (évêque de Carthage), 24 (n. 41),

Dado (citoyen de Tours), 608 (n. 18). Dagobaldus (clerc de Tours), 636 (n. 192),

646. Dagobert (fils de Chilpéric), 277 (n. 159),

287, App. 1.

Dagobert Ier (roi franc), 778 (n. 236). Dagridus (tribun du comte Avitianus), 14

(n. 19), 108.

Dagulfus (abbé), 323 (n. 392). Damien (martyr), voir Cosme. Daphnus (évêque de Vaison), 23, 24, 28. Dativus (moine de Condat), 388 (n. 210),

David (roi d'Israël), 776, 778, 781. Dèce (empereur), 19, 20, 33, 750, 754

(n. 159). Defensor (évêque d'Angers), 36 (n. 72), 37

(n. 76). Denis (premier évêque de Paris), 19, 25,

(n. 43), 29 (n. 53). Desiderius (évêque de Nantes), 36 (n. 72),

Didier (imposteur), 310 (n. 324). Dinifius (évêque de Tours), 4, 180, 183,

184, 199, 604, 605. Dioclétien (empereur), 10, 33, 94, 345, 704,

764, 779. Domicianus (évêque d'Angers), 219, 221,

232 (n. 245), 238, 244 (n. 288). Domitien (empereur), 764 (n. 159). Domnolus (abbé de Saint-Laurent de Paris,

puis évêque du Mans), 29 (n. 53), 213

(n. 170), 219, 221, 232 (n. 245), 238, 300,

561 (n. 131).

Eberegiselus (évêque de Cologne), 332. Eberulfus (chambrier de Chilpéric), 289-

291, 305, 314, 390 (n. 222), 393-395, 397,

617, 628, 683, 722.

Eberulfus (habitant de Touraine), 309. Eborinus (comte de Tours), 305. Ebrachaire (duc), 296-297. Edibius (évêque de Lisieux), 238.

Emerius (évêque de Saintes), 236, 240-242.

Émilien (ascète arverne), 217, 414.

Ennodius (duc), 273, 304.

Enoch, 762.

Eparchius (fils de Ruricius l'Ancien), 184

(n. 60). Epiphanius (évêque de Nantes), 193

(n. 95). Etienne (protomartyr), — culte : 325, 413-

414, 450, 493, 499-500, 545 (n. 87). Eudoxius (chef bagaude), 101, 103. Eufronius (évêque d'Autun), 147, 252, 264,

432, 508. Eufronius (évêque de Tours), 4, 26 (n. 46),

35, 135 (n. 144), 172, 182, 204-246, 248

(n. 5), 253, 254 (n. 41), 260 (n. 80), 263,

264, 266, 297, 332, 353, 354, 355, 358,

365-366, 367, 375, 410, 412, 416-417, 428-

429, 467, 495-497, 505, 516, 517, 536, 546,

605, 609, 626, 628, 647, 655, 658, 686,

695, 704, 714, 715-717, 749-750, 755, 782,

828, App. 2.

Eugène (empereur), 90, 768. Eugène (évêque de Carthage, martyr), 569

Eugénie (sainte), — culte : 516. Eulalie (martyre), — culte : 438. Eumerius (diacre de Nantes), 301 (n. 272). Eumerius (évêque de Nantes), 193 (n. 96),

194 (n. 97-98), 221. Eunius (évêque de Vannes), 210 (n. 162),

296. Eunius dit Mummolus (général franc), 210-

211,268. Eunomius (comte de Tours), 284, 286, 304-

305, 318. Euric (roi des Wisigoths), 121 (n. 93), 128-

129, 141-143, 769. Eusèbe (évêque de Verceil), — culte : 257,

264 (n. 97).

Eusebius (évêque de Nantes), 145. Eusebius (prêtre de Tours, puis évêque),

51, 65 (n. 200), 67 (n. 206), 108, 634

(n. 174), 639. Eustachius (abbé de Marmoutier), 662

(n. 332). Eustathe (évêque de Sebaste), 44 (n. 103).

Eustenia (nièce de Grégoire de T.), 279 (n. 163), 320 (n. 375), 668, 707, 726, App. 2.

Eustochius (évêque d'Angers), 188, 192, 193 (n. 95).

Eustochius (évêque de Tours), 4, 34, 54 (n. 153), 89, 98 (n. 26), 103, 118, 132, 135 (n. 144), 136, 138 (n. 153), 140, 143-4, 147- 155, 264, 355, 374, 428, 487, 489, 604, 605, 688 (n. 489).

Eustochius (laïc de Poitiers), 224, 618 (n. 96), 628.

Euthimius (prêtre de Tours), 647, 707.

Eutrope (évêque de Saintes), 25 (n. 43), 26.

Evagrius (prêtre de Tours), 51, 65 (n. 200), 67 (n. 206), 108, 634 (n. 174), 639.

Evanthius (disciple de Martin), 58, 60 (n. 180), 61 (n. 185), 77-78.

Exuperantius (préfet du prétoire des Gaules), 96.

Exuperius (évêque de Toulouse), 19 (n. 30).

Faretrus (propriétaire terrien en Tourai- ne), 707.

Faustus (évêque de Riez), 459.

Felix (ami de Venance Fortunat), 745.

Felix (évêque de Nantes), 192, 207 (n. 148), 219-221, 232 (n. 245), 238, 244 (n. 288), 266 (n. 102), 278, 280-281, 285, 288, 298, 299, 300-301, 302 (n. 277), 314, 618.

Felix (légat de Childebert II), 329-330.

Felix (légat de Gontran), 328-329.

Felix (martyr de Milan), — culte : 398-399, 490-491.

Felix (martyr de Noie), 525 (n. 7), 734-735.

Ferrocinctus (évêque d'Evreux), 238.

Flamiris (abbé de Chinon), 660.

Floren tianus (percepteur), 317.

Florentinus (sénateur de Genève), 251, App. 2.

Florentius (père de Grégoire de T.), 249, 250, 255 (n. 45), 256, 498, App. 2.

Florianus (empereur), 10.

Foedula (fidèle de Vienne), 75, 111, 155 (n. 213), 488.

Francilio (évêque de Tours), 4, 135 (n. 144), 181, 183, 185, 198, 358 (n. 88), 448, 605, 620, 673-674.

Frédégonde (reine), 270, 274, 277, 279, 281, 282, 283, 285, 286, 287, 288, 289, 290, 291, 292, 295 (n. 236 et 237), 296, 315, 316 (n. 353), 317, 608, App. 1.

Frédéric (frère de Théodoric II), 125, 127.

Friardus (ascète nantais), 300, 301 (n. 270), 470 (n. 166), 573 (n. 195).

Fybidiolus (évêque de Rennes), 194 (n. 99).

Gabriel (ange), — culte : 503.

Gaiso (comte de Tours), 214, 223.

Galien (ami de Grégoire de T.), 286.

Gallien (empereur), 764 (n. 159), 765.

Gallus (évêque de Clermont), 26 (n. 46), 181, 250, 251 (n. 20), 254 (n. 41), 255 (n. 43), 257-259, 260 (n. 77), 459 (n. 114), 470 (n. 166), 573 (n. 195), 633 (n. 172), 663 (n. 340), 682 (n. 450), 692 (n. 504), App. 2.

Gallus (moine de Tours), 41, 65 (n. 202), 77, 108.

Galswinthe (reine), 239 (n. 270), App. 1.

Garacharius (comte de Bordeaux), 292.

Gararicus (duc), 271 (n. 139).

Gatien, voir Catianus.

Gélimer (roi vandale), 769.

Genès (saint arverne), — culte : 258 (n. 69).

Geneviève (sainte), 532, 557 (n. 122).

Georges (martyr), — culte : 503-504, 826.

Georgius (grand-père de Grégoire de T.), 136, 249, 250 (n. 14), App. 2.

Germain (évêque d'Auxerre), 100-101; — culte : 258 (n. 69), 494.

Germain, (évêque de Paris), 219, 230 (n. 237), 232, 235, 237, 238, 244 (n. 288), 496, 561 (n. 129), 660, 746 (n. 58), 749 (n. 78).

Germanus (évêque de Rouen), 138 (n. 155), 145, 151.

Gervais (martyr de Milan), -— culte : 1 54- 156, 352 (n. 51), 355, 357 (n. 83), 398-399, 487-489, 490, 491.

Goar (roi des Alains), 99-103.

Godegisèle (duc), 267.

Godégisile (roi burgonde), 769.

Godomar (roi burgonde), 769.

Gondebaud (roi burgonde), 164, 769.

Gondovald (duc), 268.

Gondovald (prétendant franc), 272-273, 291, 328, 329, 780.

Gonthier (fils de Clodomir), 174 (n. 5), 195, App. 1.

Gontran (roi franc), 209-211, 233 (n. 248), 245, 253 (n. 40), 265-274, 286, 289-293, 294, 295, 297 (n. 249 et 250), 298, 299, 303, 311, 314-315, 328-330, 331, 332, 453, 464, 607, 609, 694 779, 780, 783, App. 1.

Gontran Boson (due), 267, 276, 277, 278- 284, 310 (n. 325), 619.

Gonuthigernus (évêque de Senlis), 238.

Gracchus (préfet de la Ville), 57 (n. 163).

Gratien (empereur), 14 (n. 19), 56 (n. 163), 80.

Grégoire (évêque de Langres), 205-206, 252, 253, 254 (n. 41), 256, 257, 264 (n. 97), 500, 573 (n. 195).

Grégoire (évêque de Tours), — Famille: 135-136, 204-206, 249-254, App. 2; — Avant l'épiscopat : 245-246, 254-264, 682 (n. 452); — Episcopati 4, 247-334, 353, 361, 365-367, 375, 397-399, 401-402, 413- 414, 417-419, 428-429, 448, 497-507, 533- 546, 579, 581-582, 589-591, 615, 617, 626- 629, 640-643, 647-651, 655, 658, 662, 666, 674, 678, 681, 686-687, 694, 696-699, 701- 703, 705, 707-708, 710, 726, 744-785, 787- 788, 822, 824-826, 828-831.

Grégoire le Grand (pape), 504.

Gundegisilus (évêque de Bordeaux), 299 (n. 259), 331, 332.

Gundulfus (clerc de Tours), 611, 619, 627, 641, 649.

Gundulfus (domesticus et dux), 206, 251- 252, 254 (n. 41), 559 (n. 127), App. 2.

Guntharius (abbé de Saint-Venant, puis évêque de Tours), 4, 181, 182 (n. 49), 183, 185-186, 408 (n. 300), 617, 661, 662 (n. 332), 686.

Guntharius (prince), voir Gonthier.

Gunthedrudis (moniale à Tours), 656, 662.

Guntheuca (reine), App. 1.

Hadrien (empereur), 7, 8 (n. 1).

Heraclius (prêtre, puis évêque de Saintes), 236, 239, 240-242.

Hérode (roi de Juda), 762, 779.

Heros (évêque d'Arles), 67 (η. 206), 106- 107.

Hiberia (fille d'Ommatius l'Ancien), 184 (n. 59).

Hilaire (évêque d'Arles), 151.

Hilaire (évêque de Poitiers), 36, 44, 50, 63, 65 (n. 200), 67 (n. 207), 766, 775; — culte: 32 (n. 62), 156, 375, 434, 436, 442, 465, 466, 482, 493, 553 (n. 112), 612 (n. 59), 775.

Honorius (empereur), 90.

Hospice (reclus de Nice), 446 (n. 41).

Hunéric (roi vandale), 769.

Illidius (évêque de Clermont), 74 (n. 234);

— culte : 257, 258, 498, 500. Impetratus (prêtre de Clermont), 251, App.

2. Ingitrudis (fondatrice d'un monastère à

Tours), 273, 315, 323-324, 395, 402-403,

500, 655, 658, 661, 666, 689. Ingoberga (reine), 315-316, 607, 625, 626,

Ingundis (reine), App. 1. Injuriosus (évêque de Tours), 4, 181, 183,

185-188, 193-195, 198, 201-204, 223, 358,

494, 536, 605, 614, 638 (n. 205), 704,

Injuriosus (vicaire), 305. Innocentius (évêque du Mans), 192 (n. 92),

193 (n. 96), 194 (n. 98). Isaïe (prophète), 86. Ithace (évêque d'Ossonoba), 86 (n. 269). Jacques (évêque de Jérusalem), 741, 821;

— culte : 450 (n. 69).

Jean (diacre de Tours), 503, 504.

Jean (prêtre de Tours), 503, 648.

Jean (pèlerin gaulois en Terre Sainte), 498 (n. 256).

Jean (prêtre reclus de Chinon), 217-218, 222 (n. 210), 229, 643, 649-651, 668, 685, 688; — culte: 513 (n. 348 et 350), 514- 516, 537, 606 (n. 29).

Jean-Baptiste, — culte : 32 (n. 62), 398-399, 401, 403-404, 424, 434, 435-436, 442, 443, 462-465, 490-491, 502, 548 (n. 100), 564.

Jean et Paul (martyrs romains), 505.

Josaphat (roi d'Israël), 776.

Joseph (patriarche), 761.

Jovinus (empereur), 95.

Jucundinus (prêtre), 146.

Judas, 50, 86 (n. 271).

Julianus (defensor, puis prêtre à Clermont),

692 (n. 504).

Julien (empereur), 56 (n. 163), 449 (n. 61). Julien (martyr de Brioude), — culte : 255-

258, 260, 263, 264 (n. 97), 324, 417-418,

438, 440-441, 483, 498-500, 506, 522-523,

548 (n. 100), 563, 590 (n. 285), 755 826. Justin II (empereur d'Orient), 230, 410. Justina (nièce de Grégoire de T.), App. 2. Justinianus (évêque de Tours), 112, 115. Justinus (beau-frère de Grégoire de T.),

Justinus (comte de Tours), 214. Landulfus (clerc de Tours), 649, 650. Lantechildis (soeur de Clovis), 163 (n. 243). Lascivus (évêque de Bayeux), 238. Laurent (martyr), — culte : 490, 491, 505. Lazare (évêque d'Aix), 104-107. Leo (diacre de Tours), 28, 164-165. Leo (évêque de Tours), 4, 181, 183, 184-185,

358 (n. 88), 690.

Leo (prêtre de Tours), 393, 618, 648, 707. Leobardus (reclus à Marmoutier), 217, 324,

425, 427, 537, 576 (n. 211), 662 (n. 332),

668, 681, 686, 687 (n. 481), 688; — culte :

483, 513 (n. 350), 514, 515, 516, 518. Leobatius (prévôt, puis abbé de Senneviè-

res), 154, 658, 661 ; — culte : 513 (n. 350),

514, 515, 516, 518. Leobinus (évêque de Chartres), 207

(n. 148). Leocadia (grand-mére de Grégoire de T.),

26 (n. 46), 251, App. 2. Leocadius (sénateur de Bourges), 251, App.

Leodulfus (pèlerin), 522 (n. 122). Léon (conseiller du prince Chramne), 222,

535 (n. 55), 610. Léon (évêque de Bourges), 138 (n. 155),

144-145, 151. Léon (pape), 22 (n. 37). Léonce (évêque de Bordeaux), 236, 238,

241-242. Leovaldus (évêque d'Avranches), 561

Leubastes (martyrarius et abba de Tours), 690.

Leubovera (abbesse de Ste-Croix de Poitiers), 331.

Leucadius (gouverneur), 81 (n. 255).

Leudaste (comte de Tours), 211 (n. 166), 212, 214, 225, 276, 277, 279, 282, 284, 285-289, 304, 314, 615, 625, 629, 696, 697, 701.

Leudobaudis (évêque de Séez), 219, 232 (n. 247), 238.

Liberalis (évêque d'Alet on de Carhaix), 146.

Libius Severus (empereur), 124.

Licinius (abbé de Saint-Venant, puis évêque de Tours), 4, 166, 172, 179, 182, 188- 190, 192, 193, 194, 408, 618, 661, 662 (n. 332), 686.

Licinius (empereur), 30, 35 (n. 72).

Litardus, (évêque de Séez), 176 (n. 19).

Litomeris (citoyen de Tours), 499 (n. 267), . 506.

Litorius (évêque de Tours), 4, 7, 30, 32, 33- 36, 64 (n. 200), 66, 71, 348, 351-354, 362, 363 (n. 109), 367, 368, 369, 428, 602, 634, 750; — culte: 32 (n. 62), 34, 434, 442, 465, 466, 482, 512 (n. 347).

Litorius (lieutenant d'Aetius), 35 (n. 70), 97, 98, 373 (n. 154), 527.

Loup (citoyen de Tours), 315, 432, 605.

Loup (évêque de Troyes), 147.

Lovocatus (prêtre breton), 188-190, 192.

Lupicinus (abbé de Condat), 391, 532.

Lupicinus (propriétaire terrien du Poitou), 16 (n. 22).

Lusor (fils de Leocadius), 251, App. 2.

Lycontius (vicaire), 51, 72 (n. 227), 75 (n. 237), 77-78, 524 (n. 6), 602, 622, 695.

Macco (comte de Poitiers), 178 (n. 27).

Macliavus (comte breton), 177, 191-192, 294.

Majorien (empereur), 101-102, 119, 123- 124, 347 (n. 32).

Mamert (évêque de Vienne), 458-459.

Mansuetus (évêque des Bretons), 145 (n. 171), 146.

Marc Aurèle (empereur), 17, 25.

Marcel (évêque de Die), — culte : 586 (n. 271).

Marcel (martyr de Chalon), — culte : 438.

Marcellinus (évêque d'Embrun), — culte : 510 (n. 325), 586 (n. 271).

Marcellus (prêtre d'Amboise), 51, 57, 65 (n. 201), 634 (n. 174), 684 (n. 463).

Marcianus (évêque d'Arles), 24 (n. 41).

Marcovefa (reine), 237.

Marie, — culte : 358, 361, 438, 450-451, 497.

Maroveus (évêque de Poitiers), 230-232, 331-332, 410, 561 (n. 129).

Martilianus (prêtre de Nantes), 194 (n. 97).

Martin (évêque de Braga), 475-476, 818 (n. 33).

Martin (évêque de Tours), — épiscopat : 4, 7, 30, 31, 36-87, 103-104, 115, 155 (n. 213), 156, 351, 364 (n. 115), 367, 368, 421-423, 428, 432, 443, 486-490, 492, 517, 524, 579, 602-604, 622-623, 633 (n. 170), 634, 638, 639-640, 645, 652-654, 663, 665, 695-696, 700, 703, 705, 711, 713, 726; — culte: 32 (n. 62), 34, 154-157, 434, 438, 442, 465, 466, 468-482, 486, 497, 498, 507- 512, 519-520, 521-599, 785 (n. 268), 826; — idéologie tourangelle : 732-733, 738- 743, 747-756, 766, 770, 776-777, 781-784, 817-818, 821-822, 825, 827-828, 831.

Martius (ascète arverne), 255.

Matthieu (apôtre), 748.

Maura (vierge consacrée de Touraine), voir Britta.

Maurice (martyr d'Agaune), — culte : 353 (n. 58), 492, 494-495, 501, 502, 506 (n. 301), 520, 824.

Maurilio (évêque de Cahors), 696 (n. 523), 700 (n. 543).

Maurille (évêque d'Angers), 144 (n. 169).

Maurusa (dévote de Martin), 592.

Maxence (empereur), 773.

Maxime (abbé de Chinon), 125, 153-155, 613 (n. 62), 653-654, 660, 686, 688; — culte: 483, 513, 514, 515, 516, 518 (n. 358), 548 (n. 100), 564, 656, 664, 666.

Maxime (empereur), 14 (n. 19), 16-17, 44, 69 (n. 215), 72 (n. 227), 74 (n. 234), 79, 80,

81, 82, 90, 282, 576 (η. 208), 613, 638, 732, 746, 765, 768, 782 (η. 258).

Maximien Hercule (empereur), 10, 94, 345.

Maximin (évêque de Trêves), 766.

Médard (évêque de Noyon), 229 ; — culte : 412, 495, 496-497, 499, 564.

Médard (tribun), 305.

Melanie la Jeune, (sainte), 78 (n. 247), 79.

Melanius (évêque de Rennes), 188-190, 192, 193, (n.95);— culte: 299.

Mérovée (roi franc), 123 (n. 103).

Mérovée (fils de Chilpéric), 268, 277, 278- 284, 303, 561 (n. 134), 567 (n. 174), 619, 686 (n. 474), 782, App. 1.

Modestus (évêque de Vannes), 176 (n. 19), 190, 193 (n. 95).

Moïse, 761, 770, 771, 772, 773, 774-777.

Monegundis (moniale à Tours), 217, 320 (n. 371), 411-413, 497, 537, 558, 590 (n. 285), 655, 661, 726-727, 728, 755; — culte: 411-412, 483, 513 (n. 350), 514, 515, 516, 518 (n. 359), 548 (n. 100), 564, 571 (n. 184).

Mummolus, voir Eunius.

Mundéric (prétendant franc), 177.

Narses (comte), 81 (n. 255).

Néron (empereur), 764, 779.

Nicetius (comte, duc et patrice), 279, App. 2.

Nicetius (évêques), voir Nizier.

Ninus (roi des Assyriens), 764.

Nizier (évêque de Lyon), 206, 251 (n. 29), 252, 253 (n. 37), 254 (n. 41), 255, 256 (n. 49), 259, 260-261, 263-264, 646 (n. 256), 682 (n. 452), 700, App. 2; — culte : 499-500, 504, 522, 548 (n. 100), 564, 571 (n. 184), 826.

Nizier (évêque de Trêves), 161-162, 646 (n. 259).

Noé, 761, 762.

Nonnichius (évêque de Nantes), 146, 293 (n. 232), 301, 561 (n. 129).

Novatien (hérésiarque), 20 (n. 33).

Odoacre (chef saxon), 121, 122 (n. 97).

Olio (comte), 621.

Ommatius (évêque de Tours), 4, 135 (n. 144), 136, 181, 184, 187, 188, 264, 355, 358, 494, 604.

Ommatius (sénateur arverne), 133, 136, 184

(n. 59). Orose (historien), 756-760, 763, 764

(n. 154), 765.

Oyend (abbé de Condat), 532, 584. Palladius (évêque de Saintes), 26 (n. 45),

561 (n. 129). Pancrace (martyr), 505. Papola (moniale en Touraine), — culte :

513 (n. 350), 514, 515, 516, 548 (n. 100),

564, 656, 661.

Passivus (prêtre de Tours), 393. Paternus (évêque d'Avranches), 238. Paternus (évêque de Vannes), 146. Patrocle (diacre de Bourges), 682. Patrocle (évêque d'Arles), 21. Paul (apôtre), 22 (n. 37), 32 (n. 62), 86, 733,

739, 747, 748, 821; — voir Pierre et

Paul (comte), 119, 122, 125, 126, 128, 129. Paul (évêque de Narbonne), 23. Paul Aurélien (moine), 190-191. Paulin de Noie, 62 (n. 188), 75 (n. 236), 78,

82 (n. 259), 86 (n. 269), 108, 488, 489, 734,

747, 829. Paulin de Périgueux (poète), 138 (n. 155),

139, 526-529, 735-744, 745 (n. 56), 747

(n. 64), 751 (n. 86), 755, 813, 817, 819-820,

822. Pelage (chef des haras), 305-306, 314, 359,

361, 619, 628, 657. Pelage (hérésiarque), 107. Pelage (pape), 504. Pélagie (mère de l'abbé Aredius), 612

(n. 59). Perpetuus (évêque de Tours), 4, 31-34, 89,

98 (n. 26), 131-157, 197, 264, 333, 362,

373 (n. 153), 374, 391, 397, 401 (n. 272),

403, 405-406, 408, 424, 428, 432-436, 442,

448-449, 467, 471, 472, 474, 480-481, 490,

508-509, 512, 519, 526-531, 580-581, 604,

608, 654, 687, 693, 713, 726, 735-738, 743-

744, 753, 788, 818, 820-822; — culte :

Pientus (évêque de Poitiers), 230 (n. 237). Pierre (apôtre et premier évêque de Rome),

22, 32 (n. 62), 434, 442, 460-461, 733, 747,

748, 764, 773, 820; — voir Pierre et

Paul. Pierre (frère de Grégoire de T., diacre de

Langres), 253 (n. 37), 255, 257, 280-281,

App. 2. Pierre et Paul (apôtres), — culte : 154, 157,

405, 424, 429 (n. 404), 434, 436, 442, 460-

462, 490, 491-492, 501, 504. Pilate (gouverneur romain), 762. Piolus (clerc de Tours), 642, 645. Platon (archidiacre de Tours, puis évêque

de Poitiers), 286, 588, 648, 675. Polycarpe (martyr), — culte : 257, 264

(n. 97). Postumianus (ami de Sulpice Sévère), 40

(n. 83), 524, 734.

Postumus (empereur gaulois), 9. Prétextât (évêque de Rouen), 29 (n. 53),

219, 232, 235, 238, 244 (n. 288), 274

(n. 149), 278, 282, 283, 330, 452 (n. 78). Principius (évêque du Mans), 193 (n. 95). Priscillien (hérésiarque), 81, 82 (n. 258), 83,

Probatus (archidiacre de Tours), 648, 675. Probianus (évêque de Bourges), 238. Probus (empereur), 10. Proculus (évêque de Tours), 4, 180, 183,

Protais (martyr de Milan), voir Gervais. Prudence (poète), 734, 747. Quintianus (évêque de Clermont), 250

(n. 13); — culte: 257. Radagaise (chef germain), 91. Radegonde (reine et moniale), 35, 179

(n. 29), 218, 222, 229-231, 247-248, 273,

331, 402-403, 404, 409-411, 427, 500, 536

(n. 55), 557 (n. 122), 561 (n. 134), 606,

655, 725, App. 1 ; — culte : 438. Ragnemodus (évêque de Paris), 29 (n. 53),

278 (n. 162), 282, 561 (n. 129). Rauching (duc), 292, 707. Ravennius (évêque d'Arles), 22 (n. 37). Refrigerius (prêtre de Tours), 51, 65

(n. 200), 67 (n. 206), 108, 634 (n. 174),

Regalis (évêque de Vannes), 296-297. Rémi (évêque de Reims), 158, 163 (n. 245),

164, 708 (n. 580), 716, 773; — culte : 438.

Remigia (dévote de Martin), 611. Ricimer (patrice), 124, 125, 127, 128. Riculfus (prêtre de Tours), 211 (n. 166),

280 (n. 171), 285, 286, 288, 298, 302

(n. 277), 615, 630, 642, 647, 648, 656, 664,

669, 675, 677, 685. Riculfus (sous-diacre de Tours), 278, 285,

286, 288, 637, 671. Rignomeris (roi franc), 126 (n. 113). Riothamus (roi breton), 121, 128. Roccolène (duc), 267, 268, 276-277, 298,

303, 446, 694, 718, 754. Romacharius (prêtre d'Auxerre), 221, 238. Romain (abbé de Condat), 724. Romulfus (évêque de Reims), 315, 612,

Romulfus (percepteur), 317. Romulus (fils d'Auspicius), 77-78, 108. Rumoridus (évêque dans la province de

Tours), 144-145. Ruricius l'Ancien (évêque de Limoges),

133, 134, 135, 137, 160, 164 (n. 247), 165

(n. 250), 184. Rusticius (citoyen de Tours), 36, 41 (n. 90),

68 (n. 208).

Sabatius (moine à Tours), 65 (n. 202), 108. Sacerdos (évêque de Lyon), 251-252, 254

(n. 41), App. 2.

Sagittarius (évêque de Gap), 261 (n. 83). Salomon (fils de David), 778 (n. 236), 781. Salonius (évêque d'Embrun), 261 (n. 83). Samson (évêque de Dol), 190r191, 220, 238,

244 (n. 288). Samson (fils de Chilpéric), 277 (n. 159),

Sangiban (roi des Alains), 103 (n. 42). Sapaudus (abbé d'Angers), 194 (n. 99). Sarmatio (évêque dans la province de

Tours), 144-145. Saturnin (évêque de Toulouse), 19-21, 23,

25; — culte: 366 (n. 121), 493-494, 496,

498. Securus (esclave affranchi), 562 (n. 142),

710. Senoch (abbé de Tours), 217, 319-320, 324,

444 (n. 33), 446, 496 (n. 252), 505, 537,

556 (n. 121), 642, 649, 651, 655, 658-660,

668, 681, 686-687, 698, 707, 727-728; —

culte: 513 (η. 350), 514-516, 518, 548

(η. 100), 564. Serge (martyr), — culte : 399, 401, 403

(η. 279), 485 (η. 206), 502-504. Séverin (évêque de Cologne), 470. Sichaire (habitant de Touraine), 308-309,

312-313, 615, 701-702. Sidoine Apollinaire (évêque de Clermont),

133, 139, 141, 206, 459, 700, 743, 813,

817, 821. Sigebert (roi franc), 209-214, 222, 230-231,

233 (n. 248), 245, 246-249, 254 (n. 41),

263, 265-267, 271, 275, 293, 314, 410, 412,

536 (n. 57), 561 (n. 134), 609, 625, 628,

704, 779, 780, 781, 783-784, App. 1. Sigismond (roi burgonde), 195 (n. 103),

Sigivaldus (duc), 661 (n. 324). Sigoaldus (comte), 305, 315, 723. Silarius (favori du roi Alaric II), 130 (n. 125

et 127), 154, 159. Silvester (parent de Grégoire de Langres),

253, 624 (n. 130), App. 2. Silvestre (évêque de Chalon), — culte : 256,

264 (n. 97). Silvestre (pape), 773. Silvinus (abbé de Tours), 153, 407-408,

Similinus (évêque de Nantes), 36 (n. 72). Simon (prêtre de Tours), 638, 642, 648,

Simplicius (évêque de Bourges), 138, 141. Sirice (pape), 82 (n. 257). Sisulfus (habitant du Mans), 310 (n. 327). Solemnis (saint enseveli à Maillé), — culte :

511 (n. 332 et 333), 513 (n. 350), 514-517,

548 (n. 100), 564, 571 (n. 184), 656

Sparatus (prêtre de Rennes), 189. Stilicon (patrice), 90-92. Sulpice Sévère (disciple de Martin), 36-43,

47 (n. 115 et 117), 61, 78-79, 107-110, 524-

525, 583, 590 (n. 285), 732-735, 740, 751,

Syagrius («roi de Soissons»), 119, 158. Symon (évêque oriental), 323, 561 (n. 129). Symphorien (martyr d'Autun), — culte : 62

(n. 32), 375, 434, 442, 465-467, 482, 493.

Tacite (empereur), 12.

Tetradius (consulaire), 75, 77-78.

Tetricus (évêque de Langres), 206, 252, 253

(n. 37), 257, App. 2. Thalasius (évêque d'Angers), 143-147,

Théodebald (roi franc), 175, 181, App. 1. Theudebert (fils de Chilpéric), 211 (n. 164),

266, 267, 276, 303, 311, 628, 694, App. 1. Theudebert Ier (roi franc), 196, 250, 281,

614, 778, 783, App. 1. Théodebert II (roi franc), App. 1. Théodoald (fils de Clodomir), 174 (n. 5),

195, App. 1.

Theodobaldus, voir Théodoald. Theodomundus (clerc de Tours), 536

(n. 58), 595, 642, 647. Théodoric Ier (roi wisigoth), 35 (n. 70), 97,

103, 119 (n. 87), 126. Théodoric II (roi wisigoth), 121, 125, 127,

Theodorus (évêque de Tours), 4, 180, 183. Théodose Ier (empereur), 15 (n. 19), 56

(n. 163), 90, 765, 783. Theodulfus (citoyen de Tours), 708. Theudericus (comte breton), 294 (n. 233). Theutharius (prêtre, légat de Childebert

II), 332. Thierry (fils de Chilpéric), 277 (n. 159),

App. 1. Thierry Ier (roi franc), 162, 168, 173, 174,

177, 249, 250 (n. 14 et 17), 254 (n. 41),

778 (n. 234), App. 1.

Thierry II (roi franc), 210 (n. 163), App. 1. Thomas (apôtre), 438, 748. Thorismond (roi wisigoth), 127, 769. Thrasamond (roi vandale), 769. Tibatto (chef bagaude), 97, 98. Tibère (empereur), 764. Trajan (empereur), 764 (n. 159). Trophime (premier évêque d'Arles?), 21, 22

(n. 37), 23, 24 (n. 41). Tugdual (moine), 190. Ulfaricus (prêtre de Tours), 707. Ultrogotha (reine), 196, 200, 561 (n. 134),

567 (n. 174), 594, 606, 725, App. 1. Ursicinus (abbé de Tours), 483. Ursinus (évêque de Bourges), 26.

Ursulfus (clerc de Tours), 598, 642, 649.

Ursus (abbé de Loches), 130 (n. 125 et 127), 154, 532, 619, 654, 657, 659, 661, 688; — culte : 513 (n. 350), 514, 515, 516, 518.

Valens (empereur), 765.

Valentinien Ier (empereur), 15 (n. 19), 56 (n. 163), 72, 73 (n. 233), 80, 81, 602.

Valentinien II (empereur), 768.

Valentinien III (empereur), 96, 100, 119, 768.

Valentinus (évêque de Chartres), 82, 83 (n. 263).

Valerien (empereur), 764 (n. 159), 765.

Valerius Dalmatius (gouverneur de Lyonnaise Troisième), 14-15, 73 (n. 232).

Venance Fortunat (poète), 206, 247, 545 (n. 90), 546 (n. 96), 551 (n. 107), 555, 617, 698, 745-748, 754-755, 775, 822-831.

Venantius (abbé de Tours), 153, 393, 407- 409, 532, 654, 659, 661, 663-664, 686, 687 (n. 481), 707, 727, 728; — culte : 408, 483, 513 (n. 350), 514, 515, 516, 518, 548 (n. 100), 564.

Venerandus (évêque gaulois de siège inconnu), 146.

Veranus (clerc de Tours), 642, 649.

Veranus (évêque de Cavaillon), 253 (n. 40).

Verus (évêque de Tours), 4, 28, 89, 132, 136-137, 138 (n. 153), 160-162, 164-166, 197, 375, 604, 638 (n. 205), 674 (n. 401), 788.

Vettius Epagathus (martyr lyonnais), 251; cf. App. 2.

Victor (moine, disciple de Martin), 47 (n. 116), 51, 65 (n. 202), 108.

Victor (martyr de Milan), — culte : 398-

399, 490-491, 502, 826. Victrice (évêque de Rouen), 75 (n. 236), 82,

83 (n. 263), 84 (n. 265), 86 (n. 269), 155

(n. 213), 488, 489, 491. Victurius (évêque du Mans), 36 (n. 72), 144-

146. Victurius (évêque de Rennes), 219, 221, 232

(n. 245), 238, 299; — culte : 300. Vinastis (pèlerin à Tours), 611. Vincent de Saragosse (martyr), — culte :

440, 495-496, 505. Vincentius (préfet du prétoire), 47, 77-78,

488, 524 (n. 6). Viventius (évêque dans la province de

Tours), 144-145. Volusianus (évêque de Tours), 4, 89, 131

(n. 128), 132-136, 138 (n. 153), 140, 153,

159-162, 264, 375, 424, 490, 605, 618,

788. Vulfilaicus (diacre et moine à Ivoi), 548

(n. 101), 585, 588.

Waldo (diacre de Bordeaux), 559 (n. 128). Weroc (comte breton), 294-296, 298, 300,

304. Wiliacharius (comte, puis prêtre à Tours),

208, 213 (n. 172), 216, 227-228, 354, 641-

642, 649-651. Wiliacharius (comte d'Orléans et de

Tours), 227 (n. 225), 305. Winnocus (ascète breton, prêtre à Tours),

323, 395, 559, 643, 649, 650, 651, 668,

681, 686, 688, 689. Yriex, voir Aredius. Zorobabel, 762. Zosime (pape), 21, 104-105.

Index des noms de lieux

Agaune, 492, 633 (η. 172); — voir: s. Maurice.

Agde, — concile de 506 : 27, 28, 151, 164- 166, 194, 638 (n. 205).

Aix, voir : év. Lazare.

Alet (Ille-et- Vilaine), 90 (n. 4), 190 (n. 82), 191.

Alexandrie, 23, 57 (n. 163).

Alingaviensis vicus, voir Langeais.

Ambaciensis vicus, voir Amboise.

Amboise (Indre-et-Loire), 41 (n. 88), 51, 54, 57 (n. 164), 58 (n. 171), 65, 66 (n. 202), 130 (n. 126), 164, 653, 684, 688; App. 3; — voir prêtre Marcellus.

Amiens, 357 (n. 83), 831 (n. 70).

Andelot, — pacte : 274, 329, 330.

Angers, 35, 37, 90 (n. 4), 121, 122 (n. 97), 128, 145, 173, 174 (n. 6), 175, 192, 209 (n. 157), 210, 265, 293, 296, 297, 300, 301, 552, 556, 692; — concile de 453: 36 (n. 72), 84 (n. 265), 132 (n. 131), 140, 143- 145, 147-148; — voir év. : Albinus, Audo- veus, Defensor, Domicianus, Eustochius, Maurille, Thalasius ; abbé : Sapaudus.

Angoulême, 168, 272, 776.

Arles, 17, 19, 21, 22, 23, 24 (n. 41), 25, 27 (n. 48), 92, 124, 459, 527, 724, 743; — concile de 314 : 24, 35 (n. 72); — voir év. : Césaire, Héros, Hilaire, Marcianus, Pa- trocle, Ravennius, Trophime.

Armorique bretonne, 120-121, 144-146, 175-177, 187 (n. 71), 188-192, 211-212, 220-221, 294-297, 552; — voir: Mansue- tus (évêque des Bretons).

Artanna vicus, voir Artanne.

Artanne (Indre-et-Loire), 325, 499, 502-503, 506, 798, 826, App. 3.

Artonne (Puy-de-Dôme), 42 (n. 92), 684.

Athies (Somme), 725.

Autun, 63, 465, 467; voir s. Symphorien; év. : Armentarius, Cassianus, Eufronius.

Auxerre, 15, 95, 173, 494, 554, 784; — synode (561-605) : 221 (n. 207); — voir év. : Aunacharius, Germain.

Avranches, 554; — voir év. : Leovaldus, Pa- ternus.

Balatedinis vicus, voir Balesmes.

Balesmes (Indre-et-Loire), App. 3.

Barrou (Indre-et-Loire), App. 3.

Bayeux, 554 ; — voir év. : Lascivus.

Berny (Aisne), — concile : 287, 299, 630; — villa : 287.

Berraus vicus, voir Barrou.

Bessay (Vendée), 684.

Bigorre (= Cieutat, Htes-Pyrénées), voir év. : Amelius.

Blaye (Gironde), 42 (n. 92).

Bordeaux, 63, 96, 121, 161, 167, 168 (n. 260), 272, 331, 485 (n. 206), 503, 553; — concile de 384/5: 77 (n. 244), 83 (n. 263) ; — voir év. : Bertrand, Gundegi- silus, Léonce.

Boulogne, 121.

Bourges, 25, 26, 27 (n. 48), 41 (n. 88), 129 (n. 123), 133, 173, 209, 407, 552, 554, 556, 614, 646, 682, 689 (n. 497 et 498), 784; — voir év. : Léon, Probianus, Simplicius, Ursinus ; diacre : Patrocle.

Braga, voir Martin de Braga.

Braye (actuellement Reignac, Indre-et-Loire), App. 3.

INDEX DES NOMS DE LIEUX

Brèches (Indre-et-Loire), App. 3.

Bricca vicus, voir Brèches.

Briotreidis vicus, voir Brizay.

Brioude (Haute-Loire), 247 (n. 1), 255, 259 (n.76), 260, 397, 417, 498, 585 (n. 267), 590 (n.285), 635 (n. 182), 684 (n. 459), 689 (n. 497 et 498), 690 (n. 501) — ; voir : s. Julien.

Brive (Corréze), 272.

Brixis vicus, voir Braye.

Brizay (Indre-et-Loire), App. 3.

Cahors, voir év. : Maurilio.

Caino vicus, voir Chinon.

Calatonnus vicus, voir Saint-Julien-de-Ché- don.

Cambrai, 123, 552.

Candes (Indre-et-Loire), 41 (n. 88), 42 (n. 92), 46 (n. 113), 50 (n. 137), 51, 58 (n. 171), 65 (n. 200), 87, 229, 473-474, 511 (n. 336), 512, 542 (n. 77), 570, 576, 577, 611, 613, 657, 668, 751; — matricule: 685, 717, 718-724, 727.

Carhaix (Finistère), 90 (n. 4).

Carthage, 734-735 ; — voir év. : Cyprien.

Cavaillon, voir év. : Veranus.

Cerate vicus, voir Céré.

Céré (Indre-et-Loire), 495, App. 3.

Chalon-sur Saône), 253, 257, 260, 329, 453, 689 (n. 497), 725; — concile de 585 : 329;

— voir év. : Agricola, Silvestre. Châlons-sur-Marne, 552 ; — voir év. :

Chartres, 54 (n. 152), 61, 62, 71, 75, 77 (n.244), 82 (n. 259), 83 (n. 263), 173 (n. 2), 209 (n. 157), 217, 266 (n. 102), 553;

— voir év. : Chaletricus, Leobinus, Va- lentinus.

Châteaudun (Eure-et-Loire), 266 (n. 102).

Chécy (Loiret), 92.

Chinon (Indre-et-Loire), 125, 127, 153-154, 217-218, 452 (n. 79), 514, 517, 635, 654, 656 (n. 301), 659, 664, 684, 688, App. 3;

— voir abbés : Flamiris, Maxime ; prêtre : Jean.

Cinq-Mars-la-Pile (Indre-et-Loire), 54

(n. 153). Ciran-la-Latte (Indre-et-Loire), 58 (n. 171),

570, 576 (n. 205), App. 3.

Cisomagensis vicus, voir Ciran-la-Latte.

Claudiomagus vicus, voir Clion.

Clermont, 17, 19, 25, 26, 27 (n. 48), 32, 33 (n. 63), 74 (n. 234), 129 (n. 123), 175, 181, 208, 209, 382 (n. 194), 446 (n. 46), 448 (n. 54), 458 (n. 108), 459, 511 (n. 338), 552, 554, 556, 682, 689 (n. 497 et 498), 692, 700, 717; — voir év. : Aprunculus, Avitus, Cautinus, Gallus, Illidius, Quintia- nus, Sidoine Apollinaire ; — prêtres : Cato, Impetratus, Julianus.

Clion (Indre), 41 (n. 88), 51, 58 (n. 171), 65, 66 (n. 202), 67 (n. 207), 653, 688.

Coblence, 329.

Cologne, — voir év. : Eberegiselus, Séve- rin.

Condat (Jura), — monastère : 391, 532, 584, 724 ; — voir abbés : Lupicinus, Oyend, Romain ; — moine : Dativus ; — prêtre : Antidiolus.

Condatensis vicus, voir Candes.

Coriosolites (cité), 120 (n. 92), 145, 190 (n. 82).

Corps-Nuds (Ille-et- Vilaine), 295 (n. 239).

Corseul (Côtes-du-Nord), 120 (n. 92).

Cournon (Puy-de-Dôme), 663 (n. 340).

Craon (Mayenne), 555.

Déols (Indre), 122 (n. 97), 128, 251 (n. 23).

Diablintes (cité), 145 (n. 170).

Die, voir év. : Marcel.

Dijon, voir : s. Bénigne.

Dol, 190; — voir év. : Samson.

Dolus vicus (Indre-et-Loire), App. 3.

Dumium (Galice), 475, 482.

Embrun, voir év. : Marcellinus, Salonius.

Épaone, — concile : 189 (n. 81).

Esvres (Indre-et-Loire), 412, 496, 684, App. 3.

Evena vicus, voir Esvres.

Évreux, voir év. : Ferrocinctus.

Fatiliagus villa (Meurthe-et-Moselle), 622 (n. 123), 719.

Gap, voir év. : Sagittarius.

Gaudiacus vicus, voir Joué-lès-Tours.

Helena vicus, 101-102, 123.

Iciodorus vicus, voir Yzeures.

Ile-Barbe (Rhône), t — monastère: 153, 207 (n. 148), 653.

Ivoi (actuellement Carignan, Ardennes),

585. Jérusalem, 23, 456 (η. 96), 740, 741, 764,

Jocundiacensis domus, 282, 619. Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire), App. 3. La Latte (Indre-et-Loire), 303 (n. 278), 613,

656, App. 3. Langeais (Indre-et-Loire), 58 et 59 (n. 171),

491, 548 (n. 100), App. 3. Langres, 635 (n. 182); — voir év. : Armen-

tarius, Grégoire, Tetricus ; — diacre :

Pierre. Laon, 716.

Latta monasterium, voir La Latte. Laudiacus Mons vicus, voir Montlouis. Le Mans, 35, 36 (n. 72), 90 (n. 4), 126

(n. 113), 145, 155, 175 192, 209 (n. 157),

210, 265, 293, 297, 299, 300, 552, 717,

725 ; — voir év. : Badegisilus, Bertrand,

Domnolus, Innocentius, Principius, Vic-

turius. Le-Petit-Pressigny (Indre-et-Loire), 325,

439 (n. 16), 448, 499, 608 (n. 18), 613, 684,

Leprosum, voir Levroux. Lérins (Alpes-Maritimes), — monastère : 45

(n. 109). Levroux (Cher), 41 (n. 88), 46 (n. 113), 55,

56 (n. 162), 57, 75 (n. 235 et 239). Ligugé (Vienne), — monastère : 36, 43,

44, 60, 66 (n. 203), 511 (n. 336), 732,

751. Limoges, 17, 19, 25, 26, 27 (n. 46), 173, 209

(n. 157), 271 (n. 139), 317, 552, 607, 717;

— voir év. : Ruricius l'Ancien. Lisieux, 554, 646, 683 (n. 455); — voir év. :

Litus saxonicum, 10, 121. Loccis monasterium, voir Loches. Loches (Indre-et-Loire), 8 (n. 3), 10 (n. 9),

130, 186 (n. 70), 514, 532, 619, 655, 658,

659, 662, 688, App. 3. Lucas vicus, voir Loches. Luciliacus vicus, voir Luzillé. Luzillé (Indre-et-Loire), App. 3. Lyon, 17, 25, 259, 260, 504, 636 (n. 189),

682, 689 (n. 497 et 498), 690 (n. 501), 725,

750, 766 ; — voir év. : Aetherius, Nizier, Sacerdos. Lyonnaise (province), — Haut-Empire : 8 ;

— Lyonnaise Seconde, 11-12, 35, 83 (n. 263), 91 (n. 4), 95; — Lyonnaise Troisième, 13-17, 28, 84 (n. 265), 90, 91, 95;

— Lyonnaise quatrième (ou Senonia ou Maxima Senonia), 13-17, 95.

Mâcon, — concile de 585 : 299 ; — concile de 589: 331.

Maillé (actuellement Luynes, Indre-et-Loire), 515, 516, 517, 656, App. 3.

Major Monasterium, voir Marmoutier.

Malliacense monasterium, voir Maillé.

Manthelan (Indre-et-Loire), 448, 684, 701, App. 3.

Mantolomaus vicus, voir Manthelan.

Marciacensis villa, voir Marsas.

Mareuil-sur-Cher (Loir-et-Cher), App. 3.

Marmoutier (Indre-et-Loire), — basilique Saint-Jean : 153, 424, 426, 430, 490; — basilique Saint-Pierre-et-Saint-Paul : 71, 423-424, 426, 430, 490; — monastère : 41, 46, 47 (n. 115), 49-52, 60 (n. 179), 61 (n. 181), 65, 66, 67 (n. 206 et 207), 68-70, 103, 107-109, 131, 153, 217, 363, 365, 421- 430, 457, 473, 512, 514, 517, 519, 529, 570, 576, 579, 582, 583, 585 (n. 267), 602- 603, 619, 640, 645, 652, 654, 658, 659, 660, 662, 663, 681, 798, 800, 802-804, 812, 815, 816-817, 820, 822, 831 ; — voir abbé : Eustachius.

Maroialensis vicus, voir Mareuil-sur-Cher.

Marsas (Gironde), 620.

Marsat (Puy-de-Dôme), 635 (n. 182).

Marseille, 459 (n. 118 et 120), 632 (n. 168), 635 (n. 180).

Martigny (Indre-et-Loire), 42 (n. 92), 617, App. 3.

Martiniacensis villa et Oratorium, voir Martigny.

Mayence, 92.

Mediconnus vicus, voir Mougon.

Menât (Puy-de-Dôme), — monastère: 415, 512 (n. 346).

Mende, 689 (n. 497).

Metz, 210 (n. 161), 249, 329, 456 (n. 98), 552, 554, 556; — concile : 292.

Meung-sur-Loire (Loiret), 92.

Milan, 70 (n. 221), 448 (n. 51), 491, 492, 751; — voir: s. Felix et s. Victor; év. : Ambroise, Auxence.

Montlouis (Indre-et-Loire), 112, 115 (n. 77), 490, App. 3.

Mougon (Indre-et-Loire), 8 (n. 3), 10 (n. 9), App. 3.

Nantes, 35, 91 (n. 4), 145, 173, 174, 175, 176, 187 (n. 71), 190 (n. 82), 192, 210, 265, 269, 293, 294, 295, 297, 298, 299, 300, 552 ; — voir év. : Desiderius, Epiphanius, Eumerius, Eusebius, Felix, Nonnichius, Similinus; — prêtre : Martilianus, — ascète : Friardus.

Narbonne, 17, 19, 22, 23, 24 (n. 41), 25, 27 (n. 48), 35 (n. 70), 96, 97 (n. 24); — voir : s. Paul.

Navicellis, voir Nazelles.

Nazelles (Indre-et-Loire), 224, 619, 625, 628.

Néris (Allier), 684 (n. 459).

Neuillé. . . (Indre-et-Loire), deux vici différents de ce nom, 42 (n. 92), 570, 576 (n. 205), 580, App. 3.

Neuvy-le-Roi (Indre-et-Loire), 494, 495-496, 505, App. 3.

Nieul-lès-Saintes (Charente), 42 (n. 92).

Nice, voir : Hospice, reclus.

Nîmes, 646; — concile de 394 ou 396: 83 (n. 263 et 264), 189.

Nobiliacensis pagus, voir Neuillé.

Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), — villa : 289.

Noie, 47 (n. 116), 525 (n. 7), 734-735; — voir : s. Felix; év. : Paulin.

Nouâtre (Indre-et-Loire), 8 (n. 3).

Noviliacus vicus, voir Neuillé.

Novivicensis vicus, voir Neuvy-le-Roi.

Noyon, voir év. : Médard.

Orange, — concile de 441 : 189 (n. 81).

Orbaniacus vicus, voir Orbigny.

Orbigny (Indre-et-Loire), 495, 496, 505, App. 3.

Orléans, 15, 92, 95, 99, 103 (n. 42), 119 (n. 87), 173, 209, 292, 328, 553, 784; — bataille: 122 (n. 97), 125; — concile de 511 : 172, 176, 179, 190, 193, 199, 202; —

concile de 533 : 179, 189 (n. 81), 193; — concile de 538: 174 (n. 7), 179, 194, 638 (n. 205); — concile de 541 : 194; — concile de 549 : 179.

Osismes (cité), 91 (n. 4), 120 (n. 92), 145, 190 (n. 82).

Paris, 17, 19, 23 (n. 39), 25, 27, 29, 32, 33 (n.63), 60, 75, 77 (n. 244), 459 (n. 118), 496, 553, 556; — concile de 556/573: 220, 235-245; — concile de 573: 210 (n. 163), 245, 266, 299, 300 (n.269); — concile de 577 : 29 (n. 53), 282-283, 299, 330; — voir : s. Denis; év. : Germain.

Paternacensis vicus, voir Pernay.

Pavie, 63, 93.

Périgueux, 272, 553 ; — voir Paulin, poète.

Pernay (Indre-et-Loire), 325, 498-499, 506, 548 (n. 100), 571 (n. 184), App. 3.

Pionsat (Puy-de-Dôme), — monastère : 414.

Poitiers, 36, 173-175, 206 (n. 147), 208, 209 (n. 157), 210, 265-266, 268, 269 (n. 128), 271-273, 304 (n. 289), 312, 328, 331, 410, 465, 467, 553-554, 556, 689, 751, 753 (n. 94), 774-775 ; — monastère Sainte- Croix: 179 (n. 29), 229-235, 299, 324 (n. 395), 331-332, 403 (n. 278), 456, 500, 635 (n. 178), 660; — voir év. : Hilaire, Maroveus, Pientus, Platon; — reine Ra- degonde; — abbesses: Agnès, Basine, Leubovera ; — moniales : Chrodieldis, Basina.

Pompierre (Vosges), 269.

Pont-de-Ruan (Indre-et-Loire), App. 3.

Pont Milvius 162, 772-773.

Primuliacum (villa de Sulpice Sévère), 79 (n. 247), 107-110, 526, 583, 817, 829.

Prisciniacensis vicus, voir Le-Petit-Pressi- gny.

Quimper, 190 (n. 82); — voir év. : Coren- tin.

Reims, 162, 163, 210 (n. 161), 247-248, 552, 689 (n.497), 715-716, 724; — voir év. : Aegidius, Bennadius, Rémi, Romulfus.

Rennes, 90 (n. 4), 145, 175, 187 (n. 71), 190 (n. 82), 192, 209 (n. 158), 210, 265, 293, 295, 297, 299-300; — voir év. : Athenius, Fybidiolus, Melanius, Victurius; — prêtre : Sparatus.

Riez (Alpes de Haute-Provence), 459; — voir év. : Faustus.

Riom (Puy-de-Dôme), 448 (n. 54), 456 (n. 98).

Rodez, 209, 646.

Rome, 17, 19, 20, 21, 23, 25, 30, 325, 446 (n. 46), 451 (n. 72), 454-455, 460-461, 492, 504, 505, 582, 635 (n. 182), 741 (n. 39), 748, 750, 764.

Rotomagus vicus, voir Pont-de*Ruan.

Rouen, 12, 35, 84 (n. 265), 155, 239 (n. 270), 268, 278, 357 (n. 83), 488-489; — voir év. : Avitianus, Germanus, Prétextât, Vic- trice.

Sabaria (Pannonie), 70 (n. 221), 156 (n. 217), 747, 748.

Saint-Bauld (Indre-et-Loire), 186 (n. 70).

Saint-Bertrand-de-Comminges, 273.

Saint- Branchs (Indre-et-Loire), 515 (n. 354), App. 3.

Saint-Brieuc, 190 (n. 82).

Sainte-Maure (Indre-et-Loire), 217, 514 (n. 352), App. 3.

Saintes, 25, 26, 160, 268, 464; — concile: 235-242 ; — voir év. : Emerius, Eutrope, Heraclius, Palladius.

Saint-Germain-sur- Vienne (Indre-et-Loire), 494, App. 3.

Saint- Julien-de-Chédon (Indre-et-Loire), App. 3.

Saint-Martin-de-Brives (Cher), 620 (n. 111).

Saint-Martin-de-Fraigneau (Vendée), 586- 587, 590 (n. 285).

Saint-Nazaire, 689 (n. 497 et 498).

Saint-Pol-de-Léon, 190.

Saint-Senoch (Indre-et-Loire), 42 (n. 92), 217, 514, 655, 656 (n. 301), 659, App. 3.

Sanctae Maurae oratorium, voir Sainte- Maure.

Sancti Benigni sepulcrum, voir Saint- Branchs.

Sancti Germani basilica, voir Saint-Germain-sur- Vienne.

Sancti Senochi monasterium, voir Saint- Senoch.

Saragosse, 496 ; — voir s. Vincent.

Saunay (Indre-et-Loire), 58 (n. 171), App. 3.

Séez, voir év. : Leudobaubis, Litardius.

Senaparia monasterium, voir Sennevières.

Senlis, voir év. Gonuthigernus.

Sennevières (Indre-et-Loire), 154, 514, 532, 655, 657, 659, 662, App. 3; voir abbés: Leobatius, Ursus.

Sens, 15, 75, 173, 554.

Sireuil (Charente), 42 (n. 92).

Soissons, 175, 497, 499, 552, 554, 556.

Solonacensis vicus, voir Saunay.

Tausiriacus vicus, voir Thuré.

Ternay (Loir-et-Cher), 620.

Themellus villa (Indre-et-Loire), 618.

Thomeau, voir Themellus.

Thuré (Indre-et-Loire), App. 3.

Tolède, 23 (n. 39).

Tonnerre, 684 (n. 459).

Tornomagensis vicus, voir Tournon-Saint- Pierre.

Toulouse, 17, 19-21, 23, 24 (n. 41), 25, 27 (n. 48), 35 (n. 70), 63, 96, 167, 198, 272, 776 ; — voir év. : Exuperius, Saturnin.

Tournai, 267.

Tournon-Saint-Pierre (Indre-et-Loire), 58 (n. 171), App. 3.

Tours I. L'agglomération civile : chef -lieu de cité, 7-9, 340-343; capitale provinciale, 11-17; castrum, 343-350; cimetières, 340-341, 348, 430; pont sur la Loire, 8 (n. 4), 340, 347; port, 347, 416; praeto- rium, 41 (n. 89), 345; prisons, 345, 697- 698. II. Le centre religieux : métropole de province ecclésiastique, 84 (n. 265), 143-152, 188-193, 218-221, 296-302, 554; concile de 461, 36 (n. 72), 138 (n. 155), 145-146, 148-151, 471-473; concile de 567, 193, 209 (n. 158), 218-220, 235-243; topographie chrétienne: castrum, 350- 367, 428-429, 717; suburbium occidental, 368-420, 428-429; transligerim (voir Mar- moutier). III. Édifices chrétiens : baptistère ancien (puis, oratoire Saint-Bénigne), 397-398, 400, 403-404, 500, 502, 506; baptistère nouveau, 324, 397-401, 404, 502, 506; basilique et monastère Saint-Julien, 324, 347 (n. 33), 417-420, 430, 440-441, 483 (n. 203), 498-499, 506, 523 (n. 5), 548 (n. 100), 655, 658-659; ma-

tricule Saint-Julien, 320, 419, 717-724; basilique Saint-Lidoire, 30-31, 34, 42 (n. 92), 71, 348 (n. 38), 353, 368-372, 430; basilique Saint-Martin : premier sanctuaire, 72 (n.226), 98, 116-118, 348 (n. 37), 372-374, 376-378, 406, 481, 490, 507-508, 527, 529, 613; sanctuaire édifié par Perpetuus, 133, 152, 154-155, 167- 169, 216, 324, 326, 348 (n. 37), 349, 374- 390, 428, 430, 491, 501, 508-511, 529-530, 570-572, 576-578, 613, 619-620, 623-625, 631, 635, 689-690, 717, 798, 800, 804-815, 817-822, 831; domus basilicae de Saint- Martin, 394, 397, 683; domus des cinq martyrs, sanctuaire annexe de Saint- Martin, 398-400, 402-404, 502, 801, 811- 812, 815; matricule Saint-Martin: 216, 320, 396-397, 715, 717-724, 727; oratoire de l'atrium Saint-Martin, 399-404, 411,

500, 502, 506, 571 (n. 184); basilique Saint-Pierre-et-Saint-Paul, 152, 154, 373 (n. 153), 377, 405-407, 430, 490; basilique Saint-Vincent, 216, 416-417, 420, 430, 496; groupe episcopal, 215-216, 352 (n. 51), 362-363, 798; ecclesia prima, 34, 41 (n. 89), 46 (n. 113), 47, 60, 69, 71, 215- 216, 324, 326, 351-355, 429-430, 489, 491,

501, 506 (n. 301), 519-520, 570, 613, 631, 824, 827-831; cellule attenante à l'ecclesia, 46, 68, 363-365, 421, 502, 506, 825- 826, 831; église Saint-Gervais-et-Saint- Protais, 152, 154, 187, 355-358, 430, 487, 489, 631 ; église (ou basilique) Sainte-Ma- rie-et-Saint-Jean, 187, 358-362, 430, 631, 657; domus ecclesiae et son oratoire, 215, 356-357, 363-367, 413, 430, 498-501, 506 (n. 301), 683, 824; monastères de Brachio, 414-415, 655 (voir Brachio); monastère d'Ingitrudis, 324, 395-396, 402, 611, 619, 655, 658, 660, 665-666, 681 (voir moniales : Berthefledis, Berthegun- dis, Ingitrudis); monastère Saint-Julien (voir supra, basilique Saint- Julien) ; monastère de Monegundis, 217, 320 (n. 371), 411-413, 430, 655, 659-660 (voir abbesse Monegundis); monastère fondé

par Radegonde, 222 (n. 210), 229, 409- 411, 430, 606, 655; monastère Saint- Venant, 153, 166, 406, 407-409, 430, 518, 654, 662, 686 (voir abbés : Guntharius, Licinius, Silvinus, Venantius); oratoire Saint-Bénigne (voir supra, baptistère ancien); oratoire Saint-Etienne, 325, 376-377, 413-414, 493, 499, 505-506, 631, 687.

Tractus Armoricani et Nervicani, 11, 90 (n. 4), 95-103.

Tréguier (Côtes-du-Nord), 190.

Trêves, 45 (n. 105), 46 (n. 113), 61, 65 (n. 200), 70 (n. 221), 74 (n. 234), 75, 76 (n. 244), 77, 78 (n. 246), 79, 80, 81, 82 (n. 259), 83, 85, 86, 91, 635 (n. 182), 638, 732 ; — voir év. : Maximin, Nizier.

Troyes, 173; — voir év. : Loup.

Turin, — concile : 104-105.

Turnacensis villa, voir Ternay.

Vaison (Vaucluse), 22 (n. 37), 23, 28; — voir év. Daphnus.

Vannes, 91 (n. 4), 145, 177, 187 (n. 71), 190 (n. 82), 191, 210 (n. 162), 294, 295, 296- 297 ; — concile : 131 (n. 130), 146-151; — voir év. : Eunius, Modestus, Paternus, Regalis.

Verceil, voir év. : Eusèbe.

Verdun, 614.

Vermand (= Saint-Quentin, Aisne), 552.

Vernaus vicus, voir Vernou.

Verneuil-sur-Indre (Indre-et-Loire), 186 (n. 70).

Vernou (Indre-et-Loire), 131 (n. 129), App. 3.

Vézeronce (Isère), 174 (n. 4), 493.

Vienne, 22 (n. 37), 23 (n. 39), 75, 77 (n. 244), 78 (n. 247), 155, 387 (n. 209), 449 (n. 61), 456 (n. 98), 458, 488-489, 554, 690 (n. 501); — voir év. : Avitus, Mamert.

Vieux (Tarn), 569 (n. 180).

Vitry-en-Artois (Pas-de-Calais), 267.

Vouillé (bataille de), 167, 171.

Yzeures (Indre-et-Loire), 54 (n. 153), 613, 635, 684, App. 3.

Table des matières

Préface par Jacques Fontaine V

Avant-propos IX

Introduction XI

Documentation et bibliographie XV

I. Abréviations XV

IL Sources XVI

III. Bibliographie XX

Première partie L'HISTOIRE DE LA CITÉ EPISCOPALE DE TOURS

Chapitre I : Le temps des fondateurs : des origines jusqu'à la

mort de Martin 7

I. La civitas Turonorum au IIIe et au IVe s 7

IL Naissance de l'Église de Tours 17

III. Saint Martin à Tours 36

Chapitre II : Les temps troublés du Ve s. : des incertitudes aux

choix décisifs 89

I. Les incertitudes de la première moitié du siècle 89

II. Les nouvelles épreuves et le redressement (450-489) ... 119

III. Le pari sur les Francs (490-508) 157

Chapitre III : L'éclipsé (508-573) 171

I. Tours dans l'ombre de la puissance franque (508-556) . 172 IL Vers la fin de l'éclipsé : l'épiscopat d'Eufronius (556-

852 TABLE DES MATIÈRES

Pag. Chapitre IV : Tours au temps de Grégoire 247

I. Un évêque prédestiné à Tours 247

H. Une difficile conjoncture politique 265

III. Ombres et lumières sur la cité de Tours 302

Deuxième partie L'ÉDIFICATION DE LA CITÉ MARTINIENNE

Chapitre V : Espace urbain et topographie chrétienne 339

I. Le cadre urbain antique 339

IL Le castrum antique et le groupe episcopal 350

III. Le nouveau suburbium occidental 368

IV. Transligerim : la colonie monastique de Marmoutier ... 421

Chapitre VI : Le temps de la vie chrétienne et la liturgie 431

I. Le cycle des fêtes annuelles 432

II. Liturgie et culte voué aux reliques 484

Chapitre VII : La cité du pèlerinage martinien 521

I. Le développement du pèlerinage au travers de ses sources 523

II. Les pèlerins sur les routes de Tours dans la deuxième moitié du VIe s 546

III. Pratiques propitiatoires et spiritualité du pèlerinage . . 576

Chapitre VIII : Organisation ecclesiale et société chrétienne .... 601

I. Les ressources matérielles 601

IL Les forces humaines : la milice chrétienne 632

III. Pour l'édification d'une société chrétienne 691

Chapitre IX : Urbs Martini; histoire et idéologie 731

I. La ville de l'apôtre des Gaules 732

II. La cité de l'Alliance nouvelle 756

Conclusion 787

TABLE DES MATIÈRES 853

Appendices 789

1. Tableau généalogique des rois mérovingiens 791

2. La famille de Grégoire de Tours 792

3. Églises rurales et autres établissements chrétiens dans

les campagnes tourangelles 793

4. Le diocèse de Tours du IVe au VIe siècle 796

5. Plan de la ville de Tours à la fin du VIe siècle 797

6. Sylloge des inscriptions tourangelles 798

Index des noms de personnes 833

Index des noms de lieux 845

Table des Matières 851

1 De natali sancii Willibrodi archiepiscopi (BHL 8397), 1, dans PL, CI, col. 711. Homélie composée pour la fête de saint Willibrord, sans doute peu après la mort de celui-ci (739).

2 La deuxième forme, de loin la plus fréquemment attestée dans les sources, sera, par souci d'uniformité, adoptée dans la rédaction de cette étude.

1 L. Duchesne, Les anciens catalogues épiscopaux de la province de Tours, Paris, 1890; et Fastes épiscopaux de l'ancienne Gaule, t. II, 2e éd., Paris 1910, p. 242-312.

2 L. Pietri, La succession des premiers évêques tourangeaux : essai sur la chronologie de Grégoire de Tours, dans Mélanges de l'École française de Rome, Moyen Âge - Temps modernes, 94, 1982, p. 551-619.

1 L'épigraphie n'apporte qu'un seul témoignage sûr, une dédicace à l'empereur Hadrien, découverte en 1658 et de nos jours perdue (CIL, XIII, 3078) : Imp. Caesari divi Traiani parthici filio divi Nervae nepoti Traiano Hadriano Aug. pontifici max. trib. pot. cos. HI (ann. 119). Une autre inscription très mutilée (CIL, XIII, 3076, 3077) serait selon R. Mowat (dans Comptes rendus de l'Acad. des Inscriptions et B.L., 1877, p. 34-45) une dédicace à Britannicus, fils de l'empereur Claude : mais la lecture et la restitution sont très hasardeuses. Cependant, les vestiges archéologiques du Haut-Empire paraissent indiquer que « Caesarodunum existait dès le début du Ier siècle et fut probablement fondé fort peu de temps après la conquête romaine » (J. Boussard, Étude sur la ville de Tours du Ier au IVe siècle, dans Revue des Études Anciennes, L, 1948, p. 313-329; et Carte archéologique de la Gaule romaine, fase. XIII, Indre et Loire, Paris, 1960, surtout p. 7-9, avec une bibliographie exhaustive jusqu'à la date de parution, à compléter ensuite par les chroniques archéologiques de Gallia).

2 J. Boussard (Étude sur la ville de T., p. 328-329) estime à une soixantaine d'hectares la superficie de la ville du Haut-Empire et à 6000 le chiffre de la population; infra, p. 343.

3 L'activité économique était très développée dans les vallées (Loire, Cher, Indre et Vienne) : les sols alluviaux, faciles à travailler, y étaient consacrés à la culture des céréales, dans le cadre de vastes exploitations appartenant à de riches propriétaires (nombreux vestiges d'importantes villae avec bâtiments d'exploitation); il s'y ajoutait des établissement industriels (ateliers de poterie à Mougon et Nouâtre dans la vallée de la Vienne et à Loches dans la vallée de l'Indre, dès le IIe siècle sans doute). En revanche les plateaux, dont les sols lourds n'ont eu de valeur qu'à partir de la révolution industrielle du milieu du XIXe siècle, étaient peu peuplés et voués à des activités plus rudimentaires, élevage, exploitation du bois (J. Boussard, Essai sur le peuplement de la Touraine du Ier au VIIIe siècle, dans Le Moyen-Âge, 1954, p. 261-291). À noter que la constitution du vignoble ligé- rien est plus tardive, Ve siècle (R. Dion, Histoire de la vigne et du vin en France des origines au XIXe siècle, Paris, 1959, p. 65-170.

4 La ville, établie sur la rive gauche de la Loire, est située au croisement d'un grand axe de communication est-ouest, la Loire navigable (César, De bello gallico, III, 9, 1 ; cf. Nautes ligerici, CIL, XIII, 1709 et 3105), qui fut doublée, sur chacune de ses rives, par une voie terrestre mettant Tours en relation avec Orléans et Angers ; avec la transversale N.-S. qui relie Tours à Bourges et Poitiers d'une part, Le Mans d'autre part, en franchissant le fleuve probablement par un pont (J. Boussard, Les voies romaines de la civitas Turonum,

dans Bull, archéol. du Comité des travaux historiques, L, 1945-1947, p. 191-192, 194 et 235- 237; Étude sur la ville de Tours, art. cit. p. 318-319; Carte archéologique, op. cit., p. 115- 119). Les tessons de céramique sigillée de la Graufesenque, Lezoux et Montans, retrouvés par milliers à Tours, semblent indiquer que les relations commerciales, dans ce domaine au moins, étaient essentiellement orientées vers le Massif Central et le Midi de la Gaule (J. Boussard, Carte archéologique, p. 10-11).

5 Ptolémée, Géographie, II, 8, 11, éd. C. Müller et K. Th. Fischer, 1. 1, Paris, 1901, p. 216 : πάλιν ύπο τα είρημένα έθνη παρά μέν το Λίλειρα | τυγχάνουσι Τουρόνιοι και πόλις αύτων Καισαρόδουνον. On trouve Caesaroduno sur la Table de Peutinger, (Seg. I, C, 1 ; éd. E. Desjardins, Géographie de la Gaule d'après la Table de Peutinger, Paris, 1869; C. Jullian, La Gaule dans la Table de Peutinger, dans Revue des Études Anciennes, XIV, 1, 1912, p. 60 et pi. I).

6 Eusebios, Histoire des empereurs romains, IX, 8, fragment (éd. C. Müller et V. Lan- glois, Fragmenta historicorum graecorum, 2e éd., 1929, t. V, 1, p. XI et 23): à propos du siège de Thessalonique par les Scythes, l'auteur évoque un artifice employé par les défenseurs de la cité des Turrenoi. La ville, à l'époque où écrit l'historien (sous le règne de Dioclétien probablement), ne porte sans doute déjà plus le toponyme du Haut-Empire, abandonné au profit d'un nom dérivé de celui de l'ancien peuple celte de la région, les Turones (sur cette question, en dernier lieu, M. Rouche, Le changement de nom des chefs- lieux de cité en Gaule au Bas-Empire, dans Mémoires de la Sté des Antiquaires de France, 9e série, IV, 1968, p. 47-64).

7 Th. Reinach, Le premier siège entrepris par les Francs, dans Revue Historique, XLIII, 1890, p. 34-36. É. Demougeot, La formation de l'Europe et les invasions barbares, I, Paris, 1969, p. 500-503.

8 C. Jullian, Histoire de la Gaule, IV, p. 595, n. 3, et p. 601, n. 2; cf. t. VII, p. 44, n. 7.

9 La présence d'une couche d'incendie dans le sous-sol de Tours, l'arrêt brutal de la production dans les ateliers de céramique, dont les fours à Mougon et à Loches ont été trouvés remplis de pièces qui n'avaient pas eu le temps de cuire, l'enfouissement de trésors dont les monnaies les plus récentes s'arrêtent le plus souvent à 270-275, tout dénote une catastrophe survenue sans doute vers cette dernière date, comme le pensait C. Jul- lian. Il semble aussi que l'état d'insécurité se soit prolongé en Touraine jusqu'à l'époque de Dioclétien (J. Boussard, Carte archéologique, p. 11-12; Essai sur le peuplement, p. 273- 274) et plus précisément jusqu'à la victoire remportée par son collègue Maximien sur les Bagaudes en 286 (Mamertin, Panegyricus Maximiano Augusto dictus = Panégyriques Latins, II, 4, éd. C. Galletier, coll. Budé, 1. 1, p. 27-28). Malgré les témoignages d'Aurelius Victor {Liber de Caesaribus, 39, 17), d'Eutrope (Breviarium, 9, 20, 3), de Jérôme (Chronique, ann. 2303) et d'Orose (Adversus Paganos, VII, 25, 2), il est très difficile de délimiter l'étendue géographique et d'apprécier l'ampleur du mouvement (O. Seeck, dans RE, II, 1896, p. 2766-2767; C. Jullian, Histoire de la Gaule, VII, 1, p. 50-56; W. Ensslin, dans RE, XIV, 1930, p. 2494-2495; E. A. Thompson, Peasants Revolts in Late Roman Gaul and Spain, dans Past and Present II, 1952, p. 11-23; Cl. E. Minor, «Bagaudae» ou «Bacaudae»?, dans Traditio, XXXI, 1975, p. 318-322). Il ne paraît pas cependant que les Bagaudes aient jamais réussi à s'emparer d'une ville, malgré des tentatives réitérées (Aurelius Victor, loc. cit. : Plerasque urbium tentare) ; mais leurs embuscades rendaient les campagnes et les voies de communication peu sûres.

10 Dans son organisation définitive, au début du Ve siècle, le Tractus Armoricani et Nervicani s'étendait sur einq provinces, dont celle de Tours comme nous l'apprend la Notitia Dignitatum (Occ, 37, 24-29), éd. O. Seeck, Notitia Dignitatum, Berlin, 1876, p. 205 : Extenditur tarnen tractus Armoricani et Nervicani per provincias quinque : per Aquitani- cum primam et secondant, Lugdunensem Senoniam, secundam et tertiam ; sur la date du document et des nouvelles provinces qu'il cite, infra, η. 17). Mais le nom du Tractus, avec la mention des Nerviens (province de Belgique Seconde), conserve le souvenir d'un état antérieur du dispositif de défense côtière, qui s'étendait primitivement plus loin vers le nord, au-delà du Pays de Gaux et dont l'établissement premier remontait peut-être à l'époque de Dioclétien (C. Jullian, Histoire de la Gaule, VII, 1 p. 54 et 55, n. 7 ; A. Grenier, Manuel d'archéologie gallo-romaine, V, 1, Paris, 1931, p. 391-393). Sur l'organisation militaire dans le Tractus, D. Hoffmann, Das spätrömische Bewegungsheer und die Notitia Dignitatum, I, Dusseldorf, 1969, p. 196-197.

11 Laterculus Veronensis, VIII, éd. Ο. Seeck, Notitia Dignitatum, jam cit. p. 249-250: Diocensis Galliarum habet provincias numero VIII : Belgica prima, Belgica secunda, Germania prima, Germania secunda, Sequania, Lugdunensis prima, Lugdunensis secunda, Alpes Graiae et Poeninae. Établie après la création des diocèses par Dioclétien (297), cette liste des provinces donne, en ce qui concerne l'Occident, la situation postérieure à 303 et antérieure à 314 (W. Seston, Dioclétien et la Tetrarchie, I, Paris, 1946, p. 328-330); malgré A. H. M. Jones, (The Later Roman Empire, Oxford, 1964, 1, p. 43 et III, p. 381) qui propose 312-314, elle date plus probablement des années 303-306 (A. Chastagnol, La préfecture

urbaine à Rome sous le Bas-Empire, Paris, 1960, p. 3-4 et L'évolution de la société, de l'économie et de l'administration au Bas-Empire, dans Revue des Études Latines, XLII, 1964, p. 162.

12 Ammien Marcellin, Histoire, XV, 11, 12, éd. E. Galletier et J. Fontaine, Paris, coll. Budé, 1. 1, 1968, p. 141 : Lugdunensem primam Lugdunus ornât et Cabillona et Senones et Biturigae et moenium Augustoduni magnitudo vetustas. Secundam enim Lugdunensem Rotomagi et Turoni, Mediolanum ostendunt et Tricasini. (À noter que l'historien fait erreur en situant Troyes en Lyonnaise II ; la ville appartient à la Lyonnaise I). Le tableau des provinces ne correspond pas à la situation contemporaine de l'époque où Ammien écrit (vers 386), mais à celle des années 355-356 : outre les souvenirs datant du séjour qu'il fit à cette date en Gaule, il a utilisé une liste des provinces qui remontait à la fin du règne de Constance II (n. 259 de l'éd. supra cit., p. 262, de la main d'A. Chastagnol, et du même, Le diocèse civil d'Aquitaine au Bas-Empire, dans Bull, de la Sté des Antiquaires de France, 1970, p. 277.

13 Une borne milliaire, retaillée par la suite pour servir de sarcophage (Gallia, XIII, 1955, p. 162-163; Ch. Lelong, Sarcophage taillé dans une borne milliaire du IIIe siècle trouvé à Tours, dans Revue archéologique du Centre, VIII, 1969, p. 221-238) indique peut-être pour le règne éphémère de Tacite, en 276, un effort de restauration du système routier. Un siècle plus tard, à l'époque de Martin, une certaine prospérité semble revenue : quelques notations de Sulpice Sévère suggèrent la remise en valeur du sol par une population rurale groupée en villages (infra, p. 41 ; avec des allusions à l'élevage, Dial., II, 9 et 10, à l'exploitation du bois, Vita M., 21, 3-4; J. Boussard. Essai sur le peuplement, p. 275) et la reprise des activités d'échange dans la ville dès lors ceinte de murailles (Dial., II, 1, 8 : une boutique où l'on vend un vêtement de Bigorre).

14 Festus, Breviarium historiae romanae, VI, éd. J. W. Eadie, Londres, 1967, p. 50: Sunt in Gallia, Aquitania et Brittaniis provinciae decem et octo : Alpes maritimae, provincia Viennensis, Narbonnensis, Novempopulana, Aquitaniae duae, Alpes Graiae, Maxima Sequa- norum, Germaniae duae, Lugdunensis duae; in Brittania. . . L'énumération des provinces

de l'Empire que contient l'ouvrage reproduit certainement une liste officielle. Le tableau administratif présenté est valable entre l'avènement de Valens (364) et la création, en 369, de la province britannique de Valentia dont il n'est pas encore question (A. H. M. Jones, The Later Roman Empire, t. III, p. 381; A. Chastagnol, dans Revue des Études Latines, XLII, 1964, p. 162 et dans Bull, de la Sté des Antiquaires de France, 1970, p. 278).

15 Le Laterculus de Polemius Silvius, V, éd. Th. Mommsen, MGH, AA, IX, Chronica Minora, I, Berlin, 1892, p. 537, énumère au nombre des 17 provinces de la Gaule : Lugdu- nensis prima, Lugdunensis super Oceanum, Lugdunensis tertia, Senonia. Le texte non interpolé, recopié en 449 par Polemius Silvius, donne la situation administrative de la Gaule avant 407 (malgré G. Clemente, dans Rivista di filologia, XCVI, 1968, p. 439-448 et dans La Notitia Dignitatum, Cagliari, 1968, qui tente de dater le Laterculus de 411-412). Cette liste primitive date très certainement de l'année 398-399 (A. Chastagnol, Notes chronologiques sur l'Histoire Auguste et le Laterculus de Polemius Silvius, dans Historia, IV, 1955, Festschrift W. Ensslin, p. 173-188 et La préfecture urbaine, p. 4-5; A. H. M. Jones, op. cit., III p. 347-380).

16 La Notitia Galliarum, éd. O. Seeck, Notitia Dignitatum, p. 261-274, cite quatre Lyonnaises : Lugdunensis prima, Lugdunensis seconda, Lugdunensis tertia, Lugdunensis quarta. Ce document, d'origine administrative (L. Duchesne, dans Bull, de la Sté des Antiquaires de France, XXXVI, 1892, p. 247-252) mais d'usage ecclésiastique (S. Mazzarino, Stilicone, la crisi imperiale dopo Teodosio, Rome, 1942, p. 188), donne une liste de provinces gauloises identique à celle de la Notitia Dignitatum, mais en énumérant pour chaque province le nom des cités. Le texte primitif, avant qu'on y ait introduit tardivement le nom de quelques castra, peut-être pour répondre à des préoccupations ecclésiastiques (E. Griffe, La Gaule chrétienne à l'époque romaine, II, Paris 1967, p. 111-125) a été rédigé à la fin du IVe siècle ou au tout début du Ve siècle (A. H. M. Jones, The Later Roman Empire, I, p. 712 et III, p. 225, n. 2), sans doute un peu avant 407 (A. Chastagnol, dans Bull, de la Sté des Antiquaires de France, 1970, p. 279-280).

17 Notitia Dignitatum, Occ, III, 14-31, éd. O. Seeck, p. 110-111, énumère : Lugdunensis prima, Lugdunensis secunda, Lugdunensis tertia, Lugdunensis Senonia. Le tableau administratif de l'Occident, certainement postérieur à 407, reflète à peu près la situation de 430, tout en faisant état de données qui remontent à des réformes un peu antérieures à ces dates. Pour ces problèmes de datation, A. Chastagnol, dans Historia, IV, 1955, p. 179- 190 et Préfecture urbaine, op. cit., p. 4-5; A. H. M. Jones, op. cit., III, p. 347-358; É. De- mougeot, La Notitia Dignitatum et l'histoire de l'Empire d'Occident au début du Ve siècle, dans Latomus, XXXIV, 1975, p. 1079-1134.

18 Notitia Galliarum, III, 2, éd. cit., p. 264 : In provincia Lugdunensi tertia civitates num. VII; Metropolis, civitas Turonorum; civitas Cenomanorum, civitas Redonum, civitas Andecavorum, civitas Namnetum, civitas Coriosolitum, civitas Venetum, civitas Osismo- rum, civitas Diablintum. (Sur cette liste et les problèmes posés par l'identification de la civitas Coriosopitum ou Coriosolitum, infra, p. 190 et n. 82).

19 Les Dialogues de Sulpice Sévère mettent en scène à Tours, sous l'épiscopat de Martin, un personnage officiel du nom d'Avitianus, portant le titre de comes (Dial., Ill, 4 et 8). Des récits de Gallus, il ressort : 1) qu'Avitianus exerçait des fonctions policières et judiciaires (il conduit à Tours des prisonniers pour qu'ils y soient livrés au supplice) et qu'il avait sous ses ordres un tribun nommé Dagridus (Dial., Ill, 5); 2) qu'à Tours, il résidait dans le praetorium (Dial., Ill, 4) où il tenait audience (Dial., Ill, 8) et reçut au moins deux fois la visite de Martin, le seul à exercer sur lui une influence apaisante (ibid.); 3) que l'épouse d'Avitianus était une fervente admiratrice de Martin auquel elle fit demander un flacon d'huile bénie (Dial., Ill, 3); 4) que les fonctions d'Avitianus l'amenaient dans d'autres cités dont le nom n'est pas mentionné. De ces notations ambiguës et vagues, on a tiré, quant à la charge exercée par Avitianus, des conclusions diverses : O. Seeck (art. Avitia- nus, dans RE, III, col. 2394), C. Jullian (Notes gallo-romaines, Remarques sur les sources de la Vie de saint Martin, dans Revue des Études Anciennes, XXIV, 1922, p. 126 et Histoire de la Gaule, VII, Paris, 1926, p. 264 et 301) et P. Monceaux (Saint Martin, Paris, 1927, p. 28), identifient le personnage avec Claudius Avitianus, vicaire d'Afrique en 362-363 (CIL, VIII, 7037 et 7038 : Claudius Avitianus cornes primi ordini agens pro praefectus; C. Th. VIII, 5, 15; XI, 28, 1 ; XV, 3, 2; C. 7. VIII, 10, 7; cf. PLRE, I, Claudius Avitianus 2, p. 126-127) et qui, après sa sortie de charge, accusa de péculat le préfet du prétoire d'Italie Mamertin et le fit destituer en 365 (Ammien Marcellin, Histoire, XXVII, 7, 1); en conséquence, ils le considèrent comme un commissaire impérial extraordinaire, investi par l'usurpateur Maxime de pouvoirs discrétionnaires, pour traquer en Gaule, et notamment à Tours, les partisans de Gratien (Monceaux) ou les priscillianistes (Jullian). Au contraire, E.-Ch. Babut voit dans le personnage le gouverneur de la province où est située Tours (Saint Martin, op. cit., p. 200, n. 2), théorie à laquelle se rallie en dernier lieu F. L. Gans-

hof (Saint Martin et le comte Avitianus, dans Analecta Bollandiana, LXVII, 1949, p. 203- 223). Même si l'on accepte cette hypothèse, mal assurée, il n'est pas possible de préciser la date exacte de ce gouvernement : il n'est pas sûr que les prisonniers amenés à Tours soient des victimes de la politique de Maxime; il peut très bien s'agir, comme le croit Ganshof, de débiteurs du fisc insolvables ou de colons en fuite, pourchassés sous tous les règnes, de Valentinien à Théodose : dans ces conditions Avitianus aurait pu tout aussi bien être le gouverneur de la province de Lyonnaise Seconde créée par Dioclétien que celui de la province de Lyonnaise III, apparue à la fin du IVe siècle.

20 Th. Mommsen, dans Sitzungsberichte des kòniglichpreussischen Akademie der Wissenschaften, Berlin, 1902, p. 836 = Ges. Schriften, II, p. 150; Dessau, ILS, 8987. Sur le rôle joué par Valerius Dalmatius en qualité de patron, commentaire de L. Harmand, Le patronat sur les collectivités publiques, Paris, 1957, p. 443 : «II semble que les clients attendent de leur protecteur quelque chose de plus que la stricte justice. . . Ses protégés comptent en outre sur lui pour qu'il leur épargne les rigueurs de la loi s'ils l'ont enfreinte. . . ; il s'emploiera également. . . à rechercher, dans l'arsenal des édits et des codes, des prescriptions et des constitutions, l'article qui contribuera à innocenter et à justifier ceux qui lui ont donné sa foi ». L'épigramme en l'honneur de Valerius Dalmatius loue sa connaissance approfondie de la jurisprudence (loi des Douze Tables, jus praetorium, constitutions impériales), mais aussi son adresse à «traduire la pensée des lois», son habileté à les interpréter. Sur le personnage, PLRE, I, Valerius Dalmatius, 8, p. 241.

21 Mommsen art. supra cit., p. 836-840.

22 CIL, XIII, 921 = Dessau, ILS, 6117, 6117a, 6117b (monuments trouvés dans une villa près du village de Monséjour, entre Agen et Bordeaux). Claudius Lupicinus n'est pas connu par ailleurs (PLRE, I, Lupicinus, 5, p. 520). Le nom de Lupicinus est trop fréquent au IVe siècle, en particulier en Gaule, pour qu'on puisse identifier le gouverneur de Sénonie avec le propriétaire terrien des environs de Poitiers, du nom de Lupicinus, dont l'esclave fut ressuscité par saint Martin (Vita Martini, 8, 1). K. F. Stroheker (Der senatorische Adel, p. 189, η. 227 et 228 et, à sa suite, J. Fontaine (Vie de saint Martin, II, p. 634) distinguent les deux personnages.

23 Notitia Dignitatum, Occ. I, index, éd. 0. Seeck, p. 104-106: des quatre Lyonnaises, seule la Lyonnaise Première a pour gouverneur un consularis ; les trois autres sont gouvernées par des praesides.

24 A. Chastagnol, Les Espagnols dans l'aristocratie gouvernementale à l'époque de Théodose, dans Les Empereurs romains d'Espagne, Paris, 1965, p. 269-290, surtout p. 284- 286 : l'auteur propose de lire et de restituer ainsi le début de l'inscription routière qu'An- tonius Maximinus a dédiée à l'usurpateur Maxime, (CIL, II, 4911) :

Iussu Domini et principis [n.] Magni Maximi Victorifs. . .] Semper Augusti Antonius Maximinus [v.c] Novae provinciae Ma[ximae] Primus consularis et [ante] Praeses. . .

Maxime aurait donné son propre nom à sa province natale (Galice ou plutôt Tarraconai- se) « dont il faisait la nova provincia Maxima en élevant son gouverneur au rang consulaire».

25 La province pourrait avoir été créée quelques années avant de prendre le nom de Maxima, de même que la provincia Flavia Viennensis (CIL, XIII, 1852), qui, selon A. Pelletier (Latomus, XXVI, 1967, p. 401), serait à cause de son surnom une création de Constantin entre 306 et 314, a pu exister avant cette date, avant de recevoir le surnom de Flavia (A. Chastagnol, dans Bull, de la Sté des Antiquaires de France, 1970, p. 274, n. 1).

26 HF, I, 29.

27 HF, I, 30; cf. HF, X, 31, 1 ; GC, 4 et 29.

28 Sur la part de la légende et de l'histoire dans les récits des origines chrétiennes de la Gaule, L. Duchesne, Fastes épiscopaux de l'ancienne Gaule, I, p. 48-62 ; E. Griffe, La Gaule chrétienne à l'époque romaine, I, p. 104-115 et 133-146; J. Dubois, La composition des anciennes listes episcopates, dans Bull, de la Sté des Antiquaires de France, 1967, p. 74- 104 et L'emplacement des premiers sanctuaires de Paris, dans Journal des Savants, 1968, p. 5-46.

29 HF, I, 30, p. 22-23; cf. GC, 4, p. 301 ; GC, 29, p. 316; HF, X, 31, 1 p. 526.

30 Passio s. Saturnini episcopi Tolosani (BHL, 7495; Clavis 2137), éd. Th. Ruinart, Acta primorum martyrum sincera et selecta, 2e édit., 1713, p. 129-133 = Devic et Vaissette, Histoire du Languedoc, II, 1875, Preuves n° 8, col. 29-34; emend. E. Griffe, La Gaule chrétienne, I, p. 148-152 et 395-399. Sur la date de la Passio, L. Saltet, Le commencement de la légende de st Saturnin, dans Bull, de litt, ecclés., XXIII, 1922, p. 30-60 : entre 430 et 450; L. Levillain, Saint Trophime et la mission des sept en Gaule, dans Rev. d'hist. de l'Église de France, XIII, 1927, p. 145-189 : entre 409 et 411, à l'occasion de la translation par l'évêque Exuperius des reliques du martyr dans la basilique élevée en son honneur; E. Griffe, op. cit., p. 148 et p. 395-402, ainsi que dans Bull, de litt, ecclés., IL, 1948, p. 32 : peu après la mort de l'évêque de Toulouse Exupère dont la Passio fait un grand éloge, circa 420; pour une date plus tardive, mais antérieure à Grégoire de Tours et au Missale Gothi- cum, B. de Gaiffier, À propos d'un passage du Missale gothicum, S. Saturnin de Toulouse venait-il d'Orient? dans Analecta Bollandiana, LXVI, 1948, p. 53-58. Nous savons par un poème de Fortunat (Carm. II, 8) que, vers le milieu du VIe siècle, on construisit à Toulouse une église sur le lieu où Saturnin avait été lié au taureau : Saint-Sernin du Taur (puis Notre-Dame du Taur).

31 La citation empruntée mot pour mot par Grégoire à la Passio avec une référence explicite à cet ouvrage est la suivante : sub Decio et Grato consolibus, sicut fideli recorda- tionem retenitur, primum ac summum Tholosanna civitas sanctum Saturninum habere coeperat sacerdotem. Pour les autres emprunts faits à la Passio dans le récit du martyre de S., voir éd. de YHistoria Francorum, B. Krusch, loc. cit.

32 Pour ces hypothèses, G. Kurth, Études franques, II, Paris 1919, p. 301.

33 L. Levillain, art. cit., p. 160, propose de lire : Sept évêques furent envoyés en Gaule pour y prêcher la foi; c'était à l'époque de Novatien (ou de Decius) comme la Passion de st Saturnin le fait savoir. Elle dit en effet : «sous le consulat de Decius et Gratus. . .».

34 Sur le sens de cette date, qui est plus probablement celle du martyre et non, comme l'a compris Grégoire, celle de l'arrivée de Saturnin à Toulouse, le point est fait par Griffe, La Gaule chrétienne, I, p. 397-402 (voir L. Pietri, La succession des premiers évêques tourangeaux, dans MEFRM, 94, 1982, p. 606).

35 B. de Gaiffier, dans Analecta Bollandiana, LXVI, 1948, p. 53-58 : ni la Passio, ni les martyrologes ne précisent la patrie de Saturnin. Un passage du Missale Gothicum mentionne par erreur, en appliquant à Saturnin une expression concernant le Christ, une origine orientale. Fortunat (Carm. II, 8, v. 11, p. 37) mentionne lui aussi l'origine romaine de Saturnin. Il connaissait peut-être, comme Grégoire ou par Grégoire, la légende des sept évêques (L. Duchesne, Fastes, I, p. 49, n. 4).

36 Le pape Zosime (mars 417 - déc. 418), acceptant de reconnaître les prétentions d'Arles à exercer une primarie, fait valoir un argument que l'évêque arlésien Patrocle lui a soufflé : l'Église d'Arles a été fondée par un envoyé du Siège apostolique et la Gaule entière a reçu l'Évangile par son intermédiaire. En consentant à authentifier la légende de Trophime, le pape assure l'antiquité de l'Église provençale, mais il établit aussi un lien de dépendance entre l'Église apostolique et sa colonie spirituelle. Sur cette question, L. Duchesne, Fastes, I, p. 86-112, Griffe, La Gaule chrétienne, II, p. 146-164, E. Duprat, Mém. Inst. Hist, de Provence, XVII, 1940, p. 146 sq., G. Langgärtner, Die Gallienpolitik der Päpste, Theophaneia 16, Bonn, 1964, p. 26-91; et Ch. Pietri, Roma Christiana, Rome, 1976, II, p. 1020-1041. La figure et le rôle de Trophime sont évoqués dans quatre lettres de Zosime - Zosime, Epist., 1, Placuit apostolicae (Jaffé 328 = Coll. Arelat., 1, éd. Gundlach, p. 6), adressée universis episcopis per Gallias et septem provincias constitutis (22 mars 417) : Sane quoniam metropolitane Arelatensium urbi vêtus privilegium minime dero- gandum est ad quam primum ex hac sede Trophymus summus antistes ex cujus fonte tote Galliae fidei rivolos acciperunt, directus est; Zosime, Epist., 4 (Jaffé 331 = Coll. Arelat., 2, p. 7) : une tractoria adressée à tout l'Occident pour y publier le décret de mars (22 sept.

417); Zosime, Epist., 6, Mirati admodum (Jaffé 332 = Coll. Arelat., 3, p. 9), adressée à l'évê- que Hilaire de Narbonne, (26 septembre 417) : Neque estimes tibi ulterius pontificatum de ordinandis sacerdotibus vindicandum cum hoc videas Arelatensis episcopo civitatis et per apostolicam sedem et per sancii Trophymi reverentiam et per veterem consuetudinem et nostra recenti evidentissima definitione deferri. . . Nam sanctae memoriae Trophymus sacerdos quondam Arelatensi urbi ab apostolica sede transmissus ad illas regtones. . . Pour soutenir son affirmation, le pape se réfère à deux catégories de preuves : des documents écrits (gestis apud nos habitis) et le témoignage de nombreux évêques (multorum consa- cerdotum testimoniis) ; - Zosime, Epist., 5, Multa contra (Jaffé 334 = coll. Arelat., 5, p. 11) adressée aux évêques de Narbonnaise Seconde et de Viennoise (29 septembre 417). Le pape proteste contre les usurpations quod contra statuta patrum et sancii Trophymi reverentiam, qui primus metropolitanus Arelatensis civitas ex hac sede directus est. . . Et quia redire in ordinem suum intermissa praecepimus. . . metropolitanus Arelatensis civitatis episcopus jam inde a Trophymo ordinatìonis seriem temporibus honoratam inviolabili in utramque Narbonnensem et Viennensem auctoritate possideat.

37 L'évêque Ravennius d'Arles, reprenant la politique de ses prédécesseurs, Patrocle et Hilaire, était entré en conflit avec le métropolitain de Vienne à propos de l'ordination de l'évêque de Vaison (L. Duchesne, E. Griffe, loc. supra cit.). Pour défendre les intérêts d'Arles, Ravennius pouvait compter sur la sympathie de la plupart des évêques du S.-E. : vers le début de 450, 19 d'entre eux envoient au pape Léon la supplique Memores quantum {PL, LIV, col. 879), où ils justifient les prétentions d'Arles en attribuant la fondation de son Église à Trophime, un envoyé de s. Pierre (ils ne l'identifient cependant pas avec le Trophime disciple de s. Paul, connu par Act. XX, 4; XXI, 29 et II Tim., IV, 20) : Omnibus et enim gallicanis regionibus notum est, sed nec sacrosanctae ecclesiae Romanae habe- tur incognitum, quod prima inter Gallias Arelatensis civitas missum a beatissimo Petro apostolo sanctum Trophymum habere meruit sacerdotem et exinde aliis paulatim regionibus Galliarum bonum fidei et religionis infusum.

38 Libellus de mysterio sancii Trinitatis (Clavis 1014), éd. G. Morin, S. Caesarii opera omnia, II, Maredsous, 1942, p. 165-180. Cf. G. Morin, Un écrit de saint Césaire d'Arles renfermant un témoignage sur les fondateurs des Églises des Gaules, dans Mélanges de littérature et d'histoire religieuses publiés à l'occasion du Jubilé episcopal de Mgr Cabrières, I, Toulouse, 1899, p. 109-124.

39 Libellas de mysîerio sanctae Trinitatis, éd. citée, p. 179 : In Galliis etiam civitas Are- latensis discipulum apostolorum 'sanctum Trophimum habuit fondatorem Narbonensis sanctum Paulum, Tolosana sanctum Saturninum, Vasensis sanctum Daphnum. Per istos enim quattuor apostolorum discipulis in universa Gallia ita sunt constitutae, ut eas per tot annorum spatio nunquam permiserit Christus ab adversariis occupari, implens permissio- nem suam quam dixerat : super hanc petram aedificabo ecclesiam meam et portae inferi, id est hereticorum sectae, non praevalebunt adversus earn. Selon L. Levillain (La crise des années 507-508 et les rivalités d'influence en Gaule de 508 à 514, dans Mélanges N. Iorga, Paris, 1939, p. 537-567), le choix des trois villes associées à Arles s'expliquerait par une raison politique: Césaire «veut prémunir sa propre Église contre toute prétention d'autres Églises qui, s'autorisant de la situation politique des villes où elles sont établies, pourraient, à l'exemple de celle d'Arles, revendiquer dans la hiérarchie ecclésiastique un rang prééminent» (art. cit., p. 554). Dans cette hypothèse chacune des trois villes associées à Arles s'opposerait à une capitale de chacun des trois royaumes barbares les plus menaçants : Vaison (royaume burgonde) à Vienne, Narbonne (sous domination wisigothi- que) à Tolède, la nouvelle capitale des Wisigoths; Toulouse (depuis peu aux mains des Francs) à Paris, la capitale de Clovis.

40 L. Saltet, art. cit. du Bull, de litt, eccl, XXIII, 1922, p. 59. -

41 Prudence, Peristephanon, IV, v. 33-34 (éd. M. Lavarenne, Les Belles Lettres, coll. G. Budé, Prudence, t. IV, p. 65).

Barchinon claro Cucufate fréta surget et Paulo speciosa Narbo

Le Martyrologe Hiéronymien mentionne Paul de N. au 22 mars (AA, SS., Nov. Π, 2,

p. 155-156). La Vita Pauli (BHL 956) fait venir Paul de Rome; elle pourrait avoir été écrite au VIe siècle (E. Griffe, Les origines chrétiennes de ta Gaule et les légendes clémentines, dans Bull, de litt. eccl. LVI, 1955, p. 20-21). On peut penser que Narbonne, comme Toulouse, a bien eu un évêque dès le IIIe siècle. L'antiquité de l'Église d'Arles est encore mieux assurée : si sa fondation ne peut être attribuée au légendaire Trophime (que la tradition balotte entre l'époque de saint Pierre et le milieu du IIIe siècle), son existence en revanche est attestée en 254 dans une lettre adressée au pape Etienne par saint Cyprien qui mentionne l'évêque arlésien Marcianus (Cyprien, Epist., 68).

42 Les actes du concile d'Arles de 314 portent la souscription d'un évêque de Vaison dont le nom est orthographié, suivant les manuscrits, Dafenus, Dafinus, Danas, Damnas (CG, I, p. 14, 16, 18 et 21). Pour l'identification, L. Saltet, art. supra cit., p. 59.

43 E. Griffe, Les origines chrétiennes. . ., art. supra cit. L'idée d'une evangelisation de la Gaule par des envoyés de Rome à l'époque apostolique, qui apparaît au Ve siècle dans

la légende arlésienne, n'est pas abandonnée. Au siècle suivant, on relève les premières manifestations certaines de la légende clémentine : 1) à propos de l'Église de Saintes (légende de s. Eutrope, dont Grégoire de T. s'est fait l'écho ; voir infra, p. 26 ; 2) à propos de l'Église de Paris : en effet la plus ancienne Passio de s. Denis, la Gloriosae (MGH, AA, IV, 2, p. 101-105) qui affirme que Denis reçut sa mission du pape Clément, pourrait dater, non du VIIIe/IXe siècle (Duchesne, Fastes, II, p. 409 et Kurth, Études franques, II, p. 297- 317 : circa 800), mais du VIe siècle (L. Levillain, Études sur l'abbaye de Saint-Denys à l'époque mérovingienne dans Bibl. de l'École des chartes, LXXXII, 1921, p. 5-116; P. Mo- retus-Plantin, Les Passions de saint Denys, dans Mélanges Cavallera, 1948, p. 215; P. Loe- nertz, La légende de saint Denys l'Areopagite, dans Analecta Bollandiana, LXIX, 1951, p. 217; Griffe, dans Bull, de litt, eccl., LVI, 1955, p. 3-22). À la même époque pourrait remonter un hymne en l'honneur du saint qui précise:

Clemente Romae praesul

Ab Urbe missus adfuit

(MGH, AA, IV, pp. 383-384) : le poème a été attribué, au IXe siècle par Hilduin, à Fortunat qui dans le carm. I, 11, sûrement composé par lui {ibid., p. 13-14), ne mentionne cependant aucune date dans l'éloge qu'il fait de st Denis et de son martyre. En revanche le passage de la Vita Genovefae qui mentionne l'ordination de Denis par le pape Clément (MGH, srm, III, p. 221) est probablement une interpolation du VIIIe siècle (Kurth, Études franques II, p. 37).

44 HF, I, 31, p. 24 : De horum vero discipulis quidam Bituricas civitatem adgressus, salutare omnium, Christum dominum populis muntiavit. Le nom de ce premier évêque de Bourges, Ursinus, est mentionné par Grégoire lorsqu'il relate l'invention de son corps vers 551 : Bituriga vero urbs primum a sancto Ursino, qui a discipulis apostolorum episco- pus ordinatus in Galliis distinatus est, verbum salutis accepit atque eclesiam Biturigis primum instituit rexitque (GC, 79, p. 346). Peut-être faut-il déceler dans cette seconde notice l'influence exercée sur Grégoire, après 575, par les légendes clémentines, si l'expression a discipulis apostolorum ne désigne pas la papauté romaine en général (en ce cas, aucun désaccord avec la notice de l'H.F.), mais « les premiers successeurs de st Pierre et en particulier Clément à qui Grégoire fait une grande place dans le De Gloria Martyrum » (Griffe, art. supra cit., qui fait remarquer que Grégoire, lorsqu'il parle du pape en général, recourt à la formule Romanae sedis papa ou Romani episcopi).

45 GM, 55, p. 76 : Eutropis quoque martyr Sanctonicae urbis a beato Clemente episcopo fertur directus in Galliis, ab eodem etiam pontificalis ordinis gratia consecratus est. Grégoire relate ici l'invention du corps saint du martyr par l'évêque de Saintes Palladius (attesté de 573 à 586; Duchesne, Fastes, II, p. 74). C'est à la suite de cette invention et de la construction d'une basilique en son honneur, que le renom d'Eutrope grandit et parvint jusqu'à Grégoire et à Fortunat qui le célèbre aussi comme le premier évêque de Saintes (Carm., I, 13, p. 15). Il semble cependant d'après le récit de Grégoire que, si jusque là l'emplacement de la tombe d'Eutropius et sa qualité de martyr, faute d'une historia pas- sionis, étaient restés inconnus, on honorait depuis assez longtemps, à Saintes, Eutropius, comme le premier évêque de la cité.

46 L'oncle de Grégoire du côté paternel, Gallus, « citoyen arverne », fut évêque de Clermont (VP, VI, 1, p. 230). Sa grand-mère paternelle Leocadia appartenait à une famille sénatoriale de Bourges (ibid. et HF, I, 31, p. 24). Grégoire, qui succède à la tête de l'Église tourangelle à son cousin Eufronius, affirmait qu'à l'exception de cinq évêques tous ceux qui avaient exercé l'épiscopat à Tours avaient des attaches avec sa famille (HF, V, 49,

p. 262). Grâce à ses relations amicales avec Aredius, qu'il cite souvent et dont il écrivit la vie (HF, X, 30), il devait bien connaître les traditions de l'Église de Limoges.

47 E. Griffe, dans un article récent (L'épiscopat gaulois et les royautés barbares de 482 à 507 dans Bull de litt, ecclés., LXXVI, 1975, p. 261-284) met en évidence le caractère généralement bon cfes rapports établis entre les évêques catholiques et les souverains ariens dont ils dépendaient politiquement. On ne saurait pour autant en conclure que ces évêques, tout en reconnaissant les autorités établies et en s'efforçant de se les concilier, n'aient pas eu le souci de veiller à la défense de l'orthodoxie, même lorsque celle-ci ne semblait pas dans l'immédiat mise en péril par l'action des rois hérétiques (voir infra, p. 164 sq.).

48 Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, II, 1, Paris 1908, p. 973-1002 et Munier, CG, I, p. 213-219 : parmi les pères assemblés, on note en particulier la présence de représentants des Églises d'Arles, Bourges, Clermont, Narbonne, Toulouse et Tours.

49 L. Levillain, art. cit. dans Revue d'hist. de l'Église de Fr., XIII, 1927, p. 169. Sans plus de certitude, G. de Manteyer propose Narbonne {Les origines chrétiennes de la Seconde Narbonnaise, des Alpes Maritimes et de la Viennoise, dans Bull, de la Sté des Hautes- Alpes, 1923/4, p. 112-146).

50 HF, X, 31, 8, p. 531.

51 L'évêque Verus se fait représenter au concile d'Agde par le diacre Leo (CG, I, loc. cit.). Mais, résidant, semble-t-il, non loin du lieu où se tenait la réunion, il suit ses travaux, puis il a, à l'issue de ceux-ci, une entrevue avec Césaire d'Arles (Césaire, Epist. 7, adressée à Ruricius; éd. A. Engelbrecht, CSEL, XXI, 1891, p. 448-449).

52 Infra, p. 159.

53 On ne saurait dire si Grégoire et Fortunat (Carm. I, 1 1 et III, 3) avaient entre leurs mains une Passio de Denis; l'évêque de Tours pouvait être au fait des traditions de l'Église de Paris grâce à ses excellentes relations avec l'évêque parisien Ragnemodus qui vint en pèlerinage à Tours (HF, V, 14 et VM, II, 12) ainsi qu'avec Domnolus, abbé de Saint- Laurent de Paris, qui visita lui aussi le tombeau de Martin (HF, VI, 9). Grégoire lui-même avait eu l'occasion de séjourner à Paris, lors du concile réuni en 577 pour juger Prétextât de Rouen (HF, V, 18). C'est avec raison que L. Levillain (art. cit. dans Mélanges Iorga, p. 568) souligne une coïncidence qui n'est sans doute pas fortuite : « dans le même temps que Paris devenait la capitale d'un état puissant, la légende transformait son premier évêque en missionnaire de st Clément».

54 Sur la légende des Sept évêques et les éléments véridiques qu'elle pourrait receler, jugement très réservé de L. Duchesne, (Fastes, I, p. 49-50) ; appréciation plus favorable d'E. Griffe (La Gaule chrétienne, I, p. 113-115), ce dernier, tout en refusant de prendre à la lettre le récit de Grégoire, estimant que «pendant les années qui ont précédé le milieu du IIIe siècle ou qui ont suivi de près, plusieurs évêques (Catianus de Tours n'est pas du nombre), ont été envoyés de Rome en Gaule» (op. cit., p. 115). Sans aller jusque là, on peut sans doute admettre qu'à la faveur de la paix religieuse dont jouit alors la Gaule (Sozomène, Histoire ecclésiastique, I, 6, 3, éd. J. Bidez dans Die griechischen christlichen Schriftsteller, L, Berlin, 1960, p. 14), des missionnaires (mais non des évêques) ont pu y développer leur apostolat (G. Langgärtner, Die Gallienpolitik der Päpste, p. 45), envoyés par Rome pour s'opposer au schisme novatien (?) selon l'hypothèse proposée par Fr. D. Gilliard (The Apostolicity of Gallic Churches, dans Harvard Theological Review, LXVIII, 1975, p. 17-33, surtout, p. 33, n. 36). Rappelons pour mémoire qu'une longue controverse s'était développée à Tours au XIXe siècle à propos des origines apostoliques de l'Église tourangelle : opposant les partisans de la légende aux tenants de « l'école historique », elle s'étale en particulier dans un volume entier des Mémoires de la Société archéologique de Touraine (série in-8°, XXI, 1870-71). Dans ce débat entre érudits locaux, la passion l'emporte souvent sur la raison. Sur les épisodes de la querelle, A. Houtin, La controverse de l'apostolicité des Églises de France, 3e éd., Paris, 1903, p. 115-119.

55 C'est là le sentiment de L. Duchesne qui maintient Catianus en tête de la liste episcopale, tout en reconnaissant que l'Église de Tours semble «notablement postérieure au milieu du IIIe siècle» (Fastes, I, p. 50). De même E. Griffe estime que «le commencement de l'épiscopat de Gatien. . . doit être. . . sensiblement retardé » (La Gaule chrétienne, I, p. 113).

56 Vita M., 11, 2, éd. Fontaine, p. 276 : Nam et altare ibi a superioribus episcopis consti- tutum habebatur.

57 GC, 4, p. 301 : Ad cujus tumulum beatus Martinus, cum ad orationem venisset, post ef fusas preces, dicto etiam capitello, ait: 'Benedic' inquid, 'mihi, vir Dei'; HF, Χ, 31, 3, p. 527 : Hic transtulit corpus beati Catiani sepelevitque eum juxta sepulchrum sancti Litorii in illa nominis sui praefata basilica.

58 Sur la basilica Litorii, infra, p. 368.

59 Vita M., 11, p. 276.

60 Ibid., 11, 2 : sed Martinus non temere adhibens incertis fidem, ab his, qui majores natu erant, presbyteris vel clericis flagitabat nomen sibi martyris, tempus passionis ostendi : grandi se scrupulo permoveri, quod nihil certi constans sibi majorum memoria tradidisset.

61 HF, X, 31, 6, p. 530 : De Vigiliis.

62 Aux anniversaires de Pierre, Paul et Jean-Baptiste s'ajoutent ceux de Symphorien d'Autun, d'Hilaire de Poitiers et, pour Tours même, de Litorius, de Martin et de Brice. À noter que les additions gallicanes du Martyrologe hiéronymien n'indiquent pas non plus Catianus de Tours alors qu'elles retiennent Litorius ; infra, p. 466 sq.

63 Sur l'épiscopat de Catianus : HF, I, 48, p. 33-34 : Nam qui christiani eo tempore vide- bantur, occultae et per latebras divinum offitium celebrabant. Nam si qui a paganis repperti fuissent christiani, aut adficiebantur verberibus aut gladio truncabantur. HF, X, 31, 1, p. 526 : in qua urbe multitudo paganorum in idolatriis dedita commorabatur, de quibus nonnullos praedicatione sua converti fecit ad Dominum. Sed interdum occulebat se ob inpugnationem potentum, eo quod saepius eum injuriis et contumeliis, cum reppererant, adfecissent, ac per criptas et latibula cum paucis christianis, ut diximus, per eodem conver- sis mysterium soUempnitatis diei dominici clanculo caelabrabat. Catianus meurt cependant en paix et il est inhumé in ipsius vici cimiterio, qui erat christianorum.

À comparer avec ce que Grégoire dit des débuts du christianisme à Clermont (HF, 1, 33) et à Paris (GC, 87 et 103); sur l'interprétation et la valeur de ce témoignage, Dom J. Dubois, Les premiers sanctuaires de Paris, dans Journal des savants, 1968, p. 5-44.

64 Voir L. Pietri, La succession. . ., dans MEFRM, 94, 1982, p. 606.

65 G. de Manteyer, Les origines chrétiennes de la Seconde Narbonnaise. . ., op. cit. p. 136-137 : «Pour Catianus et Cassianus, il y a homonymie et la légende de saint Sernin de Toulouse. . . enlève simplement à Augustodunum ce qu'elle offre à Caesarodunum. C'est une bévue bien compréhensible ».

66 HF, X, 31, 6, p. 530 : Natale sancii Litorii ad ejus basilicam; cf. Martyr. Hiéron. (AA. SS., nov., II, 2, p. 504) : au 13 sept., Turonus depositio Litorii episcopi.

67 HF, Χ, 31, 2, p. 526-527 : Hic aedificavit ecclesiam primam infra urbem Turonicam cum jam multi christiani essent; cf. Sulpice Sévère, Vita M., 9 et 10, 3: Dial., II, 1 et 2, etc. . . ; et dans le Calendrier de Perpetuus (loc. cit.) : in ecclesia, vigiles de la Nativité, de l'Epiphanie, de Pâques et de la Pentecôte (voir infra, p. 434, sq.).

68 HF, Χ, 31, 2, p. 527 : primaque ab eo ex domo cujusdam senatoris basilica facta est; cf. Calendrier de Perpetuus : Natale sancii Litorii ad ejus basilicam (voir infra, p. 466).

69 Grégoire note que, sous l'épiscopat de Litorius, jam multi christiani essent (HF, X, 31, 2, p. 527). Ce développement rapide du christianisme pourrait s'expliquer par la présence d'un premier noyau chrétien dans la ville, avant même la création d'un évêché.

70 HF, X, 31, 2, p. 526 : Fuit autem ex civibus Turonicis et hic valde religiosus On ne

sait rien par ailleurs du personnage. Le nom de Litorius, un cognomen dérivé d'un nom géographique, litus, selon I. Kajanto (The latin cognomina, Helsinki, 1965, p. 308) ou au contraire de lictor (A. Ferrua, Le iscrizioni paleocristiane di Treviri, dans Akten des VIL internationalen Kongresses für christliche Archäologie, Trêves, 1965, Cité du Vatican-Berlin, 1969, p. 304) n'est pas très répandu; attesté pour les païens (Kajanto en connaît 4 exemples), il est porté aussi par quelques chrétiens : à Rome (JCUR, N.S., III, 7644), en Espagne près d'Emerita (Huebner, Inscr. Hisp. christ., 44, suppl. p. 19, auct. p. XVI = Diehl 1424 D adn) et en Gaule à Trêves (CIL, XIII 2848 = Diehl 1682 = RICG I, 220; en Gaule également une Litoria). Le nom de Litorius est illustré au début du Ve siècle par un lieutenant du maître de la milice Aetius, qui délivre en 436 Narbonne assiégée par Théo- doric Ier et échoue dans le siège de Toulouse, où il trouve la mort en 439 (Prosper, Epitoma chronicon, 1324, ann. 436; Hydace, Continuano chronicorum, 107, ann. 436; 110, ann. 437; 116, ann. 439; Vita Orienta, 3 (BHL 6344-5; AA. SS., Mai, I p. 63).

71 HF, IX, 39, p. 461, avec le texte de la lettre.

72 L'Église de Rouen, alors métropole de la nouvelle province de Lyonnaise Seconde créée par Dioclétien, paraît la plus ancienne : elle est représentée par l'évêque Avitianus, (en 2e position dans la liste episcopale) au concile d'Arles de 314 (Duchesne, Fastes, II, p. 206). Si cet évêché était peut-être de création un peu antérieure à la décision prise en 313 à Milan par les empereurs Constantin et Licinius de proclamer la liberté des cultes dans l'Empire, les autres villes de la province, notamment celles du Val de Loire, paraissent s'être dotées d'une hiérarchie episcopale à la faveur de la paix de l'Église, dans les décennies qui suivirent la fin de la persécution : à Angers, le catalogue episcopal com-

mence avec un Defensor, habituellement identifié avec l'évêque de ce nom présent à la consécration de Martin (Vita M., 9, 4-7; Duchesne, ibid., p. 356; infra, η. 76). Le 1er évêque historiquement attesté au Mans est Victurius qui assiste en 453 et 461 aux conciles d'Angers et de Tours; il est le 4e sur la liste episcopale (Duchesne, ibid., p. 335-336). Enfin à Nantes, Desiderius, le premier évêque connu par un document historique, vers 453, est le septième d'une liste episcopale dont le début, malgré le jugement d'ailleurs nuancé de L. Duchesne (Fastes, II, p. 363-365), présente bien peu de certitude. Il semble que l'on puisse retenir, parmi les noms cités avant Desiderius, celui de Similinus (n° 3 du catalogue nantais) : en effet Grégoire de Tours (GM, 60) témoigne que cet évêque était honoré comme confesseur à l'époque de Clovis. Tout ceci ne permet guère de remonter pour les débuts de l'Église nantaise plus haut que le milieu du IVe siècle. Quant aux Églises de la péninsule armoricaine, elles n'apparaissent, au plus tôt, qu'au milieu du Ve siècle. " Vita M., 7, 7, p. 268.

74 Vita M., 9, 1 et 2, p. 270 : Sub idem fere tempus, ad episcopatum Turonicae ecclesiae petebatur; se cum erui monasterio suo non facile posset, Rusticius quidam, unus e civibus, uxoris languore simulato ad genua illius provolutus, ut egrederetur obtinuit. Ita, dispositis jam in itinere civium turbis, sub quadam custodia ad civitatem usque deducitur. Mirum in modum incredibilis multitudo non solum ex ilio oppido, sed edam ex vicinis urbibus ad suffragia f erenda convenerat. Le cas de Martin est loin d'être unique : nombreux, à cette époque, sont les évêques élus malgré leur refus (Ambroise à Milan d'après son biographe, Paulin, Vita Ambrosii, 7, PL XIV, col. 29; autres exemples réunis par P. H. Lafontaine, Les conditions positives d'accès aux ordres dans la première législation ecclésiastique, thèse de droit, Paris, 1952, dactyl., p. 99-112). À noter que la législation contemporaine accorde peu d'importance au consentement des candidats ; la contrainte exercée par les électeurs ne semble pas vicier l'ordination (J. Gaudemet, L'Église dans l'Empire romain, p. 108-109 et 337-338).

75 Ibid., 9, 3, p. 270 : Una omnium voluntas, eadem vota eademque sententia : Marti- num episcopatus esse dignissimum; felicem fore tali ecclesiam sacerdote.

76 Ibid., 9, 3, p. 270-272 : Pauci tarnen, et nonnulli ex episcopis qui ad constituendum antistitem fuerant evocati, impie repugnabant, dicentes scilicet contemptibilem esse perso- nam, indignum esse episcopatu. . . Le principal opposant, le seul dont Sulpice cite le nom est inter episcopos. . . praecipue Defensor quidam (ibid., 9, 4, p. 272). On l'identifie traditionnellement (Duchesne, Fastes II, p. 347; E.-Ch. Babut, op. cit., p. 121; E. Griffe, La Gaule chrétienne, 1, p. 183; J. Fontaine, Vie de saint Martin, II, p. 253-654) avec l'évêque Defensor qui figure en tête de la liste episcopale d'Angers, dont la plus ancienne version connue est donnée par un manuscrit du IXe siècle (Duchesne, ibid., p. 347). Certes il est vraisemblable que l'évêque de ce siège voisin de Tours ait été présent à la cérémonie. Mais on n'a pas d'autre preuve que l'évêché d'Angers existât déjà à cette époque : les rédacteurs de la liste angevine ont pu, beaucoup plus tard, trouver commode, pour donner une plus grande ancienneté à l'Église d'Angers, de lui attribuer comme fondateur ce Defensor dont le siège n'était pas mentionné par Sulpice Sévère.

77 Vita M., 9, 3-7, p. 270 et 272. En l'absence du lecteur que la foule empêche d'accé-

der à l'autel, un des assistants, se saisissant du Psautier, lit «le premier verset venu». Dans le texte providentiellement choisi qui condamne le defensor (Ps, 8, 3 dans la Vêtus Latina) s'exprime la volonté de Dieu «confirmant par la voix du psalmiste la volonté du peuple chrétien » et confondant l'évêque Defensor, l'adversaire le plus acharné de Martin (sur cet épisode, J. Fontaine, Vie de Saint Martin, II, p. 654-661).

78 De A. Lecoy de la Marche {Saint-Martin de Tours, Tours, 1890) jusqu'à J. Fontaine (travaux supra cit.), en passant par E.-Ch. Babut (op. cit.) et P. Monceaux (Saint Martin, Paris, 1927), tous les ouvrages dédiés à Martin consacrent une étude à son activité episcopale. Mais étant donné que l'intérêt est centré principalement sur la personne de l'ascète, les auteurs ne se soucient qu'incidemment du développement de Tours sous son épiscopat.

79 E.-Ch. Babut, Saint-Martin de Tours, p. 107-109. Pour l'historique de la «question martinienne» et l'évolution de la critique à l'égard du témoignage de Sulpice Sévère, J. Fontaine, Vie de saint Martin, I, p. 171-183.

80 H. Delehaye, dans Analecta Bollandiana, XXXVIII, 1920, p. 5-136; C. Jullian, dans les Notes gallo-romaines de la Revue des Études Anciennes, XXIV, 1922 et XXV, 1923.

81 J. Fontaine, Vie de saint Martin, I, p. 183-206, surtout p. 190 et p. 203, où l'auteur expose ses méthodes d'analyse. Déjà C. Jullian estimait possible pour l'historien de «retrouver les faits sous l'enveloppe merveilleuse que les contemporains leur ont donnée» (dans Revue des Études Anciennes, XXIV, 1922, p. 40).

82 Cette méthode peut être en particulier appliquée aux Dialogues, bien que «cette seconde récolte de traditions martiniennes » soit «beaucoup plus mêlée, plus polémique, plus folklorique aussi dans ses sources» (J. Fontaine, op. cit., p. 204).

83 Sur ce point, les Dialogues sont souvent plus riches d'enseignement que la Vita. Ce

sont en effet les petits détails de la vie quotidienne de Martin que Postumianus a souhaité entendre de la bouche de Gallus : non etiam minima illius et cotidiana animus festinat agnoscere, quia minima illius aliorum maximis majora esse non dubium est. (Dial., II, 5, 3, p. 186).

84 Paulin de Nole, Epist., 11, 11, p. 70: Benedictus igitur tu homo Domino, qui tanti sacerdotis et manifestissimi confessons historiam tam digno sermone quam justo affectu percensuisti. Beatus et ille pro mentis, qui dignum fide et vita sua meruit historicum, qui et ad divinam gloriam suis meritis et ad humanam memoriam tuis litteris consecratur.

85 Sur la composition thématique de la Vita, J. Fontaine, Vie de saint Martin, I, p. 84- 94. Sur celle, à notre sens, plus chronologique des Dialogues, L. Pietri, La succession, dans MEFRM, 94, 1982, p. 601, n. 159.

86 Sur ce point, remarques pertinentes de Babut, op. cit., p. 199-202.

87 Après avoir écouté le récit de Postumianus relatant les exploits des ascètes orien-

taux, Sulpice Sévère explique pourquoi il laissera la parole à Gallus pour parler de Martin : At ego, inquarti, arbitror rectius istud a Gallo esse poscendum, quippe qui plura noverit — neque enim ignorare potuit magistri facta discipulus — (Dial., I, 26, 7-8, p. 179). Gallus lui-même définit la portée de son témoignage : cavendum mihi inprimis esse arbitror, ne ea de Martini virtutibus répétant, quae in libro suo Sulpicius ipse memoravit, unde prima illius inter militandum gesta praetereo, neque ea adtingam, quae laicus egit ac monachus : nec vero audita ab aliis quant quae vidi ipse dicturus sum (Dial. I, 27, 7-8, p. 180). Et il commence son récit quo primo igitur tempore relictis scholis beato me viro junxi, c'est- à-dire à son arrivée à Tours (Dial., II, 1, 1, p. 180).

88 Marmoutier, décrit dans la Vita M., 10, 4-7, est le cadre de nombreux épisodes relatés dans les Dialogues. Les trois villages nommés par Sulpice Sévère sont : Amboise (Am- biacensis vicus, Dial. Ill, 8); Candes (Condacensis diocesis, Epist. 3, 6) et, aux confins des Bituriges et des Turones, Clion (Claudiomagus vicus est in confinio Biturigum atque Turonorum, Dial. II, 8, 7, p. 190), si l'on admet que ce dernier village appartenait alors à la civitas de Tours (P. Monceaux, Saint Martin, p. 32-33; contra, M. de Laugardière, L'Église de Bourges avant Charlemagne, Paris - Bourges, 1951, p. 28 et carte p. 48). En revanche, Levroux (Leprosum, Vita M., 14, 3-7) se trouve certainement dans le diocèse de Bourges. Sur les églises rurales de Touraine, infra, Append., III.

89 En dehors de l'ecclesia mentionnée à plusieurs reprises (Vita M., 9 et 10, 3 : Dial. II, 1 et 2. . .), le seul édifice cité est le praetorium (Dial., Ill, 4, 2), où Martin rend visite au comte Avitianus.

90 Sur les disciples tourangeaux, clercs, moines et moniales, infra, p. 64 et PGC, s.v. Un seul laïc de la communauté est nommé : le Rusticius qui a joué un rôle important lors de l'enlèvement de Martin et qui était probablement un notable de la cité (J. Fontaine, op. cit., II, p. 645).

91 En dehors des données chronologiques, la seule information nouvelle de valeur sans doute sûre, qu'apporte Grégoire est celle relative aux six églises rurales fondées par Martin (HF, X, 31, 3).

92 Plusieur épisodes relatés par Grégoire de Tours paraissent d'une authenticité très douteuse. Ce sont 1) La visite rendue au tombeau de Catianus (GC, 4) et la décision de transférer le corps de ce dernier dans la basilica Litorii (HF, X, 31, 3), supra, p. 30. 2) Les récits attestant le passage de Martin en diverses localités, où le pieux désir d'avoir été honoré de la présence du saint a fait naître, après la mort de ce dernier, la légende de sa venue : en Touraine même, dans le pagus Nobiîiacensis (GC, 7), à la villa Martiniacensis (GC, 8), à Saint-Senoch, (VP, XV, 1); en Charente (à Sireuil, VM, 1, 18; à Nieuil-lès-Sain- tes, VM, IV, 31), près de Bordeaux (à Blaye, GC, 45), ou en Auvergne (à Artonne, GC, 5). 3) Enfin le récit relatif aux circonstances du transfert de la dépouille du saint évêque de Candes à Tours (HF, I, 48; sur cette dernière légende, infra, p. 751).

93 Paulin de Périgueux, De vita sancii Martini episcopi libri VI, éd. Petschenig, CSEL, XVI, 1886 (pour les cinq premiers livres, le sixième étant consacré aux miracles posthumes de Martin); Fortunat, Vita sancii Martini, éd. F. Leo, MGH, AA, IV, 1, p. 293-370.

94 Sur cette question, infra, p. 735 sq.

95 Sulpice Sévère, bien qu'il n'ait sans doute séjourné auprès de Martin que peu de temps, a su habilement obtenir de ce dernier des confidences, comme l'indique une remarque de Gallus dans les Dialogues {Dial., II, 13, 3-4, p. 196) : iste Sulpicius (sicut apud eum nemo familiarius loguebatur) . . ., sed nihil erat quod ei Sulpicius non extorqueret invito.

96 Vita M., 2, 4, p. 254; 6, 4-5, p. 266.

97 Dial. I, 24, 2, p. 176-177: Itti (les anachorètes) enim ab otnni impedimento Uberi, caelo tantum adque angelis testibus, plane admirabilia docentur operari.

98 Ibid., I, 24, 3, p. 177 : iste in medio coetu et conversatione populorum, inter clericos dissidentes, inter episcopos saevientes, cum fere cotidianis scandalis hinc adque inde pre- meretur.

99 Dial., I, 24, 4, p. 177 : Puta enim istum fuisse mititem, qui pugnaverit in iniquo loco et tarnen victor évasent.

100 L'expression est employée par Sulpice à propos des évêques de cour dont la sacer- dotalis dignitas est avilie (Vita M., 20, 1, p. 294). "» Vita M., 20, 5-7, p. 296-298.

102 Vita M., 20, 1, p. 294.

103 Vita M., 10, 1-2, p. 272-274 : Idem enim constantissime perseverabat qui prius fue- rat. . ., atque ita, plenus auctoritatis et gratiae, inplebat episcopi dignitatem, ut non tarnen propositum monachi virtutemque desereret. Avant d'être illustrée d'abord à Tours par Martin, puis ensuite multipliée en Occident, la figure du moine évêque était apparue en Orient avec Eustathe de Sebaste (évêque avant 357) et Basile, prêtre en 364 et évêque de Cesaree en 370 (J. Fontaine L'aristocratie occidentale devant le monachisme aux IVe et Ve siècles, dans Rivista di storia e letteratura religiosa, 1979, p. 28-53, surtout p. 49, η. 57.

104 J. Fontaine, Vie de saint Martin, I, p. 155-158.

105 Déjà par humilité Martin avait refusé le diaconat que lui offrait Hilaire : acceptant seulement les fonctions d'exorciste : sed cum saepissime restitisset, indignum se esse voci- ferans, intellexit vir altioris ingenii uno eum modo posse constringi, si id ei officii impone- ret in quo quidam locus injuriae videretur. Itaque exorcistam eum esse praecepit (Vita M., 5, 2, p. 262). Après son élection à l'épiscopat, eadem in corde ejus humilitas (ibid., 10, 2,

p. 272). À Trêves, pressé de faire un miracle pour guérir une jeune paralysée, il s'y refuse d'abord, dicens. . . non esse se dignum per quern Dominum signum virtutis ostenderet (ibid. 16, 5, p. 288).

106 Vita M., 10, 2, p. 272 : eadam in vestitu ejus vilitas erat.

107 Vita M., 9, 3, p. 272 : dicentes scilicet contemptibilem esse personam, indignum esse episcopatu hominem vultu despicabilem, veste sordidum, crine deformem.

108 Portrait du clerc vaniteux, tracé par Postumianus (Dial., I, 21, 4, p. 174): vestem respuit grossiorem, indumentum molle desiderai, adque haec caris viduis ac familiaribus mandat tributa virginibus, illa ut byrrum rigentem, haec ut fluentem texat lacernam.

109 Dial., II, 3, 2, p. 183 : Martinum in veste hispida nigro et penduto pallio circumtec- tum. Le pallium, qui avait été autrefois le manteau des esclaves et des philosophes, est devenu, au IVe siècle le vêtement distinctif des ascètes, qu'à l'imitation des moines d'Orient (cf. Dial., I, 10, 3), a adopté Martin (Dictionnaire de spiritualité, IV, 1, 1958, p. 293 sq. ; J. Fontaine, Vie de saint Martin, II, p. 799 et L'aristocratie occidentale devant le monachisme aux IVe et Ve siècles, p. 36. Quelques décennies plus tard, le pape Célestin (422-432) critique chez les moines de Lérins cette tenue qu'il juge ostentatoire (Epist., 4, 1, 2; Ch. Pietri Roma Christiana, II, p. 1031). Il faut évidemment distinguer ce pallium de

l'insigne pontifical (L. Duchesne, Les origines du culte chrétien, Paris, 1925, p. 401; H. I. Marrou, dans Revue archéologique, XXV, 1946, p. 231).

110 Dial., I, 21, 4, p. 173-174, description de la maison du clerc vaniteux: parva prius ac vili cellula contentus habitare erigit celsa laquearia, construit multa conclavia, sculpit ostia, pingit armaria. Sur la domus ecclesiae à Tours, tardivement mentionnée, voir infra, p. 363.

111 Vita M., 10, 3, p. 274 : Aliquandiu ergo adhaerenti ad ecclesiam cellula usus est.

112 Ibid., 10, 3-4, p. 274 : dein, cum inquietudinem se frequentatium ferre non posset, duobus fere extra civitatem milibus monasterium sibi statuii. . . Ipse ex lignis contextam cellulam habebat.

113 Martin apparaît vêtu du cilice et recouvert de cendre, lorsqu'il s'adonne à la pénitence, (Matth., 11, 21 et Luc, 10, 13 : in cilicio et cinere) pour se préparer à accomplir un miracle (retraite à Levroux, Vita M., 14, 4; ou dans l'ecclesia de Tours, Dial., Ill, 6, 3). Il utilise aussi son cilice pour se coucher, l'étendant à la façon d'une pèlerine pour s'isoler du sol: c'est sur cette humble couche qu'il a voulu mourir à Candes (Epist., 3, 14-17); c'est ainsi qu'il avait l'habitude de dormir comme le note le biographe à propos d'un séjour de l'évêque dans l'une de ses paroisses : nuda humo, uno tantum cilicio superjecto, accubare consueverat {Epist., 1, 10, p. 322). À Marmoutier, Martin étendait peut-être ce cilice sur une sorte de banquette : sur le « lit » de Martin, plus tard objet de vénération, inscription de Marmoutier, n° 4, voir Append., VI; Paulin de Périgueux, Vie de saint Martin, VI, v. 360; Grégoire de T., VM, I, 2 et 35 et VM, II, 39; infra, p. 424. L'usage du cilice en guise de literie était une habitude monastique venue d'Orient et attestée par Jérôme {Epist., 108, 15 et 130, 4; J. Fontaine, op. cit., III, p. 1155-1157). Pour s'asseoir M. disposait dans sa cellule de Marmoutier d'un simple siège de bois {Dial., Ill, 15, 1, p. 213 : in ilio suo, quod nostis omnes, sedili ligneo resedisset), un tabouret {Dial., Ill, 14, 8, p. 213 : une selluta, cf. inscription de Marmoutier n° 4 ; Grégoire de T., VM, I, 2). C'est aussi un siège de ce type qu'il choisit lorsqu'il est invité à la cour de Trêves {Vita M., 20, 14; Dial. II, 6, 5).

114 Un moine entré indiscrètement dans la cellule de Martin ad fornaculam illius car- bonum copiam repperisset {Dial., Ill, 14, 8, p. 213).

115 Déjà lorsqu'il n'était encore qu'un laïc et qu'il servait à l'armée, Martin se contentait d'un seul esclave cui tarnen versa vice dominus serviebat, adeo ut plerumque ei et cal-

ciamenta ipse detraheret et ipse detergerei, cibum una caperent, hic tarnen saepius minis- traret {Vita M., 2, 5, p. 254 et 256). Martin, accueillant Sulpice à Marmoutier lui présente l'eau pour les mains avant le repas et le soir lui lave les pieds (Vita M., 25, 3), «accomplissant un rite de service fraternel qui était en usage dans la communauté» (J. Fontaine, Vie de saint Martin, III, p. 1053-1055).

116 La nourriture à Marmoutier était frugale : Cibum una omnes post horam jejunii accipiebant. Vinum nemo noverai, nisi quern infirmitas coegisset (Vita M., 10, 7, p. 274). Donc, règle du repas unique, pris en fin d'après-midi après l'office de trois heures (cf. Dial, III, 10, 1), comme le confirme le témoignage de Paulin de Noie sur les vespertini post jejunia cibi (Epist., 23, 8, p. 163), dont le moine Victor avait apporté la coutume de Marmoutier à Noie (J. Fontaine, Vie de saint Martin, II, p. 680 sq. ; exemple parallèle offert par la lettre de Jérôme à Eustochium). La lettre de Paulin déjà citée (Epist., 23, 7) donne une idée des menus avec une recette enseignée par Victor à l'ascète de Noie : du gruau cuit avec une goutte d'huile et beaucoup d'eau. L'usage du vin, selon le précepte paulinien (I, Tim., 5, 23), est réservé aux malades comme dans la Règle de Pakhôme (Regula Pacomii, trad, de Jérôme, 45).

117 Sur le personnage, infra, p. 77. À ce refus des visites, Martin ne fait exception qu'en faveur de quelques fidèles disciples, comme Sulpice Sévère qu'il convie non à un banquet mais à la simple collation monastique (sancto convivio suo, Vita M., 25, 3, p. 310).

118 Dial., I, 21, 4, p. 173, dépeignant le clerc nouvellement consacré qui antea pedibus aut asello ire consueverat, spumantibus equis superbus invehitur.

119 Martin paraît se déplacer souvent à pied pour les petites distances (Vita M., 12, 1 ; Dial, III, 6, 2). Parfois il voyage à âne (Dial, II, 3, 5) ou par eau. (Dial, II, 13-8).

120 Ainsi lors de sa rencontre avec les gens du fisc (Dial, II, 3, 1).

121 Dial Π, 1, 3-4, p. 180-181 : Illud non praeteribo, quod in secretano sedens numquam cathedra usus est: nam in ecclesia nemo unquam ilium sedere conspexit, sicut quendam nuper, testor Deum, non sine pudore vidi sublimi solio et quasi regio tribunali celsa sede residentem, sedentem vero Martinum in sellula rusticana, ut sunt istae in usibus servulo- rum, quas nos rustici Galli tripeccias, vos scholastici aut certe tu, qui de Graecia venis, tripodas nuncupatis.

122 Remarque faite pas Postumianus dans le portrait satirique qu'il trace du clerc mondain : Ceterum cum neque opere neque virtute conspicuus sit, si quis clericus fuerit effectus, dilatai continuo fimbrias suas, gaudet salutationibus, inflatur occursibus, ipse etiam ubique discurrit. {Dial., I, 21, 3, p. 173).

wDial, II, 12, 1-6, p. 194.

124 Dtû/., II, 3, p. 183-184.

125 Vita M., 26, 5, p. 314 : Tantam quippe adversum omnes injurias patientiam adsump- serat, ut, cum esset summus sacerdos, inpune etiam ab infimis clericis laederetur, nec prop- ter id eos aut loco unquam amoverit aut a sua, quantum in ipso fuit, caritate reppulerit.

126 Dial., II, I, 4-9, p. 181.

127 Dial., Ill, 15, 4, p. 214 : Martinum vero et a principio, quod ipse diffiteri non posset, militiae actibus sorduisse, et nunc per inanes superstitiones et fantasma visionum ridicula prorsus inter deliramenta senuisse.

128 Dial., Ill, 15, 2, p. 213 : qui nihil unquam ante clericatum quippe qui in monasterio ab ipso Martino nutritus habuisset. . .; ibid., 4, p. 214 : qui a primis annis in monasterio inter sacras ecclesiae disciplinas ipso Martino educante crevisset.

129 Dial., Ill, 15, 5-6, p. 214 : Brictio. . . veniam poscit, fatetur errorem nec sine daemone se fuisse tandem sanior confitetur. Non erat apud Martinum labor iste difficilis, ut ignosce- ret supplicanti.

130 Ibid., 7, p. 214 : ne suam persequi videretur injuriant.

131 Dial., Ill, 15, 7, p. 214 : Exinde cum idem Brictio multis apud eum magnisque criminibus persaepe premeretur, cogi non potuit ut eum a presbyterio submoveret.

132 Dial., Ill, 15, 2, p. 213 : objurgatus enim pridie ab eo fuerat, cur. . . equos aleret, mancipia conpararet, Nam ilio tempore arguebatur a multis non solum pueros barbaros, sed etiam puellas scitis vultibus coemisse. Sur la personnalité de Brice et les accusations dont il fut l'objet à plusieurs reprises, voir infra, p. 103 sq.

133 Ibid., 7, p. 214 : Martin répétait souvent : si Christus Judam passus est, cur ego non pattar Brictionem ?

134 E.-Ch. Babut, Saint Martin de Tours, p. 114-121.

135 J. Fontaine, Vie de saint Martin, III, p. 1098-1103, avec une analyse pénétrante de la patientia que Sulpice Sévère célèbre en Martin.

136 Sur les rapports de Martin avec les empereurs et le milieu sénatorial gaulois, infra, p. 77 sq.

137 Sulpice montre à de nombreuses reprises Martin dans ses tournées pastorales : cum ad diocesim quandam pro sollemni consuetudine, sicut episcopis visitare ecclesias suas moris est, media fere hieme Martinus venisset. . . (Epist., 1, 10, p. 320); dum dioeceses visitât (Dial., II, 3, 1, p. 183); cum dioeceses circuirei (Dial., II, 9, 6, p. 191); c'est au cours d'une de ces visites pastorales qu'il tombe malade et meurt à Candes (Epist., 3, 6 et 9).

138 Dial, III, 8, 4-7, p. 206.

139 Eptst., 3, 6 et 9. ho voir PCG, s.v.

141 Infra, p. 105.

142 Au témoignage de Paulin de Nole, Epist., 23, 3, p. 160: vere recognovimus in eo sanctorum formulant beatorum Martini et Clan. . . Horum se unius in regeneratione esse progeniem, alterius in vita comitem filius pacts Victor adseruit.

143 Dial, II, 11, 1-5, p. 192-193. 144Z)m/., II, 8, 6-9, p. 190.

145 Vita M., 23, 2-11, p. 302-306. 146Ζ)ία/., Ill, 14, 8-9, p. 213.

147 Dial., Ill, 14, 5-7, p. 212.

148 Vita M., 10, 8, p. 274. Sur l'attrait que l'ascétisme monastique exerce dans certains milieux de l'aristocratie, J. Fontaine, L'aristocratie occidentale devant le monachisme. . ., art. supra cit.

149 Vita M., 22, 3-4, p. 300-302.

150 Vita M., 10, 2, p. 272-274 : atque ita, plenus auctoritatis et gratiae, inplebat episcopi dignitatem.

151 Supra, p. 34.

152 Vita M., 13, 9, p. 282 : Et vere ante Martinum pauci admodum, immo paene nulli in Ulis regionibus Christi nomen receperant. Cf. remarque analogue à propos d'un village

situé sur la route de Chartres, Dial., II, 4, 4, p. 185 : obviant nobis immanis turba processit quae erat tota gentilium.

153 Sulpice Sévère note au passage la persistance des cultes païens dans la campagne tourangelle où se dressent encore des sanctuaires des idoles {Vita M., 13, 1 ; 14, 1 ; cf. 14, 3 à Levroux; Dial., Ill, 8 et 9). Des deux monuments que décrit l'hagiographe, «une énorme tour en pierres de taille bien polies qui s'élevait très haut et se terminait en forme de cône» (à Amboise, Dial., Ill, 8, 4) et «une colonne d'une masse énorme que surmontait une idole» (Dial., Ill, 9, 1), on peut rapprocher la pile romaine qui se dresse toujours à Cinq-Mars-la-Pile, près de Langeais (sans doute un monument funéraire, J. J. Hatt, La tombe gallo-romaine, Paris, 1951, p. 175) et les blocs sculptés d'un pilier, découverts en 1895 à Yzeures (C. de la Croix, Mémoire sur les découvertes d'Yzeures, Poitiers, 1896; E. Espérandieu, Recueil général des bas-reliefs de la Gaule, IV, nos 2997 à 2999 ; J. P. Adam et F. Jambon, Le pilier d'Yzeures-sur-Creuse, dans BSAT, XXXVII, 1972, p. 99-106); à noter que, dans cette dernière localité, l'introduction du christianisme, avec l'édification d'une église, date seulement de l'épiscopat d'Eustochius, HF, X, 31, 5). Selon Sulpice Sévère, ces sanctuaires païens, très fréquentés (Vita M., 14, 1), étaient encore desservis par des prêtres (id., 13, 1) et les rites toujours observés; ainsi Martin prend tout d'abord un enterrement païen pour la procession d'un culte agraire, quia esset haec Gallorum rusticis con- suetudo, simulacra daemonum candido tecta velamine misera per agros suos circumferre dementia (Vita M., 12, 2, p. 278).

154 Vita M., 13, p. 280-282, avec le commentaire de J. Fontaine, op. cit., II, p. 740-742, pour l'identification du culte païen.

155 Vita M., 14, 1-2, p. 282.

156 Dial, III, 8, 4-7, p. 206.

157 Dial., Ill, 9, 1-2, p. 206-207.

158 Vita M., 14, 3-7, p. 284.

159 E.-Ch. Babut, Saint Martin de Tours, p. 229; dans tout ce chapitre (surtout p. 207- 236) l'auteur tentev non sans quelque contradiction, une double démonstration à propos de la destruction des temples et des conversions qui s'en suivent : il affirme d'une part que les récits de Sulpice sont de pures fictions littéraires; d'autre part, leur concédant quelque véracité, il admet que Martin a pu déployer dans ce domaine une action, mais pour en rabaisser immédiatement la portée : celle menée par tous les évêques contemporains, mais avec un succès moindre, car ses efforts ont été contrariés par l'indiscipline de son clergé.

160 J. Fontaine, op. cit., II, p. 738.

161 voir l'analyse de J. Fontaine, op. cit., I, p. 185-188.

162 Dans la proche cité des Bituriges, à Levroux (où une inscription — CIL XIII, 1359 — atteste l'existence d'un culte à Mars Cososus), « il semble bien que l'église Saint-Sylvain fut construite sur l'emplacement du temple détruit», selon le récit de Sulpice Sévère (Vita M., 14), par Martin (A. Chastagnol, Le site gallo-romain de Levroux, dans Revue de l'Académie du Centre, 82, 1955, p. 40-53).

163 Amorcée par la législation de Constance II (337-361) et interrompue sous les règnes de Julien (361-363) et de Valentinien Ier (364-375), l'offensive anti-païenne reprend avec Gratien (375-383), puis Théodose (379-395), (G. Boissier, La fin du paganisme, Paris, 1891; P. de Labriolle, La réaction païenne, Paris, 1934; W. Ensslin, Die Religionspolitik des Kaisers Theodosius d. G., Munich, 1953; A. Momigliano, The Conflict between Paganism and Christianity, Oxford, 1963; K. L. Noethlichs, Die gesetzgeberischen Massnahmen der christlichen Kaiser des IV. Jahrhunderts gegen Häretiker, Heiden und Juden, Cologne, 1971). La loi retire aux anciens cultes les subventions officielles et enlève aux prêtres païens et aux temples privilèges et allocations (382). Les sacrifices sanglants sont proscrits (C. Th., XVI, 10, 7 : 21 déc. 381), puis le culte païen sous toutes ses formes est interdit (C. Th., XVI, 10, 10; 24 févr. 391 et XVI, 10, 12; 8 nov. 392) et les temples fermés. Bien qu'elle ait prescrit la fermeture des temples et non leur destruction, cette législation ne

pouvait qu'encourager le zèle iconoclaste de certains chrétiens qui commencèrent localement à mener ce que l'historien Eunape appelle «la guerre aux pierres». Ainsi dès 377, le préfet de la Ville Gracchus, nouveau converti, démolit un mithrée et en brise les idoles (Jérôme, Epist., 107, 21; Prudence, Contre Symmaque, I, v. 561-563); en Orient, les moines, sur le conseil du préfet du prétoire Cynegius, détruisent les sanctuaires dans les campagnes de Syrie, comme le révèle le discours où Libanius dénonce leur action (Or., XXX). La destruction du Serapeum d'Alexandrie en 391, celle du temple de Celestis à Carthage en 399 illustrent la violence du mouvement.

164 Dial., Ill, 8, 6, p. 206 : le prêtre Marcellus, auquel Martin reproche d'avoir laissé subsister à Amboise le sanctuaire d'une idole, allègue pour sa défense : vue militari manu et vi publicae multitudinis tantam mollem posse subverti (commentaire, J. Fontaine, Vie de saint Martin, II, p. 744, n. 1).

165 Vita M., 14, 3-6; commentaire, J. Fontaine, op. cit., II, p. 743-744 et p. 782-786.

166 E. Griffe, La Gaule chrétienne, I, p. 357 : «Les trente années qui séparent la mort d'Hilaire de celle de Martin peuvent être comptées parmi celles où les conquêtes chrétiennes ont été les plus sensibles».

167 Vita M., 15, 4, p. 286 : Plerumque autem contra dicentibus sibi rusticis, ne eorum fana destrueret ita praedicatione sancta gentiles animos mitigabat ut, luce eis veritatis ostensa, ipsi sua templa subverterent. Cf. Dial., II, 4, 5-6.

168 Vita M., 13, 9, p. 282 : Nam ubi fana destruxerat, statim ibi aut ecclesias aut monas- teria construebat.

169 J. Fontaine op. cit., II, p. 760-762.

170 C'est le seul parmi les grands personnages laïcs nommés par Sulpice auquel on puisse supposer, avec vraisemblance, des attaches tourangelles {Dial., II, 2, 3; sur le personnage, voir infra, p. 77).

171 HF, X, 31, 3, p. 527-528 : In vicis quoque, id est Alingaviensi (Langeais), Solonacensi (Saunay), Ambaciensi (Amboise), Cisomagensi (Ciran), Tornomagensi (Tournon-Saint-Pier- re, Indre-et-Loire, ou, à 1 km de là, Tournon-Saint-Martin Indre), Condatensi (Candes), destructis delubris baptizatisque gentilibus, ecclesias aedificavit. W. Seston, Note sur les origines des paroisses rurales, dans Revue d'hist. et de philosophie relig., pubi, par la Fac. de théol. protestante de Strasbourg, XV, 1935, p. 243-254. Pour l'identification des localités infra, Append. 3. Seuls de cette liste, Amboise {Dial., Ill, 8, 4) et Candes {Epist, 3, 6) étaient nommés par Sulpice Sévère. Ce dernier mentionnait en revanche le bourg de Claudiomagus (Clion, Indre; Dial. II, 8, 7), où, aux confins de la Touraine et du Berry {supra, n. 88), s'élevaient une église et un monastère féminin. La répartition des églises rurales mentionnées par Sulpice et Grégoire traduit, semble-t-il, les objectifs encore limités d'une première pénétration chrétienne : assurer la diffusion du christianisme à partir de la cité episcopale aux quatre points cardinaux du diocèse, tout en privilégiant les régions les plus peuplées (vallées de la Loire, de l'Indre, de la Creuse). — La présence chrétienne est attestée par l'épigraphie à Claudiomagus {CIL, XIII, 1323; Le Blant, NR,

223; Diehl, 3040 A : dposicio bone memorie Allovire), à une époque ancienne (fin du Ve s. selon Le Blant, à cause du nom barbare de la défunte, peut-être plus tôt étant donné le formulaire) et plus tardivement à Langeais (épitaphe d'Aigulfus, CIL, XIII, 11282, Diehl 2340; VIIe s.?). Dans cette région ce sont les deux seules localités rurales qui aient fourni des inscriptions chrétiennes.

172 Vita M., 13, 9, p. 282 : quod adeo virtutibus illius exemploque convaluit, ut jam ibi nullus locus sit qui non aut ecclesiis frequentissimis out monasteriis sit repletus.

173 Epist., 3, 18, p. 342 : In obsequium vero funeris credi non potest quanta hominum multitudo convenerit. Tota obviant corpori civitas ruit, cuncti ex agris atque vicis multique de vicinis etiam urbibus adfuerunt.

174 Vita M., 2, 8. Ch. Pietri, Les pauvres et la pauvreté dans l'Italie de l'Empire chrétien, dans Actes du Congrès de Varsovie, 1978 (1982), p. 267-300.

175 Dial., II, 1.

176 Dial., Ill, 14.

177 A. RoussELLE, Du sanctuaire au thaumaturge : la guérison en Gaule au IVe siècle, dans Annales E.S.C. , 1976, p. 1085-1107.

178 Pour l'analyse des différentes guérisons obtenues par Martin, A. Rousselle, art. supra cit., p. 1095-1100. Seules sont évoquées ici celles procurées par l'évêque dans son diocèse.

179 À l'ecclesia, Dial., Ill, 6; à Marmoutier, Dial., Ill, 4, 1.

180 Dial., II, 2, 4-7 : la scène se situe dans le domaine tourangeau de l'oncle de Gallus, Evanthius. C'est un esclave de ce dernier qui a été mordu par un serpent.

181 Vita M., 19, 4. Le cenaculum dans l'escalier duquel se produit l'accident paraît être une soupente située au-dessus de la cellule de Martin, probablement à Marmoutier (J. Fontaine, op. cit., II, p. 889). Le traitement, appliqué selon Sulpice Sévère par un ange, est décrit en termes d'une propriété toute technique, {ibid., p. 891).

182 Vita M., 16, et Dial, III, 2.

183 Dial., Ill, 3. Sur l'usage de ces ampoules d'huile bénie et son développement ultérieur dans le cadre du pèlerinage de Tours, infra, p. 582 sq.

184 J. Fontaine, op. cit., II, p. 827 et 828.

185 A. Rousselle, art. cit., p. 1100-1105; un cas extrême illustrant l'influence du psychisme est représenté par Evanthius, guéri avant même l'arrivée de Martin (Dial., II, 2, 3). Un autre exemple voisin, celui de l'hémorroïsse (une femme de Touraine, d'après le contexte), guérie en touchant le vêtement de Martin (Dial. Ill, 9, 3).

186 Dial., II, 4, 3, p. 185; (texte cité infra, n. 193).

187 Quelques-uns de ces propos familiers sont réunis dans un chapitre {Dial., II, 10); mais on en trouve ailleurs d'autres échos {Vita M., 22, 4-5 et 25, 4-5; Dial., II, 11, 6-7 et 14).

iss yna m ., 25, 4 (éloge de la conduite de Paulin à l'adresse de Sulpice Sévère); cf. Dial., II, 10, 1 et 2.

189 Dial., II, 10, 3, (mariage et fornication); Dial., II, 11, 6-7 (chasteté des clercs et des moines).

190 Vita M., 22, 4-5.

191 Dial., II, 14, 1-4.

192 Vita M., 25, 7-8, p. 312 : Jesum testor spemque communem me ex nullius utnquam ore tantum scientiae, tantum ingenii, tantum tam boni et tam puri sermonis audisse. Quamquam in Martini virtutibus quantula est ista laudatio! Nisi quod mirum est nomini inlitterato ne hanc quidem gratiam defuisse.

193 Dial., II, 4, 5, p. 185 : sensit Martinus operandum et adnuntiante sibi spiritu totus infremuit, nec mortale sonans verbum Dei gentilibus praedicabat.

194 E.-Ch. Babut, op. cit., p. 223.

195 Lettre de dédicace de la Vita M., 4, p. 248 : Meminerint etiam salutem saeculo non ab oratoribus, cum utique, si utile fuisset, id quoque Dominus praestare potuisset, sed a piscatoribus praedicatam.

196 Intelligence de l'Écriture, Vita M., 25, 6, p. 310 : Quant efficax erat, quant in absol- vendis scripturarum quaestionibus promptus et facilis ! Sur la formation et le talent oratoire de Martin, J. Fontaine, op. cit., III, p. 1066-1077.

191 Dial, II, 10, p. 191-192.

198 Ainsi il ramène dans le droit chemin un soldat devenu ascète, nec aspera increpa- tione verborum, sed vera et rationabili secundum personam militis conparatione correctum {Dial, II, 11, 5, p. 193).

199 Dial, II, 11, 6.

200 Clergé urbain : à l'époque de Litorius, il compte déjà des prêtres et d'autres clercs; c'est à ces survivants de l'épiscopat précédent que s'adresse Martin pour obtenir des éclaircissements sur le culte rendu à un soi-disant martyr {Vita M., 11, 2); l'existence de lecteurs est attestée dans le récit de la consécration de Martin {ibid., 9, 5). Durant l'épis-

copat de Martin, à diverses époques, le biographe mentionne de façon anonyme les prêtres du presbyterium, pour signaler qu'ils disposent d'une sacristie particulière (Dial., II,

I, 2) ou pour noter qu'ils se rassemblent au chevet de Martin mourant (Epist., 3, 15; il semble en effet qu'il ne s'agisse pas uniquement des prêtres de Candes) ; il cite plus particulièrement deux d'entre eux, l'un qui a été jugé digne d'être le témoin d'un miracle (Dial., II, 2, 2), l'autre qui accompagne l'évêque lors d'un des voyages à Trêves (Vita M„ 20, 4); enfin il mentionne nommément parmi les prêtres Brice (Dial., Ill, 15), Clarus (Vita M., 23; Epist., 2, 5) ainsi que d'autres prêtres qui paraissent avoir appartenu au clergé de Tours : Arpagius (Dial., Ill, 3, 1), Aurelius (d'abord diacre, Epist., 2, 1 ; 3, 2>;Dial, III, 1, 4), Eusebius, devenu ensuite évêque (Epist. 1, 1; Dial., II, 9, 5), Evagrius (Dial., Ill, 1 et 2), Refrigerius (Dial., II, 14, 5; III, 1, 5, 7 et 9). Dans l'ordre diaconal s'individualisent les figures de l'archidiacre chargé par l'évêque de s'occuper d'un pauvre, (Dial., II, 1), celles des diacres Aurelius (loc. supra cit.) et Cato (intendant du monastère de Marmoutier, Dial., Ill, 10, 1). Pour tous ces clercs, voir PGC, s.v. Aucune indication sur les ordres mineurs : le lectorat subsiste certainement ; l'existence de sous-diacres, d'acolytes, d'exorcistes et de portiers n'est pas mentionnée. On ne peut cependant tirer de conclusions de ce silence sauf, peut-être, pour la charge d'exorciste : il est probable que Martin, qui avait exercé cette fonction auprès d'Hilaire, s'est réservé le soin d'imposer les mains aux possédés, un pouvoir qui appartient à l'évêque et qu'il peut, à son gré, déléguer ou non. (Voir infra, p. 634 sq.).

201 Les églises rurales, parfois desservies par des moines, le sont aussi par des prêtres : Sulpice mentionne les clercs de l'église de Candes (Epist., 3, 6) et Marcellus, le prêtre du vicus d'Amboise (Dial., Ill, 8, 5).

202 a) À Marmoutier (Vita M., 10, 5-9), 80 disciples (sur ce nombre symbolique, choisi par référence à 1Ά.Τ. et pour sa valeur comme chiffre d'éternité, ainsi que sur la subdivision en 8 décuries suivant le modèle des communautés égyptiennes, J. Fontaine, op. cit.,

II, p. 674-675). Quelques figures de frères se détachent : Anatolius (Vita M., 23), Clarus (ibid. et Epist., 2, 5), Gallus (Dial. I, 1 ; II, 26 et 27), Sabatius (Vita M., 23, 7), Victor (Paulin de Noie, Epist., 23, 3; voir PGC, s.v.). Marmoutier n'est pas à proprement parler un monastère, mais un groupement d'ermitages : les frères se recueillent dans la solitude et ne se rencontrent que pour la prière commune et le repas communautaire. La règle mar- tinienne impose la pauvreté personnelle totale et la mise en commun des biens, la pratique du jeûne et une vie contemplative consacrée à la prière et à la lecture, sauf pour les jeunes moines qui se livrent à des travaux de copie (J. Fontaine, ibid., II, p. 675-690).

b) Autres communautés : deux à Claudiomagus, l'une de moines, l'autre de moniales (Dial., II, 8, 7); une communauté masculine à Amboise, installée tardivement, à la fin de l'épiscopat de Martin ou même au lendemain de sa mort (in vico Ambatiensi. . . quod nunc frequens habitatur a fratribus, Dial., Ill, 8, 4, p. 206 ; les monasteria édifiés à l'emplacement des temples détruits (Vita M., 13, 9); d'autres communautés féminines sans doute: Martin fait entrer la femme d'un ermite in monasterio puellarum (Dial., II, 11, 1, p. 192), celui de Claudiomagus ou un autre? La fille d'Arborius, qui a reçu le voile de la main de Martin (Vita M., 19, 2), est vraisemblablement demeurée dans une communauté tourangelle que l'on situerait volontiers dans la ville même de Tours ou dans les environs immédiats (sur ces communautés, infra, p. 450, sq.).

203 Les solitaires : un ermite, ancien soldat (Dial., II, 11, 1); une recluse vivant dans un petit domaine (ibid., II, 12, 1-2). Au témoignage de Sulpice, les vocations ascétiques suscitées par Martin se sont multipliées au point que 2000 moines et moniales suivent le convoi funèbre de l'évêque (Epist., 3, 18) : un chiffre qui n'est pas invraisemblable selon J. Fontaine (op. cit., III, p. 1338-1341), compte tenu de la présence des moines de Ligugé, de la longue durée de l'enseignement monastique donné par Martin dont les disciples à leur tour ont propagé le style de vie cénobitique.

204 Voir supra, note 133.

205 Dial., II, 11.

206 C'est aussi l'opinion de J. Fontaine : « En 397, la quasi totalité du clergé tourangeau était passée par l'école spirituelle de Marmoutier (op. cit., III, p. 1339). Les membres du clergé les plus représentatifs de ce type de formation sont Brictius et Clarus, entrés tout jeunes au monastère, puis ordonnés prêtres; il en allait de même sans doute pour Aurelius, Evagrius, Eusebius, Refrigerius (voir PGC, s.v). Sulpice Sévère note la célébrité conquise par Marmoutier, grand séminaire dont essaiment de nombreux sacerdotes : quae enim esset civitas aut ecclesia, quae non sibi de Martini monasterio cuperet sacerdotem? (Vita M., 10, 9, p. 274). Il y a sans doute quelque excès d'enthousiasme de la part du biographe, lorsqu'il laisse entendre que dans toute la Gaule on s'arrachait les disciples de Martin. Il faut d'ailleurs remarquer que le terme de sacerdos doit être ici entendu dans son sens le plus large : certains des frères ont certes accédé au sacerdoce suprême, à l'épiscopat (pluresque ex eis postea episcopos vidimus, Vita M., 10, 8, p. 274) : outre Brice à Tours, en Arles, Heros, vir sanctus et beati Martini discipulus (Prosper d'Aquitaine, Chro- nicon 1247, MGH, AA, XI, p. 466); à un siège demeuré inconnu, Eusebius, destinataire de la première lettre de Sulpice qui, à l'époque où le biographe lui écrivait, était encore prêtre et qui ensuite devint évêque (Dial., II, 9, 5). Mais le terme d'ecclesia, venant après celui de civitas, suggère qu'il est fait également allusion à des prêtres de vici et, parmi ceux-ci, peut-être à des clercs du diocèse de Tours (J. Fontaine, op. cit., II, p. 684-685).

207 À Tours, les frères devenus clercs du presbyterium se partagent, comme le maître, entre la vie active et la vie contemplative, alternant l'exercice de leurs charges pastorales dans la ville et les retraites à Marmoutier. En d'autres points du diocèse, à Claudiomagus en particulier, monastères et églises voisinaient et entretenaient des échanges constants. En dépit de l'opinion de R. Lorentz (Die Anfänge des altenchristlichen Mönchtums, dans Zeitschrift für Kirchengeschichte, LXXVII, 1966, p. 1-61, surtout p. 33 et η. 54), vie monastique et vie «paroissiale» sont, sous l'égide de Martin, étroitement associées, suivant la leçon donnée par Hilaire et Ambroise (J. Fontaine, op. cit., II, p. 760 et infra, p. 781).

208 Aucun témoignage littéraire ou épigraphique ne nous est parvenu sur la vie municipale de Tours, à cette époque. Le silence de Sulpice Sévère qui ne mentionne aucun des notables municipaux (mis à part peut-être Rusticius) est probablement significatif du rôle effacé que jouent ceux-ci.

209 Sulpice indique seulement que Martin a habité « quelque temps » — aliquandiu — dans la ville {Vita M., 10, 3). Comme le récit de l'installation à Marmoutier suit immédiatement celui de l'élection de Martin, on peut penser que très peu de temps s'est écoulé entre les deux événements; d'ailleurs une grande partie des épisodes de la vie tourangelle de Martin sont situés dans le monastère.

210 Vita M., 10, 3-4, p. 274 : Cum inquietudinem se frequentantium ferre non posset duobus fere extra civitatem milibus, (soit 2,958 km, distance exacte), monasterium sibi sta- tuit. Qui locus tarn secretus et remotus erat, ut eremi solitudinem non desideraret. Cf. Dial., Ill, 6, 2.

211 Ainsi lorsqu'il se rend en pleine nuit à Tours, pour intercéder auprès du comte Avitianus en faveur de condamnés qui doivent être suppliciés de lendemain (Dial., Ill, 4).

212 Dial, Π, 1 et 2; III, 6 et 3; III, 10.

213 E.-Ch. Babut, op. cit., p. 120. Sulpice insiste au contraire sur le zèle de Martin pour accomplir, malgré la distance, ses devoirs liturgiques : Monasterium beati viri duobus a civitate erat milibus disparatum; sed si quotiens venturus ad ecclesiam pedem extra cellu- lae suae Urnen extulerat. . . (Dial., Ill, 6, 2, p. 204).

214 Dia/. II, 1, 2, p. 180 : Dein secretarium ingressus, cum solus, ut erat consuetudo, resi- deret — hanc enim sibi etiam in ecclesia solitudinem permissa clericis liberiate praestabat, cum quidem in alio secretano presbyteri sederent. . . : Martinum vero usque in earn horam, qua sollemnia populo agi consuetudo deposceret, sua sotitudo cohibebat.

215 À cette règle, Martin — quern nulla femina contigisset — ne fait que deux entorses, lorsqu'il accepte d'être servi à table par l'impératrice, épouse de Maxime, (Dial., II, 6, 4 et 7, 1 et 4) et lorsqu'il émet, en vain, le souhait de rendre visite à une vierge recluse célèbre pour sa vertu (Dial., II, 12); cependant Sulpice laisse entendre que des vierges consacrées, venues de pays lointains pour voir Martin, ont été reçues par lui, (Dial. II, 12, 11).

216 Dial, Π, 1.

217 Ibid., II, 1, 2, p. 180: cum quidem in alio secretano presbyteri sederent, vel saluta- tionibus vacantes audiendis negotiis occupati.

218 Sur les lourdes charges imposées aux évêques par Yaudientia episcopalis, J. Gaude- met, L'Église dans l'Empire romain, Paris, 1958, p. 230-239, et infra, p. 699 sq.

219 Dial., Ill, 15, 7; lorsqu'il célèbre la mansuétude de Martin envers des clercs de son presbyterium (Vita M., 26, 5), Sulpice fait probablement allusion à d'autres affaires portées devant l'évêque.

220 Le renom de Marmoutier éclipse celui de Tours, comme le suggère la remarque de Sulpice (Vita M., 10, 9, texte supra cit., n. 206).

221 Au penchant précoce de Martin pour la solitude érémitique se combine le souvenir des expériences fâcheuses qu'il a faites, après son départ de l'armée, dans ses différents séjours urbains, à Sabaria et à Milan (Vita M., 6, 4). Les voyages à Trêves n'ont pu, par la suite, qu'achever de convaincre l'évêque que la ville était un foyer d'intrigues politiques et de vanités mondaines.

222 Vita M., 11.

223 Vita M., 1 1, 5, p. 276 : Turn Martinus. . . jussit ex loco altare, quod ibi fuerat, submo- veri, atque ita populum superstitionis illius absoluit errore.

224 Vita M., 10, 7; Grégoire de Tours, HF, X, 31, 3.

225 Dial, 11, 4, 9, p. 185.

226 Sulpice Sévère indique seulement que le cortège funéraire accompagne le corps du bienheureux usque ad locum sepulchri (Epist., 3, 20, p. 344); Grégoire précise qu'il fut enseveli in loco quo nunc adoratur sepulchrum ejus (HF, X, 31, 3, p. 527), à l'emplacement où Brice élève une première basilique (HF, X, 31, 4); Alcuin ajoute : in polyandro publico sepultus est {Scriptum de vita S. Martini Turonensis, 11, PL, CI, col. 662); sur cette question, voir infra, p. 376 sq.

227 Refus des dons offerts par Valentinien, Dial., II, 5, 10, p. 187: postremo abeunti multa munera obtulit quae vir beatus, ut semper, paupertatis suae custos cuncta rejecit. S'il faut en croire une tradition dont Grégoire s'est fait l'écho, Martin aurait accepté, de l'empereur Maxime, le don d'une patène qui était conservée à Tours à la fin du VIe siècle (VM, IV, 10, p. 202 : Est apud nos patena colore sapphirino, quam dicitur sanctus de Maxi- mi imperatoris thesauro detulisse). Quant à la somme d'argent offerte par Lycontius, vir beatus nec respuit nec recepii sed priusquam pondus illud monasterii Urnen adtingeret, redimendis id captivis continuo deputavit. (Dial., Ill, 14, 3-6, p. 212).

228 Dial., Π, 5, 10, p. 187; supra cit., note 227.

229 Sur la fonction d' Avitianus et sur cette affaire, voir supra, note 19.

230 Dial., Ill, 4.

231 Dial, III, 8, 1, p. 205.

232 L. Harmand, Le patronat sur les collectivités publiques, p. 430-461. Il est instructif de comparer l'action de Valerius Dalmatius, l'excellent patron auquel la Lyonnaise Troisième rend hommage (voir supra, n. 20), à celle de Martin : le premier utilise toute sa science juridique pour tourner la loi au profit de ses protégés ; le second implore seulement pour les condamnés clémence et adoucissement des peines.

233 Dial, II, 3. Les gens de la milice qui frappent Martin sont sans doute des soldats. En effet, si la perception des redevances relève du gouverneur civil et, à l'échelon local, des curies et des grands propriétaires fonciers (ou pendant quelques années, à la suite de la réforme de Valentinien, 364, de percepteurs pris dans les officia des gouverneurs), elle peut exiger à certains moments l'emploi de la force et donc la collaboration des soldats

(cf. C.Th., I, 14, 1 : Jam si quis de provincialibus nostris ad inf erenda quae debent audaces exstiterint, ad nostram clementiam réfères, ut, ubi nos jusserimus, per castrenses milites exigatur). Sur le rôle des patrons dans l'évasion fiscale, L. Harmand op. cit., p. 448-457.

234 Sur la tuitio episcopale, Mochi Onory, Vescovi e città, dans Rivista di storia del diritto italiano, 1931, p. 245-330; J. Declareuil, Les curies municipales et le clergé du Bas- Empire, dans Revue de droit français et étranger, 4e série XIV, 1935, p. 26-56; J. Gaude- met, op. cit., p. 350-355; L. Harmand, op. cit., p. 432-433 et infra, p. 691 sq. Sans jamais se prévaloir d'aucun titre laïc (tels ceux de patronus ou de defensor civitatis), les évêques interviennent dans la justice séculière (intercessio) pour obtenir du juge la mansuétude qui permettra au coupable de s'amender, adoucir le sort des prisonniers, protéger les faibles contre la violence, mais aussi obtenir des dégrèvements d'impôts ou des délais de paiement. Aux exemples orientaux souvent cités, il convient d'ajouter le témoignage de Symmaque (Epist., I, 64, ann. 380, MGH, AA, VI, p. 29), les allusions de la Vita de saint Germain d'Auxerre et surtout, parce qu'il concerne l'action d'un évêque gaulois contemporain de Martin, le récit de Grégoire de Tours dans la Vie d'Illidius. L'auteur est particulièrement bien informé sur l'évêque Illidius de Clermont (mort circa 385) grâce à son oncle Gallus, l'un des successeurs du saint sur le siège auvergnat (525/6-585; L. Duches- ne, Fastes, II, p. 33-36). Il nous apprend qu'Illidius, mandé à Trêves pour guérir la fille de l'empereur Maxime (en 384 ou 385, ibid., p. 33, n. 5), et après guérison de celle-ci, obtint du prince ut Arverna civitas quae tributa in specie trincea ac vinaria dependebat, in auro dissolverei, quia cum gravi labore poenu inferebantur imperiali {VP, 2, 1, p. 219). Sur ce type de mesure (adhaeratio), S. Mazzarino, Aspetti sociali del quarto secolo, Rome, 1951, p. 169-216.

235 À Levroux {Vita M., 14, 3), un des sanctuaires les plus importants des Bituriges, à 80 km environ au sud-est de Tours; en pays éduen, Vita M., 15.

236 Chartres, Dial., II, 4, 5 (résurrection) et III, 2, 3 (guérison d'une enfant muette) ; Paris, Vita M., 18, 3 (guérison d'un lépreux); Trêves, Vita M., 16 (guérison d'une jeune paralysée) et 17-18 (délivrance de trois possédés); Vienne, Vita M., 19, 3, guérison de l'ophtalmie de Paulin, si l'on situe cet épisode lors de la rencontre que Martin, Paulin et leur commun ami Victrice eurent dans cette ville (Paulin, Epist., 18, 9, p. 136 : quia sanc- titatem tuam olim Viennae apud beatum patrem nostrum Martinum viderim). C'est peut- être lors du même séjour de Martin à Vienne que la viennoise Feodula a été baptisée par Martin, comme le rappelle son épitaphe (CIL, XII, 2115 = Le Blant 412 = Diehl, 2172). Sur les raisons probables de la venue de Martin à Vienne, infra, p. 487 sq.

237 Martin, par ses prières, délivre de la grêle un canton du pays éduen, à la demande d'une délégation venue le trouver, sans doute à Tours (Dial., Ill, 7); la fille du préfet Arborius (Vita M., 19, 1; sur le personnage, infra, p. 77) est guérie du paludisme par une lettre de Martin que son père glisse sur sa poitrine ; J. Fontaine (op. cit., II, p. 875) propose de situer la scène dans un grand domaine que le préfet aurait possédé dans la plaine marécageuse de la Garonne. Les esclaves de Lycontius frappés d'une épidémie (lieu non précisé) sont guéris à distance par les prières de M. (Dial., Ill, 14, 3).

238 On ignore les circonstances du baptême de Foedula; Tetradius s'est converti, comme il l'avait promis, lorsqu'un de ses esclaves, possédé, a été guéri par Martin à Trêves (Vita M., 17, 3-4, p. 290).

239 Dans un village situé sur la route de Chartres (Dial., II, 4, 8), à Levroux chez les Bituriges (Vita M., 14, 7; supra, n. 235), en pays éduen (Vita M., 15, 4).

240 W. Seston (Note sur les origines des paroisses rurales, art. supra cit., p. 249) va jusqu'à écrire — ce qui paraît un peu excessif — que l'apostolat de Martin «ne s'était pas

étendu au-delà dé la cité de Tours». Sur le thème de Martin, apôtre envoyé à la Gaule, que Sulpice Sévère amorce et que développe ensuite la littérature martinienne, infra, p. 732.

241 Dial., I, 26, 1-3, p. 178.

242 Ibid., 3-4.

243 Nombreux traits lancés par Sulpice sur le ton de la diatribe contre les évêques et les clercs contemporains, accusés de divers vices (Dial., Ill, 16, 3; Vita M., 27, 3), en particulier de cupidité (Chron., I, 25; 5-7), de vanité (Dial., I, 21), de penchant à la flagornerie courtisane (Vita M., 20, 1); accusés aussi d'avoir persécuté Martin, dont ils méconnaissaient ou jalousaient les vertus (Vita M., 27, 3-4 et Dial., Ill, 5), et ses disciples (Dial., I, 2; Epist., 2, 12). Sur cette diatribe visant les ennemis de Martin, Babut, op. cit. p. 126-132 et Fontaine, op. cit., 1, p. 80-84 et III, p. 1111-1113; sur les tendances anti-épiscopales de la Chronique de Sulpice Sévère, J. Fontaine dans Mélanges Manque, Worcester (Mass.), 1975, p. 355-392.

244 Après son accession à l'épiscopat, Martin, au témoignage de Sulpice, a eu l'occasion de se rendre à Trêves, (Vita M., 16, 2, 20; Dial., II, 5 et 6; III, 11-13; Chron. II, 50); à

Paris {Vita M., 18, 3-4); à Chartres {Dial, II, 4 et III, 2); et en pays éduen {Vita M., 15, 1); d'après d'autres témoignages {supra, n. 236), il a séjourné à Vienne. Peut-être s'est-il rendu également à des conciles, à celui de Bordeaux notamment ; mais cela n'est pas certain {infra, p. 83). La date et l'itinéraire de ces différents voyages ne sont pas faciles à établir (C. Jullian, Notes gallo-romaines 47, dans Revue des Études Anciennes, XII, 1910, p. 260- 280.

245 Sur ce milieu et ses relations avec Martin, J. Matthews, Western Aristocraties and Imperial Court, AD 364-425, Oxford 1975, p. 155-160, qui conclut sur un jugement un peu excessif dans sa formulation {ibid., p. 160) : «Martin of Tours himself might even regarded as an eminent — even ominous — product of the imperial court».

2*6Arborius, vir praefectorius {Vita M., 19, 1-2), ex praefecto {Dial., HI, 10, 6): RE, II, 420 {Arborius 4); Sündwall, Weström. Studien, p. 49, n°35; Κ. F. Stroheker, Der senatorische Adel, p. 147, n°28; A. Chastagnol, Les Fastes de la préfecture de Rome, p. 296, n°83; Fontaine, op. cit., II, p. 873-874; PLRE, I, p. 92-93 (Arborius 3). Le plus haut personnage parmi les relations de Martin : neveu d'Ausone et donc apparenté à une riche famille de l'aristocratie bordelaise très influente à l'époque de Gratien, comte des largesses sacrées, sans doute en 379, puis préfet de la Ville en 380. Un chrétien fervent, sancii admodum et fidelis ingenti {Vita M., loc. cit.) : il accompagne à Tours sa fille guérie par

une lettre de Martin et lui fait prendre le voile de moniale ; peut-être en cette circonstance, il est digne d'être le témoin d'un miracle au cours de la messe célébrée par l'évêque {Dial., loc. cit.). Il paraît très lié à Martin avec lequel il échange une correspondance. - Auspicius, praefectorius vit (Dial., Ill, 7, 1) et son fils Romulus (ibid., 5) : Stroheker, p. 152 et 208, n° 54 et 324; PLRE, I, p. 141 (titre honoraire?). Grand propriétaire de la région de Sens, jouissant d'une large influence sociale dans la région, il vient demander, à la tête d'une délégation, l'aide de Martin contre la grêle. Le père, comme en témoigne sa démarche et la mission qui lui est confiée (satis fida legationé) et le fils, honoratus et religiosus vir, sont des chrétiens. - Evanthius (Dial., II, 2, 3) oncle de Gallus, sans doute propriétaire terrien, établi sinon en Touraine même, du moins dans le diocèse septentrional, celui des Gaules par opposition au diocèse d'Aquitaine (Gallus se dit Gaulois et non Aquitain, Dial. I, 4 et 27; sur cette distinction, A. Chastagnol, dans Bull, de la Sté des Antiquaires de France, 1970, art. cit., p. 282-288). Vir licet saeculi negotiis occupatus admodum christia- nus : guéri d'une grave maladie au seul approche de Martin qu'il avait fait mander et qui, à son arrivée, sauve un de ses esclaves piqué à mort par un serpent. - Lycontius, ex vica- riis (Dial, III, 14, 3): Stroheker, p. 190, n°230; PLRE, I, p. 523. Carrière inconnue. Vir fidelis, qui implore par lettre (un correspondant habituel?) le secours de Martin pour ses esclaves frappés d'une épidémie. Il accourt à Tours pour remercier le bienheureux et lui faire don de 100 livres d'argent. - Taetradius, proconsularis vir (Vita M., 17, 1-4) : Jullian, art. cit, dans Revue des Études Anciennes XXV, 1923, p. 53 (un proconsul d'Afrique retiré à Trêves ou dans la région) ; Stroheker, p. 223, n° 383 ; Fontaine, op. cit., II, p. 833 sq. ; PLRE, I, p. 873 (titre honorifique?). Ce grand seigneur qui habite Trêves, bien que païen, fait appel à Martin pour délivrer un de ses esclaves possédé, en promettant de se convertir si celui-ci est guéri ; l'exorcisme réussi, catechumenus factus, nec multo post baptizatus ; dès lors lié d'affection à Martin. - Vincentius (Flavius Vincentius), praefectus (Dial., I, 25, 6): J. Sündwall, p. 144, n°5O8; S. Mazzarino, Stilicone, Rome, 1942, p. 345. Préfet du prétoire des Gaules de 395 à 400, consul en 401. Vir egregius et quo nullus sit intra Gallias omni virtutum genere praestantior, se rend à Tours (à plusieurs reprises?), mais Martin refuse de le recevoir à la table du monastère. Il semble lié à saint Ambroise, dont il allègue l'exemple (Ch. Pietri, Roma Christiana, Rome, 1976, II, p. 976).

247 Paulinus (Meropius Pontius Paulinus; Vita M., 19, 3 et 25, 4; Dial, I, 23, 4 et III, 17, 3): Stroheker, p. 201, n°291; P. Fabre, Saint Paulin de Noie et l'amitié chrétienne, Paris, 1948, et Essai sur la chronologie de l'œuvre de s.P. de N., op. cit.; J. Fontaine, op. cit., I, p. 21-25; II, p. 883-888; III, p. 1056-1060; PLRE, I, p. 681-683. Issu d'une famille de l'aristocratie bordelaise apparentée à la famille de Melanie et richement possessionnée dans l'Occident romain, il est consul suffect en 378 et consulaire de Campanie en 381. L'entrevue, à Vienne (Vita M., 19, 3, cf. Paulin, Epist., 18, 9), avec Martin, qui guérit sa vue gravement diminuée (ou s'il s'agit d'une métaphore comme le suggère J. Fontaine, ouvre ses yeux à la lumière de la foi), se situe avant la conversion, entre 386 et 389 (infra, p. 487). Paulin a sans doute été amené à Martin par quelque « martinien convaincu ».

L'évêque de Tours donne la conversion de Paulin (393) en exemple; quant au futur évê- que de Noie, il témoigne souvent de sa dévotion pour le saint de Tours (Epist., 11, 11 et 13; 17, 4; 18, 9; 23, 4; 27, 3; 29, 6; 32, 2-8). - Sulpicius Severus : Stroheker, p. 216, n°355; Fontaine, op. cit., introduction et commentaire, passim. Unique héritier d'une riche famille d'Aquitaine, avocat à Bordeaux, il épouse la fille d'un consulaire et de Bassula (Paulin Epist., 5, 5-6; 11, 1). L'exemple de son ami Paulin, l'influence de sa belle- mère Bassula, peut-être aussi les exhortations de Martin, dont Paulin, sans doute, lui avait vanté le premier les vertus, l'amenèrent à se convertir à une vie ascétique (vers 394-395), puis à se retirer sur son domaine de Primuliacum. C'est sans doute peu avant cette décision que se place le voyage à Tours et la visite à Martin relatée dans la Vita (Vita M., 25; sur la date, L. Pietri, La composition, dans MEFRM, 94, 1982, p. 597). Qualifié par Paulin de frequentator Martini {Epist., 11, 13, p. 72), il se présente lui-même, dans les Dialogues, comme un des disciples préférés du Maître et comme son confident (Dial., II, 4, 1 ; 12, 1 ; 13, 1 et 4; sur ce point, remarques critiques de Babut, op. cit., p. 55-59).

248 La femme du comte Avitianus (Dial., Ill, 3, 1-4) envoie à Martin un flacon d'huile pour que, bénie de sa main, celle-ci serve à guérir diverses maladies. Cette chrétienne fervente a peut-être exercé une influence décisive sur son époux dans ses relations avec l'évêque de Tours. - Bassula (Epist., 3, 1-5) : Stroheker, p. 156, n° 66; J. Fontaine, op. cit., I, p. 26-28 et III, p. 1266-1285. Épouse d'un consulaire, (Paulin, Epist., 5, 5), la belle-mère de Sulpice Sévère, à l'époque où celui-ci lui adresse la lettre 3 pour lui relater la mort et les funérailles de Martin, a quitté l'Aquitaine et séjourne à Trêves pour des raisons qui nous échappent. Acquise avant son gendre à l'idéal ascétique, la «sainte-belle-mère» de l'écrivain (Paulin, Epist, 5, 6) a sans doute influencé la conversion de ce dernier. En 403, Paulin transmet à Sulpice la relique de la vraie croix que Melanie avait «envoyée spécialement à l'intention de notre vénérable sœur Bassula». (Epist., 31, 1, p. 268). - L'épouse de l'empereur Maxime (Dial., II, 6 et 7), lors de la première visite rendue par Martin à l'usurpateur, écoute l'enseignement du saint et le sert à table avec une dévotion et une humilité qui lui valent d'être comparée à la reine de Saba, à Marthe et à Marie. - La fille de l'ancien préfet Arborius, voir supra, n. 246.

249 Dial, III, 4 et 8.

250 Dial., Π, 5.

251 Vita M., 16, 2; Dial., 11,6.

252 Dial., I, 25, 4, p. 177: nee solum comitibus aut praefectis, sed ipsis etiam regibus imperaret.

253 Dial., II, 5. Valentinien refuse d'abord de recevoir Martin, puis, quand ce dernier réussit miraculeusement à forcer sa porte, de se lever à l'arrivée du visiteur. Il faut qu'un prodige se manifeste (le trône impérial prend feu) pour que l'empereur cède aux règles de la courtoisie et aux requêtes du solliciteur. Cependant Valentinien paraît avoir été sensible ensuite au rayonnement qui émanait de la personne de l'ascète : il l'admit fréquemment durant son séjour à ses entretiens et à sa table.

254 Dial., II, 6, 3, p. 187 : Hic Martinum saepius evocatum receptumque intra palatium venerabiliter honorabat : totus Uli cum eo sermo de praesentibus, de futuris, de fidelium gloria, de aeternitate sanctorum (cf. Vita M., 20). Sur la date des voyages à Trêves, L. Pie- tri, La succession, art. cit., p. 597.

255 Dial., Ill, 11, 8: le comte Narses et le gouverneur Leucadius (inconnus par ailleurs, PLRE, I, Leucadius, 1, p. 504 et Narsês, 3, p. 616). Bien que Sulpice ne le précise pas, l'issue de cette démarche a sans doute été favorable aux deux fonctionnaires. Rien ne permet d'affirmer que l'un ou l'autre ait compté, comme le propose Jullian (Revue des Études Anciennes, XXV, 1923, p. 53), parmi les relations personnelles de Martin. L'évêque a pu être alerté par d'autres et agir par pure charité.

256 Martin accepte de communier avec les évêques qui ont livré au bras séculier, et donc à la mort, l'hérésiarque Priscillien; Chron., II, 49-50 et Dial., Ill, 11, 12 et 13. Pour l'affaire priscillianiste et le rôle joué par Martin, bibliographie dans L. Pietri, La succession. . ., art. cit., n. 130.

257 Dossier réuni par J. Fontaine, Vérité et fiction dans la chronologie. . ., art. cit., p. 211-215. Malgré l'opinion de l'auteur, le texte le plus ancien qui fasse état de ces dispo-

sitions est la decretale ad Gallos qui doit être restituée à Damase (366-384) comme le pensait E.-Ch. Babut (La plus ancienne decretale, Paris, 1904) et après lui de nombreux historiens, récemment Ch. Pietri (Roma Christiana, Rome 1976, p. 769). Une règle (Decretale ad Gallos, II, 13, éd. Babut, p. 81-82) y interdit le sacerdoce à ceux qui ont exercé le pouvoir dans le siècle et servi dans la militia après le baptême. Du vivant de Martin, cette interdiction est répétée à plusieurs reprises par le pape Sirice (384-398) : Epist., 6, 1, 3 (PL, 13, 1164-1169) et Epist., 5, 2, can. 3 (ibid., 1158).

258 Dial., Ill, 11, 5, p. 209 : etenim turn solis oculis indicabatur, ut quis pallore potius aut veste quant fide haereticus aestimaretur ; Chron., II, 50, 4, p. 103 : Ausus etiam miser (Ithace) est ea tempestate Martino episcopo. . . palam objectare haeresis infamiam. Si dans ses efforts pour discréditer Martin, E.-Ch. Babut (Saint Martin, p. 133-165) laisse planer sur l'ascétisme martinien l'accusation d'hérésie, J. Fontaine (Vie de saint Martin, I, p. 140-141 et 167-168) a bien montré comment la spiritualité de Martin se définit précisément «en réaction aux divers courants hétérodoxes qui traversent la Gaule contemporaine » et notamment au Priscillianisme. Sur la doctrine de Priscillien, son caractère dualiste et gnostique, en dernier lieu, A. R. S. M. Goosen, Ashtergronden van Priscillianus chrilijke Ascese, Nimègue, 1976 et H. Chadwick, Priscillian ofAvila, The Occult and the Charismatic of the Early Church, Oxford, 1979.

259 Lorsqu'il rencontra à Vienne Paulin, Martin se trouvait en compagnie de Victrice. Ce dernier était, comme nous l'apprend Paulin (Epist., 18, 9), un ancien militaire, ce qui explique peut-être les affinités personnelles entre l'évêque de Tours et celui de Rouen. Sulpice Sévère situe à Chartres une autre rencontre entre Martin et Victrice, à laquelle est présent l'évêque de cette cité, Valentinus, à une date qu'il est impossible de préciser (Dial., Ill, 2, 4). Aucun autre membre de l'épiscopat ayant entretenu de bons rapports avec le Tourangeau n'est nommément cité par le biographe. Cependant à Trêves (lors du premier voyage à la cour de Maxime?), des évêques incitent Martin à se rendre aux prières d'un père qui suppliait le saint de guérir sa fille paralysée (Vita M., 16, 6) : est-ce par admiration pour sa virtus ou au contraire pour le soumettre à une épreuve?

260 Supra, note 243.

261 Vita M., 20, 1.

262 Dial., Ill, 14, 7, p. 212 : multa sunt illius quae non queant explicari.

263 Dial., Ill, 13, 6, p. 211 : sedecim postea vixit annos; nullam synodum adiit, ab omnibus episcoporum conventibus se removit (cf. son absence au concile de Nîmes, Dial., II, 13, 8). Cela laisse entendre qu'avant la réunion de Trêves, Martin avait participé à des conciles : celui de Bordeaux en 384 où Priscillien avait été condamné ? C'est ce que pourrait suggérer la Chronique d'Hydace, ann. 386 (éd. A. Tranoy, Sources chrétiennes, n°218, 1974, 13 b, p. 108 : similiter a sancto Martino episcopo et ab aliis episcopis haereticus indi- catus). Mais Hydace a pu, en consultant les sources, mal interpréter le rôle de Martin. On ne sait rien de la composition du concile de Bordeaux (C. Munier, CG, I, p. 46). D'autre part, C. Jullian (Revue des Études Anciennes, XXV, 1923, p. 139, n. 6) propose de voir dans la rencontre à Chartres des évêques Martin, Victrice et Valentin une rencontre de comprovinciaux réunissant des évêques de la Lyonnaise Seconde de Dioclétien dont Chartres aurait alors fait partie (?) : l'hypothèse est peu assurée.

264 Informé par un ange, comme le prétend le biographe, ou par un moyen plus naturel, Martin était au courant des décisions prises au concile de Nîmes (Dial., II, 13, 8).

265 On a parfois considéré que Tours, devenue à l'époque de Martin métropole administrative de la province de Lyonnaise Troisième, avait été dès lors constituée en métropole ecclésiastique : c'est ce que suggère, avec beaucoup de prudence, L. Duchesne (Fastes, II, p. 245-246) ; c'est ce que suppose C. Jullian (Histoire de la Gaule, t. VII, p. 273, n. 3 et dans Revue des Études Anciennes, XXV, 1923, p. 140-141, n. 2); Paulin de Noie, lorsqu'il écrit à Victrice : Martino te Dominus in aetate impari parem fecit (Epist., 18, 9, p. 136), voudrait dire que Victrice est devenu métropolitain à Rouen comme Martin à Tours? Plus récemment, E. Griffe affirme qu'«il est à peu près certain que Tours était devenue métropole et par conséquent chef-lieu de province ecclésiastique dans les dernières années de la vie de st Martin». (La Gaule chrétienne, I, p. 342, n. 19). Le problème dépasse le cas particulier de Tours et concerne en général l'introduction en Gaule de l'organisation provinciale. Sur ce point, L. Duchesne invitait déjà à ne pas tirer de conclusions hâtives des décisions théoriques prises par de lointains conciles, mais à se fonder sur l'histoire propre de l'Église gauloise, dans laquelle le système métropolitain ne s'est installé que très progressivement. Lorsqu'étudiant les Fastes de Tours, le savant historien évoque la possibilité que Martin ait pu remplir des fonctions de métropolitain, il corrige cette assertion aussitôt, en notant que Sulpice Sévère n'en parle pas et que c'est seulement une cinquantaine d'années après Martin que l'on voit la province ecclésiastique de Tours organisée et fonctionnant régulièrement (loc. cit.). Dans le même sens, J. Gaude- met (L'Église dans l'Empire romain, p. 386) : «L'organisation métropolitaine s'introduit en Gaule au cours du IVe siècle. Elle se précise sans doute d'abord dans le Sud où l'évangéli- sation plus poussée avait provoqué la création de nombreux diocèses»; et G. Langgärtner, (Die Gallienpolitik der Päpste, p. 19) : «in Gallien. . . verbreitete sich das Metropolitanwesen von allen romanischen Ländern am spätesten ». La Notitia Galliarum, la première, donne à Tours le titre de Metropolis civitas Turonorum (supra, n. 18). Mais étant donné l'origine administrative de ce document qui ne date peut-être d'ailleurs que du début du Ve s. (supra, n. 16), on ne peut être certain que le cadre de la province civile soit déjà celui d'une province ecclésiastique. De l'existence de celle-ci la première manifestation est donnée par la réunion du concile d'Angers en 453 (infra, p. 143).

266 C'est avant son épiscopat que Martin a ressuscité en Poitou deux morts, ce qui lui vaut d'être tenu déjà pour un vir apostolicus {Vita M., 7 et 8 ; commentaire de J. Fontaine, ad. /oc, Vie de saint Martin, II, p. 631-633).

267 Dial, II, 4, 1, p. 184. 26»DiaL, III, 13, 5, p. 211.

269 En particulier lors des événements de Trêves, Dial., Ill, 11 et 12 et Chron. II, 49-50. C'est seulement dans ce dernier texte (50, 4, p. 103) que Sulpice Sévère, reproduisant, au discours indirect, un propos d'Ithace, donne le titre d'episcopus (sans autre complément) à Martin; d'une manière générale, en dehors du récit de l'élection au siège de Tours, le biographe ne désigne qu'exceptionnellement son héros par le terme d'episcopus (dans le titre de la Vita : Vita Martini episcopi ; mais dans la préface, il indique seulement qu'il écrit la vie d'un sanctissimus vir) et jamais par l'expression episcopus turonensis. De même Paulin parle toujours de Martin, sans ajouter de titre, sauf dans l'accusé de réception de la Vita Martini {Epist. 11, 11, p. 70) où il loue Sulpice d'avoir si bien relaté tanti sacerdoti et manifestissimi confessons historiam. En somme les fidèles de Martin ne voyaient pas en lui un évêque, celui de Tours, mais «un martyr vivant», évitant l'erreur que Paulin s'accusera plus tard d'avoir commise à propos de Victrice (Epist., 18, 9, p. 136).

270 Dial., I, 26, 1, p. 178 : Martinum semper excipiam : non Uli ego audeo monachorum, certe non episcoporum quempiam comparare. Martin est supérieur aux anachorètes orientaux {Dial., I, 24); la peinture des mœurs indignes du clergé gaulois {Dial., I, 21) est destinée à mieux faire valoir, par opposition, la conduite exemplaire de Martin.

271 Sulpice compare souvent Martin aux Apôtres et aux Prophètes dont il égale la puissance {Vita M., 7, 7 et 20, 8; Epist., 1, 3-7 et 2, 8; Dial, II, 4, 5; II, 5, 2; II, 14; III, 17, 6; sur ce thème, infra, p. 730). Bien plus, les actes et les paroles du saint imitent et prolongent les gestes et les enseignements du Christ lui-même au cours de sa vie publique (J. Fontaine, Vie de saint Martin, III, p. 1044) : il rivalise avec ses miracles (pêche miraculeuse, Dial., Ill, 10, 5; guérison de l'hémorroïsse, Dial., Ill, 9, 1-3; guérisons d'un paralytique, d'un aveugle et trois résurrections. . . ; supra cit.) ; comme le Christ, il est insulté {Epist., 1, 4), et, en la personne de Brice, il a supporté son Judas {Dial., Ill, 15, 7).

212 Epist., 2, 8-11.

™Epist., 3,9-10.

21*Epist., 3, 18-21, texte supra cit., n. 173.

275 Epist., 3, 10, p. 338 : Cur nos, pater, deseris? aut cui nos desolatos relinquis? Inva- dent gregem tuum lupi rapaces. Sulpice exploite un thème scripturaire, les brebis abandonnées par leur berger, (J. Fontaine, Vie de saint Martin, III, p. 1304-1305), mais pour traduire un sentiment d'inquiétude dont l'authenticité ne peut guère être mise en doute.

276 Sur la légende rapportée par Grégoire, relatant l'altercation qui aurait opposé Poitevins et Tourangeaux pour la possession de la dépouille mortelle de Martin, infra, p. 751 sq.

1 Sur l'évolution de la situation en Gaule, E. Stein, Histoire du Bas-Empire, l, op. cit., p. 219-288 et 327-350; É. Demougeot, La formation de l'Europe et les invasions barbares, II, Paris, 1979.

2 La personnalité et l'œuvre de Stilicon ont été diversement appréciées. Les études les plus récentes tendent à réhabiliter le général, dévoué à la dynastie théodosienne et à l'Empire: E. Mazzarino, Stilicone, la crisi imperiale dopo Teodosio, Rome, 1942; E. Nis- cher-Falkenhof, Stilicho, Munich, 1947; É. Demougeot, De l'unité à la division de l'Empire romain, Essai sur le gouvernement impérial (395-410), Paris, 1951, surtout p. 129-142.

3 Sur le dispositif militaire aux frontières gauloises et son évolution entre 396 et 406, É. Demougeot, La Notitia Dignitatum et l'histoire de l'Empire d'Occident au début du Ve siècle, dans Latomus, XXXIV, 1975, p. 1079-1134 et La formation de l'Europe, II, p. 190- 196.

4 Les troupes stationnées dans la province de Lyonnaise IIIe se répartissent en deux catégories : à la disposition du magister militum praesentalis, dans l'intérieur, cantonnements de Lètes Francs à Rennes, de Lètes Bataves et de Gentiles Suèves au Mans et dans une autre cité qui est sans doute Angers (Not. Dign., Occ, 42); sous les ordres du dux du Tractus armoricain et nervien (qui s'étend sur cinq provinces : l'Aquitaine Première et

Seconde, la Lyonnaise Sénonie, la Lyonnaise Seconde et Troisième), quatre garnisons côtières : soldats Maures Vénètes à Vannes ; soldats Maures Osismes à Osismi (Carhaix ou Le Yaudet?); soldats Supervenu à Nantes; soldats Martenses à Alet (ibid., 37). Ce dispositif, qui laisse Tours à l'écart, était sans doute, dans ses grandes lignes, déjà en place à l'époque de Stilicon, qui a lutté contre les Saxons (Claudien, Laus Stilichonis, II, v. 250- 255 ; In Eutropium, I, v. 392-393).

5 J.-R. Palanque {La date du transfert de la préfecture des Gaules de Trêves à Arles, dans Revue des Études Anciennes, XXXVI, 1934, p. 359-365) a proposé de fixer le transfert aux environs de 395; A. Chastagnol (Revue Historique, CCXLIL, 1973, p. 23-40) conclut au report de la date à l'année 407, sans emporter l'adhésion de J. R. Palanque (Provence historique, XXIII, 1973, p. 29-38).

6 La tournée d'inspection de Stilicon sur le Rhin date de 396 plutôt que de 395 (E. Stein, op. cit., p. 251 et note 70, p. 542). Claudien, chantre de Stilicon (A. Cameron, Claudian, Poetry and Propaganda at the Court of Honorius, Oxford, 1970), célèbre les succès remportés par le général sur le limes rhénan, notamment dans le De quarto consulatu Honorii Augusti (398), v. 439-460 et dans le De consulatu Stilichonis (399-400), I, v. 20 et 192-231.

7 É. Demougeot, De l'unité à la division, p. 376-396 ; C. Courtois, Les Vandales et l'Afrique, Paris, 1955, p. 42 sq.; P. Courcelle, Histoire littéraire des grandes invasions germaniques, Paris, 3e éd., 1964, p. 82-84.

8 Sur l'itinéraire emprunté par les barbares dans le Val de Loire, É. Demougeot, De l'unité à la division, p. 386 et La formation de l'Europe, II, 2, p. 435. Quelques indices : le trésor enfoui à Chécy, près d'Orléans (J. Lafaurie, Le trésor de Chécy, Loiret, dans Suppl. XII à Gallia, Paris, 1958), qui dénote à tout le moins la crainte éprouvée par les habitants, et le témoignage de la Vie de saint Liphard (AA. SS., 3 juin, 1. 1, p. 300, E) qui signale la destruction par les Vandales du castrum de Meung-sur-Loire (Courcelle, op. cit., p. 83).

9 L'usurpation de Constantin III en Bretagne date de la fin de 406 (É. Demougeot, De l'unité à la division, p. 382, n. 155) et son débarquement en Gaule, du printemps 407 (ibid., p. 389, n. 197).

10 Olympiodore, Histoire, fragment 12; Sozomène, Histoire ecclésiastique, IX, 11.

11 Zosime, Histoire Nouvelle, VI, 3, 1-3. L'installation de Constantin III à Arles se situe probablement au printemps 408 (É. Demougeot, Constantin III, l'empereur d'Arles, dans Hommage à André Dupont, Montpellier, 1974, p. 83-125).

12 Jérôme, Epist. 123, 15.

13 HF, II, 2, p. 39.

14 Sur la Bagaude, O. Seeck, Bagaudae, dans RE, II, 1896, col. 2766-2767; W. Levi- son, Bischof Germanus von Auxerre und die Quellen seiner Geschichte, dans Neues Archiv, XXIX, 1904, p. 95-175; A. Loyen, Recherches historiques sur les Panégyriques de Sidoine Apollinaire, Paris, 1942, p. 45 et p. 65-66; R. A. Thompson, Peasants Revolts in Late Roman Gaul and Spain, dans Past and Present, II, 1952, p. 11-23; V. A. Sirago, Galla Placidia e la transformazione politica dell'Occidente, Louvain, 1961, p. 380 sq. : L. Musset, Les invasions; les vagues germaniques, Paris, 1965, p. 226-228.

15 Pour les différents termes désignant le secteur géographique où sévit la Bagaude, voir les textes cités, infra.

16 Levison, op. cit., p. 133-136.

17 Zosime, Histoire Nouvelle, VI, 2, 2. lsIbid., VI, 5, 10.

19 Le Querolus, dédié à un Rutilius qui est peut-être le poète Rutilius Namatianus préfet de Rome en 416, pourrait être l'œuvre de son parent Palladius (C. Jullian, Histoire de la Gaule, VIII, p. 176, n. 3 et p. 283, n. 4). On situe donc en général la rédaction de l'ouvrage dans les années 410-425 (J. J. Hatt, Histoire de la Gaule, Paris, 1966, p. 360-361 ; R. Bo- Rius, Vie de saint Germain d'Auxerre, Paris, 1965, p. 100, n. 3; F. Lot, La Gaule, rééd. Paris, 1967, p. 354). Cependant F. L. Ganshof (Note sur le sens de Ligeris au titre XLVII de la loi salique et dans le Querolus, dans Historical Essays in Honour of James Tait, Manchester, 1933, p. 111-120) estime que cet ouvrage date de 442-443. F. Corsaro, dans l'étude qu'il a récemment consacrée au Querolus (Querolus. Studio introduttivo e commentario, Bologne, 1965), loin de remettre en cause la datation haute, propose de situer la composition de cette comédie entre 383 et 410, en s'appuyant sur une argumentation historique et philologique et suggère avec prudence que l'auteur pourrait en être le fabuliste Avienus. La situation dans les pays de la Loire est évoquée dans l'acte I, scène 2, morceau 16, 8-12, éd. L. Hermann, Bruxelles, 1937, p. 12.

20 Rutilius Namatianus, De reditu suo, Ι, ν. 213-216; éd. J. Vessereau, Paris, 1933, p. 12 : Le poète fait l'éloge de deux de ses parents, le jeune Palladius et le père de ce dernier Exuperantius. Sur la date exacte du voyage qui ramène le poète en Gaule méridionale, automne 417, J. Carcopino dans Revue des Études Latines, VI, 1928, p. 180-200. Exuperantius, promu ensuite préfet du prétoire des Gaules probablement en 418, meurt assassiné dans l'exercice de cette charge, à Arles en 424 (Sundwall, Weströmische Studien op. cit., p. 75, n° 164).

21 Salvien, De gubernatione Dei, V, 22-35 (éd. G. Lagarrigue, Sources chrétiennes, n° 220, Paris 1975) surtout, V, 22, p. 328 et V, 26, p. 332.

22Chronica Gallica, a. CCCCLII, 117 (ann. 435), éd. Mommsen, MGH, AA, Chronica minora, I, p. 660.

23 Ibid., 1 19 (ann. 437), p. 660.

24 Sidoine Apollinaire, carm. VII (Panégyrique d'Avitus), v. 246-248, éd. A. Loyen, 1. 1, Paris 1960, p. 64 : Litorius Scythicos équités turn forte subacto / celsus Aremorico Geticum rapiebat in agmen / per terras, Arverne, tuas ... ; Sidoine, comme Claudien et Jordanès, désigne assez souvent, sous le nom de Scythes et de Scythia, les Huns et leur pays (A. Loyen, Sidoine et l'esprit précieux en Gaule, Paris, 1942, p. 23). Un détachement de ces auxiliaires a été confié à Litorius pour soumettre la Bagaude et aller, ensuite, après avoir traversé l'Auvergne, délivrer Narbonne assiégée par le roi Wisigoth, Théodoric (n. 48, p. 184 de l'éd. citée et A. Loyen, Recherches historiques sur les Panégyriques, op. cit., p. 45- 46).

25 Carm. VII, ν. 248-250, ibid. : ... qui proxima quaeque / discursu, flammis, ferro, f eri- tate, rapinis / delebant pads f attentes nomen inane.

26 Paulin de Périgueux s'est inspiré, pour composer le VIe livre du De Vita sancii Martini episcopi turonensis, du témoignage oculaire de Perpetuus (VI, v. 25-35, éd. M. Petche- nig, CSEL XVI, p. 139-140); l'évêque lui avait en effet fait parvenir, pour l'informer des miracles posthumes de Martin, une charta, rédigée de sa propre main (Epist. ad Perpetuum, ibid., p. 161), et que Grégoire de Tours mentionne sous le nom d'indiculum (VM, I, 2, p. 139). Parmi les épisodes qui peuvent être datés, les uns se situent sous l'épiscopat d'Eustochius — à une époque où Perpetuus, parent de ce dernier, séjournait déjà certainement à Tours — , les autres sous l'épiscopat de Perpetuus; le poète n'a pas suivi dans son récit un ordre chronologique (voir, infra, p. 527).

27 Paulin de P., De Vita s. M., VI, v. 218-221, p. 147 : Cum subito pavefacta metu gravio- re periculo / auxiliatores pateretur Gallia Chunos / (nam socium vix ferre queas, qui durior hoste / extet et adnexum foedus feritale repellat). . .

2SIbid., v. 222-249, p. 147-148; l'épisode est résumé par Grégoire, VM, I, 2, p. 137.

29 Paulin de P., ibid., ν. 250-264, p. 148-149; cf. Grégoire de Tours, ibid.

30 Constance de Lyon, Vie de saint Germain d'Auxerre, VI, 28 (éd. R. Borius, Sources chrétiennes, n° 112, Paris, 1965, p. 174).

31 B. S. Bachrach, The Alans in Gaul, dans Traditio, XXIII, 1967, p. 476-489, avec une carte des établissements alains (p. 480) d'après les indications de la toponymie et, pour Orléans, le témoignage de Jordanès (Getica, 37) ; R. Borius, Les Alains de l'Orléanais au Ve siècle, dans Actes du 93e congrès national des Sociétés savantes, (Tours, 1968), Paris, 1970, p. 313-319; É. Demougeot, La formation de l'Europe, op. cit., II, 2, p. 497-502.

32 Chronica Gallica, 127 (ann. 441-442), p. 661.

33 Flavius Merobaudes, Panégyrique, II, v. 8-15, éd. F. Vollmer, MGH, AA, XIV, p. 11. Pour le commentaire, F. M. Clover, Flavius Merobaudes, a Translation and Historical Commentary, dans Transactions of the American Philosophical Society, LXI, Philadelphie, 1971 et A. Loyen, L'œuvre de Flavius Merobaudes et l'histoire de l'Occident de 430 à 450, dans Revue des Études Anciennes, LXXIV, 1972, p. 153-174.

"Chronica Gallica, 133 (ann. 448), p. 662.

35 Constance de Lyon, Vie de saint Germain d'Auxerre, éd. cit., VI, 28-29, p. 174-176 et VII, 40, p. 196. Malgré l'opinion de J.-B. Bury (History of the Later Roman Empire from the Death of Theodosius I to the Death of Justinian I, 2e éd. Londres, 1923, p. 250, η. 2), qui pense que le témoignage de la Vita se rapporte aux mêmes événements que ceux notés par la Chronica Gallica pour l'année 441-442, il s'agit bien de deux épisodes distincts (Le- vison, op. cit., p. 492; E. Stein, op. cit., p. 492 et A. Loyen, Recherches sur les panégyriques, p. 46).

36 Cette chronologie a été remise en cause par les travaux du P. Grosjean (Le dernier voyage de saint Germain d'Auxerre, dans Analecta Bollandiana, LXXV, 1957, p. 180-184) et de E. A. Thompson (A chronological Note on st Germanus of Auxerre, ibid. p. 135-138) qui situent la seconde visite de Germain en Bretagne en 444/445 et sa mort à Ravenne le 31 juillet 445. Il faudrait donc alors placer au début de cette même année l'intervention de Germain en Armorique : c'est la solution adoptée par F. Clover (op. cit., p. 44) et par B. Czuth (Die Quellen der Geschichte der Bagauden, Szeged, 1965, p. 35) qui supposent en conséquence que la Bagaude, réveillée en 444/445 fut réprimée en 446 par Goar. Pour soutenir cette théorie, ses partisans se fondent sur l'enchaînement des faits tel que le présente Constance de Lyon, en prêtant à cet écrivain un souci de la précision chronologique qui lui fait en réalité souvent défaut (R. Borius, op. cit., p. 66). Une hypothèse établie sur une exégèse hardie de la Vita Germani ne peut prévaloir contre le témoignage de la Chronica Gallica, dont l'auteur, un Gallo-romain bien informé des affaires d'Armori- que, ne mentionne que trois épisodes de la Bagaude dans le deuxième quart du siècle (435/437; 440/441 et 448); ni contre celui des documents qui, de facon concordante, permettent de situer le 1er juillet 448 la mort de Germain (Duchesne, Fastes, II, p. 439; A. Loyen, art. cit., Revue des Études Anciennes, LXXIV, 1972, p. 166-167; et É. Demou- geot, La formation de l'Europe, II, 2, p. 501).

37 Sidoine Apollinaire, Carm. V (Panégyrique de Majorien), v. 207-213, éd. A. Loyen, 1. 1, p. 36 : ... Istum jam Gallia laudai / quodque per Europam est. Rigidis hune abluit undis / Rhenus, Arar, Rhodanus, Mosa, Matrona, Sequana, Ledus, / Oltis, Elaris, Atax, Vacalis, Ligerimque bipenni / excisum per frusta bibit. Cum bella timentes / défendit Turo- nos, obéras; post tempore parvo / pugnastis pariter, Francus qua Cloio patentes / Atreba- tum terras pervaserat. . . Sur le combat livré au vicus Helena, infra, p. 123.

38 Pour le détail de l'argumentation, A. Loyen, Recherches sur les Panégyriques, p. 63- 68.

39 La liste des cours d'eau dans lesquels, selon le panégyriste, Majorien se serait baigné (v. 208-209, cités n. 37) paraît destinée à rappeler à celui-ci des souvenirs chers de son enfance et de son adolescence ; la dernière mention, celle de la Loire, se rapporte évidemment à l'affaire tourangelle, à laquelle Majorien a pris part, et semble indiquer la saison (A. Loyen, Recherches sur les Panégyriques p. 64 et 68).

40 A. Loyen, Recherches sur les Panégyriques, p. 68 et commentaire de l'édition des œuvres de Sidoine Apollinaire, I, p. 177, n. 36. Une autre hypothèse a été proposée jadis, selon laquelle Tours aurait été menacée par une offensive des Wisigoths (E. Giraudet, Histoire de la ville de Tours, I, Tours, 1873, repr. anastatique, Bruxelles 1976, p. 17); mais elle n'est étayée par aucune indication fournie par les chroniques contemporaines dont le silence, sur une affaire toute locale, un épisode mineur de la révolte bagaude, est beaucoup plus explicable.

41 La Vie de saint Germain d'Auxerre suggère que l'Orléanais ne suffisait pas à Goar, qui convoitait la région armoricaine «avec l'avidité d'une cupidité barbare» {Vita, VI, 38, p. 174 et introd. de l'édition R. Borius, p. 98).

42 Jordanès (Getica, 36-38, éd. Th. Mommsen, MGH, AA, V, 1, Berlin 1882, p. 108-109) énumère parmi les peuples coalisés, qui, sous la direction du patrice Aetius et du roi wisi- goth Théodoric, affrontèrent en 451 les Huns aux Champs catalauniques, «des Francs, des Sarmates, des Armoricains, des Litiens, des Burgondes, des Saxons, des Ripuaires, des Ibrions ...» Quant aux Alains qui participent aussi à la bataille sous le commandement de leur nouveau roi Sangiban, le successeur de Goar, ils auraient d'abord promis de livrer Orléans à Attila, avant d'être contraints par Théodoric et Aetius de marcher contre les Huns. Sur ce dernier point l'historien goth, animé de sentiments hostiles à l'égard du peuple alain, aurait travesti la vérité (B. S. Bachrach, Traditio, XXIII, 1967, p. 485-486). Cependant la fidélité des Alains ne paraît pas avoir été très sûre (A. Loyen, Le rôle de Saint Aignan dans la défense d'Orléans, dans Comptes-rendus de l'Acad. des Inscriptions et B.L., 1969, p. 64-74).

43 E.-Ch. Babut, Saint Martin de Tours, op. cit., p. 118 : «l'ennemi le plus déclaré du saint avait été choisi pour lui succéder. Ce fait prouve assez que le parti opposé au saint avait dans la cité la prépondérance ». Sur la thèse défendue par Babut, supra, p. 50.

44 Sulpice Sévère, Dial., Ill, 15; voir supra, p. 49.

45 HF, II, 1, p. 37. Après avoir relaté de façon assez libre la fameuse scène des Dialogues où Brice invectiva Martin, Grégoire met dans la bouche de ce dernier cette prophétie : Amen dico ubi, quia obtinui apud Deum, ut post me ad pontificatus honorem accédas, sed noveris te in episcopatu multa adver sa passurum.

46 Après le scandale causé par l'élection de l'ancien soldat pannonien, Martin, au siège de Tours, le choix d'un candidat répondant, par sa naissance, sa carrière antérieure, aux exigences les plus strictes de la législation canonique, pouvait paraître souhaitable à Tours.

47 Sulpice Sévère se borne à indiquer que Brice avait été élevé tout jeune au monastère de Marmoutier avant d'entrer dans le clergé de Tours et lui donne le titre de prêtre {Dial, III, 15). Grégoire précise : Fuit autem civis Turonicus (HF, X, 31, p. 528) et indique que Brictius fut successivement diacre (adhuc diaconum, HF, II, 1, p. 37), puis prêtre (praesbiterii honore praeditus, ibid.).

48 HF, II, 1, p. 37 : Adeptum ergo consentientibus civibus pontificatus officium. . .

49 Epist., III, 3, Postea quam a nobis {Coll. Avellana, 46, 5, éd. Günther, p. 104) : Vêtus Lazaro consuetudo est innocentium criminandi. Per multa concilia in sanctum Britium coepiscopum nostrum Turonicae civitatis diabolicus accusator inventus est. A Proculo Mas- siliensi in synodo Taurini oppiai sententiam calumniatoris excepit. . . Epist., IV, 2, Cum Adversus, (Coll. Arelatensis, 2, éd. Gundlach, p. 7) : Lazarus dudum in Taurinensi concilio gravissimorum episcoporum sententiis pro calumniatore damnatus, cum Britii innocentis vitam falsis objectionibus appetisset, post vero indebitum ab eodem Proculo, qui inter caete- ros in synodo damnationis assederat, sacerdotium consecutus.

50 L. Pietri, La succession. . ., dans MEFRM, 94, 1982, p. 599.

51 E. Griffe, La Gaule chrétienne à l'époque romaine, I, op. cit., p. 347-348, n. 31.

52 Sur le caractère étrange de cette procédure entamée par un simple prêtre, E.- Ch. Babut, op. cit., p. 288, n. 3.

5iDial., III, 15.

54 Sur cette seconde affaire, voir infra, p. 112 sq.

55 L. Duchesne, Fastes, I, p. 96-97; E. Griffe, La Gaule chrétienne, II, p. 252-256.

56 Prosper d'Aquitaine, Chronique, 1247 (ann. 412), éd. Th. Mommsen, MGH, AA, IX, p. 466 : Heros, vir sanctus, beati Martini discipulus.

57 C'est ce que Duchesne (loc. supra cit.) et E.-Ch. Babut (op. cit., p. 288, n. 3) tiennent cependant pour assuré.

58 Epist., 17, 4, p. 127: cum intra annum eadem opera ad nos potueris pervenire ac recurrere, qua Gallicanas peregrinationes tot annis fréquentas et iteratis saepe intra unam aestatem excursibus Turonos et remotiora visitas. Pour la datation des lettres de Paulin qui évoquent Martin et Tours, L. Pietri, art. supra cit., p. 599 sq.

59 Sur ces tituli de Marmoutier, Append., VI.

60 Marmoutier, n° 1, v. 1.

61 Ibid., ν. 10.

62 Sur ces personnages, supra, p. 65 et 77.

63 J. Fontaine, Vie de saint Martin, op. cit., I, Intr. p. 40-49.

64 Epist., 32, (de basilicarum dispositione), 1-9, p. 275-285.

65Epist., 32, 6, p. 281-282.

66 Epist., 32, 3, p. 277-278.

67 Prosper d'Aquitaine, Chronique, 1175 (ann. 381), p. 461 : Martinus episcopus Turino- rum Galliae civitatis multis [miraculorum signis] clarus habetur; cf. Chronica Gallica a. CCCCLII, 43, p. 650 : Martinus post egregie actam vitam corpore exuitur. E.-Ch. Babut (Saint-Martin de Tours, p. 282-285) avait tenté de démontrer, à l'appui de sa thèse, que

l'opinion gauloise, avant l'époque de Perpétuas, était bien loin de partager l'enthousiasme de Sulpice Sévère pour Martin; réfutation de H. Delehaye, dans Analecta Bollandiana, XXXVIII, 1920, p. 5-136.

68 CIL, XII, 2115 = Le Blant 412 = RICG, XV, 39.

69 Dial., Ill, 15.

71 HF, X, 31,4.

72 HF, II, 1, p. 37-38 et HF, X, 31, 4, p. 528.

73 Sur la chronologie du règne de Brice, L. Pietri, art. cit., p. 612 sq.

74 J. Rabory, Saint Brice, BSAT, XVI, 1908, p. 275-277; contra, A. Poncelet, À propos de s. Brice, dans Analecta Bollandiana, XXX, 1911, p. 88-89.

75 Fr. Halkin, Le nouveau-né qui dénonce son père; les avatars d'un conte populaire, dans la littérature hagiographique, dans Analecta Bollandiana, LXXXIV, 1966, p. 309-337.

76 Sur le témoignage de Sidoine, L. Pietri, art. cit., p. 553.

77 E.-Ch Babut, Saint Martin, p. 290, n. 2 ; encore qu'on ne puisse écarter totalement l'hypothèse d'une confusion commise par Grégoire entre Justinianus de Tours et l'évêque de Verceil du même nom qui souscrivit au concile de Milan de 452 et dont l'épitaphe métrique nous est parvenue {CIL, V, 6724 = Diehl 1051). Quant à l'hypothèse de Babut (ibid., p. 290) selon laquelle Brice, après un bref voyage à Rome, aurait passé à Montlouis non pas une nuit, mais «la plus grande partie de ses années d'exil», elle est invérifiable.

78 HF, II, 1, p. 37 : Noveris te in episcopatu multa adversa passurum.

79 HF, X, 31, 4, 528: Brictius vero septem apud papam Urbis annis degens, idoneus inventus a crimine, ad urbem suam redire jussus est. Hic aedificavit basilicam parvulam super corpus beati Martini, in qua et ipse sepultus est. Cumque portant ingrederetur, Armentius per aliam portam mortuus efferebatur ; quo sepulto, cathedram suam recepii. Cf., HF, X, 31, 6, p. 529.

80 Pour les études relatives à la première basilica Martini, infra, p. 372.

81 E.-Ch. Babut, Saint Martin, p. 291-292.

82 Ces textes sont rassemblés infra, p. 372 sq.

83 E. Auerbach, Mimesis, La représentation de la réalité dans la littérature occidentale, Berne, 1946, trad. fr. Paris, 1968, p. 88-105, où, à propos des chapitres HF, VII, 47 et IX, 19, l'auteur met en valeur l'incapacité de Grégoire à faire un exposé rationnel où les faits soient clairement exposés.

84 L. Pietri, La succession, art. cit., p. 562.

85 Quelques années plus tard, le Natale sancii Brictii figure dans le calendrier de Per- petuus au nombre des grandes fêtes de la liturgie tourangelle précédées de vigiles (HF, X, 31, 6, p. 530). Le nom de Brice est ensuite mentionné dans le Martyrologe Hiéronymien, au 13 novembre : In Turonis civitate Galliae depositio sancii Brictionis episcopi et confessons (H. Delehaye, AA. SS., nov., II, p. 598); infra, p. 465.

86 HF, II, 1, p. 38 et X, 31, 5, p. 529.

87 Un écho de l'angoisse ressentie à Tours, dans le récit de Grégoire, HF, II, 6 et 7. Orléans était sans doute déjà aux mains d'Attila, lorsque l'arrivée d'Aetius et de Théodoric oblige les Huns à se replier, à en juger d'après le témoignage de Sidoine Apollinaire (Au- relianensis urbis obsidio, oppugnano, inruptio nec direptio, Epist., VIII, 15, 1) confirmé par la Vita Aniani (A. Loyen dans Comptes-rendus de l'Acad. des Inscrpt. et B.L., 1969, p. 64).

88 L'expression est de Sidoine, Epìst., VII, 12, 3 (éd. A. Loyen, III, p. 66).

89 Pour toute cette évolution, E. Stein, Histoire du Bas-Empire, I, p. 365-399 et II, p. 7- 76 et É. Demougeot, La formation de l'Europe, II, 2, p. 573-616.

90 Sidoine Apollinaire, Carm. VII, ν. 359-362 et 369-372 {éd. A. Loyen, I, p. 68-69). Pour le commentaire, A. Loyen, Recherches historiques sur les Panégyriques, p. 35-58.

91 Gildas, Liber Querolus de excidio Britanniae, 19 et 25 (éd. Th. Mommsen, MGH, AA, XIII, III, p. 40) et Nennius, Historia Brittonum, 27 (éd. Th. Mommsen MGH, AA, Chronica Minora III, p. 166) signalent ce premier exode des Bretons en Armorique dans la première moitié du Ve siècle et même dès la fin du IVe siècle. É. Demougeot, Les invasions germaniques et la rupture des relations entre la Bretagne et la Gaule, dans Le Moyen Age, LXVIII, 1962, p. 1-50.

92 J. Loth, L'émigration des Bretons en Armorique, Rennes, 1883; N. K. Chadwick, The Colonization of Britanny from Celtic Britain, dans Proceedings of the Britain Academy, LI, 1965, p. 1ST -Π0. Les émigrés s'installent en Armorique Occidentale, surtout dans les cités des Osismes (Carhaix) et des Coriosolites (Corseul); sur cette présence des Bretons, L. Fleuriot, Les origines de la Bretagne, Paris, 1980, surtout p. 39-49 et 156-162.

93 Jordanès, Getica, 45 (éd. Th. Mommsen, MGH, AA, V, 1, 1882, p. 118). Sur la bataille de Déols, à laquelle ils prennent part, infra, p. 128. Riothamus est connu comme l'un des correspondants de Sidoine (Epist., III, 9, ann. 470, II, p. 98). Il est probable que le roi et ses guerriers n'étaient pas venus directement de la grande île pour servir dans le Berry et qu'ils s'étaient quelque temps auparavant établis dans la péninsule armoricaine. Le préfet du prétoire des Gaules Arvandus, jugé en 469 comme traître à la cause romaine pour avoir incité le roi des Wisigoths Euric à faire la guerre à l'empereur Anthemius et à se partager la Gaule avec les Burgondes, conseillait au souverain goth dans une lettre — qui fut la principale pièce produite par l'accusation — d'attaquer d'abord les Bretons supra Ligerim sitos (Sidoine, Epist., I, 7, 5, II, p. 22; cf. Cassiodore, Chron., 1287): c'est donc qu'il considérait l'Armorique bretonne comme un réservoir de troupes susceptibles d'être enrôlées au service de l'Empire. (L. Fleuriot, op. cit., p. 168).

94 Les Saxons qui, au début du siècle, ne menaçaient guère que le littoral de la Manche, ont atteint vers 460 l'embouchure de la Loire à proximité de laquelle Grégoire de T. signale leurs établissements insulaires détruits en 469 par les Francs {infra, p. 126; F. Lot, Les migrations saxonnes en Gaule et en Grande-Bretagne, dans Revue historique, CXIX, 1915, p. 1-40. É. Demougeot, La formation de l'Europe, II, 2, p. 502-504).

95 Leurs attaques ont redoublé après la mort d'Aetius, Sidoine, Carm. VII, v. 369 sq. jam. cit.

96 Sidoine, Carm., VII, ν. 390-397, p. 69. Pour l'interprétation de ces vers, A. Loyen, Recherches historiques sur les Panégyriques, p. 53-54.

97 Grégoire de T., HF, II, 18, p. 65 : Adovacrius vero cum Saxonibus Andecavo venit. Magna tune lues populum devastavit. Mortuus est autem Egidius . . . Quo defuncto, Adovacrius de Andecavo vel aliis locis obsèdes accepit. . . Veniente vero Adovacrio Andecavus, Childericus rex sequenti die advenit, interemptoque Paulo comité, civitatem obtinuit, cf. Jordanès, Getica, 45, p. 118. On a supposé avec beaucoup de vraisemblance (B. Krusch, éd. de \'HF., p. 65, n. 1) que, pour tout ce récit, Grégoire utilisait des Annales angevines qui ne nous sont pas parvenues : chacune de ces courtes phrases reproduit les notations portées en regard d'une année. La première attaque d'Adovacrius sur Angers est contemporaine de la bataille d'Orléans de 463 (infra, p. 127) mentionnée par Grégoire immédiatement avant, ou très légèrement postérieure à celle-ci, puisqu'elle se situe de toute façon avant la mort d'Aegidius, fin 464 ou 465, voir infra, η. 110). Le deuxième assaut saxon sur Angers se place, selon le récit de Grégoire, après la bataille de Déols de 469, (infra, p. 128), cette même année ou, au plus tard, l'année suivante.

98 HF, II, 19, p. 65.

99 HF, II, 9, p. 58.

100 pour ia localisation du premier établissement franc, L. Musset, Les invasions; les vagues germaniques, Paris, 1965, p. 122-123; É. Demougeot, La formation de l'Europe, op. cit., II, 2, p. 681-688.

101 HF, II, 10.

102 Sidoine Apollinaire, Carm. V, v. 21 1-230. Sur la date, l'emplacement et l'importance de la bataille, A. Loyen, Recherches historiques, p. 64-73 et dans Revue des Études Anciennes, XL VI, 1944, p. 121.

103 HF, II, 9, p. 58. La mention, quelques lignes plus haut dans le récit de Grégoire, du royaume burgunde de Sapaudia permet de placer la prise de Cambrai après 443 (cf. Chron. Gall. A. CCCCLII, 128; A. Loyen, Études historiques, p. 72). Pour respecter la tradition recueillie par Grégoire, qui intercale entre Clodion et Childéric le roi Mérovée, on place souvent la prise de Cambrai avant l'engagement à'Helena. Mais cette généalogie traditionnelle est dépourvue de toute valeur (L. Schmidt, Geschichte der deutschen Stämme bis zum Ausgang der Völkerwanderung, II, 2e éd. Munich, 1934, p. 465) : Mérovée, si tant est qu'il ait existé, pourrait être un roitelet régnant sur d'autres tribus de Saliens, un contemporain de Clodion qui serait mort seulement vers 460. On se ralliera donc à l'opinion de A. Loyen (op. cit., p. 73) pour penser que le témoignage de Grégoire à propos de la victoire de Clodion se rapporte aux événements de 454/455, à l'invasion de la Belgique Seconde que Sidoine mentionne dans le Panégyrique d'Avitus (Carm. VII, ν. 372, p. 69 : Francus Germanum primum Belgamque secundum / sternebat . . .).

104 Sur les premiers rois francs, E. Zöllner, Geschichte der Franken bis zur Mitte des 6. Jahrhunderts, Munich, 1970, p. 36-43.

105 HF, II, 12, p. 61-62. Sur le personnage, J. Sundwall, Weströmische Studien, n° 3 p. 39 et 40 et É. Demougeot, La formation de l'Europe, II, 2, p. 682-684, qui accorde entièrement crédit au récit de Grégoire.

106 Paulin de Périgueux, De vita s. Martini episcopi, VI, ν. 111-151, éd. M. Petschenig, CSEL XVI, p. 143-144. Sur cet engagement et l'émotion qu'il soulève à Tours, infra, p. 141.

107 À cette époque Sidoine Apollinaire loue Ricimer de tenir tête au « Mars du Rhin », c'est-à-dire à Aegidius et à ses Francs (Carm., II, v. 378, p. 18), tandis qu'il célèbre la loyauté du roi wisigoth Théodoric II, «le pilier et le salut du peuple romain» (Carm., 23, v. 69-73, p. 146-147).

108 Grégoire de T., GC 22, p. 312. Sur cet épisode, M. Rouche, Des Wisigoths aux Arabes, l'Aquitaine (418-781) : naissance d'une région, Paris, 1979, p. 36.

109 Voir infra, p. 127.

110Hydace situe peu après l'éclipsé du 20 juillet 464 (Chronique, 225, éd. A. Tranoy, Sources chrétiennes, n°218, Paris, 1974, p. 170), la mort d'Aegidius (Chron., 228, ibid.): automne 464, selon E. Stein (op. cit., p. 378) ou 465 pour C. Courtois (Byzantion, XXI, 1951, p. 54).

111 HF, II, 18 (supra cit., n. 97).

112 HF, II, 19.

113 Plusieurs indices de la substitution dans ces régions d'une certaine forme de contrôle franc à la domination de Rome avant que Clovis ne soumette l'ensemble des pays compris entre Somme et Loire : 1) L'action même de Childéric qui, après la mort du comte Paul, poursuit pour son propre compte, semble-t-il (M. Bloch, Observation sur la conquête de la Gaule romaine par les rois francs, dans Revue Historique, CLIV, 1927, p. 161- 178), les opérations en aval d'Angers et qui, même s'il ne se maintient pas dans ce secteur, enchaîne par une alliance les Saxons qui y étaient établis. 2) La mort du roi Rigno- meris, assassiné sur l'ordre de Clovis (HF, II, 42), au Mans, qui paraît — le contexte le suggère — avoir été la capitale d'un de ces petits royaumes francs que le fils de Childéric a réuni à son pouvoir par la force. 3) Le statut fiscal particulier de l'Anjou et du Maine soumis encore aux VIIe et VIIIe siècles à un impôt en bétail, l'inferanda, qui pourrait avoir été établi « par un autre que Clovis avant lui dans ces régions » (F. Lot, La conquête du pays entre Seine et Loire par les Francs, dans Revue Historique, CLXV, 1930, p. 241- 253). 4) Le texte — assez obscur et d'interprétation controversée — de Procope (De bello Gothico, I, 12) qui fait état, dans un tableau qui se situe vers 476, d'une alliance entre les Francs et les Arboryques (les Armoricains?).

114 Addimenta ad Prosperum Hauniensia, ann. 453, (éd. Th. Mommsen, MGH, AA, IX, Berlin, 1892, p. 302) = Thorismotus rex Gothorum post mortem patris Alanos bello perdo- muit; cf. Grégoire de T., HF, II, 7, p. 50 : Thorismodus. . . Alanos bello edomuit. Il ne peut s'agir des établissements d'Orléans ni de ceux situés entre Loire et Seine (B. S. Bachrach, The Alans in Gaul, art. cit.) ; Jordanès précise : Alanorum partent trans f lumen Ligeris con- sidentem statuii suae redigere dicioni (Getica, 43, éd. Th. Mommsen, MGH, AA, V, 1, Berlin, 1882, p. 115).

115Hydace, Chronique, 218, (éd. cit., p. 168): Adver sus Aegidium comitem utriusque militiae. . . in Armoricana provincia Fretiricus f rater Theodorici régis insurgens cum his cum quibus fuerat superatus occiditur; Chronica Gallica a. DLI, 638, (éd. cit. p. 664) : Fre- dericus frater Theuderici régis pugnans cum Francis occiditur juxta Ligerim; Marius d'Avenches, Chronique, ann. 463 (éd. Th. Mommsen, MGH, AA, XI, 2, p. 232) : His consuli- bus (Basilius et Vibianus) pugna facta est inter Aegidium et Gothos inter Ligerem et Ligeri- cinum juxta Aurelianis ibique interfectus est Fredericus rex Gothorum; Grégoire, HF, II, 18, p. 65 : Igitur Childericus Aurilianis pugnas egit. Pour la localisation de la bataille, A. Loyen La bataille d'Orléans de 463, dans Bull, de la Sté archéologique et hist, de l'Orléanais, XXII, 1935, p. 501-507.

116Hydace, Chronique, 228, éd. cit., p. 170: Aegidius moritur, alii dicunt insidiis, alii veneno deceptus.

117 Ibid. : Quo desistente (Aegidius) mox Gothì regiones (invadunt) quas Romano nomini tuebatur.

118 Jordanès, Getica, 45 (éd. cit., p. 118); cf. HF, II, 18, p. 65.

119 HF, II, 18, p. 65 : Paulos vero comes cum Romanis ac Francis Gothis bella intulit et praedas egit.

120 HF, II, 26 et X, 31, 7 et 8. Sur les circonstances de la déportation de Volusianus et de Verus, infra, p. 159 sq.

121 C'est ce que suggèrent les récits de Grégoire (HF, II, 18) et de Jordanès (Getica, 45); E. Stein, Histoire du Bas-Empire, I, p. 579.

122 Epist. VII, 1, 1, p. 31 (printemps 473): Namque odiis inimicorum (les Goths) hinc peculiaria fomenta subministramus, quia, quod necdum terminos suos ab Oceano in Rho- danum Ligeris alveo Hmitaverunt, solam sub ope Christi moram de nostra tantum obice patiuntur. Circumjectarum vero spada tractumque regionum jam pridem regni minacis importuna devoravit impressio. Pour la chronologie des lettres de Sidoine, éd. A. Loyen, II, Introd., p. XVIII-XXI.

123 1) Fin 470 ou tout début 471, Sidoine qui, depuis peu évêque de Clermont, préside les élections épiscopales à Bourges, explique à Agroecius de Sens que presque toutes les villes d'Aquitaine Ière, sauf Clermont et très certainement Bourges aussi, sont aux mains des Wisigoths (Epist. VII, 5, 3, p. 41); peu après, il communique à Perpetuus de Tours le texte du discours qu'il vient de prononcer à Bourges (Epist. VII, 9, p. 52 sq.). Rien ne laisse supposer que Tours soit déjà tombée. 2) Au printemps 471 en revanche, alors que Clermont est l'objet d'une première attaque de la part des Wisigoths, Sidoine note que ceux-ci paraissent décidés à «reculer jusqu'au Rhône et jusqu'à la Loire les bornes de leur domaine en effervescence» (possessionis turbidae mëtas in Rhodanum Ligerimque proterminant; Epist., III, 1, p. 82 et 83). Moins bien défendue que Clermont, Tours a sans doute succombé lors de cette offensive du printemps 471.

124 A. Loyen, Les débuts du royaume de Toulouse, dans Revue des Études Anciennes, 1934, p. 406-415; M. Garaud, L'occupation du Poitou par les Wisigoths, dans Bull, de la Sté des Antiquaires de l'Ouest, 1942-45, p. 548-563; M. Rouche, L'Aquitaine, carte, p. 47, qui situe l'ensemble du diocèse de Tours sous domination wisigothique.

125 VP, XVIII, 2, p. 285 : Silarius quidam Gothus, qui magno cum Alarico rege amore dilegebatur. Ce personnage entre en conflit avec l'abbé Ursus qui avait établi un monastère auprès du castrum de Loches (voir infra, n. 127).

126 On peut supposer que le vicus d'Amboise était également occupé par une garnison, puisque c'est dans une île de la Loire toute proche qu'Alaric II accepte quelques années plus tard de rencontrer Clovis : le roi wisigoth ne se serait probablement pas aventuré dans une région où il n'occupait pas une position solide.

127 VP, XVIII, 2 : Silarius somme l'abbé Ursus de lui céder le moulin que les moines ont construit sur l'Indre. Devant son refus, le chef goth entreprend à son tour de construire un moulin dont le fonctionnement paralyse celui de l'ouvrage monastique. Grâce aux prières de l'abbé, le moulin de Silarius est miraculeusement englouti par les eaux de la rivière.

ne Perpetuus se rend chaque année à Pâques avec les fidèles à Marmoutier (Paulin de Pèrigueux, De vita s. Martini episcopi, VI, v. 351-415, éd. cit. p. 153-155; cf. Grégoire de T., VM, I, 2, p. 138-139); Volusianus édifie à Marmoutier une basilique (HF, X, 31, 7).

129 Seule l'église rurale de Vernao (HF, X, 31, 6) est située au nord de la Loire (Ver- nou, arrdt de Tours, canton de Vouvray, infra, Append. 3 et 5). Mais sa fondation, sous l'épiscopat de Perpetuus, peut remonter à l'époque où Tours n'était pas encore occupée par les Wisigoths.

130 Pour cette correspondance, voir infra, η. 155; et pour la date du concile de Vannes, probablement antérieure à l'occupation des Wisigoths, infra, p. 146.

131 Dès 453, au lendemain de la première offensive lancée en direction de la Loire par les Wisigoths, les évêques de Lyonnaise Troisième réunis à Angers, menaçaient d'excommunication tout clerc qui livrerait sa cité par trahison à l'ennemi (can. 4, CG I, p. 138). En 459, la population tourangelle partage l'angoisse des Arlésiens assiégés par les Wisigoths, avec une sympathie qu'inspire la crainte de subir un sort semblable (Paulin de Péri- gueux, De Vita s. Martini, VI, v. 111-151, voir supra, n. 106 et infra, p. 141).

132 Eustochius. . . ex genere senatorio (HF, X, 31, 5, p. 529); VI. ordinatur Perpetuus, de genere et ipse, ut aiunt, senatorio et propinquus decessoris sui (HF, X, 31, 6, ibid.); VII. vero Volusianus ordinatur episcopus, ex genere senatorio. . . propinquus et ipse Perpetui episcopi decessoris sui (HF, X, 31, 7, p. 531 ; cf. HF, Π, 26, p. 71 : Volusianus unus ex senatoribus).

133 Sur ce milieu, K. F. Stroheker, Der senatorische Adel im spätantiken Gallien, Tübingen, 1948 et Germanen u. Spätantike, Zürich-Stuttgart, 1965, p. 192-206.

134 Stroheker, Der senatorische Adel, n° 358, p. 217-219.

135 Ruricius : ibid., n° 327, p. 209-210; Ommatius : n° 266, p. 196.

136 Sidoine Apollinaire, Epist, VII, 9, éd. A. Loyen, III, p. 52-61.

137 Epist., IV, 18, 4 (éd. cit., II, p. 152): Hujus me parietibus inscribere supradictus sacerdos (Perpetuus) hoc epigramma compellit, quod recensebis, ut est in his, quaecumque deposcit, privilegio caritatis imperiosissimus. Une date un peu antérieure à celle proposée par l'éditeur (467) n'est pas à écarter, étant donné que l'épiscopat de Perpetuus et les travaux de construction de la basilique ont commencé plus tôt que celui-ci ne le pensait (L. Pietri, La succession. . ., art. cit., p. 614).

138 Ibid., 2, p. 151 : Utque de matronalium partium nil querar fraude, quas cum expedi- tis tulistis impedimentis, tuque fraterque communis Volusianus vix singulorum clientum puerorumque comitatu ambiebamini; per quod sollicitudinem prosequentum vana mox recurrendi spe fefellistis; certe f rater Volusianus, qui forte pergens in praedia Baiocassina totamque provinciam Lugdunensem secundam pervagaturus, expectationem nostram specie brevioris itineris elusit. La Vita Vigoris met en relation l'évêque de Bayeux Vigor (lère moitié du VIe s.) avec un grand propriétaire du Bessin, nommé lui aussi Volusianus {A.A. SS., Nov. I, p. 291 et 300). Il s'agit probablement du fils du Volusianus, ami de Sidoine (L. Musset, Notes de lecture sur la Vita Vigoris et les lettres de Sidoine Apollinaire : Volusianus, grand propriétaire gallo-romain du Bessin, dans Bull, de la Société des Antiquaires de Normandie, LVI, 1961-1962, p. 821-824).

139 Le terme frater peut indiquer que Volusianus s'est converti à un genre de vie ascétique, mais il peut avoir aussi seulement le sens d'ami très cher (A. Loyen, n. 63 de l'éd. citée, p. 230-231 et Sidoine Apollinaire et l'esprit précieux, p. 97).

140 Sidoine, Epist., VII, 17, p. 76-78.

141 Ruricius, Epist., II, 65, éd. A. Engelbrecht, CSEL, 21, Vienne 1891, p. 441-442. L'éditeur refuse d'identifier le correspondant de Ruricius avec l'évêque de Tours : le contenu de la lettre (courtoise excuse pour un long silence ; exhortation à supporter le caractère acariâtre d'une épouse) suggérerait, selon lui, que celle-ci était destinée à un laïc; la qualité episcopale du correspondant mentionnée dans l'adresse serait une adjonction tardive et malencontreuse. En revanche, Stroheker, (op. cit., n°411), considère qu'il s'agit vraisemblablement d'un seul et même personnage; mais pour tenir compte des remarques d'Engelbrecht, il propose de dater la lettre d'une époque où Ruricius était déjà évê-

que et où Volusianus ne l'était pas encore (entre 485 et 488); le titre episcopal dans l'adresse aurait été ajouté ultérieurement par l'éditeur de la correspondance. En fait, la dernière phrase de ce court billet ne permet guère de douter que Ruricius s'adressait bien à l'évêque Volusianus de Tours, comme l'avait bien vu L. Duchesne (Fastes, II, p. 304) : le Limousin exhorte son correspondant à ne pas craindre Yhostem extraneum qui, de son propre aveu, suscite chez lui une véritable panique : nam quod scribis te metu hostium hebetem factum, timere hostem non débet extraneum, qui consuevit sustinere domesticum. Ces ennemis que redoutait si fort Volusianus étaient vraisemblablement les maîtres wisigoths qui, le tenant en suspicion, devaient l'envoyer bientôt en exil.

142 Ibid. : Miror nobilitatem tuant quasi f ilium ad me Hueras destinare, cum sine ulto respectu religionis aut propinquitatis ubi injuriae nostrae sic placeant, ut eas vindìcare non velis. Sur ce lien de parenté, Stroheker, Der senatorische Adel, n°411.

UiHF, V, 49, p. 262; sur ces liens de parenté, infra, p. 249 sq.

144 Le propos de Grégoire qui répond à des attaques personnelles — on lui reproche d'être un Auvergnat, étranger à Tours — ne peut être pris au pied de la lettre : parmi les prélats qui, depuis la mort de Martin, l'ont précédé sur le siège tourangeau (16 ou 18 selon que l'on recense ou non Justinianus et Armentius, les deux prélats élus contre Bri- ce), six seulement reçoivent de l'historien le titre de sénateur (Eustochius, Perpetuus, Volusianus, Ommatius, Francilio, Eufronius). Le nombre des évêques qui, n'appartenant pas à l'ordre sénatorial (et parfois issus, au témoignage de l'historien, de milieux assez humbles), ne pouvaient guère être apparentés à sa famille est donc bien supérieur à cinq. Il est bien certain cependant que Grégoire n'aurait pas fait une telle déclaration, si des liens de parenté ne l'avaient pas réellement uni à tous ou presque tous les évêques tourangeaux de rang sénatorial.

145 Élevé par un père qui le prépara à embrasser l'état ecclésiastique (Ruricius, Epist., I, 18, p. 370-371 ; Epist., II, 28, 3, p. 412-413), Ommatius fut d'abord membre du clergé de Clermont (Epist., II, 57, 1, p. 437), avant de devenir évêque de Tours (HF, III, 17 et X, 31, 12). Stroheker, Der senatorische Adel, n° 267.

146 Stroheker, n° 266 et stemma, I, p. 236.

147 Stroheker, n° 175.

148 HF, X, 31, 12, p. 532. L'hypothèse selon laquelle des liens familiaux unissaient les ancêtres de Grégoire aux Ruricii est déjà suggérée par H. Wieruszowski (Die Zusammensetzung des gallischen und fränkischen Episkopats bis zum Vertrag von Verdun (843), mit besonderer Berücksichtigung der Nationalität u. des Standes, dans Bonner Jahrbücher, CXXVII, 1922, p. 1-83, surtout p. 52-53).

149 A. Loyen, (éd. des œuvres de Sidoine Apollinaire, III, p. 195, η. 86) suppose que Volusianus de Tours était apparenté à la grande famille romaine des Caeionii dans laquelle ce cognomen était traditionnel; l'hypothèse est invérifiable. En revanche, nous savons par Fortunat (Carm., IV, 5, v. 7-8, éd. F. Leo, MGH, AA, IV, 1, p. 82) qu'il existait une parenté entre les Ruricii (alliés aux Aviti et aux Apollinares ; cf. Stroheker, stemma I,), et les Anicii de Rome, auxquels les trois évêques de Tours pourraient donc être unis très lointainement.

150 Ruricius avait confié au diacre qui accompagnait Verus dans son exil une lettre destinée à Césaire d'Arles (Epist. ad. Ruricium, 7, éd. A. Engelbrecht, jam. cit. p. 448). En revanche, il paraît exclu que le Verus auquel s'adresse Ruricius (Epist., II, 23, p. 407-409) soit l'évêque de Tours.

151 HF, X, 31-8, p. 531.

152 Sidoine, Epist., VII, 9, 9 et 15 (éd. cit., III, p. 55 et 57). En défendant la candidature de Simplicius, Sidoine s'efforce de démontrer que celui-ci possède toutes les qualités nécessaires à un évêque en cette époque ; aussi trace-t-il « le portrait-type de l'évêque » du Ve siècle (M. B. Bruguière, Littérature et droit dans la Gaule du Ve siècle, Paris, 1974, p. 260-265).

153 Sur la personnalité du prédécesseur et des deux successeurs de Perpetuus, Grégoire de T. nous apprend bien peu de choses. Il vante la sainteté d'Eustochius (HF, II, 1, p. 38 : sanctus Eustochius. . . magnificae sanctitatis ; X, 31, 5, p. 529 : vir sanctus et timens Deum) et celle de Volusianus dont il mentionne aussi la richesse (HF, X, 31, 7, p. 531 : vir sanctus et valde dives), de même qu'il fait état des facultates de Verus (HF, X, 31, 8, p. 531).

154 Sidoine, Epist., VII, 9, 1, p. 52 (à Perpetuus) : Desiderio spiritalium lectionum, qua- rum tïbi tarn per authenticos quant per disputatores bybliotheca fidei catholicae perfamilia- ris est. . . Même témoignage chez Paulin de Périgueux qui s'adresse à l'évêque, in omni religione doctori Perpetuo (De vita s. Martini, prologus, éd. cit., p. 17), et le qualifie de venerabilis doctrinae speculum (ibid., p. 18).

155 Avec Perpetuus, l'Église de Tours échappe, plus encore que sous Eustochius, à l'isolement, au repliement où elle se cantonnait dans la première moitié du siècle. Les contacts se multiplient avec les titulaires des sièges suffragants de Tours à l'occasion des conciles provinciaux (infra, p. 143). Mais Perpetuus est aussi en relation avec des évêques ou des laïcs d'autres provinces : les évêques Léon de Bourges, Germanus de Rouen et Amandinus de Châlons qui assistent en 461 aux fêtes célébrées en l'honneur de Martin et participent aux travaux du concile de Tours (infra, p. 145); l'évêque Eufronius d'Autun qui envoie au Tourangeau un marbre destiné à couvrir la sépulture de Martin (HF, II, 15); enfin le poète Paulin de Périgueux dont la personnalité nous échappe totalement (A. H. Chase, dans Harvard Studies in Classical Philology, XLIII, 1932, p. 51-76), ainsi que Sidoine sont ses correspondants.

156 Sur le poème en six livres composé par Paulin de P. à la gloire de Martin, supra, p. 98 ; pour les tituli et peintures de la basilique Saint-Martin, Append., VI.

157 Paulin de P., De vita s. Martini, ProL, p. 18 : honore successor, humilitate venerator; VI, ν. 301-302, p. 151 : Perpetuus, domini non solum nomine cultor / et praegressa pii sec- tans exempta magistri; De visitatione nepotuli sui, ν. 38, p. 163 : Perpetuus, tanti gavisus laude magistri.

158 HF, X, 31, 6, p. 529-531.

159 Sidoine, Epist., IV, 18, 4, p. 152.

160 voir, n. 131, supra.

161 De Vita s. Martini, VI, v. 111-151, p. 143-144; surtout v. 121-125: Interea trepido vicinia maestà pavore / pallebat tanti proceris discrimine, et omnis / anxia pendebat popu- lorum cura paventum, / dum se quisque putat similem perferre procellam / inque uno nutat, quidquìd consistit in uno.

162 Sidoine, Epist., VII, 9.

163 Sidoine, Epist., VII, 8, 3, p. 51.

164 Sidoine, Epist., VII, 6.

165 HF, Π, 25, p. 70-71. On voit bien comment Grégoire transpose les informations fournies par sa source pour leur donner un tour plus dramatique. Ce ne sont plus les Églises qui sont décapitées — au figuré — par les sentences d'exil frappant leurs chefs; mais — au sens propre — les évêques eux-mêmes; la végétation qui s'est développée spontanément devant les portes des sanctuaires ruraux désertés se transforme en buissons épineux plantés sur l'ordre d'Euric pour empêcher l'accès aux églises.

166 Ibid. : Maxime tune Novimpopulanae geminaeque Germaniae (Aquitaniae) urbes ab hac tempestate depopulatae sunt.

167 Concilium Andegavense (4 oct. 453), CG, I, p. 137-139.

168 Epistola episcoporum Leonis, Victuri et Eustochi, ibid., p. 136.

169 L. Duchesne, Fastes, II, p. 246-247. Il est difficile de préciser les rapports chronologiques entre les deux documents. La lettre des trois évêques pourrait avoir été rédigée après le synode d'Angers (Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, II, 2, p. 883) : le fait que Chariato, présent à cette réunion, figure au nombre des destinataires laissant supposer que, peut-être à sa requête, trois des Pères du concile ont ensuite développé à l'intention des Églises de l'Ouest le texte du canon 1. Mais l'absence du nom de Thalasius dans la lettre relative au for episcopal peut aussi bien laisser croire que celle-ci «fut écrite pendant la vacance du siège d'Angers, entre la mort de Maurille et l'élection de Thalasius» (L. Duchesne, ibid., p. 246), c'est-à-dire entre le 13 septembre 453 date de la mort de Maurille {ibid., p. 357) et le 4 octobre de cette année. Il reste qu'on comprend mal dans cette dernière hypothèse, la hâte des trois prélats à se mettre au travail avant l'arrivée de leurs autres collègues.

170 La Notitia Galliarum mentionnait au début du siècle une neuvième cité en Lyonnaise Troisième, la civitas Diablintum. Mais si Jublains fut alors doté — ce que l'on ignore — d'un siège episcopal, celui-ci disparut très rapidement avec la réunion du territoire des Diablintes à celui du Mans (L. Duchesne, ibid., p. 242-243 ; E. Griffe, La Gaule chrétienne, II, p. 118-119).

171 Sur ce transfert et sur d'autres, peut-être aussi déjà réalisés, P. Merlet, La formation des diocèses et des paroisses en Bretagne, dans Mém. de la Sté d'Hist. et d'archéol. de Bretagne, XXX, 1950, p. 5-61 et L. Fleuriot, op. cit., p. 30-32; ajoutons que pour ce dernier {ibid., p. 145), Chariato pourrait être le même personnage que le Mansuetus qui signe au concile de Tours en 461 (voir infra) en qualité d'évêque des Bretons et qui aurait entre-temps adopté la traduction latine de son nom breton, dont le sens est «charitable».

172 Concilium Turonense, CG I, p. 143-149. Sur le sens de la fête qua domni nostri Martini recepito celebratur, infra, p. 471 sq.

173 L. Duchesne (Fastes, III, p. 247-248) estime cependant qu'« il ne s'agit pas ici d'un concile provincial».

174 Concilium Veneticum, CG, I, p. 150-158.

175 L. Duchesne, Fastes, II, p. 248-249.

176 F. Merlet, art. supra cit., p. 53-54, qui propose pour cette raison de placer la réunion de Vannes vers 465.

177 Adresse de l'Epistola episcoporum Leonis, Victuri et Eustochi (éd. cit., p. 136). 17*Conc. Venet., can. 15, p. 155.

179 Epistola sancii Lupi et sancii Eufronit episcoporum, CG, I, p. 140-141.

180 Loup et Eufronius, dans leur réponse, semblent quelque peu embarrassés par cette consultation : ils se bornent à indiquer quelle est la consuetudo de leurs Églises sans prétendre imposer une règle générale.

181 Cone. Andegav., can. 4, 6 et 11. 1S2Conc. Venet., can. 15.

183 Perpetuus episcopus hanc definitionem nostram relegi et subscripsi et ea quae a fra- tribus nostris vel a nobis prius statuti sunt censeo observanda (CG, I, p. 157).

184 Pour la culture de Perpetuus, supra, n. 154; sur les sources de cette législation, C. Munier, CG, 1, ad. loc.

185 Cone. Andegav., can. 1 et 7; Cone. Turon., can. 5, 11 et 12; cone. Venet., can. 5. Pour l'étude approfondie de cette législation et de l'organisation ecclesiale, infra, p. 671 sq. et p. 681 sq.

186 Cone. Andegav., can. 1 ; Epistola episcoporum Leonis, Victuri et Eustochi; conc. Venet., can. 9

187 Con. Andegav., can. 11; conc. Turon., can. 1-4; conc. Venet., can. 11. lssConc. Andegav., can. 3; conc. Turon., can. 2; conc. Venet., can. 13.

189 Conc. Andegav., can. 5; conc. Turon., can. 6; conc. Venet., can. 4.

190 Conc. Venet., can. 8.

191 Conc. Andegav., can. 8; conc. Venet., can. 6 et 7.

l92Conc. Turon., can. 7; cone. Venet., can. 1.

193 Cone. Venet., can. 1.

194 Cone. Andegav., can. 6; Cone. Venet., can. 2.

195 Cone. Andegav., can 5 et 12; cone. Turon., can. 8; Cone. Venet., can. 3.

196 Dans ce cas le concile d'Angers interdit toute promotion à un degré supérieur du cursus pour les clercs mineurs et prévoit la suspension pour les clercs majeurs (can. 4); le concile de Tours frappe la même faute de l'excommunication (can. 3).

197 Les clercs ivrognes sont menacés de châtiments imprécis par le concile de Tours (can. 2); d'une suspension de la communion pendant 30 jours ou d'un châtiment corporel par le concile de Vannes (can. 13).

198 Cone. Turon., can. 1 et 2; Cone. Venet., can. 11.

199 Cone. Venet. Cone. Agath.

can. I can. 37

can. 5, 6, 7, 8 can. 38

can. 11 can. 39

can. 12 can. 40

can. 13 can. 41

can. 16 can. 42

200 L. Duchesne, Fastes, II, p. 249-250. F. Maassen, Geschichte der Quellen und der Literatur des canonischen Rechts, I, Graz, 1870, réimp. 1956, p. 201-202.

201 L'ecclesia sanctorum Gervasii et Protasii, HF, X, 31, 5.

202 La basilica sancii Petri et Pauli (HF, II, 14; Χ, 31, 6; VM, IV, 35); et la basilica sancii Martini (Sidoine, Epist. IV, 18; Paulin de Périgueux, Vita Martini, VI, v. 264-289; Grégoire, HF, Π, 14; Χ, 31, 5; VM, I, 6). Sur ces différents édifices, infra, chap. V.

203 Vita Martini, VI, ν. 265-290, éd. M. Petschenig, p. 149-150 (cf. Grégoire, VM, I, 2). Le peuple unit ses efforts pour transporter les colonnes; chacun rivalise de zèle. L'épouse d'un propriétaire foncier prélève dans une exploitation rurale voisine les instrumenta (v. 274) qui facilitent l'opération ; son époux, rendu furieux par le démon, tente de s'opposer, mais il se noie au passage d'une rivière, frappé par la vengeance divine.

204 HF, X, 31, 3-7.

205 Paulin de Périgueux, Vita Martini, VI, v. 351-368, éd. cit., p. 153-154.

206 HF, X, 31, 7.

207 ypt xvi; GC, 15. Sur tous ces moines et ascètes, PGC, s.v.; sur leurs fondations, infra, p. 654 sq.

2°8 GC, 22.

209 yP> xvill, 2.

21° GM, 46; HF, X, 31. 5 et 6. Infra, p. 355 sq. et 487 sq.

211 HF, X, 31-6. Infra, p. 433 sq.

212 Infra, p. 388 sq., et Append. VI.

213 À l'extrême fin du IVe siècle, Victrice de Rouen (De laude sanctorum, 6, éd. R. Herval, Origines chrétiennes; de la IIe Lyonnaise gallo-romaine à la Normandie ducale, Rouen-Paris, 1966, p. 123) et Martin de Tours ont obtenu, sans doute lors de leur commun séjour à Vienne, des reliques des deux saints milanais (infra, p. 488). La civitas Vien- nensium a reçu, au même moment semble-t-il, sa part de brandea, puisque au début du Ve siècle, l'épitaphe de la viennoise Foedula (supra cit.), enterrée auprès des «grands» Gervais et Protais, atteste l'existence de la memoria sanctorum Gervasii et Protasii. Le patronage de Gervais et Protais pour l'ecclesia du Mans n'est attestée qu'à l'époque de l'évêque Innocent (553-559) qui aurait procédé au dépôt de leurs reliques (Actus Pontifi- cum Cenomannis in urbe degentium, éd. G. Busson et A. Ledru, Le Mans, 1901, p. 54 et 55).

214 De la confiance que l'on mettait au Mans en Gervais et Protais pour monter la garde aux murailles de la cité témoigne un onyx du VIIe s., aujourd'hui disparu, mais dont on a conservé le dessin (R. Garrucci, Storia dell'arte cristiana, VI, pi. 478, η. 40) : les deux saints, vêtus du pallium, sont placés de part et d'autre de la porte fortifiée de Cae- nomani qu'ils protègent de leur bras tendu.

215 L'expression est de Victrice, De laude sanctorum, 12, éd. cit., p. 147: e caelitum castris tantus militum et regum numerus advenerit.

216 M. Meslin, Les Ariens d'Occident, Paris, 1967, p. 54 : «Quelle que soit l'authenticité de la découverte, l'utilisation politique et anti-arienne de cette invention ne fait aucun doute ».

217 Sulpice Sévère, Vita M., 5, 1 et 6, 4-5, p. 264-266. Martin, «sans doute chargé d'une mission de propagande par Hilaire de Poitiers», se rend à Sabaria, son pays natal, où sa fidélité à l'orthodoxie nicéenne lui vaut d'être fouetté publiquement et chassé de la ville sur l'ordre de l'évêque qui est probablement Gaius, « l'un des principaux chefs de l'ho- méisme illyrien », (M. Meslin, op. cit., p. 64-65). Lorsque Martin revient d'Illyricum, il se heurte à Milan, pour les mêmes raisons, à l'hostilité de l'évêque arien Auxence (Id., p. 42).

218 Paulin de Périgueux, Vita Martini, I, v. 238-260, p. 28-29.

219 Ibid., ν. 238.

220 Ibid., ν. 253-254 : sed cum funestus toto saeviret in orbe / error et extremos preme- rent haec crimina Gallos, /. . .

221 Ibid., ν. 255.

222 Ibid., ν. 243-244.

223 Voir Append. VI, n° 9 et 14.

224 Supra, p. 126 et n. 113. É. Demougeot, La formation de l'Europe, II, 2, p. 685-690. 225 HF, II, 27, p. 71 : Siacrius Romanorum rex; Frédégaire {Chronique, III, 15, éd. Krusch, MGH, srm, II, p. 95) donne à Syagrius le titre de patricius Romanorum.

226 HP, II, 27, ibid.

227 HF, Π, 35, p. 84.

228 Le texte de deux lettres écrites par Rémi de Reims à Clovis nous est parvenu (CC 117, p. 407-413) : la première félicite le roi soit à l'occasion de son avènement, soit à la suite de la victoire remportée sur Syagrius ; la deuxième exprime des condoléances après la mort d'Alboflède, sœur de Clovis.

229 La fameuse histoire du vase de Soissons, (HF, II, 27) en fournit un exemple.

230 Sur les problèmes posés par la chronologie des principaux événements du règne de Clovis et notamment de son baptême, le point a été fait par G. Tessier, Le baptême de Clovis, Paris, 1964, p. 71-126.

231 VP, XVIII, 2, p. 285 : Silarius quidam Gothus qui magno cum Alarico rege amore dilegebatur. Sur ce personnage, supra, p. 130.

232 HF, II, 26, p. 71 : Volusianus. . . a Goîhis suspectus habitus, episcopatus sui anno septimo in Hispaniis est quasi captivus adductus, sed protinus vitam finivit; HF, X, 31, 7,

p. 531 : Hujus tempore jam Chlodovechus regnabat in aliquibus urbibus in Galliis. Et ob hanc causam hic pontifex suspectus habitus a Gothis, quod se Francorum dicionibus subde- re vellit, apud urbem Tholosam exilio condempnatus, in eo obiit.

233 HF, X, 31, 8, p. 531 : Et ipse pro memoratae causae zelo suspectus habitus a Gothis, in exilio deductus vitam finivit.

234 Texte supra cit., n. 141.

235 M. Rouche, L'Aquitaine, p. 48 et, p. 47, carte des évêchés gaulois soumis aux Wisigoths avec indication «des évêques hostiles ou exilés avant 506 ou en 506».

236Addimenta codicis Hauniensis ad Prosperum, ann. 496, éd. Th. Mommsen, MGH, AA, IX, p. 331 : Alaricus ann. XII regni sui Santones obtinuit. Les commentateurs s'accordent à reconnaître les Francs dans les adversaires sur lesquels Alaric a reconquis Saintes : W. Levison, Zur Geschichte des Frankenkönigs Chlodwig, dans Bonner Jahrbuch, CHI, 1898, p. 60-67; W. von den Steinen, Chlodowigs Übergang zum Christentum, dans Mitteilungen des österreichischen Instituts für Geschichtsforschung, XII, Erg. Band, 1933, p. 417-

501, surtout p. 476; L. Schmidt, Die Ostgermanen, 2e éd., Munich, 1934, p. 497; L. Levil- lain, La conversion et le baptême de Clovis, dans Revue d'histoire de l'Église de France, XXI, 1935, p. 161-192 et La crise des années 507-508 et les rivalités d'influence en Gaule de 508 à 514, dans Mélanges N. Iorga, Paris, 1939, p. 537-567; P. Courcelle, Histoire littéraire des grandes invasions germaniques, op. cit., p. 239-241 ; M. Rouche, L'Aquitaine, p. 45.

237 Addimenta codicis Hauniensis ad Prosperum, ann. 498, p. 331 : Franci Burdigalam obtinuerunt et a potestate Gothorum in possessionem sui redegerunt capto Suatrio Gothorum duce.

238 L'hypothèse est esquissée par W. von den Steinen, art. supra cit., p. 476, n. 2 et reprise par M. Rouche, L'Aquitaine, p. 45.

239 Epist., éd. supra cit., p. 122 : cum esset homo astutissimus, voluit adquiescere ante- quam vera agnosceret. Cum ista, quae supra dixi, probata cognovit, humilis ad domni Martini limina cecidit et baptizare se sine mora promisit, qui baptizatur quanta in hereticos Alaricum vel Gundobadum regum fecerit, audisti.

240 HF, II, 30.

241 HF, II, 31, p. 77, où Grégoire qualifie Clovis s'avançant vers la cuve baptismale de novos Constantinus. Sur ce thème, infra, p. 773 sq.

242 VP, XVII, 1.

243 Une des sœurs de Clovis, Lantechildis, avait adhéré à la foi arienne avant de se convertir, à la suite de son frère, au catholicisme (HF, II, 31).

244 C'est le sentiment qu'exprime Avit de Vienne dans sa lettre de felicitation à Clovis (éd. Peiper, MGH, AA, VI, 2, p. 75) : vestra fides nostra victoria est.

245 L'hypothèse du baptême à Tours, soutenue par B. Krusch (Chlodowechs Taufe in Tours 507 und die Legende Gregors von Tours, Reims 496, dans Neues Archiv., XLIX, 1932 p. 457-649), ne peut être défendue. Certes Grégoire ne mentionne pas explicitement le lieu de la cérémonie (HF, II, 31); mais dans son récit qui met en valeur le rôle de l'évêque, Rémi de Reims, il va de soi que le baptême a eu lieu au siège de ce prélat. C'est d'ailleurs ce qu'a compris au VIIe s. Frédégaire en résumant le chapitre de Grégoire : cum . . . Chlo- doveus Remis fuisset reversus, clam a sancto Remedio Rhemensis urbis episcopo . . . baptis- mi gratia. . . consecratus est. (Chronique, 21 ; éd. B. Krusch, MGH, srm, II, 1888, p. 100).

246 HF, II, 35, p. 84.

247 Son nom figure dans les listes de souscriptions de divers manuscrits : Leo diaco- nus missus a domino meo Vero episcopo Toronice civitatis subscripsi {ex codice P., fol. 9, CG, I, p. 214); Leo diaconus missus a domno meo Vero episcopo subscripsi {ex. codd. CDGK Ly MNRT, ibid., p. 219). La présence du diacre tourangeau au concile est également attestée par une lettre de Césaire d'Arles à Ruricius de Limoges {Epist. ad Ruricium, 7, éd. A. Engelbrecht, CSEL XXI, 1891, p. 448).

248 C'est la conclusion à laquelle s'arrête E. Griffe {L'épiscopat gaulois et les royautés barbares de 482 à 507, dans Bull, de Littérature Ecclés., 1975, p. 261-284, surtout p. 284 : «Ainsi même dans le très arien royaume wisigothique, l'entente des évêques et du prince semblait être assurée pour l'avenir. On peut dire qu'à la fin de l'année 506 la situation du catholicisme était partout satisfaisante. . .» En revanche, M. Rouche {L'Aquitaine, p. 43-

44 et 48) insiste avec raison sur l'hostilité foncière et durable de l'épiscopat catholique à la domination des Wisigoths ariens.

249 Supra, p. 151.

250 Dans la lettre qu'il adresse après la clôture du concile à Ruricius de Limoges, (Epist. 7, éd. supra cit., p. 448-449), Césaire d'Arles mentionne non seulement la présence à Agde du diacre de Verus porteur de lettres, mais aussi son entretien récent avec l'évê- que de Tours. La rencontre doit se situer à l'extrême fin de 506, puisque Césaire évoque l'approche d'une nouvelle année, superv 'eniente anno.

251 Verus est mort soit à l'extrême fin de l'année 506 (supra, n. 250), soit au début de 507, puisque son successeur, Licinius, était déjà investi de la charge episcopale lorsque se déroula la campagne victorieuse de Clovis contre les Wisigoths, campagne qui débute au printemps 507 (HF, II, 39, p. 89).

252 HF, II, 39, p. 89 et X, 31, 9, p. 531.

253 On notera que la carrière du nouvel évêque l'avait conduit de son Anjou natal, probablement déjà contrôlé par les Francs, à la cité de Tours encore aux mains des Wisigoths, où il avait pu apporter un témoignage nouveau sur la politique franque.

254 HF, II, 37, p. 85.

255 Grégoire mentionne seulement le passage d'une partie de l'armée franque à travers le territoire de Tours : pars hostium (il s'agit des ennemis d'Alaric) per territurium Turonicum transiebat . . . (HF, II, 37) et l'envoi par le roi de messagers dans la ville de Tours.

256 HF, II, 37, p. 85-86.

257 Ibid. : Quod psallentium audientes, Domino grattas agentes et vota beato confessori prominentes, laeti nuntiaverunt regi.

258 HF, Π, 37, p. 85 : ... pro reverenda beati Martini dedit edictum, ut nullus de regione Ma aliud quam herbarum alimenta aquamque praesumeret. Un soldat qui contrevient à cette décision est exécuté sur l'ordre du roi.

260 Clovis a passé l'hiver 507-508 à Bordeaux (ibid.).

261 HF, II, 37-38, p. 88-89 : Post haec, pattata victuria, Turonus est regressus, multa sanctae basilicae beati Martini munera offerens. Igitur ab Anastasio imperatore codecillos de consolato accepit, et in basilica beati Martini tunica blattea indutus et clamide, inponens vertice diademan. Tune ascenso équité, aurum argentumque in itinere ilio, quod inter por- tam atrii et eclesiam civitatis est, praesentibus populis manu propria spargens, voluntate benignissima erogavit.

262 Ibid., p. 89.

263 Les principales interprétations données au récit de Grégoire sont résumées par P. Courcelle {Histoire littéraire, p. 242-250), qui estime personnellement possible que les clercs tourangeaux « aient . . . acclamé ou fait acclamer par la foule Clovis auguste » ; cf. E. Zöllner, Geschichte der Franken, p. 66-69.

1 HF, III, 1, p. 97. Sur les partages du regnum Francorum dans la première moitié du VIe siècle, A. Longnon, La géographie de la Gaule au VIe siècle, Paris, 1878; E. Ewig, Die fränkischen Teilungen und Teilreiche (511-613), dans Akademie der Wissenschaften und der Literatur, Abhandlungen der Geistes und Sozialwissenschaftlichen Klasse, IX, Wiesbaden, 1952, p. 615-715; G. Tessier, Le baptême de Clovis, Paris, 1964, p. 171-186; E. Zöllner, Geschichte der Franken bis zur Mitte des sechsten Jahrhunderts, Munich, 1970, p. 74- 108.

2 Longnon, Géographie, p. 93 sq. Les deux seules civitates que Grégoire mentionne explicitement comme faisant partie du royaume de Clodomir sont Orléans, résidence royale (HF, III, 6 et IV, 22) et Tours dont un évêque, Ommatius, est consacré par ordre de ce souverain (HF, III, 17). L'appartenance de Sens, d'Auxerre et de Troyes au royaume de Clodomir peut être déduite assez aisément des récits de Grégoire (Ewig, op. cit., p. 653, note 5 ; Zöllner, p. 77-78). En ce qui concerne Chartres, Angers et Nantes, on ne dispose d'aucun témoignage précis pour la période 511-524; on les attribue soit à Clodomir (Ewig, Zöllner, ibid.), soit à Childebert (Tessier, p. 172). Si l'on admet qu'après 524 Nantes fut divisée entre Clotaire et Childebert (voir infra), cela implique que cette civitas — ainsi que sa voisine, Angers — appartenait à l'héritage laissé par Clodomir.

3 Pour les possessions de Clodomir en Aquitaine, Ewig, p. 659 et p. 661 ; Zöllner, p. 77.

4 Clodomir est tué à Vézeronce (Isère, arrondissement de La Tour du Pin, canton de Morestel), HF, III, 6; Marius d'Avenches, Chronique, ann. 524 {Justino et Opilione, Ind. II) : Eo anno contra Chlodomerem regem Francorum Viseroncia [Godemorus] proeliavit ibique interfecto Chlodomero. (éd. Th. Mommsen, MGH, AA XI, 2, p. 235). La date exacte de la bataille est donnée par l'épitaphe d'un combattant qui y trouva la mort {CIL,, XIII, 1657).

5 Les deux aînés, Théodoald (10 ans) et Gonthier (7 ans), sont assassinés et le troisième, Chlodovaldus (Cloud), réussit à s'enfuir et entre dans les ordres. Leur forfait accompli, Childebert et Clotaire regnum Chlodomeris inter se aequa lance diviserunt. (HF, III, 18). Thierry reçut aussi une part de l'héritage (Ewig, p. 668; Zöllner, p. 81). Étant donné que, dans le récit de Grégoire, le meurtre des trois enfants n'est pas relaté immédiatement après la mort de Clodomir, Van de Vyver (dans Revue belge de philologie et d'histoire, XVI, 1937, p. 94, n. 1) a supposé que le massacre et le partage qui suivit intervinrent plusieurs années après 524. De même, se fondant sur l'âge atteint par les fils de Clodomir au moment où la mort, pour deux d'entre eux, et l'entrée dans les ordres, pour le troisième, les éliminent de la succession, L. Dupraz {Le partage de la succession de Clodomir, fils de Clovis, dans Annales Fribourgeoises, XLI, 1953, Mélanges Castella, p. 160-175) propose de situer au plus tôt en mars-avril 532, au plus tard en mars-avril 533, le partage du royaume de Clodomir. Cependant les oncles avaient intérêt à faire disparaître le plus tôt possible les jeunes héritiers et il n'est d'ailleurs question d'aucune solution provisoire pour l'administration du royaume de Clodomir (Zöllner, op. cit., p. 81, n. 3).

6 Longnon, Géographie, p. 98 et 102-103, qui fait erreur en attribuant Angers à Thierry; Ewig, op. cit., p. 668 : Zöllner, op. cit., p. 81. Pour Tours et Poitiers, les interventions de Clotaire dans la vie de ces cités ne laissent aucun doute sur leur attribution (HF, IV, 2 et 1 1 ; voir infra).

7 Ce partage de la civitas de Nantes, selon l'hypothèse proposée par Ewig (op. cit. p. 668, n. 6) et acceptée par Zöllner (op. cit., p. 81), laisse la ville elle-même à Childebert; l'évêque de Nantes envoie en effet un représentant au concile d'Orléans de 538 auquel ne participent pas les prélats du royaume de Clotaire. Cependant l'évêque de Tours avait été lui aussi invité (par courtoisie?), puisqu'il délègue un de ses prêtres pour le représenter.

8 Ewig, op. cit., p. 653; Zöllner, p. 78.

9 Marius d'Avenches, ChroYiica, ann. 534 (éd. cit., p. 235); Grégoire, HF, III, 11, p. 108. Sur le partage de la Burgondie, Ewig, op. cit., p. 67O67 1, Zöllner, p. 87 : Clotaire semble avoir obtenu le Sud du royaume avec Valence et Embrun.

10 HF, IV, 9, p. 141 ; Marius d'Avenches, Chronica, ann. 555, 1 (éd. cit., p. 236) (Cf. Aga- thias, Histoires, II, 14). Ewig, op. cit., p. 675; Zöllner, p. 101.

nHF, III, 11 et 13.

12 HF, IV, 9, p. 141.

13 HF, IV, 13, p. 144: Chramnus vero his diebus apud Arvernus resedebat; et IV, 16, p. 148 : Chramnus ab Arverno regressus, Pectavus civitatem venit. Ubi cum magna potentia reseder et. : .

14 Grégoire lui donne le titre de rex et le montre entouré d'un conseil, usant de prérogatives royales pour frapper monnaie, émettre des préceptes et destituer un comte (HF, IV, 13); Zöllner, op. cit., p. 103; M. Rouche, L'Aquitaine, op. cit. p. 62.

15 Infra, p. 208.

16 Longnon, Géographie, p. 107; Ewig, op. cit., p. 653; Zöllner, op. cit., p. 78. De cette appartenance témoignent pour Le Mans sinon l'acte de donation d'Haregarius et de Testina, un document interpolé et de date contestée (éd. J. Havet, Œuvres, 1, Paris, 1896, p. 424), du moins la Vita s. Carileffi, 7 (MGH, srm, III, p. 391) et, pour les cités d'Armori- que, l'hagiographie bretonne (Duchesne, Fastes, I, 1910, p. 250 et infra, p. 188 sq.).

17 Ewig, op. cit. p. 668 et Zöllner, p. 81.

18 Selon Ewig (op. cit., p. 658 sq.), qui se fonde essentiellement sur une certaine concordance entre le royaume de Childebert et le Tractus armoricanus, chacun des lots constitués au partage de 511 aurait pour origine une circonscription militaire de la fin de l'époque romaine. Cette hypothèse fragile est contestée par Tessier, op. cit., p. 172. On notera en revanche que les différents partages laissent toujours associées les cités de Tours et de Poitiers. Il est peu probable que les souverains mérovingiens aient eu scrupule à séparer deux villes qu'unissait étroitement leur passé chrétien. On pensera plus volontiers qu'ils ont jugé bon de laisser sous une même autorité un ensemble de territoires qui formaient transition entre les domaines depuis longtemps acquis aux Francs, au Nord de la Loire, et l'Aquitaine, plus récemment et plus difficilement intégrée au regnum Francorum; la Touraine et le Poitou constituaient d'ailleurs dès cette époque une région militaire commandée par un dux.

19 Modestus, episcopus de Venitus ou, dans certains manuscrits, episcopus ecclesiae Venetecae (CG, II, p. 13-19). L'évêque Litardus (ou Litharedis, Lidaritus, Lidardus, Litare- dus) qui participe à ce même concile (ibid.) et signe pour une cité dont le nom présente des leçons diverses, Uxuma, Uxoma, Uxuno ou encore ecclesiae Exomensae n'est pas l'évêque de la civitas Ossismorum comme le supposait en 1890 L. Duchesne (Les anciens catalogues épiscopaux de la province de Tours, p. 87), mais l'évêque de Séez (Lyonnaise Seconde), comme il le reconnaît vingt ans plus tard dans les Fastes (I, p. 244, n. 1). Sur ce problème, F. Merlet, La formation des diocèses et des paroisses en Bretagne, dans Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne, XXX, 1950, p. 5-61 et XXXI, p. 137- 172, surtout p. 54, n. 245.

20 HF, IV, 4, p. 137 : Nam semper Brittani sub Francorum potestatem post obitum régis Chlodovechi fuerunt.

21 Ibid., p. 137-138 : et comités, non régis appellati sunt.

22 C'est le terme qu'emploie Grégoire lui-même dans le chapitre (HF, IV, 4), où il vient d'affirmer que les comtes bretons ne portent pas le titre royal.

24 HF, IX, 30, p. 448 : Post mortem vero Chlothari régis Charibertho rege populus hic sacramentum dédit.

25 HF, III, 14, p. 110. Quelque lignes plus haut, Grégoire attribue au prétendant les paroles suivantes : Egrediar et collegam populum meum atque exegam sacramentum ab eis (ibid.). Sur l'usage du serment de fidélité à cette époque, Zöllner, op. cit., p. 127-128.

26 Le comte, installé au chef -lieu de la cité, nommé par le roi et révocable par lui, possède en fait tous les pouvoirs dans sa circonscription, la civitas; R. Sprandel, Dux und comes in der Merowtngerzeit, dans Zeitschrift der Savigny Stiftung für Rechtsgeschichte, t. LXXIV, 1957, p. 58-68.

27 Grégoire mentionne la présence d'un judex à Tours dans un chapitre du De virtuti- bus s. Martini (I, 11, p. 145) qui suit de près un récit relatif à l'évêque Baudinus (VM, I, 9); un peu plus tard, mais toujours sous le règne de Clotaire, le judex loci intervient à la basilique Saint-Martin (HF, IV, 18). L'historien emploie, souvent semble-t-il, le terme de judex comme synonyme de cornes (HF, IV, 46; VI, 8; VII, 15; VII, 47). L'équivalence des deux termes est certaine dans le cas de Macco, appelé juge puis comte de Poitiers (HF, X, 15) et dans un récit des Vitae Patrum (VIII, 9, p. 249) : episcopus autem narravit haec corniti; judex vero, vocatum Burgundionem, percunctari coepit ab eo, quid exinde dicerei). La loi salique identifie d'ailleurs judex et cornes : judex hoc est comes aut grafio (Cap. III, Lex sal, 100, 1 ; 102, 1 ; éd. Κ. A. Eckardt, p. 416 et 418).

28 VM, I, 24, p. 151 : Alpinus quoque comes Turonicae civitatis. . . Les notices qui constituent ce recueil des miracles posthumes de Martin sont classées par ordre chronologique, à quelques exceptions près signalées par l'auteur (voir infra, p. 539). Le récit où Grégoire met en scène Alpinus s'insère entre deux chapitres qui font mention du règne de Clotaire.

29Austrapius était en fonction depuis un certain temps déjà, lorsque Chramne se révolta-.une première fois contre Clotaire {infra, p. 208) ; il séjournait alors à Tours {HF, IV, 18). Chramne ayant fait soumission, en 558, Clotaire restitue à Austrapius sa charge : c'est en sa qualité de dux, que ce dernier vient en aide à Radegonde pour la construction de son monastère à Poitiers (Baudonivia, Vita Radegundis, II, 5, MGH, srm, II, p. 381). Par la suite, comme le précise Grégoire {HF, IV, 18), il est ordonné évêque à Champtoceaux.

30 Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 4, CG, II, p. 6; seuls les fils et petits-fils de clercs sont dispensés de demander cette autorisation. Sur la portée de ce canon L. Duchesne, L'Église au VIe siècle, Paris, 1925, p. 502.

31 Le deuxième concile d'Orléans en 533 {can. 7, CG, II, p. 100) et le troisième concile d'Orléans en 538 {can. 3, ibid., p. 115) rappellent la règle à suivre pour l'élection et la consécration du métropolitain.

32 Cone. Aurelian., can. 10, ibid. p. 151-152 : ut nulli episcopatum praemiis aut conpa- ratione liceat adipisci, sed cum voluntate régis juxta electionem cleri ac plebis, sicut in anti- quis canonibus tenetur scriptum, a metropolitano vél, quem in vice sua praemiserit, cum conprovincialibus pontifex consecretur.

33 HF, II, 43, p. 94.

34 HF, III, 6.

35 G. Kurth, Sainte Clotilde, Paris, 1897, p. 87-88 et 133.

36 HF, III, 17, p. 117; HF, X, 31, 10, p. 532. Non seulement la reine s'est substituée aux légitimes électeurs, mais encore elle a donné le siège de Tours à deux évêques qui régnent simultanément, «une anomalie fort rare», comme le remarque Duchesne (Fastes, II, p. 285, n. 3). Dans une note à son édition de Grégoire de Tours (cf. PL LXXI, col. 568, note j), Ruinart proposait de voir en Th. et P. non de véritables évêques, mais des administrateurs délégués provisoirement (le terme subrogantur, HF, X, 31, 10, l'indiquerait), à l'occasion d'une vacance du siège episcopal. Pour appuyer cette théorie, il se réfère à des cas cités par Grégoire le Grand, Epist., I, 43, de mai 591 (éd. P. Ewald et L. Hartmann, MGH, Epist., I, 1891, p. 69-70) : des évêques d'Italie et d'Illyricum, chassés de leur siège — comme l'ont été Theodorus et Proculus — sont installés dans d'autres Églises, non qui- dem ut per communionem episcopalis thront dignitas dividatur, sed ut ab ecclesia. . . debeant alimenta percipere. L'hypothèse ne peut être retenue : Grégoire de Tours considérait Theodorus et Proculus comme des évêques à part entière, puisqu'il leur fait une place dans chacune de ses deux listes épiscopales et qu'il s'exprime à leur propos en des termes identiques à ceux employés pour d'autres prélats : l'expression subrogantur, à laquelle Ruinart fait un sort particulier, est utilisée deux autres fois, à propos de l'avènement de Volusianus (HF, II, 26) et de Guntharius (HF, IV, 4).

37HF,X, 31, 11, p. 532.

38 HF, III, 17, p. 117.

39 HF, III, 17 et HF, X, 31, 13-15.

40 HF, IV, 2; sur cet épisode, infra, p. 201.

41 HF, IV, 3, p. 137; HF, X, 31, 16, p. 533. 42#F, X, 51, 17, p. 533.

43 HF, IV, 11, p. 141-142; cf. HF, IV, 15, p. 147.

44 HF, IV, 5 et 6.

45 HF, IV, 7.

46 HF, IV, 7, (haine réciproque de Cautinus et Cato et les divisions internes qui en résultent dans le clergé de Clermont); HF, IV, 13 (menaces et outrages de Chramne à l'adresse de l'évêque Cautinus).

47 HF, IV, 11, p. 142.

49 La vacance après la mort de Guntharius s'est prolongée pendant une année entière (HF, X, 31, 17, p. 533 : Cessavitque episcopatum anno I).

50 HF, IV, 15, p. 147.

52 HF, IV, 15, p. 147: Respondit rex : '... Fiat voluntas Dei et beati Martini, electio compleatur '. Et data praeceptione, octavos decimus post beatum Martinum sanctus Eufronius ordinatur episcopus.

53 L. Pietri, La succession . . ., tableau I, p. 569.

54 HF, III, 17.

55 HF, X, 31, 17.

56 De Theodorus et Proculus, Grégoire écrit : Erant autem ambo senes valde (HF, X, 31, 10, p. 532); il qualifie Baudinus de senior (VM, I, 9, p. 144), un terme qui implique sans doute respect pour la fonction, mais aussi pour l'âge.

57 HF, III, 17, p. 1 17 : Theodorus et Proculus epìscopi, qui de partions Burgundiae adve- nerant. . .; HF, X, 31, 10, p. 532 : Theodorus et Proculus, jubente beata Chrodielde regina, subrogantur, eo quod de Burgundia jam episcopi ordinati ipsam secuti fuissent et ab hosti- litate de urbibus suis expulsi fuerant. (Voir L. Pietri, art. cit., n. 53). M. Rouche, (L'Aquitaine, p. 45 et n. 252, p. 487) pense que Theodorus et Proculus ainsi que leur successeur sur le siège de Tours, Dinifius, avaient tous trois, victimes de la persécution arienne, été « expulsés » du royaume burgonde et qu'ils séjournaient depuis longtemps (avant même la conversion de Clovis), auprès de la reine Clotilde. Il s'agit là d'une hypothèse séduisante mais impossible à vérifier.

58 HF, X, 31, 11, p. 532 : Dinifius episcopus, et ipse ex Burgundia veniens. Le nom même de ce prélat paraît étrange. A-t-il été altéré dans les manuscrits dont certains offrent des leçons différentes : Dinifilius (HF, III, 2); Difius ou Dynifius (HF, III, 17); Difi- nius, Dinifus et Anifius (HF, X, 31, 11)?

59 HF, X, 31, 12, p. 532 : Ommatius de senatoribus civibusque Arvernis, valde dives in praediis. L'évêque Ommatius de Tours (Stroheker, Der senatorische Adel, n° 267 et stemma, I) avait pour grand-père maternel le sénateur auvergnat Ommatius (id., n° 266), dont la fille, Hiberia (id., n° 191), épousa Ruricius l'Ancien. Ce dernier, issu d'une famille sénatoriale d'Aquitaine, après avoir eu de cette union six enfants — dont le futur prélat tourangeau — entra dans les ordres et devint vers 485 évêque de Limoges (Stroheker, n° 327). Sur les liens de parenté entre Ruricius l'Ancien et Volusianus de Tours, supra, p. 134.

60 Ommatius avait été destiné à l'état ecclésiastique par son père qui se chargea de son éducation (Ruricius, Epist. II, 28, éd. A. Engelbrecht, p. 412). Avant 490, il devint, avec son frère Eparchius, membre du clergé de Clermont, dont l'évêque était alors Aprunculus (Ruricius, Epist. II, 56 et 57, p. 436 et 437). Lorsqu'il fut élu vers 522 au siège de Tours, il devait avoir une cinquantaine d'années; il a donc accédé à la charge episcopale à un âge beaucoup moins avancé que ses prédécesseurs et successeurs immédiats.

61HF,X, 31, 12, p. 532.

62 HF, III, 17, p. 117; HF, X, 31, 13, p. 532.

63 HF, III, 17, p. 117; HF, X, 31, 14, p. 532. Le personnage et son épouse ne sont pas autrement connus (Stroheker, op. cit., n° 164 et 91). Ce nom de Francilio, porté par un sénateur romain, est surprenant ; il paraît dérivé de Francus de même que Francio (attesté à Boppard, CIL XIII, 7558; Diehl 1423) ou Francola (à Trêves, CIL XIII, 3880; RICG, I, 54). Mais, comme eux, il relève plutôt de l'onomastique latine (M. Schönfeld, Wörterbuch der altgermanischen Personen und Völkernamen, Heidelberg, 1911, p. 91 : ce sont en effet les Romains et non les Germains qui avaient l'habitude de donner des noms dérivés d'ethnies.

64 HF, III, 17, p. 117.

65 HF, III, 17, p. 117; HF, X, 31, 15, p. 533.

66 HF, IV, 2. (Voir infra, p. 201).

67 Dans la série des évêques qui, depuis la mort de Martin jusqu'à la fin du VIe siècle, se sont succédé sur le siège de Tours, Baudinus et Guntharius (sur leur nom, M. Schönfeld, op. cit., p. 47 et 118), sont les seuls qui soient apparemment d'origine germanique (E. Zöllner, Geschichte der Franken, p. 134).

68 HF, IV, p. 137; HF, Χ, 31, 16, p. 533. Le référendaire avait la garde du sceau royal, dirigeait la chancellerie royale et, de ce fait, avait la haute main sur la rédaction des diplômes. Sur cette charge et ses titulaires dans la première moitié du VIe siècle, Zöllner, Geschichte der Franken, p. 134-135.

69 HF, IV, 4, p. 138; HF, X, 31, 17, p. 533.

70 Grégoire manifeste tout particulièrement son respect à l'endroit d'Injuriosus et de Baudinus, les seuls évêques de cette série auxquels il accorde le qualificatif de beatus, au premier en raison de son courage face au roi (HF, IV, 2, p. 136), au second à cause de l'ardeur de sa foi qui lui permit d'obtenir le secours de Martin, alors que son navire, pris dans une tempête, allait sombrer dans les eaux de la Loire (VM, I, 9, p. 143), à cause aussi de son esprit charitable (multis aelymosinis praeditus, HF, X, 31, 16, p. 533). Baudinus est le seul évêque tourangeau de la première moitié du VIe siècle à avoir été par la suite honoré d'un culte (saint Baud). Des récits hagiographiques tardifs (XIIe s.; Vita, BHL, 1047 m; récits des translations successives, BHL, 1047, η et o; recueil de miracles, BHL, p, de 1331) utilisent Grégoire, en ajoutant des données plus fantaisistes. Les reliques de saint Baud, d'abord vénérées à Verneuil-sur-Indre (début XIe siècle), furent, à la fin de ce siècle, l'objet d'une translation dans l'église Notre-Dame de Loches (aujourd'hui Saint- Ours). Un village de Touraine porte son nom (Saint-Bauld).

71 Aucune menace extérieure ne pèse sur la ville et le territoire de Tours; la paix

règne d'ailleurs dans toute la province ecclésiastique, à l'exception d'une partie de l'Ar- morique, où des luttes internes opposent entre eux les comtes bretons, sans que, pour l'instant, l'humeur belliqueuse des immigrés se tourne encore contre les cités voisines, Rennes, Vannes, Nantes qui auront si souvent à en pâtir dans la deuxième moitié du siècle. D'autre part, les partages successoraux ne se sont pas accompagnés de rivalité, ni de conflit pour la possession de Tours. Enfin, Grégoire ne signale aucune exaction de la part des représentants du pouvoir royal, ni aucun trouble au sein de la population locale.

72 C'est le cas pour les règnes de Theodorus et Proculus, Dinifius, Leo, Francilio et Guntharius.

"Ommatius: HF, X, 31, 12, p. 532 (Ommatius) et 15, p. 533 (Injuriosus). Voir infra, p. 355 sq.

74 Injuriosus, HF, X, 31, 15, p. 533 : Hujus tempore et basilica sancii Germani aedificata est. Vici etiam Noviliacus et Luciliacus fundati sunt. Baudinus, id., 16 : Hujus tempore alter vicus Noviliacus aedificatus est. (Voir infra, Append. 3 et 5).

75 Sur ces biographies tourangelles, voir infra, p. 652.

76 Dans le livre premier du De virtutibus sancii Martini, les chapitres 7 à 12 relatent des pèlerinages effectués en Touraine durant les soixante premières années du VIe siècle. Sur la composition de ce recueil, supra, n. 28, et infra, p. 535.

77 Injuriosus, HF, X, 31, 15, p. 533 : Hic instituit tertiam et sextant in ecclesia dici, quod modo in Dei nomine perseverai. Baudinus, id., 16 : Hic instituit mensam canonicorum. (Voir infra, p. 682).

78 Éd. L. Duchesne, Lovocat et Catihern, prêtres bretons du temps de saint Mélaine, dans Revue de Bretagne et de Vendée, 1885, p. 3-16 (texte, p. 4-5).

79 Pour les différents problèmes que pose le document, commentaire de L. Duchesne, art. supra cit. et Fastes, II, p. 253-254.

80 Can. 2 du concile de Nîmes, 394-396 (CG, 1, p. 50).

81 Les diaconesses que veulent supprimer les conciles d'Orange en 441 (can. 25 (26), CG, I, p. 84), d'Épaone en 517 (can. 21, CG, II, p. 29) et celui d'Orléans en 533 (can. 17 et 18, ibid., p. 101) ne sont pas accusées de sortir de leurs attributions et d'usurper le ministère de l'autel, mais condamnées, comme le disent les Pères d'Orléans, à cause de la fragilité de leur sexe.

82 Sur l'évolution qui s'est produite à partir du début du Ve siècle aboutissant à la formation, sur le territoire des cinq anciennes cités gallo-romaines de la péninsule (Nam- nètes, Redones, Coriosolites, Ossismes et Vénètes) dans le cadre desquelles s'étaient constitués les premiers diocèses, des neuf diocèses bretons dont les limites sont approximativement connues à l'époque carolingienne (Nantes, Rennes, Vannes, Tréguier, St-Pol-de- Léon, Dol, Alet, St-Brieuc et Quimper), le point est fait par Merlet, La formation des diocèses et des paroisses en Bretagne, dans Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne, XXX, 1950, p. 5-61 et XXXI, 1951, p. 137-172 et L. Fleuriot, op. cit., p. 47 sq. et 214 sq.

83 F. Merlet, art. cit., p. 60-61.

84 Pour les Vies de ces saints bretons (date de rédaction ; éditions ; études critiques), voir les notices de L. Fleuriot, op. cit., p. 269-286, s.v.

85 L. Duchesne, Fastes, II, p. 253-257.

86 F. Merlet, La formation des diocèses. . ., p. 60-61.

87 II semble que l'on puisse identifier avec saint Samson de Dol l'évêque Samson qui assista à un concile tenu à Paris entre 556 et 573 (Duchesne, Fastes, II, p. 256; infra, p. 238).

88 On possède deux Vies de saint Corentin; la première écrite vers 1080 (A. Oheix et E. C. Fawtier- Jones, La Vita ancienne de saint Corentin, dans Mémoires de la Soc. d'hist. et d'archéol. de Bretagne, VI, 1925, p. 6-55), la seconde peu antérieure à 1235 (F. Plaine, Vie inédite de saint Corentin, dans Bull, de la Soc. archéol. du Finistère, XIII, 1886, p. 118- 170). Ces œuvres sont presque totalement dépourvues de valeur historique. Mais la Vie de saint Guénolé (II, 19) écrite vers 880 {Analecta Bollandiana, 1888, t. VII, p. 170 et A. de La Borderie, Cartulaire de l'abbaye de Landevenec, Rennes, 1888) évoque déjà l'activité de Corentin, présenté surtout comme un ermite.

89 HF, IV, 4, p. 138 : Macliavus. . . Veneticam urbem expetiit ibique tonsoratus et episco- pus ordinatus est. Mortuo autem Chanaone, hic apostatavit, et dimissis capillis, uxorem, quam post clericatum reliquerat, cum regno fratris simul accepit, sed ab episcopis excom- municatus est. Après avoir relaté cette affaire, Grégoire mentionne le décès de l'évêque Baudinus de Tours (552), ce qui fournit un repère chronologique approximatif.

90 Felix de Nantes avait antérieurement obtenu de Chanao la grâce de Macliavus jeté en prison par son frère : Qui per Filicem Namneticum episcopum a morte liberatus est (id., p. 137). Sur le rôle probable de Felix, lors de la consécration de Macliavus, L. Duchesne, Fastes, II, p. 256, n. 2 et W. C. Me Dermott, Felix of Nantes : a Mérovingien Bishop, dans Traditio, XXI, 1975, p. 1-24, surtout p. 5.

91 Can. 9, CG, II, p. 179; l'éditeur, C. De Clercq, en note, exprime l'hypothèse que les Pères de Tours visaient le cas de Samspn de Dol (?).

92 Innocentius du Mans (HF, VI, 9), Melanius de Rennes (GC, 54), Albinus d'Angers (HF, VI, 16 et GC, 94) et, bien sûr, Felix de Nantes que Grégoire a personnellement connu (HF, IV, 4; V, 5, 31, 49; VI, 15 et 37; VP, X, 4).

93 2e concile d'Orléans (533), can. 2; 3e concile d'Orléans (538), can. 1, qui admet, dans des cas de force majeure, une réunion seulement tous les deux ans; 4e concile d'Orléans (541), can. 37; 5e concile d'Orléans (549), can. 23.

94 Can. 1 (voir infra, p. 218).

95 Aux côtés de Licinius, Principius du Mans, Melanius de Rennes, Eustochius d'Angers, Epiphanius de Nantes et Modestus de Vannes (CG, II, p. 13-19).

96 Avec Innocentius du Mans et Eumerius de Nantes (id., p. 102-103).

97 Le représentant d'Injuriosus, Campanus (ou Cyprianus dans quelques mss), siège aux côtés de l'évêque Albinus d'Angers et du prêtre Martilianus délégué par Eumerius de Nantes (id., p. 127-130).

98 Avec Innocentius du Mans, Eumerius de Nantes et Albinus d'Angers (id., p. 142- 146).

99 Fybidiolus, évêque de Rennes, et l'abbé Sapaudus, représentant Albinus d'Angers (id., p. 157-161).

100 Par exemple, deux canons du concile d'Orléans de 511 : can. 11 (Vannes, can. 7; Agde, can. 38) et can. 30 (Vannes, can. 16; Agde, can. 42).

101 Ainsi Clotaire, après son altercation avec Injuriosus, demandant à ce dernier ut pro se virtutem beati Martini antestites exoraret (HF, IV, 2, p. 136).

102 HF, III, 6 et 18; G. Kurth, (Sainte Clotilde, p. 101) affirme que les fils de Clodomir furent élevés à Paris «par leur grand'mère dans l'opulent palais des Thermes qu'elle n'avait pas encore quitté ». Rien dans l'œuvre de Grégoire ne justifie cette interprétation : l'historien affirme tout au contraire que Clotilde, aussitôt après la mort de Clovis, s'est installée à Tours, ne visitant que rarement Paris (HF, II, 43) et qu'après la mort de Clodomir, elle accueillit et garda les fils de ce dernier auprès d'elle (secum recipit ac tenuit, HF, III, 6, p. 103), à Tours par conséquent. C'est au cours d'un de ses brefs et rares séjours à Paris, pour lequel elle s'était fait accompagner de ses petits-fils, que Childebert put se rendre compte de son affection pour ceux-ci et en conçut la jalousie qui lui inspira son forfait (HF, III, 18).

103 Parmi leurs contemporains, d'autres ecclésiastiques eurent ce courage, ainsi l'abbé Avitus exhortant Clodomir à ne pas mettre à mort ses prisonniers, le roi Burgonde Sigis- mond et sa famille, et le menaçant de la colère divine (HF, III, 6).

104 Sans être entrée à proprement parler dans Vordo viduarwn, Clotilde paraît avoir mené la vie de ses membres, ad basilica beati Martini deserviens (HF, II, 43, p. 94) ; assidua in elymosinis, pernox in vigiliis, in castitate atque omni honestate puram se semper exhi-

huit (HF, III, 18, p. 120); Grégoire nous la montre prenant soin d'un enfant sourd-muet guéri par la virtus de Martin (VM, I, 7). Il la qualifie ainsi : putaretur eo tempore non regina, sed propria Dei anelila ipsi sedolo deservire (HF, III, 18, p. 120).

105 Lorsque Clotilde apprit que Childebert et Théodebert avec leurs armées marchaient contre Clotaire, beati Martini sepulchrum adiit, ibique in oratione prosternitur et tota node vigilai, orans, ne inter filios suos bellum civile consurgeret. Une tempête arrête les coalisés, alors qu'elle épargne Clotaire; Grégoire conclut : Quod nullus ambigat, hanc per obtentum reginae beati Martini fuisse virtutem (HF, III, 28, p. 124-125).

106 VM, I, 12.

107 HF, III, 25.

108 Le comte de Tours Alpinus, guéri d'une douloureuse paralysie après avoir invoqué sans relâche le secours de Martin (VM, 1, 24), et le duc Austrapius, qui devait quelque temps plus tard (infra, p. 226) se réfugier dans la basilique Saint-Martin et mériter le divinum auxilium (HF, IV, 18), étaient certainement de pieux fils de l'Église.

109 Liber Historiae Francorum, 17, MGH, srm, II, p. 271 : Turonis civitate reversus, multa munera basilicae beati Martini tribuavit. Equo vero, quern antea ad ipsam eccîesiam transmiser at, ad illos matricolaricos datis centum solidis pro ipso equo, ut eum reciperet. Quibus. datis, equus Me nullatenus movit. At Me ait : Date aliis centum solidis. Cumque alios centum solidis dédissent, statim ipse equus solutus adiit. Tune cum laetitia rex ait : Vere beatus Martinus bonus est in auxilio et carus in negotio.

110 Orléans 511 : can. 14, 15, 23; Orléans 538 : can. 5, 12, 22, 23; Orléans 541 : can. 9, 11, 12, 14, 18, 19, 25, 34-36; Orléans 549: can. 13, 14, 16, 17. . . Sur ces problèmes, infra, p. 623 sq.

111 Le De virtutibus s. Martini fournit pour cette période quelques exemples de dons faits par les pèlerins : VM, I, 7, 11, 12, 25. (Voir infra, p. 594 sq).

112 HF, X, 31, 14, p. 532 : Francilio et son épouse Clara fueruntque ambo divites valde in agris, quos maxime sancii Martini basilicae contulerunt; id., 16, p. 533 : Baudinus. . . aurum etiam, quod decessor ejus reliquerat, amplius quant viginti milia soledos, pauperibus erogavi t.

113 HF, II, 37, p. 85-88 : datis muneribus. . ., vota beato confessori prominentes . . . Turo- nus est regressus, multa sanctae basilicae beati Martini munera offerens.

114 Id., p. 88.

115 Can. 5 (CG, II, p. 6) : De oblationibus vel agris, quos domnus noster rex ecclesiis suo munere conferre dignatus est.

116 HF, II, 38 (voir supra, p. 168).

117 HF, X, 31, 11, p. 532 : Cui aliqui de fisci dicionibus est largita, deditque ei protestaient faciendi de his rebus quae voluisset. Qui maxime ecclesiae suae quod fuit melius dere- liquit.

118 HF, III, 18, p. 120: Praedia eclesiis, monastyriis vel quibuscumque locis sanctis necessaria praevidit, larga ac prona voluntate distribuii ... La Vita sanctae Chrothildis (éd. Krusch, MGH, srm, II, p. 341-357), une œuvre tardive (pas avant le Xe siècle, selon l'éditeur, p. 341), n'apporte que très peu d'éléments nouveaux par rapport à Grégoire et au Liber Historiae Francorum. Elle mentionne l'érection dans le suburbium de Tours, par les soins de la reine, d'un monatère in honorem Pétri apostoli (Vita, 11, p. 346). Mais l'hagio- graphe a une tendance trop marquée à attribuer toutes les églises Saint-Pierre à Clotilde pour qu'on puisse ajouter foi à sa déclaration (B. Krusch, ibid., voir infra, p. 412), malgré les efforts tentés par G. Kurth (Sainte Clotilde, p. 181-183) pour réhabiliter son œuvre.

119 HF, III, 18, p. 120 : assidua in elymosinis.

120 Grégoire loue la benignitas de la reine (HF, II, 43, p. 94), sa générosité envers les pauvres et les Églises (HF, III, 18, supra cit.); dans son éloge funèbre, il dit qu'elle est morte plena dierum bonisque operibus praedita (HF, IV, 1, p. 135). Enfin il ne laisse passer aucune occasion de rapporter des traits de sa charitable bienfaisance (HF, IV, 12 et VM, 1,7).

121 HF, III, 10, p. 107.

122 VM, I, 12, p. 146 : Praecurrentibus etiam largissime elymosinis, pervertit ad sanctum locum . . . Marte oblatis multis muneribus, in honore beati confessons missas expetiit revocar i.

123 Infra, p. 212.

124 HF, IV, 2, p. 136 : rex, timens etiam virtutem beati Martini, misit post eum (Injurio- sus) cum muneribus . . .

125 VM, I, 25, p. 151 : Et postea antedicti régis domesticus fuit, multaque beneficia populo Turonico vel servientibus beatae basilicae ministravit.

126 Sur cette fortune et sa gestion, infra, p. 604 sq.

127 HF, IV, 2. Certains des domaines de l'Église de Tours sont situés dans d'autres civitates, par exemple les terres léguées par l'évêque Francilio, probablement situées en Poitou. Voir infra, p. 616 sq.

128 HF, IX, 30.

129 HF, IV, 2, p. 136 : Denique Chlothacharius rex indixerat, ut omnes eclesiae regni sui tertiam partent fructuum fisco dissolverent. Quod, licet inviti, cum omnes episcopi consen- sissent atque subscripsissent, viriliter hoc beatus Injuriosus respuens, subscribere dedigna- tus est, dicens : 'Si volueris res Dei tollere, Dominus regnum tuum velociter aufret, quia iniquum est, ut pauperes, quos tuo debes alere horreo, ab eorum stipe tua horrea replean- tur'. Et iratus contra regem nec valedicens abscessit. Tune, commotus rex, timens etiam virtutem beati Martini, misit post eum cum muneribus, veniam praecans et hoc quod fece- rat damnans . . . Sur l'assimilation, dans les textes canoniques, du patrimoine foncier de l'Église avec le bien des pauvres et l'accusation formulée contre tous ceux qui portent atteinte à ce patrimoine d'être necatores pauperum, infra, p. 628.

130 F. Lot (L'impôt foncier et la capitation personnelle sous le Bas-Empire et à l'époque franque, Paris, 1928, p. 87) estime que le pourcentage indiqué par Grégoire est le fait d'une exagération de cet auteur (?). Quoiqu'il en soit, les termes employés par Grégoire impliquent sans équivoque que la mesure consistait en une augmentation du taux de l'impôt. Aussi paraît-il impossible de se rallier à l'interprétation récemment proposée par M. Rouche (V Aquitaine, op. cit., p. 343-345 et n. 86, p. 659) qui force le sens du texte : Clotaire aurait décidé que l'impôt devait désormais être «versé pour 33% en nature».

131 L. Levillain, Note sur l'immunité mérovingienne, dans Revue historique de droit français et étranger, 4e série, VI, 1927, p. 38-67; F. L. Ganshof, L'immunité dans la monarchie franque, dans Recueils de la Société Jean Bodin, I, Les liens de vassalité et les immunités, 2e éd., Bruxelles, 1958, p. 171-191.

132 Parmi les diplômes mérovingiens qui nous sont parvenus, on trouve à la fois des donations de terres avec privilège d'immunité et des concessions d'immunité s'appliquant à un patrimoine (art. supra cit.).

133 Can. 5 (CG, II, p. 6) : De oblationibus vel agris, quos domnus noster rex ecclesiis suo munere conferre dignatus est vel adhuc non habentibus Deo sibi inspirante contulerit, ipso- rum agrorum vel clericorum immunitate concessa. . . Cf. Ganshof, art. supra cit., p. 188. La praeceptio de Clotaire II (éd. Boretius, MGH, LL, 1. 1, Capitularia, I, n°8, C. 11), qu'il faut dater de 584-614 (Ganshof, ibid., p. 117), fait état de concessions d'immunité remontant à Clotaire Ier.

134 Relatée au chapitre précédent, HF, IV, 1.

135 HF, IX, 30, p. 448 : Discriptam urbem Toronicam Chlothari régis tempore, manifes- tum esse, librique illi ad régis praesentiam abierunt; sed, conpuncto per timorem sancii Martini antestitts rege, incensi sunt.

136 F. Lot, art. cit., p. 100.

137 HF, IX, 30, p. 448-449 : Post mortem vero Chlothari régis Charibertho rege populus hic sacramentum dédit; similiter etiam et Me cum juramento promisit, ut leges consuetudi- nesque novas populo non infligeret, sed in ilio, quo quondam sub patris dominationem statu vixerant, in ipso hic eos deinceps reteneret; neque ullam novam ordinationem se inflic- turum super eos, quod pertinent ad spolium, spopondit.

138 La formule est de F. Lot, op. cit., p. 99.

139Duchesne, Fastes, II, p. 307 : Stroheker, Der senatorische Adel, n° 130, p. 170 et arbre généalogique, p. 239. Eufronius était le cousin germain d'Armentaria, la mère de Grégoire de Tours; sur cette parenté, infra, p. 253 sq.

140 Haeduae civitati te praesidere coepisse libens atque cum gaudio accept. Laetitiae causa quadripertita est: prima, quod amicus; secunda, quod Justus est; tertia, quod seve- rus; quarta, quod proximus. . . Igitur amplectens in familiari vetusto novum jus potestatis indeptae materiam beneficiis tuis jam diu quaero. (Sidoine, Epist., V, 18, éd. Loyen, t. 2, p. 206; pour la date de la lettre, ibid., p. 256, η. 18). Nous adoptons ici l'hypothèse proposée par A. Loyen (ibid., n. 60). Ce dernier se refuse à identifier Attalus avec le grand-père d'Eufronius, Grégoire, — qui fut lui aussi comte d'Autun (infra, n. 141), avant d'être élu évêque de Langres — , comme l'avaient précédemment fait Duchesne (Fastes, II, p. 186) et Stroheker (Der senatorische Adel, n° 182, p. 179 et arbre généalogique, p. 239). Il faudrait en effet admettre qu'Attalus Gregorius (une double dénomination qui n'est jamais attestée par les sources), mort en 539-540, à l'âge de 90 ans (VP, VII, 6), n'avait qu'une vingtaine d'années lorsqu'il entra en charge à Autun, ce qui semble incompatible, non avec les règles de carrière alors en usage, mais avec la vieille amitié qui le lie dès cette époque à Sidoine. Certes Grégoire de Tours lui-même attribue à son ancêtre et homonyme quarante ans d'exercice dans la charge comtale (VP, VII, 1) avant un épiscopat qui dura près de 33 ans (id., 6 et Fortunat, carm. IV, 2). Mais le premier chiffre est certainement exagéré puisqu'il ferait remonter le début de la carrière civile de Grégoire de Langres à 466/467. Une erreur d'évaluation plus considérable encore peut s'expliquer par une confusion commise par l'historien, si son aïeul et son arrière grand-père ont successivement tenu la charge comtale à Autun. Attalus appartiendrait bien à la lignée de Grégoire de Langres, puisqu'il porte un cognomen usuel dans cette famille (cf. le neveu de Grégoire de Langres, dénommé Attalus, HF, III, 15), mais il faudrait le situer à la génération précédente. On notera la prédilection de cette famille pour les cognomina grecs, qui se manifeste aussi dans le cas de l'évêque de Tours ; sur le cognomen Eufronius dans l'onomastique chrétienne, I. Kajanto, Onomastic Studies in the Early Christian Inscriptions of Rome and Carthage, Helsinski, 1963, p. 47 et 83; en Gaule, Eufronius (ou Euphronius) et Eufronia sont attestés à plusieurs reprises, notamment à Autun : une épitaphe mentionne une Eufronia Eufr(oniii) filia (CIL XIII, 2718, add. p. 30; Diehl 1540); un évêque de la deuxième moitié du Ve siècle, porte le nom d'Eufronius (Duchesne, Fastes, II, p. 178). Selon l'hypothèse proposée par M. Heinzelmann (Bischofsherrschaft in Gallien, Munich, 1976, p. 213), cet Eufronius d'Autun serait apparenté à Grégoire de Langres et donc aux futurs évêques de Tours, Eufronius et Grégoire, dont il aurait lointainement préparé l'accession au siège de Martin par le don d'une plaque de marbre destinée au tombeau du saint confesseur (HF, II, 15).

141 HF, IV, 15, p. 147 : eum nepotem esse beati Gregorii. Grégoire de Tours évoque à de nombreuses reprises la figure de son arrière grand-père du côté maternel et homonyme (HF, III, 15 et 19; IV, 15; V, 5; GM, 50) et lui consacre une longue notice (VP, VII). Fortunat a composé, de nombreuses années après sa mort (539/540), son épitaphe (carm. IV, 2); Duchesne Fastes, II, p. 186; Stroheker, n° 182. Selon M. Heinzelmann (op. cit., p. 213), l'épouse de Grégoire de Langres, Armentaria, de genere senatorio (VP, VII, I), serait la fille d'Armentarius, évêque de Langres peu avant 500 (Duchesne, Fastes, II, p. 186).

142 Évoqué également plusieurs fois par Grégoire de Tours (HF, IV, 16; V, 5; VII, 5; VP, VII, 4), qui lui avait consacré dans le Liber in gloria confessorum un chapitre (GC, 105) dont les manuscrits n'ont conservé que le titre. Fortunat a composé son épitaphe (carm. IV, 3). Son épiscopat qui a duré 33 ans (Fortunat, ibid.) se situe entre 549/550 et 572/573 (Duchesne, Fastes, II, p. 186-187; Stroheker, n° 385, p. 223). Son règne episcopal, il faut le noter, est à peu de chose près contemporain de celui d'Eufronius de Tours, son neveu.

143 Stroheker, arbre généalogique, p. 239.

144 Né avant 513, il fut d'abord domesticus (HF, VI, 11 et 26), avant de devenir plus tard, à l'époque de Childebert II, dux (Stroheker, n° 184).

145 Frère de Gundulfus, il exerce la charge episcopale à Lyon entre 552 et 573 (CIL, XIII, 2400; HF, IV, 36; V, 5 et 20; VII, 5; VJ, 2 et 50; GC, 60, 61; VP, Vili; Fortunat, carm. X, 10, vers 23; Vita Nicetii, MGH, srm, III, p. 521, sq.). Duchesne, Fastes, II, p. 166- 168; Stroheker, n°259, p. 195.

146 HF, IV, 15, p. 147.

147 Fortunat a fait la connaissance d'Eufronius en 566 ; le poète, qui se rendait à Poitiers, fit halte à Tours où il fut l'hôte de l'évêque. Pour remercier ce dernier de son

accueil, il composa immédiatement un poème (carm. III, 3; MGH, AA, IV, 1, p. 51); par la suite, alors qu'il était déjà fixé à Poitiers, il écrivit deux lettres à Eufronius (carm., III, 1 et 2, ibid., p. 49-51). Sur cette chronologie, W. Meyer, Der Gelegenheitsdichter Venantius Fortunatus, dans Abhandlungen der königl. Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen, Neue Folge, Band IV, n°5, Berlin, 1901, p. 16-17 et 40-41. Fortunat exprime son admiration et son amitié pour l'évêque de Tours et célèbre en particulier le charme de sa conversation (carm. III, 3, v. 13-15).

148 Dans une des lettres qu'il adresse à Eufronius (carm. III, 2), Fortunat charge son correspondant de ses salutations pour Aventius, f ilium vestrum. Stroheker (n° 56) incline à voir en celui-ci un fils d'Eufronius selon la chair, tout en concédant qu'il peut s'agir tout aussi bien d'un fils spirituel. Cette dernière interprétation s'accorde mieux avec le contexte (le poète, qui salue eos qui vestri suht, nomme uniquement parmi ces proches de l'évêque, à côté d'Aventius, Felix de Nantes qui n'est certainement pas parent d'Eufronius) et avec les déclarations de Grégoire : Eufronius était clerc depuis son jeune âge (ab ineunte aetate clericus, HF, X, 31, 18, p. 534) et il était parvenu, probablement après avoir gravi tous les échelons de la cléricature, à la prêtrise au moment où il fut élu évêque (HF, IV, 15). Comme il mourut septuagénaire après dix-sept ans d'épiscopat (HF, X, 31, 18, ibid.), il avait un peu plus de cinquante ans lors de son élévation au siège de Tours. M. Heinzelmann (op. cit. p. 111) propose d'identifier le futur évêque de Tours avec le moine du même nom qui fut, au monastère de l'Ile-Barbe, près de Lyon, compagnon de Leobinus, futur évêque de Chartres, et qui dut fuir avec celui-ci lorsque le monastère fut pillé par les Francs vers 533/534 (Vita Leobini, 19, MGH, AA, IV, 2, p. 75). C'est à la suite de ces événements qu'il serait entré dans le clergé de Tours.

149 Grégoire le qualifie de vir egregiae sanctitatis (HF, X, 31, 18) ou de vir Dei (HF, IV, 26, p. 158) et ne manque jamais, lorsqu'il mentionne son nom, de lui accoler l'épithète de beatus (HF, IV, 26, p. 158; VP, XV, 1, p. 271) ou de sanctus (HF, IV, 15, p. 147; V, 49, p. 262; VU, I, 23, p. 150 et 32, p. 153; VM, II, 1, p. 158 : GC, 9, p. 304 et 18, p. 308; 20, p. 309). Aux éloges de Grégoire, il faut ajouter ceux que Fortunat a décernés avec profusion (carm., III 1-3 et III, 6, v. 20-24) à Eufronius dont la sainteté, la charité et l'humilité font, à ses yeux, le digne successeur de Martin (carm., III, 3, v. 23-24, p. 51).

150 HF, IV, 16 et 17; Marius d'Avenches fixe à l'année 555 le début de la révolte de Chramne (Chronica, ann. 555, 2, p. 236) et date de 556 le coup de force du rebelle qui s'empare d'une partie du royaume paternel (id., ann. 556, p. 237).

151 HF, IV, 18; sur cet épisode, infra, p. 226.

152 HF, IV, 20 : cf. Marius d'Avenches, Chronica, ann. 558, p. 237. Le chroniqueur mentionne à propos des événements de 560 la soumission que Chramne avait faite à son père après avoir perdu son allié.

153 Id. Pour les incidents de Tours (VM, I, 23 et HF, X, 31, 18), infra, p. 227 sq. L'expédition contre les Bretons et la mort de Chramne sont évoquées par Marius d'A., Chronica,

ann. 560, 2, p. 237. Sur les combats menés par Clotaire contre les Bretons, infra, p. 211 sq.

154 HF, IV, 21.

155 HF, IV, 22, p. 155; Marius d'A., Chronica, ann. 561, p. 237.

156 HF, IV, 22 : Deditque sors Charibertho regnum Childeberthi sedemque habere Pari- sius, Gunthramno vero regnum Chlodomeris ac tenere sedem Aurilianensem, Chilperico vero regnum Chlothari, patris ejus, cathedramque Sessionas habere, Sygibertho quoque regnum Theuderici sedemque habere Remensim.

157 Caribert, roi de Paris, reçoit non seulement le royaume constitué en 511 pour Childebert Ier et qui englobait les cités du Mans, de Rennes et d'Armorique, mais aussi les cités les plus occidentales du premier royaume d'Orléans, Chartres, Angers, Nantes, Poitiers et Limoges, ainsi que d'autres territoires en Aquitaine (Longnon, Géographie, p. 120- 125; E. Ewig, Die fränkischen Teilungen und Teireiche (511-613) p. 676-679; Tessier, Le baptême de Clovis, p. 189-190).

158 Les cités de Lyonnaise Troisième relèvent toutes de l'autorité de Caribert, comme le montrent, pour Tours, divers témoignages apportés par Grégoire (serment prêté par les habitants de la cité à Caribert, HF, IX, 30; stipulations du traité d'Andelot, HF, IX, 20; et d'autres épisodes, HF, IV, 40 et GC, 19) et, pour les autres cités, la présence au concile de la province tourangelle convoqué par Caribert à Tours en 567 des évêques de Nantes, Angers, Rennes et Le Mans (infra, p. 238).

159 HF, IV, 26 et 45. Sur la date exacte de la mort de Caribert, disparu à la fin de 567, voir infra, p. 237.

160 HF, IV, 45, p. 180 : Nam post mortem Chariberthi, cum Chilpericus Toronus ac Pec- tavis pervasissit, quae Sigybertho regi per pactum in partem vénérant >. . . Sur le partage de 567, Longnon, Géographie, p. 125-152; Ewig, art. cit., p. 679-680; Tessier, op. cit., p. 190.

161 Les termes Austria et Austrasii apparaissent pour la première fois chez Grégoire de Tours: HF, V, 14 et 18, p. 213 et 224 (Austrasii); VM, IV, 29, p. 206 (Austria). Sur cette nouvelle dénomination, Ewig, art. cit., p. 694. À noter que Sigebert a transporté très rapidement sa capitale de Reims à Metz.

162 En témoignent deux épisodes relatés par Grégoire de Tours : une première fois, Chilpéric lève des troupes chez les Manceaux et les Angevins pour lutter contre les Bretons et obtient de ceux-ci la restitution de la cité de Vannes dont l'évêque Eunius est exilé sur son ordre (HF, V, 26); un peu plus tard, le roi charge le duc Beppolenus d'une expédition de représailles contre les Bretons qui avaient dévasté la région de Rennes et l'évêque Eunius est assigné à résidence à Angers (HF, V, 29).

163 La présence de l'évêque de Nantes au 4e concile de Paris convoqué en 573 par Gontran (HF, IV, 47; De Clercq, Concilia Galliae, p. 214) implique que cette cité relevait de l'autorité de ce souverain qu'on peut appeler roi de Bourgogne par anticipation : Grégoire n'emploie en effet les termes Burgundiones et Burgundia que pour désigner le peuple et le royaume existant avant la conquête franque. Le nom de Burgundia n'est donné à l'un des royaumes francs qu'après la mort de Gontran, sous le règne de Thierry II (595- 613); Ewig, art. cit., p. 700.

164 HF, IV, 45, p. 180. Sur la carrière d'Eunius dit Mummolus, cf. HF, IV, 42 et 44. Pour cette période, la chronologie de Grégoire manque de précision : il semble que l'occupation de Tours par les troupes de Clovis, fils de Chilpéric, intervenue au lendemain de la mort de Caribert (extrême fin de 367), ait duré assez longtemps (3 ans?), puisque, lorsque la cité est une nouvelle fois envahie par l'armée de Chilpéric, commandée par son fils Theudebert, en 573 (HF, IV, 47 ; sur cet épisode, infra, p. 266), Grégoire indique qu'entre les deux coups de force, la ville n'avait été tenue que deux années par son souverain légitime, Sigebert (HF, V, 48, p. 258 : dum Sigiberthus duos annos Turonus tenuit. . .).

165 Infra, p. 265.

166 Une brève allusion de Grégoire (HF, V, 49, p. 262) suggère que la paix intérieure de la cité fut elle-même troublée par des dissenssions politiques au sein de la population ou, tout au moins, du clergé : un des membres de ce dernier, Riculfus, sub Eufronio episcopo de pauperibus provocatus, archidiaconus ordinatus . . . exinde ad presbiterium admotus, était, dit l'historien, jam a tempore beati Eufronii episcopi amicus . . . Chlodovechi. Il existait donc à Tours un parti favorable à la domination de Chilpéric, soutenu par le comte Leudaste qui s'était rallié à la personne dé. ce souverain (infra, p. 214 et n. 180). En tout cas Riculfus sera quelque temps plus tard l'âme d'un complot dirigé entre autres contre Grégoire qu'il espérait supplanter sur le siège de Tours (infra, p. 285).

167 Chramne et les Bretons semblent avoir d'abord lancé un raid qui dévaste une région contrôlée par Clotaire (Marius D'A., texte supra cit., n. 153), puis s'être retirés : en effet, Grégoire affirme que le roi franc se porte contre eux in Brittanias (HF, IV, 20, p. 153); il ne précise pas le lieu exact de la bataille qui se déroule dans une plaine (in unum campwn, ibid.), proche de la mer par laquelle Chramne vaincu tente en vain de fuir. La déroute et la mort de Conomer, (Grégoire, Marius d'A.), suivies selon Marius d'A. d'une dévastation de la région par les troupes franques, mettent fin au conflit.

168 HF, V, 48, p. 258; pour l'histoire de Leudaste, infra, p. 214 et p. 285 sq.

169 Supra, n. 164.

170 Dans la notice consacrée à l'évêque du Mans Domnolus (HF, VI, 9, p. 279), Grégoire évoque incidemment un premier pèlerinage accompli par Clotaire à Tours et fournit pour sa datation quelques éléments : c'est alors que le souverain se trouvait ad basilicam sancii Martini antistitis, ubi tune. . . ad orationem venerai que Domnolus se présenta devant lui; l'abbé parisien avait appris que Clotaire désirait faire de lui l'évêque d'Avignon et il venait le supplier d'abandonner ce projet. Quelque temps plus tard en revanche Domnolus acceptait l'évêché du Mans où il mourut en 581, après 22 ans d'épiscopat. Il avait donc été consacré dans cette charge en 559, ce qui permet de situer avant cette dernière date la première visite de Clotaire à Tours. Le deuxième pèlerinage du roi, qui se place après l'exécution de Chramne, dans la dernière année du règne, c'est-à-dire soit à l'extrême fin de 560 (peut-être à l'occasion de la fête du 1 1 novembre), soit au début de 561, est relaté plus longuement par Grégoire, HF, IV, 21, p. 154.

171 En prenant à sa charge la restauration de la basilique Saint-Martin, (infra, p. 216).

172 Celle de Wiliacharius, le beau-père de Chramne; sur cet épisode, infra, p. 227.

173 HF, IV, 27 (dignité de sa vie conjugale) ; HF, IV, 49 (sa clémence). Le titre de glorio- sissimus rex, appliqué à Sigebert, revient à plusieurs reprises sous la plume de Grégoire (VM, 1, 32; II, 1 et 7). À noter que Sigebert avait accompagné son père Clotaire lors du dernier pèlerinage effectué par celui-ci à Tours (supra, n. 170), au témoignage de la moniale Baudonivia (De Vita sanctae Radegundis, 6, MGH, srm, II, p. 382).

174 VM, I, 29, p. 152.

175 HF, VI, 46, p. 319.

176 Serment prêté par la population de Tours à Caribert (HF, IX, 30), puis à Sigebert (HF, IV, 45). Grégoire ne précise pas si Clovis, qui s'était emparé entre temps de la cité, avait exigé de ses habitants un serment de fidélité à son père Chilpéric.

177 HF, IX, 30; sur la nature de cette promesse et sa rupture, supra, p. 203 et infra, p. 223.

178 Le comte Justinus est cité par Grégoire (VM, I, 40) pour sa charité (il rachète un jeune esclave qu'un miracle de Martin venait de guérir de sa paralysie et lui rend la liberté) et par la moniale Baudonivia (Vita sanctae Radegundis, 16, éd. cit., p. 388) pour son rôle lors du transfert de la relique de la croix, de Tours jusqu'au monastère de Radegon- de à Poitiers (sur cet épisode, infra, p. 230) : sic devotus rex (Sigebert) per fidclem suum virum inlustrem Justinum comitem transmisit ad virum apostolicum domnum Eufronium Turonicae civitatis episcopum, ut. . . C'est probablement un Gallo-romain, à la différence de ses deux prédécesseurs qui étaient, si l'on peut se fier à l'onomastique, de race germanique.

179 HF, IX, 30 ; sur cet épisode, où il apparaît en percepteur d'impôts très zélé, infra, p. 223.

180 HF, V, 48, p. 257-258. Après avoir rappelé les humbles origines de Leudastis, né esclave, et son ascension sociale grâce à la faveur acquise auprès de la reine Marcovefa, épouse de Caribert, Grégoire relate sa nomination, sur l'ordre de ce roi, comme comte de Tours : Post haec, peccatis populi ingruentibus, cornes Turonus destinatur ibique se amplius

honoris gloriosi supercilio jactitat, ibique se exhibet rapacem praedis, turgidum rixis, adul- teriis lutulentum. Ubi seminando discordias et inferendo calumnias non modicos thesauros adgregavit. Post obitum vero Chariberthi, cum in Sigiberthi sorte civitas Ma venisset, transeunte eo ad Chilpericum, omnia quae inique adgregaverat a fidelibus nominati régis direp- ta sunt. . . Sed hic, dum Sigiberthus duos annos Turonus tenuit, hic in Brittaniis latuit. Leudaste paraît donc avoir conservé la charge que lui avait confiée Caribert, lorsqu'à la mort de ce dernier, Chilpéric, par l'entremise de son fils Clovis, s'est emparé par la force de Tours pendant quelque temps ; il est chassé lorsque Sigebert prend enfin possession de la cité qui lui revenait de droit.

181 HF, IV, 20, p. 152-153: Sed et civitas Toronica ante annum jam igne consumpta fuerat; HF, X, 31, 18, p. 534 : Hujus tempore civitas Turonica cum omnibus ecclesiis magno incendio concremata est.

182 HF, IV, 20, ibid. : totae eclesiae in eadem constructae desertae relictae sunt.

183 HF, X, 31, 19; Grégoire fit replacer plus tard ces reliques dans l'ecclesia senior, (infra, p. 501).

184 HF, IV, 20, p. 152-153 et X, 31, 18, p. 534.

185 HF, X, 31, 18.

187 YM, I, 31; sur l'organisation de la matricula, infra, p. 714 sq. ls«HF, X, 31, 18, p. 534.

189 GC, 18 : les vierges Maura et Britta apparaissent en songe à un habitant de Touraine qui, sur leurs instances répétées, édifie sur leur tombeau un oratorium. Eufronius se rend à la demande du pieux bâtisseur pour bénir le nouveau petit sanctuaire; pour le culte de ces deux saintes et la localisation de l'oratoire, infra, p. 514 sq.

190 Pour tous les personnages ici évoqués et leur activité, nous nous bornons à indiquer dans les notes qui suivent les références au texte de Grégoire, renvoyant pour plus de détails au chap. VIII et à PGC.

191 GC, 24 et VP, XIX.

™ HF, III, 8; GC, 39; VP, XII. 193 VP, XX.

194 HF, V, 5; GC, 25; VP, XV.

195 GC, 23 ; la reine Radegonde entretenait des relations avec l'ermite Jean et lui rendit visite lorsqu'elle séjourna en Touraine (Baudonivia, Vita S. Radegundis, 4). R. Aigrain, (Sainte Radegonde, Paris, 1917, p. 67) remarque que la chapelle où fut enterré Jean porte encore le nom de Sainte-Radegonde qui garderait le souvenir du passage de la reine à Chinon.

196 À partir du chap. 18 jusqu'au dernier chapitre (40), le livre I du De virtutibus sanc- ti Martini relate des pèlerinages effectués sous l'épiscopat d'Eufronius; à ces récits il convient d'ajouter ceux qui se rapportent au premier pèlerinage d'Aredius à Tours (GC, 9), à la visite de l'abbé parisien Domnolus (HF, VI, 9), aux pèlerinages de Clotaire et de la reine Radegonde (infra, p. 561).

197 G. De Clercq, Concilia Galliae, p. 175-194. Les actes du concile sont datés de la 6e année du règne de Caribert (567) et du XV des kalendes de décembre (17 novembre). Les 28 canons promulgués développent, pour la plupart assez longuement, une savante argumentation fondée à la fois sur des citations scripturaires et sur des références à la législation canonique ainsi qu'à des lois du Code Théodosien (De Clercq, Concilia Galliae, p. 175). Leur rédaction soignée reflète sans doute, au moins partiellement, la culture personnelle d'Eufronius, nourri surtout des Saintes Écritures.

198 C. De Clercq, La législation religieuse franque de Clovis à Charlemagne, (507-840), Louvain-Paris, 1936, p. 39-44. À noter que les canons du concile de Tours de 567 ne figurent que dans trois collections canoniques gauloises et encore de façon partielle pour l'une d'entre elles (F. Maassen, Geschichte der Quellen. . . op. cit., p. 211).

199 Can., 2; 5-9; 10-14; 20-23; 27 et 28; pour l'organisation de cette discipline, voir infra, p. 672 sq.

200 Can., 15-18 et 21 ; voir infra, p. 676 sq.

201 Can., 3 et 4; 19; 24.

202 Can., 2; 6-9; 12.

203 L'hypothèse est proposée avec beaucoup de prudence par L. Duchesne, Fastes, II, p. 256 et 386 et reprise, avec la même précaution, par De Clercq, Concilia Galliae, p. 210.

204 Can., 9 (éd. cit., p. 179) : Adicimus etiam, ne quis Brittanum aut Romanum in Armo- rico sine metropolis aut comprovincialium voluntate vel literis episcopum ordinare praesu- mat. Quod si quis contraire temptaverit, sententiam in anterioribus canonibus prolatam observet et a nostra cantate usque ad majoretti synodum se cognoscat esse remotum, quia merito a cantate nostra vel nostris ecclesiis segregantur, qui patrum statuta contemnunt.

™ Supra, p. 192.

206 Au témoignage de Fortunat qui était très lié avec Felix, comme le manifestent les nombreux carmina qu'il lui a dédiés (carm., III, 4-10 et V, 7). Il semble d'ailleurs qu'Eu- fronius partageait l'amitié du poète pour l'évêque de Nantes : dans la lettre qu'il adresse à Eufronius (carm., III, 2, p. 51), Fortunat charge son correspondant de saluer Felix, si per vos venti, ce qui suppose de bonnes relations entre le Nantais et le métropolitain. Le poète nous apprend que l'ecclesia de Nantes, commencée par Eumerius (circa 533-548; carm., IV, 1, v. 29-30, p. 80), fut achevée par les soins de Felix; le carmen, III, 6 (p. 55-56) évoque la cérémonie de la dédicace et le carm., III, 7 (p. 56-58), écrit probablement pour être lu en cette circonstance devant l'assemblée (Meyer, Der Gelegenheitsdichter Venan- tius Fortunatus, p. 35-36), célèbre la beauté de l'édifice et la sainteté des reliques qui y sont déposées : l'église qui a été construite en l'honneur de Pierre et de Paul (carm., III, 6, v. 13 et 14; III, 7, v. 4) recelait, outre les brandea des deux apôtres, des reliques de Martin et d'Hilaire dans la nef de droite et, dans celle de gauche, des reliques de Ferréol (carm. III, 7, v. 51-55). Sur la personnalité de Felix, Stroheker, Der senatorische Adel, n° 148, p. 172 et 173, et W. C. Me Dermott, Felix of Nantes, art. supra cit.

207 La liste des invités de marque est donnée par Fortunat (carm., III, 6) qui nomme, outre Eufronius (v. 20), Domitianus et Victurius (v. 25 ; respectivement évêques d'Angers et de Rennes), Domnulus (v. 27 ; évêque du Mans) ainsi qu'un Romacharius, peut-être le prêtre du diocèse d'Auxerre qui signe de ce nom au synode d'Auxerre (561-605); De Clercq, Concilia Galliae, p. 272.

208 GC, 19, p. 308-309 : Ipse quoque pontifex, cum a multis crebrius urgueretur, ut ad occursum Chariberthi régis deberet accedere et innectens moras ire differret . . . Comme son entourage le pressait de ne plus différer sa visite au souverain, Eufronius, mystérieusement éclairé par une inspiration surnaturelle, annonce que Caribert vient de mourir : ce que confirment quelque temps plus tard des nouvelles apportées de Paris.

209 fjpt iv, 16, p. 147-148 : Habebat enim et Leonem Pectavinsim ad omnia mala perpe- tranda gravem stimulum . . . Hic fertur quadam vice dixisse, quod Martinus et Marcialis confessons Domini nihil fisci viribus utile reliquissent. Sed statim percussus a virtute con- fessorum, surdus et mutus effectus, amens est mortuos. Sur la politique fiscale de Chramne, M. Rouche, L'Aquitaine, p. 63.

210 Supra, p. 212; de l'extrême fin du règne de Clotaire date aussi la fondation à Tours par la reine Radegonde, séparée de son époux, d'un monastère d'hommes qu'elle a probablement doté {infra, p. 409). Durant le séjour qu'elle fit en Touraine (infra, ibid.) la souveraine, écrit Fortunat (De Vita sanctae Radegundis, 33, p. 42), se monstravit munifi- cam. La moniale Baudonivia (Vita Sanctae Radegundis, 4, p. 381), entre autres exemples de sa générosité, relate le don que Radegonde fit au reclus Jean de Chinon d'un ornement d'or avec gemmes et perles d'une valeur de mille sous d'or.

211 HF, IX, 30, p. 448-449 : texte supra cit., n. 137.

212 Ibid. : Gaiso vero cornes ejusdem temporis, accepto capitulario, quem anteriores scriptores fecisse commemoravimus, tributa coepit exegere. Sed ab Eofronio episcopo prohi- bitus, cum exacta parvitate ad régis direxit praesentiam, ostendens capitular ium, in quo tributa continebantur. Sed rex ingemiscens ac metuens virtutem sancii Martini, ipsum incendio tradedit; aureus exactus basilicae sancii Martini remisit.

213 Ibid. : ... obtestans, ut nullus de populo Toronico ullum tributum publico redderit.

214 Infra, p. 317 sq.

215 Dans son exposé d'histoire fiscale (HF, IX, 30), à propos de cette exemption, Grégoire emploie trois fois l'expression urbs turonica et jamais celle de civitas T. ; et c'est la population de Yurbs qu'il désigne par les termes de populus et, une fois, par celui de populus Turonicus. Que l'ensemble du territoire de la civitas n'ait pas bénéficié de cette exemption, la preuve en est que, à l'époque de son propre épiscopat, l'historien, ainsi que son ami Fortunat, ont l'occasion de mentionner la présence en Touraine, dans l'exercice de leurs fonctions, de percepteurs royaux (infra, p. 318).

216 F. Lot, L'impôt foncier, op. cit., p. 95, n. 1, à propos d'un épisode identique mais plus tardif, concernant la ville de Bourges.

217 VM, I, 29, p. 152.

218 VM, I, 30, p. 152.

219 HF, IV, 48, p. 258 (supra cit., n. 180).

220 Le droit d'asile des églises et de leurs dépendances, peut-être déjà reconnu par une constitution d'Honorius (C. Th. 16, 8, 19 : 1er avril 409), a été réglementé par les constitutions impériales de 431 et 432 (C. Th., 9, 45, 4 et 5 = C. J. 1, 12, 3 et 4; cf. J. Gaudemet, L'Église dans l'Empire romain, Paris, 1958, p. 282-287). En Gaule, les premières dispositions canoniques relatives à l'asile sont prises au concile d'Orange en 441 (can. 5) et reproduites dans la collection dite du 2e concile d'Arles (can. 30 et 32). Cette législation est développée et précisée aux conciles d'Orléans de 511 (can. 1-3), de 538 (can. 14), de 541 (can. 21, 24 et 30), de 549 (can. 22). Dans un pacte conclu entre 555 et 558 (C. De Clercq, La législation religieuse franque, p. 12 et 35), Childebert et Clotaire confirment aux églises et à leurs dépendances le droit d'asile et sanctionnent les dispositions du droit canonique.

221 La législation canonique en Gaule envisage tout spécialement le cas des esclaves fugitifs, mais aussi celui des homicides, adultères et voleurs et des auteurs de rapt, en précisant les conditions auxquelles tous ces fugitifs peuvent être admis à bénéficier de la protection de l'asile (infra, p. 698 sq.), ainsi que l'extension dans l'espace de ce droit d'asile, reconnu non seulement aux différents sanctuaires mais aussi à leur atrium et à la maison de l'évêque (Orléans 511, can. 1; cf. pacte de Childebert et Clotaire, art. 14).

222 HF, IV, 18, p. 150-151.

224 Ibid. : Redeunte autem in regnum suum rege Chlothario, magnus cum eo est habitus. Pour la suite de la carrière d'Austrapius, voir supra, n. 29.

225 Wiliacharius était sans aucun doute le beau-père de Chramne : Grégoire nous a appris dans un chapitre précédent (HF, IV, 17) que, peu de temps auparavant, il avait donné en mariage au prince l'une de ses filles, nommée Chalda s'il faut en croire le Liber Historiae Francorum (28, éd. Krusch, MGH, srm, II, p. 286). Grégoire évoque à plusieurs reprises le séjour de Wiliacharius dans la basilique Saint-Martin (HF, IV, 20; HF, X, 31, 18 et VM, I, 23). En ce qui concerne le premier de ces textes, la majorité des manuscrits indiquent Wiliacharius autem socer ejus, leçon déjà reproduite par Frédégaire (Chron., III, 54) et ensuite adoptée aussi bien dans l'édition de Ruinart (cf. P. L. LXXI, col. 285) que dans celle de Krusch (éd. cit., p. 152). Quelques manuscrits de la classe Β portent toutefois Wiliacharius autem sacerdos (ou sacerdus) et cette leçon a été retenue dans l'édition anglaise de O. M. Dalton (p. 132 du texte et notes justificatives n° 12 et 13, p. 521- 523) : comme à deux autres reprises, Grégoire, parlant à l'évidence du même personnage, donne à celui-ci le titre de presbyter (VM, I, 23, où il fait état du récit que le prêtre W. lui a fait de son arrestation dans la basilique Saint-Martin; VM, III, 13, où il est question de Theoda, fille du défunt prêtre W.), l'historien britannique en conclut qu'il faut restituer, dans le chapitre HF, IV, 21, le terme sacerdos et qu'en conséquence on doit admettre qu'à l'époque de la rébellion de Chramne, W. était déjà membre du clergé. En fait, les témoignages invoqués ne sont pas incompatibles avec la leçon socer ejus (dans HF, IV, 20), préférée par la majorité des éditeurs : lorsque Chramne se révolta contre son père, W. était plus probablement un laïc (lorsqu'il le met en scène à cette époque de sa vie, Grégoire ne lui donne jamais le titre de presbyter : HF, IV, 17 et HF, X, 31, 18), sans doute un personnage assez puissant que le prince s'était attaché en épousant sa fille et qui le seconda ensuite dans son entreprise politique ; il aurait été nommé, par Chramne, duc de Tours et de Poitiers à la place d'Austrapius destitué (M. Rouche, L'Aquitaine, p. 63). Sauvé grâce à l'intercession de Martin, W. s'est fait ensuite ordonner prêtre, afin d'entrer au service du saint patron auquel il devait la vie : c'est en cette qualité que Grégoire l'a connu plus tard et a obtenu de lui le récit de ses tribulations (VM, I, 23). Notre personnage, déjà décédé (VM, III, 13) lorsque Grégoire rédigeait le livre III du De virtutibus sancti Martini (achevé au plus tard en 587, préf. à l'éd. B. Krusch, p. 3), ne peut être confondu avec le comte d'Orléans Wiliacharius ou Wiliacharius (HF, VII, 13, ann. 584), toujours en fonction en 590 (HF, X, 9), contrairement à l'opinion émise par M. Rouche (op. cit., n. 62, p. 494). Voir PGC.

226 HF, IV, 20, p. 152; HF, X, 31, 18, p. 534; VM, I, 23, p. 150.

227 C'est ce que paraît indiquer le premier récit de l'HF (IV, 20).

228 FM, I, 23, p. 150.

230 De sa première campagne contre les Thuringiens, Clotaire avait ramené captifs les enfants du roi Berthier, un fils et une fille, Radegonde, dont il fit son épouse (HF, III, 7, p. 105). De même que Grégoire, Fortunat (De excidio Thoringiae, Appendix Carminum, I, p. 271-275, surtout v. 123-126, p. 274; De vita Radegundis, 26, p. 41) présente la décision, prise ensuite par la reine, de quitter le siècle et son époux comme la conséquence de la disparition dramatique de son frère : ce dernier fut assassiné, semble-t-il, lors du soulèvement des Thuringiens, alliés aux Saxons, en 555 (HF, IV, 10; Frédégaire, Chron., III, 51) ou en 556 (Marius d'Avenches, Chron., p. 236-237, qui distingue une première révolte entraînant les seuls Saxons, ann. 555 et une seconde révolte à laquelle s'associent les Thuringiens, ann. 556); sur cette chronologie, R. Aigrain, Sainte Radegonde, Poitiers, 1917, p. 54-57.

231 Fortunat, Vita R., 12, p. 41 : Baudonivia, Vita R., 4 p. 381 ; Aigrain, op. cit. p. 57-66. Sur l'œuvre de Baudonivia, L. Coudanne, Baudonivie, moniale de Sainte-Croix et biographe de sainte Radegonde, dans Études mérovingiennes, Actes des Journées de Poitiers, (1-3 mai, 1952), Paris 1953, p. 45-51.

232 Fortunat, Vita Radegundis, 33, p. 42.

233 La moniale Baudonivia, à propos d'un épisode plus tardif, mentionne incidemment l'existence de ce monastère fondé par la reine (Vita R., 16, p. 388).

234 Fortunat, Vita R., 34, p. 42.

235 Sur ce personnage, supra, p. 218; la reine avait certainement fait sa connaissance lorsqu'elle traversait la Touraine : en effet, quelque temps plus tard, alors qu'elle était établie à Saix et qu'elle venait d'apprendre que son époux, le roi Clotaire, songeait à lui imposer de reprendre la vie commune, elle fit demander au reclus, par l'intermédiaire d'une de ses compagnes, de prier pour elle (Baudonivia, Vita R., 4, p. 381); Aigrain, op. cit., p. 67 et 72-74.

236 Saix, aujourd'hui commune du canton des Trois-Moutiers, arrondissement de Cha- tellerault, Vienne.

237 Grâce à la générosité de Clotaire, qui avait concédé le terrain et pourvu aux frais de construction, grâce aussi à l'aide apportée par l'évêque de Poitiers Pientus et le duc Austrapius (HF, IX, 42; Baudonivia, Vita R., 5), le monastère Notre-Dame fut rapidement achevé. C'est alors que le roi fut de nouveau en proie à la tentation de reprendre son épouse : comme il s'était rendu à Tours à la fin de 560, pour obtenir par l'intercession de Martin le pardon de ses péchés (HF, IV, 21 ; cf. supra, p. 213 et n. 170), il nourrissait aussi, selon Baudonivie (Vita R., 6 et 7), l'intention de continuer jusqu'à Poitiers pour en ramener la reine. Celle-ci, avertie à temps, fit demander à l'évêque de Paris, Germain, qui accompagnait le souverain dans son pèlerinage tourangeau, de détourner ce dernier de son projet; non seulement Germain obtint gain de cause auprès du roi, mais celui-ci le chargea de se rendre directement de Tours à Poitiers pour donner à Radegonde l'assurance définitive de sa liberté. Au saint évêque qui avait accompli sur sa route plusieurs miracles (Fortunat, Vita Germani, 99-101), Radegonde demanda de consacrer l'abbesse dont elle avait fait choix, Agnès (cf. HF, IX, 42). C'est donc à l'extrême fin de 560 ou au début de 561 que Radegonde s'enferme avec Agnès et d'autres religieuses dans les bâtiments claustraux.

238 Des liens qui unissent la communauté poitevine à la ville d'Eufronius témoignent en particulier la visite faite au tombeau de Martin par Agnès lors d'un voyage à Trêves (VM, IV, 26) et la présence de Tourangelles parmi les moniales de Sainte-Croix (HF, IX, 39).

239Grégoire de T., GM, 5 et HF, IX, 40; Baudonivia, Vita R., 14-16. La date exacte de l'ambassade n'est pas connue : comme Sigebert était alors le maître de Poitiers, elle est postérieure à la mort de Caribert (extrême fin de 567), mais sans doute d'assez peu : dans la longue épître de remerciement que Fortunat écrivit ensuite à Justin II (empereur d'Orient depuis novembre 567), le poète parle de la nova purpura du souverain (Appendix carni., 2, ν. 25, p. 276). Il faut donc sans doute situer l'envoi et le retour de la délégation — dont le voyage dura plusieurs mois — dans les années 568/569. En tout cas le terminus ad quem est donné par la mort d'Eufronius en 573.

240 HF, IX, 40; Baudonivia, Vita R., 16. Sur les motifs qui inspirèrent l'attitude de Maroveus, Aigrain, Sainte Radegonde, p. 122 et R. Mineau, Un évêque de Poitiers au VIe siècle, Marovée, dans Bull, de la Soc. des Antiquaires de l'Ouest, 4e série, XI, 1971-1972, p. 361-383; des condamnations sévères portées anciennement contre l'évêque, les deux auteurs, adoptant un jugement plus modéré, font appel : Maroveus avait de légitimes raisons de considérer avec une certaine suspicion une communauté qui, dès l'origine, et en particulier lors de la consécration de la première abbesse, s'était soustraite à l'autorité de l'évêque ordinaire. Pour les rapports ultérieurs de Maroveus avec Sainte-Croix, infra, p. 331 sq.

241 Baudonivia, Vita R., 16, p. 388-389 : Interim. . . in Turonico suo in monasterio viro- rum quod condidit, ut et ipsum salvaret, ibi cum psallentio sacerdotum crucem Domini vel pignora sanctorum commendavit.

242 Grégoire, HF, IX, 40, p. 464 : Tune regina iteratis ad regem Sigibertum direxit, depraecans, ut injunctione sua quicumque ex episcopis haec pignora cum ilio quo decebat honorem votu,mque ejus exposcebat in monastyrium collocaret. Ad hoc enim opus beatus Eufronius urbis Toronicae episcopus injungitur. Qui cum clericis suis Pectavo accedens, cum grandi psallentium et caereorum micantium ac thymiamatis apparatu sancta pignora, absente loci episcopo, in monastirium detulit. Baudonivia, Vita R., 16, ibid. : Sic devotus rex per fidelem suum virum inlustrem Justinum comitem transmisit ad virum apostolicum domnum Eufronium Turonicae civitatis episcopum, ut cum honore digno gloriosam crucem Domini vel sanctorum reliquias in monasterio dominae Radegundis introponeret, quod et factum est.

243 Pour cette cérémonie, Fortunat avait composé des hymnes, le Vexilla Regis (carm. II, 6) et le Pange lingua (carm., II, 2); W. Meyer, Der Gelegenheitsdichter Venantius Fortu- natus, p. 30 sq.

244 HF, IX, 42.

245 HF, IX, 39. Les suffragante du siège de Tours qui ont apposé leurs signature sont Felix de Nantes, Domitianus d'Angers, Victurius de Rennes et Domnolus du Mans.

246 HF, IX, 42, p. 470 et HF, IX, 39, p. 462. L'ordre dans lequel Grégoire présente les deux lettres est celui dans lequel elles ont été produites lors du scandale qui éclata à Poitiers en 589. Cela ne préjuge en rien de l'ordre chronologique dans lequel elles ont été rédigées.

247 Grégoire place en effet l'adoption de la règle de sainte Cesarie (HF, IX, 40) après l'arrivée de la relique de la croix à Poitiers. Que Radegonde ait fait le voyage d'Arles, comme il le prétend, ou non (Aigrain, dans Bull, philol. et hist, du Comité des Travaux hist., 1926-1927, Paris, 1928, p. 119-127), le manuscrit de la règle fut apporté à Sainte- Croix par une jeune fille aveugle, Chrodigildis, sur l'ordre du roi Chilpéric (GM, S), donc à l'époque où ce souverain s'était emparé par la force de Poitiers, dont il contestait la possession à Sigebert. De plus, l'historien présente le choix de la reine comme directement dicté par les difficultés rencontrées par cette dernière dans ses rapports avec Maroveus (HF, IX, 40) : effectivement la règle de sainte Cesarie, parce qu'elle renferme l'autorité de l'évêque dans des limites très étroites (M. Malnory, Saint Césaire, Paris, 1894, p. 217) répondait parfaitement aux besoins de Sainte-Croix. Les deux lettres sont donc postérieures à la mort de Caribert et l'on ne peut retenir la conception qui a eu longtemps cours et qu'adopte encore, semble-t-il, De Clercq (Concilia Galliae, p. 175), suivant laquelle la lettre episcopale aurait été souscrite en 567 par les Pères du concile de Tours, ou du moins par la majeure partie d'entre eux (Chaletricus de Chartres et Leudobaudis de Séez, présents au concile, ne sont pas parmi les signataires de la lettre).

248 Dans une note de son édition (HF, IX, 42, p. 470, n. 1), B. Krusch croit pouvoir conclure, d'une des phrases de la lettre de Radegonde, à une datation tardive : la reine en appelle aux souverains francs pour leur demander protection pour sa communauté, en leur rappelant l'exemple de Clotaire, leur père et leur grand-père (patres vel avi eorum ; ibid., p. 473). L'éditeur en déduit que doit être déjà monté sur le trône Childebert II, le fils de Sigebert décédé en 575. En fait, il est clair que, dans ce paragraphe de sa lettre, Radegonde ne se réfère nullement au présent; elle émet un vœu concernant l'avenir à l'adresse des principes quos Deus pro gubernatione populi post discessum meum superesse praeceperit (ibid., p. 473). Un autre passage de la lettre infirme, semble-t-il, également l'hypothèse de Krusch; lorsque Radegonde cite les souverains auxquels elle a demandé de confirmer par des diplômes le précepte de Clotaire, elle énumère Caribert, Gontran, Chilpéric et Sigebert et ne fait aucune mention de Childebert IL

249 R. Aigrain, Sainte Radegonde, p. 160.

250 HF, IX, 42 ; l'en-tête porte comme adresse : Dominis sanctis et apostolica sede dignissimis in Christo patribus, omnibus episcopis (p. 470) ; mais dans le cours de sa lettre, Radegonde en appelle aussi aux praecellentissimos domnos reges et Universum populum christianum (p. 473).

251 Ibid., p. 471-472.

252 HF, IX, 39, p. 462-463.

253 Les évêques signataires précisent qu'ils écrivent en réponse à une pétition adressée par la reine, inspicientes etiam vestrae petitionis epistulam libenter a nobis exceptam (HF, IX, 39, p. 462). Que cette pétition soit bien l'épître de Radegonde que Grégoire nous a transmise (HF, IX, 42), plusieurs indices permettent de s'en convaincre :

1) la reprise par les prélats de plusieurs des thèmes généraux abordés par la reine : stricte discipline imposée par la règle arlésienne; protection accordée par Martin au monastère Sainte-Croix; approche de la fin du monde;

2) et surtout le parallélisme évident dans la composition des deux missives : les sept signataires calquent leur réponse très étroitement sur les développements contenus dans la lettre de la reine-moniale. Cette dernière commençait par faire l'historique de son «projet», en insistant sur l'appui qu'elle devait, pour sa réussite, rechercher auprès des «pères, médecins et pasteurs de la bergerie»; les prélats, tout en louant son pieux dessein, se reconnaissent d'emblée compétents pour veiller à son succès. Parmi les demandes précises formulées ensuite par la reine, ils n'en retiennent, il est vrai, qu'une seule ; mais la réponse qu'ils y apportent correspond aux souhaits successivement émis par la reine : les évêques s'engagent d'abord pour eux-mêmes, puis réitèrent cet engagement au nom de leurs successeurs.

254 HF, IX, 39, p. 462.

255 On note dans les Actes du concile de Tours et dans la lettre episcopale des ressemblances très nettes : emploi de formules identiques dans la préface aux canons de 567 et dans la conclusion de la lettre (remarque de R. Büchner dans son édition, ad. loc, p. 301, n. 1) et surtout, ici et là, un goût — qui nous paraît marqué chez Eufronius {supra, n. 197) — pour le recours à des citations ou à des réminiscences scripturaires, destinées dans leur enchaînement à articuler le raisonnement.

256 HF, IX, 39, p. 461-462 : Sed cum paene eadem veneritis ex parte, qua beatum Marti- num hue didicimus accessisse, non est mirum, si illum imitare videaris in opere, quem tibi ducem credimus iteneris extetisse : ut, cujus es secuta vestigia, filici voto conpleas et exem- pla, et beatissimum virum in tanto tibi facias esse socium, in quantum partem refugis habe- re de mundo. Si la lettre fait de Radegonde, au prix de quelque approximation géographique, une compatriote de Martin, ce n'est pas gratuitement : il s'agit d'affirmer que Martin, présenté dans les lignes précédentes comme le véritable apôtre des Gaules, est le saint protecteur de la communauté poitevine et que, de ce fait, son successeur, Eufronius, est particulièrement qualifié pour y intervenir en son nom.

257 HF, IV, 26.

258 CG, II, p. 204-210.

259 Ibid., p. 197-199.

260 Voir tableau II, p. 238.

261 Sur toute cette succession chronologique, De Clercq, La législation religieuse fran- que, p. 39-44.

262 HF, IV, 26, p. 157-158.

263 Can. 8, éd. cit. p. 208-209. Ce parallélisme entre l'affaire de Saintes et la décision élaborée à Paris a inspiré des conclusions diverses aux commentateurs quant à l'ordre de succession des deux réunions ; en dernier lieu, J. Champagne et R. Szramkiewicz {Recherches sur les conciles des temps mérovingiens, dans Revue historique de droit français et étranger, 1971, p. 5-49, surtout p. 46-48) qui penchent pour l'antériorité du concile de Paris.

264 HF, IV, 26, p. 158.

265 Can. 9; supra, p. 220.

266 Condamnation de ceux qui spolient l'Église de ses biens.

267 Apposent leur signature à la lettre tous les évêques de la province de Tours présents au concile réunis dans cette ville, Eufronius de Tours, Domicianus d'Angers, Felix de Nantes et Domnolus du Mans, à une exception près celle de Victurius de Rennes. La lettre ne figure dans aucun des manuscrits par lesquels ont été transmis les Actes du concile de Tours; elle fait suite en revanche aux canons du concile de Paris dans deux des cinq manuscrits connus (De Clercq, Concilia Galliae, p. 175 et 204).

268 Le chapitre de l'HF, IV, 26 est tout entier consacré au règne de Caribert et l'historien précise bien que la réunion de Saintes eut lieu hujus régis tempore {supra, n. 262), mentionnant ensuite les vives réactions qu'elle suscita chez ce souverain.

269 L'épisode saintongeais s'intercale entre l'exposé relatif aux trois premières unions contractées par Caribert et le récit de son mariage avec Marcovefa.

270 Chilpéric avait obtenu du roi wisigoth, Athanagild, la main de sa fille, Galswinthe; la jeune fiancée fut envoyée en Gaule par son père (HF, IV, 28), avant le 14 juin 567, date de la mort de ce dernier. Célébré à Rouen (Fortunat, carm. VI, 5, v. 236, p. 142), une ville dont Chilpéric ne fut maître qu'après la mort de Caribert, le mariage a eu lieu très probablement, compte tenu des délais de voyage, avant la fin de 567.

271 Concile de Tours de 567, can. 25.

272 Le 3e concile de Paris ne réunit que 1 5 participants venant des provinces de Tours, de Bourges, de Bordeaux, de Reims, de Rouen et de Sens. En conclusion aux Actes, un paragraphe stipule que ceux qui ont été empêchés de se rendre au concile devront apporter à ses décisions leur souscription. Etant donné l'incertitude qui plane sur la date exacte du concile entre les deux termes de 556 et 573, étant donné aussi les modifications que subit durant cette période la géographie des royaumes, les historiens ont émis, suivant la datation qu'ils retenaient, des jugements très divers sur le caractère de la réunion et l'appartenance politique des Pères qui la composaient (De Clercq, La législation religieuse franque, p. 44, avec le résumé des principales opinions émises). Si l'on doit adopter, comme nous le croyons, une date tardive, entre 568 et 573, il faut en conclure que des évê-

ques des trois royaumes avaient été convoqués ; le nombre des présents apparaît d'autant plus faible.

273 Neuf canons seulement, qui abordent un petit nombre de questions (biens ecclésiastiques, mariages illicites, élections épiscopales, devoirs de l'évêque), traitées le plus souvent de façon décousue et hâtive (seuls les canons 1 et 8 ont quelque ampleur); un texte bâclé qui contraste avec la rédaction soignée des actes du concile de Tours.

274 Dans les canons 1 et 8 surtout; voir infra, p. 243.

275 Les évêques, à l'approche d'une guerre imminente, exhortent les fiancés à différer leurs noces, afin qu'ils affrontent les périls en état de chasteté, et tous les chrétiens à verser la dîme (mentionnée pour la première fois) à l'Église, afin que celle-ci soit en mesure de racheter les captifs. Sur ces problèmes, infra, p. 609 sq.

276 HF, IV, 26, p. 158 : Quod vir Dei manifeste respuit.

277 Ibid. : Igitur postquam presbiter Parisiacae urbis portas ingressus régis praesentiam adiit, haec affatus est : 'Salvae, rex gloriosae. Sedis enim apostolica eminentiae tuae salu- tem mittit uberrimam '. Cui Me : 'Numquid ', ait, 'tu Romanam adisti urbem, ut papae illius nobis salutem déferas ? ' 'Patris ', inquid presbiter, 'tui Leontius cum provincialibus suis tibi salutem mittit. . .'.

™HF, IV, 26, p. 157-158.

279 HF, IV, 26, p. 158; c'est là la réaction de Caribert qui s'écrie: 'Potasne, quia non est super quisquam de filiis Chlothari régis, qui patris facta custodial, quod hi episcopum, quern ejus volontas elegit, absque nostrum juditio projecerunt ? ' Applaudissant aux mesures prises par le roi pour châtier Léonce et Heraclius, Grégoire conclut l'épisode, en approuvant Caribert ; Et sic principis est ulta injuria.

280 J. Champagne et R. Szramkiewicz, art. supra cit., p. 48 : « En refusant de prendre parti en faveur de Léonce et d'Héraclius, Eufronius se met en contradiction avec lui- même : n'a-t-il pas signé ou ne signera-t-il pas le canon 8 de Paris 556-573?».

281 Léonce semble avoir réagi bien tardivement à la désignation d'Emerius par le roi : après celle-ci, un conflit a pu naître entre le suffragant et son métropolitain, ce dernier contestant alors la validité de l'élection. En tout cas, les deux hommes paraissent s'être assez vite réconciliés, puisque Fortunat (carm. I, 12) nous les présente collaborant en parfait accord pour l'achèvement de la basilica S. Bibiani à Saintes.

282 HF, IV, 26. 2« Can. 9.

284 Can. 1, éd. cit., p. 176-177: l'obligation s'impose aux évêques, sine cujuslibet excu- satione personae, id est regiae vel privatae ... ; sed, sicut dictum est, neque impedimentum ordinationes regiae neque sub occasione utilitatis aut causae propriae debeat a concilio separari.

285 Can. 25 (24), p. 192 : ... dum inter se saeviunt dotnni nostri ac malorum hominum stimulo concitantur . . .

286 Can. 8, éd. cit., p. 208 : Nullus civibus invitis ordinetur episcopum, nisi quem populi et clericorum electio plenissima quesierit voluntate; non principes imperio neque per quamlibet conditionem contra metropolis voluntatem vel episcoporum comprovincialium ingeratur. Le canon prévoit ensuite que, pour juger des consécrations antérieures douteuses, le métropolitain pourra instituer un tribunal composé de ses suffragante et d'autres évêques qu'il estimera bon de convoquer. On a cru reconnaître l'application de cette procédure dans la réunion de Saintes, qui serait alors postérieure au concile de Paris (Champagne et Szramkiewicz, art. cit., p. 46-48). Cependant cela supposerait que l'assemblée parisienne se soit tenue du vivant de Caribert, ce qui, étant donné la politique religieuse de ce souverain, paraît tout à fait improbable.

287 Can. 1, éd. cit., p. 205-206.

288 Eufronius de Tours, Felix de Nantes, Domicianus d'Angers, auxquels se joint probablement l'évêque de Dol, Samson, se retrouvent à Paris comme à Tours en compagnie de l'évêque parisien Germain et de Prétextât de Rouen.

289 HF, Pref. du livre V, p. 193, où Grégoire, évoquant les événements de cette période commente : Taedit me bellorum civilium diversitatis, que Francorum gentem et regnum valde proterunt, memorare.

290 Ibid. : Unum vobis deest, quod, pacem non habentes, Dei gratiam indegetis.

291 HF, IV, 47; sur cet épisode, infra, p. 266.

292 Sur le pèlerinage de Grégoire à Tours et les circonstances de son élection, infra, p. 263 sq.

1 Consacré en 573 (VM, II, 1 ; L. Pietri, La succession .... p. 608), Grégoire se rend d'abord en pèlerinage à Brioude où il assiste le 28 août à la fête de s. Julien (VJ, 34). Il est ensuite présent à Tours, note-t-il, mense... secundo ordinationis meae (VM, II, 1, p. 159).

2 Pour cette occasion, Fortunat a composé deux pièces de vers. La première, la plus longue (carm., V, 3), s'adresse aux habitants de Tours, invités à célébrer l'arrivée du saint et noble pasteur qui leur est donné; la seconde, plus brève (carm. V, 4), adressée directement à Grégoire pour lui offrir les vœux de son ami, se présente comme un toast porté au cours du banquet (in mensa dictum) qui clôt les festivités organisées pour accueillir le nouvel évêque (W. Meyer, Der Gelegenheitsdichter Venantius Fortunatus, op. cit., p. 34 et 46). On ignore en quel lieu et à quelle date Grégoire et Fortunat s'étaient rencontrés et liés d'amitié : à Tours, lors du pèlerinage qui y avait conduit Grégoire, alors diacre, en 567?

3 Tours, qui appartenait au roi d'Austrasie Sigebert depuis 567, avait déjà été une première fois occupée de vive force par Chilpéric ; ce dernier, obligé de restituer la cité à son frère, n'attendait qu'une occasion pour recommencer l'opération (supra, p. 210).

*Carm. V, 3, v. 13-16, p. 106:

Quem patris Aegidii domino manus aima sacravit,

ut populum recreet, quem Radegundi amet. Huic Sigibercthus ovans favet et Brunichildis honori : judicio régis nobile culmen adest.

La consécration de Grégoire eut certainement lieu dans la cité où l'évêque Aegidius avait son siège, à Reims qui était alors la capitale de l'Austrasie.

5 C'est ainsi qu'au livre IV de l'Historia Francorum, Grégoire glisse de l'épiscopat d'Eufronius, auquel se rapportent les événements notés au chapitre 45, à son propre épis- copat, signalant au chap. 47 une de ses premières interventions en faveur de sa cité, sans avoir mentionné entre temps la mort de son prédécesseur et sa propre élection. À cette dernière, il se contente de faire une simple allusion dans d'autres textes (VJ, 34; VM, II,

6 Sur la législation canonique en matière d'élection et de consécration épiscopales (élection par le clergé et le peuple et consécration par les évêques comprovinciaux), ainsi que sur le droit d'approbation reconnu au prince au concile d'Orléans en 549, mais depuis lors contesté (concile de Tours de 567 et concile de Paris 556-573), supra, p. 179 et 242. Le concile d'Orléans de 541 rappelle que l'évêque doit être consacré dans sa ville episcopale (can. 5).

7 Infra, p. 274 sq.

8HF, IV, 35, p. 168. À noter toutefois qu'Avitus, comme nous l'apprend un peu plus haut Grégoire, était l'élu du peuple et du clergé de Clermont.

9 VP, XIV, 3, p. 270 : puer Florentius, Georgi quondam filius senatoris; GM, 83; VJ, 24; GC, 39. K. F. Stroheker, Der senatorische Adel im spätantiken Gallien, n° 163. Pour tous les membres de la famille de Grégoire, voir stemma, Append., 2.

10 VT, XIV, 3 (supra cit., η. 9); VP, VI, 1, p. 230 : Georgi... senatoris; Stroheker, n° 175.

11 Georgius et Florentius sont citoyens arvernes (civem Arvernum, VP, VI, 1, p. 230; GM, 83). Tous les épisodes où ils apparaissent se situent en pays arverne, où ils possèdent leurs domaines (GM, 83). Grégoire, pour désigner leur fortune, emploie les termes d'opo- lentia facultatis (VP, VI, praef., p. 230).

12 VP, VI, praef., p. 230 : splendor generis... celsitudo senatorii ordinis; VP, VI, 1, ibid. : de prima progenie.

13 La noblesse arverne a mal accepté la domination franque ou, du moins, l'autorité exercée par le roi Thierry Ier (511-533/534). L'un de ses membres, Arcadius (Stroheker,

n° 29), petit-fils de Sidoine Apollinaire, donne le signal d'une rébellion qui se propose de faire passer le pays aux mains de Childebert Ier (HF, III, 9). La répression exercée par Thierry, après l'échec d'Arcadius et sa fuite, est très brutale : l'Auvergne est mise à feu et à sang (HF, III, 12 et 13; VP, IV, 3; GM, 83; VJ, 13-16 et 23). Les indications chronologiques données par Grégoire sont contradictoires : d'une part, il déclare que la révolte a éclaté à la faveur de l'absence de Thierry, qui dirigeait une campagne contre les Thurin- giens, soit en 531; d'autre part, il situe l'événement à l'époque de l'épiscopat de Quintia- nus à Clermont (516 - circa 525). Comme l'historien apparaît bien informé au sujet de ce dernier personnage, auquel il a consacré une notice (VP, IV), il est probable que la révolte d'Arcadius date de 520 environ. Mais il est possible qu'une seconde tentative ait eu lieu, avec une nouvelle intervention de Childebert, vers 531 et que Grégoire ait confondu les deux épisodes (E. Zöllner, Geschichte der Franken, op. cit., p. 79-80).

14 Le fils aîné de Georgius, Gallus (infra, n. 16), est qualifié d'orphelin à l'époque où, du vivant de l'évêque Quintianus, la répression de Thierry s'abat sur l'Auvergne (VJ, 23). C'est donc entre 516 et 520 que se situe le décès de Georgius. Son fils cadet, Florentius, avait alors moins de 10 ans, âge auquel il est déjà présenté comme orphelin (VP, XIV, 3).

15 VJ, 23, p. 124.

16 VP VI; cf. II, 2; HF, IV, 5 et 13; GM, 50; VJ, 23; Fortunat, carm., IV, 4. Stroheker, n° 171. Gallus occupe le siège de Clermont de 525 à 551 (Duchesne, Fastes, II, p. 36).

17 GM, 83. Florentius, qui était alors tout jeune, ne semble pas avoir eu à souffrir personnellement des conséquences entraînées par la révolte de l'Auvergne à l'époque du roi Thierry Ier. La sentence d'exil, qui le frappe sous le règne de Théodebert Ier (533/534- 548), ne paraît pas devoir être mise en rapport avec une nouvelle rébellion arverne. En prenant des otages, le nouveau souverain voulait seulement s'assurer de la fidélité des habitants de l'Auvergne, une précaution que dictaient les intrigues tramées par ses oncles qui auraient souhaité le déposséder de son royaume (HF, III, 23).

18 GM, 83, où Grégoire décrit, après la mort de son père, une scène de moisson, in agro nostro, en Limagne. Cette dernière région était réputée pour sa fertilité (Sidoine Apollinaire, carm., VII, 139-152 et Epist., IV, 21, 5; cf. HF, III, 9).

19 VP, VI, 1. Stroheker, n° 214.

20 VP, VI, 3. Stroheker, n° 202. Impetratus, en sa qualité de prêtre de l'Église de Clermont, a sans doute favorisé l'élévation de son neveu Gallus au siège episcopal de cette cité.

21HF, 1,29; GM, 48; VP, VI, 1.

22 HF, I, 31; cf. GC, 90 et VP, VI, 1.

23 GC, 90. Son tombeau était vénéré à Déols, près de Bourges.

24 VP, VI, 1, p. 230.

25 GM, 50, 83 et 85; VM, I, praef. et 36; VM, III, 10 et 60; VP, Π, 2 et VII 2; GC, 3 et 39. Fortunat, carm., X, 15. Stroheker, n°35.

26 Grégoire omet de mentionner son nom.

27 HF, IV, 36; VP, Vili, 3. Stroheker, n°337; L. Duchesne, Fastes, II, p. 166. L'épita- phe de Sacerdos (CIL, XIII, 2398; Diehl, 1072) fait allusion à sa dignité de patricien (v. 7 : patricium decus). Sur sa carrière dans le siècle, avant l'épiscopat, M. Heinzelmann, Bis- chofsherrschaft in Gallien, p. 130-137). On ne sait si Sacerdos était le frère de Florentinus ou celui d'Artemia (A. Coville, Recherches sur l'histoire de Lyon du Ve au IXe siècle, Paris, 1928, p. 319). Stroheker, sans preuve, le tient pour le frère de Florentinus.

28 VP, Vili, 1, p. 241 : quidam ex senatoribus. Stroheker, n° 161.

29 VP, Vili, 1 . Stroheker, n° 36. Artemia portait alors dans ses flancs le futur évêque de Lyon, Nicetius.

30 HF, VI, 11 et 26 et VIII, 1. Stroheker, n° 184.

31 CIL, XIII, 2400 (Diehl, 1073); une première Vita Nicetii (MGH, srm, III, p. 521-524; BHL 6088; Clavis 2129), écrite vers 586 par Aetherius, deuxième successeur de Nicetius, est un peu antérieure à ta notice rédigée par Grégoire (VP, Vili) ; ce dernier évoque Nicetius en d'autres de ses œuvres : HF, IV, 36; V, 5 et 20; VIII, 5; VJ, 2 et 50; GC, 60 et 61 ; cf. Fortunat, Carm. X, 10, v. 23-24. Duchesne, Fastes, II, p. 166-168; A. Coville, Recherches, p. 323, sq.; M. Heinzelmann, op. cit., p. 152-174.

32 VP, Vili, 3. La mort de Sacerdos — qui a pour conséquence l'élévation de Nicetius au siège de Lyon — daterait, selon les indications chronologiques fournies par son épita- phe (supra, n. 27), de 552 (Duchesne, loc. cit.; Coville, op. cit. p. 331-332). Mais il est possible qu'elle se soit produite une année plus tôt, puisque Grégoire attribue à son successeur, Nicetius, mort le 2 avril 573, un épiscopat de 22 ans. (HF, IV, 35; VP, Vili, 5).

33 De même que celui de son épouse, son nom n'est pas mentionné par Grégoire.

34 VP, VII, praef., p. 237 : de excelsa senatorii ordinis potential VP, VII, 1, ibid. : ex senatoribus primis; HF, III, 15 et 19; IV, 15; V, 5; GM, 50; Fortunat, Carm., IV, 2. Strohe- ker, n° 182; Duchesne, Fastes, II, p. 186. Sur les problèmes que pose sa carrière civile avant l'épiscopat, supra, p. 205 et n. 140. Grégoire de Tours mentionne un neveu de Grégoire de Langres, nommé Attale (HF, III, 15); mais il est impossible de le situer avec précision dans la généalogie familiale; il en va de même pour Eufronius d'Autun, probablement aussi son parent (supra, ibid.).

35 L'expression employée par Fortunat (Carm., V, 36, v. 9-10, p. 106) :

Jura sacerdoti merito reverenter adeptus

nomine Gregorius, pastor in urbe gregis.

semble le suggérer.

36 HF, IV, 16; V, 5; VIII, 5; VP, VII, 4; et GC, 105 (les manuscrits n'ont conservé que le titre de ce dernier chapitre, consacré à Tetricus); Fortunat, Carm. IV, 3. Stroheker, n°385; Duchesne, Fastes, II, p. 186. Ce fils avait été donné à Grégoire de Langres, avant son accession à l'épiscopat, par son épouse, Armentaria (Armentaria l'Ancienne pour la distinguer d'Armentaria, mère de Grégoire de Tours), elle aussi de race sénatoriale (VP, VII, 1; Stroheker, n°34). Selon l'hypothèse d'Heinzelmann (op. cit., p. 213), l'épouse de

Grégoire de Langres pourrait être la fille d'Armentarius qui fut évêque d'Autun peu avant 500 (Duchesne, Fastes, II, p. 186) et Grégoire de Langres aurait «hérité» le siège episcopal de son beau-père.

37 HF, V, 5. Stroheker, n° 359. Grégoire de Tours le dit son parent et celui de Tetri- cus. À la mort de ce dernier, et à l'instigation de Pierre, frère de Grégoire de Tours et diacre à Langres (infra, p. 257), Silvester, après avoir été ordonné prêtre, est élu au siège episcopal de Langres. Mais il meurt d'une attaque d'épilepsie avant son départ pour Lyon, où il devait être consacré. Le diacre Pierre, injustement accusé de la mort de Silvester, est traduit par le fils de ce dernier devant le tribunal de l'évêque Nicetius de Lyon. Acquitté, il est assassiné par le fils de Silvester. Silvester pourrait être soit celui des frères de Tetricus qui fut le père d'Armentaria la Jeune et donc le grand-père de Grégoire de Tours, soit le fils de Tetricus (Heinzelmann, op. cit., p. 214, n. 174).

38 Les déclarations de Grégoire sur les liens de parenté qui unissaient sa famille à tous les évêques passés de Tours — à l'exception de cinq d'entre eux — (HF, V, 49), ont été analysées supra, p. 135.

39 Supra, p. 204 sq.

40 Armentaria, qui paraît avoir été élevée à Dijon par son grand-père, Grégoire de Langres (VP, VII, 2), s'était installée après son mariage en Auvergne, où elle demeure encore quelque temps après son veuvage (GM, 83). Mais à cette dernière époque, elle se partage déjà entre l'Auvergne où elle s'occupe des propriétés de son défunt époux et la Bourgogne où elle possède vraisemblablement des biens personnels (ibid.). Par la suite, elle se retire en Bourgogne, où elle fréquente l'ecclesia de Chalon (GC, 84) et où Grégoire vient la voir, après son pèlerinage à Tours (FM, I, 36), puis à nouveau, alors qu'il est déjà évêque de Tours (FM, III, 60). En effet, si pour indiquer le terme de ce deuxième voyage, la majorité des manuscrits indiquent Cavellonensis, c'est-à-dire Cavaillon, quelques-uns portent la leçon Cavillonensis ou Cabilonensis, Chalon. L'erreur était facile à commettre pour les copistes, puisqu'elle porte sur une seule lettre. Or la très médiocre connaissance que démontre Grégoire en ce qui concerne la Provence n'incite guère à envisager l'hypothèse d'un voyage à Cavaillon. Une hypothèse qui s'appuie, il est vrai, sur la mention, faite par Grégoire, de sa rencontre avec l'évêque de cette cité, Veranus. Mais ce dernier est venu à trois reprises dans la région de Chalon où résidait Gontran, le roi dont il dépendait. Et c'est probablement à Chalon que l'évêque de Tours l'a rencontré. (M. Car- rias, dans Revue d'histoire de l'Église de France, LXIII, 1977, p. 111).

41 Les fils de Clovis avaient accordé leur confiance et leurs faveurs à plusieurs membres de la famille : Thierry Ier à Gallus (VP, VI, 2); Childebert Ier à Sacerdos et à Nizier (VP, Vili, 3); Clotaire à Grégoire de Langres et à Eufronius (HF, IV, 15). La fidélité qu'Eufronius a témoignée à Sigebert, lorsque Tours fut occupée une première fois par l'armée de Chilpéric (supra, p. 210), ne peut qu'avoir impressionné favorablement le souverain d'Austrasie à l'égard d'une famille dont un autre membre, Gundulfus, était déjà certainement entré à son service.

42 De la vie de Grégoire de Tours, on connaît essentiellement ce que l'historien lui- même nous en apprend ici et là, aux détours de ses récits. Les indications qu'il fournit, les compléments qu'apporte l'œuvre de son ami Fortunat ne permettent pas toujours de reconstituer complètement sa biographie, surtout pour la période qui précède l'accession à l'épiscopat. Quant à la Vita, attribuée faussement à Odon de Cluny (BHL 3682 ; dans PL, LXXI, col. 115-128) et composée en réalité vers le Xe siècle par des clercs tourangeaux à l'aide des écrits de Grégoire et de traditions tardives, elle est sans valeur dès qu'elle s'écarte des données fournies pas l'historien lui-même: notamment pour la chronologie et pour certains épisodes imaginaires comme le prétendu voyage à Rome. On trouve des études sur la vie de Grégoire dans la préface des principales éditions de ses œuvres et dans des notices et ouvrages consacrés à l'évêque historien : C. G. Kries, De Gregorii Turonensis episcopi vita et scriptis, Breslau, 1839; J.W. Loebell, Gregor von Tours und seine Zeit, Leipzig, 1839, 2e éd. 1869; G. Monod, Études critiques sur les sources de l'histoire mérovingienne, I, Grégoire de Tours, Paris, 1872; Klüpfel et Hauck, Gregor von Tours, dans Realencyklopädie für protest. Theologie und Kirche, VII, 1899, p. 153-155; H. Le- CLERCQ, Grégoire de Tours, dans DACL, VI, 1925, col. 1711-1753; G. Vinay, San Gregorio di Tours, Carmagnola, 1940; W. C. Mac Dermott, Gregory of Tours, dans Crozer Quaterly, 1944, p. 277-292; K. F. Stroheker, op. cit., n° 183, p. 179-180; notice dans Vies des Saints et bienheureux, XI, Paris 1954, p. 563-579; et dans Bibliotheca sanctorum, VI, 1966, col. 217-222. Citons enfin l'ouvrage récent de B. Vetere, Gregorio di Tours, Lecce, 1979.

43 Grégoire de Tours nous apprend qu'il était né le jour de la fête de s. André (MA., 38, p. 396), c'est-à-dire un 30 novembre. Pour fixer l'année de cette naissance, on se fonde sur un chapitre (VM, III, 10, p. 185) où l'historien rappelle que sa mère, venue à Tours

post ordinationem meam, fut guérie durant son bref séjour (2 à 3 mois) d'une douleur à la jambe dont elle avait souffert 34 ans, depuis un accouchement difficile — tempore, quo postquam transactis parturitionis doloribus edidit, dolorem in uno tibiae musculo incurrit — . Bien que dans les différents manuscrits manque le pronom me avant edidit, il s'agit probablement de la naissance de Grégoire et non de celle de son frère ou de sa sœur. De cette visite d'Armentaria à Tours, on ignore malheureusement l'époque exacte : elle a suivi sans aucun doute d'assez près l'élévation de Grégoire au siège de Tours, mais on peut hésiter entre la fin de 573, 574 ou même 575. Les historiens ont donc proposé des dates de naissance s'échelonnant entre 538 et 540 (Loebell, op. cit., p. 10, plus prudemment encore entre 539 et 543) : 538 (W. Arndt, éd. cit., I, p. 3; Stroheker, n° 183); 538 ou 539 (Büchner, éd. cit., p. X); 540 (B. Krusch, éd. des Miracula, MGH, srm, II, 2, 1885, p. 185, n. 3; mais dans la préface à l'éd. de \'HF., MGH, srm, F, 1, 1951, p. XI : «538 aut paulo post»). Ces différentes dates peuvent toutes s'ajuster avec les quelques éléments de chronologie relative fournis par Grégoire pour son enfance : il avait 8 ans lorsqu'il rendit visite à son oncle Nizier (VP, Vili, 2), entre l'ordination de ce dernier comme prêtre en 543 et son élection au siège de Lyon en 551; il était d'autre part déjà adolescent, avant la mort de son oncle Gallus en 554 (VP, II, 2). La date de 538 peut sembler plus probable, dans la mesure où elle donne à Grégoire en 563, année où il se présente comme déjà revêtu du diaconat, les 25 ans requis par la législation canonique pour cette charge (sur ce problème, infra, p. 259).

44 Tous les épisodes de sa petite enfance se situent en Auvergne (voir infra), à l'exception du séjour auprès de Nizier, cum primum Htterarum elementa coepissem agnoscere et essem quasi odavi anni aevo (VP, Vili, 2, p. 242). Nizier avait été ordonné prêtre par Agricola, évêque de Chalon. Mais on ignore s'il résidait dans cette dernière cité, ou s'il continua de vivre, comme le suggère A. Coville (op. cit., p. 331), à Genève, auprès de sa mère.

45 GM, 83, p. 94. Florentius avait obtenu ces reliques d'un prêtre qui n'avait pu lui indiquer le nom des saints dont elles provenaient. Après sa mort, ces reliques passèrent à Armentaria qui les donna ensuite à Grégoire.

46 VP, XIV, 3.

47 VJ, 24, p. 124 : advenerat festivitas beati martyris, et poter meus cum omni domo sua

ad hujus solemnitatis gaudia properabat. En cette circonstance, Pierre est guéri d'une fièvre très forte.

48 VJ, 25, cf. VJ, 3.

49 GC, 39, p. 322. À l'époque de ce songe, Grégoire déchiffrait encore avec difficulté les lettres de l'alphabet, comme il l'avoue à l'ange : Nihil aliud litterarum praeter notas agnovi, in quorum nunc studio constrictus adfligor. Or il était à ce stade dans l'apprentissage de la lecture, lorsqu'il rendit visite à son grand-oncle Nizier, peu avant sa 8e année (VP, Vili, 2, p. 242; supra cit., n. 44).

50 GC, 39, ibid. Entre la première atteinte du mal et la rechute de Florentius, une année entière s'est écoulée : decurso quoque alterius anni curriculo, iterum ab hoc incom- modo capitur.

51 C'est ce qui semble résulter de la chronologie relative établie dans les lignes précédentes. On comprendrait mal que Grégoire ait des souvenirs aussi précis de son père si ce dernier avait disparu alors que lui-même n'avait, comme le propose H. Leclercq (op. supra cit., col. 1712), que 4 ans.

53 VP, VII, 2, p. 238.

55 GC, 84. Elle possédait un fragment du lit du saint et elle l'avait utilisé, avec succès disait-elle, pour guérir une jeune malade.

56 GM, 85 : sa ferveur la rend digne d'être le témoin d'un miracle advenu lors de la fête du saint à Riom.

57 GC, 3. Armentaria attribuait à la présence de ces reliques le fait qu'un incendie allumé dans sa maison ne se soit pas propagé.

58 VP, VII, 1, p. 237 : bene litteris institutus.

59 VM, I, praef.

60 GM, 83, où on voit Armentaria déjà veuve surveiller les travaux de la moisson dans le domaine de Limagne.

61 Petrus, frater meus senior, écrit Grégoire (V7, 24, p. 125); diacre à Langres de l'évêque Tetricus (HF, II, 5).

62 VP, II, 2, où Grégoire évoque l'affection et les soins dont l'entoure son oncle. Armentaria n'avait pas encore quitté l'Auvergne pour la Bourgogne, lorsque son fils tomba malade dans la maison de Gallus, ou bien elle était revenue à l'annonce de la maladie de Grégoire.

63 VP, II, 2.

"VP, VI, 2 et 3; HF, IV, 5. 65 VJ, 23.

66 HF, IV, 5 et 13; GM, 50; VP, VI, 6.

67 Grégoire de Tours évoque souvent la figure d'Avitus {HF, IV, 35; V, 11 ; X, 6; GM, 64 et 66; VJ, 48; VM, III, 60; VP, II, praef. et 4; XI, 3; XII, 3; GC, 40). Cf. Fortunat, carm., III, 21, 22 et 22 a. Succédant à Cautinus, Avitus devient évêque de Clermont (mars 571 - après 592 ; Duchesne, Fastes, II, p. 36).

68 VP, II, praef., p. 218-219.

69 Ibid. : beati patris Aviti Arverni pontificis Studium ad eclesiastica sollicitavit scripta. À noter que, dans le domaine spirituel, Avitus a contribué à renforcer la dévotion de Grégoire pour les saints du pays d'Auvergne (Julien, VJ, 48 ; Genès, GM, 66), pour ses ascètes (Caluppa, VP, XI, 3 ; Braehio, VP, XII, 3), mais aussi pour Germain d'Auxerre {GC, 40).

70 VP, II, 2, p. 220.

71 Une première visite n'ayant apporté qu'un mieux passager, Grégoire se fait transporter une seconde fois au tombeau d'Illidius.

72 VP, VI, 6; Fortunat, carni., IV, 4. Gallus meurt le 14 mai 551 (Duchesne, Fastes, II, p. 36).

73 En relatant ce pèlerinage à Tours (VM, I, 32-35), qu'il date avec précision (VM, I, 32), Grégoire mentionne la qualité de diacre qui était alors la sienne (VM, I, 35). Le voyage en Bourgogne (VM, I, 36) paraît avoir suivi de peu la visite à Tours.

74 VP, Vili, 3, p. 244.

75 B. Krusch, préface à l'éd. de YHF (MGH, srm, I2, 1, p. XIII) et Coville, Recherches, p. 332-333. Sur la législation canonique fixant l'âge d'accession au diaconat, infra, p. 644.

76 Sur ce problème, les avis sont partagés. Monod (op. cit., p. 27) considère que Georgius Florentius exerce le diaconat à Lyon. Dalton (op. cit., I, p. 6), Krusch (op. cit., p. XIII) et Büchner (op. cit., p. X), plus réservés, évoquent des séjours successifs à Brioude et à Lyon. Si l'on peut admettre avec A. Coville (op. cit., p. 323) que Grégoire a été probablement ordonné diacre à Lyon en 563 de la main de Nizier, on ne saurait suivre l'historien de Lyon quand il affirme que le diacre s'est ensuite installé à Tours, où il aurait exercé le diaconat pendant 10 ans avant d'être promu au siège episcopal.

77 Suivant la chronologie relative que nous avons tenté d'esquisser, Grégoire né vers 538, orphelin de père vers 548, n'a partagé la vie de son oncle Gallus, décédé en 551, qu'un petit nombre d'années.

78 VJ, 2, p. 114 et 50, p. 134; Fortunat, carm., V, 3, v. 11, p. 106 (Krusch, op. cit., p. XIII; Büchner, op. cit., p. X). Cependant Grégoire explique ailleurs (VJ, 45) sa présence à Brioude, du temps de l'évêque Cautinus, par son désir d'être protégé, grâce à l'intercession du martyr, de la peste sévissant alors à Clermont. Cette prolongation de son séjour auvergnat, après la mort de Gallus, n'exclut pas de brèves visites à Lyon ( VJ, 2 ; cf. Covil- LE, op. cit., p. 332), avant une installation plus définitive auprès de Nizier.

79 HF, IV, 7 et 12. L'épiscopat de Cautinus (551-571; Duchesne, Fastes, II, p. 36) s'in- tercalle entre celui de Gallus et celui d'Avitus.

80 Cautinus avait soutenu sans succès la candidature du prêtre auvergnat Cato au siège de Tours (HF, IV, 4), pour lequel le roi Clotaire préféra finalement Eufronius le parent de Grégoire de Langres et du futur Grégoire de Tours (supra, p. 181).

81 VP, Vili, 1, p. 241. Sa mère Artemia avait personnellement veillé à son éducation.

" VP, Vili, 2, p. 242.

83 HF, V, 20. Outre Grégoire, les futurs évêques Salonius d'Embrun et Sagittarius de Gap furent éduqués par lui.

84 Sur ce problème, outre les études concernant la vie et la personnalité de Grégoire déjà citées (supra, n. 42), M. Roger, L'enseignement des lettres classiques d'Ausone à Alcuin, Paris, 1905; G. Kurth, Grégoire de Tours et les études classiques au 6e s. dans Études franques, I, Paris, 1919, p. 1-29; P. Riche, Éducation et culture dans l'Occident barbare, VIe-VIIIe siècles, Paris, 3e éd., 1972, surtout p. 220-259 et p. 311-319.

85 HF, I, praef.; VM, I, praef.; VJ, 4; GC, praef.; VP, II, praef.

86 Sur ces problèmes, M. Bonnet, Le latin de Grégoire de Tours, Paris, 1890; H. Müller, When did Latin cease to be a Spoken Language in France ? dans Romanic Review, XII, 1921, p. 318 sq. ; F. Lot, À quelle époque a-t-on cessé de parler latini dans Archivum latini- tatis medii aevi, VI, 1931, p. 97-159 et La fin du Monde antique, op. cit., p. 435, sq.;

D. Nordberg, Beiträge zur spätlatinischen Syntax, Uppsala, 1944 et Syntaktische Forschungen auf dem Gebiete des Spätlateins und des frühen Mittellateins, Uppsala, 1943; H. Müller, L'époque mérovingienne : Essai de synthèse de philologie et d'histoire, New York, 1945; C. Mohrmann, Transformations linguistiques et évolution sociale et spirituelle, dans Vigiliae Christianae, I, 1947, p. 186-190; E. Löfstedt, Late Latin, Oslo, 1959; P. Riche, op. cit., p. 236-242, qui met en valeur deux passages où Grégoire (HF, IX, 6 et VM, II, 1) critique le parler vulgaire de certains de ses contemporains.

87 E. Auerbach, Mimésis, La représentation de la réalité dans la littérature occidentale, Berne, 1946, trad, fr., Paris, 1968, p. 88-105 (analyse de HF, VII, 47 et IX, 19).

88 Sur la culture de Grégoire, travaux supra cit., note 84. Pour les historiens, L. Pie- tri, La succession. . ., dans MEFRM, 94, 1982, p. 572 sq.

89 HF, praef.; VM, 1, praef.

90 Sur le culte rendu par certains de ses ancêtres à Martin, infra, p. 264.

91 VP, Vili, 1, p. 241; alors qu'on désespérait pour la vie de Nizier, Martin, sollicité par la mère de ce dernier, le guérit. Cf. VM, I, 32, p. 153, Grégoire souffrant de pustulis malis et febre, a perdu tout espoir de survivre à son mal, lorsqu'il arrive à Tours.

92 VM, I, 33, p. 154; dès son rétablissement, Grégoire reconnaît Martin pour patron (intercedente patrono).

93 La guérison de son compagnon de voyage, Armentarius (VM, I, 33), et probablement d'autres miracles racontés dans les derniers chapitres de VM, I (38-40).

94 //F, V, 49, p. 262.

95 Sur ces liens de parenté, supra, p. 132 sq.

96 Infra, p. 301.

97 À côté de la dévotion manifestée individuellement par certains des ancêtres de Grégoire à tel ou tel saint (dévotion de Grégoire de Langres et d'Armentaria la Jeune pour Bénigne de Dijon, VP, VII, 2; d'Armentaria encore pour Polycarpe, Eusèbe de Verceil, Silvestre de Chalon, supra, p. 256), s'est instaurée dans la famille une double tradition de culte : du côté paternel, Julien de Brioude est le patron attitré ; dans la lignée maternelle de l'écrivain, on honore surtout Martin.

9*HF, II, 15; supra, n. 34.

99 Artemia, l'arrière grand-mère de Grégoire, et son fils Nicetius : VP, Vili, 1 ; Armentaria, la mère de Grégoire : VM, III, 10.

100 Supra, p. 210.

101 Supra, p. 210.

102 HF, IV, 47 et VII, 17. Sigebert avait autorisé l'érection en évêché de Chateaudun, une place sise dans son domaine, mais qui, du point de vue de la géographie ecclésiastique, relevait jusqu'alors de Chartres. Gontran, auquel appartenait cette dernière cité, n'avait pas apprécié cette immixtion de son frère. Le concile alors réuni, au témoignage de Grégoire sur l'ordre de Gontran, est de l'avis général le 4e concile de Paris (11 septembre 573) où, seul de la province de Tours, siège Felix de Nantes (GC, II, p. 211-217). Deux lettres, expédiées par les Pères à Sigebert d'une part et d'autre part à Aegidius de Reims — qui avait consacré le nouvel évêque de Chateaudun — pour leur demander de revenir sur leur décision, restent sans effet.

103 HF, IV, 47, p. 184. Le coup de force se situe, selon le récit de Grégoire, après la réunion du 4e concile de Paris, soit après le 1 1 septembre de l'année 573. Lorsque Théodebert envahit Tours, Grégoire était déjà installé dans la ville : Pervadente igitur Chilperi- co rege per Theodobertum, filium suum, urbem Turonicam, cum jam ego Turonus advenis- sem, mihi a Theodobertho strenue commendatur, ut scilicet comitatum, quem prius habue- rat (il s'agit de Leudaste), potiretur. (HF, V, 48, p. 258 ; cf. HF, IV, 47 où Grégoire évoque son intervention auprès de Théodebert pour que celui-ci mette fin aux ravages commis par son armée en Touraine). Pour les visées politiques de Chilpéric sur la Touraine, E. Ewig, Die fränkischen Teilungen, op. cit. p. 680-682; G. Tessier, Clovis, op. cit. p. 195- 200.

^4 HF, IV, 47.

105 HF, IV, 49. Cf. VM, II, 5, 6 et 7.

106 HF, IV, 49, p. 186.

107 HF, IV, 50.

inHF, IV, 51.

112 Ibid.; cf. Marius d'Avenches, Chronique, ann. 576.

113 HF, V, 1, p. 195 : Tune Roccolenus cum Cinomannicis Toronus venu et praedas egit

et multa scelera fecit; HF, V, 4, p. 198-199: His diebus Roccolenus, ab Chilperico missus, Toronus advenu cum magna jactantia. Ceci se passe peu avant que n'advienne le dies sanctus epifaniae, comme le mentionne la suite du chapitre.

114 HF, V, 1. Sur la date exacte marquant le début du règne de Childebert II, L. Pietri La succession . . ., art. cité, p. 607. Notons qu'à partir du début du Livre V, Grégoire utilise comme principal système de datation les années de règne de Childebert II.

115 Chilpéric avait d'abord chargé son fils Mérovée d'aller occuper Poitiers. Mais celui-ci ayant négligé d'obéir à l'ordre de son père pour se rendre à Tours (HF, V, 2), c'est finalement Roccolenus qui, quittant Tours, prend possession en janvier de Poitiers (HF, V, 4).

116 Saintes est occupée par Clovis, fils de Chilpéric (HF, V, 13).

117 HF, V, 13. 118 //F, V, 4. "*HF, V, 2, p. 195.

120 HF, V, 13, p. 207.

121 On s'expliquerait mal que Mérovée ait tenté dans le courant de 576 de se soustraire à la colère de Chilpéric en cherchant asile à Saint-Martin de Tours (HF, V, 14; sur cette affaire, infra, p. 278), si, à cette époque, la ville avait été placée sous le contrôle

effectif de représentants de Chilpéric. Ce dernier, encore occupé par ses conquêtes, n'avait pas eu le temps sans doute de mettre en place une administration. Il se contente d'envoyer des messagers à Grégoire pour le sommer de chasser Mérovée de la basilique (HF, V, 14).

122 HF, V, 14, p. 209.

123 Sur les intrigues politiques en Austrasie à cette époque, le point est fait par G. Tes- sier, Clovis, op. cit., p. 197-198.

124 HF, V, 17.

125 Après la cérémonie, les deux partis en présence se séparent, ad Chilpericum regem legationem mittentis, ut redderet, quod de eorum regno minuerat; quod se differret, cam- pum praepararet ab bellum. (HF, V, 17, p. 216).

126 HF, VI, 1 et 3.

127 HF, VI, 12; 22; 27; 31; E. Ewig, art. supra cit., p. 682.

128 Déjà en 581, le duc Berulfus, préposé par Chilpéric aux cités de Tours et Poitiers, avait mobilisé une armée sur les confins du Berry pour protéger la Touraine d'une attaque éventuelle venant de Gontran (HF, VI, 12, p. 282-283). En 583, l'assaut est lancé sur le

Berry, HF, VI, 31, p. 299-300. La ville de Bourges est occupée par les troupes de Chilpéric après la rude bataille de Chateaumeillant (Arrdt de St-Amand, Cher), ibid. i29HF,Vl, 31.

130 HF, VI, 46.

131 Theudebert (supra, p. 267); Méróvée et Clovis (infra, p. 284 et 288).

132 Pour l'évolution de la situation entre la mort de Chilpéric et celle de Gontran, E. Ewig, op. cit., p. 683-689; G. Tessier, Clovis, p. 200-205.

133 HF, VII, 4 et 5.

134 HF, VII, 6, p. 328-329.

135 Ibid., p. 329.

136 Ibid. : Ideoque, quia UH juxta Dei judicium et maledictionibus pactionum defece- runt, omnem regnum Chariberthi cum thesauris ejus mets ditionibus, lege opitulante, subi- ciam nec exinde alicui quicquam nisi spontanea voluntate indulgeam.

137 HF, VII, 12, p. 333. L'envoi des comtes est contemporain de prodiges advenus durant le dixième mois, c'est-à-dire décembre 584 (HF, VII, 11).

lìSHF, VII, 12, p. 333 : Toronici vero adque Pectavi ad Childeberthum, Sigyberthi filium, transite voluerunt, sed commoti Biturtgi contra eos venire disponunt adque infra terminum Toronicum incendia facere coeperunt. Tune Maroialensim aeclesiam termini Toronici, in qua sancii Martini reliquiae habibantur, incendio concremarunt . . . Qua incendia videntes Toronici legationem mittunt, dicentes, melius sibi esse ad tempus Gunth- chramno rege subdi quam cuncta incendio ac ferro vastari.

139 Grégoire relate qu'aussitôt après la mort de Chilpéric, le duc Gararicus s'était rendu à Limoges et à Poitiers pour recevoir, au nom de Childebert II, les serments de fidélité des habitants. (HF, VII, 13, p. 334).

140 HF, VII, 13, p. 334.

141 HF, VII, 14, p. 335.

142 HF, VII, 24.

143 HF, VII, 10, 26, 27, 28, 30, 31. Sur cette affaire, P. Goubert, Un complot byzantin dans la vallée du Rhône au VIe siècle, dans Rhodania I, 1956, p. 67-75; W. Goffart, Byzantine Policy in the West under Tiberius II and Maurice : the Pretenders Hermenegild and Gondovald, 579-585, dans Traditio, XIII, 1957, p. 73-118; R. Lizop, Hermenegild et Gondovald. Deux épisodes de la politique byzantine en Occident, dans Revue de Comminges, LXXVI, 1963, p. 134-140; M. Rouche, L'Aquitaine, p. 66-77.

144 fjft Yu^ 26, p. 345 : In civitatibus enim, quae Sigyberthi régis fuerant, ex nomine régis Childeberthi sacramenta suscipiebat; in reliquis vero, quae aut Gunthchramni aut Chilperici fuerant, nomine suo, quod fidem servarent, jurabant.

145 HF, VII, 26.

146 C'est au moins ce qu'affirme Gondovald : Ut sciatis vera esse quod dico, Radegun- dem Pectavam et Irigutrudem Toronicam interrogate (HF, VII, 36, p. 358). Sur Ingitrudis et son appartenance à la lignée royale, infra, p. 402 et PGC.

147 HF, VII, 33.

148 HF, VII, 34-38.

149 HF, Vili, 26, p. 390 : Toronicis vero atque Pectavis Ennodius dux datus est. Berulfus autem, qui his civitatibus ante praefuerat, pro thesauris Syghiberti régis, quos clam abstule- rat, cum Arnegysilo socio suspectus habetur. Le duc Berulfus, déjà en place du temps où Chilpéric était le maître de Tours et de Poitiers (HF, V, 49; VI, 12 et 31), fut maintenu par Gontran. Le roi Childebert, qui le fait passer en jugement (HF, VIII, 26), est certainement à l'origine de sa destitution et de la nomination de son successeur, Ennodius, récompensé de sa fidélité à Sigebert : exerçant au nom de ce souverain la fonction de comte de Poitiers, il avait été, après la mort de Sigebert, chassé par le nouveau maître de Poitiers, Chilpéric, exilé et privé de ses biens pendant un an (HF, V, 24) ; cf. E. Ewig, art. supra cit., p. 685, note 6. Il paraît plus délicat de fixer la date exacte à laquelle Ennodius entre en charge à Tours, c'est-à-dire celle de la reprise en main effective de Tours et de Poitiers

par Childebert II : celle-ci s'est opérée après le mois d'octobre 585, dont quelques événements sont rapportés peu avant par Grégoire (prodiges, HF, VIII, 17 et 24; réunion du concile de Mâcon, le 23 octobre 585, HF, VIII, 7 et 20) ; elle advient d'autre part avant le meurtre de l'évêque Pretextatus de Rouen, narré ensuite par Grégoire {HF, VIII, 31) et qui paraît devoir être fixé le 24 février 586. (Sur cette datation liée au sens de l'expression dominicae resurrectionis dies chez Grégoire, infra, p. 452).

150 Le texte du pacte, transcrit par Grégoire (HF, IX, 20), cite Tours parmi les cités attribuées à Childebert à dater de la signature du document (28 novembre 587) : Pari con- ditione civitatis Meldus et duas portiones de Silvanectis, Thoronus, Pectavis, Abrincatis, vico Juli, Consorannis, Lapurdo et Albige domnus Childeberthus rex cum terminibus a praesenti die suaé vindicit potestate (HF, IX, 20, p. 435).

151 L. Pietri, La succession. . ., art. cit., p. 609.

152 Le récit de Grégoire dans l'Historia Francorum prend fin, on le sait, avec les événements du printemps 591. Pour les dernières années de l'épiscopat de Grégoire, les autres sources narratives (Chronique dite de Frédégaire ; Liber Historiae Francorum) ne mentionnent aucun fait historique concernant directement la vie de la communauté tourangelle.

153 HF, V, 48.

154 HF, IV, 47, p. 184.

155 HF, V, 4, p. 198-199; cf. VM, II, 27, p. 169.

156 HF, V, 4, p. 199 : Nihil his Me furmidans, cum in domo aeclesiae ultra Legerem rese- deret, domum ipsam, quae clavis adfixerat, dissecet. Ipsos quoque clavos Caenomannici, qui tune cum eodem advenerant, inpletis follibus portant, annonas evertunt et cuncta dévastant. Cf., VM, II, 27, p. 169 : Ruccolenus cum Cinomanicis graviter civitatem Turonus obpremebat, ita ut cuncta devastans nullam spent alimonii in domos eclesiae vel pauperum hospitiola relinqueret. Dans cette dernière version de l'épisode, Grégoire ajoute qu'une crue subite de la Loire a empêché pendant quelques temps Roccolenus de traverser le fleuve et d'entrer à Tours : Sed nec hoc silebo, quod ilio tempore alveus fluvii nutu Dei vel virtute beati viri absque pluviarum inundationibus repletus, hostem, ne civitatem laederet, transire prohibuit (ibid.).

157 HF, V, 4; VM, II, 27.

158 HF, IV, 28. Voir tableau généalogique, Append. 1.

159 De l'union de Chilpéric avec Frédégonde sont nés sept enfants dont cinq fils : Chlodobert, mort à 15 ans en 580 (HF, V. 34; Fortunat, carni., IX, 4), la même année que son cadet, Dagobert (HF, V, 34; Fortunat, carm. IX, 5; cf. carm. IX, 2 et 3); Samson, né en 575 et mort dès 577 (HF, V, 22); Thierry, né en 582 (HF, VI, 23), baptisé à Pâques 583 (HF, VI, 27) et décédé l'année suivante (HF, VI, 34); enfin Clotaire — le seul qui survivra à son père et recueillera son héritage — , né en 584 (HF, VI, 41).

16°HF, V, 2, 3 et 14.

161 HF, V, 14, p. 207.

162 Ibid. Grégoire était enclin à suspendre de la communion Mérovée qui, en violation de la loi canonique, avait épousé sa tante. Sur les instances de l'évêque Ragnemodus de Paris, alors présent à Tours, mais aussi par crainte de voir Mérovée mettre à exécution sa menace de tuer quelques Tourangeaux, Grégoire l'admet à sa communion.

163 HF, V, 14, p. 208. Nicetius était le mari d'Eustenia, fille de la sœur de l'évêque Grégoire (VM, II, 2 et IV, 36; K. F. Stroheker, n° 260 et 134). i«HF,V, 14, p. 208-209.

165 HF, V, 14, p. 209.

166 HF, V, 14, p. 211-212. l67HF,V, 14, p. 212.

168 Mérovée comptait sur ses prières pour obtenir, avec l'aide de Martin, le royaume de son père (HF, V, 14, p. 209).

169 HF, V, 14, p. 210 : Tune dir exit Gunthchramnus puerum ad mulierem quandam, sibi jam cognitam a tempori Chariberthi régis, habentem spiritum phitonis, ut ei quae erant eventura narraret. . . Quae haec ei per puerus mandata remisit : 'Futurum est enim, ut rex Chilpericus hoc anno deficiat et Merovechus, exclusis fratribus, omni capiat regnum. Tu vero ducatum totius regni ejus annis quinque tenebis. Sexto vero anno in una civitatum, quae super Legeris alveum sita est, in dextera ejus parte, favente populo, episcopatus gra- tiam adipiscis ac senes et plenus dierum ab hoc mundo migrabis '. Cumque haec pueri redeuntes domino nuntiassent, statim Me vanitate elatus, tamquam se jam in cathedram Toronice eclesiae resederet, ad me haec detulit verba. Bien que Tours soit située sur la rive gauche de la Loire, Gontran Boson et Grégoire ont compris que la prédiction de la pytho- nisse se rapportait au siège de Martin.

170 HF, V, 5, p. 200. Sur Pierre et les conditions dans lesquelles il a trouvé la mort, supra, p. 253 et n. 37.

171 Récemment W. C. Me Dermott {Felix of Nantes : a Merovingian Bishop, dans Tradi- tio XXXI, 1975, p. 1-24) s'est efforcé de réhabiliter la conduite de Felix de Nantes. Certes, on peut reconnaître que l'évêque nantais n'était pas dépourvu de qualités et de mérites, devant lesquels Grégoire lui-même s'incline (cf. VP, X, 3), et que, de la querelle avec Grégoire, nous ne connaissons que la version présentée par ce dernier. Cependant, Felix ne s'était pas toujours montré un suffragant respectueux de l'autorité du métropolitain, (supra, p. 192). À l'égard de Grégoire la franche hostilité qu'il manifeste, si elle se déclare à l'occasion de l'affaire de la villa, a certainement une cause plus profonde : l'élévation de Grégoire au siège de Tours en 573 avait contrarié les espérances de Felix, très probablement acquis à la candidature de son ami, le prêtre tourangeau Riculfus. La participation plus au moins active du Nantais au complot ourdi à Tours pour substituer Riculfus à Grégoire paraît, comme le pensait déjà S. Hellmann (Historische Zeitschrift, CVII, 1911, p. 32) clairement démontrée par la protection et l'aide qu'accorda par la suite Felix au prêtre condamné par le concile provincial (HF, V, 49 ; infra, p. 288). Pour l'évolution des relations entre Grégoire et Felix, infra, p. 300.

172 HF, V, 5.

173 HF, V, 14, p. 209-210: Merovechus vero de pâtre atque novercam multa crimina loquebatur; quae cum ex parte vera essent, credo, acceptum non fuisse Deo, ut haec per filium vulgarentur, sicut in sequentibus cognovi. À la demande de Mérovée, qui souhaitait entendre une lecture édifiante, Grégoire ouvre le Livre de Salomon qui lui fournit — par hasard, dit l'historien — un verset bien adapté à la situation : Oculum, qui aversus aspexe- rit patrem, effodiant eum corvi de convallibus (Prov., 30, 17; ibid., p. 210).

174 HF, V, 14, p. 210 : Valde inridebam hominem, qui talia credi putabat.

175 fjpt γ( 14^ p. 212. La dévotion de Mérovée pour Martin, sa foi naïve et superstitieuse qui l'incite à consulter les sortes biblicae paraissent sincères ainsi que son désir d'éviter une profanation de la basilique.

176 HF, V, 14, p. 211 : Igitur commorantibus his apud basilicam sancii Martini, misit ad Guntchramnum Bosonem Fredegundis regina, quaequae ei jam pro morte Theodoberthi patrocinabatur occulte, dicens : 'Si Merovechum ejecere potueris de basilica, ut interficia- tur, magnum de me munus accipies '.

177 HF, V, 14.

178 HF, V, 14, p. 213 : Exercitus autem Chilperici régis usque Toronus accedens, regio- nem illam in praedas mittit, succendit atque devastai nec rebus sancii Martini pepercit, sed quod manum tetigit, sine ulto Dei intuetu aut timorem deripuit.

179 Toute l'affaire est relatée par Grégoire dans un long chapitre, HF, V, 18.

180 HF, V, 18. Deux évêques sont qualifiés par Grégoire d'adolatores du roi. La suite du récit suggère qu'il s'agissait de Bertrand de Bordeaux et de Ragnemodus de Paris.

181 Leudaste accuse Grégoire d'avoir comploté avec Mérovée : Discedente autem Mero- vecho, qui res ejus diripuerat, nobis calumniator existit, adserens fallaciter Merovechum nostro usum consilio, ut res ejus auferret. (HF, V, 48, p. 258).

182 HF, V, 18, p. 219 : '. . . Convocabo enim populum Toronicum et dicam eis : «Vocefe- ramini contra Gregorium, quod sit injustus et nulli hominum justitiam praestit». Ulis quoque haec clamantibus respondebo : «Ego qui rex sum justitiam cum eodem invenire non possum, et vos qui minores estis invenietis?»'.

1SÌHF, V, 18, p. 223.

186 HF, V, 44.

187 HF, V, 47, p. 257 : Audiens autem Chilpericus otnnia mala, quae faciebat Leudastis ecclesiis Toronicis vel omni populo, Ansovaldum Mue dirigit. Qui veniens ad festivitatem sancii Martini, data nobis populo optionem, Eunomius in comitatum erigitur. Pour la carrière de Leudaste (récapitulée par Grégoire au chapitre suivant HF, V, 48) et les méfaits que ce dernier commit à Tours, supra, p. 214 et infra, p. 304. En ce qui concerne le choix de son successeur, le texte transmis par les manuscrits a paru fautif à R. Büchner (éd. cit., p. 367, n. 7), qui propose de restituer un et entre nobis et populo et traduit : «da er uns und dem Volk freigab». Cette correction ne semble pas s'imposer (R. Latouche, éd. cit., I, p. 314, n. 135). Normalement le roi lui-même nommait à la fonction comtale. En cette circonstance particulière, il a voulu exceptionnellement satisfaire les vœux de ses administrés. Mais de même que, dans les élections épiscopales, le clergé, censé être l'interprète de la volonté populaire, a souvent le rôle décisif, de même ici Grégoire a reçu X optionem populo; il agit au nom du peuple.

iss up y 49 p. 261-262. Ces révélations furent faites par le sous-diacre Riculfus sous la torture.

189 Pendant l'absence de Grégoire, le prêtre Riculfus se vante d'être celui qui Turoni- cam urbem ab Arvernis populis emundavit (HF, V, 49, p. 262).

190 Leudaste, par amour pour Frédégonde, avait déjà mis tout son zèle pour tenter de la débarrasser de son beau-fils Mérovée (HF, V, 14, p. 209). Dans cette nouvelle affaire, il semble toujours avoir partie liée avec la reine : c'est à elle qu'il envoie les amis de Grégoi-

re arrêtés à Tours par ses soins pour être mis à la question (HF, V, 49, p. 259; voir infra).

191 II avait été démis de ses fonctions lors de la fête de Martin (HF, V, 47, p. 257; supra, n. 187), certainement celle du 11 novembre; puisque l'épisode suivant se situe à Pâques, il ne peut s'agit en effet de la fête du 4 juillet.

192 HF, V, 47, p. 257.

193 HF, V, 49, p. 259 : Post ista Leudastis extitit accusator ejus, dicens, se sermones jam dictos a Riculfo audisse subdiacono. Il y avait alors déjà plusieur mois — ante hoc anno, précise Grégoire (ibid.) — que Leudaste et les deux Riculfus avaient commencé de comploter pour renverser Grégoire.

195 Ibid. La position de Grégoire est si menacée, qu'un vulgaire imposteur, démasqué par lui, n'hésite pas à le menacer de la vengeance du roi Chilpéric (HF, IX, 6).

196 HF, V, 49, p. 259-260.

197 HF, V, 49, p. 260.

198 Ibid. Le concile s'achève vingt jours avant la mort des deux jeunes fils de Chilpéric (HF, V, 50), victimes de l'épidémie de peste qui avait commencé à se répandre au mois d'août (HF, V, 34).

199 Ibid. L'évêque Bertrand se joint à ceux qui accusent Grégoire d'avoir calomnié la reine. Par la suite, lorsque Grégoire est lavé de ces accusations, il dit pour sa défense, avoir répété ce que lui avait appris Leudaste.

200 Fortunat, carm. IX, 1 (p. 201, sq.) : Ad Chilpericum regem quando synodus Brinnaco habita est.

201 HF, V, 49, p. 261.

202 HF, V, 39.

203HF,V, 49, p. 261-262.

205 hpì γ^ 49; ρ 262 : Nos vero cum Dei gratia Turonus reversi, invenimus ecclesiam conturbatam per Riculfum presbiterum . . . ; nam, me adhuc commorante cum rege, hic, quasi jam esset episcopus, in domo ecclesiae ingreditur impudenter, argentum describit ecclesiae reliquasque res sub sua redegit potestate. Majores clericos muneribus ditat, largitur vineas, prata distribuii; minoribus vero fustibus plagisque multis edam manu propria adfe- cit, dicens : ' Recognoscite dominum vestrum . . .'.

206 Ibid. : Sed cum me reverso adhuc despiceret nee ad salutationem meam, sicut reliqui cives fecerant, adveniret, sed magis me interficere minitaret, cum consilio provincialium eum in monasterio removeri praecipio.

207 Ibid. : Cumque ibidem artius distringer etur, intercedentibus Felicis episcopi missis, . . . circumventum perjuriis abbatem, fuga labitur et usque ad Felicem accedit episcopum, eumque Me ambienter collegit, quern execrare debuerat. On ignore si Felix avait pris part au synode provincial. Cette intervention à l'encontre d'une décision conciliaire révèle nettement de quel côté allaient les sympathies agissantes de l'évêque nantais.

208 HF, V, 2 et 5.

209 HF, VI, 10.

210 HF, VI, 32.

211 HF, VI, 46.

212 HF, VII, 12 et 13. Supra, p. 271.

213 Infra, p. 328 et p. 780 sq.

214 HF, VII, 21.

215 HF, VII, 21, p. 340; HF, VII, 22, p. 340 et 343.

216 HF, VII, 21, p. 339-340.

217 HF, VII, 21, p. 340 : Tune, data occansione, ut custodir etur, Aurilianensis adque Ble- sensis vicissim ad has excubias veniebant, impletisque quindecim diebus, cum praeda multa revertebantur, adducentis jumenta, pecora vel quodeumque derepere potuissent. . . Ju- menta tarnen sancii Martini reddita sunt. Tantaque ibi tune mala per hos Aurilianensis gesta sunt, ut nequeant explicari.

218 HF, VII, 22, p. 341 : Habebat enim pro timore régis in ipsum salutaturium beatae basilicae mansionem.

220 HF, VII, 22, p. 340 et p. 342.

221 Toute cette affaire est longuement relatée par Grégoire, HF, VII, 29.

222 HF, VII, 43.

223 HF, VIII, 1-7.

224 HF, VIII, 6.

225 HF, VIII, 18.

226 Sur le rôle joué par Grégoire, infra, p. 328 sq.

227 HF, VIII, 18 et 19.

228 HF, IX, 9.

229 Id., p. 423 : Nam eo diae, quo hic interfectus est, erant cum rege multi Thoronorum atque Pectavorum, de quibus taie fuit consilium, ut, si malum hoc perficere potuissent, hos subditus supplicio, dicerent, quia : 'Ex vobis fuit qui regem nostrum interemit ', eosque diversis suppliciis trucidatus, ultoris se mortis regiae esse jactarent.

230 HF, X, 19. Les Actes du concile ne nous sont pas parvenus.

231 Supra, p. 210.

232 En effet le roi qui intervient à Nantes, après la mort de Felix en 582, pour imposer sur le siège episcopal le candidat de son choix, Nonnichius (HF, VI, 15), est très certainement Chilpéric dont il est question dans les chapitres suivants. D'ailleurs Chilpéric, lorsqu'il décide la même année d'attaquer le Berry appartenant à Gontran, mobilise, entre autres, les Nantais (HF, VI, 30).

233 De ces conflits entre comtes bretons, Grégoire relate un dernier épisode qui prend fin en 577 (HF, V, 16) : le comte Macliavus, profitant de la mort de son allié de la veille, Bodicus, s'empare du royaume de ce dernier, dont il chasse Theudericus, fils de Bodicus. Mais Theudericus réussit finalement à rétablir ses droits, en éliminant Macliavus auquel succède Werocus.

234 Sur la puissance du comte Weroc et les combats qui l'opposèrent aux Francs, J. Loth, L'émigration bretonne en Armorique, op. cit., p. 176-183; A. de La Borderie, Histoire de la Bretagne, I, op. cit., p. 445-447; L. Fleuriot, op. cit., p. 193-194.

235 HF, IX, 18.

236 En 578, un contingent de ces Saxons du Bessin est mobilisé par Chilpéric pour lutter contre les Bretons (HF, V, 26). Mais en 590, les Saxons combattent du côté de Weroc (HF, X, 9); Grégoire, qui attribue ce revirement aux agissements de Frédégonde, note toutefois l'influence exercée par les Bretons sur cet îlot saxon : Baiocassinos Saxones, juxta ritum Brittanorum tonsos atque cultu vestimenti conpositos (ibid., p. 492). Sur les Saxons Baiocasses, H. Prentout, Littus Saxonicum, Saxones Bajocassini, Otlinge Saxonia, dans Revue Historique, CVII, 1911, p. 285-309; F. Lot, Les migrations saxonnes en Gaule et en Grande Bretagne, ibid., CXIX, 1915, p. 20 sq.; H. Ehmer, Die sächsischen Siedlungen auf dem französischen 'Litus Saxonicum ', dans Studien zur Englischen Philologie, XCII, Halle, 1937, p. 7, sq.; L. Fleuriot, op. cit., p. 199 sq.

237 Aide apportée en sous-main par Frédégonde aux Bretons, HF, X, 9 et 1 1 ; infra, p. 296.

238 HF, V, 26.

239 HF, V, 29. Les Bretons progressent jusqu'au village de Corps-Nuds (canton de Jan- zé, Ille-et-Vilaine) situé au sud-ouest de Rennes.

24<> HF, V, 29.

241 HF, V, 31.

242 HF, IX, 18 et 24.

243 HF, X, 9 et 11.

244 HF, V, 21; VM, IV, 46.

245 HF, V, 26.

246 HF, V, 29 et 40. (Duchesne, Fastes, II, p. 377).

247 HF, X, 9, p. 492 : Et Regalis episcopus cum clericis et paginsibus urbis suae similia sacramenta dédit, dicens, quia : 'Nihil nos dominis nostris regibus culpabelis sumus nec umquam contra utilitatem eorum superbi extitimus, sed in captivitate Brittanorum positi, gravi jugo subditi sumus '. (Cf. Duchesne, Fastes, II, p. 377-378).

248 Supra, p. 218 sq.

2i9HF, VIII, 42. Les habitants de Rennes refusent d'abord d'accueillir Beppolène investi du pouvoir ducal par Gontran. Le duc obtient finalement la soumission de la population; mais à la faveur de son départ, les Rennais se soulèvent et assassinent son fils et les compagnons de celui-ci, qui constituaient probablement un petit corps d'occupation.

250 Les Angevins, fort maltraités par les représentants de Gontran (HF, VIII, 42 et 43), se vengent en attaquant en 590 les débris de l'armée franque en déroute, au passage de la Maine (HF, X, 9).

251 HF, V, 1 et 4.

252 HF, V, 26.

253 HF, V, 31. L'évêque de Nantes obtient du comte Weroc la promesse de réparations; mais cette promesse ne fut pas tenue.

254 HF, V, 49 et supra, p. 288. Le synode s'est probablement tenu à Tours même.

255 CG, II, pp. 211-217; cf. HF, IV, 47.

256 HF, V, 18 et VII, 16.

257 HF, V, 49.

258 CG, II, p. 237-250.

259 Bertrand du Mans est l'un des auteurs de la lettre adressée par les Pères assemblés à l'initiative du roi Gontran à l'évêque Gundegisilus de Bordeaux et à deux de ses suffragante à propos de l'affaire de Poitiers (HF, IX, 41). Sur le rôle de Grégoire dans cette même affaire, infra, p. 331 sq.

260 GC, 54; Duchesne, Fastes, II, p. 344-345.

261 HF, VIII, 32; Duchesne, ibid., p. 345.

262 GC, 55; Duchesne, ibid., p. 336-337. 26iHF, VI, 9; Duchesne, ibid., p. 337-338.

264 HF, VI, 9; VII, 15; VIII, 39; X, 5; VM, III, 35; Duchesne, ibid., p. 338.

265 HF, VIII, 39; IX, 18 et 41; Duchesne, ibid., p. 338. Bien que Bertrand ait reçu la tonsure cléricale à Tours, sur la tombe de Martin, et qu'il ait conservé une profonde dévotion pour le confesseur tourangeau, comme en témoigne son testament (infra, p. 611), Grégoire ne paraît pas le connaître personnellement.

266 VM, IV, 12 et supra, n. 265.

267 VM, II, 40.

268 Supra, p. 280.

269 W. C. Me Dermott, Felix of Nantes, art. supra cit., p. 11 et 19-23, suppose avec beaucoup de vraisemblance que Felix s'est arrêté à Tours, lors du voyage qui le ramenait du concile tenu à Paris en 573 dans sa cité.

270 Grégoire précise lui-même qu'il tient de Felix l'histoire de cet évêque — dont il ne

mentionne pas le nom — qui vécut dans une chasteté exemplaire auprès de son épouse (GC, 77) ainsi que le récit de la vie et de la mort de l'ascète Friardus (VP, X). L'historien situe le décès de Friardus parmi les événements de l'année 573 (HF, IV, 37).

271 HF, VI, 15. Duchesne, Fastes, II, p. 367.

272 VM, IV, 27 : Nonnichius se rend en 591 à Tours pour la fête de Martin, accompagné d'un serviteur impotent qui est miraculeusement guéri au tombeau du thaumaturge. L'année précédente, l'esclave du diacre nantais Eumerius avait déjà été guéri à Tours lors de la fête du confesseur. (VM, IV, 20).

273 HF, X, 14. 2"GC, 94; HF, VI, 16.

275 Fortunat, Vita sancii Albini et carm., XI, 25.

276 VM, I, 22; II, 33, 48; III, 7, 11, 23, 27, 31; IV, 14, 17, 18, 23.

277 La réunion du concile provincial tenu pour juger le prêtre Riculfus, puis la requête de l'évêque Felix pour obtenir la consécration de son neveu Burgundio. Grégoire ne dit jamais avoir présidé, comme ses prédécesseurs, à l'intronisation d'un suffragant ou à la dédicace d'un sanctuaire d'une des cités de la province.

278 HF, IV, 47 ; HF, IV, 48 : pillage du monastère de Latta en Touraine, probablement La Latte, près de la Rue-Tasché à La Chapelle-sur-Loire (G. Oury, dans Revue Mabillon, LUI, 1963, p. 44-47).

279 Ravages commis par Roccolène, HF, V, 1 et 4 et VM, II, 27 ; par les troupes de Mérovée, HF, V, 2.

280 HF, V, 14. 2SlHF,V, 18.

282 HF, V, 49.

283 HF, VI, 12. 2S*HF, VI, 31.

285 HF, VII, 12.

286 HF, VIL 21.

287 HF> vu, 24.

288 HF, X, 9.

289 Berulfus est en charge sous le règne de Chilpéric et de Gontran (HF, V, 49; VI, 12 et 31). Childebert II, lorsqu'il reprend possession de Tours et de Poitiers à la fin de 585, le remplace par Ennodius (HF, VIII, 26); en 587 ce dernier est démis de ses fonctions (HF, IX, 7); lui succède probablement Aginus auquel Grégoire donne le titre de dux (VM, IV, 41) et que l'on voit intervenir dans les affaires de Tours (HF, IX, 19).

290 Sur cette question, infra, p. 670.

291 HF, V, 48; cf. aussi HF, V, 14, 47, 49; VI, 50.

292 HF, V, 47.

293 HF, VII, 23.

294 HF, VII, 21 et 22.

295 HF, VII, 13.

296 Le comte Eborinus n'est mentionné qu'une seule fois par Grégoire (FM, III, 34) : l'historien relate la guérison de l'épouse du comte, victime de l'épidémie qui sévit en Touraine (584-585). L'épisode suggère qu'Eborinus résidait alors à Tours et y exerçait la charge comtale.

297 Fortunat célèbre dans deux poèmes (Carm. X, 17 et 18) la venue à Tours du comte Sigoaldus qui, au nom du roi Childebert II, invite les pauvres de la cité à un grand banquet. Il semble que Sigoaldus ne soit pas seulement un envoyé extraordinaire du roi, mais le nouveau comte désigné par ce dernier pour administrer Tours, dont le poète chante la félicitas (carm. X, 18, v. 7 et 8).

298 HF, VIII, 40.

299 HF, X, 5. i0OHF,V, 17.

301 580 : HF, V, 34 et VM, II, 51 ; 582 : HF, VI, 14 et VM, III, 18.

302 HF, VI, 31.

303 VM, III, 34.

304 HF, VII, 45.

305 HF, Vili, 23.

306 HF, IX, 17.

307 HF, IX, 44.

308 HF, X, 30.

309 HF, X, 25.

310 HF, X, 30.

311 HF, VII, 45, p. 365 : Graviter tune negutiatores populum spoliaverunt, ita ut vix vel modium annonae aut semodium vini uno triante venundarent. Subdebant pauperes servi- tio, ut quantulumcumque de alimenta porregerent. Au chapitre suivant (HF, VII, 46). Grégoire donne l'exemple des profits réalisés en cette circonstance par un négociant en vins de Tours, Christophe.

312 Ils constituent aussi ces troupes de mendiants qui vont de ville en ville et sollicitent à Tours la charité des pèlerins (VM, II, 46, 47; VM, III, 16, 58).

313 HF, VI, 10.

314 HF, VI, 13 et VII, 3.

315 HF, VII, 46.

316 HF, VII, 45 et 46.

317 HF, VII, 47 et IX, 19. Sur cette affaire qui est complexe (étant donné le nombre des acteurs, les rebondissement de l'action et les procédures judiciaires mises en œuvre) et que le récit très embrouillé de Grégoire ne contribue guère à clarifier, G. Monod, Les aventures de Sichaire, dans Revue Historique, XXXI, 1886, p. 259-290; Fustel de Coulan- ges, De l'analyse des textes historiques, dans Revue des questions historiques, XLI, 1887, p. 1-35; E. Auerbach, op. cit. p. 88-105; M. Rouche, Francs et Gallo-Romains chez Grégoire de Tours, in Convegno del centro di Studi sulla spiritualità medievale, XII, Todi, 1971, Todi, 1977, p. 159-165. Sur le rôle joué par Grégoire, infra, p. 312; et pour la procédure mise en œuvre, infra, p. 701.

318 HF, VII, 47, p. 366 : Gravia tune inter Toronicos cives bella civiltà surrexerunt.

319 Infra, p. 564.

"»FM, Π, 11; III, 37; cf. I, 26.

321 On redoute en particulier la guerre et l'arrivée des soldats : ainsi lorsqu'une

rumeur fait craindre un retour des hostilités, un apiculteur s'empresse d'enfouir dans le sol sa récolte de cire qui est toute sa richesse (VM, IV, 15).

322 Grégoire note tous ces phénomènes avec le plus grand soin (HF, V, 17, 23, 33, 41 ; VI, 14, 21; VII, 11; VIII, 8 et 42; IX, 5; X, 23 et 30). Il ne les a pas le plus souvent observés lui-même; il se fait l'écho de rumeurs parvenues jusqu'à lui. Mais il partage l'inquiétude suscitée par ces manifestations considérées comme les signes avant-coureurs de catastrophes.

323 À côté de phénomènes naturels mal compris, on relève de pures fables comme celles du sang coulant d'un pain coupé (HF, VI, 21), de serpents tombés d'un nuage et du domaine rural englouti dans les entrailles de la terre avec ses bâtiments et ses habitants (HF, IX, 5).

324 HF, IX, 6 : en 580, passage à Tours d'un imposteur qu'on reconnaît ensuite comme un serviteur en fuite de l'évêque de Bigorre, Amelius; porteur de fausses reliques et d'amulettes, il usurpe les fonctions sacerdotales et entraîne avec lui un cortège de «disciples» qui le prennent pour un saint personnage. En 587, c'est un nommé Didier qui, à la faveur de l'absence de Grégoire, capte la confiance des Tourangeaux : il se fait passer pour un puissant thaumaturge et ses cures, prétenduement miraculeuses, font, par leur brutalité, plusieurs victimes parmi les infirmes qui s'y soumettent. Il est finalement chassé de la ville. (C. Lavarra, dans Quaderni medievali, 13, 1982, p. 6-43).

325 La pythonisse consultée par Gontran Boson jouissait en Touraine d'une solide réputation : on affirmait qu'elle avait prédit la mort du roi Caribert (HF, V, 14).

326 FM, I, 26; VM, IV, 36.

327 Hostilitates et infirmitates et alia mala, quae perfert populus, indignano Domini commovet : c'est ce que vient prêcher à Tours un certain Sisulfus qui exhorte les fidèles à se repentir avant qu'il ne soit trop tard (VM, II, 40, p. 173).

328 Carm., V, 3, v. 5, p. 106.

329 HF, IV, 47; supra, p. 266 et 276.

330 HF, V, 47; supra, p. 284.

331 HF, VII, 13; supra, p. 271.

332 HF, VII, 13 et 24.

333 L'asile ne fut violé qu'une seule fois (supra, p. 289) et ce fut à la faveur de l'absence de Grégoire. Comme le remarque M. Reydellet (Pensée et pratiques politiques chez Grégoire de Tours, dans Convegno del centro di studi sulla spiritualità medievale, XII, Todi, 1971, Todi, 1977, p. 188), «cela donne négativement une idée de son poids personnel dans le respect du droit d'asile».

334 VM, II, 35; III, 47; IV, 16, 35, 39, 41. Sur ì'intercessio episcopale, infra, p. 696 sq.

335 HF, V, 48, p. 258. Pour le fonctionnement de ces tribunaux mixtes, infra, p. 701.

336 HF, VII, 47 et IX, 19; cf. supra, p. 308.

337 HF, VII, 47, p. 367 : interim anima viri non pereat.

338 Ibid. : Ne jurgium in amplius pulularet.

339HF,V, 5; supra, p. 280.

340 HF, V, 49.

341 HF, VII, 21, 22 et 29.

342 HF, VIII, 40.

343 HF, V, 34.

344 HF, VII, 7 et 40.

345 HF, IX, 26. '

346 HF, X, 11.

347 Fortunat, Carm. X, 17 et 18. Il s'agit d'un repas offert aux pauvres de Tours.

348 Pour ces différents testaments et l'importance des legs consentis, infra, p. 612.

349 HF, VI, 13.

350 HF, X, 12.

351 VM, III, 15; IV, 11 et 15.

352 Supra, p. 200 sq. et 222 sq.

353 HF, V, Prol., p. 193, où Grégoire, s'adressant aux rois francs contemporains, s'écrie : Recordamini, quid caput victuriarum vestrarum Chlodovechus fecerit, qui adversos reges interficet, noxias génies elisit, patrias subjugavit, quorum regnum vobis integrum inle- sumque reliquit! Et cum hoc facerit, neque aurum neque argentum, sicut nunc est in the- sauris vestris, habebat. Qui agetis? Quid quaeritis? Quid non habundatis? In domibus dili- tiae supercrescunt, in prumptuariis vinum, triticum oleumque redundat, in thesauris aurum atque argentum coacervatur. Unum vobis deest, quod, pacem non habentes, Dei gra- tiam indegetis. Cf. les paroles placées par Grégoire dans la bouche de Frédégonde, lorsque ses deux fils sont mourants : Ecce! jam perdimus filios. Ecce! jam eos lacrimae paupe- rum, lamenta viduarum, suspiria orfanorum interimunt, nec spes remanet cui aliquid con- gregemus. Thesaurizamus, nescientes, cui congregemus ea . . . (HF, V, 34, p. 240).

354 HF, IX, 30.

355 HF, V, 28, p. 233 : Chtlpericus vero rex discriptiones novas et gravis in omne regno suo fieri jussit.

356 HF, V, 34, supra cit., η. 353.

357 #F, IX, 30; cf. HF, IV, 2.

358 Supra, p. 223 et n. 213.

359 HF, IX, 30, p. 449 : Protinus epistulam cum auctoritate miserunt, ne populus Toroni- cus pro reverenda sancii Martini discriberetur.

360 HF, VII, 23 et Fortunat, carm., X, 11.

361 VM, II, 35. Sur la législation conciliaire qui fait un devoir à l'évêque de prendre soin des prisonniers, infra, p. 702 sq. "2 VM, III, 47.

363 VP, XV, 1 et 4.

364 FM, II, 30; II, 57.

365 FM, I, 40; FM, IV, 5.

366 Sur le fonctionnement de ces établissements, infra, p. 715 sq.

367 Supra, p. 216.

368 VJ, 38.

369 VM, II, 22, 23; III, 23.

370 upt yii^ 29, p. 349, où Grégoire distingue « les autres pauvres » des matricularii : nonnulli etiam matricolariorum et reliquorum pauperum.

371 Ainsi dans le monastère fondé par Monegundis, VP, XIX, 2, 3 et 4.

372 VP, XV, 2. Cf. VP, XV, 3 et HF, V, 7.

373 Infra, p. 722 sq.

374 VM, I, 7, 40; II, 3, 8, 14, 24, 30, 46, 47; III, 16, 23, 58; IV, 42.

375 VM, II, 22 et 23 ; VM, IV, 36, où Grégoire montre le dévouement de sa propre nièce Eustenia (Stroheker, n° 134 p. 170).

376 HF, VII, 45, p. 365 : Plurimi enim tune ex inaedia tabescentes, mortui sunt.

377 Carm., V, 3, v. 5, p. 106. ™Ibid., v. 10 et 17. 379 Infra, p. 588.

380 Les principaux thèmes de cette pastorale ont été analysés par J. Schlick {Composition et chronologie du De vìrtutibus sancii Martini de Grégoire de Tours, dans Texte und Untersuchungen zur Geschichte der altchristichen Literatur, 92, Studia Patristica VII, p. 278-286).

381 VM, I, 31 ; cf. GM, 20; HF, VIII, 40.

382 HF, VI, 13.

383 VM, I, 20; II, 18, 53; cf. HF, VIII, 34.

384 C'est là un des thèmes les plus souvent développés : VM, II, 13, 24, 57; III, 3, 7, 29, 31, 32, 45, 55, 56; IV, 45.

385 Sur ces jeunes clercs et la formation qu'ils recevaient, infra, p. 644 sq.

386 VM, II, 9, 13, 18, 26; III, 15, 19, 22; infra, p. 597 et p. 649 sq.

387 HF, X, 24.

388 HF, IV, 21; IX, 33.

389 #F, V, 21.

390 Exigence qu'il formule pour lui-même : illud tantum studens, ut quod in eclesia credi praedicatur sine aliquo fuco aut cordis hesitatione reteneam. (HF, I, Praef., p. 3).

391 HF, X, 13.

392 Grégoire est particulièrement soucieux de la chasteté des clercs et des moines, comme le montre ce commentaire à propos de l'inconduite d'un certain abbé Dagulfus, probablement étranger au diocèse de Tours : Ideoque documentum sit haec causa clericis, ne contra canonum statuta extranearum mulierum consortium potiantur, cum haec et ipsa lex canonica et omnes scripturae sanctae prohibeant, praeter his feminis, de quibus crimen non potest aestimari (HF, VIII, 19, p. 386). Sur la discipline tourangelle, infra, p. 672 sq.

393 vp, xv, 2.

394 VP, XX, 3.

395 HF, X, 12. Il est intéressant de noter que la révolte, identique dans son origine à celle qui éclate à Sainte-Croix de Poitiers {infra, p. 331), n'a nullement pris la proportion qu'elle revêtait dans cette dernière communauté.

396 HF, X, 31, 19; Fortunat, carm. 1, 5.

397 HF, X, 31, 19.

398 VJ, 34.

399 HF, X, 31, 19, p. 535 : In multis vero locis infra Turonicum terminum et ecclesias et oratoria dedicavi sanctorumque reliquiis inlustravi; quae memorare ex ordine prolixum censut.

400 GM, 33.

401 VJ, 50; VP, Vili, 8.

402 VP, Vili, 11. .

403 Fortunat, carm., X, 5 et 10.

404 HF, IV, 47 et 48; VII, 12.

405 HF, X, 31, 19.

406 GC, 20; VP, II, 3. Sur les cultes introduits à Tours par Grégoire, infra, p. 497 sq.

407 HF, X, 1 ; GM, 82; VP, Vili, 6.

408 Une Vita sancii Martini en 4 livres ainsi que plusieurs carmina. Sur ces ouvrages, infra, p. 745 sq.

409 HF, X, 31, 19.

410 Fortunat, carm. X, 6, v. 89-92.

411 Infra, p. 483 et p. 591 sq.

412 Sur l'ampleur du mouvement à l'époque de Grégoire et l'influence exercée par la publication du De virtutibus s. Martini, infra, p. 544 sq.

413 Infra, p. 588 sq.

414 FM, II, 41, p. 174. S'adressant à Martin, Grégoire s'écrie: nec fraudas extraneis quod propriis libenter indulgis.

415 Infra, p. 595 sq.

416 HF, V.Prol.; VM, I, 29.

417 Pour l'analyse de ces thèmes et des exempta qui les illustrent, infra, p. 768 sq.

418 HF, VII, 13; supra, p. 270.

419 HF, VIII, 6.

420 HF, VIII, 13.

421 M. Reydellet, art. supra cit., p. 189-190.

422 HF, VIII, 14.

423 HF, VIII, 20.

424 CG, II, p. 249.

425 M. Rouche, V Aquitaine, p. 78.

426 Supra, p. 274.

427 HF, IX, 20.

428 B. Krusch et R. Büchner distinguent dans leur index les deux Felix, qui représentent chacun un roi différent. Contra, M. Reydellet, art. cit., p. 189.

429 Dès son arrivée, Grégoire déclare : De his vero quae loculi simul fuistis omnia inplere promittit, nec quicquam se de pactionibus, quae inter vos conscriptae sunt, inrum- pere pollicetur. (HF, IX, 20, p. 434).

430 Id., p. 441 : His et aliis locutus, dulci nos affectu f ovens ac muneribus onerans, discedere jobet, mandans, ut ea semper Childebertho regi ìnsinuentur, quae vitae ejus comoda fiant.

431 HF, IX, 20, p. 438 : Similiter quicquid antefati régis eclesiabus aut fidelibus suis con- tuterunt aut adhuc conferre cum justitiam Dei propinante voluerint, stabiliter conservetur.

432 Supra, p. 282.

433 Supra, p. 292.

434 HF, IX, 39.

435 Supra, p. 230.

436 HF, IX, 40.

437 HF, IX, 41.

438 HF, IX, 39.

439 HF, IX, 40. 440 //F, IX, 41.

tHF.X, 15. 442 HF, IX, 43. WHF,X, 15. 444 Supra, p. 231. 445 //F, X, 15.

446 jjpt xt 1 5; ρ 503 : Sed nos resultare coepimus, dicentes, quia : 'Non accedimus ad hune locum, nisi saeva seditio, quae per Chrodieldem surrexit, judicis districtione praema- tur'.

447 Le texte du jugement est donné par Grégoire (HF, X, 16).

1 J. Boussard, Étude sur la ville de Tours du Ier au IVe siècle, dans Revue des Études Anciennes, L, 1948, p. 313-329; Carte archéologique de la Gaule romaine, fase. XIII, Indre-et-Loire, Paris, 1960. Ce dernier ouvrage donne une bibliographie exhaustive qui peut être complétée, pour les parutions ultérieures, par celle que fournissent H. Galinié et B. Randoin, Les Archives du sol à Tours, survie et avenir de l'archéologie de la ville, Tours, 1979.

2 Supra, p. 8.

3 J. Boussard {Étude sur la ville de T., p. 317-318) se prononce en faveur de l'existence — très débattue — d'un «pont fixe probablement en bois». Bien que l'exploration archéologique n'ait apporté aucune confirmation à cette hypothèse, celle-ci demeure la plus vraisemblable, étant donné l'importance de la voie routière franchissant le fleuve en cet endroit. On ne saurait, en tout cas, pour nier la présence d'un pont sous le Haut- Empire, s'appuyer sur les textes du Ve et du VIe siècle, car entre-temps l'ouvrage a pu être détruit {infra, n. 32).

4 R. Dion, Histoire des levées de la Loire, Paris, 1961 ; Remarques sur la configuration de la plaine alluviale de la Loire sur le site de la ville de Tours, dans Caesarodunum, I, 1972, p. 253-273. Dans l'Antiquité, la butte du Nord-Est culminait à 51 m, tandis que l'altitude de la plaine environnante ne dépassait guère 46 m ; mais le niveau de la Loire était inférieur d'au moins 1 m à celui qu'il atteignit progressivement, par suite du remblaiement flandrien, vers l'An Mil de notre ère.

5 Rue Blanqui (ancienne rue Saint-Pierre-des-Corps), auprès de l'église de la Madeleine, en creusant la gare du canal de la Loire au Cher, on découvrit en 1828 un cimetière antique qui a livré des urnes cinéraires et un mobilier funéraire divers (J. Boussard, Étude sur la ville de T., p. 320; Carte archéologique, n° 65, p. 89).

6 À l'emplacement de l'actuelle place du général Ledere (anciennement, place de la Gare), les travaux entrepris en 1845 et en 1868 pour édifier, puis agrandir la gare du chemin de fer ont permis de mettre au jour cette seconde nécropole, plus importante que la première ; on y trouve des sépultures à incinération et, dans le mobilier funéraire, presque uniquement des poteries de Lezoux, «ce qui doit la faire placer seulement au IIe siècle» (Boussard, Étude sur la ville de T. p. 320-321; Carte archéologique, n° 69, p. 89-90). La géographie des zones funéraires du Haut-Empire n'a certainement pas été entièrement reconnue : peut-être existait-il, dès la fin du IIe siècle, comme le supposent H. Gali- nié et B. Randoin {op. cit., p. 19), une autre nécropole à l'Ouest de la ville.

7 H. Auvray (La Touraine gallo-romaine, dans BSAT, XXVII, 1938, p. 293-296) supposait que la ville s'étendait vers l'Ouest jusqu'au site plus tard occupé par la basilique Saint-Martin. La limite occidentale de la zone densément urbanisée paraît, compte tenu de la répartition des vestiges, se situer en deçà de cette région (J. Boussard, Étude sur la ville de T., p. 328; Galinié et Randoin, op. cit., p. 328). Mais la ville se prolongeait vers l'Ouest par un suburbium où l'occupation, bien que plus lâche, {infra), est attestée dès le début de l'Empire par la découverte de céramiques (Y. De Kisch, dans Gallia, XXXVIII, 1980, p. 332-334; Galinié et Randouin, dans BSAT, XL, 1982, p. 162).

8 Son tracé est marqué aujourd'hui par les rues Blanqui, Albert Thomas, Colbert et du Commerce. Au XIIe siècle encore, l'artère constituée par cette enfilade de rues portait le nom de Grande-Rue (J. Boussard, Étude sur la ville de T., p. 319). Une autre voie E-0 a été reconnue plus au sud sur le tracé des actuelles rues des Halles et de la Scellerie (H. Galinié et B. Randoin, op. cit., p. 16).

9 Le tracé des voies Nord-Sud dans la cité est très mal connu et la localisation du cardo maximus n'est donc pas entièrement certaine. Selon J. Boussard, s'appuyant sur les travaux de H. Auvray, (Étude sur la ville de T., p. 322), ce dernier empruntait l'axe des rues Jules Simon et Lavoisier. H. Galinié et B. Randoin (op. cit., p. 16) proposent de le situer un peu plus à l'Ouest, dans l'axe des rues Bernard Palissy, de la Barre et des Amandiers.

10 Des fouilles ont récemment mis au jour, dans l'angle Nord-Ouest du castrum du Bas-Empire, les vestiges de deux demeures privées, équipées d'un balneum, et en partie détruites par la construction du rempart (H. Galinié, Fouilles archéologiques sur le. site du château royal de Tours, 1974-1978, dans BSAT, XXXVII, 1978, p. 639-662, surtout p. 640- 642).

11 Deux diplômes de Charles le Simple, en date du 30 avril 903 et du 27 juin 919 (Ph. Lauer, Recueil des actes de Charles III le Simple, I, Paris 1940, n° 46, p. 100 et n° 101, p. 237), confirment une transaction conclue dans les années 867 à 887 (A. Salmon, L'amphithéâtre romain de Tours d'après les chartes, dans Bibliothèque de l'École des Chartes, 1857, p. 217-227) entre le comte de Tours, Hugues l'Abbé, et les chanoines de Saint-Martin. Au terme d'un échange, ces derniers ont obtenu dans l'enceinte de la cité des terrains sis entre la porte d'Orléans (porte Est du castrum du Bas-Empire) et les « arènes » (l'amphithéâtre antique) : areas cum sala que quondam dicebatur maledicta, que modo, propter receptionem sancii Martini, Domus Dei dicitur, infra muros Turonice urbis sitas, cum muro et posterula, habentes in circuitu a porta Aurelianensi usque ad arenas perticas nonaginta sex . . . Reprenant une hypothèse déjà ancienne, J. Boussard (Étude sur la ville de T., p. 316 et 324-325; Carte archéologique, n° 39, p. 83) propose d'identifier avec l'ancien forum ce terrain d'un hectare environ qui paraît encore presque complètement inoccupé. Le terme de sala maledicta pourrait désigner, en évoquant les souvenirs païens encore attachés à cet édifice, la basilique civile, qui, depuis que le corps de saint Martin y avait été provisoirement déposé (infra, n. 94), avait pris le nom de Domus Dei. Le souvenir de cette basilique se serait également conservé dans le nom d'une église médiévale élevée en cet endroit, l'ecclesia sancti Martini de basilica (infra, p. 359). Il faudrait donc situer la basilique de Caesarodunum à l'Est de l'amphithéâtre. Le souvenir des thermes publics pourrait s'être conservé dans la dénomination, attestée au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime, de la « Justice des Bains » qui appartenait au chapitre cathédrale et dont le siège se trouvait dans les bâtiments capitulaires situés au Nord de l'actuelle place Grégoire de Tours (J. Boussard, Étude sur la ville de T. p. 316 et 325; Carte archéologique, n° 36-38, p. 83). Ces hypothèses ont été récemment contestées par H. Galinié et R. Ran- doin (op. cit., p. 18). Certes aucun vestige identifiable de ces édifices n'a été retrouvé, mais très peu d'observations ou de fouilles ont pu être effectuées dans les secteurs concernés, comme le reconnaissent les deux archéologues qui n'apportent, par ailleurs, aucun argument positif pour localiser en un autre point les édifices de la vie publique.

12 La présence dans les fondations de la muraille du Bas-Empire, à l'angle Nord- Ouest du castrum, de blocs de pierre énormes et de fragments de bas-relief, de colonnes et de chapiteaux (J. Boussard, Étude sur la ville de T., p. 316-317 et 325-326; Carte

archéologique, n° 19, p. 77-78) laisse supposer l'existence d'un temple de grandes dimensions, s'élevant sinon à cet endroit même — puisque les fouilles y ont amené la découverte de domus privées {supra, n. 10) — du moins dans un assez proche voisinage (Galinié et Randoin, op. cit., p. 18).

13 J. Boussard, Étude sur la ville de T., p. 323-324; Carte archéologique, n° 11 et 12, p. 75-76; J. Dubois et J. P. Sazerat, L'amphithéâtre de Tours, dans MSAT, VIII, 1974, p. 41-74 et dans BSAT, XXXVIII, 1977, p. 355-418.

14 Lors des fouilles opérées à la faveur de la reconstruction de Tours en 1951; R. Milliat, Communication dans BSAT, XXX, 1951, p. 216; P. Cordonnier-Détrie, Information archéologique, dans Gallia, IX, 1951, p. 94-97; J. Boussard, Carte archéologique, n° 43-44, p. 84-85.

15 J. Boussard, Étude sur la ville de T., p. 328.

16 Ibid., p. 323 et 327; H. Galinié et B. Randoin, op. cit., p. 18 et dans BSAT, XL, 1982, p. 156-159.

17 60 à 80 ha : J. Boussard, Étude sur la ville de T., p. 328; 80 ha., selon H. Galinié et R. Randoin, op. cit., p. 15. Le chiffre de la population proposé par J. Boussard (ibid.) relève évidemment d'une estimation beaucoup moins sûre.

18 Supra, p. 9. À cette date, il s'agissait peut-être d'un système défensif provisoire. Les fouilles de H. Galinié (BSAT, XXXIX, 1981, p. 1076) suggèrent pour la construction du rempart une datation du IVe siècle.

19 J. Boussard, Étude sur la ville de T., p. 315-316; Carte archéologique, p. 76-83.

20 J. Boussard, Étude sur la ville de T., p. 328; Carte archéologique, p. 76.

21 M. Roblin, Cités ou citadelles? dans Revue des Études Anciennes, LUI, 1951, p. 301- 311 ; J. Hubert, Évolution de la topographie et de l'aspect des villes de Gaule du Ve au Xe siècles, dans Settimane di studio del centro italiano di studi sull'alto medioevo, VI, 1959, p. 529-558; A. Lombard- Jourdan, Oppidum et banlieue, dans Annales E.S.C., XXVII,

1972, p. 373-395; P. -A. Février, Permanence et héritage de l'Antiquité dans la topographie des villes de l'Occident durant le Haut Moyen Âge, dans Settimane di studio . . ., XXI, 1974, p. 41-138; M. W. Barley, European Towns, their Archeology and Early History, Londres, 1977; Histoire de la France urbaine (sous la direction de G. Duby), I : la ville antique par P.-A. Février, M. Fixot, Ch. Goudineau et V. Kruta, Paris, 1980.

22 Supra, n. 11.

23 Sulpice Sévère mentionne le praetorium où le comte Avitianus reçut à plusieurs reprises la visite de Martin (Dial. Ill, 4 et 8). Ce bâtiment avait peut-être été édifié d'abord pour les séjours temporaires du gouverneur de Lyonnaise Seconde — qui siégeait ordinairement à Rouen — avant de devenir, à la fin du IVe siècle, la résidence ordinaire du gouverneur de la province nouvellement créée de Lyonnaise Troisième (supra, p. 11). Les diplômes de Charles le Simple déjà cités (supra, n. 11) donnent quelques renseignements sur la situation du palais comtal au IXe siècle : dans l'échange conclu avec les chanoines de Saint-Martin, le comte a obtenu un terrain situé ad comitatum, c'est-à-dire, précisent les textes, ex parte Ligeris, cum ecclesia et muro et posterula. Mais faut-il situer ce palais comtal dans l'angle N-E de la ville fortifiée (selon l'interprétation traditionnelle, acceptée par J. Boussard, Étude sur la ville de T., p. 325) ou dans l'angle N-0 (H. Galinié et R. Randoin, op. cit. p. 30-32)? De toute façon, il n'est nullement assuré, comme le pensait J. Boussard (ibid.), « que le comte carolingien a résidé à la même place que son prédécesseur mérovingien, lequel était vraisemblablement installé dans l'ancien palais gallo- romain». Tout au plus peut-on supposer que la ou les résidences des représentants de l'autorité civile du IVe siècle au VIe siècle se trouvaient, étant donné ce que l'on connaît de l'occupation méridionale, dans la moitié N du castrum. Quant à l'existence d'une prison assez importante pour que puissent y être incarcérés les auteurs de crimes arrêtés dans toute la province et déférés devant le gouverneur romain, elle est suggérée par un récit de Sulpice Sévère (Dial., Ill, 4). Deux siècles plus tard, Grégoire mentionne à son tour une prison à l'intérieur de la ville fortifiée, proche de Yecclesia, semble-t-il (VM, II, 35 et IV, 16).

24 En effet les deux domus du Haut-Empire {supra, n. 10) ont été relevées et réaménagées dans l'angle N.-O. du castrum. Le balneum primitif de chacune d'elles a été détruit par le rempart, mais de nouveaux thermes privés, plus petits, sont reconstruits au IVe siècle et demeurent en usage jusqu'au Ve ou au VIe siècle. La demeure méridionale, à elle seule, occupe alors une superficie de 300 m2 (H. Galinié, art. supra cit., dans BSAT, XXXVIII, 1978, p. 645-650).

25 L'area mentionnée par les diplômes de Charles le Simple, qu'elle corresponde ou non au forum antique, apparaît, dans ces textes, comme un terrain nu, en bordure duquel s'élève la sala maledicta (J. Boussard, Étude sur la ville de T., p. 32 et p. 328; supra, n. 11).

26 J. Dubois et J. P. Sazerat, art. supra cit., p. 70-71.

27 Les « arènes » sont mentionnées dans les diplômes de Charles III le Simple {supra, n. 11).

28 Infra, p. 350 sq.

29 Toutes ces constatations infirment au moins partiellement les conclusions de J. Boussard, selon lequel, à l'intérieur du castrum «les habitants se sont entassés au IVe siècle dans l'espace libre, y compris l'aire de l'amphithéâtre» {Étude sur la ville de T., p. 328; cf. Carte archéologique, p. 12). Il est probable que, dans la deuxième moitié du IIIe siècle, les habitants de Tours et des environs qui avaient survécu au raid barbare se sont effectivement repliés dans le castrum nouvellement construit. Mais lorsque la paix a été rétablie par les Tétrarques, la plupart de ces réfugiés ont certainement quitté l'enceinte fortifiée, où ils n'avaient trouvé qu'un abri provisoire (H. Galinié, art. cit., dans BSAT, XXXVIII, 1978, p. 650).

30 Supra, p. 12.

31 Tours, rappelons-le, n'est pas au Bas-Empire, siège de garnison militaire (supra, p. 90, n. 4); seul un petit détachement de soldats devait s'y trouver à la disposition du gouverneur pour remplir des missions de police ou des tâches administratives.

32 Si, comme on peut le supposer, durant le Haut-Empire, la Loire était bien franchie à la hauteur de Tours par un pont, ce dernier, probablement détruit au IIIe siècle, ne paraît pas avoir été reconstruit. Tout indique que les relations entre les deux rives étaient alors assurées par bateau. Lorsque la Loire est gelée, à l'époque où Majorien assure la défense de Tours (Sidoine Apollinaire, carm. V, v. 208-209; supra, p. 102) ou lorsque, du temps de Grégoire, elle est agitée par une violente crue (VM, II, 27, supra, p. 276 et n. 156), les ennemis venus du Nord ne peuvent pénétrer dans la ville. Quant aux Tourangeaux, pour se rendre chaque année en pèlerinage à Marmoutier, ils empruntent, malgré les risques présentés par cette navigation, des bateaux (Paulin de Périgueux, Vita s. Martini, VI, v. 350 sq. ; Grégoire de T., VM, I, 2). On a supposé qu'à défaut d'un pont fixe, existait un pont de bateaux (L. Lhuillier, La voie romaine d'Orléans à Tours, dans Bull, archéol. du Comité des travaux historiques, 1928-1929, p. 527-531). Mais dans le texte de Grégoire invoqué pour soutenir cette hypothèse (HF, V, 49), le terme pons désigne une simple passerelle permettant d'accéder aux navires ancrés dans le port fluvial (J. Bous- SARD, Étude sur la ville de T., p. 318, n. 3).

33 Pour la localisation, du port fluvial antique, on dispose de très faibles indices archéologiques (J. Boussard, Carte archéologique, n° 58, p. 87 ; H. Galinié et B. Randoin, op. cit., p. 16). Au Bas-Empire et durant le Haut Moyen Âge, les installations portuaires se situent peut-être à la hauteur où s'élèvera au VIe siècle l'église Saint-Julien, en un endroit où est attesté à partir du Xe siècle le port médiéval, Scalarla, puis port de l'Échel- lerie (É. Mabille, Notice sur les divisions territoriales de l'ancienne province de Touraine, dans Bibliothèque de l'École des Chartes, 1864, p. 323). À défaut des activités économiques auxquelles elles ne s'intéressent guère, les sources attestent au VIe siècle un trafic de voyageurs, des pèlerins surtout (infra, p. 556).

34 À la fin du IVe siècle, un commerçant qui vend à Tours des vêtements de Bigorre (Sulpice Sévère, Dial. II, 1); au VIe siècle, un Tourangeau, riche négociant en vins (HF, VII, 46).

35 HF, X, 31, 2. Pour sa localisation, infra, p. 369 sq.

36 H. Galinié, art. cit., dans BSAT XXXVIII, 1976, p. 159.

37 Selon Grégoire, Catianus aurait été enseveli aux alentours de l'année 300 in ipsius vici cimiterio, qui erat christianorum (HF, X, 31, 1, p. 526). À l'époque où se situe ce récit légendaire, l'existence d'un viens et d'un cimetière de chrétiens (quelle que soit la construction grammaticale, l'un et l'autre sont certainement chrétiens dans la pensée de Grégoire) est tout à fait anachronique. Lorsqu'il évoque le vicus, Grégoire décrit en fait ce qu'il a sous les yeux : le groupement de sanctuaires et de monastères qui à l'Ouest, autour de la basilique Saint-Martin, a commencé à se constituer à la fin du Ve siècle (J. Dubois, L'emplacement des premiers sanctuaires de Paris, dans Journal des Savants, 1968, p. 5-44, surtout p. 23-24 et 31-32). Le cimetière remonte cependant à une époque plus ancienne : peut-être dès le IIIe siècle une nécropole - alors païenne - avait-elle été établie à l'Ouest de l'agglomération (supra, n. 6); à la fin du IVe siècle, l'existence du cimetière est en tout cas clairement attestée : Martin y fut inhumé et le lieu de sa sépulture (le locus sepulchri cité de façon très vague par Sulpice Sévère, Epist., 3, 20, p. 344) peut être exactement déterminé à 800 m à l'ouest du castrum du Bas-Empire, puisque sur son sépulcre furent ensuite élevées successivement en son honneur deux basiliques dont l'emplacement est parfaitement reconnu (infra, p. 392 sq.). Ce cimetière n'a cessé de se développer par la suite (infra, p. 392), et durant tout le haut Moyen Âge (H. Galinié, BSAT, XXXIX, 1979, p. 213-218; XIL, 1981, p. 1044-1061; XL, 1982, p. 160-176).

38 Une autre zone funéraire s'étendait-elle, plus loin vers l'Ouest, le long de la route de Nantes? Près de cette voie, à 1200 m du castrum, l'évêque Litorius avait fait aménager, dans une domus sénatoriale, une basilique funéraire où il fut enseveli (HF, X, 31, 2; supra, n. 35; infra, p. 368). J. Boussard conclut de ce texte à l'existence d'une première nécropole chrétienne, plus ancienne que celle où fut inhumé Martin (Étude sur la ville de T., p. 31). Mais les indices sur lesquels repose cette conclusion (J. Boussard, Carte archéologique, n° 126, p. 162) sont très faibles. Rien n'assure en définitive qu'un cimetière se soit développé autour de la basilique de Litorius. En revanche, à l'Est du castrum,

reprise des inhumations au IVe siècle, dans le prolongement du cimetière du Haut-Empire (BSAT, XL, 1982, p. 180).

39 Supra, n. 37.

40 Estimation proposée par J. Boussard (Étude sur la ville de T., p. 328).

41 Mentionnons pour mémoire deux ouvrages bien vieillis : J.-J. Bourassé, Topographie de la ville de Tours depuis la conquête romaine, Caen, 1859 et J.-J. Bourassé et C. Chevalier, Recherches historiques et archéologiques sur les églises romanes en Touraine du VIe au XIe siècle, Tours, 1869. On utilise encore avec profit É. Mabille, Notice sur les divisions territoriales et la topographie de l'ancienne province de Touraine, Paris, 1866 et A. Longnon, Géographie de la Gaule au VIe siècle, Paris, 1878, p. 242-294. Récemment M. Vieillard-Troiekouroff a consacré les Nos 309 à 325 du catalogue où elle recense Les monuments religieux de la Gaule d'après les œuvres de Grégoire de Tours (Paris, 1977, p. 304-329) aux sanctuaires de Tours.

42 Ch. Lelong, Évolution de la topographie religieuse de Tours du Ve au VIe siècle dans BSAT, XXXIV, 1965, p. 169-185. M. Vieillard-Troiekouroff, Tours au temps de Grégoire de Tours, dans Convegno del centro di studi sulla spiritualità medievale, XII, 1971 (Todi 1977), p. 209-249.

43 Nous avons, suivant cette méthode, déjà présenté un premier essai sous forme d'une notice rapide consacrée à Tours, dans l'ouvrage collectif, La topographie chrétienne des cités de la Gaule, Paris, 1976, p. 88-104. On trouvera, à la fin du présent chapitre, p. 430, une carte du site de Tours et, dans l'Append. 4, un plan plus détaillé de la zone urbanisée sur la rive gauche de la Loire.

44 Vita M., 9, bien que le terme ecclesia ne soit pas mentionné ici, mais seulement au chapitre suivant (Vita M., 10,3), à propos de la cellule, attenante à l'ecclesia, habitée par Martin au début de son épiscopat.

*5Dial. II, 1,2; III, 6.

46 Dans YHistoria Francorum, X, 31, 6.

47 HF, X, 31, 19, p. 534.

48 HF, X, 31, 2, p. 526-527; cf. HF, II, 38, p. 89.

49 HF, X, 31, 18, p. 534. Sur l'ecclesia prima, E. Mabille, art. cit., p. 354-355; Lon- GNON, Géographie, p. 215-216; M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux... n° 309, p. 304-306.

50 HF, X, 31, 1, p. 526.

51 HF, IV, 20; X, 31, 18. En une autre occasion Grégoire qualifie de seniores les trois églises du castrum (GM, 46, p. 69); mais c'est parce qu'il veut insister sur la présence ancienne dans ces sanctuaires des reliques de Gervais et Protais.

52 HF, X, 31, 2; cf. infra, p. 368.

53 Cette opinion, émise par J. Maan, prévalut chez les historiens de Tours jusqu'au début du XIXe siècle (témoignages rassemblés par l'abbé Vicart, Mémoire sur l'emplacement de Saint-Lidoire, dans MSAT, III, 1845-47, p. 182-260). Abandonnée ensuite, elle reparaît dans l'ouvrage récent de E. Griffe, La Gaule chrétienne à l'époque romaine, III, Paris, 1965, p. 15 et 25.

54 Théorie développée encore longuement par E. Griffe, ibid., p. 12-21.

55 J. Dubois, L'emplacement des premiers sanctuaires de Paris, art. supra cit. ; Ch. Pie- tri, Remarques sur la topographie chrétienne des cités de la Gaule entre Loire et Rhin, dans Revue d'histoire de l'Église de France, LXII, 1975, p. 189-204.

56 Supra, note 37.

57 HF, X, 31, 2, p. 526-527: Hic aedificavit ecclesiam primam infra urbem Turoni- cam ... ; primaque ab eo ex domo cujusdam senatoris basilica facta est.

58 La cathédrale n'est jamais dénommée dans les œuvres de Grégoire autrement q\x ecclesia. C'est au VIIIe siècle qu'apparaît — en relation avec les reliques des saints d'Agaune qui y étaient anciennement conservées {infra, p. 494) — le vocable de Saint- Maurice : il figure sur des deniers mérovingiens (J. Lafaurie, Trésors de deniers mérovingiens trouvés à Savonnières, dans Revue de numismatique, 6e série, V, 1963, p. 67-68).

59 HF, H, 31, 2, p. 527 : sepultusque est in suprascripta basilica, quae hodie ejus nomine vocitatur.

60 HF, IV, 20; X, 31, 18.

61 HF, X, 31, 19.

62 HF, X, 31, 19, p. 534: quam reaedificatam in ampliori altiorique fastigio septimo decimo ordinationis meae anno dedicavi.

63 Fortunat, Carm., X, 6, Ad ecclesiam Turonìcam quae per Gregorium episcopum renovata est. La reconstruction de l'édifice est évoquée v. 11 à 18 et 85 à 92. Pour l'utilisation des anciennes fondations, v. 87-88 (p. 237) :

Fundamenta igitur reparans haec prisca sacerdos extulit egr egius quam nituere prius.

64 Le toit, Carm., X, 6, v. 13, p. 235; les «peintures», id., ν. 89-92, p. 237. Sur ces images et les inscriptions qui les accompagnaient, infra, Append. VI.

65 VM, I, 23, p. 150. Sur cet épisode, supra, p. 228.

66 Selon F. Salet {La cathédrale de Tours, dans Congrès archéologique de France, 56e session, Tours, 1948 (Paris, 1949), p. 29), la crypte située sous le bras nord de l'actuelle cathédrale serait un vestige de l'ecclesia prima. Cette hypothèse, acceptée avec réserve par R. Crozet (Recherches sur la cathédrale et les évêques de Tours des origines à la fin du XIIe siècle, dans BSAT, XXXIV, 1965, p. 187-188) semble extrêmement fragile. Il faut ajouter qu'aucune fouille n'a jamais été entreprise' dans le sous-sol de la cathédrale.

67 Sur l'histoire de la cathédrale : C. Chevalier, Histoire et description de la cathédrale de Tours, Tours, 1875; F. Salet, La cathédrale de Tours, Paris, 1949; R. Crozet, art. supra cit..

68 J. Boussard, Carte archéologique, nos 30 - 33, p. 82.

69 HF, X, 31, 5, p. 529: Eustochius . . . aedificavit etiam ecclesiam infra muros civitatis, in qua reliquias sanctorum Gervasi et Protasi martyris condidit. Cf. GM, 46. E. Mabille, Notice sur les divisions . . ., p. 336 ; Longnon, Géographie, p. 246 et 247 ; Ch. Lelong, Évolution .... p. 174-176; M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux... n° 312, p. 308-309.

70 HF, X, 31, 12, p. 532 : Ipse exaltavit ecclesiam infra muros urbis Turonicae sanctorum Gervasi atque Protasi reliquiis consecratam.

71 HF, X, 31, 18, p. 534 : Hujus tempore civitas Turonica cum omnibus ecclesiis magno incendio concremata est; de quibus ipse postea duos reparavit, tertiam seniorem relinquens desertam; cf. HF,1V, 20.

72 Incendie du castrum et, une année plus tard, incendie de la basilique Saint-Martin, supra, p. 215 sq.

73 On peut penser que seule la charpente en bois qui couvrait le sanctuaire avait été détruite par les flammes.

"HF,X, 31, 12, p. 532.

75 À la date de 1273 est mentionnée la cappellania sancii Gervasi in maniero archiepiscopali Turonensi fundata (L. de Grandmaison, Cartulaire de l'archevêché de Tours, I, n° XXVIII, dans MSAT, XXXVII, 1892, p. 54-55). En 1456, des actes sont souscrits par l'archevêque in palatio nostro archiepiscopali Turonensi et, plus précisément, videlicet in orto prope capellam sancii Gervasii {ibid., II, n° CCXC, dans MSAT, XXXVIII, 1894, p. 231). Sur la situation du palais archiépiscopal, infra, p. 366.

76 J. Maan, Sancta et metropolitana ecclesia Turonensis, Tours, 1667, V, 3.

77 G. Giraudet, Tours, ses monuments, Tours, 1845, p. 44-45.

78 L. Bossebœuf, Les maisons historiques de Tours; l'Archevêché, dans BSAT, XVI, 1907, p. 16-82; J. Boussard, Carte archéologique, n° 28, p. 80-81. L'achèvement d'une nouvelle enceinte protégeant la ville de Tours avec un périmètre beaucoup plus vaste a permis au XVIIe siècle de désaffecter le rempart gallo-romain.

79 Infra, p. 367.

80 Sur ce débat que sa propre étude ne tranche pas nettement, L. Bossebœuf, art. supra cit., p. 21-22.

81 Ibid., p. 19-20.

82 H. Auvray, Fouilles dans le sous-sol de Caesarodunum ; III : Chapelle dite des Saints- Gervais-et-Protais, dans BSAT XXVI, 1937, p. 498-504. Curieusement J. Boussard (Carte archéologique, n° 28, p. 81) se réfère seulement à l'analyse de L. Bossebœuf, ignorée au contraire par M. Vieillard-Troiekouroff (loc. cit.) qui s'appuie uniquement sur l'article de H. Auvray, mais semble croire que les fouilles entreprises par ce dernier ont mis à jour la salle sous laquelle, en réalité, il opéra un simple sondage. On a fait également état (M. Vieillard-Troiekouroff, ibid.), pour localiser en cet endroit le sanctuaire, de la découverte d'un modillon de terre cuite. Quelle que soit la date que l'on attribue à ce type de décor (mérovingien selon M. Vieillard-Troiekouroff, loc. supra cit. ; carolingien selon Ch. Lelong, Les modulons de terre cuite carolingiens, dans Revue archéol. du Centre, III, 1964, p. 243-261), le modillon en question — dont Auvray ne souffle mot dans son rapport — ne provient pas, comme on l'a supposé à tort, de la fouille entreprise dans la chapelle de l'Archevêché (Lelong, ibid.).

83 Bossebœuf (art. supra cit., p. 21) hésitait à reconnaître l'église Gervais-et-Protais dans la chapelle du palais episcopal, parce qu'il trouvait à cette dernière des dimensions trop réduites pour une ecclesia. Mais dans d'autres cités de la Gaule, de petits sanctuaires étaient édifiés auprès des murailles : à Amiens l'oratoire Saint-Martin, logé dans une porte de l'enceinte (VM, I, 17), et à Rouen la basilique en bois dédiée à Martin, construite sur les murs de la cité (HF, V, 2). Or Gervais et Protais étaient précisément considérés comme de puissants gardiens pour une cité (supra, p. 155).

84 J. Boussard {Carte archéologique, n° 28) incline à penser que le mur en petit appareil signalé par L. Bossebœuf et H. Auvray est bien mérovingien.

85 É. Mabille (art. cit.) distingue l'ecclesia beatae Mariae in civitate (p. 344) de Y ecclesia sanctae Mariae Virginis et Sancii Johannis Baptistae (p. 343-344); de même Longnon, Géographie, p. 250-252 et 252-253.

86 Ch. Lelong, BSAT, XXXIV, 1965, p. 175; cependant dans le même numéro, R. Crozet, Recherches sur la cathédrale et les évêques de Tours des origines à la fin du XIIe siècle, p. 189, reste réservé sur ce problème; M. Vieillard-Troiekouroff, Tours au temps de Grégoire, p. 222-224 ; Les monuments religieux, n° 323, p. 327.

87 HF, X, 31, 12, p. 532: Hic coepit aedificare basilicam sanctae Mariae infra muros urbis, quam inperfectam reliquit.

88 HF, X, 31, 15, p. 533 : Hic peraedificavit ecclesiam sanctae Mariae infra muros urbis Turonicae. La brièveté des épiscopats d'Ommatius (4 ans, 5 mois) et de ses deux successeurs immédiats, Leo (6 mois) et Francilio (deux ans, six mois), explique qu'il ait fallu attendre le règne plus long d'Injuriosus (près de 17 années) pour que soit achevée cette église.

89 HF, X, 31, 18 (cf. HF, IV, 20).

91 HF, VIII, 40, p. 406-407.

92 GM, 19, p. 50. Mabille (loc. supra cit.) estime que les termes in urbe employés par Grégoire excluent pour cette église une localisation dans le castrum, ce qui est insoutenable.

93 A. Longnon {op. cit., p. 251) qui reprend sur ce point les conclusions de Mabille {infra, n. 94).

94 Mabille, op. cit., p. 344 et 352-353 et Les invasions normandes dans la Loire et les pérégrinations du corps de Saint Martin, dans Bibliothèque de l'École des Chartes, 1869, p. 149-194, surtout p. 186-189. L'érudit tourangeau reconstitue ainsi l'histoire de l'édifice dans la deuxième moitié du IXe siècle : les chanoines de Saint-Martin, qui, à cette époque, ont à plusieurs reprises mis le corps de leur saint patron à l'abri des raids normands (à Cormery, puis à Chablis en Tonnerois), auraient, à l'annonce d'un nouveau péril, en 887 (cf. P. Gasnault, Le tombeau de Saint Martin et les invasions normandes, dans Mémorial de l'Année martinienne, Paris, 1962, p. 51-66 qui, tout en rectifiant la chronologie établie par Mabille, note bien (p. 62) à cette date l'inquiétude de Tours), transporté le corps saint à l'intérieur des murailles du castrum depuis peu consolidées. Ils l'auraient déposé dans la Sala maledicta acquise par eux avec Y area adjacente {supra, n. 11) et récemment con-

vertie en chapelle (Domus Dei). Il ajoute : « cette chapelle fut vraisemblablement dédiée dans le principe à Notre-Dame, d'où le nom de Notre-Dame de la Consolation sous lequel elle est désignée dans une ou deux chroniques; mais lorsque le corps de saint Martin y eut été déposé en 887, elle fut plus particulièrement connue sous le nom de Saint-Martin de la Basoche» (ibid., p. 188, n. 2). Si l'hypothèse dans son ensemble paraît vraisemblable, en revanche le titre d'ecclesia sanctae Mariae de Consolatione (qui pourrait permettre de rattacher l'édifice à la basilique mentionnée par Grégoire — ce que ne prétend point Mabille (infra, η. 100) — ) est loin d'être assuré pour l'église de Saint-Martin de la Basoche, comme l'a conclu A. Longnon.

95 E. Giraudet, Histoire de la ville de Tours, op. cit., p. 312.

96 Charte de Hugues, archevêque de Tours, en date de 1007, citée par Mabille (Les divisions territoriales, p. 344, n. 4). Ce monastère disparut, semble-t-il, lors de la reconstruction de la cathédrale, opérée sur un plan plus vaste par Hildebert de Lavardin au début du XIIe siècle (E. Mabille, loc. cit.).

97 Longnon, Géographie . . ., p. 251.

98 Supra, p. 342.

99 Après la mention de l'acquisition du terrain par les chanoines, (texte supra cit. n. 11) figure, dans le diplôme du 30 avril 903, l'incise: in quibus fratres nunc monaste- rium constructum habent.

100 Op. cit., p. 344.

101 HF, VIII, 40.

102 Ibid., p. 407: Adveniente autem mense quinto, quo prata secare soient, pratum sanctimunialium, qui terminum prati sui adhaerebat, pervadit. In quo statini ut falcem misit, febre correptus, diae tertia spiritum exalavit . . . Manifesta est autem virtus beatae Mariae, in cujus basilicam miser sacramentum protullit mendax.

103 Autres exemples de sanctuaires desservis à la fois par des prêtres et par des moines ou des moniales, infra, p. 688 sq.

104 Art. supra cit., p. 175-176. ^5 Infra, p. 397.

106 Le plan (p. 000 et agrandissement, Append. 4) où figurent les localisations ici proposées n'a donc que la valeur d'un schéma indicatif. 107 HF, IV, 20; X, 31, 18; GM, 46.

108 J. Hubert, Les «cathédrales doubles» de la Gaule, dans Genava, NS, XI, 1963, p. 105-125 (Tours, p. 108).

109 Sulpice Sévère, Dial. I, 21, 4. Il ne semble pas que la diatribe vise particulièrement le prédécesseur de Martin, Litorius.

110 Vita M., 10, 3, p. 274 : Aliquandiu ergo adhaerenti ad ecclesiam cellula usus est.

111 Sulpice Sévère, Dial. II, 1.

112 Paulin de Périgueux, Vita Martini, IV, v. 39, p. 83 : exim secretae pénétrons habitacula cellae. Cf. II, v. 90-91, p. 38, où le poète désigne par le même terme le local où résidait l'évêque avant qu'il n'allât s'installer à Marmoutier :

Primum igitur conjuncta sacris altaribus UH cella fuit ...

113 HF, X, 31, 19, p. 535.

114 Fortunat, Carm., I, 5, p. 9 et 10. Selon W. Meyer (Der Gelegenheitsdichter Venan- tius Fortunatus, op. cit., p. 50), il s'agit d'une pièce de circonstance, destinée à la lecture publique ou privée. Se rangeant à l'opinion de Ed. Le Blant, H. Delehaye (Une inscription de Fortunat sur Saint Martin, I, 5, dans Mélanges C. de Borman, Liège, 1919, p. 19-26, rééd. dans Mélanges d'hagiographie grecque et latine, Subsidia hagiographica 42, p. 204- 211) a clairement démontré qu'il s'agissait au contraire d'une pièce destinée, par son style même, à être gravée. De plus, tous les manuscrits donnent, pour le titre, la leçon in cellula (corrigée arbitrairement par l'éditeur des MGH, Leo, en in cellulam), indiquant « nettement par là que le poème n'a pas seulement été inspiré par la cellule du saint mais qu'il est destiné à être gravé sur l'une de ses parois ». À noter que dans la pièce poétique elle-même, la cellula est désignée par une périphrase (v. 5) qui n'apporte aucun renseignement précis et que, dans la version en vers de la Vita Martini, Fortunat ne mentionne pas le lieu où se situe le don charitable de la tunique à un pauvre (Vita Martini, III, 24- 52), pas plus qu'il ne le fait dans le Carm. X, 6, où il évoque par deux fois (v. 1-4 et v. 107-116) cette scène (Append. VI, p. 823 sq.).

115 Ainsi dans trois des versions qu'il donne de l'acte charitable accompli par Martin en faveur d'un pauvre à Tours, (Carm. I, 5; X, 6, v. 1-4 et v. 107-116), Fortunat amalgame dans son récit deux épisodes distincts chez Sulpice Sévère : le don de la tunique proprement dit (Dial. II, 1) et le miracle dont fut témoin Arborius lorsqu'il vit, un jour que Martin célébrait la messe, la main de l'évêque revêtue de pierres précieuses (Dial. Ill, 10, 6). Le poète présente ce deuxième épisode comme la conséquence du premier, ce que rien ne suggère dans l'œuvre de Sulpice Sévère (H. Delehaye, art. supra cit.).

116 M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux, n° 311, p. 307. Mais Grégoire situe la cellule par rapport à l'ecclesia et jamais par rapport à sa propre domus.

117 C'est l'hypothèse formulée par H. Delehaye (art. cit., p. 206, n. 9) qui s'appuie sur 4 vers de Fortunat (Carm., X, 6, v. 1-4) : le poète célèbre la beauté de l'ecclesia reconstrui-

te par Grégoire, ce temple où, ajoute-t-il, Martin a vêtu un pauvre de sa propre tunique et mérité pour ce geste que sa main fût revêtue d'une éclatante lumière. Mais l'amalgame opéré par le poète entre les deux scènes (supra, n. 115) l'obligeait à les situer toutes deux dans un cadre unique, l'ecclesia, si bien que l'argument invoqué perd toute sa valeur.

118 Étant donné que l'ecclesia fut reconstruite sur un plan plus vaste, la cellula dans la reconstruction, fut peut-être déportée de quelques mètres.

119 Supra, p. 91 sq. et 119 sq.

120 C'est dans la domus eclesiastica qu'Eufronius eut une nuit, en songe, la vision des vierges Britta et Maura (GC, 18. p. 308). Grégoire ne dit pas si cette demeure eut à souffrir de l'incendie de 558. Si tel fut le cas, les dommages purent être rapidement réparés avant la mort d'Eufronius, puisque, dans la première année de son épiscopat (note 121), Grégoire se soucie uniquement d'apporter un nouvel aménagement à la domus.

121 VP, II, 3, p. 220, où Grégoire parle de lui-même à la 3e personne : Dedicaverat igi- tur oratorium infra domum eclesiasticam urbis Toronicae in primo sacerdotii sui anno, in quo cum reliquorum sanctorum pignora hujus antestitis (Illidius) reliquias collocavit. GC,

20, p. 309 : Concipit enim, inspirante divinae pietatis instinctu, animus, ut cellulam valde elegantem, quam sanctus Eufronius ad usum prumptuarii habuerat, ad opus orationis fide- liter dedicarem. Quam diligenter conpositam, altare ex more locato, . . . sanctificavimus. Cf. GM, 34, où l'oratoire est encore mentionné. Le terme de prumptuarium indique très clairement l'usage qui était fait du local à l'époque d'Eufronius : dans la langue de Grégoire, il désigne une réserve, un magasin où particuliers comme négociants conservent du vin, de l'huile et parfois quelques victuailles comme des jambons (HF, V, Prol. p. 193; V, 34, p. 240; VI, 11, p. 280; VII, 15, p. 337; VII, 37, p. 359; VIII, 33, p. 401; VIII, 40, p. 407; X, 15, p. 502). Il s'agissait ici d'une pièce très humide (peut-être à demi-souterraine), comme en témoigne l'épisode VP, II, 3.

Pour les reliques de saints déposées dans cet oratoire, infra, p. 498. À noter que la présence, parmi les reliques de l'oratoire, de celles de s. Saturnin avait induit É. Mabille (Divisions territoriales, p. 363) à identifier, contre toute évidence, l'oratoire de la domus ecclesiae avec une église Saint-Saturnin élevée à une date plus tardive dans le subur- bium.

122 GM, 6. Infra, p. 500.

123 Fortunat, Carm., II, 3, p. 29, Versus in honore sanctae crucis vel oratorii domus ecclesiae apud Toronos. Sur le sens de ce poème, assez obscur, et sur la palla dont il fait mention, infra, p. 501. Les vers de Fortunat, l'intitulé en fait foi, ont, sans aucun doute possible, trait à l'oratoire de la domus ecclesiae sise dans le castrum et que Grégoire a aménagé. C'est à tort que É. Mabille (op. cit. p. 335), Ch. Lelong (Évolution de la topographie religieuse de Tours, p. 180-181) et, M. Vieillard-Troiekouroff (Les monuments religieux, n° 310, p. 307) ont voulu rapporter le poème de Fortunat à l'un ou l'autre des édifices du suburbium auxquels était attachée de quelque façon la mémoire de la Croix (infra, p. 402 et 411).

124 HF, V, 49, p. 259-260.

125 L. Bossebœuf, L'archevêché d'autrefois, art. cit., p. 22-23. Comme on l'a vu précédemment (supra, p. 357), à la suite des recherches entreprises dans l'ancien archevêché, on a parfois cru retrouver les vestiges de cet oratoire (J.-J. Bourassé et C. Chevalier, Recherches historiques et archéologiques sur les églises romanes en Touraine, p. 81) dans la salle de ce palais où L. Bossebœuf reconnaissait plutôt les vestiges de l'église Saint-Ger- vais-et-Protais.

126 II faut peut-être aussi situer dans ce secteur, au moins à partir de l'époque de Grégoire, l'atelier monétaire de Tours : le monnayage urbain paraît en effet remonter à la fin du VIe siècle ; il a précédé en tout cas le monnayage de Saint-Martin et celui de Saint- Maurice (supra, n. 58), attestés au plus tôt à partir de la première moitié du VIIe siècle (J. Lafaurie, dans Bull, de la Sté jr. de numismatique, 1962, p. 159-162 et dans Revue numismatique, 6e série, V, 1963, p. 65-81.

127 Sur cette basilique, abbé Vicart, Mémoire sur l'emplacement présumé de la basilique dite de Saint-Lidoire, dans MSAT, III, 1845-1847, p. 182-260; É. Mabille, Notice . . ., p. 342 et 355-356; E. Longnon, La topographie . . ., p. 249-250; Ch. Lelong, Évolution de la topographie, p. 172-173; M. Vieillard-Troîekouroff, Les monuments religieux, n° 317, p. 310-311 (cf. n° 312, p. 308).

128 HF, X, 31, 6, p. 530. ™HF, X, 31, 2, p. 527.

130 HF, X, 31, 3, p. 527: Hic transtulit corpus beati Catiani sepelivitque eum juxta sepulchrum sancii Litorii in Ma nominis sui praefata basilica (cf. GC, 4).

131 Supra, p. 30.

132 Éd. Perels, MGH, Epistolae Karolini aevi, IV, 1925, p. 742.

133 É. Mabille, op. cit., p. 356.

134 Longnon, op. cit., p. 250, qui reprend une hypothèse déjà formulée par J.-J. Bou- rassé et C. Chevalier {Recherches historiques et archéologiques sur les églises romanes en Touraine, p. 8-9 et 27).

135 É. Mabille, op. cit., p. 344-345.

136 É. Mabille, op. cit., p. 345-346. Le titre de N.-D. la Riche apparaît pour la première fois dans une bulle d'Adrien IV, datée de 1156.

137 II s'agit d'une épître écrite en latin, publiée par A. Salmon (MSAT, VII, p. 80-108) et dont le texte est résumé par E. Giraudet, Histoire de la Ville de Tours, op. cit., p. 275- 276.

138 M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux .... n° 312, p. 308. Le «caveau» se trouve un peu en avant de l'actuelle église, de dimensions plus restreintes que l'édifice visité par Fr. Florio.

139 Art. supra cit.

140 Pour É. Mabille (op. cit., p. 342) aucun rapport, si ce n'est une similitude de nom, n'existe entre cette chapelle et la basilique antique.

141 Selon Vicart (art. supra cit., p. 218-220), «le n° 1 de la rue St-Lidoire ne peut en aucune façon revendiquer l'honneur d'avoir été le lieu où était située l'ancienne basilique Saint-Lidoire».

142 A. Longnon, Topographie..., p. 250; J. Boussard, Carte archéologique, n° 126, p. 102; M. Vieillard-Troiekouroff, op. cit. n° 317, p. 311.

143 Étant donné l'ampleur de la bibliographie, nous nous bornons ici à mentionner les références aux seuls ouvrages et articles qui traitent de l'histoire et de la localisation des deux premières basiliques Saint-Martin : É. Mabille, Notice . . ., p. 350-353 ; J.-J. Bouras- sé et C. Chevalier, Recherches historiques et archéologiques..., p. 36-62; A. Longnon, Géographie, p. 253-255; C. Chevalier, Les fouilles de Saint-Martin : recherches sur les six basiliques successives élevées autour du tombeau de Martin, Tours, 1888; S. Ratel, Du lieu de sépulture de S. Martin de Tours, dans BSAT, VII, 1888-1889, p. 81-128 et XI, 1897-98, p. 231, 248, 265, 284; E. R. Vaucelle, La collégiale Saint-Martin de Tours des origines à l'avènement des Valois, Paris, 1908; M. Vieillard-Troiekouroff, Le tombeau de s. Martin retrouvé en 1860, dans Revue d'histoire de l'Église de France, XLVII, 1961, p. 151-183; Ch. Lelong, Évolution de la topographie religieuse ..., p. 176-178; M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux . . ., n° 318, p. 311-324.

144 Plutôt que d'une «rétraction de la zone urbanisée» (H. Galinié et B. Randoin, op. cit., p. 24), il semble que l'on puisse parler d'une réorganisation de l'espace suburbain, où la basilique Saint-Martin constitue un pôle nouveau d'attraction.

145 Epist, 3, 20, p. 344 : Haec igitur beati viri corpus usque ad locum sepulchri hymnis canora caelestibus turba prosequitur. Selon le témoignage, tardif il est vrai, de Grégoire de Tours, la sépulture de Martin n'était encore qu'une simple tombe parmi d'autres, lorsque Brice «pendant la 33e année qui suivit son ordination» s'y rendit dans l'espoir de se justifier d'une accusation portée contre lui (HF, II, 1 ; supra, p. 112).

146 Dans ce livre VI, Paulin relate une série de miracles posthumes de Martin qui ont pour cadre, lorsqu'ils se situent à Tours, la basilica Martini. L'un de ces miracles est en relation avec la construction du nouveau sanctuaire dédié à Martin par Perpetuus (infra, p. 152). Mais comme les épisodes qui précédent et suivent celui-ci ne sont pas classés dans l'ordre chronologique (on le constate pour ceux d'entre eux que l'on peut dater), il est impossible de savoir dans bien des cas si l'édifice mentionné est la première chapelle funéraire ou la grande basilique qui la remplaça ensuite. Sur la composition du Livre VI du De vita sancii Martini de Paulin, infra, p. 527).

147 Epist. IV, 18, v. 1-4, éd. Loyen, p. 152 :

Martini corpus totis venerabile terris,

in quo post vitae tempora vivit honor, texerat hic primum plebeio machina cultu,

quae confessori non erat aequa suo.

148 C'est ce que suggère un passage de la lettre dans laquelle se trouve le poème (Epist, IV, 18, 4, p. 152 : Basilicam sancii pontificis conj essor isque Martini Perpetuus epis- copus . . . multum priori quae fuit hactenus capaciorem novavit) et le vers 10 qui souligne, par contraste avec l'ampleur du nouvel édifice, l'exiguïté du précédent.

wibid., v. 9, p. 153.

150 R. Vaucelle, op. cit., p. 405; traduction adoptée par E. Griffe, La Gaule chrétienne à l'époque romaine, III; p. 243.

151 Dans l'édition de Sidoine Apollinaire, II, note complémentaire n° 68, p. 231, où A. Loyen remarque à juste titre que internum (au v. 9) s'oppose aux termes levons et exterior e du vers suivant.

152 HF, X, 31, 4, p. 528: Hic (Brictius) aedificavit basilicam parvulam super corpus beati Martini; HF, X, 31, 6, p. 529: basilica, quam prius Brictius episcopus aedificaverat super sanctum Martinum ; cf. VM, I, 6.

153 HF, II, 14, p. 63 : cellulam, quae super eum fabricata fuerat, videns parvulam ... Le plafond de cette cellula est remployé par Perpetuus pour une basilique élevée par les soins de cet évêque en l'honneur de Pierre et Paul (HF, X, 31, 6).

154 Supra, p. 116 sq. Deux épisodes relatés par Paulin de Périgueux, au chant VI du De vita sancii Martini, attestent qu'en 437, à l'époque où les Huns de Litorius, chargés de combattre la révolte bagaude, se livraient à des exactions contre la population tourangel-

le, la petite basilique Saint-Martin, cadre de plusieurs de leurs forfaits, était déjà construite (v. 222-249 et 250-264).

155 HF, X, 31, 4 et 5.

156Epist., IV, 18, v. 10-12, p. 153. Pendant la durée des travaux, il y eut interruption des ensevelissements dans le cimetière, où ont été retrouvés des reliefs de l'activité des mosaïstes et des maçons œuvrant au nouvel édifice (H. Galinié, dans BSAT, XXXIX, 1981, p. 1056-1059).

157 Sur la date de la lettre, A. Loyen, dans l'édition des œuvres de Sidoine, II, Appendice, Chronologie des Lettres, n. 18, p. 253-254 et L. Pietri, La succession, p. 553, n. 5.

158 L'idée a souvent été émise, en particulier par H. Delehaye, Saint Martin et Sulpice Sévère dans Analecta Bollandiana, XXXVIII, 1920, p. 27.

159 De vita sancii Martini, VI, v. 264-289; cf. Grégoire, VM, I, 2.

160 La sylloge où figurent les versus basilicae a été publiée par H. de Prato dans son édition des œuvres de Sulpice Sévère (I, 1741, p. 387-391); Ang. Mai, Scriptorum veterum

nova collectio, V, 1831, p. 138-143; Edm. Le Blant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, I, 1856, n° 170 à 181. Pour l'étude des inscriptions, infra, Appendice VI.

161 Dans HF, X, 31,6.

162 HF, II, 14, p. 63 : magnam ibi basilicam, quae usque hodie permanet, fabricavit. l6iHF, IV, 20; X, 31, 18.

164 HF, IV, 20, p. 153.

165 HF, X, 31, 19, p. 535 : Basilicae sanctae parietes adustos incendio repperi, quos in ilio nitore vel pingi vel exornari, ut prius fuerant, artificum nostrorum opere imperavi. L'incendie dont il est question ici ne peut être que celui de 559, (supra, p. 216) puisque, entre cette date et son avènement, Grégoire ne signale nul autre sinistre ayant endommagé la basilique.

166 HF, X, 31, 3, p. 527; cf. HF, II, 14.

167 HF, X, 31, 6, p. 529 : Perpetuus aedificavit aliam (basilicam) ampliorem miro opere, in cujus absida beatum corpus ipsius venerabilis sancii transtulit. VM, I, 6 (p. 141-142), où l'historien raconte comment sanctum ejus corpusculum in loco ubi nunc adoratur fuertt, angelo annuente, translatum . . . Adveniente . . . tempore . . ., ut templum dedicaretur, et sanctum corpusculum a loco ubi sepultum fuerat trans ferretur, convocavit Perpetuus ad diem festum vicinos pontifices . . . Sarcofagum in summa levitate commotum, in loco ubi nunc adoratur, Domino annuente, perducitur.

168 É. Mabille, Les divisions territoriales. . ., p. 349-350, qui fonde sa démonstration uniquement sur le témoignage de textes du XIIe siècle situant dans le cloître de la basilique contemporaine le lieu où avait jadis reposé le corps de s. Martin et où, selon l'érudit, la première chapelle se serait élevée jusqu'à ce que les Normands la détruisent au début du Xe siècle.

169 C. Chevalier (Les fouilles de Saint-Martin ... p. 4-19), se fondant sur les affirmations d'érudits du XVIIe siècle, présuppose que la première chapelle funéraire élevée sur la tombe de Martin était dédiée à saint Etienne. Toute l'argumentation qui découle de ce postulat est donc sans valeur. Sur l'oratoire Saint-Étienne que mentionne Grégoire, infra, p. 413.

170 Epist. IV, 18, v. 9, p. 153 : internum removens modici penetrale sacelli.

171 HF, X, 31, 6, p. 529 : Hic (Perpetuus), submota basilica, quam prius Brictius episco- pus aedificaverat super sanctum Martinum, aedificavit aliam ampliorem ... De façon encore plus nette, Grégoire précise ailleurs que c'est à l'endroit même (ibi) où s'élevait la première chapelle funéraire que Perpetuus construisit la grande basilique : Qua submota, magnam ibi basilicam . . . fabricavit (HF, II, 14, p. 63).

172 C'est là le sens donné à ces verbes par tous ceux qui admettent que la petite chapelle a subsisté après la construction de la basilique.

xliHF, X, 31, 6. À noter que S. Ratei (op. supra cit.), qui pense lui aussi que la petite chapelle a subsisté, a tenté de trouver une solution à cette difficulté : il distingue, d'après les vers de Sidoine, la machina ou internum penetrale, dont il fait une confession, et la chapelle, sacellum. Selon lui, Perpetuus n'aurait détruit que Yinternum penetrale et aurait conservé le reste de l'édifice. L'hypothèse est évidemment insoutenable.

174 J.-J. Bourassé et C. Chevalier, Recherches historiques et archéologiques ... p. 52 ; A. Longnon, Géographie . . ., p. 254-255. Dans cette hypothèse, ce serait de cette chapelle provisoire, et cependant conservée jusqu'au début du Xe siècle, que les sources du XIIe siècle (supra, n. 168) conserveraient le souvenir.

175 Infra, p. 381 sq.

176 De récentes recherches stratigraphiques (Ch. Lelong, Archéologie et géographie historique: l'exemple de Tours, dans Caesarodunum, III, 1969, p. 207-210) paraissent avoir établi que l'évêque Perpetuus avait «opéré d'énormes travaux de terrassement pour asseoir, au-dessus de la plaine inondable, la basilique».

177 R. Vaucelle (op. cit., p. 403-410) et Ch. Lelong (Évolution de la topographie religieuse ... p. 176-177) optent en faveur de cette «petite translation» à l'intérieur du site où se sont successivement élevées les deux basiliques; de même, M. Vieillard-Troiekouroff, plus implicitement (Le tombeau de St-Martin retrouvé en 1860, ari. supra cit. ; Les monuments religieux, p. 314).

178 Textes cités infra, p. 382.

179 À l'exception de l'actuelle basilique (1887-1924), orientée vers le Nord, et dont le site ne correspond donc que partiellement à celui des édifices qui l'ont précédée.

180 Sur l'histoire des fouilles, M. Vieillard-Troiekouroff, Le tombeau de S. Martin retrouvé en 1860, art. supra cit.; Id., Les sculptures et objects préromans retrouvés dans les fouilles de 1860 et 1886 à Saint-Martin de Tours, dans Cahiers archéologiques, XIII, 1962, p. 85-118; Id., La basilique de Saint-Martin de Tours de Perpetuus d'après les fouilles

archéologiques, dans Actes du XXIIIe congrès international d'histoire de l'art, Budapest 1969 (1972), p. 843 sq.

181 Supra, n. 160.

182 Ch. Lenormant. Éclaircissement sur la restitution de l'église mérovingienne de Saint-Martin de Tours, en appendice au tome I de la traduction française de l'Histoire ecclésiastique des Francs, par J. Guadet et N.-R. Taranne, Paris, 1836, avec plan et élévations établis par l'architecte A. Lenoir, qui les publia à nouveau dans son Architecture monastique, Paris, 1852, p. 384, fig. 285; Hübsch, Monuments de l'architecture chrétienne depuis Constantin jusqu'à Charlemagne, trad. fr. par Guerber, Paris, 1866, pi. XL VIII, fig. 6 et 7; J. Quicherat, Restitution de la basilique Saint-Martin de Tours dans Revue archéologique, n.s. XIX et XX, 1869, rééd. dans Mélanges d'archéologie et d'histoire, t. II, Paris 1886, p. 30-73.

183 Les fouilles ont donné lieu à de nombreux rapports et à des débats parfois violents. Citons, pour les premières explorations, la Notice sur le tombeau de s. Martin et sur la découverte qui en a été faite le 14 décembre 1860, publiée par la Commission de l'Œuvre de s. Martin, Tours, 1861 ; Ch. de Grandmaison, Notice sur les fouilles exécutées dans l'abside de l'ancienne basilique de Saint-Martin de Tours en 1860 et 1861, dans MSAT, XIII, 1861, p. 51-57. Dans la seconde phase, animée par la controverse entre S. Ratei et C. Chevalier: C. Chevalier, Le tombeau de saint Martin, dans BSAT, V, 1883, p. 11-64; S. Ratel, Les basiliques de Saint-Martin de Tours, Bruxelles, 1886; C. Chevalier, Les fouilles de Saint-Martin de Tours, recherches sur les six basiliques successives élevées autour du tombeau de s. Martin, Tours, 1888; S. Ratel, Du lieu de sépulture de s. Martin à Tours, Tours, 1889; Id., Les basiliques de Saint-Martin à Tours, Supplément, Paris, 1890; C. Chevalier, Les fouilles de Saint-Martin de Tours, Note complémentaire, Tours, 1891; S. Ratel, Les basiliques de Saint-Martin à Tours, Note complémentaire en réponse à la note complémentaire de Mgr Chevalier, Tours, 1891.

184 C. Chevalier, Les fouilles de Saint-Martin, Tours 1886, op. cit., où l'auteur fait grand compliment à J. Quicherat de son intuition archéologique.

185 R. de Lasteyrie, L'église Saint-Martin de Tours, étude critique sur l'histoire et la forme de ce monument du Ve au XIe siècle, dans Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, XXXIV, lère partie, 1891, p. 46-47 surtout. Son avis est adopté ensuite par Ch. de Grandmaison, Résultats des fouilles de Saint-Martin de Tours en 1886, dans Bibliothèque de l'École des Chartes, LIV, 1893, p. 75-86.

186 R. Egger, Vom Ursprung der romanischen Chorturmkirche, dans Wiener Jahreshefte herausgegeben von der Zweigstelle Wien des archäologischen Instituts des deutschen Reiches, XXXII, 1940, p. 99-107; F. Lesueur, Saint-Martin de Tours dans Congrès archéologique de France, 56e session, Tours 1948, (1949), p. 9 sq.; Id., Saint-Martin de Tours, dans Bulletin Monumental, 1949, p. 7-84; É. Mâle, La fin du paganisme en Gaule et les plus anciennes basiliques chrétiennes, Paris, 1950, p. 138-154 et 194-195; J. Van den Bosch, Capa, basilica, monasterium, et le culte de saint Martin, Nimègue, 1959; H. G. Franz, Die erste Kirche St Martin in Tours, dans Forschungen und Fortschritte, XXXII, 1958, p. 17- 23; K. J. Conant, Carolingian and Romanesque Architecture, Hammondsworth, 1959, p. 9 et 10, pi. I, b; R. Krautheimer, Mensa-Coemeterium-Martyrium, dans Cahiers archéologiques, XI, 1960, p. 15-40.

187 E. R. Vaucelle, La collégiale de Saint-Martin de Tours, des origines à l'avènement des Valois (397-1328), Paris, 1908; J. Hubert, L'Art préroman, Paris, 1938, n° 95, p. 70-71; et les articles publiés, lors du centenaire de la découverte du tombeau de Martin, dans Mémorial de l'année martinienne, Paris, 1962.

iss m Vieillard-Troiekouroff, Les sculptures et objets préromans, art. supra cit. Les fragments publiés par ses soins ne sont pas mentionnés dans les rapports de fouilles du XIXe siècle. Mais ils ont été étiquetés par les fouilleurs et conservés; ils se trouvent actuellement déposés dans le petit « Musée martinien » de Tours (salle annexe de la seconde chapelle sud du transept de l'actuelle basilique Saint-Martin).

189 L. Pietri, Les tituli de la basilique Saint-Martin édifiée à Tours par l'évêque Perpetuus, dans Mélanges d'histoire ancienne offerts à W. Seston, Paris, 1974, p. 419-431; infra, Append. VI.

190 M. Vieillard-Troiekouroff, art. supra cit., et Les monuments religieux, n° 318; J. Hubert, La basilique de Martin le Confesseur, dans Revue d'histoire de l'Église de France, XLVII, 1961, p. 215-221; J. Hubert, J. Porcher, W. F. Volbach, L'Europe des invasions, Paris, 1967, p. 27, 32, 128 et 218.

191 FM, I, 6, p. 142 : De qua fabrica multum quod loqueremur erat; sed, quia praesens est, conticere exinde melius putavimus.

192 HF, II, 14, p. 63-64.

193 Éd. de Prato, p. 391 et note 16, p. 397-401; éd. A. Mai, p. 143; Le Blant, I, p. 245-246. Sur la composition de l'appendice du Martinellus, infra, p. 383.

194 Ces dimensions peuvent paraître modestes, comparées à celles des édifices d'Italie ou même de Trêves. Mais on ne peut mettre sur le même plan les fondations impériales de Trêves et les constructions réalisées dans des conditions beaucoup plus difficiles par les évêques gaulois au Ve et au VIe siècle (P. A. Février et N. Duval, Les monuments chrétiens de la Gaule transalpine, dans Actas del Vili Congreso internacional de arqueologia cristiana, Barcelone, 1969, (1972), p. 57-106, surtout p. 72. Parmi ces dernières, la basilique Saint-Martin de Tours semble être l'une des plus vastes : ses dimensions sont un peu supérieures à celles de l'ecclesia de Clermont qui a «150 pieds de long (43,50 m), 60 de large (17,40 m) et 50 pieds de haut (14,50 m) jusqu'au plafond» et qui compte 42 fenêtres, 70 colonnes et 8 portes (HF, II, 16; M. Vieillard-Troiekouroff, La cathédrale de Clermont du Ve au XIIIe siècle, dans Cahiers archéologiques, XI, 1960, p. 199-247; Id., Les monuments religieux, n° 73).

195 Les notices interrompent le développement commencé au début du chapitre ; d'autre part, elles utilisent des termes (en particulier celui de capswn) qui n'appartiennent pas au vocabulaire de l'écrivain et le ton de la seconde, rédigée à la deuxième personne du pluriel, est celui d'un mandement episcopal et non d'un récit historique.

196 Infra, p. 468 sq..

197 C'est là, semble-til, l'opinion de H. de Prato (op. cit. p. 397), qui propose de corriger le texte de Grégoire en fonction des données figurant dans la notice du Martinellus.

198 Manuscrit E 3 a), Codex Quedlinburgensis gymnasii n. 79, saec. IX (Tours; copié par Adalbadus sur l'ordre de l'abbé Fredegisus, f 834) et E 3 b), Codex Berolinensis Lai., n. 115, saec. IX (Tours, 965-984). Voir éd. B. Krusch de l'Historia Francorum, Introduction, p. XXXIII et note 1, p. 63.

199 Apud Du Cange, Glossarium mediae et infimae latinitatis, éd., Paris 1840-1850, s.v. capsum, II, p. 156-157 : Placuit enim ut retro altare in capso monasterii novi jam consumati, constructum in suis sarcophagis ponerentur (reliquiae) donee tota perficeretur ecclesia (Acta SS Benedic, saec VI, parte 1, p. 253).

200 M. Aubert, Altarium et capsum dans Grégoire de Tours, dans Bull, de la Sté nie des Antiquaires de France, 1931, p. 106-108.

201 À époque classique, capsum désigne un espace fermé (thorax, caisse d'un véhicule, enclos pour les animaux, cf. Du Cange, loc. cit.). On peut comprendre que, par extension, le terme, en tant que synonyme de consaeptum ovile, ait pu être appliqué, dans la langue chrétienne du Ve- VIe siècle, à la partie de l'église où se tient le troupeau des fidèles, les ouailles. Cette signification, six siècles plus tard, était probablement oubliée.

202 Éd. de Prato, p. 389; A. Mai, p. 141; Le Blant, 177. 2« VM, I, 38, p. 156.

204 Conc. turonense, ann. 567, can. 4, CG II, p. 178: Ut laici secus altare, quo sancta misteria celebrantur, inter clericos tam ad vigiliis quam ad missas stare penitus non praesu- mant, sed pars ilia, quae a cancellis versus altare dividitur, choris tantum psallentium pateat clericorum. Ad orandum et communicandum laicis et fozminis, sicut mos est, pateant sancta sanctorum.

205 Elle a surpris cependant De Prato, le conduisant à préférer la version de la notice présentée par le Martinellus à celle de Grégoire (supra, n. 197). Sur ce type de choeurs très allongés qui se retrouvent dans d'autres sanctuaires de Gaule, M. Vieillard-Troie- kouroff, Les monuments religieux, p. 401-402.

206 Dans une basilica ad corpus comme Saint-Martin, Γ« abside du corps» est évidemment la partie essentielle de l'édifice (R. Krautheimer, art. supra cit., note 186).

207 J. Hubert (La basilique de Martin de Confesseur, art. supra cit.) établit un rapprochement entre Saint-Martin et la basilique à trois nefs et aux murs décorés de deux étages de colonnettes de Saint-Pierre de Vienne.

208 HF, II, 16.

209 Comme l'avait remarqué très justement J. Quicherat, art. cit. p. 31. Les inscriptions sont en effet classées dans l'ordre où elles apparaissent à un visiteur se déplaçant de l'entrée occidentale vers l'abside de l'Est.

210 Les premiers versus basilicae, qui se présentent dans la tradition manuscrite sous forme de deux tituli (H. De Prato, op. cit., p. 388; A. Mai, p. 139-140), auraient constitué en réalité trois inscriptions selon Le Blant (n° 170, 171, 172). Les intitulés qui les précèdent indiquent : a parte orientis et dans certains manuscrits : in turre a parte orientis {infra, Append. VI). Le terme orientis désigne la direction vers laquelle est tourné la visiteur contemplant la façade de la basilique avant de pénétrer à l'intérieur {ingrediens templum, Le Blant, n° 170, v. 1 : intraturi aulam, n° 171, v. 1 ; ingrederis . . . n° 172, v. 2). Les inscriptions étaient probablement disposées de part et d'autre de la porte occidentale qui constitue l'accès principal à la basilique {limina Christi, Le Blant, n° 171, v. 1). C'est très probablement cette porte que franchit, après avoir traversé le parvis, un moine venu de Condat {Vie des Pères du Jura, 89, p. 332); celle encore que désigne Grégoire lorsqu'il mentionne au singulier et sans autre précision i'ostium basilicae {VM, I, 39, p. 156: ad sanctum ostium; VM, II, 10, p. 162 : ad ostium basilicae; cf. HF, V, 19) ou lorsqu'il évoque le seuil de Martin {VM, II, 10 : sancii confessons limina). La tour est mentionnée dans la première inscription (Le Blant, n° 170, v. 5). Il est significatif que ce premier titulus ait été emprunté au VIIIe siècle pour être gravé in fores et turri d'une église de Rome {infra, Append. VI). À Saint-Martin, la tour s'élevait peut-être au-dessus d'un narthex (H. G. Franz, op. cit., p. 22, fig. 5); mais il pouvait s'agir d'une tour-porche, comme le suppose, à la suite de J. Hubert, M. Vieillard-Troiekouroff {Les monuments religieux, p. 315 et 398).

211 Le terme figure dans la deuxième inscription (Le Blant, n° 171, v. 1 : intraturi aulam) ; on le retrouve dans l'épisode de la Vie des Pères du Jura (89) : aulam ipsam . . . intrasset).

212 L'intitulé porte : In introitu a parte occidentis; historia evangelicae viduae (Le Blant, n° 173).

213 VM, I, 38; HF, II, 14 et version de la même notice dans le Martinellus.

214 Dans la nef, trois inscriptions (Le Blant, n° 174, 175 et 176). Les deux premières se trouvaient au-dessus des portes ouvrant vers le Nord {A parte Ligeris, super ostium). La troisième, due à la plume de Paulin de Périgueux, était probablement gravée sur le mur méridional (intitulé corrompu dans tous les manuscrits) et peut-être disposée, étant donné sa longueur, en deux parties, au-dessus de chacune des deux portes ouvrant au Sud. L'une de ces portes est mentionnée par Grégoire comme donnant sur le baptistère, au Midi {VM, II, 6, p. 161 : ad ostium illum qui secus baptisterio ad mediam diem pandit).

215 Inscription gravée super arcum absidis altaris (Le Blant, n° 177) : Quant metuendus est locus iste; vere templum Dei est et porta coeli. La réminiscence scripturaire (Gen., XXVIII, 17) suggère qu'avec cet arc s'ouvrait la partie la plus sacrée de l'édifice.

216 VM, I, 38, p. 156: Paulus inerguminus, . . . machinant, quae sanctae camerae erat propinqua, conscendens . . .

217 Le texte cité à la note précédente interdit, semble-t-il, d'assimiler la machina, qui se dresse presque jusqu'au plafond (camera), avec une tour orientale restituée par hypothèse, ainsi que le fait M. Vieillard-Troiekouroff (Les monuments religieux, p. 317 et p. 398). L'argumentation qui se fonde sur HF, X, 31, 13 (où le terme turris, à propos d'un ouvrage en bois, est traduit par tour alors qu'il s'agit plus probablement d'une monstrance placée sur l'autel) ne paraît pas convaincante.

218 Le Blant, n° 170, v. 7-8 : celsior Ma tarnen quae coeli vexit ad arcem I Marti- num ... On peut douter de l'existence d'une tour s'élevant au-dessus de l'autel à la lecture d'un épisode raconté par Grégoire : celui-ci relate un miracle dont l'abbé Brachio fut le témoin, une nuit qu'il priait dans la basilique, alors que des reliques avaient été déposées sur l'autel : il vit un globe de feu de sanctis pignoribus emicare et usque ad templi came- ram cum lumine magno conscendere. (VP, XII, 3, p. 264). Il semble donc que le plafond (camera) se, prolongeait jusqu'au-dessus de l'autel.

219 VM, I, 38, p. 156 : multi ex frigoriticis . . . tota die inter altare et sanctum tumulum decubantes ...

220 Quatre inscriptions (Le Blant, n° 178, 179, 180, 181; cette dernière composée par Sidoine Apollinaire, Epist. IV, 18) respectivement disposées, d'après les intitulés: circa tumulum, ab uno latere; item in alio latere; item desuper; item in absida.

221 Ad fenestram absidae (HF, VI, 10, p. 279; VP, XVI, 2, p. 275).

222 HF, VII, 22, où l'on voit un réfugié politique, Eberulf us, installé dans le salutato- rium, pénétrer de nuit dans le choeur par une porte qui y donne accès directement.

223 Sulpice Sévère, Epist., 2, 12, p. 330: inplevit tarnen sine cruore martyrium.

224 L. Pietri, Bâtiments et sanctuaires annexes de la basilique Saint-Martin de Tours à la fin du VIe siècle, dans Revue d'histoire de l'Église de France, LXII, 1975, p. 223-234.

225 Pour cette chronologie, voir la préface à l'édition procurée par F. Martine (Vie des Pères du Jura, coll. Sources chrétiennes, n° 142, Paris, 1968, p. 45-57).

226 Vie des Pères du Jura (Vie de s. Lupicin), 89, p. 332; Cumque ingressus atrium basilicae beatissimi Martini, aulam quoque ipsam reverenter oraturus intrasset . . . Dans les épisodes où il évoque la première basilique Saint-Martin, Paulin de Périgueux ne fait jamais mention d'un atrium ; c'est par erreur (ou force de l'habitude) que Grégoire, en résumant l'un de ces récits (Vita M., VI, v. 250-264), situe l'événement dans X atrium de Saint-Martin (FM, I, 2, p. 137).

227 Ce cadre a été en partie modifié ultérieurement par la construction de nouveaux sanctuaires dans Vatrium, à l'époque de Grégoire.

228 Vita sanctae Radegundis, 33, p. 42 : sancii Martini atria.

229 Le pluriel, atria, n'est employé qu'une seule fois par Grégoire (VM II, 30, p. 170 : atria beati confessons), tandis que le singulier atrium revient, à propos de Saint-Martin, une vingtaine de fois (loc. infra cit.).

230 Sur le droit d'asile qui s'étend à l'atrium, supra, p. 225-226, n. 220 et 221.

231 Atrium sancii (ou beati) Martini : HF, IX, 33, p. 451; X, 12, p. 495; GM, 14, p. 48. Atrium (beati) confessons : VM, I, 2, p. 137; VM, II, 30, p. 170; VP, XVI, 2, p. 275.

232 VM, II, 10, p. 162. Dans les autres récits où il est mentionné, l'atrium est cité sans être accompagné d'un déterminant.

233 Le souci apporté à le localiser avec précision indique bien que ce secteur ne constituait qu'une partie d'un ensemble plus vaste.

234 VM, II, 42, p. 174 : in atrium, qui ante beati sepulchrum habetur.

235 HF, VII, 22, p. 341 : atrium, quod ad pedes beati erat.

236 VM, III, 57, p. 196 : in atrio, quod absidam corporis ambit.

237 A foris ad sancii pedes (VM, II, 7, p. 161); a forìs ante sepulchrum (VM, II, 24, p. 167); ante pedes sancii, id est foris sepulchrum (VM, IV, 14, p. 203). Ces indications, destinées à préciser l'endroit exact où des pèlerins se tenaient dans l'atrium, montrent clairement que celui-ci est situé à l'extérieur de la basilique et non à l'intérieur, comme le pensait C. Chevalier qui y voyait un déambulatoire (Les fouilles de Saint-Martin de Tours, p. 38-42); supra, p. 387.

238 Infra, p. 571. Un récit de Grégoire (VM, IV, 25, p. 205) nous apprend que la poussière ramassée en cet endroit et délayée dans l'eau était utilisée comme un remède par les malades. L'expression employée (collegitque parumper de pulvere terreno) suggère que, dans ce secteur au moins, l'atrium n'était pas pavé.

239 Qui ponentes ad fenestram absidae cancellum, quod super tumulum cujusdam defuncti eroi, ascendentes . . . (HF, VI, 10, p. 279).

240 ypt xvi, 2, p. 276. Témoignage confirmée par la récente découverte dans le cloître Saint-Martin d'un cimetière du Bas-Empire et du Haut Moyen Âge (H. Galinié, dans BSAT, XXXIX, 1981, p. 1044 sq. et XL, 1982, p. 160 sq.).

241 Supra, n. 226.

242 Per atrium domus basilicae deambulare coeperunt . . . Claudius, . . ., elevata contra basilica manu, ait . . . (HF, VII, 29, p. 348 ; sur cet épisode, supra, p. 289 sq.

2« VP, XVI, 2, p. 275.

244 Ainsi, par exemple, une muette, VM, II, 30, p. 170.

2"5 VM, IV, 25.

246 In innere ilio, quod inter portant atrii et eclesiam civitatis est (HF, II, 38, p. 89). Le terme porta paraît désigner, chez Grégoire, plus particulièrement les portes monumentales, celles du castrum par exemple (HF, II, 14), alors qu'ostium désigne plutôt la porte d'un édifice particulier.

247 Grégoire mentionne tantôt un portique (VM, I, 31, p. 153: in sanctam porticum perjuraverit), tantôt des portiques (HF, VII, 29, p. 347 : cum sacramento in ipsam basili- cam ac per porticos . . . prominent). Un texte plus tardif, la Vita Pardulfi, abbatis Warac- tensis, 14 (éd. W. Levison, MGH, Srm, VII, 1, p. 32), évoque également un portique et l'abri qu'il offrait aux pèlerins malades : paraliticus quidam qui per quinquennium in porticum sancii Martini confessons Turonorum jacebat . . .

248 Atrium domus basilicae, texte supra cit. n. 242.

249 É. Mâle, La fin du paganisme en Gaule et les plus anciennes basiliques chrétiennes, p. 149-150.

250 HF, VII, 22, p. 341 : Habebat enim pro timore régis in ipsum salutaturium beatae

basilicae mansionem ... ; per ilium salutaturii osteum introeuntes puellae cum reliquis pue- ris ejus, suspiciebant picturas parietum rimabantque ornamenta beati sepulchri. La Vita beati Alcuini, 19 (éd. W. Arndt, MGH, Script. XV, 1, p. 194) mentionne un secretarium de la basilique, à l'époque où Alcuin était abbé de Saint-Martin (796-804). Ces deux termes semblent employés de façon à peu près synonyme : Sulpice Sévère donne le nom de secretarium à deux annexes de l'ecclesia de Tours dont l'une est réservée strictement à l'évêque et l'autre ouverte aux visites des fidèles (Dial. II, 1). Grégoire mentionne comme locaux annexes des églises, tantôt le salutatorium (ainsi à Clermont, HF, II, 21 et à Marseille, HF, VI, 11), tantôt le secretarium (à Paris, HF, V, 18).

251 HF, X, 31, 19, p. 534 :- Ipsam etiam capsulant in thesauro basilicae sancii Martini repperi. La suite du récit mentionne la présence de reliquaires en pierre et suggère que l'endroit où étaient conservées toutes ces reliques était obscur et rarement visité. Ces caractères paraissent mieux convenir à un petit local indépendant qu'à un recoin, même peu éclairé, du vaisseau basilical.

252 HF, VII, 29, p. 349. La cellola abbatis que mentionne le récit comporte plusieurs lits; elle abrite donc non seulement l'abbé de la basilique, mais aussi des clercs desservant cette dernière. C'est sans doute le même local qui est présenté dans un autre épisode (VM, IV, 25, p. 205) sous la dénomination de cellula, in qua aedituus quiescebat, puisque le terme aedituus est, chez Grégoire, synonyme a'abba martyrarius (voir infra, p. 688).

253 HF, V, 21, p. 229 et VIII, 34, p. 403.

254 HF, IX, 33, p. 451-452 : Ingytrudis, quae monasterium in atrio sancii Martini statue- rat . . . Cum Ingitrudis monastirium puellarum infra atrium sancii Martini . . . collocare coe- pisset ... ; HF, X, 12, p. 495 : Ingytrudis vero religiosa, quae . . . in atrio sancii Martini puellarum monasterium collocavit . . .

255 HF, X, 12.

256 Sur la foi de traditions recueillies par des chroniques du XIIe et du XIIIe siècle (Chronique de Pierre Béchin et Grande Chronique de Tours, respectivement p. 20 et 80 de l'édition des Chroniques de Touraine publiée par A. Salmon, Tours, 1854), Ruinart, (éd. de Grégoire de Tours dans PL LXXI, col. 510, note d), Mabille (Les divisions territoriales, p. 346-348), C. Chevalier, (Les fouilles de Saint-Martin, p. 49-50) et plus récemment Ch. Lelong (Évolution de la topographie religieuse, p. 182) inclinent à identifier le monastère d'Ingitrudis avec le monastère Beatae Mariae ad Scrinolum attesté à l'époque carolingienne. Mais, comme le remarque justement M. Vieillard-Troiekouroff (Les monuments religieux, p. 328), l'emplacement de Notre-Dame de l'Ecrignole, à quelque distance au Nord- Est de Saint-Martin (place de Chateauneuf) ne semble guère correspondre à celui du monastère d'Ingitrudis dans l'atrium même de la basilique.

257 Sur les custodes, infra, p. 538 et p. 635.

258 Supra, p. 226 sq. et p. 257 sq.

259 FM, I, 31; HF, VII, 29.

260 Infra, p. 712 sq.

261 Texte supra cit. n. 242. C'est déjà l'interprétation de C. Chevalier {Les fouilles de Saint-Martin, p. 50), qui croit pouvoir situer la domus basilicae «au levant de l'ancien baptistère» (?).

262 VJ, 16, p. 121 : unus de servientibus basilicae sancii Juliani . . . Erat enim puer ille pincerna in domo basilicae. C'est dans cette domus que se situe très probablement la cella, voisine de la basilique, dont il est question dans le récit suivant {VJ, 17, p. 122).

263 Dans HF, X, 31, 5, p. 530 : Passio sancii Johannis ad basilicam in baptisterio.

264 HF, X, 31, 19, p. 535 : in ilio priore baptisterio sancii Benigni martyris pignora collocavi. S'il est bien certain que le baptistère de Perpetuus s'élevait, non auprès de Yeccle-

sia, comme le croyait, contre toute évidence, Longnon (Géographie, p. 177-178), mais auprès de Saint-Martin, il paraît plus difficile de préciser sa position exacte par rapport à la basilique. Grégoire situe un baptistère sur le flanc droit de Saint-Martin (VM, II, 6, p. 161, supra cit. n. 214). S'agit-il dans ce récit, qui nous reporte au début de l'épiscopat de Grégoire, du baptisterium prius? C'est ce qu'a compris C. Chevalier (Les fouilles de Saint-Martin, p. 45-46), qui identifie le baptistère du Ve siècle avec une petite chapelle sise «à l'extrémité méridionale de l'ancien transept» (contra, Ch. Lelong, Évolution de la topographie, p. 178). Ou bien cette localisation concerne-t-elle le nouveau baptistère élevé par Grégoire (infra, η. 269) ? En ce cas, le problème de la situation du baptisterium prius reste entier : car nulle mention n'est faite dans les sources ultérieures d'une chapelle Saint-Bénigne (Mabille, Les divisions territoriales, p. 331-332) et, en admettant même que le baptistère primitif ait conservé le vocable de Jean-Baptiste après l'épiscopat de Grégoire, il est difficile de reconnaître cet antique sanctuaire dans une chapelle Saint-Jean-Baptiste attestée au XVIIe siècle à l'entrée de Saint-Martin (Lelong, op. cit., p. 178). De même l'hypothèse proposée par M. Vieillard-Troiekouroff (Les monuments religieux, p. 309 : «Comme dans maintes basiliques paléo-chrétiennes, nous placerions volontiers ce premier baptistère à l'Ouest de l'atrium occidental, face à l'entrée de la basilique») demeure, elle aussi, faute de preuves archéologiques, très incertaine.

265 Cette pièce figure dans la Sylloge à la suite des versus basilicae (éd. de Prato, p. 391, éd. A. Mai, p. 142; Le Blant, n° 182).

266 L'intitulé de cette pièce de vers est fortement corrompu ; il commence cependant dans tous les manuscrits, à une exception près, par l'expression in memoria qui désigne un loculus, reliquaire ou édicule, contenant des reliques (J. B. de Rossi, ICUR, II, p. 187). Le terme de domus ista qui figure dans le vers 1 pour désigner le lieu où sont conservées les reliques semble bien confirmer qu'il s'agit d'une petite chapelle, comme l'ont compris d'ailleurs tous les commentateurs. Ajoutons que domus ista ne peut se rapporter à la basilique elle-même, car l'inscription aurait en ce cas mentionné, à côté de celle des cinq martyrs, la mémoire du confesseur Martin. D'autre part il n'est pas douteux que cette inscription, comme celles de la basilique, date de l'époque de Perpetuus, comme en témoigne le jeu de mot fait par le poète sur le nom de l'évêque au dernier vers (infra, Append. VI).

267 GM, 14, p. 48 : Apud Toronicam vero urbem, in oratorium atrii beati Martini, dum ipsius praecursoris reliquias collocar emus, caecus quidam . . . lumen recepii. Suit le récit d'autres miracles obtenus dans l'oratoire.

268 HF, X, 31, 19, p. 535 : Baptisterium ad ipsam basilicam aedificare praecepi, in quo sancii Johannis cum Sergii martyris reliquias posui. Rejetant à juste titre l'interprétation de Longnon qui situe le deuxième baptistère comme le premier à côté de l'ecclesia (Géographie, p. 247), tous les commentateurs, à la suite de Mabille (Les divisions territoriales, p. 338-339), le placent à côté de Saint-Martin.

269 yM) ii^ β, supra cit., n. 214, C. Chevalier, qui reconnaît dans le baptistère situé au Sud de la basilique le baptisterium prius (supra, n. 264), propose pour le nouveau baptistère un emplacement à l'Ouest de Saint-Martin (Les fouilles de Saint-Martin, p. 46). Au contraire Ch. Lelong (Évolution de la topographie, p. 180 et Note sur le baptistère de Saint- Martin de Tours, dans BSAT, XXXVI, 1971, p. 349-350) et M. Vieillard-Troiekouroff (Les monuments religieux, n° 314-315, p. 309), pensent que c'était le baptistère de Grégoire qui s'élevait au Sud de la basilique. Dans l'état actuel de l'information, il est impossible de trancher, puisqu'on ignore si, à la date où il rédigeait le chapitre VM, II, 6, Grégoire avait déjà construit le nouveau baptistère.

270 C'est contre toute vraisemblance que C. Chevalier (Les fouilles de Saint-Martin, p. 46-50) assimile le baptistère construit par Grégoire (HF, X, 31, 19) avec Yoratorium atrii beati Martini mentionné par l'historien (GM, 14); l'identification repose uniquement sur la présence de reliques de Jean-Baptiste, signalée dans l'un et l'autre cas par l'historien. L'argument est d'autant moins probant que dans le chapitre consacré à Yoratorium, Grégoire ne fait pas la moindre allusion au sacrement du baptême.

271 M. Viellard-Troiekouroff (Les monuments religieux, n° 314, 315, p. 309) qui s'appuie sur GM, 14 (supra cit., n. 267).

272 HF, X, 31, 19 (supra, n. 264 et 268). Grégoire, très certainement, a transféré de l'ancien au nouveau baptistère non seulement les reliques du Baptiste, mais également la fête de sa Passio, instituée par Perpetuus.

273 GM, 14, p. 48 : In hoc oratorium una puellarum, cui officium erat lychni fomenta conponere, adveniens cum cereo, ut haec ageret, est ingressa.

274 Supra, η. 254 et 267.

275 GM, 14, p. 48 : Habentur enim et ibi reliquiae sanctae crucis. À cause de la présence de cette relique, Ch. Lelong {Évolution de la topographie religieuse, p. 180) suppose que Yoratorium atrii était l'oratoire du monastère d'hommes fondé par Radegonde (infra, p. 409) : du bois de la croix que la reine-moniale y avait fait déposer provisoirement, un fragment aurait été conservé. Mais le fait que l'oratoire de l'atrium soit desservi par des moniales et non par des moines enlève toute vraisemblance à cette hypothèse.

276 Sur les reliques conservées à Tours, infra, p. 487 sq.

277 Supra, p. 230.

278 Sur cette parenté, E. Ewig, Studien zur merowingischen Dynastie, dans Frühmittelalterliche Studien, VIII, 1974, p. 15-60, surtout p. 52-56 et PGC. On doit aussi remarquer qu'au témoignage de Grégoire se produit à Tours, dans l'oratorium atrii (GM, 14), le même miracle qu'au monastère Sainte-Croix de Poitiers (GM, 5) : l'huile des lampes se met à bouillir par un effet de la virtus sanctae crucis.

279 Ainsi dans le nouveau baptistère, on l'a vu, Grégoire dépose des reliques du Baptiste et de s. Serge.

280 Sur ce thème, infra, p. 589 sq.

281 HF, X, 31, 5, p. 530. Pour la date de célébration de ces deux fêtes, infra, p. 462 sq.

282 Luc, I, 41 : exultavit infans in utero ejus; Luc, I, 44, exultavit in gaudio infans in utero meo.

283 Vita sanctae Radegundis, 33, p. 42.

284 HF, VII, 29, p. 347 : Ubi videt Eberulfus, quod ei talia cum sacramento in ipsam basilicam ac per porticos vel singula loca atrii veneranda prominent . . . L'expression loca veneranda est à rapprocher de celle de loca sancta qui, dans la langue de Grégoire,

désigne très couramment les sanctuaires, en particulier les basiliques funéraires que les fidèles ont l'habitude de visiter au cours de pieuses tournées {loca sancta circuire, VP, VI, 4 et VI, 7; GM, 81 et 106; VM, II, 39; GC, 59, 62, 63, 73, 87, 93 . . .). ™HF,X, 31, 6, p. 530.

286 C'est là l'opinion de Mabille; ce dernier distingue la basilica sancii Pétri, dans laquelle il reconnaît l'église médiévale Saint-Pierre-du-Trésor, et la basilica sanctorum Pétri et Pauli qu'il identifie avec une église mentionnée à l'époque carolingienne sous le vocable de s. Paul (Les divisions territoriales, p. 358-359).

287 La démonstration en a été faite par A. Longnon (Géographie, p. 257-258), dont

l'opinion est adoptée par Ch. Lelong (Évolution de la topographie religieuse, p. 178) et par M. Vieillard-Troiekouroff (Les monuments religieux, n. 319, p. 324-325).

28SHF, II, 14, p. 64: sed in honore beatorum apostolorum Petri et Pauli aliam cons- truxit basilicam, in qua cameram illam adfixit; HF, X, 31, 6, p. 530 : Hic aedificavit basilicam sancii Petri, in qua cameram basilicae prions posuit, quae usque nostris temporibus persévérât.

289 VM, IV, 35, p. 208.

290 Textes publiés par É. Mabille, op. cit., p. 259.

291 Infra, p. 408 sq.

292 J. Boussard, Étude sur la ville de Tours, p. 319; Carte archéologique, n° 117, p. 100 : il s'agit d'une voie dallée, large de 3 m, qui aboutit au Sud-Ouest de la basilique Saint-Martin; la date de sa construction, très débattue, pourrait remonter à la fin de l'époque romaine.

293 Ch. Lelong, Évolution de la topographie religieuse, p. 178; tout concorde donc pour faire reconnaître dans l'église Saint-Pierre-du-Trésor la basilique dédiée aux Apôtres par Perpetuus. Ainsi peuvent être définitivement écartées d'autres candidatures jadis proposées, notamment celle de Saint-Pierre-le-Puellier soutenue par H. Auvray {Communication sur les quatre églises Saint-Pierre de Tours, dans BSAT, XXVIII-XXIX, 1945, p. 152- 153).

294 VPi xvi, 1, p. 275.

295 HF, X, 31, 9, p. 531 : Monasterio, ubi sanctus Venantius abba sepultus est . . . cf. GC, 15 et VP, XVI, 4. Sur ce monastère dit de Saint-Venant, É. Mabille, Divisions territoriales, p. 365; A. Longnon, Géographie, p. 259-261; Ch. Lelong, Évolution de la topographie religieuse, p. 181; M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux, n° 320, p. 325- 326.

296 Plusieurs épisodes de la Vita Venantii se déroulent dans la basilica sancii Martini ou au voisinage de celle-ci (VP, XVI, 2).

297 Pour plus de détails sur la carrière de Venantius, infra, p. 652 et PGC.

298 ypt xvi, 1 : l'abbé Silvinus apparaît comme le disciple spirituel de Martin dont il fait revivre, en sa personne, les virtutes.

299 Supra, p. 152.

300 Grégoire donne ce titre au monastère dans la notice qu'il consacre à l'évêque Gun- tharius, ex abbate monasterii sancii Venanti (HF, X, 31, 17, p. 533).

301 VP, XVI, 3.

302 VP, XVI, 1, p. 275: monasterium basilicae sancii Martini propinquum; GC, 15, p. 306, qui situe le tombeau de Venantius, et donc son monastère, haud procul vero a basilica beati Martini.

303 É. Mabille, Les divisions territoriales, p. 365.

304 É. Giraudet, Histoire de la ville de Tours, I, op. cit., p. 118.

305 Note à l'édition des œuvres de Grégoire de Tours, dans PL, LXXI, col. 1077, note b.

306 H. Auvray, Communication, dans BSAT, XXVIII, 1941-1943, p. 144 & 145 et dans Gallia, IV, 1946, p. 335; J. Boussard, Carte archéologique, n° 117, p. 100.

307 É. Mabille, Les divisions territoriales, p. 335; Ch. Lelong, Évolution de la topographie religieuse, p. 180; M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux, p. 307.

308 De vita sanctae Radegundis, II, 16, éd. B. Krusch, MGH, srm, II, p. 388.

309 HF, 40; supra, p. 230.

310 Sur son œuvre, composée entre 609 et 614, L. Coudanne, Baudonivie, moniale de Sainte-Croix et biographe de Radegonde, dans Études mérovingiennes, Actes des Journées de Poitiers, 1-3 mai 1952, (Paris, 1953), p. 45-51; J. Fontaine, Biographie et politique de Sulpice Sévère à Venance Fortunat, dans Revue d'histoire de l'Église de France, LXII, 1975, p. 113-140.

311 Fortunat, De vita sanctae Radegundis, 33, p. 42; sur la date de ce pèlerinage supra, p. 229.

312 Fortunat, ibid.

313 É. Mabille, Les divisions territoriales, p. 335; M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux, p. 307.

314 Supra, p. 402 et n. 275.

315 Pour l'histoire de Sainte-Croix, qui devint en 1247 église paroissiale et le demeura jusqu'en 1776, É. Mabille, loc. cit.; E. Giraudet, Histoire de la ville de Tours, I, p. 285 et II, p. 312. L'église, désaffectée et classée, qui se cache aujourd'hui derrière une façade du XIXe siècle, en style pseudo-renaissance, conserve des parties romanes.

316 VP, XIX, 2, p. 288; VP, XIX, 4, p. 290; cf. GC, 24. Sur le monastère de Monegundis, É. Mabille, Les divisions territoriales, p. 357; A. Longnon, Géographie, p. 256; Ch. Lelong, Évolution de la topographie religieuse, p. 182; M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux, n° 325, p. 328-329.

317 Infra, p. 496.

318 Pour la chronologie de la vie de Monegundis, infra, p. 655 et PGC.

319 VP, XIX, 2, p. 288.

320 Dans PL, CXLI, col. 967; cf. W. M. Newman, Catalogue des Actes de Robert le Pieux, 1937, n° 92, p. 116.

321 Au témoignage de Ruinart, dans PL, LXXXI, col. 1091, note c.

322 Saint-Pierre-le-Puellier ne peut être, à l'origine, confondu avec le monastère de Monegundis, puisque entre la fin du VIIIe siècle et le XIe siècle, ces deux établissements sont attestés séparément (Mabille, Les divisions territoriales, p. 357 et p. 359-360). Une tradition dont fait état Mabille (ibid., p. 359) veut que le monastère de Saint-Pierre-le- Puellier ait été fondé bien avant le VIIIe siècle, par la reine Clotilde. Effectivement la Vita sanctae Chrothildis, 11 (BHL, 1785; éd. B. Krusch, MGH, srm II, p. 346) attribue à la reine la construction à Tours d'un monastère placé sous le vocable de Pierre; unum [monas-

terium] aedificavit in honorent Pétri apostoli in suburbio Turonice civitatis ante portant castelli Martini. Mais cette biographie tardive (peu avant le Xe siècle), lorsqu'elle n'emprunte pas à des sources antérieures, est de faible valeur (B. Krusch, éd. cit., p. 341).

323 Longnon, op. cit., p. 256.

12*GM, 33, p. 58: Denique erat oratorium apud urbem Turonicam, ab antiquis ejus nomine dedicatum, quem nos parumper jussimus prolongari. Quod cum factum fuisset, et altare ut erat integrum in ante promovimus.

325 É. Mabille, Les divisions territoriales, p. 364 ; A. Longnon, Géographie, p. 258- 259.

326 Cependant Longnon signale en note l'objection que l'on peut faire à une telle identification (op. cit. p. 259, n. 2).

327 GM, 33, p. 58 : Quid facerét, quid ageret, in ambiguo dependebat. Si ad me rediret, longum erat venire et reverti.

329 Dans PL, LXXI, col. 734, note j.

330 Ch. Lelong, Évolution de la topographie religieuse, p. 181; M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux, n° 390, p. 357.

331 C. Chevalier, Les fouilles de Saint-Martin, p. 13-16.

332 Vita Alcuini, 15, éd. W. Arndt, MGH, Script., XV, 1, 1887, p. 193. À noter que Ch. Lelong (art. cit., p. 181, n. 6), qui semble avoir confondu les deux Saint-Étienne, situe cet épisode dans l'église proche du castrum.

333 VP, XII, 3, p. 264. Pour la chronologie de la vie de Brachio, infra, p. 655 et PGC.

335 Des pèlerins, raconte Grégoire, avaient déposé pour la nuit des reliques sur l'autel de la basilique Saint-Martin et il ajoute : Adfuit et Brachio abba, qui vigilans in basilica, circa medium fere noctis vidit quasi globum ignis immensi de sanctis pignoribus emica- re . . . (VP, XII, 3, p. 264). Commentant cet épisode, G. Oury (Recherches sur les anciens monastères de la Touraine méridionale, dans Revue Manillon, LV, 1965, p. 100-101) montre bien que Brachio «ne semble pas être venu dans la basilique exprès pour vénérer les saintes reliques» et que sa présence à Saint-Martin, de nuit, paraît liée à «une habitude de piété». Il en conclut que les deux monastères fondés par Brachio sont des monastères « satellites de Saint-Martin de Tours ». En revanche, M. Vieillard-Troiekourof f (Les monuments religieux, n° 392, p. 358) classe les deux établissements parmi les monuments «dont l'emplacement n'est pas exactement déterminé».

336 HF, X, 31, 1, p. 526.

337 Les fortifications sont certainement achevées en 919, date à laquelle une charte de Charles III le Simple mentionne le castellum circa basilicam beati Martini noviter cons- tructum (Ph. Lauer, Recueil des Actes de Charles III le Simple, n° XCVIII, p. 237). Sur le castrum sancti Martini, Ch. Lelong, L'enceinte du castrum Sancii Martini à Tours, dans Bull, archéol. du Comité des travaux historiques, VI, 1970, p. 42-56; B. Chevalier, La cité

de Tours et Chateauneuf du Xe au XIIIe siècle, dans Cahiers d'histoire, XVII, 1972, p. 237- 247.

338 P. Gasnault, Le tombeau de Saint-Martin et les invasions normandes, art. supra cit., p. 65-66.

339 HF, II, 38.

340 Supra, n. 33.

341 HF, X, 31, 18, p. 534 : Hujus tempore basilica sancii Vincenti aedificata est. É. Ma- bille, Les divisions territoriales, p. 365-366; A. Longnon, Géographie, p. 260; Ch. Lelong, Évolution de la topographie, p. 179; M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux, n° 321, p. 326).

342 Sa construction est mentionnée après les travaux exécutés dans les églises du castrum et avant 1 'enumeration des églises rurales nouvellement fondées. (Sur la composition des notices du Catalogue episcopal, L. Pietri, La succession . . ., art. cit., p. 561 sq.

343 Le premier document citant en ces termes la cellula est une charte de l'archevêque de Tours Robert, datée d'avril 927 (éd. Ch. de Grandmaison, Fragments de chartes du Xe siècle provenant de l'abbaye de Saint-Julien de Tours, Paris, 1886, n° 1, p. 11 et 12).

344 E. Giraudet, Histoire de la ville de Tours, I, p. 51 ; H, p. 12.

345 La rue de la Scellerie et, dans son prolongement, la rue des Halles correspondent au tracé reconnu d'une voie Est-Ouest de la cité du Haut-Empire (H. Galinié et B. Ran- doin, Les archives du sol à Tours, p. 16; supra, n. 8). C'est probablement cette voie que le roi Clovis, entre autres, emprunta pour se rendre de Saint-Martin à l'ecclesia (HF, Π, 38).

346 VJ, 34, 35 et 36. Sur cette basilique, É Mabille, Les divisions territoriales, p. 340- 341; A. Longnon, Géographie, p. 249; R. Ranjard, Saint-Julien de Tours, dans Congrès archéologique de France, 56e session, Tours, 1948 (Paris, 1949), p. 43-44; M. Vieillard- Troiekouroff, Les monuments religieux, n° 316, p. 310.

347 VJ, 34, p. 128.

348 C'est à cette seconde interprétation que s'arrête É. Mabille (loc. cit.), qui propose même de voir dans les moines mentionnés par l'historien « plusieurs de ses anciens compagnons de Brioude que Grégoire avait amenés d'Auvergne ». Sans aller jusque là, on peut penser au moins que l'évêque a orienté le choix du saint patron auquel serait dédiée la basilique. Quant à la tradition dont fait état Mabille, suivant laquelle Saint- Julien aurait succédé à «une ancienne chapelle dédiée à Notre-Dame», elle paraît dépourvue de tout fondement (Ch. Lelong, Le clocher-porche de Saint-Julien de Tours et les vestiges romans de l'abbaye, dans Cahiers de civilisation médiévale, XVII, 1974, p. 335, n. 3).

349 VJ, 36, p. 129 : Erat autem tertio Kal. mensis quinti. Pour la date et le système de datation dans lequel elle est exprimée, infra, p. 440.

350 G. Monod, Études critiques sur les sources de l'histoire mérovingienne, op. cit., p. 44; B. Krusch, Préface à l'édition des Miracula et opera minora de Grégoire, MGH, srm, II, 1, p. 2.

351 VJ, 34, p. 128 : Haec ego dudum experta. Il est assez difficile de préciser la valeur temporelle exacte de dudum, qui peut situer un événement dans un passé relativement lointain ou au contraire tout proche (A. Ernout, et A. Meillet, Dictionnaire étymologique

de la langue latine, Paris 1932, p. 275); mais comme l'auteur se réfère dans la phrase suivante à l'année de sa consécration episcopale, il semble que plusieurs années se sont écoulées depuis la dédicace de la basilique.

352 En dehors des trois chapitres consacrés à sa construction et à sa dédicace, la basilique est mentionnée à plusieurs reprises (VJ, 37, 38, 39, 47).

"3 VJ, 36, p. 129.

354 VJ, 38, p. 130. Sur le fonctionnement de cette matricule, infra, p. 717.

355 Supra, n. 346 et G. Oury, La reconstruction monastique dans l'Ouest : l'abbé Gauz- bert de Saint-Julien de Tours (v. 990-1007) dans Revue Mabillon, 1964, p. 69-124.

356 H. Auvray, Communication, dans BSAT, XXVIII, 1941, p. 37; J. Boussard, Carte archéologique, n° 42, p. 84.

357 M. Vieillard-Troiekouroff, Les sculptures et objets préromans retrouvés dans les fouilles, . . . art. cit., p. 100, n. 2 et p. 101, fig. 14.

358 R. Milliat, Découvertes à Saint-Julien, dans BSAT, XXX, 1951, p. 216-218; mais le compte-rendu de fouille manque de précision (M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments chrétiens, n° 316, p. 310).

359 J. Boussard, Étude sur la ville de Tours du Ier au IVe siècle, art. supra cit. p. 319 et plan, p. 320.

360 VJ, 39, p. 130. Aussi on voit mal pourquoi l'érection de cette basilique aurait fait de la région voisine «une zone morte», comme l'affirment H. Galinié et B. Randoin {Les archives du sol à Tours, op. cit., p. 24; cf. p. 26). Le monastère est évidemment encore trop récent à la fin du VIe siècle pour qu'une véritable concentration ait pu se produire à ses abords. Mais l'installation de la communauté monastique et la construction de quelques maisons au voisinage semblent bien amorcer une reconquête de l'espace urbain dans ce secteur : un épisode relaté par Grégoire met en scène une famille tourangelle habitant haud procul ab ipsa basilica (VJ, 39, p. 130).

361 Au cours du Moyen Âge, une série de « bourgs » se développent dans la plaine entre le castrum antique et Châteauneuf. Au XIVe siècle une enceinte est élevée pour protéger l'ensemble de l'agglomération. (B. Chevalier, Tours ville royale 1356-1520, Paris-Louvain, 1975).

362 Sulpice Sévère, Vita M., 10, 3, p. 274; cf. Dial, III, 6, 2, p. 204. Sur le monastère fondé par Martin et qui porte ensuite le nom de Marmoutier, E. Martène, Histoire de l'abbaye de Marmoutier, ouvrage manuscrit rédigé vers 1707, publié (avec des annotations) par C. Chevalier, dans MSAT, XXIV, 1874; P. Delalande, Histoire de Marmoutier, Tours, s.d. [1901] qui résume le travail de Dom Martène; A. Longnon, Géographie, p. 276- 277; R. Ranjard, Sur les pas de saint Martin, Tours 1934; M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux, n° 144-147, p. 155-157; Ch. Lelong, Études sur l'abbaye de Marmoutier, dans BSAT, XXXIX, 1980, p. 279-343.

363 Sulpice Sévère note en effet que Martin habita la cellule voisine de l'ecclesia seulement quelque temps, aliquandiu {Vita M., 10, 3, p. 274).

364 Sur ce « paysage de la Loire transfiguré par l'imagination d'un enthousiaste de l'ascétisme», commentaire de J. Fontaine, Vie de saint Martin, II, p. 667-671. D'ailleurs la mise au jour récemment faite par Ch. Lelong, sous l'édifice du Xe siècle, de nombreux tessons du Ier et IIe siècle et d'un mur dérasé datant peut-être du IVe siècle paraît attester l'existence en ce lieu, avant l'installation de Martin, d'un établissement romain (compte- rendu des fouilles dans Gallia XXXVIII, 1980, p. 334 et dans Archéologie médiévale, X, 1980, p. 384).

365 Le caractère boisé de la région est suggéré par un épisode de la Vita (21, 2-4) rela-

tant la mort d'un charretier qui avait été envoyé dans la forêt (silva) proche pour en rapporter du bois au monastère.

366 Monasterium est employé seul le plus souvent {Vita M., 10, 3; 11, 1 ; 21,4; 22, 3; 23, 6; Epist., 3, 9; Dial., I, 25; III, 10; III, 14). Sulpice Sévère précise une fois episcopi monasterium (Vita M., 23, 2, p. 302) et, en une autre circonstance, monasterium beati viri (Dial., Ill, 6, 2, p. 204).

367 Vita M., 10, 4, p. 274. Cette cellule est souvent mentionnée (Vita M., 21, 2; 24, 8; Dial., Π, 13; III, 6; HI, 14; III, 15).

368 Vita M., 19, 4, p. 294 : Ipse autem, cum casu quodam esset de cenaculo devolutus et, per confragosos scalae gradus decidens, multis vulneribus esset adfectus, cum exanimis jaceret in cellula . . . Malgré la réserve prudente exprimée par J. Fontaine (Vie de saint Martin, II, p. 888-889), il semble bien que la cellule mentionnée dans cet épisode soit celle de Marmoutier. Lorsqu'un événement se déroule en dehors du cadre familier à la vie de Martin, le biographe prend soin de l'indiquer, même s'il reste dans le vague sur la localisation exacte.

369 Vita M., 10, 5, p. 274. Lors de récentes fouilles sur le site de Marmoutier, Ch. Lelong a pu constater que le rocher était percé de trous de poteaux et d'entailles intentionnelles, peut-être vestiges des cabanes en bois construites par Martin et ses compagnons (compte-rendu dans Gallia, XXXVIII, 1980, p. 334 et dans Archéologie médiévale, X, 1980, p. 384).

370 Vita M., 23,2; Dial., Ill, 15. Sulpice Sévère emploie aussi le terme a'habitaculum (Dial, III, 14).

371 J. Fontaine, op. cit., III, p. 993.

372 Vita M., 10,5, p. 274 : Plerique saxo superjecti montis cavato receptacula sibi fece- rant.

373 Gallus dépeint Martin dum in area, quae parva admodum tabernaculum illius ambiebat, in ilio suo . . . sedili ligneo resedisset. (Dial., Ill, 15, 1, p. 213).

374 J. Fontaine, op. cit., t. Il, p. 679. Sur l'organisation de la vie à Marmoutier, infra, p. 652 sq.

375 L'existence de cette enceinte est suggérée par la mention que fait incidemment le biographe d'une porte du monastère (Dial. Ill, 14, 1, p. 211, ad pseudoforum monaste- rii).

376 Vita M., 23, 2, p. 302 : cum haud longe sibi ab episcopi monasterio tabernaculum constituisset . . . Clarus est bientôt rejoint par d'autres frères qui imitent son exemple.

377 Vita M., 10, 7, p. 274 : Rarus cuiquam extra cellulam suam egressus, nisi cum ad locum orationis conveniebant. Cibum una omnes post horam jejunii accipiebant.

378 Ces quatre pièces qui, dans les manuscrits du Martinellus, précèdent les versus basilicae ont été publiées comme ceux-ci par H. de Prato, dans son édition des œuvres de Sulpice Sévère, op. cit., p. 387; A. Mai, Scriptores veterum nova collectio . . ., V, p. 138- 139; Le Blant, Inscriptions chrétiennes, nos 166, 167, 168, 169. Sur la date de composition et le sens de ces inscriptions, supra, p. 107 et Append. VI.

379 Le Blant, n° 166: Incipiunt versus in foribus cellae sancti Martini; n° 167 : item in cella alia; n° 168 : item in cellula inferiore; n° 169 : item illic super locum lecti ejus.

380 Le Blant, n° 167, v. 7. L'expression suggère que la cellule à laquelle se rapporte l'inscription est une grotte entaillée dans la falaise.

381 E. Martène, Histoire de l'abbaye de Marmoutier, p. 5 et 6.

382 Supra, p. 108.

383 Le poète utilise toujours pour désigner le monastère transligerim le terme très vague de cella ou de cellae {De vita sancii Martini, II, ν. 94; III, ν. 172 et 268; V, 403 . . .).

384 Possédé par le démon, un forcené se précipite dans la Loire, mais, grâce à l'intervention de Martin, il arrive sain et sauf au monastère {De vita sancii Martini, VI, v. 71- 90). Les tourangeaux embarqués sur le fleuve pour rendre une pieuse visite au monastère sont sauvés du naufrage en invoquant le nom de Martin {Ibid., VI, ν. 351-415).

3S5Ibid., VI, ν. 351-364.

386 HF, Χ, 31, 3, p. 527 : (Martinus) In monasterio vero qui nunc Major dicitur basili-

cam in honore sanctorum apostolorum Pétri et Pauli aedificavit; HF, X, 31, 7, p. 531 : Hujus tempore (Volusianus) . . . aedificatus est et basilica sancii Johannis ad Majorent monasterium. Grégoire emploie couramment le terme de Majus (ou Major) monasterium (VM, I, 2; III, 42; VP, XX, 2) et recourt plus rarement à une périphrase (monasterium sancii domni, VM, I, 35; monasterium sanctum, VM, II, 39).

387 VM, I, 35.

388 VM, II, 39.

390 VM, III, 42.

391 VP, XX, 2, 3 et 4.

392 ypi xx 3^ ρ 292 : cumque ibi ad orationem soliti evenissemus . . .

393 Fouilles de Ch. Lelong, compte-rendu dans Archéologie médiévale, IX, 1979, p. 161 et X, 1980, p. 384.

394 Dans PL, LXXI, col. 568, n. (f). Ces nouvelles constructions ont probablement été élevées lors de la restauration du monastère qui avait été dévasté par les Huguenots en 1562. (M. Vieillard-Troiekouroff, op. cit., p. 157).

395 E. Martène, op. cit., p. 8. '

396 Dom Ruinart dans PL, LXXI, col. 1095, n. (c); E. Martène. op. cit., p. 5 et 6.

397 Cette disposition avait déjà été adoptée dans l'abbatiale romane, comme en témoigne au XIIe s. l'auteur anonyme du De rebus gestis in Majori monasterio (A4. SS. O.S.B. , Saec. VI-II, p. 401-402) qui mentionne «la partie de l'église où se trouve le repos de saint Martin ».

398 R. Ranjard, Sur les pas de saint Martin, p. 72.

399 Dans une note à l'édition de l'Histoire de l'abbaye de Marmoutier de Dom Martène p. 6, note 1.

400 Avant Dom Ruinart et Dom Martène (loo. supra cit.), l'humaniste allemand, Jérôme Munzer, dans la relation qu'il a laissée de son pèlerinage à Tours en 1495, cite dans sa description de Marmoutier, le Repos de saint Martin et la chapelle des Sept dormants (P. Gasnault, Le pèlerinage de Jérôme Munzer à Saint-Martin de Tours et à Marmoutier en 1495, dans BSAT, XXXVIII, 1976, p. 197-202, avec le texte de la relation en appendice, p. 203-204).

401 Passio sanctorum martyrum septem dormientium apud Ephesum, éditée avec les œuvres hagiographiques de Grégoire par B. Krusch (MGH, srm, I, 2, p. 397-403); sur l'état des grottes en 1789, Ch. Lelong, art. supra cit., p. 327-329, avec plan des deux niveaux, p. 326.

402 Du développement de la ville à partir de l'époque de Perpetuus, témoignent d'abord Paulin de Périgueux, contemporain de ce dernier, qui célèbre dans ses vers la prospérité de Yurbs Turonica {Vita Sancii Martini, Π, ν. 15 et 16, p. 35), puis Grégoire qui évoque la cité et tous ses faubourgs {civitatem et omnia suburbana, HF, V, 4, p. 199).

403 Ces termes sont ceux qu'emploie Hervé, abbé de Marmoutier dans une lettre adressée à l'archevêque de Cologne, Philippe de Heinsberg (1167-1191), pour lui décrire les monuments de Tours (éd, dans Analecta Bollandiana, III, 1884, p. 217-221).

404 De vita sancii Martini, VI, ν. 71-75, p. 141. Le schéma d'une géographie sacrée avait déjà été esquissé, pour la Rome des Apôtres Pierre et Paul, par Prudence (Periste- phanon, 12, v. 29-30), qui s'inspirait lui-même de Virgile {Enéide, VI, v. 873-874). En empruntant ce thème à l'idéologie romaine, Paulin de P. entend suggérer que Tours est, elle aussi, une ville apostolique (sur les autres expressions de cette idée dans son œuvre, infra, p. 736).

1 Dial., Ill, 10, 1-3, p. 207.

2 Le Commonitorium de Thalasius est connu par la réponse que lui donne l'Epistola sancii Lupi et sancii Eufronii episcoporum (CG, I, p. 140-141 ; supra, p. 147).

3 HF, X, 31, 6, p. 529-530.

4 H. Delehaye, Commentarius perpetuus in Martyrologium Hieronymianum, dans A4. SS., Nov., t. II, 2e partie, 1931; B. de Gaiffier, Martyrologes d'Auxerre, dans Analecta Bol- landiana, XCIII, 1975, p. 249-259.

5HF,X, 31, 6, p. 529.

6 Aussi paraît-il difficile de suivre J. des Graviers (La date du commencement de l'année chez Grégoire de Tours, dans Revue d'histoire de l'Église de France, XXXII, 1946, p. 103-106), lorsqu'il affirme, d'après cette première liste, que Perpetuus «commence l'année en mars ou en avril, peut-être à Pâques» (ibid., p. 106); sur ce problème, infra, p. 439.

7 Comme B. Krusch dans l'édition des MGH (ad. /oc), la plupart des commentateurs ont adopté, pour les fêtes du Baptiste célébrées à Tours, les dates données par le Martyrologe Hiéronymien; encore récemment, M. Carrias (Étude sur la formation de deux légendes hagiographiques, dans Revue d'histoire de l'Église de France, LVII, 1972, p. 5-18) constate : « la chronologie ... du calendrier est interrompue deux fois par les fêtes de saint Jean. . . Aucune explication évidente ne paraît rendre compte de cette double anomalie» (ibid., p. 15, n. 48).

8HF, X, 31, 6, p. 529: Hic instituit jejunia vigtliasque, qualiter per circulum anni observarentur, quod hodieque apud nos tenetur scriptum, quorum ordo hic est. . .

9 L. Duchesne, Les origines du culte chrétien, p. 286-287 ; sur ce problème, infra, p. 462 sq.

10 M. Carrias (art. supra cit., p. 15) a bien noté l'existence de ces deux listes juxtaposées.

11 L'hypothèse est suggérée par J. des Graviers (art. cit., p. 106), qui cependant n'exclut pas une autre explication : la fête de s. Hilaire figurerait en fin de liste parce qu'elle aurait «été ajoutée après coup» (?).

12 À la nomenclature romaine des mois, Grégoire recourt systématiquement dans le De cursu stellarum (36-47) et beaucoup plus raremement dans YHistoria Francorum : HF, II, 14, p. 64 (où il recopie d'ailleurs un document ancien), juillet et novembre; HF, V, 4, p. 200, mars; HF, V, 17, p. 215, avril et mai; HF, V, 39, p. 245, octobre.

13 Supra cit., n. 6.

14 Ibid., p. 104.

15 II n'y a pas ici à prendre en considération le cycle des mois présenté par le De cursu stellarum. L'auteur explique lui-même que c'est pour des raisons de pure commodité, liées à l'observation des astres, qu'il a commencé en septembre. (De cursu stellarum, 35, p. 420).

16 À l'année astronomique qu'il fait débuter en septembre, Grégoire oppose implicitement l'année chrétienne, débutant à Noël ou à Pâques, lorsqu'il répond par avance à une objection de ses lecteurs : Et forsitan detrahit aliquis, cur non a mense Martio vel ab ipso nativitatis dominicae die sumpserimus exordium; noverit, quia stella quae mense Martio observatur in alio oritur mense (De cursu stellarum, 35, p. 420). On retrouve ailleurs cette même hésitation dans le choix d'un événement marquant symboliquement le commencement du cycle annuel chrétien: Noël (VP, Vili, 11, p. 251 : un tourangeau propose au prêtre du Petit-Pressigny de célébrer avec lui la vigile de la Nativité ut, eo obtenente, hujus anni curriculum cum pace ducamus) ou Pâques (GM, 23, p. 52 : cum dies sacer post curriculum anni decedentis advenerit, quo Dominus, confuso proditori, misticam discipulis praebuit cenam).

17 Dans l'article supra cit., J. des Graviers se borne à donner quelques exemples.

18 Le tableau ci-contre donne les références à tous les textes (à l'exception de deux, étudiés infra) où Grégoire désigne les mois par un numéro. Il fait apparaître que mars est bien pris par l'historien comme le premier mois :

a) dans 11 cas (lère colonne) où la date de l'événement, dans le style traditionnel, est

connue par ailleurs (fête d'un saint datée par Grégoire lui-même, G ; ou par le Martyrologe Hiéronymien, MH; éclipse totale de soleil) ou bien peut être déduite grâce à l'indication de l'année et du jour de la semaine.

b) dans 13 cas (2e colonne) où l'événement peut être mis en rapport avec l'état — normal ou anormal — de la végétation, avec les travaux des champs ou encore avec la proximité d'une grande tête chrétienne, c'est-à-dire situé à un moment bien précis de l'année.

c) dans 9 cas (3e colonne) où rien ne s'oppose à un décompte partant du mois de mars.

19 GM, 89, p. 97.

20 Art. supra cit., p. 105.

21 AA. SS., Nov., Π, 2, p. 55.

22 Cette solution est celle que proposait déjà B. Krusch dans l'édition des Miracula, p. 97, n. 7; J. des Graviers (loc. cit.) la mentionne également, mais pour l'écarter.

23 VJ, 36, p. 129.

24 Dans sa chronologie des années, Grégoire, il est vrai, emploie des ères différentes ; mais il indique toujours le point de départ de ces différentes datations, dont il varie le mode, non à sa fantaisie, mais suivant les nécessités de son récit (L. Pietri, La succession . . ., art. cit., p. 572 sq.).

25 Cette coïncidence a probablement déterminé son choix.

26 Sulpice Sévère, Vita M., 10, 7, p. 274 : Cibum una omnes post horam jejunii accipie- bant.

27 Sur les premières attestations, à la fin du IVe s., du Carême en Occident — notamment, pour la Gaule, en Aquitaine — M. Righetti, Storia liturgica, II, p. 132.

28 Cone. Agathense, ann. 506, can. 12 (CG, I, p. 200) : Placuit etiam ut omnes ecclesiae (filii) exceptis diebus dominicis, in quadragesima etiam die sabbati, sacerdotali ordinatione et districtionis comminatione jejunent.

29 Institués peut-être dès le IIIe s. à Rome, ces jeûnes hebdomadaires ont été introduits plus tardivement dans la coutume des Église occidentales (M. Righetti, ibid., p. 43 et 44) : le calendrier de Tours offre le premier exemple connu de la diffusion de cette pratique. Il est donc probable que c'est Perpetuus lui-même qui l'a introduite dans sa cité.

30 Perpetuus énumère cinq périodes de jeûnes hebdomadaires ; mais la 2e et la 3e se suivent sans interruption et comptent chacune le même nombre de jours d'abstinence par semaine.

31 II ne peut s'agir de la fête du Baptiste célébrée le 29 août, car août est un mois qui, comportant de nombreuses fêtes, ne compte aucun jour de jeûne même pour les moines (cf. can. 18 du concile de Tours de 567, CG, II, p. 182; sur ce règlement, infra, p. 445).

32 5>ur l'origine et le développement des Quatre-Temps, M. Righetti, op. cit., II, p. 41- 47; et pour l'Avent, ibid., p. 48-55.

33 VP, XV, 2, p. 272. Grégoire conseille ici à l'ascète Senoch de ne pas s'astreindre à la réclusion, si ce n'est pendant les deux périodes de pénitence les plus sévères, celles qui précèdent respectivement Noël et Pâques.

34 Conc. Matisconense (ann. 581-583), can. 9, CG, II, p. 225 : Ut a feria sancii Martini usque natale Domini secunda, quarta et sexta sabbati jejunetur et sacrificia quadragensima- li debeant ordine caelebrari.

35 Conc. Turonense (ann. 567), can. 18, ibid. p. 182. Pour la comparaison avec les jeûnes institués par Perpetuus, voir tableau p. 442.

36 L. Duchesne, Les origines du culte chrétien, p. 241-247; E. Griffe, La Gaule chrétienne, III, p. 202-203; M. Righetti, op. cit., II, p. 33-40.

37 Can. 9, supra cit., n. 34.

38 Conc. Agathense, ann. 506, can. 12 {supra cit., n. 28); Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 24, CG, II, p. 11 : Id a sacerdotebus omnibus est decretum, ut ante pascae sollemnitate non quinquaginsima sed quadraginsima teneatur; Conc. Aurelianense, ann. 541, can. 2, ibid., p. 132 : Id etiam decernimus observandum, ut quadraginsimam ab omnibus ecclesiis aequaliter teneatur neque quinquagensimum aut sexagensimum ante pascha quilibit sacer- dus praesumat indicere; sed neque per sabbata absque infirmitate quisquis absolvat qua- dragensimale jejunium, nisi tantum die Dominico prandeat . . . Sur les origines et le développement du jeûne du Carême, M. Righetti, op. cit., II, p. 121-144.

39 M. Righetti, ibid., p. 122.

40 C'est le terme employé par Grégoire, HF, VII, 34, p. 354. On emploiera plus tard l'expression de dimanche de sexagésime.

41 VP, XV, 1, p. 271. Grégoire cite en exemple d'autres ascètes gaulois: un moine d'un certain monastère (peut-être en Touraine) qui s'abstient pendant le Carême de manger même du pain et se contente d'un peu de tisane tous les trois jours (HF, IV, 34), le reclus Hospice, près de Nice, qui ne consomme que des racines (HF, VI, 6).

42 HF, V, 4, p. 200.

43 HF, II, 21; HF, VIII, 43.

44 FM, II, 33, p. 171.

45 #F, II, 33, p. 171.

46 VP, XV, 3, p. 273 : Erat enim tune medium paschalis festum solemnitatis . . . ad ecle- siam convenerat populi frequentia. Il s'agit certainement ici de la célébration liturgique marquant la mi-Carême dont le nom s'inspire de la péricope évangélique lue à la messe de ce mardi (Jam die festo mediante). À Rome, la célébration de la Mi-Carême est introduite peu après le milieu du Ve s. (M. Righetti, op. cit., p. 171). Elle est attestée en Gaule, dans l'Église de Clermont, à l'époque de l'évêque Gallus et plus précisément en 543, année où sévit en Auvergne une grande épidémie de peste (HF, IV, 5, p. 138; HF, IV, 13, p. 144; VP, VI, 6, p. 234).

47 VM, II, 28, p. 169 : In die autem Ma recurrentis solemnitatis, qua Domtnus pro mun- di salute perpessus, confuso proditore discipulo, aepulum apostolis ministravit, cum otnnes ad ecîesiam properarent desiderabilia Domino vota dissolvere, quaedam mulier diuturna caecitate gravata, cum esset in villa, fiere coepit et dicere : « Vae mihi, quae caecata peccatis non mereor hanc festivitatem cum reliquo populo spedare » ! Grégoire évoque la célébration du Jeudi Saint également à Saintes {HF, VIII, 43), Embrun {GC, 68) et en Espagne (GM, 23).

48 VM, II, 51, p. 176: Fuitque nonnullis remedium aqua ilia, unde sepulchrum ablu- tum est ante pascha, VM, III, 34, p. 190 : Transmissum est ei de aqua, qua beatum tumu- lum in pascha Domini est ablutum. Sur l'utilisation de cette eau comme remède, infra, p. 579.

49 La remarque a été faite par Dom Ruinart (éd. de Grégoire de T., dans PL, LXXI, col. 964, note c). Sur la pratique de laver les autels, O. Nussbaum, De altarium ablutione, dans Ephemerides liturgicae, LXXV, 1961, p. 105 sq.; M. Righetti, op. cit., II, p. 216- 217.

50 Pour ces fêtes, on peut comparer la liste de Tours avec celle donnée par les évê- ques réunis à Agde en 506 qui énumèrent comme maximi dies in festivitatibus : Pâques, Noël, l'Epiphanie, l'Ascension, la Pentecôte et le Natale sancii Joannis Baptistae (Conc. Agath., can. 21, CG, I, p. 202-203).

51 B. Botte (Les origines de Noël et de l'Epiphanie, Louvain, 1932, surtout p. 46) pense qu'au IVe s., dans la Gaule méridionale, on célébrait la Nativité du Seigneur le 6 janvier et que la fête du 25 décembre n'était pas encore introduite. Cependant il est certain qu'à la fin du IVe s. à Milan, la Nativité était déjà distincte de l'Epiphanie (Franck, Zur Geschichte von Weihnachten und Epiphanie, dans Jahrbuch für Liturgiewissenschaft, XII, 1932, p. 145-155; XIII, 1933, p. 1-38). Pour cette dernière fête en Gaule, infra, n. 61.

52 A4. SS., Nov. Π, 2, p. 7-9.

53 HF, X, 31, 6, p. 530 : Natale Domini in ecclesia.

54 L'évêque Francilio meurt empoisonné, cum dominici natalis nox alma populis efful- sisset. . ., priusquam ad vigilias discenderei (HF, III, 17, p. 117). Grégoire lui aussi célèbre la vigile de Noël à l'ecclesia (VM, II, 25). L'historien évoque la célébration de ces mêmes vigiles dans d'autres cités de la Gaule, notamment à Clermont (HF, II, 13; GM, 86) et à Riom (GM, 86).

55Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 25, CG, II, p. 11.

56 À Manthelan, HF, VII, 47 : au Petit-Pressigny, VP, Vili, 11.

57 Vigiles à Y ecclesia : VM, II, 27; à la basilique Saint-Martin : VM, III, 16.

58 VM, II, 25, p. 167 : Cum, venerabilem d'ominicae nativitatis noctem sacrosancti deductam excubiis, procedentes de eclesia, ad basilicam sancii ire disponerimus . . .

59 Noël est le dies solemnitatis, qua Pater Verbum carni glutinans mundo saluîem invexit (VM, III, 16, p. 186), celui où ipse Dominus patriarcharum prophetarumque voce- bus repromissus, virginis Mariae utero per Spiritum sanctum inlapsus, ad redimptione nasci tarn illius gentes quam omnium gentium dignaretur (HF, I, 16, p. 15). Grégoire signale que dans plusieurs Église de Gaule on baptise à Noël (HF, VII, 9; GC, 68), mais il ne mentionne jamais cette pratique à Tours.

60 HF, X, 31, 6, p. 530 : Epiphania in ecclesia.

61 La fête de l'Epiphanie a été introduite, depuis l'Orient dans l'Occident latin, par l'intermédiaire de la Gaule et de l'Espagne, dans la deuxième moitié du IVe s. (M. Righetti, op. cit., p. 104). La première attestation de cette fête dans les provinces occidentales de l'Empire est fournie par Ammien Marcellin : celui-ci raconte avoir assisté, en compagnie du César Julien, à Vienne en 361, à un service religieux, feriarum die, quem célébrantes mense Januario Christiani Epiphania dictitant (Histoire, XXI, 2,5).

62 AA. SS., Nov., Π, 2, p. 28-29.

63 HF, V, 4, p. 199 (ann. 576).

64 HF, I, 18.

65 C'est là un thème que Grégoire développe par deux fois : VM, II, 16, p. 164; et VM, II, 26, p. 169.

66 Conc. Turonense, ann. 567, can. 18, CG, II, p. 182: Et quia inter natale Domini et epyfania omni die festivitates sunt, idémque prandebunt excepta triduum illud, quod ad calcandam gentilium consuetudinem patris nostri statuerunt, privatas in kalendis Januarii fieri letanias, ut in ecclesia psalletur et ora octava in ipsis kalendis circumcissionis missa Deo propitio celebretur.

67 Un autre canon de ce même concile de Tours (can. 23, p. 191) atteste la survivance des fêtes en l'honneur de Janus aux kalendes de Janvier : Enimvero quoniam cognovimus nonnullus inveniri sequipedas errons antiqui, qui kalendas Januarii colunt, cum Janus homo gentilis fuerit, rex quidem, sed esse Deus non potuit ... Le succès persistant dans les campagnes tourangelles du culte voué à Janus s'explique peut-être par une coïncidence de ces cérémonies romaines avec de vieux rites agraires gaulois. Grégoire de Tours signale ailleurs en Gaule, dans la région de Mende, l'existence de telles pratiques qui duraient précisément pendant trois jours, au mois de janvier (GC, 2). Sur ces problèmes, M. Mes- lin, La fête des Kalendes de janvier dans l'Empire romain, Bruxelles, 1970, surtout p. 112- 118.

68 Sur les origines et le sens de cette fête, M. Righetti, op. cit., II, p. 93.

69 Sur ce sanctuaire, supra, p. 413. La Passio s. Stephani est annoncée le 26 décembre dans le Martyrologe Hiéronymien. Peut-être célébrait-on aussi à Tours le 27 décembre Yordinatio episcopatus sancii Jacobi fratris Domini (ibid., p. 12) : une inscription dans la basilique Saint-Martin (voir infra Append. VI) faisait en effet mention du premier évêque de Jérusalem.

70 GM, 8, p. 43 : Hujus festivitas sacra mediante mense undecimo caelebratur. Nam in oratorio Marciacensis domus Arverni territurii ejus reliquiae contenentur. Adveniente vero hac festivitate, ego ad caelebrandas vigilias eum accessi. Peut-être Grégoire a-t-il instauré des vigiles pour cette fête à Tours.

71 AA. SS., Nov., II, 2, p. 45-46.

72 Contrairement à Rome où les plus anciennes fêtes mariales commémorent le Nata- lis Mariae (au début de l'année), puis la Dormition et l'Annonciation (M. Righetti, op. cit., II, p. 360).

73 Cette virtus est illustrée par un récit de Grégoire (GM, 9) qui montre la Vierge protégeant du feu un jeune enfant, en enveloppant celui-ci de son propre manteau.

74 L. Duchesne, Les origines du culte chrétien, p. 276-277 ; H. Delehaye, Une page du Martyrologe Hiéronymien, dans Bull, de l'Acad. royale de Belgique, Classe des Lettres, 1929, p. 20-23 (repris dans Mélanges d'hagiographie grecque et latine, Bruxelles, 1966, p. 331- 340); V. Grumel, La chronologie, op. cit., p. 26-29; V. Loi, // 25 marzo data pasquale e la cronologia giovannea della passione in alta patristica, dans Ephemerides liturgicae, LXXXV, 1971, p. 48-69.

75 V. Grumel, loc. cit.

76 HF, I, 23 ; cf. HF, X, 30. Grégoire met en parallèle la Création et la Résurrection, deux événements advenus un dimanche, ajoute-t-il.

77 J. des Graviers, L'expression dominicae resurrectionis dies dans les œuvres de Grégoire de Tours, dans Ephemerides liturgicae, VIII, 1934, p. 289-300.

78 VJ, 11 ; VM, II, 13; III, 3, 35, 56; VP, XV, 3. À ces 6 textes qui ont trait au respect du repos dominical, J. des Graviers adjoint un chapitre de i'Historia Francorum (HF, VIII, 31) relatif à la mort de l'évêque de Rouen Prétextât, assassiné non à Pâques 586, mais un dimanche quelconque de cette année. Sur cette dernière analyse fort pertinente, supra, p. 273, n. 149.

79 HF, V, 17, p. 215, où Grégoire, après avoir mentionné la date du 18 avril comme celle où Pâques fut célébrée en Gaule en 577, rapporte un événement qui eut lieu à Chi- non ipso glorioso resurrectionis dominicae die; VM, IV, 16, p. 204, où l'expression adve- nientibus diebus sanctis dominicae resurrectionis ne peut convenir qu'à une fête durant plusieurs jours comme la festivité pascale.

80 HF, IX, 20, p. 441. Il s'agit d'une messe célébrée à Chalon-sur-Saône en présence du roi Gontran et de Grégoire lui-même, venu en ambassade auprès du souverain. L'audience terminée, tous se rendent à la messe : Erat enim dies ilia dominicae resurrectionis solempnitas. Le contexte, comme le démontre J. des Graviers, interdit de penser ici à la fête de Pâques.

81 HF, V, 17 et VM, IV, 16, supra cit., n. 79.

82 VM, III, 3, p. 183.

"A4. SS., Nov., Π, 2, p. 164.

84 Conc. Aurelianense, ann. 541, can. 1, CG, II, p. 132.

85 Ces Tables pascales ont été éditées par Th. Mommsen, MGH, Chronica minora, I, (1892), p. 666-735. Victorius, combinant un cycle lunaire de 19 ans avec le cycle solaire de 28 ans, détermine une durée de 532 ans au terme de laquelle la lune pascale devait revenir au même mois et au même jour de la semaine. Sur ce cycle pascal, B. Krusch, Studien zur christlich-mittelalterlichen Chronologie, dans Abhandlungen der Berliner Akademie der Wissenschaft, Phil.-Hist. Klasse, VIII, 1938, p. 27-54; V. Grumel, La chronologie, op. cit., p. 129-139.

86 L. Duchesne, Les origines du culte chrétien, p. 249-252; M. Righetti, op. cit., II, p. 245-250.

87 Dans la préface au livre I de l'HF (p. 5), Grégoire, énumérant les historiens et chro- nographes dont il a utilisé les œuvres, mentionne : Hoc etiam et Victurius cum ordine pas- chalis solemnitates inquirere fecit. Dans un autre chapitre (HF, X, 23, p. 514-515), il cite les données fournies par Victorius pour l'année 590.

88 Sur ces problèmes, B. Krusch, Die Einführung des grieschischen Paschalritus im Abendlande, dans Neues Archiv., IX, 1884, p. 127 sq.

89 HF, V, 17, p. 215.

90 HF, X, 23, p. 514-515.

91 L. Duchesne, La question de la Pâque au concile de Nicée, dans Revue des questions historiques, 1880, p. 5-42.

92 On trouvera la liste de ces différentes expressions en consultant l'index de l'édition de \'HF dans les MGH, s. v. pascha, p. 620.

93 GM, 5, p. 40: sexta feria ante sanctum pascha; GC, 5, p. 301 : sexta. . . feria, qua Redemptorem mundi passum novimus. Mais dans ce dernier cas, il s'agit peut-être d'un vendredi ordinaire (J. des Graviers, art. supra cit., p. 294, n. 1).

94 HF, IV, 31, p. 166 : l'évêque Cautinus de Clermont est mort, note Grégoire, le Vendredi Saint, parasciven passiones dominicae.

95 GM, 5, p. 40 : sexta feria ante sanctum pascha, cum in vigiliis sine lumine pernocta- rent. . . Le récit concerne Poitiers; mais il s'agit là d'une coutume qui paraît familière à Grégoire et qui est attestée par ailleurs en Occident pour les offices nocturnes des 3 derniers jours de la Semaine Sainte (M. Righetti, op. cit., II, p. 196). Le Vendredi Saint est un jour « aliturgique », sans messe, avec seulement des lectures, des chants et des prières (ibid., p. 219-221).

96 GM, 5, p. 39. Gégoire note au début de ce chapitre consacré à la croix : Crux domi- nica, quae ab Helena augusta reperta est Hierusolymis, ita quarta et sexta feria adoratur. Il fait ainsi allusion à un rite introduit à Jérusalem après la découverte de la Croix (du temps de l'empereur Constantin) et que Egèrie décrit longuement dans sa relation de pèlerinage ; mais l'historien entend certainement aussi indiquer que cette vénération de la croix a lieu à Poitiers le mercredi et le vendredi de chaque semaine et plus solennellement encore le Vendredi Saint. Il en allait peut-être de même à Tours où l'on conservait aussi un fragment du bois de la croix et un tissu ayant enveloppé celle-ci (sur ces reliques, infra, p. 500). Pour l'adoration de la croix en Occident, M. Righetti, op. cit., II, p. 225-230.

97 À cette coutume bien attestée (E. Griffe, La Gaule chrétienne, III, p. 205-208), Grégoire se contente de faire de nombreuses allusions, sans jamais décrire les cérémonies du baptême (HF, V, 11, p. 205; HF, VIII, 9, p. 376; HF, X, 15, p. 502; GM, 23, p. 52; GC, 47, p. 326; GC, 68, p. 338). Cf. Conc. Matisconense, ann. 585, can. 3, CG, II, p. 240.

98 À plusieurs reprises, Grégoire évoque ces vigiles solennellement célébrées par les Églises de Gaule, à Metz (HF, II, 6), à Riom (GC, 47) et à Vienne, où son récit montre clairement qu'elles sont suivies dans la nuit même d'une messe : Advenientibus paschalis sollemnitatis diebus, expèctabat miser icordiam Dei plebs tota devote, ut vel hic magnae sol- lemnitatis dies huic terrori (il s'agit de prodiges qui inquiètent les Viennois) terminum dorent. Sed in ipsa gloriosae noctis vigilia, dum missarum caelebrarentur sollemnia, subito palatium regale intramuraneum divino igne succenditur (HF, II, 34, p. 83). Sur les vigiles de Pâques et la messe nocturne, M. Righetti, op. cit., II, p. 264-272.

99 Le concile de Lyon de 583 est particulièrement net à ce sujet : Ut nullus episcopo- rum natalem Domini aut pascha alibi nisi ad ecclesiam suam praeter infirmitatis incursum aut ordinem regium celebrare praesumat. (can. 5, CG, II, p. 232). Pâques vient aussi depuis longtemps (Conc. Agathense, ann. 506, can. 21) en tête des grandes fêtes que les fidèles ne peuvent célébrer dans un oratoire privé et pour lesquelles ils doivent se rendre à l'ecclesia de la ville episcopale, ou, à défaut, dans une église d'un bourg rural.

100 Grégoire évoque la messe de Pâques qu'il a célébrée à l'ecclesia en 584, en présence d'un ambassadeur wisigoth de passage à Tours (HF, VI, 40).

101 VM, I, 2, p. 138.

102 Paulin de Périgueux, De vita sancii Martini, VI, ν. 350-355, p. 153 : Obsequium sol- lemne pio déferre quotannis / adsevit populus, reducis cum circulus anni / instauraret ovans sanctae mysteria Paschae. / Invitât properos veneratio plurima cellae, / quae tam praecipuo patuit fida hospita sancto . . .

103 VP, 5, p. 246 : Cappa autem hujus indumenti ita dilatata erat atque consuta, ut soient in Ulis candidis fieri, quae per paschalia festa sacerdotum umeris inponuntur.

104 Sur cette semaine qui suit Pâques, M. Righetti, op. cit., II, p. 287-293.

105 VM, II, 13, p. 163.

106 Grégoire mentionne, mais à titre de simples références chronologiques, le vendredi (in die sexta Paschae) et le samedi (sabbati in ipsa pascha) de cette semaine (HF, V, 49, p. 259). Mais l'expression clausum paschae (HF, IX, 44, p. 475; GC, 47, p. 326) indique bien qu'avec l'octave de Pâques prend fin une période à laquelle la liturgie prête tout entière un caractère de fête.

107 Conc. Matisconense, ann. 585, can. 2, CG, II, p. 240.

108 HF, V, 11, p. 205 : Die autem beato, quo Dominus ad caelos post redemptum homi- nem gloriosus ascendit, cum sacerdos de aeclesiam ad basilicam psallendo procederei. . . Il s'agit ici de Clermont au temps de l'évêque Avitus; mais Grégoire décrit cette cérémonie en des termes qui montrent qu'elle est en usage dans toutes les Églises gauloises.

109 HF, II, 34, p. 83, où Grégoire décrit l'entrée du Christ dans le ciel en termes d'as- censionis dominicae triumphum et plus loin comme l'ascensio majestatis dominicae. Sur le sens symbolique de la procession, M. Righetti, op. cit., II, p. 306-307.

110 Voir Append. VI.

111 Au terme de dies quinquagesima employé par Perpetuus et par les conciles du VIe s. (Orléans 511, can. 25; Tours, 576, can. 18), Grégoire substitue celui de Pentecosten, chaque fois qu'il parle de cette fête {HF, V, 11, p. 206; VIII, 4, p. 373; X, 16, p. 506).

112 HF, V, 11 et VIII, 4. À noter que la Pentecôte est, comme Noël et Pâques, une fête qu'il est interdit de célébrer dans l'oratoire privé d'une villa (Conc. Aureltanense, ann. 511, can. 25).

113 Sidoine Apollinaire, Epist., V, 1 (éd. Loyen, II, p. 106-107) et VII, 1 (III, p. 31-37); Avitus, episcopus Viennensis, Homilia de Rogationibus (éd. Peiper, MGH, AA, VI, 2, p. 110); Grégoire de Tours, HF, II, 34, p. 83.

114 Pour Clermont, Sidoine Apollinaire, Epist. supra cit. (à noter qu'au témoignage de Sidoine l'Église de Clermont connaissait déjà, avant d'adopter les Rogations instituées par Mamert, des prières publiques, mais peu suivies par les fidèles, Epist. V, 14). Pour Riez : Faustus, Homilia in Litaniis dans la Collectio gallicana du Pseudo-Eusèbe. Pour Arles, Césaire, Sermo 209 (éd. Dom Morin, CC, t. CIV, p. 837). Il semble qu'à Riez les Rogations avaient lieu après Pâques et à Arles, pendant la semaine précédant la Pentecôte. Il existait aussi localement d'autres cérémonies de supplication : ainsi, à Clermont, celles instituées par l'évêque Gallus à la mi-carême {supra, n. 46).

115 Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 27 (CG, II, p. 11 et 12) : Rogationes, id est laeta- nias, ante ascensionem Domini ab omnibus ecclesiis placuit celebrari, ut praemissum tri- duanum jejunium in Domenicae ascensionis festivitate solvatur; per quod triduum servi et ancellae ab omni opere relaxentur, quo magis plebs universa conveniat. Quo triduo omnis absteneant et quadraginsimalibus cibis utantur. Sur la diffusion des Rogations en Gaule, E. Griffe, La Gaule chrétienne, III, p. 209-213; M. Righetti, op. cit., II, p. 297-301.

n6CG, II, p. 182.

117 HF, IX, 6, p. 418; cf. VP, IV, 4, p. 226: rogationes Mas, quae ante ascensionem dominicam aguntur.

nsHF, X, 30, p. 525 : Pâques ayant été célébré en 591 le 15 avril, l'Ascension tombait le 24 mai (V. Grumel, La Chronologie, p. 246 et 312-313). Grégoire évoque aussi des Rogations célébrées de son temps à Paris (HF, IX, 6) et à Marseille (HF, IX, 21).

119 HF, IX, 6.

120 Ces pratiques pénitentielles instaurées par Mamert (HF, II, 34) comportent jeûnes,

veillées de prières et distributions d'aumônes (exemple à Marseille, HF, IX, 21; à Tours, HF, X, 30, p. 525 : Factae rogationes cum grandi abstinentia et jejunio, sociatis etiam ele- mosinis . . .)·

121 Supra, p. 405 sq.

122 Publié par L. Duchesne, dans le Liber Ponificalis, I, p. 11.

123 Polemius Silvius, Calendrier, éd. Th. Mommsen, CIL, I, l2, p. 259. L'auteur, dans la notice, confond la fête de la cathedra Pétri avec la commémoration funéraire des Apôtres au 29 juin, puisqu'il note : VIII Kal. mart., depositio sancii Pétri et Pauli; cara cognatio, ideo dicta quia, etsi fuerint vivorum parentum odia, tempore obitus deponantur.

124 Conc. Turonense, ann. 567, can. 23, CG, II, p. 191.

125 Sur le sens de la fête romaine, Ch. Pietri, Roma Christiana, I, Rome, 1976, p. 381- 389.

126 GM, 27, p. 53; cf. HF, I, 25.

127 A4. SS., Nov., Π, 2, p. 108 : pour le VIII kal. Mart. (22 fév.), le Martyrologe indique, suivant les manuscrits : Cathedra Pétri in Antiochia ou Natale cathedra sancii Pétri apostoli quant sedit apud Antiochiam.

128 Ibid., p. 45 : Cathedra Pétri in Roma ou Dedicatio cathedrae sancii Petri apostoli quant primo Romae Petrus apostolus sedit. Sur la distinction qu'établit le Martyrologe Hié- ronymien entre la cathedra Petri in Antiochia et la cathedra Petri in Roma, J. P. Kirsch, Die beiden Apostelfeste, dans Jahrbuch für Liturgiewissenschaft, V, 1925, p. 51 sq.

129 Supra cit., p. 460.

130 C'est là l'hypothèse de L. Duchesne, Les origines du culte chrétien, p. 295-296.

131 Cet intérêt attentif se manifeste notamment dans deux chapitres, HF, X, 1 et GM, 27.

132 Éd. L. Duchesne, supra cit., p. 11.

133 A4. SS., Nov., II, 2, p. 342.

134 Sur la fête romaine du 29 juin et son interprétation, Ch. Pietri, op. supra cit., p. 366-380.

135 GM, 28, p. 54.

136 A4. SS., Nov., Π, 2, p. 333 et p. 474.

137 L. Duchesne, Les origines du culte chrétien, p. 286-287; M. Righetti, op. cit., II, p. 441-444. C'est sans doute cette fête du Baptiste célébrée le 24 juin, fête alors unique, que mentionne, sous le nom de Natale sancii Joannis Baptistae, le canon 21 du concile d'Agde (supra, n. 50).

138 Luc, I, 36. Il ne fait pas de doute que la date du 24 juin ait été choisie en rapport avec celle de Noël : une durée de 6 mois calculée avant le VIII des kalendes de janvier (25 déc.) reporte au VIII des kalendes de juillet, qui correspond pour nous au 24 (et non au 25) juin, parce que ce dernier mois, à la différence de décembre, ne compte que 30 jours.

li9Conc. Turonense, ann. 567, can. 18, CG, II, p. 182.

140 VJ, 47, p. 133.

141 HF, VIII, 9, p. 379.

142 C'est la date indiquée à la fin du chapitre précédent (HF, VIII, 8).

143 VM, II, 57, p. 178.

144 Pour les deux fêtes, HF, II, 14 (sur ce texte, infra, p. 468). Pour la fête de novembre : HF, V, 23, p. 230 : in node, quod eroi tertio Idus Novembris, apparuit nobis beati Martini vigilias celebrantibus magnum prodigium; cf. VM, IV, 41, p. 210 : Alia vero festivi- tate adveniente, quae in hieme caelebratur. Pour la fête de juillet : HF, VII, 1, p. 370 : cum ad urbem Aurilianensem venisset, erat ea die solemnitas beati Martini, id est quarto Nonas mensis quinti; cf. VM, II, 34, p. 171 : festivitas, quae in aestivo celebratur; VM, IV, 4, p. 200 : ad festivitatem vero, quae mense quinto celebratur.

l"AA.SS., Nov., II, 2:

- 4 juillet (p. 352) : IV Non. Jul., in Galliis Turonus civitate ordinatio episcopatus et trans- latio corporis sancii Martini episcopi et confessons et dedicatio basilicae ejus.

- 1 1 novembre (p. 594) : /// Id. Nov., in Galliis civitate Turonis depositio sancii Martini episcopi et confessons.

À noter que le Martyrologe Hiéronymien, au 10 nov., dans les deux manuscrits principaux, comporte parmi les annonces concernant la Gaule : vigilia sancii Martini (H. De- lehaye, La vigilia sancii Martini dans le Martyrologe Hiéronymien, dans Analecta Bollan- diana, XLVII, 1929, p. 368-375).

146 Litorius (ibid., p. 504) : Id. Sept., Turonus depositio Litorii episcopi (13 sept.); Bric- tius (ibid., p. 598) : Id. Nov., in Turonis civitate Galliae depositio sancii Brictionis episcopi et confessons (13 nov.); Hilarius (ibid., p. 39): Id. Jan., Pictavis deposito sancii Hilari episcopi et confessons (13 janv.); Symphorianus (ibid., p. 456): XI Kal. Sept., in Galliis civitate Agustiduno natale. . . sancii Simphoriani martyris (22 août).

147 Supra, p. 368 sq.

148 Fêtes de Symphorien, Brice et Hilaire (HF, X, 31, 6).

149 J. Dubois, La composition des listes épiscopales, art. cit., p. 88 ; remarquant que de nombreuses listes épiscopales commencent par une suite de saints plus ou moins longue, l'auteur commente : « Suivant le cliché habituel dans les milieux ecclésiastiques, l'âge d'or correspond aux origines ... de sorte que, pour reprendre une expression administrative, les évêques défunts sont promus saints à l'ancienneté».

150 Supra, p. 140 sq. On ignore cependant si Hilaire n'était pas déjà l'objet d'un culte à Tours avant l'épiscopat de Perpetuus.

151 Supra, p. 205 et n. 140.

152 Après avoir rappelé l'œuvre de Perpetuus à Tours (HF, II, 14), Grégoire consacre le chapitre suivant à celle d'Eufronius à Autun (HF, II, 15, p. 64) : Eo tempore et basilica beati Simphoriani Agustidunensis martiris ab Eufronio presbitero aedificata est. Et ipse Eufronius hujus deinceps urbis episcopatum sortitus est. Hic enim marmorem, qui super sanctum sepulchrum beati Martini habetur, cum grandi devotione transmisit. Eufronius est attesté comme évêque d'Autun à partir de 452 (L. Duchesne, Fastes, II, p. 178).

153 Une basilica sancii Martini est mentionnée dans le suburbium d'Autun, en 602, dans deux lettres de Grégoire le Grand (JEpist., 13, 7 et 13, 13, éd. MGH, Epist., II, p. 377 et 380-381).

154 Éd. H. de Prato, p. 390 : éd. A. Mai, p. 142; Le Blant, 181 ; infra, Append. VI.

155 Exemples d'épitaphes métriques d'évêques gaulois, suivies d'une datation en prose : Diehl, 1066, 1070, 1071, 1072, 1073, 1076, 1079.

156 H. de Prato, p. 391; A. Mai, p. 143; Le Blant, p. 245.

157 Supra, p. 382 sq.

158 HF, II, 14, p. 64. Le parallélisme entre le texte de Grégoire et celui de la notice du Martinellus se retrouve jusque dans l'exhortation par laquelle s'achevaient les instructions relatives aux fêtes de la basilique dans le document primitif :

Martinellus Hoc si feceris,

et in praesenti saeculo et in futuro patrocinia illius promerebis

Quod si fideliter celebraveris, et in praesenti saeculo et in futuro patrocinia beati antistitis promereberis.

159Epist., 3, 6-21, p. 342-344.

160 Textes supra cit., p. 465 et n. 145.

161 VM, II, 31, p. 170: vigilia de transitu confessons; VM, IV, 5, p. 200: ad festivita- tem, quae de beato ejus transitu celebratur. Rappelons que Grégoire a calculé la durée de l'épiscopat de Martin en prenant pour terme final de celui-ci le 1 1 novembre (L. Pietri, La succession. . ., p. 592). Il a ainsi procédé soit par simple commodité, soit parce que l'on considérait peut-être habituellement qu'un épiscopat ne s'achevait qu'avec l'ensevelissement du prélat défunt (cf. Conc. Aurelianense, ann. 533, can. 5 et 6).

162 VP, XV, 2, p. 272.

163 HF, I, 48, p. 32 : Transiit autem media nocte, quae dominica habebatur : VM, I, 3, p. 139-140: nocte media quievit in pace. Gloriosum ergo et toto mundo laudabilem ejus transitum die dominica fuisse, manifestissimum est.

164 H. Delehaye, Saint Martin et Sulpice Sévère, art. supra cit., p. 29. *« VM, I, 4 et 5.

166 ypt γι, 7, (l'évêque Gallus de Clermont); VP, X, 10 (le reclus Friardus). Cette coïncidence est également notée par des épitaphes (cf. Diehl, index, VI, p. 311).

167 VM, I, 3, p. 140: Quod non parvi meriti fuisse censetur, ut Ma die eum (Martin) Dominus in paradiso susciperet, qua idem Redemptor et dominus victor ab inferis surrexis- set; et, ut qui dominica solemnia semper celebraverat inpollutae, post mundi pressuras dominica die locaretur in requie.

168 On comprend mal pourquoi dans son édition, C. Munier (CG, I, p. 142 et 143) écarte la leçon XVIII Kal. Dec. (14 Nov.), attestée par le plus grand nombre des manuscrits, et privilégie celle donnant XIV Kal. Dec. (18 Nov.), «quia s. Martini, receptio, affirme l'éditeur sans en apporter la démonstration, ilio die celebratur».

169 CG, I, p. 143.

170 Sulpice Sévère, Epist. 3, 16, p. 342. 171Epist., 2, 4, p. 326.

172 E.-Ch. Babut, Saint Martin de Tours, p. 313.

17iIbid., p. 311.

174 Conc. Turonense, ann. 461, CG, I, p. 147: Et ut humilitatis nostrae constitutio,

adjuvante Domini misericordia, valeat custodiri, sancii ac beatissimi sacerdotis domni Martini, quae Deo accepta est, obtinebit intercessio.

175 Op. cit., p. 306.

176 Paulin de Périgueux, De vita sancii Martini episcopi, VI, v. 351-353.

177 Op. cit., p. 315.

178 Annales, XIX, 777. Interprétation adoptée par Lecoy de la Marche, Saint Martin, p. 601 et par H. Delehaye, Saint Martin et Sulpice Sévère, p. 116.

179 HF, I, 48.

180 Éd. H. de Prato, p. 391; éd. A. Mai, p. 143; Le Blant, op. cit., p. 245.

181 HF, II, 14, p. 64.

182 VM, I, 6, p. 141-142.

183 A. Lambert, La fête de l'«ordinatio Sancii Martini», dans Revue Mabiîlon, 1936, 1-27.

184 Ibid., p. 22.

185 Saint Martin et Sulpice Sévère, p. 125-128.

186 M. Carrias, Étude sur la formation de deux légendes hagiographiques à l'époque mérovingienne dans Revue d'histoire de l'Église de France, LVII, 1972, p. 5-18.

187 Op. cit., p. 308-310.

188 Art. supra cit., p. 14-19.

189 M. Carrias, op. cit., p. 10. On comprend mal qu'après cette analyse, l'auteur se rallie au dernier moment à l'idée que Martin avait bien été consacré à l'épiscopat un 4 juillet.

190 Ajoutons que le choix initial de Perpetuus, optant pour le 1er juillet — une date qui ne paraît pas avoir de signification liturgique particulière — , relève d'un hasard un peu trop heureux : il a permis que la cérémonie, dont les préparatifs étaient bien avancés, ne soit en définitive retardée que de 3 jours !

191 Art. supra cit., p. 14.

192 Ibid., p. 15.

193 Le seul exemple connu, en dehors de celui de Martin, est celui d'Ambroise de Milan, comme le remarque justement A. Lambert, art. cit., p. 20.

194 Sur ce thème, infra, p. 735 sq.

195 D'où peut-être les deux dates estivales du 4 juillet et du 11 août.

196 Supra, note 146.

™ Infra, p. 571.

198 HF, V, 23; VM, II, 12, 31, 34 et 42.

199 VM, II, 14; III, 2, 14 et 19; IV, 18.

200 VM, II, 14; II, 29 et 49.

201 VM, II, 47.

202 Le jour de la dédicace de Saint-Martin, un festin public avait réuni tous les participants (VM, I, 6). Grégoire mentionne à diverses reprises l'usage de Yepulwn, le jour des grandes fêtes (VM, III, 8; VP, VI, 3; VJ; 36; HF, II, 23).

203 Des vigiles solennelles ont préparé la dédicace de la nouvelle basilique (VJ, 36). Par la suite, il est question plusieurs fois de vigiles célébrées à Saint-Julien (VJ, 37, 38, 39). Il semble bien qu'il s'agisse de cérémonies officiellement organisées dans la nuit précédant la fête du martyr. Cependant le contexte ne permet pas d'écarter totalement une autre interprétation: il pourrait s'agir de veillées de prières faites à titre privé par des fidèles.

204 AA. SS., Nov., II, 2. Perpetuus (p. 16) : ///, Kal. Jan., Turonis civitate beati Perpetui episcopi et confessons qui sancii Martini basilicam aedificavit (30 déc); Venantius (p. 551; dans quelques manuscrits): V Id. Oct., et in Gai. Turonus sancii Venanti abbatis et confessons (11 oct.); Maxime (p. 453): XIII Kal. Sept., in Turonica Cainone castro depositio sancii Maximi confessons (20 août) ; Monegundis (p. 348) : VI Non. Jul., Turonis Monegundae confessons (2 juill. ; à noter le qualificatif assez rare de confessor pour une femme, H. Delehaye, Sanctus, op. cit., p. 94-95); Leobardus (p. 45; dans un seul ms.) : XV Kal. Feb. Leupardi confessons (18 janv.); Columbanus (pag. 563): XIV Kal. Nov., in

Galliis Turonus depositio Columbani presbyteri (19 oct.); Ursicinus (p. 399; dans quelques manuscrits) : V Kal. Aug., in terrutorio toroni civitate Lucas castro depo(sitio) sancti Ursici- ni abbatis et confes(soris) (28 juil.).

205 Ces expressions sont celles qu'utilise Victrice de Rouen pour désigner, dans le De laude Sanctorum, les saints dont il accueille les reliques dans sa cité {infra, p. 488).

206 un édit impérial du 28 fév. 386 (C. Th., IX, 17, 7) interdit tout découpage d'un corps saint. Cette pratique ne disparaît pas cependant : Grégoire mentionne la présence à Bordeaux, dans l'oratoire d'un particulier, d'un doigt de saint Serge, os ensuite lui-même fractionné en trois morceaux (HF, VII, 31).

207 Pour les manifestations de cette croyance chez les pèlerins, infra, p. 575 sq.

208 Sulpice Sévère, Vita M., 11, 1-2, p. 276.

209 Ibid., 11, 2-5; supra, p. 31 et 71.

210 II ne s'agit donc pas de simples reliques représentatives, mais de reliques réelles qui, cependant, n'ayant pas été obtenues au détriment de l'intégrité du corps saint, ne tombent pas sous le coup de l'interdiction légale formulée quelques mois avant l'invention des martyrs milanais (supra, n. 206). Sur la nature et la diffusion en Gaule de ces reliques, H. Delehaye, Les origines du culte des martyrs, Bruxelles, 1933, p. 355-358.

211 GM, 46, p. 69.

212 #F, X, 31, 5, p. 529.

213 P. Courcelle, Fragments historiques de Paulin de Noie conservés par Grégoire de Tours, dans Mélanges d'histoire du Moyen Âge L. Halphen, Paris, 1951, repris dans Histoire Littéraire des grandes invasions germaniques, 3e éd., Paris, 1964, appendice III, p. 283-291. Le résumé de la lettre perdue est mis en parallèle avec d'autres œuvres de Paulin, dans lesquelles le poète manifeste son intérêt pour l'invention des saints Gervais et Protais et où il développe aussi un thème cher à son cœur : l'idée que « la virtus qui émane d'un corps de martyr se multiplie si l'on divise les reliques» {ibid., p. 287).

214 De laude sanctorum, 2 et 6, éd. R. Herval dans Origines chrétiennes; de la Seconde Lyonnaise gallo-romaine à la Normandie ducale, Rouen-Paris, 1966, p. 112 et 122.

215 E.-Ch. Babut, op. cit., p. 125.

216 Sulpice Sévère, Vita M., 6, 4.

217 Sulpice Sévère, Dial., I, 25. Sur ce personnage, supra, p. 77.

218 Paulin de Nole, Epist., XVIII, 9 (ad Victricium), CSEL, XXIX, p. 136: Meminisse enim credo dignaris, quia sanctitatem tuam olim Viennae apud beatum patrem nostrum Martinum viderim.

219 Le Blant 412 : Diehl 2172; RICG, XV, 39; sur cette inscription, supra, p. 111.

220 L'hypothèse formulée par C. Jullian (Histoire de la Gaule, VII, p. 263, n. 4) a été adoptée par P. Courcelle (art. supra cit.) et par J. Doignon (Martinus Procer, dans Bull, de la Sté nie des Antiquaires de France, 1961, p. 154-167).

221 Vita M., 19, 3-4. Pour la localisation à Vienne, J. Fontaine demeure assez réservé (Vie de saint Martin, II, p. 883).

222 P. Courcelle, (op. cit., p. 291), qui ajoute une remarque fort pertinente : on comprend mieux, avec cette hypothèse, pourquoi Paulin s'accuse plus tard, dans la lettre à Victrice (loc. supra cit., n. 218), de n'avoir pas reconnu, lors de la réunion de Vienne, en ce dernier un «martyr vivant»; cette «expression surprenante» qu'il applique à Victrice «s'explique mieux en raison des martyrs défunts qui avaient motivé leur première rencontre à Vienne».

223 Supra, p. 353 sq.

224 De laude sanctorum, 2, p. 113: Bis ad Rotomagensem Sancii veniunt civitatem : dudum nostrum pectus intrarunt, modo celebrant ecclesiam civitatis.

225 HF, X, 31, 3.

226 HF, X, 31, 4 et 6. L'hypothèse d'une dédicace à Pierre et Paul a été proposée par E. Ewig, Le culte de Saint Martin à l'époque franque, dans Revue d'histoire de l'Église de France, XLVII, 1961, p. 3, n. 11. Sur le culte de Pierre en Gaule, E. Ewig, Der Petrus-und Apostelkult im spätantiken und fränkischen Gallien, dans Zeitschrift für Kirchengeschichte, 1960, p. 215-251.

227 HF, X, 31,6.

228 Supra, p. 398 sq.

229 HF, X, 31, 7.

230 GM, 15. Grégoire cependant ne précise pas depuis quelle époque ces reliques se trouvaient dans l'église de Langeais.

231 De laude Sanctorum, 6, p. 123.

232 P. Courcelle, op. cit., p. 290, n. 5.

233 H. Delehaye, Le culte des Martyrs, op. cit., p. 335-337.

234 HF, X, 31, 19. Sur cette intervention de Grégoire, infra, p. 501 sq.

235 Supra, p. 215.

236 Sulpice Sévère, Vita M., 6,7.

237 Dial. 11,13.

238 HF, Χ, 31, 19, p. 534-535 : in qua (ecclesia), sicut a longevis aevo presbiteris conperi, beatorum ibidem reliquiae Acaunensium ab antiquis fuerant collocatae. Ipsam edam capsu- lam in thesauro basilicae sancii Martini repperi, in qua valde putredine erat pignus dissolu- tum, quod pro eorum religionis est virtute delatum.

239 Lettre de Guibert de Gembloux à l'archevêque de Cologne Philippe, 20, dans Ana- lecta Bollandiana, III, 1884, p. 254, En 1873 fut retrouvée dans la collégiale de Candes, avec d'autres reliques, une ampoule contenant le sang de s. Maurice, selon ce qu'indiquait un authentique de 1783 {Extraits de l'enquête faite en 1873 sur les reliques trouvées dans l'autel de Candes, dans BSAT, VI, 1883-1885, p. 473-480).

240 Supra, p. 154 sq.

241 GM, 33.

242 GM, 30, p. 56.

243 HF, X, 31, 15. Il s'agit de Saint-Germain-sur- Vienne (Indre-et-Loire).

244 Héric, Miracula sancii Germani, 38, 2 (BHL, 3642, éd. L. Duru, Bibliothèque historique de l'Yonne, Auxerre-Paris, I, 1850, p. 133). Clotilde aurait remplacé la modeste chapelle, édifiée par Germain pour abriter sa sépulture, par la grande basilique que Grégoire mentionne (HF, V, 14) sans préciser la date de fondation.

245 HF, X, 31, 19, p. 535: invent... capsulant argenteam, in qua non modo beatae legionis testium, verum etiam multorum sanctorum, tarn martyrum quam confessorum reliquiae tenebantur.

246 Supra, p. 180.

247 HF, X, 31, 18.

248 GM, 89.

249 GM, 30.

250 HF, m, 29.

251 HF, IV, 20.

252 M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux de la Gaule, n° 187 et 321. L'évêque Germain de Paris, qui était déjà venu à Tours en 567 pour assister au concile réuni par Eufronius, y revient pour visiter la tombe de Martin peu avant sa mort (VM, II, 12). Grégoire nous apprend par ailleurs qu'Eufronius avait consacré un oratoire restauré par l'ermite Senoch, en déposant dans le loculus aménagé dans l'autel une capsula reli- quiarum (VP, XV, 1, p. 271); l'historien ne précise malheureusement ni l'origine ni la nature de ces reliques.

253 Sur Monegundis, voir PGC.

254 VP, XIX, 2, p. 287-288. 2«HF, IV, 19 et 21.

256 GM, 10; HF, VIII, 14. Grégoire s'était procuré des reliques de Martin dès son premier pèlerinage à Tours (VM, I, 32-35). Il tenait probablement d'autres de ces reliques de

sa famille, et, pour ce qui concerne celles de Marie, peut-être d'un dénommé Jean qu'il avait rencontré dans sa jeunesse, alors que ce dernier revenait d'un pèlerinage en Terre Sainte (GM, 18, p. 49).

257 GM, 83.

258 VP, II, 3 et GC, 20; supra, p. 365.

259 GC, 20, p. 309 : De oratorio autem nostro, in quo reliquiae sancii Saturnini martyris ac Martini antestitis cum Illidio confessore vet reliquorum sanctorum collocatae sunt. . . Quelques lignes plus loin, Grégoire répète cette liste, en y ajoutant le nom de Julien de Brioude. La présence dans l'oratoire des reliques d'Illidius est à nouveau signalée dans un autre ouvrage (VP, II, 3).

260 VJ, 34, 35 et 36; supra, p. 417 sq.

261 VJ, 40, p. 130 : Est autem in Turonico vicus cui Gaudiaco nomen est, in quo beati martyris reliquae contenentur. Il est vraisemblable que ces reliques y ont été déposées par Grégoire lui-même.

262 VJ, 50, p. 133-134 : infra terminum territurii Turonici Litomeris quidam in honore sancii martyris basilicam aedificavit, in qua nos ex more ad benedicendum evocati, sancii Juliani martyris cum Niceti Lugdunensis reliquias collocavimus.

263 fortunat, Carm. X, 10, p. 244-245, v. 13 et 14.

264 GM, 33. Sur la localisation de cet oratoire, supra, p. 413 sq.

265 GC, 93, p. 358 : Habetur apud nos et baculus ejus, de quo plerumque infirmi medi- camina sunt experti. L'expression apud nos suggère que Grégoire conservait à sa portée cette relique qu'il utilisait pour guérir des malades.

266 yp> vili, 8, p. 248 : Ad nos quoque facietergium dependentibus villis intextum, quod sanctus super caput in die obitus sut habuit, est perlatum.

267 Grégoire mentionne le dépôt qu'il fit des reliques de Nizier (et de Julien) dans l'église construite à Pernay par Litomeris en l'honneur du martyr Julien (VJ, 50, supra cit., n. 262). Dans un autre récit, il relate un miracle advenu à Pernay, coram basilica sancii Niceti altare (VP, Vili, 8, p. 248). Il s'agit certainement d'un seul et même sanctuaire, placé sous le patronage des deux saints; selon l'hypothèse proposée par M. Vieillard- Troiekouroff (Les monuments de la Gaule, n° 204), dans le vocable de l'église, Julien aurait été évincé par Nizier à la suite du miracle opéré par ce dernier en faveur d'un aveugle (VJ, 50; VP, Vili, 8). Il semble plutôt que Grégoire cite, comme il le fait en d'autres cas, le titre en l'abrégeant, nommant dans celui-ci Nizier ou Julien, selon que son récit doit mettre en valeur la virtus de l'un ou de l'autre saint.

268 VP, Vili, 11, p. 250.

269 fortunat, Carm. X, 10, v. 23-24, p. 245.

270 HF, X, 31, 19, supra, p. 397.

271 GM, 50, où Grégoire ajoute qu'il a été lui-même dans sa jeunesse guéri d'une ophtalmie sur la tombe de Bénigne.

272 Supra, p. 254. 27iGM, 14.

274 Sur cette hypothèse, supra, p. 402 sq.

275 GM, 5, p. 41 : Advenu quidam, qui nobis pallulam holosiricam valde vetustam exhi- buit, dicens, ab hac Hierusolymis crucem Domini involutam fuisse. . . Vir Me. . . hanc mihi pallam tradidit.

276 Fortunat, Cartn. II, 3 {Versus in honore sanctae crusic vel oratorii domus ecclesiae apud Toronos), p. 29; v. 13 : denìque sancta cruci haec templa Gregorius offers.

277 Ibid., ν. 1-12.

278 Ibid., ν. 14-18 : dum pallets cuperet signa gerendo crucis, / dona repente dédit divina potentia Christus, / mox fuit et voti causa secuta pii. / Pallia nam meruit; sunt quae cruce textile pulchra. W. Meyer (Der Gelegenheitsdichter Venantius Fortunatus, op. cit., p. 54), de même que A. Frolow (La relique de la Sainte Croix, Paris, 1961, n° 31 et 32, p. 178- 179) estiment que ces vers font allusion à la palla dont parle Grégoire (GM, 5). Les pallae ou pallia (un pluriel sans doute poétique), ardemment désirés par Grégoire (v. 14) et donnés à l'évêque par le Christ tout-puissant (v. 15), constituent certainement une relique sacrée (l'étoffe ayant enveloppé la croix). Ils ne doivent donc pas, comme semble le faire M. Vieillard-Troiekouroff (Les monuments religieux, p. 279), être confondus avec les vela ornementaux dont il est question dans les vers suivants (infra, n. 279).

279 Ibid., ν. 18-22 : Obsequiisque suis crux habet alma cruces, / serica quae niveis sunt agnava blattea telis, / et textis crueibus magnificatur opus. / Sic cito pontifici dedit haec devota voluntas, / atque dicala cruci conscia vela placent.

280 HF, X, 31, 19; supra, p. 397 sq.

281 Fortunat, Carm. II, 14, selon l'hypothèse de W. Meyer, op. cit., p. 55.

282 GM, 14, p. 48.

283 Fortunat, Carm. X, 10, v. 21-22, p. 245. 2^Id.,v. 11-12, p. 244.

285 Id., ν. 9, p. 244, où il faut, semble-t-il, préférer la leçon Georgius, donnée par plusieurs manuscrits, à celle de Gregorius que retient F. Leo dans l'édition des MGH; le vers 10 indique en effet qu'il ne s'agit pas d'un confesseur, mais d'un martyr ayant souffert pour la foi, Georgius qu'évoquent Grégoire dans le De gloria martyrum (GM, 100) et For- tunat dans un autre poème (Carm. II, 12).

2S6Id., v. 3-6; cf. Carm., X, 5 p. 234, lui aussi consacré à l'oratoire d'Artanne, où le poète évoque seulement Gabriel, (v. 3), auquel l'édifice était peut-être principalement dédié.

287 Fortunat, Carm., X, 10, v. 7-8.

288 Des reliques de Serge à Bordeaux (HF, VII, 31), de Georges dans le Limousin et dans le Maine (GM, 100).

289 GM, 87.

290 voir PGC.

291 GM, 18. Voir supra, n. 256.

292 ypt vili, 6, p. 247; cf. GC, 60, p. 333. Il semble peu probable que Grégoire ait

toléré qu'un de ses clercs se livrât à des activités commerciales proprement dites {infra, p. 677).

294 ypi vin, 6; HF, X, 1; GM, 82. Sur le personnage et le problème de l'authenticité du chapitre HF, X, 1, voir PGC.

295 yp vili, 6, p. 246 ; ce raisonnement conduit Agiulfus à prendre des reliques de Nizier, des herbes qui, déposées sur la tombe du confesseur, s'y sont, croit-on, chargées de sa virtus. La suite indique qu'il les conserve à Tours par devers lui.

296 Références citées supra, n. 294.

297 GM, 82, p. 94 : Erant enim reliquiae sanctorum, quorum sacra vestigia Domini manibus sont abluta, cum Pauli Laurentique atque Pancrati, Chrysanti Dariaeque virginis, Johannis atque alterius Pauli, fratris ejus, quorum certamina ac palmae victoriarum ipsa caput orbis urbs Roma devotae concélébrât.

298 L. Pietri, La succession. . ., art. cit., p. 609. Le fait que Grégoire ait en revanche distribué les reliques rapportées d'Orient par Agiulfus peut laisser supposer que l'expédition orientale de ce dernier a précédé un second voyage dont le but unique était Rome.

299 Le canon 14 du concile d'Agde de 506 (CG, I, p. 200) exige pour la consécration d'un autel que ce dernier soit oint du saint chrême et ensuite béni; d'un dépôt de reliques, il n'est en revanche pas question.

300 HF, X, 31, 19, p. 535 : In multis vero locis infra Turonicum terminum et ecclesias et oratoria dedicavi sanctorumque reliquiis inlustravi; quae memorare ex ordine prolixum censui.

301 À l'ecclesia, avant la consécration de l'oratoire de la domus ecclesiae (GC, 20), à Saint-Martin, avant la translation des reliques des saints d'Agaune dans Y ecclesia (HF, Χ, 31, 19) ou avant la dédicace de la basilique Saint-Julien (VJ, 34 et 35). Dans ce dernier cas, les moines passent de leur côté, à Saint-Julien, avec certains des fidèles, la nuit en prières.

302 ypt viiL 6, p. 246 : manus lenteo opertas.

303 GC, 20, p. 309 : Cumque sacrosancta pignora pallets ac nafis exornata in excelso defereremus . . . ; cf., VM, II, 36, p. 172 : velum, quo capsa sanctorum pignorum cooperta erat.

304 GC, 20.

305 HF, X, 31, 19; VJ, 35; GM, 33; VP, XV, 1; GC, 20.

306 VP, II, 3; GM, 33; VP, XV, 1.

307 Sulpice Sévère, Epist., 3, 21.

Jos υ s'agit ici uniquement des dispositions officielles prises par l'Église de Tours pour le culte rendu au tombeau de Martin. Les pratiques très diverses et parfois étranges auxquelles se livrent les visiteurs, à titre privé, seront étudiées dans le cadre du pèlerinage martinien {infra, p. 575 sq.).

309 Sidoine Apollinaire, Epist., IV, 18; supra, p. 374.

310 Le respect dû à un défunt qui a mené une sainte vie exige que l'on protège d'un toit son tombeau, comme l'expliquent les vierges Britta et Maura à un fidèle auquel elles sont apparues : exponunt. . . sine tecto imbrium injuriam diutius ferre non posse. (GC, 18, p. 308).

311 VM, I, 6.

312 Au témoignage de Paulin de Périgueux, Vita sancii Martini, VI, ν. 226-229, p. 147- 148.

313 VM, III, 57, p. 196.

314 Tout l'aménagement, en particulier la palla qui recouvre le tombeau {infra, p. 511) montre que ce dernier n'est plus enterré.

315 Supra, p. 378.

316 HF, II, 15.

317 C. Chevalier, Le tombeau de saint Martin de Tours, Tours, 1880, p. 57. Les deux fragments qui sont sculptés ont été scellés en 1 880 dans une plaque de stuc disposée derrière l'autel de l'actuelle basilique Saint-Martin.

318 La reconstitution adoptée (Dom Besse, Le tombeau de Saint Martin de Tours, Tours, 1922, planche XXVI) est erronée : le fragment qui porte le candélabre constituait l'angle gauche de la dalle de marbre (M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux de la Gaule, p. 318).

319 Sur ce décor, M. Vieillard-Troiekouroff, Les sculptures et objets préromans, art. cit., p. 104-106.

320 Ch. Lelong, Étude sur la date et l'origine des fragments du sarcophage de saint Martin, dans BSAT, XXXV, 1966-1967, p. 351-356.

321 Le Blant 178.

322 Le Blant 179.

323 Le Blant 180 (v. 2).

324 Sidoine Apollinaire, Epist. IV, 18, éd. Loyen, II, p. 152.

325 Grégoire note la permanence de l'éclairage auprès d'un saint tombeau, tout particulièrement à propos de ceux de Marcellinus à Embrun (GC, 68, p. 338 : ad hujus ergo sancii sepulchrum lychnus assidue lumen praebet) et de Marcellus à Die (GC, 69, ibid. : ad cujus. . . tumulum lychnus accensus diuturno spatio lucere solet). Il n'en allait certainement pas autrement à Tours.

326 C'est le terme employé par Grégoire, mais dans un autre contexte (GC, 78).

327 La présence de ces cierges allumés auprès du tombeau est déjà évoquée à l'époque de Perpetuus par Paulin de Périgueux (Vita sancii Martini, VI, ν. 328 et 479). À son tour Grégoire mentionne souvent les «cierges du bienheureux sépulcre», (VM, 1, 34; II, 2; cf. III, 50) ou la cire dont ils sont faits (VM, I, 28; IV, 36).

328 VM, III, 18, p. 187 : oleum lychnorum, qui earner ae dependebant. À propos d'un autre sanctuaire tourangeau, Yoratorium atrii beati Martini, Grégoire explique le moyen qui permet de remplir d'huile le lychnus suspendu au plafond : grâce à un système de corde et de poulie, la lampe peut être abaissée, pour être à la portée de celui qui a la charge de l'alimenter, puis remontée (GM, 14).

329 VM, III, 24; cf. VM, II, 51; IV, 36; HF, VIII, 15.

330 VM, II, 2.

331 HF, I, 39, p. 27.

332 La valeur symbolique de cet éclairage a été clairement explicitée par Jérôme : ad significandum lumine fidei illustratos sanctos decessisse et modo in superna patria lumine gloriae splenderare (Ad Vigilantium XIII, dans PL, XXIII, col. 349). Grégoire aurait certainement souscrit à cette définition, lui qui reconnaît, dans des manifestations lumineuses

mystérieuses, l'indication de la présence d'une sépulture sainte ne bénéficiant pas encore des honneurs d'un culte (pour Britta et Maura, GC, 18; pour Solemnis, GC, 21). De même, lors de la translation de reliques dans l'oratoire de la domus ecclesiae, un éclair effraie les assistants; Grégoire les rassure en disant : «Virtus est enim sanctorum, quae cernitisi et il entonne le Psaume CXVII, 26-27 : Benedictus, qui venit in nomine Domini, Deus Dominus et illuxit nobis (GC, 20, p. 310).

333 Le culte rendu à un saint tombeau implique les dispositions suivantes, que les fidèles sont invités à prendre lorsqu'ils auront découvert la tombe de Solemnis, mais qui ont évidemment aux yeux de Grégoire le caractère d'une règle générale : Quod cum reppereri- tis, velis tegite, lumen accendite, cultumque debitum ei exibete (GC, 21, p. 311). C'est à cette même règle que l'évêque Cautinus de Clermont obéit lorsqu'averti par un songe, il donne pour le sépulcre d'Austremoine, jusque là abandonné, les ordres suivants : jussit tumulum cancello vallari ac paleolis nitentibus obvelari, praedixitque, reverentiam loco Uli inpendi (GC, 29, p. 316).

334 VM, II, 50, p. 176 : pallulam adtigit, qui a foris ad pedes sancii de pariete dépendit.

335 Grégoire fait souvent allusion, à propos de scènes qui se situent dans l'abside de Saint-Martin, au velum, qui ante beatum dependebat sepulchrum (VM, II, 60, p. 179) cf. VM, III, Prol., p. 182 : pendente velo; VM, III, 1, ibid. : velo, qui dependebat; VM, IV, 1, p. 200 : a pendentibus velis ; IV, 2, ibid. : a dependentibus velis.

336 Comme on en a l'exemple à Ligugé (VM, IV, 30) ou à Candes (infra, p. 512).

337 VM, II, 10, p. 162 : palla quae super est posita (à son contact une femme hémor- roïsse est si bien guérie ut putaret se Redemptoris fimbriam contigisse, ibid.); VM, II, 54, p. 177: palla, quae sanctum tegit tumulum; VM, II, 60, p. 180: palla, quae beatum tegit sepulchrum; VM, IV, 43, p. 210: fimbrias pallae superpositae ; HF, V, 48, p. 258 : pallam sepulchri beati Martini.

338 GC, 35, p. 320 (à propos d'un saint tombeau de Clermont).

339 Supra, p. 447 ; à noter que les mêmes termes désignent la nappe qui recouvre l'autel et l'étoffe qui recouvre le tombeau.

340 Sur le culte des lits de saints, M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux, p. 387.

341 Le Blant, 169.

342 Sulpice Sévère, Epist., 3, 14-15.

343 Au moins à Marmoutier, où l'évêque conduit chaque année à Pâques le peuple fidèle en pèlerinage, au témoignage de Paulin de Périgueux (Vita sancii Martini, VI, ν. 360).

344 Grégoire de Tours, relatant le premier pèlerinage qui le conduisit dans la cité de Martin, mentionne dans la celta de Marmoutier le lignum venerabilem de cancello lectuli (VM, I, 35, p. 155; cf. VM, II, 39).

345 Grégoire évoque à plusieurs reprises le gloriosi domni lectulum (VM, II, 21, p. 166; cf. VM, II, 45) avec les chancels qui l'entourent (VM, III, 22) et sur lesquels pend une cortina sirica (on pallium siricum, VM, II, 21, p. 167).

346 Cette définition exclut de la présente étude l'abbé Brachio qui avait fondé deux monastères en Touraine, mais qui finit ses jours en Auvergne, au monastère de Menât où il fut enterré (VP, XII). On ignore si l'Église tourangelle lui vouait au VIe s. un culte.

347 Aucun récit de Grégoire n'évoque le culte rendu aux tombeaux de Litorius et de Brice.

348 À l'exception de l'ascète Jean, reclus à Chinon, que la moniale Baudonivia, quelques années après Grégoire, évoque dans la Vie de sainte Radegonde (4, p. 381).

349 GC, 22, p. 311 : Fuit autem quidam religiosus et virtutibus et nomine Maximus et, ut liber vitae ejus docet, quant versu conscriptam legimus, nostri fuit Martini discipulus. Cette première Vie en vers est perdue; elle ne doit pas être confondue avec une Vita tardive écrite par un moine ou un clerc de Dijon, que Ruinart avait lue avant la disparition du manuscrit {codex Majoris Monasterii, n° 97, cf. L. Delisle, Les manuscrits disparus de la bibliothèque de Tours, p. 93) ; cette dernière biographie empruntait d'ailleurs entièrement sa substance au récit de Grégoire. Pour d'autres documents qui mentionnent peut-être Maxime, voir PGC.

350 Ce sont dans l'ordre alphabétique : Benignus, GC, 17, p. 307.

Britta et Maura, GC, 18, p. 307-308.

Johannis, GC, 23, p. 312-313.

Leobardus, VP, XX, p. 291-294.

Leobatius, VP, XVIII, 1 et 4, p. 283 et 285.

Maximus, GC, 22, p. 311-312.

Monegundis, GC, 24, p. 313-314; VP, XIX, p. 286-291.

Papola, GC, 16, p. 306-307.

Senoch, GC, 25, p. 314; VP, XV, p. 270-274; HF, V, 7, p. 204.

Solemnis, GC, 21, p. 310-311.

Ursus, VP, XVIII, p. 283-285.

Venantius, GC, 15, p. 306; VP, XVI, p. 274-277; HF, X, 31, 8, p. 531.

Pour de plus amples détails concernant ces personnages, voir PGC.

351 Grégoire ne mentionne pas l'origine géographique dans le cas de Britta et Maura,

Leobatius, Maximus et Solemnis, ce qui n'implique d'ailleurs pas obligatoirement que tous ces confesseurs fussent nés en Touraine. En revanche Benignus est qualifié de peregrinus; de Papola, il est dit qu'elle s'est enfuie loin de sa famille; Jean est un Breton; Leobardus vient de l'Auvergne, Monegundis de Chartres, Senoch du Poitou, Ursus de Cahors et Venantius de Bourges.

352 Grégoire ne signale aucun monastère à proximité de leur sépulture ; en revanche, on a retrouvé à Sainte-Maure, dont le nom conserve le souvenir du culte voué aux deux vierges, un cimetière avec des tombes antiques et des sarcophages mérovingiens en relation avec un habitat ancien (J. Boussard, Carte archéologique op. cit., p. 29; et du même, Deux trouvailles d'objets de l'époque mérovingienne en Touraine, dans Bull, de la Sté nie des Antiquaires de France, 1970, p. 318-335). Britta et Maura s'étaient peut-être recluses dans la maison familiale (G. Oury, Recherches sur les anciens monastères de la Touraine méridionale, dans Revue Mabillon, LV, 1965, p. 107).

353 Au lieu-dit Saint-Senoch.

354 Au lieu-dit Saint-Branchs.

355 Sur la Vie de sainte Eugénie (BHL 2666-2667), H. Delehaye, Étude sur le légendier romain, Bruxelles, 1936, p. 171-186. À noter que la légende de sainte Eugénie était bien connue en Gaule au VIe s. : Fortunat nomme Eugénie à plusieurs reprises (Carm. VIII, 1, v. 46; VIII, 3, v. 35; VIII, 4, v. 14; X, 7, v. 26).

356 Supra cit., n. 333.

357 C'est le cas pour l'abbé Venantius, VP, XVI, 4, p. 277 : Baudimundi uxor ab hac febre laborabat ; sed ubi ad lectulum sancii viri prostrata fudit orationem, mox incolomitate restituta convaluit.

358 Leur présence est notée autour du tombeau de Maxime, GC, 22, p. 312 : une malade est exposée ante cancellos monimenti.

359 Grégoire mentionne la pallam tegentem sur le tombeau de Monegundis (VP, XIX, 4, p. 290) et la pallam superpositam sur le sépulcre de Senoch (VP, XV, 4, p. 274).

360 HF, X, 31, 8 et 17.

361 La distinction établie par Grégoire entre les confesseurs et les Pères traduit le jugement porté par l'historien sur le degré de sainteté plus ou moins grand auquel sont parvenus ses héros : à ceux qui se sont illustrés par de nombreux miracles de leur vivant et après leur mort, il réserve l'hommage d'un livre des Vitae Patrum; s'il ne le fait pas pour Maxime, c'est sans doute parce qu'il existait déjà de cet abbé une Vita en vers.

362 HF, X, 31, 19, p. 534 : ecclesiam urbis Turonicae, in qua beatus Martinus vel ceteri sacerdotes Domini ad pontificatus officium consecrati sunt.

363 Supra, p. 354 et Append. VI.

1 Certains pèlerinages avaient précisément pour but d'obtenir des brandea de Martin pour en doter des églises — voire des oratoires privés (infra, p. 565). Sur la diffusion de ces reliques et du culte de Martin, E. Ewig, Le culte de saint Martin à l'époque franque, dans Revue d'histoire de l'Église de France, XL VII, 1961, p. 1-18; du même, Der Martinskult in Frühmittelalter, dans Archiv für mittelrhein. Kirchengeschischte, XIV, 1962, p. 11- 30.

2 Sur les pèlerinages dans l'Antiquité et le Haut Moyen Âge et notamment celui de Tours, H. Leclercq, Pèlerinages, dans DA CL, XIV, 1939, col. 65-176; B. Kötting, Peregri- natio religiosa, Wallfahrten in der Antike und das Pilgerwesen in der alten Kirche, Münster, 19802 (surtout p. 266-275); E. Delaruelle, La spiritualité du pèlerinage à Saint-Martin de Tours du Ve au Xe s., dans les Actes du IV Convegno del Centro di studi sulla spiritualità medievale, Todi, 1961 (1963), p. 215-231; E. Griffe, La Gaule chrétienne, III, Paris, 1965, p. 240-253; article Wallfahrt, dans le Lexikon für Theologie und Kirche, X, Freiburg, 1965, col. 941-946; L. Pietri, Le pèlerinage martinien de Tours à l'époque de l'évêque Grégoire, dans les Actes du XII Convegno del centro di studi sulla spiritualità medievale, Todi, 1971 (1977), p. 92-139. Pour une bibliographie plus complète, voir le recueil collectif Agiografica alto-medioevale, publié sous la direction de S. Boesch Gajano, Bologne, 1976, p. 289-294.

3 Supra, p. 507 sq.

4 On doit toutefois remarquer que bon nombre de ces saints personnages ont pris la route de Tours avec l'intention affirmée de s'y installer à demeure. Leur démarche, qui témoigne de l'attrait exercé par la cité martinienne, peut donc être, à ce titre, mentionnée dans le cadre de cette étude. Mais elle se distingue cependant de celle des pèlerins qui viennent normalement en simple visite, même si certains de ces derniers décident ensuite, après avoir bénéficié d'un miracle, de s'établir jusqu'à la fin de leurs jours auprès du tombeau de Martin {infra, p. 597).

5 VJ, 47, p. 133 : une aveugle venue au tombeau de Martin reçoit en songe le conseil de se rendre à la basilique de Julien dans laquelle, lui promet l'apparition nocturne, dum praesidium martyris expetis, Me conjunctus Martino visum tibi necessarium simul oratio- num suarum suffragiis revocabunt. Grégoire associe aussi Julien et Martin au chevet de l'abbé Aredius mourant (HF, X, 29). Voir infra, n. 100.

6 Parmi ceux qui rendirent ainsi une pieuse visite à Martin, on peut citer, au témoignage de Sulpice Sévère, l'ancien préfet Arborius et sa fille (Vita M., 19, 1), le préfet Vin- centius (Dial. I, 25), l'ancien vicaire Lycontius (Dial. Ill, 14) et ces vierges qui, «afin de voir Martin, sont venues souvent de régions lointaines» (Dial., II, 12). À cette liste on peut ajouter la femme du comte Avitianus dont la démarche auprès de Martin s'effectue par l'intermédiaire d'un messager : celui-ci est chargé de faire bénir de la main de l'évêque un flacon d'huile pour que ce liquide acquière des vertus curatives miraculeuses (Dial., Ill, 3).

7 Sulpice Sévère, Vita M., 25, 1, p. 308 : Nam cum olim, audita fide ejus, vita atque virtute, desiderio illius aestuaremus, gratam nobis ad eum videndum peregrinationem su-

scepimus. Sur l'emploi par Sulpice de l'expression peregrinationem suscipere, «qui est déjà une formule toute faite et quasi technique» dans laquelle l'idée première de voyage lointain cède la place à celle de pèlerinage, J. Fontaine Vie de saint Martin, II, p. 558 et III, p. 1047 : le déplacement en Touraine est un pèlerinage comme le voyage en Orient de Postumianus, qui parle à trois reprises de sa peregrinatio {Dial., I, 2, 2 ; I, 8, 2 ; I, 23, 2) ; il faut d'ailleurs noter que Sulpice, suivant une pratique commune à de nombreux pèlerins, a rapporté de Tours une ampoule d'huile bénie par Martin (Dial. Ill, 3, infra, p. 582). Quant à Paulin de Noie, il reproche avec amertume à son ami Sulpice de n'avoir pas, pour entreprendre le pèlerinage de Noie — où repose le bienheureux Felix — brûlé du même zèle, qua Gallicanas peregrinationes tot annis fréquentas et iteratis saepe intra unam aestatem excursibus Turonos et remotiora visitas (Epist., 17, 4, p. 127).

8 Sur le caractère de ce «pèlerinage ascétique», J. Fontaine, op. cit., III, p. 1052.

9 Supra, p. 107.

10 Sulpice Sévère, Dial., II, 8 et III, 14, 1.

11 Supra, p. 108 sq.

12 Supra, p. 156.

13 La victoire remportée par Aegidius, De vita sancii Martini, VI, ν. 105-151 ; le passage des Huns à Tours, ibid., ν. 217-264. Sur ces événements, supra, p. 141 et p. 98.

14 Paulin de Périgueux, De vita s. Martini, VI, v. 2, p. 138.

15 Ibid., ν. 34-38, p. 140.

16 De vita sancii Martini, VI, ν. 39-105. Martin est qualifié de medicus et d'archiater ptus (ibid., Π, ν. 702 et 704, p. 61) par le poète, qui recourt très souvent pour décrire ses miracles au vocabulaire de la médecine.

17 De vita sancii Martini, VI, 105-151.

18 Ibid., ν. 151-217.

19 Ibid., v. 217-264.

20 Ibid., v. 265-290.

21 Ibid., ν. 291-292.

22 Dans cette seconde partie, le poète reprend, en les abordant sous un angle différent et en les illustrant de nouveaux exemples, les deux thèmes traités au début du livre : Martin medicus et Martin adjutor.

23 De vita sancii Martini, VI, v. 293-319; cf., V, v. 101-145.

24 De vita sancii Martini, VI, v. 320-336.

25 Ibid., VI, v. 416-460.

26 Ibid., VI, v. 351-415.

21 Ibid., VI, ν. 320-336 et 461-499.

28 Des possédés délivrés {ibid., VI, ν. 39-105); la jeune paralytique provisoirement guérie (ibid., v. 151-217).

29 Ibid., VI, v. 351-415.

30 Ibid., VI, ν. 320-336 et 461-499.

31 Ibid., V, ν. 101-145. Sur ce thème et son rôle dans le développement d'une idéologie tourangelle, infra, p. 740.

32 Seuls le pèlerinage de la jeune paralytique au tombeau de Martin et celui des Tourangeaux à Marmoutier sont explicitement rapportés par Paulin à l'épiscopat de Perpetuus.

33 Sidoine Apollinaire, Epist., IV, 18, 4; supra, p. 152 et p. 374.

34 Pour les thèmes ainsi illustrés et commentés, infra, Append. VI. Dès l'époque de Perpetuus, ou peu après, ces tituli ont, semble-t-il, été recopiés pour former un petit recueil constituant une sorte de guide du pèlerin à Tours (ibid.).

35 Supra, p. 465 sq,

36 Le dernier vers du poème conclut ainsi de façon significative sur le privilège permanent dont jouit Tours dans les manifestations de la virtus de Martin. Mais ce thème était déjà annoncé au début du chant VI : c'est à Tours même — hue, répète- trois fois avec insistance le poète (v. 34 et 40) — que les suppliants ont le plus grand espoir de voir leurs prières exaucées, bien que la virtus du confesseur répande sa bienfaisante action dans le monde entier (v. 320-321).

37 De vita sancii Martini, VI, v. 152-164.

38 Grégoire de Tours, VM, I, 6, p. 142.

39 Paulin de Périgueux, Versus de orantibus (éd. M. Petschenig, p. 165); cette même pièce figure, sans nom d'auteur, dans la Sylloge du Martinellus (Le Blant, 176).

4° Ibid., ν. 15-16.

41 Paulin de Périgueux, De vita sancii Martini, VI, ν. 34-38; cf., ν. 866-867, p. 138: . . . te saepe fréquentes / invisunt populi. . .

42 Vie des Pères du Jura, 88-89, éd. F. Martine, p. 332-334.

43 Ibid., 163, p. 414. Martin semble avoir été particulièrement vénéré dans le monastère de Condat : l'abbé Oyend, successeur de Lupicin {circa 490-510), avait une grande dévotion pour «son cher Martin» qu'il priait assiduement et qui, selon le biographe, lui apparut, une nuit, en songe {Vie des Pères du Jura, 159-160, p. 410).

44 Vita s. Genovefae, 46-47, éd. B. Krusch, MGH, srm, III, p. 234-235.

45 Sur ces personnages, supra, p. 153 et PGC.

46 Sur ces événements et le témoignage porté par Nizier de Trêves et par Grégoire de Tours, supra, p. 157 sq.

47 En 563, Georgius Florentius, alors simple diacre, s'était rendu en pèlerinage à Tours où, arrivé presque moribond, il fut promptement rétabli (VM, I, 32-33). Devenu évêque de Tours, il fut ensuite, à plusieurs reprises, soulagé, par des visites au tombeau du confesseur, de maux divers (VM, II, 1 : dysenterie, fièvre et maux d'estomac; VM, II, 60 : maux de tête ; VM, III, 1 : une arête de poisson obstruant sa gorge ; VM, IV, 1 : maux d'estomac ; VM, IV, 2 : langue roide et difficulté à parler). Sur la dette personnelle de reconnaissance contractée envers Martin, Grégoire s'exprime en ces termes : Quod ego plerumque expertus, indignum me judico, ut inter tantorum miraculorum moles etiam Ma hic inseram, quod super me operari dignatus est. Sed iterum timeo, ne noxialis appaream, si ea tamquam fraudulentus abscondam (VM, III, praef., p. 182; cf. VM, IV, praef., p. 199 : et utinam ignavia mentis nostrae permitteret eum sic venerari, ut decet amicum Dei, qui, tantis in nos morborum obspressis generibus, plerumque restituii sanitati !).

48 VM, I, Praef., p. 135-136: Miracula, quae dominus Deus noster per beatum Marti- num antistitem suum in corpore positum operari dignatus est, cotidie ad conroborandam fidem credentium confirmare dignatur. À la publication de ces miracles qui doivent édifier les lecteurs, Grégoire fut, raconte-t-il, encouragé par sa propre mère : celle-ci lui apparut en songe pour lui donner cet avertissement : « haec agere non désistas, quia cri- men tibi erit, si ea tacueris » (ibid.).

49 Grégoire se dit tourmenté et affligé cur tantae virtutes, quae sub antecessoribus nos- tris factae sunt, non sunt scriptae (ibid., p. 136); d'autre part, il ajoute que lui-même s'est mis à l'œuvre, ardentes valde in hac siti, ut non traderetur oblivioni quod Dominus exerce- re dignatus est in laudem antestitis sui (VM, II, Praef., p. 158).

50 VM, Praef., p. 135 : Ego vero fidem ingerens libri illius, qui de ejus vita ab anteriori- bus est scriptus, praesentes virtutes, de quanto ad memoriam recolo, memoriae in posterum, Domino jubente, mandabo; cf., VM, II, 60, p. 179: Et quia prior libellus ab eo tempore initiatus est, quo Paulinus reliquit. . .

51 VM, I, 1 et 3.

52 VM, I, 2.

53 Grégoire a recueilli deux légendes concernant, l'une, le jour de la mort de Martin (un dimanche, VM, I, 4 et 5; supra, p. 470), l'autre, la date à laquelle Perpetuus aurait procédé à la dédicace de la basilique Saint-Martin et à la translation du corps saint dans cette dernière (VM, 1, 6; supra, p. 474 sq.).

54 VM, II, Praef., p. 158 : praescriptis virtutibus sancti Martini, quod vidimus vel a fide- libus vins de anteacto tempore repperire potuimus. . . Comme, à plusieurs reprises, dans ces chapitres du Livre I, Grégoire fait référence à des évêques de Tours ou à des souverains contemporains des événements relatés, on peut vérifier qu'il s'est efforcé de classer ces récits dans l'ordre chronologique.

55 Pour cette période, YHistoria Francorum apporte quelques informations complémentaires ; outre la visite rendue en 508 par Clovis au tombeau de Martin (HF, II, 37-38), elle mentionne le pèlerinage effectué en vain par un conseiller du prince Chramne, le poitevin Léon (HF, IV, 15), la venue du roi Clotaire (HF, IV, 21) dont c'était probablement la deuxième visite à Tours (supra, p. 212). De son côté, le poète Fortunat relate le pèleri-

nage que la reine Radegonde fit, avant de s'installer à Poitiers, aux lieux saints tourangeaux (Vita s. Radegundts, 33).

56 Sur 26 chapitres relatifs à Tours (7-12; 18-33; 37-40), 8 mettent en scène de grands personnages laïcs et 8 autres des membres du milieu clérical. Sur l'origine sociale des pèlerins, infra, p. 559 sq.

57 Tous les faits à partir du chapitre 23 sont certainement contemporains de l'épiscopat d'Eufronius, comme le confirment des mentions relatives à cet évêque ou aux souverains régnant sur Tours à son époque (Clotaire Ier, puis Caribert et Sigebert).

58 VM, I, 7 : Grégoire relate l'histoire d'un jeune sourd-muet, Theodomundus, qui, miraculeusement guéri, fut recueilli par la reine Clotilde. Celle-ci ayant pourvu à son éducation, Theodomundus entra ensuite dans les rangs du clergé tourangeau. Comme l'écrivain ajoute qu'il vécut ensuite de longues années au service de l'Église, il est vraisemblable qu'il tient ce récit de la bouche de l'intéressé lui-même, peut-être rencontré par lui lors de sa première venue à Tours en 563.

59 VM, I, 9.

60 Supra, p. 217.

61 Après avoir raconté son propre pèlerinage à Tours (VM, I, 32-33), Grégoire évoque quelques épisodes consécutifs à ce voyage, au cours desquels se manifesta la durable protection accordée à sa personne par Martin (VM, I, 34-37). Les trois derniers chapitres (VM, I, 38-40) relatent des guérisons miraculeuses dont le diacre avait peut-être été le témoin durant son premier séjour tourangeau ou qui, advenues après son départ, lui furent rapportées à son retour dans la cité en 573.

62 VM, II, Praef., p. 158: narrare etiam ea cupimus, quae nostro tempore agi mira- mur.

63 H. Delehaye (Les recueils antiques de miracles des saints, dans Analecta Bollandiana, XLIII, 1925, p. 5-85 et 305-325; spécialement p. 311-324) souligne la valeur du témoignage de Grégoire : contrairement aux auteurs grecs qui ont composé des recueils de miracles, Grégoire, proche sur ce point d'Augustin d'Hippone, n'est pas un vulgaire compilateur; il a eu soin de s'informer à la source, et rassemble ainsi des informations de première main; même si parfois sa crédulité trop confiante a été abusée, il apporte à ses lecteurs les éléments nécessaires pour apprécier les faits rapportés.

64 VM, II, 16, 24 et 40; III, 37 et 38; IV, 40, où il précise explicitement qu'il a interrogé les miraculés.

65 Grégoire manifeste le souci de recueillir ses renseignements uniquement auprès de fidelibus viris (VM, II, Praef., supra cit., n. 54). Il fait souvent appel au témoignage des

membres de l'assemblée chrétienne, en présence de laquelle les faits se sont déroulés (VM, II, 6, 7, 14, 45, 47, 49, 50, 54, 55; III, 9, 23, 45, 57; IV, 46).

66 VM, II, 5 et 14.

67 VM, III, 45, p. 193 : Illos vero plerumque nominatim scribimus, quos videre potueri- mus, aut ipsi discutimus. Grégoire note qu'il a vu le pèlerin une fois guéri : ego eum sospi- tem vidi (VM, II, 24, p. 167; cf. II, 40; III, 38; IV, 40). En d'autres cas, il a rencontré le malade avant et après sa guérison (VM, II, 51); parfois même son intervention — il conseille une visite au tombeau — a été déterminante (FM, I, 37; III, 59; IV, 3).

68 VM, III, 45, p. 193 : Cumque rumor surrexerit, beati antestitis apparuisse virtutem, vocatis ad nos custodibus aedis, quae sunt acta cognoscimus.

69 Grégoire ne se borne pas, comme il le dit trop modestement, à noter les noms des miraculés (FM, III, 45, supra, n. 68), ainsi que le montrent les renseignements recueillis par la majorité de ses notices.

70 VM, III, 45, p. 193 : Et ne ob hoc cuiquam quae referuntur videantur incredibilia, quia nomina singulorum non sunt in paginis praenotata, facit hoc haec causa, quia, cum a sancto Dei incolomitati fuerint redditi, statim recedunt et aliquotiens ita clam redeunt, ut, si dici fas est, a nemine videantur. . . Nomina tarnen non semper ab his (les gardiens de la basilique) discimus.

71 J. Schlick, Composition et chronologie du De virtutibus sancti Martini de Grégoire de Tours, dans Texte und Untersuchungen zur Geschischte der altchristlichen Literatur, XCII, Studia patristica, VII, Berlin, 1966, p. 278-286.

72 VM, Π, 19, p. 165.

73 Les seules exceptions majeures à cette règle tiennent aux circonstances particulières dans lesquelles Grégoire a parfois été informé : il arrive que l'évêque aprenne d'un pèlerin que celui-ci, ou l'un des siens, était déjà venu précédemment à Tours. (VM, II, 3, 18, 24, 26, 53; III, 3, 8, 15, 46; IV, 19, 40). Grégoire s'efforce en ce cas d'indiquer à quand remontait la visite antérieure, ce qui permet le plus souvent de situer celle-ci à sa place dans le déroulement chronologique.

74 J. Schlick, art. supra cit. Nombre de miracles sont situés par rapport à Noël et à l'Epiphanie, à la semaine sainte de Pâques, et plus souvent encore, par rapport aux fêtes célébrées en l'honneur de Martin; dans ce dernier cas cependant, l'auteur ne précise qu'exceptionnellement s'il s'agit de la saint-Martin d'été ou de la saint-Martin d'hiver. Sur la fréquence des miracles aux alentours des grandes fêtes, infra, p. 571 sq.

75 Nous reproduisons ci-contre la chronologie établie par J. Schlick, que nous adoptons. Signalons que M. Heinzelmann (Une source de base de la littérature hagiographique, op. cit., p. 240) propose une série de datations qui, dans certains cas, différent légèrement de celles de Schlick, dont il n'a d'ailleurs pas connu le travail.

76 Les chapitres du De virtutibus sancii Martini présentent donc, de ce point de vue, une certaine variété : un grand nombre offrent une sèche relation des faits ; d'autres cependant font place aux réflexions de l'auteur, situées en tête ou à la fin du récit ou encadrant ce dernier. À noter que ces développements sont presque totalement absents des chapitres du livre IV; mais ce dernier, plus court que les précédents (sur le nombre des chapitres initialement prévus, infra, p. 543) et dépourvu de conclusion, est très certainement resté dans l'état d'inachèvement où la mort de l'auteur l'a laissé : incomplet, il

se présente dans sa rédaction comme un premier canevas que Grégoire se proposait probablement de retoucher.

77 « Les miracles se regroupent parfois par genre et s'appellent ainsi les uns les autres» (J. Schlick, op. cit., p. 283). Ainsi Grégoire regroupe des miracles qui ont eu pour cadre la petite basilique de Candes (VM, II, 19-23 et III, 22-23); il rapproche également le cas de fidèles qui, frappés d'une douloureuse contraction de la main pour avoir travaillé un dimanche, obtinrent d'un pèlerinage repentant la délivrance de leur mal (VM, III, 29, 31, 32; FM, III, 55-56).

78 VM, I, Praef., supra cit., n. 48; pour mettre en valeur la continuité de la virtus mar- tinienne, Grégoire, chaque fois qu'il le peut, met en parallèle les miracles procurés par le confesseur depuis son tombeau avec ceux qu'il opéra de son vivant : pour les résurrections (VM, I, 21 : II, 43; III, 8 et 53), il fait référence aux récits de Sulpice Sévère (Vita M.

7; Dial., I, 4 et 24); pour les guérisons (VM, I, 19, 26; IV, 30) à la Vita M., 7 et 11 ; pour la lutte contre les fléaux naturels (FM, I, 9, 34; VM, II, 2 et 7) à Dial, I, 25.

79 Praesenîes virîutes. . . memoriae in posterum, Domino jubente, mandabo {VM, I, Praef., p. 135).

80 Le découpage qu'introduit la répartition en quatre livres ne relève pas de considérations historiques : le cycle d'années couvert par chacun d'eux n'est pas de durée égale ; et ce n'est pas non plus un événement d'importance majeure qui donne son terme à chaque série de récits.

81 VM, II, 60, p. 179 : Et quia prior libellus ab eo tempore initiatus est, quo Paulinus reliquit, et sub quadraginta capitulis constabat impletus, destinavi huic inceptum in sexa- ginta conplere; scilicet ut beatus Martinus, qui viduatus ab hoc mundo virginitatis custodi- vit integrum decus, martyrium etiam vel in occultis insidiis vel in publicis injuriis trium- phabiliter adimplevit, cui etiam erat corona trigesimi, sexagesimi vel centesimi fructus, in his centum virtutibus augeretur.

82 Le premier, Ruinart, dans son édition de Grégoire de Tours (adn. ad loc, dans PL, LXXI, col. 967, note d), a compris le sens des explications assez confuses données par l'écrivain. Dans leur commentaire de Matthieu 13, 23, les exégètes se séparent quant à l'échelle des valeurs auxquelles rapporter les taux croissants de fructification : il s'agit tantôt du mariage, du veuvage et de la virginité (Jérôme, Adversus Jovinianum, I, 3 et Comm. in Matth. II, 13; Césaire d'Arles, Serm. VI, 7 et CLV, 3); tantôt, suivant une classification d'origine plus ancienne mais dont le succès est plus durable, du veuvage (parfois remplacé par le mariage), de la virginité et du martyre (Cyprien, De habitu virginum, XXI ; Augustin, Quaestiones Evangeliorum, IX et De sancta virginitate, XLV ; Avit de Vien-

ne, Epist., VI). Sur ce double courant, dont on trouve aussi un reflet dans les prières liturgiques, H. G. J. Beck, The Pastoral Care of Souls in South-East France, op. cit., p. 223- 224; A. Quacquarelli, // triplice frutto della vita cristiana, 100, 60, 30, Rome, 1953; et, à propos d'une épitaphe gauloise du VIe s. (CIL, XII, 1798; Le Blant 473; Diehl 202; RICG, XV, 31; Arras, canton de Tournon, Ardèche), Fr. Descombes, dans Gallia, XXX, 1972, p. 294-299.

83 Le Livre IV compte 47 chapitres seulement ; c'est là un des signes révélant avec d'autres (supra, n. 76) que l'auteur n'a pas eu le temps de l'achever.

84 Supra, p. 324.

85 Supra, p. 327.

86 VM, II, 25, p. 168.

87 VM, III, 9, p. 185 : après avoir recouvré miraculeusement l'usage de sa jambe malade, un pèlerin, advenienti autem ad sancii solemnia populo, qualiter per virtutem ejus sanatus esset, edocuit. Cette publicité immédiate donnée au miracle, qui fait l'objet devant le peuple d'une relation orale de l'évêque ou de l'intéressé lui-même, est à rapprocher

d'une pratique introduite à Hippone par Augustin pour les miracles procurés par les reliques de s. Etienne : le miraculé, ou un témoin, dictait un récit qui était ensuite lu en public (H. Delhaye, Les recueils antiques de miracles des saints, op. cit., p. 74-85).

88 De cette publication successive des livres témoignent les promesses par lesquelles, à la fin de chacun d'eux (le livre IV, inachevé, faisant exception), Grégoire s'engage auprès de son lecteur à donner une suite à l'ouvrage, s'il est témoin ultérieurement d'autres miracles : Si adhuc meremur videre miracula, placet ea alteri conjungi libello (VM, II, 60, p. 180); tarnen, si adhuc miracula cerner e meremur, placet ea alteri libello inseri, ut ea quae ostenduntur non oculi, sed magis debeant populari (VM, III, 60, p. 197).

89 VM, II, 53, p. 177.

90 Grégoire, s'accusant d'être inscius litterarum et donc inférieur à son œuvre, évoque cette possibilité : utinam Severus aut Paulinus viverent, aut certe Fortunatus adesset, qui ista discriberentl (VM, I, Praef., p. 136). En fait l'éloignement de Fortunat, qui s'était lui- même proposé à mettre en vers l'œuvre de Grégoire (Epist. ad Gregorium, servant de préface à la Vita sancii Martini composée par le poète, éd. F. Leo, p. 293), ne rendait pas impossible la réalisation d'un projet que l'historien n'a en fait jamais envisagé de mettre à exécution.

91 Le conseil lui en à été donné, écrit-il, par sa mère qui lui était apparue en songe pour l'encourager à se mettre à l'œuvre (VM, I, Praef., p. 136).

92 Pour l'étude des principaux thèmes d'enseignement, voir l'article de J. Schlick, supra cit.

93 Pour les diverses résonances de ce thème, infra, p. 751 sq.

94 II a paru en effet intéressant d'exploiter, même s'ils sont moins fournis, les renseignements recueillis par Grégoire pour la période qui précède immédiatement son épisco- pat (soit des années 540 environ à la mort de son prédécesseur en 573), quitte, lorsque l'enquête paraît l'exiger, à restreindre le champ de l'étude au seul règne de l'évêque- historien.

95 Dans YHistoria Francorum, mais aussi dans les ouvrages hagiographiques qui ne sont pas spécialement consacrés à Martin.

96 II s'agit essentiellement des œuvres du poète Fortunat qui, à plusieurs reprises, a

lui-même accompli le pèlerinage de Tours et de quelques Vies de saints dont le témoignage, même s'il a été porté plus tardivement, peut intéresser la période étudiée.

97 Dans la communication présentée au congrès de Todi en 1971 (supra, n. 2), nous avions déjà tenté de définir les méthodes de recherche et d'exposer quelques-uns des résultats auxquels celles-ci permettaient de parvenir. Depuis lors, l'enquête poursuivie et élargie a rendu nécessaire d'affiner sur certains points l'analyse, ou de modifier la «grille» de lecture appliquée aux textes. Aussi ne s'étonnera-t-on point de trouver quelques différences entre les conclusions tirées d'un premier essai et celles établies dans le présent chapitre, notamment pour les résultats chiffrés.

98 D'un chapitre à l'autre du De virtutibus sancii Martini, le schéma narratif, tantôt réduit aux notations essentielles, tantôt amplifié par des détails supplémentaires ou par des réflexions personnelles de l'auteur, se retrouve presque identique : N. vient à Tours porter une supplique à Martin, s'y livre à de pieuses pratiques et s'en retourne exaucé.

99 Plusieurs exemples de ces « pèlerinages- vicaires » dans l'œuvre de Grégoire (VM, II, 2, 36, 52; III, 12, 34; IV, 9, 25, 36, 40, 43), le plus souvent dans le cas de malades intransportables.

100 Ces courants mineurs ne concernent qu'un tout petit nombre de pèlerins (22 exemples précis peuvent être dénombrés dans les œuvres de Grégoire) et les visites auxquelles ils donnent lieu — sauf en ce qui concerne Julien de Brioude et Nizier de Lyon dont le culte est introduit par Grégoire — ne peuvent pas toujours être datées avec certitude. Ce sont les reliques de Nizier déposées dans l'église de Pernay qui attirent apparemment le plus grand nombre de solliciteurs connus (6 : VP, VII, 8 et 10), suivies de près par celles de Julien conservées dans la basilique proche du castrum de Tours (5 : VJ, 34, 36, 37 et 50). Mais le De virtutibus sancii Juliani, composé entre 581 et 587, c'est-à-dire plusieurs années avant la Vita s. Nicetii (entre 590 et 592; B. Krusch, éd. des Miracula, MGH, srm, I, 2, p. 2 et 4), ne rend sans doute pas pleinement justice au renom acquis par le sanctuaire tourangeau dédié à Julien. Quelques pèlerins vont vénérer les brandea de Jean à Langeais (GM, 15); d'autres se rendent également sur la tombe des saints ascètes inhumés en Touraine, Solemnis (GC, 21), Maximus (GC, 22), Monegundis (GC, 24 et VP, XIX, 4), Papola (GC, 16), Senoch (VP, XV, 4; GC, 25; HF, V, 7) et Venantius (VP, XVI, 4; GC, 15). Si ces différents pèlerinages ne sont pas ici comptabilisés, les comptes-rendus qu'en fait Grégoire peuvent parfois être utilement exploités pour des comparaisons avec le pèlerinage martinien.

101 VM, I, 11, 22; VM, II, 3, 18, 22, 24, 25, 26; VM, III, 3, 15, 46; VM, IV, 19. . . Un des visiteurs les plus assidus est l'abbé Aredius de Limoges, qui semble être venu au moins cinq fois à Tours: à l'époque d'Eufrónius une ou deux visites (GC, 9; HF, VIII, 15, en compagnie de Vulf ilaicus) ; sous l'épiscopat de Grégoire, 4 visites : VM, II, 39; VM, III, 24; VM, IV, 6; HF, X, 29).

102 par exemple, VM, I, 38 (multi ex frigoriticis); VM, II, 32 (multos); 51 (plerique); III, 34 (multi petentes); IV, 10. . .

103 II s'agit le plus souvent de criminels endurcis qui, frappés par la vengeance de Martin, n'ont pas mérité son pardon (HF, IV, 6; V, 4 et 6). Quelques cas aussi de coupables qui, atteints en punition de leur faute d'une infirmité, puis guéris en considération de leur repentir, retombent dans leur erreur et connaissent une rechute temporaine ou durable (infra, p. 596).

104 Infra, p. 550 et p. 560.

los YM, II, 41, p. 174 : Facis ergo, beatissime confessor, tuo more, propitiaris iniquitati- bus popuîi et sanas languores omnium cunctosque te fideliter invocantes tuis medicamentis inlustras nec fraudas extraneis quod propriis libenter indulgis.

106 Huit pèlerinages (VM, I, 1 1 ; VM, III, 8 et 21 ; FM, IV, 40).

107 Deux pèlerinages (VM, I, 13), auquel s'ajoute la première visite à Tours de l'Italien Fortunat, attiré en» Gaule par sa dévotion pour Martin.

108 Deux visites : VM, III, 20; HF, X, 24, où le terme désigne l'Arménie.

109 Total: 26 visites; Clermont, 6 (VM, 1, 32, 33; II, 10, 20; HF, IV, 16); Limoges: 7 (VM, II, 39; III, 4, 16, 24; IV, 6; HF, VIII, 15; X, 29; GC, 9); Bourges: 13 (VM, II, 7, 24, 29; III, 40, 45; IV, 45; HF, V, 6; VP, Vili, 10).

110 Vingt et une visites; Le Mans : 2 (VM, II, 40; Testament de l'évêque Bertrand du Mans, éd. G. Busson et A. Ledru, p. 137, infra cit., p. 609); Angers : 14 (VM, I, 22; II, 33, 48; III, 7, 11, 23, 27, 31 ; IV, 14, 17, 18, 23); Nantes : 3 (VM, IV, 20, 27); Bretagne (il s'agit certainement de la péninsule armoricaine) : 2 (VM, IV, 46; HF, V, 21).

111 Dix-huit visites; Cambrai : 1 (FM, I, 10); Vermand : 1 (VM, II, 9); Reims : 1 (VM, IV, 41); Châlons-sur-Marne: 1 (VM, III, 39); Soissons: 2 (VM, I, 25; III, 47); Metz : 1 (Fortu- nat, carm. X, 17 et 18). De l'une ou l'autre de ces deux dernières cités, toutes deux capitales royales, des pèlerins au nombre de 10, venus de la «cour», «du palais du roi» (VM, II, 14; III, 15; IV, 6; HF, IV, 21 ; V, 2 et 4; VI, 9; Fortunat, Vita sanctae Radegundis, 33). De

ces contrées orientales provient aussi certainement un autre visiteur, Aquilinus, qui arrive d'une région que Grégoire qualifie de Francia (VM, 1, 26).

112 Quinze visites; Poitiers : 12 (VM, II, 15, 44, 45, 56; III, 9, 46; IV, 29; à noter que ce chiffre ne tient pas compte des différentes visites — de nombre difficile à préciser — rendues à Tours par Fortunat après son installation à Poitiers) ; Bordeaux : 1 (HF, VIII, 34) ; Périgueux : 1 (VM, IV, 44) ; Albi : 1 (VM, III, 30). L'existence de ce courant en provenance du Sud-Ouest est également attestée par le Liber de virtutibus sancii Hilarii de Fortunat, 17, (p. 9): un aveugle se rendant ad beati Martini limina passe, pour se rendre à Tours, par Poitiers où il est guéri grâce à la virtus d'Hilaire.

113 Treize visites; Paris : 5 (VM, I, 12; II, 12, 58; HF, IV, 14; VI, 9); Orléans : 1 (VM, II, 6); Chartres : 1 (VM, IV, 11); Avranches : 2 (VM, II, 36; III, 19); Bayeux : 3 (VM, II, 53; IV, 22); Lisieux: 1 (FM, II, 54).

114 Sept visites; Sens : 1 (VM, II, 55); Auxerre : 2 (VM, II, 5; IV, 13); Vienne : 2 (VM, II, 18); Bourgogne : 2 (VM, I, 37; III, 10). À tous les pourcentages cités, il convient d'ajouter quelques 2% de pèlerins qui sont des errants, allant de ville en ville (VM, II, 46, 47; III, 58).

115 VM, II, 48.

116 FM, III, 7; IV, 23.

117 Ch. Lelong, De l'importance du pèlerinage de Tours au VIe s., dans BSAT, XXXII, 1960, p. 232-237.

118 Les résultats obtenus par Ch. Lelong s'expriment ainsi : 28% de pèlerins originaires de Touraine; 63% venant des régions immédiatement périphériques; 5% des régions plus lointaines de la Gaule ; 4% d'étrangers.

119 VM, II, 53, p. 177.

120 VM, III, 21, p. 187.

121 Significative est à cet égard l'admiration de Grégoire pour l'ascète tourangeau Senoch, saint pontonnier : tantaque et cura de aegentibus fuit, ut edam pontes super aîveos amnium diligenter instrueret, ne quis, inundantibus aquis, naufragia saeva lugeret {VM, XV, 3, p. 273).

122 Les visiteurs arrivent le plus souvent par la route. Si l'on excepte les grands, laïcs et ecclésiastiques, qui disposent en permanence de montures pour leurs déplacements (cf., HF, V, 4), ils vont ordinairement à pied, parfois au prix de terribles souffrances (ainsi le boiteux Leodulfus, contraint par la violence de la douleur de s'arrêter decimo ab urbe miliario, VM, II, 46, p. 175). Seul un petit nombre d'entre eux, complètement invalides et trop lourds pour être portés à bras (comme cela se pratique en certains cas : VM, I, 39; VM, II, 4, 5, 11 ; VM, III, 15, 26, 27), ou un peu plus aisés, utilisent pour gagner Tours une voiture attelée (VM, II, 6, 12, 24, 46, 47; VM, III, 40; VM, IV, 6). Un certain nombre de pèlerins empruntent la voie d'eau, au moins sur une partie du parcours, comme déjà l'avait fait Geneviève, embarquée à Orléans (Vita s. Genovefae, 45) : ainsi la reine Rade- gonde, felici navigio Turonis adpulsa (Fortunat, Vita s. Radegundis, 33, p. 42) et une aveugle de Lisieux (VM, II, 54); ce mode de transport est tout naturellement employé par des habitants du Val de Loire (Baudegisilus venant d'Angers, VM, IV, 14) ou par des Poitevins qui s'embarquent sur le Cher (VM, II, 56; cf. HF, IX, 33).

123 En 938, le pape Léon VII devait reconnaître «qu'aucun lieu de pèlerinage à l'exception de Saint-Pierre de Rome n'attire un si grand nombre de suppliants de pays si divers et si lointains » (texte cité avec d'autres témoignages par G. Devailly dans l'ouvrage collectif publié sous la direction de G. -M. Oury, Histoire religieuse de la Touraine, Tours, 1975, p. 53).

124 Pour ces décomptes, il a paru inutile de donner ici une liste de références qui serait fastidieuse par sa longueur.

125 VP, XIX.

126HF,V, 21.

127 Son grand-oncle maternel, Gundulfus, frère de l'évêque Nizier de Lyon (supra, p. 251).

128 Le nouveau-né baptisé reçoit son nom en même temps que le sacrement qui l'intègre à l'Église (in baptismo vocavit, VP, Vili, 1, p. 241); lorsque le baptême est administré à un enfant un peu plus âgé, celui-ci troque parfois le nom reçu à sa naissance — ce qui paraît plus difficile pour un adulte — pour un autre : ainsi le Waldo mentionné par Grégoire de T., qui. . . in baptismo Berthchramnus vocitatus est (HF, VIII, 22, p. 388). En ce cas précis, le second vocable est aussi germanique, mais sans doute parce que le néophyte a pris le nom de son parrain, l'évêque Bertrand de Bordeaux.

129 Sont venus en pèlerinage à Tours les évêques Germain de Paris (VM, II, 12, cf. Fortunat, Vita sancii Germani, 80-82) ainsi que son successeur Ragnemodus (HF, V, 14), Maroveus de Poitiers (VM, II, 44), Aunacharius d'Auxerre (VM, III, 13), Nonnichius de Nantes (VM, IV, 27) et un évêque arménien, Symon, dont le siège n'est pas connu (HF, X, 24). Leovaldus d'Avranches (VM, II, 36) et Palladius de Saintes (VM, III, 8) envoient à Tours un de leurs clercs.

130 Trois prêtres (FM, II, 39; III, 24; HF, V, 7); un archidiacre (HF, V, 6); 5 diacres (VM, I, 32; II, 12, 19, 32; III, 38); 11 clercs dont le grade n'est pas précisé (VM, I, 10, 33; II, 7, 34; III, 8, 9, 28, 47; IV, 8, 9, 15).

131 Outre Aredius de Limoges dont les multiples visites à Tours ont déjà été mentionnées (supra, n. 101), l'abbé Domnolus de Saint-Laurent de Paris (HF, VI, 9) et l'abbesse Agnès de Poitiers (FM, IV, 29).

132 Une seule nonne Apra, quaedam religiosa (VM, II, 31 ; si du moins on doit donner à ce dernier terme le sens de moniale). Aucune mention de moines; mais parmi les clerici mentionnés (supra, n. 130), peut-être quelques-uns d'entre eux ayant reçu les ordres (sur l'emploi du terme clericus, chez Grégoire, infra, p. 633, n. 172).

133 VM, I, 20 (un agens basilicae); IV, 10 (un notaire de l'Église); ainsi que des familiers vivant dans l'entourage d'un ecclésiastique, parent ou domestique attaché à sa personne (VM, II, 2 et 4; III, 10, 12, 13).

134 La reine Ultrogotha (VM, I, 12), le roi Clotaire, deux fois, (HF, IV, 21 et VI, 9); son épouse Radegonde (Fortunat, Vita s. Radegundis, 33) ; le prince Mérovée (HF, V, 2) ; Sige- bert (Baudonivia, De vita sanctae Radegundis, 6).

135 VM, I, 11, 24, 25; VM, III, 8, 15, 34; VM, IV, 6; HF, IV, 6; V, 4. Fortunat, carm., X, 17 et 18.

136 VM, II, 11.

137 VM, II, 53; IV, 11, 21, 44.

138 GC, 20.

139 VM, I, 26, 27, 31; II, 22, 23.

140 par exemple un jeune ouvrier parisien, tailleur de son métier (VM, II, 58); un commis au service d'un commerçant bordelais (HF, VIII, 34).

141 II n'est pas toujours aisé, d'après les indications données par Grégoire, de déterminer la conditon économique des paysans qui sont des hommes libres : certains paraissent être de petits propriétaires (VM, III, 23; IV, 15: apiculteur); d'autres sont sans doute tenanciers (FM, II, 41 ; IV, 22, 45) ou ouvriers agricoles (VM, II, 13). Le groupe des esclaves agricoles est mieux individualisé (FM, I, 22, 57; II, 59; III, 29; IV, 5, 41 .. .).

142 Ainsi l'esclave Securus, né difforme, que ses maîtres abandonnent auprès du tombeau de Martin pour qu'il soit nourri par les passants, cum vidèrent. . . nihil omnino posse proficere (VM, I, 40, p. 156). Ou encore ces enfants, dont les infirmités congénitales font de véritables monstres, livrés par leurs parents à des mendiants itinérants qui les donnent en spectacle au peuple (VM, II, 24; III, 16). Même dans les milieux plus aisés, ceux que l'on considère comme des bouches inutiles sont rejetés : tel ce fils d'un propriétaire terrien de l'Anjou, devenu sourd-muet et paralytique à la suite d'une fièvre, et que ses frères chassent et spolient de sa part d'héritage (VM, III, 23).

143 Grégoire évoque souvent la présence aux abords des lieux saints de très nombreux pauvres (VM, I, 7; II, 7, 40; IV, 42; HF, VIII, 29). Beaucoup d'entre eux sont des pèlerins vivant de la charité publique : les uns seulement pour la durée du pèlerinage (VM, I, 7, 40; II, 3, 8, 30, 40, 47; III, 16, 23); d'autres, de façon permanente, souvent agrégés à des bandes de mendiants qui vont de ville en ville et viennent à Tours lors des grandes fêtes, dans l'espoir d'y récolter d'abondantes aumônes plus que pour y solliciter Martin (VM, II, 24, 46; VM, III, 58).

144 Maxime : GC, 22; Papola : GC, 16; Venant : VP, XVI, 4 et GC, 15.

145 Solemnis : GC, 21 ; Monegundis : VP, XIX, 4 et GC, 24; Senoch : VP, XV, 4 et GC, 25.

146 Reliques de Nizier : VP, Vili, 8 et 10; de Jean-Baptiste : GM, 15; de Médard : GC, 93.

147 Martin, medicus qui tient ses pouvoirs de Dieu (VM, III, Prol., et 21) et réussit, verus medicus {VM, II, 52), là où échouent les représentants de la médecine humaine, archiatres (VM, II, 1 et 19; HF, V, 6) ou harioli (VM, I, 26; III, 60; IV, 36). Une grande partie de l'activité de Martin est décrite par Grégoire en termes médicaux : le thaumaturge visite les malades (visitare), les soigne (sanare, curare, medicari . . .), grâce aux médications qu'il prodigue (remedium, theriaca, antidotum, purgatorium, medicina. . .).

148 VM, I, 8, 12, 19; II, 3, 8, 9, 13, 15, 19, 23, 24, 28, 29, 34, 41, 44, 45, 50; III, 2, 5, 16, 19, 20, 22, 28, 38, 48, 49, 57; IV, 4, 5, 6, 8, 17, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 38, 45, 46; HF, V, 6; GM, 47.

149 De ceux qui ont seulement une main ou un pied contracté aux paraplégiques et aux quadriplégiques : VM, I, 18, 22, 25, 27, 39, 40; II, 5, 6, 7, 14, 18, 21, 22, 24, 25, 26, 31, 33, 40, 42, 45, 47, 48, 49, 55, 56, 59; III, 3, 4, 7, 11, 21, 25, 27, 29, 31, 32, 39, 40, 44, 45, 46, 49, 55, 56, 58; IV, 4, 6, 8, 13, 19, 22, 27, 34, 38, 42, 46.

150 VM, I, 7; II, 24, 30, 33, 38; III, 2, 23, 37, 54; IV, 36, 40, 46; HF, IV, 16.

151 VM, I, 32, 33; II, 1, 8, 10, 22, 30, 32, 39, 43, 52; III, 6, 12, 59; IV, 3, 8, 9, 25, 43.

152 FM, I, 32, 33; III, 34.

153 Folie et possession ne font, le plus souvent, qu'un aux yeux de Grégoire. VM, I, 26, 38; II, 20, 28, 34, 37, 53; III, 23, 58; IV, 4, 6, 24, 38, 44; HF, IV, 16; VIII, 34; GM, 15.

154 VM, I, 37; II, 1, 12, 51 ; IV, 9, 47.

155 VM, II, 3, 4.

156 FM, III, 14; III, 36; IV, 15.

157 FM, I, 8; II, 57, 58.

158 VM, II, 60.

159 VM, III, 1 ; IV, 2.

160 VM, II, 1; III, 30; IV, 1.

161 VM, II, 18.

162 VM, II, 10.

163 VM, I, 20; II, 11, 26, 46; III, 9, 13, 15; IV, 14, 41. *MVM, IV, 11.

165 VM, III, 18.

166 VM, I, 34.

167 FM, I, 8, 39; II, 3, 24; III, 2, 4, 39, 49; IV, 19, 22, 23, 46.

168 VM, II, 13, 18, 40, 53, 57; III, 3, 29, 31, 32, 38, 45, 55, 56; IV, 45; HF, IV, 16, 21; V, 4.

169 VM, I, 20; II, 22, 23, 28, 35; III, 41; IV, 15, 41.

170 VM, I, 10, 11, 28, 35; II, 36, 39; III, 8, 24, 47, 51; IV, 8, 21; HF, VIII, 15; GC, 9.

171 VM, I, 12; VM, II, 12, 44; VM, III, 10; IV, 6, 13, 29; HF, V, 2; VI, 9; X, 29. Fortu- nat, Vita sanctae Radegundis, 33; carm., X, 17 et 18.

172 VM, I, 12, p. 146: beatum Martium immensum sidus. . . per quem ejus tenebrae refulgeant.

173 Voir chapitres du De Virtutibus s. Martini dont les références sont indiquées supra, n. 168.

174 La reine Ultrogotha (VM, I, 12), le roi Clotaire (HF, IV, 21 et VI, 9); le prince Méro- vée (HF, V, 2); le roi Childebert II par l'entremise d'un envoyé (Fortunat, carm., X, 17 et 18).

175 VM, I, 26; II, 14, 43, 53, 54, 56; III, 2, 6, 39, 49, 59; IV, 17, 18.

176 VM, II, 10; III, 22, 54.

177 VM, I, 8, 19, 27, 32, 37, 39; II, 5, 11, 23, 47; III, 4, 15, 19, 20, 26, 27.

178 Supra, n. 122.

179 Sur ces visites rendues à divers saints dans leurs sanctuaires respectifs, au cours d'une même tournée, infra, p. 570.

180 Un colporteur de fausses reliques à Tours, du temps de Grégoire : HF, IX, 6; déjà la Vita s. Genovefae (48, p. 235) mentionne la présence auprès de la basilique, lors d'une fête de Martin, de negotiatores qui abusent un dévot en lui vendant une ampoule remplie, prétendent-ils mensongèrement, d'une huile sainte (sur ces ampoules de pèlerinage, infra, p. 582). Lors des grandes solennités religieuses, la venue de nombreux pèlerins devait rassembler à Tours, en une véritable foire, toutes sortes de commerçants : Grégoire, qui pour sa propre cité, laisse, sans doute volontairement, dans l'ombre cet aspect déplaisant, signale le phénomène auprès du sanctuaire de Vieux (près d'Albi), où est inhumé le martyr Eugène; lors de la fête du saint, de nombreux marchands viennent s'installer dans l'atrium de l'église (GM, 57). En revanche, Grégoire note à plusieurs reprises la venue à Tours de troupes de mendiants itinérants (supra, n. 142 et 143).

181 En conséquence, afin d'éviter une interminable liste de références, nous nous bornerons à signaler les visites rendues aux loca sancta autres que la basilique Saint-Martin.

182 Candes : VM, I, 22; II, 19, 20, 21, 22, 48; III, 22, 23; IV, 10. Ciran-la-Latte : VM, I, 18; Pagus Nobiliacensis : GC, 7.

183 Pèlerinage à la basilique Saint-Martin jumelé avec une visite à Marmoutier (VM , I,

35; II, 39; GC, 9); avec une visite à Candes (VM, II, 23, 26, 45; Fortunat, Vita s. Radegun- dis, 34) ; avec une visite à l'ecclesia de Tours, (HF, V, 4).

184 Pèlerinage à la basilique Saint-Martin jumelé avec une visite à l'oratoire de l'atrium pour y vénérer les reliques du Baptiste (GM, 1 5) ; avec une visite au tombeau de Solemnis (GC, 21) ou au tombeau de Monegundis (VP, XIX, 4); avec une visite à l'église de Pernay consacrée à s. Nizier (VP, Vili, 10).

185 VM, I, 9, 11 ; II, 3, 4, 5, 7, 10, 11, 14, 15, 24, 29, 32, 38, 41, 43, 44, 47, 49, 50, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60; III, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 10, 11, 12, 39, 46, 48, 54; IV, 1, 2, 3, 4.

186 VM, I, 38, p. 156.

187 VM, I, 7; II, 13, 26. :

188 VM, I, 12, 39; II, 6, 10; III, 39.

189 VM, II, 10, 18, 30, 33, 42; III, 26, 31, 57; IV, 14.

190 Supra, n. 143.

191 Venerai dies festus solemnitatis beatae, in qua catervae populorum multae convene- rant(VM, 11,49, -p. 176).

192 Anniversaire du 11 nov. : VM, II, 31 ; IV, 5 et 41. Anniversaire du 4 juillet : VM, II, 34-37; IV, 4, 38. Festivitas, sans précision : VM, II, 12, 14, 15, 24, 25, 29, 41, 44, 46, 47, 49, 50, 54-56; III, 2-5, 9, 14, 19, 24, 39, 41, 45, 48, 49, 57, 58; IV, 6, 13, 17-20, 22-24, 27, 39, 45, 46; HF, V, 6; X, 29.

193 Semaine pascale : VM, II, 28, 33; HF, V, 2; Fortunat, carm. X, 17 et 18. Noël : VM, II, 25; III, 16. Epiphanie : VM, II, 26; HF, V, 4.

194 VM, II, 1, 13, 30, 45; VM, III, 23.

195 L'attention que Grégoire porte à ces coïncidences peut être notée pour d'autres événements : prodiges, un dimanche en Touraine (HF, VI, 25) ; décès de saints personnages, un jour de fête (Grégoire de Langres, le jour de l'Epiphanie, VP, VII, 3) ou un dimanche (Martin, HF, I, 48; VM, I, 3; Gallus de Clermont, VP, VI, 7; l'ascète Friardus, VP, X, 10...).

196 VM, II, 43; cf. I, 28.

197 Ces durées sont parfois chiffrées par Grégoire. Attente de 3 jours : VM, II, 40, 41, 44, 46, 54; III, 2, 30, 38; IV, 5, 13, 41, 45. 4 jours : VM, II, 22, 55; VM, IV, 41. 6 jours : VM, II, 4, 53. 7 jours : VM, III, 36. 2 mois : VM, I, 25; II, 13. 3 mois : VM, II, 14. 4 mois : VM, II, 57; VM, IV, 44. 6 mois : VM, III, 54. Un an : VM, I, 27; III, 3. 3 ans : VM, I, 7, 8. 4 ans : VM, III, 20. 6 ans : VM, III, 23. 8 ans : VM, IV, 6. Des expressions plus vagues indiquent souvent un long séjour (infra, n. 198).

198 Ces notations concernent parfois des durées brèves (paucis diebus, VM, H, 48 ; III, 35; IV, 34; per paucum îempus, VM, III, 31; per dies aliquot, VM, IV, 14); mais le plus souvent il s'agit sans aucun doute de périodes d'attente très longues (longo tempore, VM, I, 12; II, 3; per longum tempus, VM, II, 53; multo tempore, VM, III, 19; diutius, VM, I, 26; per multos dies ou diebus multis, VM, I, 40; II, 6, 9, 26, 30, 58; III, 26).

199 Insistere (VM, I, 19; II, 22; III, 21); perdurare (VM, II, 13; III, 27; GC, 25). . .

200 FM, II, 31, 34,42. ζ«*1 VM, II, 44; III, 9, 57.

202 Trois jours après: VM, II, 35, 46, 54; III, 2, 14, 39, 40, 58; IV, 5, 13, 45; quatre jours après : VM, II, 55; IV, 41.

203 per triduum : VM, II, 40; III, 9, 30; IV, 41 ; Grégoire parle également d'une tridua- na prostratio (VM, II, 44) ou oratio (VM, II, 46). Quatriduum : GC, 25.

204 Selon une définition que Grégoire formule à propos du Christ et des Lieux Saints de Palestine, mais qui peut s'appliquer aussi à Martin et à Tours : fides reteneat, omne quod sacrosanctum corpus attigit esse sacratum (GM, 6, p. 42).

205 L'oratoire de Ciran-la-Latte, VM, I, 18.

206 Dans le Pagus Nobiliacensis, GC, 7. wVM, II, 39; GC, 10.

208 Une patena colore sapphirino, donnée, dit-on, par l'empereur Maxime à Martin et qui est en la possession de Grégoire; une autre metallocristallina qui se trouve à Candes (VM, IV, 10, p. 202).

209 VM, II, 39, p. 173: loca... qua vir beatus aut orando depresserat out psallendo sanctificaverat, ubi vel fesso corpori somnum vel inaedia deficienti cibum praebuerat; cf. VM, I, 35.

210 VM, II, 19, 45; III, 22.

211 C'est ce qui inspire à Leobardus la résolution de se rendre au tombeau de Martin : «Expetam Martini beati tumulum, unde procedit virtus alma super infirmos» (VP, XX, 2, p. 292).

212 VM, IV, 25.

213 FM, II, 50; III, 1; IV, 1, 2. 2l*VM, II, 10, 54; IV, 43.

215 VM, IV, 2.

216 Lampes à huile : VM, II, 51 ; III, 18, 24; IV, 36; cierges : VM, I, 34; II, 2; IV, 36.

217 VM, I, 13.

218 VM, II, 51; III, 34. 219HF,V, 14.

220 VM, I, 11.

221 V,M, Π, 32.

222 VM, II, 19.

223 VM, III, 22.

224 VM, II, 45.

225 VM, II, 38.

226 VM, II, 43.

227 VM, II, 10, 49.

228 VM, IV, 2.

229 VM, II, 10.

230 VM, II, 50, 54.

231 VM, III, 1 ; IV, 2.

232 VM, IV, 43.

233 YM, IV, 1. À noter que Grégoire utilisait aussi pour guérir des malades des fils arrachés à une pièce d'étoffe ayant servi à envelopper la croix et déposée dans son oratoire (GM, 5).

234 FM, II, 2; IV, 36.

235 GC, 10.

237 VM, IV, 21.

238 VM, II, 39.

239 VM, II, 51 ; III, 34. Le rôle de l'eau comme élément conducteur d'une virtus surnaturelle apparaît aussi dans une autre pratique à laquelle recourt Grégoire : il a, dit-il, souvent guéri des fiévreux en leur faisant boire de l'eau dans laquelle il avait fait tremper une pièce d'étoffe ayant enveloppé la vraie croix (GM, 5).

240 VM, IV, 10.

241 Sulpice Sévère, Vita M., 16, 7; Dial. Ill, 2. Sur l'usage médical que fait Martin de l'huile en ces circonstances, supra, p. 60 sq.

242 Paulin de Périgueux, Vita s. Martini, VI, v. 175-184. 2« VP, XIX, 4 et VP, XV, 3.

244 Paulin de Périgueux, Vita s. Martini, V, v. 101-145 et VI, v. 294-319.

245 VM, IV, 36.

246 FM, II, 51; III, 18.

248 VM, II, 2.

249 VM, IV, 25.

250 Paulin de Périgueux, Vita s. Martini, VI, v. 303-308, p. 151.

251 VM, II, 2; III, 12; IV, 43.

252 VM, I, 37; II, 12; II, 51, 52; III, 52, 59; IV, 9, 47.

253 VM, I, 28.

254 VM, 1, 34.

255 VM, 1, 35.

256 VM, I, 11.

257 GM, 27. Sur l'existence d'une telle pratique, scepticisme de H. Delehaye, art. supra cit., dans Analecta Bollandiana, XLIII, p. 312.

258 Sulpice Sévère, Dial. Ill, 3.

260 R. Ranjard, Sur les pas de Saint Martin, Tours, 1934, p. 64. Cette ampoule fut utilisée en 1 594 à Chartres pour le sacre de Henri IV qui, n'étant pas encore maître de tout le royaume, ne pouvait disposer de celle de Reims (A. Stegman, Le tombeau de Saint Martin et les guerres de religion, dans Mémorial de l'année martinienne, Paris, 1962, p. 101-115, surtout p. 111). L'ampoule de Marmoutier est décrite un siècle plus tôt par l'humaniste allemand Jérôme Munzer, venu en pèlerinage à Tours en 1495, comme un «vase carré, de couleur rougeâtre, sans orifice, ni trou. . . ». « Ce vase, ajoute-t-il, est d'une matière qui n'est ni du métal, ni du verre, ni de la pierre : on ne sait de quoi il est formé » (texte traduit et cité par P. Gasnault, Le pèlerinage de Jérôme Munzer à Saint-Martin de Tours et à Marmoutier en 1495, dans BSAT, XXXVIII, 1976, p. 197-204). Au début du XVIIP s., E. Martène écrit au contraire que cette ampoule est de verre ou de cristal de roche (Histoire de l'abbaye de Marmoutier, publiée par C. Chevalier, dans MSAT, XXIV-XXV, 1874/5, p. 587). Elle a disparu au cours de la Révolution. Voir les témoignages rassemblés par P. Gasnault, La sainte ampoule de Marmoutier, dans Analecta Bollandiana, C, 1982, p. 243-257.

261 Paulin de Périgueux, Vita s. Martini, V, v. 101-145.

262 Vie des Pères du Jura, 163-164, p. 414. Le biographe atteste que de son temps: quae etiam ampullula cum oleo ipso ad virtutum testimonium hodie usque in eodem monasterio reservatur {ibid.). Cl. du Saix, moine de Condat, signale en 1570, dans son Histoire de la vénérable abbaïe et couvent de Sainct Ouyan de Joux et de Sainct Claude, la présence de l'ampoule du monastère; au siècle suivant, le P. Chifflet (Illustrationes juren- ses, f. 114) note que celle-ci fut détruite accidentellement par la maladresse d'un frère (témoignages rassemblés par F. Martine, dans l'éd. de la Vie des Pères du Jura, op. cit., p. 63-64 et 415).

263 VM, II, 32.

2" VM, II, 51; III, 18.

266 VM, II, 24.

267 HF, VIII, 15. Moins répandue est la pratique qui consiste à ramener du pèlerinage des ampoules d'eau «sainte» {VM, II, 39 : celle qu'Aredius a remplie avec de l'eau puisée au puits de Marmoutier; cf. à Brioude, VJ, 41).

268 H. Leclercq, art. Ampoules à eulogies, dans DACL, I, 1924, col. 1722-1747; et du même, art. Monza, XI, 1933, col. 2749-2783; A. Grabar, Les ampoules de Terre Sainte (Monza, Bobbio), Paris, 1958. À noter que Paulin de Périgueux est un des premiers, après Jean Chrysostome {Homélies, II, 669), Théodoret de Cyr (Historia religiosa, XXI) et avant Antonin de Plaisance (Itinerarium, 129-Γ53), à décrire cette coutume.

269 À Ravenne, selon un témoignage de Fortunat recueilli par Grégoire, VM, I, 15.

270 HF, IX, 6 : un imposteur arrive d'Espagne à Tours porteur d'ampoules d'huile sainte.

271 L'huile des lampes allumées au-dessus du sépulcre de s. Marcellin à Embrun (GC, 68) et à Die, sur celui de s. Marcel (GC, 69).

272 Lecoy de la Marche, Saint Martin de Tours, Tours, Ie éd. 1881 (2e éd. 1890) p. 454- 458, avec reproduction p. 457; Ed. Garnier, Histoire de la céramique, Tours, 1882, p. 144- 146, fig. 70, p. 143. Ce petit vase, d'une douzaine de centimètres de hauteur, pourrait être daté du Ve siècle, selon Lecoy de la Marche ou du siècle suivant, selon Ed. Le Blant, consulté par ce dernier (Lecoy de la Marche, op. cit., p. 458 et n. 3).

273 Nous corrigeons, pour le premier mot, la lecture certainement erronée proposée par Lecoy de la Marche : DIVI. Au lieu de cette épithète qui n'a pas sa place dans une inscription chrétienne, il faut sans aucun doute restituer l'abréviation de domini : d(om)ni, un qualificatif très souvent appliqué à Martin; l'érudit poitevin, peu familier d'épigraphie, a pris pour un I et un V ce qui était un Ν (dont la première haste était peut-être mal rattachée au reste de la lettre).

274 Les inscriptions en langue grecque qui figurent sur les ampoules de Terre Sainte indiquent le contenu du flacon («huile bénie»), sa provenance («huile du bois de vie des saints lieux du Christ») et la fonction religieuse de l'objet, «eulogie» (A. Grabar, op. cit. p. 13 et 63-65).

275 Infra, p. 589.

276 Vie des Pères du Jura, 163, p. 414 : Ecce Antidiolus sanctus presbyter prospicit ampullam cum oleo beati Martini, quae salutis gratia ad lectuli sui capitium dependebat, plenam clausamque; VM, II, 32, p. 171 : nom cum in antedicti diaconis hospitiolo de parie- te penderei, . . . percussa atque in frustris decidit comminuta . . .

277 VM, III, 43, p. 193 : Extractum pulverem, quod de sepulchro sancii abstuleram cap- sella, delutum aqua, ipsis haurire praecipio (cf. VM, III, 60 ; IV, 28 et 37).

278 VM, IV, 32, p. 208 : Me de pulvere beati sepulchri secum habens, elevatum chrysma- rium contra ignem. . . sic domus eclesiae liberata est; VM, IV, 33, ibid. : de hoc pulvere deluto porrexit infirmo, protinus fugata febre, puer convaluit de labore.

279 HF, Vili, 15, p. 381.

280 VM, I, 26; IV, 36 (cf., VJ, 46 a).

281 J. Schlick, art. supra cit., p. 278-286.

282 H. Delehaye, art. supra cit., p. 311-324.

283 VM, I, Praef., p. 135.

284 Les différents sens revêtus par ce terme dans les Itinéraires de Terre Sainte ont été étudiés par G. F. M. Vermeer, Observations sur le vocabulaire du pèlerinage chez Egèrie et chez Antonin de Plaisance, dans Latinitas christianorum prima aeva, 19, Nimègue, 1965, p. 67-68 et 69-86.

285 Déjà Sulpice Sévère emploie le terme ; commentant le fait que l'ampoule d'huile bénie par Martin et rapportée de Tours par Sulpice ne se soit pas brisée en tombant, Gallus affirme : cunctis metu exterritis benedictionem Dei perisse, ampulla perinde incolu- mis est reperta . . . Quae res non potius ad casum quam ad Martini est referenda virtutem, cujus benedictio perire non potuit. {Dial., Ill, 3, 5-6, p. 201). Chez Grégoire, nombreux emplois de ce terme pour désigner l'huile ou la poussière du tombeau : VM, I, 11, p. 145 : «Si invenimus gratiam coram expetito patrono, quae posuimus plus in sequenti pensabunt, eruntque nobis in benedictione quaesita per fidem·»; VM, I, 34, p. 154 : Nos vero reverten- tes très cereolos pro benedictione beati sepulchri portavimus; VM, III, 24, p. 188: Regre- diens vero ampullam parvulam de oleo sancii sepulchri complétant secum detulit, dicens : «Forsitan infirmus aliquis in via adest, qui a beati Martini aede benedictionem corde con- punctus accipere desideret»; VM, III, 34, p. 190 : Multi enim de basilica sancta benedictionem petentes, opem merebantur. . . . Uxor igitur Eborini comitis, cum ab hac lue detenere- tur, . . . cum jam in discrimine mortis haberetur, sancti sepulchri benedictionem expetiit. Tune transmissum est ei de aqua, qua beatum tumulum in pascha Domini est ablutum; VM, III, 60, p. 197: duos ex pueris nostris valitudinaria febris invaserai. . .; sed ab hac benedictione potati, sanati sunt; VM, IV, 21, p. 205 : Alia in eo loco mulier, quae diu a frigoris aegrotabat, aeeepto ab hac benedictione modico, ut sumpsit, sanata est; HF, VIII, 15, p. 381 : Me parumper pulveris beati sepulchri pro benedictione sustulit. Cf., VP, 4, p. 289-290 (huile bénie par Monegundis avant sa mort, à la demande des moniales) : «Venturi sunt multi infirmi ad nos, flagitantes benedictionem a te accipere; et quid facie- mus, cum te non viderint esse superstitem ? . . . Rogamus enim, ut, quia haec ab oculis nos- tris absconditur, ut saltim digneris oleum salemque benedicere, de quo possemus aegrotis bendictionem flagitantibus ministrare»; VJ, 41, p. 130 (Aredius en pèlerinage au tombeau de Julien à Brioude) : «Quando. . . primum beati Juliani adivi basilicam, parumper cerae a sepulcro sustuli. Inde veniens ad fontem, in quo beati sanguis effusus est, abluta aquis facie, parvam ab his pro benedictione conpievi ampullam. . .»; GM, 5, p. 42 (à propos de la pièce d'étoffe ayant servi à envelopper la vraie croix que Grégoire conserve dans son oratoire) : Scindebam etiam exinde plerumque particulas et dabam religtosis pro benedictione. On rapprochera la formule pro benedictione employée cinq fois par Grégoire de celle figurant sur le vase de Saint-Martin-de-Fraigneau ; de même le terme balsamum, désignant dans l'inscription l'huile remplissant ce dernier récipient, est utilisé par l'historien pour le contenu d'une ampoule d'eau puisée à la fontaine dans laquelle avait coulé le sang de Julien: au témoignage d'Aredius, l'eau in balsamo commutata est (VJ, 41, p. 130).

286 Le Blant 170-173; voir supra, p. 387; et Append. VI.

287 VM, II, 56, p. 178.

288 VM, I, 12; II, 13, 14, 30, 47; III, 19. .. Après la messe, le pèlerin communie (VM, II, 13).

289 VM, II, 23, 31, 34, 42, 51; III, 3, 16.

290 VM, II, 18, p. 165 : sanctam ejus adivìt basilicam, ut sibi praesentia cunctis suffragio subvenirent.

291 Dans l'épisode relaté au chapitre VM, II, 25 (p. 167-168), Grégoire évoque bien les sentiments variés, crainte, espoir, puis joie, par lesquels passait l'assistance.

292 VM, II, 13; III, 6, 27; GC, 25. 2«FM, III, 46; GM, 16.

294 VM, I, 19; II, 22; III, 21.

295 VM, III, 7, 19; IV, 14. L'insistance dans la prière est également souvent marquée par des adverbes comme assidue, attente, attentius ou par des adjectifs (crebis orationibus).

296 VM, I, 18; II, 11; GM, 16.

297 VM, I, 7; II, 25, 28, 54; III, 15, 31, 38, 39, 48, 57; IV, 1, 4; GC, 25.

298 Grégoire donne quelques exemples de ces prières où les suppliants s'adressent avec familiarité et confiance à Martin (VM, II, 4, 25, 26; III, 8, 21, 23, 39).

299 VM, II, 21, p. 166. 3°° VM, II, 3, p. 160.

*» VM, III, 1, 38; HF, IV, 21.

302 FM, 1, 7; II, 6, 7, 19, 21, 28, 49; III, 1, 26, 39, 57.

303 VM, III, 2, 9, 11, 15, 22, 25, 26, 32, 48, 56, 57; IV, 1, 11, 18, 25, 41, 46; cf. VJ, 50. 3<>4 VM, I, 20, 25; II, 5, 15, 41, 47; III, 20; IV, 34.

305 VM, II, 33.

306 À plusieurs reprises, un songe incite des fidèles à se rendre à Tours sur la tombe de Martin (VM, II, 31, 40, 41; IV, 17, 20). Dans deux cas seulement, des pèlerins s'endorment, alors qu'ils veillent au saint lieu, et il sont visités en songe par Martin (VM, II, 4; VJ, 47). De ces deux derniers récits, on ne peut conclure, comme le soutenait C. A. Bernoulli (Die Heiligen der Merowinger, Tübingen, 1900, p. 296-8) que l'on pratiquait l'incubation à Saint-Martin de Tours. Comme le remarque justement H. Delehaye (art. supra cit., p. 311-324), l'incubation ne consiste pas à s'endormir dans le temple, ni même à y avoir un rêve. «Il y a incubation lorsque l'on se rend l'église pour dormir et recevoir durant ce sommeil une communication du patron du lieu». Aucun des faits relatés par Grégoire ne correspond à cette définition.

307 FM, I, 7; 11,25, 54; III, 16.

308 Supra, p. 565. Sur le pèlerinage comme pénitence, C. Vogel, La discipline péniten- tielle en Gaule des origines à la fin du VIIe s., Paris, 1952.

3°9 VM, II, 56, p. 178. Cf. VM, II, 28, 40; III, 56; IV, 16. 310 VM, I, 12, p. 146.

"ι VM, I, 11, 12, 22, 33, 37; II, 19, 22, 23, 31, 33, 34, 48, 53; III, 3, 46; IV, 3; HF, IV, 16; VI, 9; VJ, 36; GC, 21 et 25.

312 VM, I, 18; II, 11; GM, 15.

313 VM, I, 12, 19, 26, 27; II, 5, 13, 18, 22, 23, 26, 53, 58; III, 6, 7, 19, 30, 36; IV, 44; HF, V, 6.

314 Jejuniis crebris (VM, I, 19); jejuniis assiduis (VM, 1, 27); in jejuniis perdurare (VM, II, 13; III, 6); diu abstentum (VM, II, 18); per dies multos jejunans (VM, II, 58).

315 VM, I, 26, p. 151.

316 y\i> ivf 44> ρ 210 : abstenens se a cibo carnium ac vino.

317 VM, II, 53.

318 Infra, p. 597.

319 VM, I, 7, 11, 12, 25; II, 22, 23; III, 2, 15; IV, 11, 15, 40; HF, IV, 16; VJ, 38.

320 VM, I, 11, 12, 25; HF, IV, 16.

321 FM, III, 15; FM, IV, 11.

322 FM, IV, 15.

323 VM, I, 40; II, 4; III, 47; IV, 5.

324 VM, II, 22, 23; III, 2; IV, 40; VJ, 38.

325 VM, I, 7.

326 VM, II, 56, p. 178.

327 VM, II, 53.

328 VM, III, 3.

329 VM, I, 8, p. 143 : Quae multos in posterum vivens annos, gratias omnipotenti Deo referebat assiduae, quod earn per beatum confessorem suum sic instaurasset incolomem. (Cf. VM, I, 19, 25).

330 À noter cependant que les esclaves miraculés reprennent rarement leur service auprès de leur maître ; aux yeux de leur entourage, sinon à leurs propres yeux, le miracle dont ils ont bénéficié leur confère une sorte de caractère sacré — ils sont devenus les hommes de Martin — incompatible avec la servitude. Ils sont souvent affranchis par leur maître ou rachetés soit par l'Église, soit par un dévot (VM, I, 22, 40; II, 4, 30, 57, 59; III, 41, 46; IV, 5) et certains entrent dans les ordres ou se retirent dans un monastère (infra, p. 648).

331 Ainsi cette femme guérie au tombeau de Martin et qui oublie bientôt son vœu de se rendre une semaine par mois à la basilique (VM, III, 56).

332 FM, I, 40; II, 43.

333 VM, 1,11.

334 FM, III, 15, p. 186.

335 VM, II, 22, 23; III, 56; IV, 15.

336 VM, I, 7, 23, 26; II, 4, 6, 9, 13, 15, 18, 26, 33, 53; III, 15, 19, 22, 28; HF, VIII, 15. Cf. GC, 22.

337 VM, II, 13, p. 163 : corporales oculos ad contemplando, terrena prius aperuit, nunc cordis oculos, ne ea concupiscat, inluminavit.

1 HF, X, 31, 2, p. 527. Pour tous les problèmes relatifs à la propriété ecclésiastique, E. L*esne, Histoire de la propriété ecclésiastique en France, I, Époques romaine et mérovingienne, Lille-Paris, 1910; C. De Clercq, La législation religieuse franque de Clovis à Charlemagne, Louvain-Paris, 1936; J. Gaudemet, L'Église dans l'Empire romain, Paris, 1958, surtout p. 288-315.

2 Sulpice Sévère, Dial, II, 5, 10, p. 187.

3 Dial, II, 12, 6, p. 194.

4 Dial, II, 5; supra, p. 72.

5 Dial, III, 14, 3-6.

6 Dial, II, 12, 6, p. 194.

7 Dial., Ill, 14, 6, p. 212 : Et cum ei suggereretur a fratribus, ut aliquid ex eo in sump- tum monasterii reservaret, omnibus in angusto esse victum, multis deesse vestitum : nos, inquit, ecclesia et pascat et vestiat, dum nihil nostris usibus quaesisse videamur. Dans la version poétique qu'il donne de l'œuvre de Sulpice Sévère, Paulin de Périgueux insiste sur cette générosité totale de Martin qui donne tout aux pauvres, sans rien réserver pour l'avenir (Vita Martini, I, v. 61, à propos de la charité d'Amiens; IV, v. 55-70, à propos de celle de Tours).

8 Supra cit., n. 7.

9 Vita M., 10, 6.

10 Vita M., 21, 3.

11 Dial., Ill, 10, 1-4.

12 Dial., Ill, 15, 2.

13 Supra, p. 131 sq. et, p. 182 sq.

14 Conc. Agathense, ann. 506, can. 33, CG, I, p. 207.

15 HF, Χ, 31, 6, p. 529-531.

16 HF, X, 31, 8, p. 531.

17 HF, X, 31, 11, p. 532.

18 HF, X, 31, 12, p. 532.

19 HF, X, 31, 14, p. 532.

20 HF, X, 31, 16, p. 533.

21 HF, VI, 13.

22 HF, II, 37-38; Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 5; pour le détail des largesses royales, ici simplement récapitulées, supra, chap. Ill, p. 196 et 212 et IV, p. 314 sq.

23 HF, III, 18; IV, 1; X, 31, 11.

24 HF, III, 10.

25 VM, I, 12.

26 HF, IV, 2; IV, 20; X, 31, 18.

27 Fortunat, Vita s. Radegundis, 33-34, p. 42 : Hinc felici navigio Turonis adpulsa, quae suppléât eloquentia, quantum officiosam quantumque se monstravit munificam? Quid egerit circa sancii Martini atria, templa, basilicam . . ., ubi missa revocata vestibus et ornamento quo se clariori cultu solebat ferre palano sacro conponit altari. Hinc cum in vicum Condate, quo gloriosus vir Martinus et Christi satis intimus senator migravit de sae- culo, ancilla domini pervenisset, dedit non inferiora domini crescens in gratia. Par la suite, la reine, installée à Poitiers, fit parvenir, au témoignage de la moniale Baudonivia (Vita s. Radegundis, II, 4, p. 381), d'autres dons au reclus Jean, à Chinon.

28 Supra, p. 229 sq.

29 Sur cette question, supra, p. 200, 222 et p. 316 sq.

30 HF, IV, 48, p. 184 : Sed recurramus ad illud quod parentes eorum egerunt et isti perpétrant. Itti post praedicationem sacerdotum de fanis ad ecclesias sunt conversi; isti cotidie de ecclesiis praedas detrahunt. . . Uli monasteria et ecclesias ditaverunt ; isti eas diruunt ac subvertunt. Cf., HF, V, Praef.

31 HF, IV, 16.

32 HF, IX, 26.

33 HF, V, 34, p. 241.

Ì4HF, VII, 7, p. 330. En 588, Gontran, pour remercier Grégoire de ses bons offices diplomatiques, le comble de cadeaux, probablement destinés à son Église (HF, IX, 20, p. 441).

i5HF,X, 11, p. 495.

36 Fortunat, Carm., X, 17 et 18.

37 Sur cette peinture et sa légende, supra, p. 388 et Append. VI.

38 Cone. Aurelianense, ann. 511, can. 14 et 15 {infra, p. 623 sq.). À ces oblations régulièrement apportées s'ajoutent plus occasionnellement des dons et des legs faits par des fidèles : ainsi, à la suite d'un vœu, un certain Dado offre à l'église de son village, Le- Petit-Pressigny, deux calices d'argent {VP, Vili, 11).

39 Epistula episcoporum provinciae Turonensis ad plebem, CG, II, p. 197-199. Sur l'institution de la dîme, L. Vischer, Die Zehntforderung in der Altenkirche, dans Zeitschrift für Kirchengeschichte, LXX, 1959, p. 201-217.

40 Sur la date de la lettre et les circonstances dans lesquelles elle fut rédigée, supra, p. 235 sq.

41 HF, VI, 6, p. 272.

42 VM, III, 33, p. 190; dans ce cas, il est vrai, le versement de la dîme présente un caractère exceptionnel; il ne semble pas que les suppliants s'engagent à renouveler leur geste chaque année.

43 Conc. Matisconense, ann. 585, can. 5, CG, II, p. 241. Mais ce canon n'est pas reproduit par les conciles ultérieurs (E. Lesne, La propriété ecclésiastique, I, p. 186-190).

44 C'est la définition qu'en donne Grégoire (HF, VI, 6, p. 272); cf. can. 5 du concile de Mâcon, supra cit., n. 43.

45 VM, III, 2. Sur les pratiques charitables des pèlerins, supra, p. 594 sq.

46 HF, IV, 16.

47 VM, I, 25.

«VAi.I, 31; cf. VM, IV, 40.

49 VM, I, 11 ; sur cet épisode, supra, p. 581.

51 Testament de l'évêque Bertrand du Mans, dans Actus Pontificum Cenomannis in urbe degentiutn, éd. G. Busson et A. Ledru, Le Mans, 1901, p. 137.

52 VM, IV, 15; au bout de «2 ou 3 ans», la récolte destinée à Saint-Martin représentait plus de 200 livres de cire.

53 VM, II, 22 et 23.

54 FM, III, 15.

55 HF, X, 12. '« VM, IV, 11.

57 VM, I, 30.

58 Cette villa, qui appartenait aux ancêtres de l'évêque Bertrand du Mans, avait été malhonnêtement ravie à la mère du prélat par un certain Aunulfus, fils de Maurilio, qui, par la suite, en fit trois parts, léguées respectivement aux Églises de Bordeaux, de Tours et à son frère Arnulfus (Testament de l'évêque Bertrand, éd. supra cit., p. 121). La portion acquise par l'Église de Tours fut ensuite, à la prière de Bertrand, revendue à ce dernier par Agericus, le troisième successeur de Grégoire {ibid., p. 122).

59 HF, X, 29, p. 524 : Cumque ad cellulam suam accessisset, testamento condito, ordi- natis omnibus ac sancto Martino Hilarioque antistitibus institutis, aegrotare coepit ac desentiriae morbo gravarì. . . Moxque beatus vir spiritum tradidit. (ann. 591). Un testament d'Aredius, dont le texte nous a été conservé (J. -M. Pardessus, Diplomata, chartae, episto- lae. . ., I, Paris, 1843, p. 136), se présente comme un acte rédigé 18 ans avant la mort de l'abbé et donc comme antérieur à celui par lequel, au témoignage de Grégoire, Aredius disposa de ses biens avant de mourir. Ce document signé des noms d'Aredius et de sa mère Pélagie et qui fait de saint Martin leur seul héritier, sans mentionner saint Hilaire, est de l'avis, de B. Krusch (MGH, srm, I, p. 524, n. 4) peu digne de foi.

60 Flodoard, Historia Remensis Ecclesiae, II, 4, éd. Heller et Waitz, MGH, Script., XIII, 1881, p. 451 : Multis siquidem excellebat patrimoniis, maximeque transligerim et in pago Pictavensi . . . Quaedam preterea donaria testamento attribuii ecclesiis tarn Remensiis epi- scopii quam Suessonici, sed et Turonici aliorumque quorumdam.

61 Supra, p. 507 sq.

62 L'expression est de Grégoire qui dépeint l'abbé Maxime, habens ad collum cum evangeliorum libro ministerium cotidianum, id est patenuîam parvam cum calice. (GC, 22, p. 311).

63 Paulin de Périgueux, De vita s. Martini, VI, v. 226-229, p. 147-148.

64 HF, VI, p. 280.

65 VM, IV, 10, p. 202.

66 HF, X, 31, 19. Elle avait été longtemps entreposée à la basilique Saint-Martin avant d'être restituée par Grégoire à l'ecclesia (supra, p. 491).

67 HF, V, 49, p. 260.

68 VM, IV, 10.

69 VP, VIII, 11.

71 HF, IV, 48. "HF,X, 31, 16.

73 Un précieux élément de référence serait le prix des produits alimentaires courants. Malheureusement Grégoire ne cite que les prix exhorbitants atteints par ces denrées lors d'une grande disette, en 585 : en cette circonstance, un modius (8,80 1.) de blé est vendu un triens et un demi-modius de vin le même prix, (HF, VII, 45).

74 HF, III, 15.

75 HF, VIII, 20.

76 HF, I, 31.

77 HF, IV, 35.

78 HF, X, 19.

79 HF, III, 34.

*°HF, IX, 16; V, 38; VI, 42.

81 HF, V, 49.

82 HF, VII, 47, p. 368; sur cette affaire, supra, p. 312 sq.

83Pactus legis Salicae, XLI, 1, éd. MGH, Legum sectio I, t. IV, 1, p. 154-156; M. Rou- CHE, Francs et Gallo-Romains, art. cit., p. 163. **HF,X, 19, p. 433.

85 HF, VII, 22, p. 340.

86 HF, V, 4, p. 199.

87 VM, I, 9, p. 143.

88 HF, VII, 29, p. 348.

89 Fartunat, Carm., VIII, 19 et 20, p. 199 et 200.

90 GC, 8, p. 303.

91 A. Longnon, Géographie de la Gaule, p. 279 ; M. Vieillard-Troiekouroff, Les monuments religieux de la Gaule, n° 154, p. 165. Une villa découverte au cours des fouilles du XIXe siècle sur la commune des Fondettes a livré de nombreux éléments de mosaïques et de décoration sculptée (J. Boussard, Carte archéologique, n° 134, p. 105-110).

92 Carm. X, 11, p. 245-246.

93 VM, IV, 42, p. 210. Identification avec Thomeau, proche d'Amboise, proposée par A. Longnon, op. cit., p. 294.

94 VM, IV, 25.

95 HF, V, 5. Sur cette affaire, supra, p. 280 sq.

96 VM, I, 30; le titre donné au chapitre dans la table des matières (p. 135), De Eusto- chio Pictavinsi, laisse supposer que Baudulfus, comme son parent Eustochius qui revendiquait son héritage, était un Poitevin.

97 Supra, n. 60. Flodoard précise en effet que Romulfus possédait de nombreux domaines outre-Loire, notamment en Poitou.

98 Supra, n. 58.

99 Sur l'identification de l'évêque tourangeau Volusianus avec le Volusianus, ami de Sidoine Apollinaire, qui possède des terres dans le Bessin (Epist., IV, 18, 2) et dont le fils serait encore richement possessionné dans cette région selon la Vita Vigoris, supra, p. 134 et n. 138. D'autre part, de l'évêque Licinius, Grégoire écrit : in possessione sua monaste- rium collocavit infra terminum Andecavum (HF, X, 31, 9, p. 531).

100 VPi XVIII, 2.

101 HF, VIII, 40. l02HF,X, 12.

103 VM, I, 29, p. 152; pour l'identification, A. Longnon, op. cit. p. 280-281. 104#F, V, 14, p. 211.

105 P. Gasnault, Documents comptables de Saint-Martin de Tours à l'époque mérovingienne, Paris, 1975 : Document VI, p. 40. Le toponyme n'a pu être identifié.

106 VM, III, 15.

107 HF, V, 14, p. 213; VII, 21, p. 340; VII, 22, p. 343.

108 VM, IV, 11.

109 VM, IV, 12, p. 202 : II s'agit de Ternay, Loir-et-Cher, arr. de Vendôme, canton de Montoire (A. Longnon, op. cit. p. 298).

110 VM, III, 9, p. 184-185.

U1HF, VII, 42, p. 364. Cette domus pourrait être identifiée avec le monastère de Saint-Martin de Brives (GC, 79), près de Bourges (M. de Laugardière, L'Église de Bourges avant Charlemagne, Paris-Bourges, 1951, p. 92-93; cf. M. Vieillard-Troïekouroff, Les monuments religieux, n° 46, p. 62-63).

112 VM, II, 33, p. 190. Il s'agit de Marsas, Gironde, arr. de Blaye, cant, de Saint-Savin (A. Longnon, op. cit., p. 547).

113 P. Gasnault, Documents financiers de Saint-Martin de Tours à l'époque mérovingienne dans Journal des Savants, 1970, p. 82-93 et Documents comptables, op. cit., p. 16 et p. 27-80.

n*GC, 22, p. 312.

115 VM, II, 30; VM, III, 28. À ces esclaves ruraux, il faut ajouter les esclaves domestiques, beaucoup moins nombreux : quelques-uns sans doute sont attachés au service de l'évêque dans la domus ecclesiae, encore que les termes employés par Grégoire, cubicularii (HF, lì, 1) ou pueri (VM, III, 12, 43, 60; VM, IV, 47) n'indiquent pas s'il s'agit d'hommes libres ou non; d'autres sont employés au service de prêtres (VM, II, 4 et IV, 25) ou à celui d'un monastère (VP, XVI, 4).

116 HF, VII, 42.

117 HF, V, 4, p. 199; VII, 22, p. 340; VP, XVIII, 2.

118 HF, V, 49, p. 262; VII, 22, p. 340; Vili, 40, p. 407. Cf. HF, IX, 5 et 18. 119 HF, VII, 21, p. 340 (jumenta); VM, I, 29 et III, 33 (chevaux). Cf. Sulpice Sévère, Vita M., 21; Dial, II, 10.

120 HF, VII, 22, p. 340. Cf., Sulpice Sévère, Dial, II, 10.

121 VM, IV, 15 (ruches); HF, IX, 5 et X, 30 (vergers). On note que les redevances exigées des tenanciers de Saint-Martin dans la deuxième moitié du VIIe s. consistent princi-

paiement en céréales diverses (froment, seigle, orge, avoine), en bois et, semble-t-il, en miel (P. Gasnault, Documents comptables, p. 14).

122 Epistolae Karolini Aevi, II, Berlin, 1895, p. 302. Les documents comptables de Saint-Martin présentent, pour la deuxième moitié du VIIe siècle, un peu plus de 900 tenanciers (P. Gasnault, op. cit., p. 16).

123 Par un testament rédigé en 634, le diacre Adalgisèle-Grimo lègue un quart de villa Fatiliago (Grand-Failly et Petit-Failly, cant, de Longuyon, arr. de Briey, Meurthe-et-Moselle) — ou le montant des sa vente — à la matricule de Saint-Martin (W. Levison, Aus rheinischer und fränkischer Frühzeit, Düsseldorf, 1948, p. 118-138, surtout p. 131-132). Toujours pour l'époque mérovingienne, on a conservé un acte de vente en date du 8 juin 733, par lequel Saint-Martin acquiert un domaine situé dans le Brisgau (Gallia christiana, t. XIV, Paris, 1856, Instr., vol. 6, n° 4; K. H. Debur, Studien zur merowingischen Urkunden und Briefen, dans Archiv für Diplomatik, XIV, 1968, p. 31-44 et 132-135).

124 Sulpice Sévère, Dial, III, 14.

125 Cone. Agathense, ann. 506, can. 4, CG, I, p. 194; J. Gaudemet, L'Église dans l'Empire romain, p. 299-305.

126Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 14 et 15, CG, II, p. 9.

127 Conc. Aurelianense, ann. 538, can. 5, CG, II, p. 116.

128 Conc. Carpentoratense, ann. 527, CG, II, p. 48.

129 Conc. Aurelianense, ann. 541, can. 33, CG, II, p. 140.

130 Conc. Aurelianense, ann. 549, can. 13, CG, II, p. 152. Cette disposition n'exclut pas que l'évêque conserve la potestas suprême sur l'ensemble des biens de son Église, comme le note Grégoire à propos de Silvestre de Langres (accepta omni potestate de rebus ecclesiae, HF, V, 5, p. 201 ; infra, p. 625 sq.).

131 HF, V, 49, p. 260 et p. 262; VII, 22 p. 343.

132 HF, V, 14, p. 213; VII, 21, p. 340; VII, 22, p. 343; VII, 42, p. 364.

»» HF, IX, 26.

134 VM, I, 29, p. 152.

135 HF, VII, 22, p. 343. '« FM, IV, 11.

137 YMt ij 20, p. 149 : Ammonius quidam agens sanctae basilicae; HF, VII, 42, p. 364. Le testament du diacre Adalgisèle-Grimo (634, supra, n. 123) mentionne aussi les adores basilici domni Martini Turonis.

vil, 42, p. 364 : agens domus illius.

139 Cone. Agathense, ann. 506, can. 26, CG, I, p. 204-205.

140 Cone. Aurelianense, ann. 541, can. 14, CG, II, p. 135.

141 Cone. Parisiense, ann. 556-573, can. 1, CG, II, p. 206.

142 VM, I, 30.

143 Ainsi Bodilo, unus de notariis nostris (VM, IV, 10, p. 202).

144 HF, IX, 26, p. 445 : Quae, credo, per providentiam Dei commonita ad me usque nuntios dirigens, ut in his, quae de voluntate sua, id est pro animae remedium, cogitabat,

adjutur exsisterem, — sic tarnen, ut ad ipsam accedens, quae, consilio habito, fieri decerne- bat, scriptura conecterit, — accessi, jateor, vidi hominem timentem Deum. Qui cum me benigne excepisset, notarium vocat, et habito, ut dixi, mecum consilio, quaedam aeclesiae Toronicae vel basilicae sancii Martini, quaedam Caenomannicae aeclesiae deligavit. À remarquer le terme de scriptura pour désigner l'acte juridique et la formule, sans doute empruntée à ce dernier par Grégoire — pro animae remedio — , que l'on retrouve dans de nombreuses chartes de donation ou testaments.

145 VM, IV, 15.

146 VM, IV, 11, p. 202 : invitât abbatem secum domi accedere. Quo accedente, tradidit ei omnem possessionem suam, dicens : «Sint haec omnia penes sancii Martini ditione quae habere videor, et hoc tantum exinde utar, ut de his, dum vixero, alar». Consignatisque rebus, coegit abbatem manere ibi. On peut reconnaître ici la procédure d'affatomie par lequelle «la libéralité fait intrusion dans le droit des Francs». Mentionnée au titre 46 du Pactus legis Salicae dans la plus ancienne version, elle comporte une tradition symbolique au représentant du bénéficiaire, une mise en possession effective représentée par le séjour de ce dernier dans le bien concédé, enfin une déclaration devant le mallus (Ph. Jobet, La donation dans le Haut Moyen Âge, 450-1050. Essai sur l'histoire d'un concept juridique, thèse d'état soutenue devant la Faculté de droit et science politique de Dijon (dactyl.), Dijon, 1971, p. 22-26.

147 VM, III, 15, p. 186: Sec? prius a regem praeceptum elicuit, ut res omnes basilicae trader et vivens.

148 Conc. Agathense, ann. 506, can. 4; Cone. Aurelianense, ann. 538, can. 5, 13, 25; ann. 541, can. 9, 14, 18, 19, 25, 34, 36; ann. 549, can. 13; Conc. Turonense, ann. 567, can. 25 et 26.

149 Conc. Turonense, ann. 567, can. 25.

150 Conc. Parisiense, ann. 556-573, can. 1, CG, II, p. 206.

151 VM, I, 30.

152 HF, VII, 22.

153 HF, Vili, 40.

154 VM, I, 29.

155 HF, IV, 47.

156 HF, V, 47.

157 HF, VI, 10.

158 Conc. Agathense, ann. 506, can. 6 et 7.

159 Le concile d'Agde réclame l'accord de deux ou trois évêques voisins ou comprovin- ciaux pour la vente d'une terre (can. 7), sauf s'il s'agit de parcelles éloignées et qui produisent de faibles revenus (can. 45). Quant à la vente des esclaves de l'Église, elle ne peut concerner que ceux qui se sont enfuis et qui, repris, paraissent difficiles à garder (can. 46). Cf. Conc. Aurelianense, ann. 538, can. 13.

160 Conc. Agathense, ann. 506, can. 22, 49, 53, 56; Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 23; ann. 538, can. 26; ann. 541, can. 11, 18.

161 La seule vente mentionnée par les sources est celle faite par l'évêque de Tours Agericus à l'évêque Bertrand du Mans d'une portion de villa qui avait jadis appartenu à la famille de ce dernier (supra, n. 58). Étant donné la situation, il s'agit plutôt d'une restitution, avec une juste compensation pour l'Église de Tours.

162 HF, V, 49.

163 Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 5, CG, II, p. 6. À cette répartition font également allusion, mais de façon moins précise, des conciles ultérieurs (Conc. Carpentoraten- se, ann. 527; conc. Aurelianense, ann. 538, can. 5). On le sait, en Italie, le pape Gélase, à la fin du Ve s., avait imposé un partage réglementaire des revenus ecclésiastiques, répartis par quart entre l'évêque, les clercs, les pauvres et les bâtiments (Epist. 14, 27; cf. Epist., 16, 1 et 17, 2; Ch. Pietri, Êvergétisme et richesses ecclésiastiques dans l'Italie du IVe à la fin du Ve s. : l'exemple romain, dans Ktema, III, 1978, p. 317-337, surtout p. 335-336). Après E. Lesne (op. cit., p. 334), J. Gaudemet (L'Église dans l'Empire romain, p. 310) estime à juste titre que cette discipline est restée propre à l'Italie, la Gaule adoptant une autre répartition des revenus. Plus récemment M. Rouche (La matricule des pauvres, art. cit., p. 86-87) a tenté de démontrer que les Églises des Gaules avaient pratiqué la distribution en quatre parts. Mais il n'apporte aucun argument solide pour justifier cette thèse :

la référence aux «anciens canons» que font les Pères réunis à Orléans en 511 (can. 14, 15 et 17) est trop vague pour qu'on puisse y voir une allusion à «une règle antérieure qui ne peut être que celle des quatre parts » (?) ; quant au canon 6 du concile tenu par Aspasius en 551, dont il est fait état, il concerne un tout autre problème, celui des familiae eccle- siae qui doivent être traitées avec plus de générosité par l'Église qu'elles ne le sont ordinairement par les propriétaires laïcs.

164 HF, X, 31, 18.

165 HF, X, 31, 19.

166 GM, 34.

167 HF, X, 31, 18; cf. HF, IV, 20.

168 Les fidèles offraient parfois la cire des chandelles (VM, IV, 15); en revanche, l'hui-

le d'olive, brûlée dans les lampes, devait certainement être achetée dans les régions méditerranéennes (cf. HF, IV, 43, sur l'arrivée à Marseille de navires «d'outre-mer» transportant des jarres d'huile).

169 HF, III, 7, p. 105; ou, simplement, conversus, HF, I, 44, p. 28; V, 9, p. 204; VI, 6, p. 273; IX, 33, p. 454. Dans la langue de Grégoire, le terme de conversio, employé à propos d'un catholique, implique la décision d'abandonner le monde pour se consacrer entièrement à Dieu (ad Dominum transire, HF, III, 18, p. 119), en entrant soit dans le clergé (HF, VIII, 15, p. 380; VI, 8, p. 277), soit dans un monastère (HF, X, 29, p. 476).

170 À l'époque où il est élu au siège de Tours, la crinis deformis dont les évêques appelés à le consacrer font grief à Martin (Sulpice Sévère, Vita M., 9, 3, p. 272) est adoptée seulement par les ascètes, comme le montre l'éloge de Paulin de Noie célébrant chez ces derniers « la chaste laideur d'une chevelure coupée ras, inégalement et à moitié tondue, le devant du front découvert par le rasoir» (Epist., 22, 2, p. 155). Au VIe siècle, la tonsure distingue des laïcs les moines (GC, 22, p. 312; HF, X, 29, p. 523; VP, XX, 3, p. 293) et les clercs (HF, III, 18, p. 119; V, 14, p. 207; VM, II, 18, p. 165; VM, III, 15, p. 186; VM, III, 19j p. 187. . .). Pour l'usage et la forme de la tonsure, cette corona clerici, décrite par Grégoire (VP, Vili, 1, p. 278), L. Gougaud, Les chrétientés celtiques, Paris, 1911, p. 195; O. M. Dlaton, History of the Franks by Gregory of Tours, Introduction, p. 275-276.

171 L'expression est employée surtout pour les femmes qui embrassent l'état de religieuse (HF, II, 1, p. 37; III, 7, p. 105; GC, 22, p. 312; GC, 42, p. 324), mais également pour des hommes entrant dans les ordres (HF, V, 14, p. 207; cf. Conc. Matisconense, ann. 581-583, can. 5).

172 Le terme, comme celui de conversus (supra, n. 169), lorsqu'il n'est suivi d'aucune autre indication, ne permet pas de savoir quelle est la nature de l'engagement : profession monastique ou entrée dans le clergé. En revanche, clericus paraît réservé aux membres de ce dernier, en dépit de l'opinion de B. Krusch, selon lequel Gregorius saepe mona- chos pro clericis accepit (MGH, srm, II, 1, p. 88, n. 1). Les exemples cités à l'appui de cette affirmation (GM, 75, p. 88; VP, VI, 2, p. 231, avec la n. 1 ; et VJ, 28, p. 126, avec la n. 1) ne sont en effet pas probants. Dans ces différents cas, le moine qualifié de clericus a parallèlement reçu les ordres ecclésiastiques : ainsi le clericus Gallus, le futur évêque de Clermont (VP, VI, 2) était-il dès sa jeunesse monachus et diaconus; le «clerc» Aredius (VJ, 28) est abbé mais aussi presbyter (GM, 36; VJ, 41 ; GC, 9). Si le jeune garçon entré à Saint- Maurice d'Agaune (GM, 75) est appelé clericus, c'est probablement parce que, suivant un usage attesté par ailleurs (HF, V, 14, p. 207), il se formait dans ce monastère à la clérica- ture.

173 Supra, p. 189.

174 Lecteurs : Vita M., 9, 5. Diacres : Aurelius (Epist., 2, 1 et 3, 3), Cato (Dial., Ill, 10). Archidiacre (Dial., Il, 1). Prêtres : Arpagius (Dial., Ill, 3), Aurelius (Epist. 3, 1), Brictio (Dial., Ill, 15), Clarus (Vita M., 23; Epist. 2, 5), Evagrius (Dial., Ill, 1 et 2), Eusebius (Epist., 1,1; Dial., II, 9, 5), Marcellus (Dial., Ill, 8), Refrigerius (Dial., Π, 14 et III, 5, 7, 9), ainsi que d'autres prêtres dont le nom n'est pas mentionné (Vita M., 9, 5; 11, 2; 20, 4; Epist., 3, 15; Dial, II, 1 et 2). L'existence de sous-diacres en Gaule, fin IVe s. - début Ve s., est attestée par les Dialogues (III, 1) et par une lettre de Paulin de Noie (Epist., 17, 3); mais aucun exemple n'est connu pour Tours.

175 Conc. Andegavense, ann. 453, can. 2 et 11 (diaconi et presbyteri) ; Conc. Turonense, ann. 461, can. 1 et 2 (sacerdotes et Ievitae); Conc. Veneticum, ann. 461-491, can. 11 (presbyteri, diaconi atque subdiaconi). Cf. Conc. Agathense, ann. 506, can. 1, 9, 16, 17, 22, 30, 39, 44. L'expression clerici honoratiores est employée pour la première fois dans les textes conciliaires gaulois à Orléans en 538 (can. 8).

176 Pour la date de composition des Statuta — aux alentours de 475 — , Ch. Munier, Les Statuta ecclesiae antiqua, Paris, 1960. Les canons 90 à 102 offrent une recapitulatio ordinationis officialium ecclesiae, dans laquelle l'ordination aux différents degrés de la cléricature est traitée de l'article 90 à l'article 97. Pour l'organisation ecclésiastique dont ils témoignent, A. Faivre, Naissance d'une hiérarchie; les premières étapes du cursus clérical, Paris, 1977, p. 181-198 : «ils offrent, vers la fin du Ve siècle, la liste des fonctions la plus complète mais peut-être aussi la moins proche de la réalité» (ibid., p. 190). Dans la pratique, on constate, pour les degrés inférieurs du cursus, des variations d'Église à Église, que met en lumière le tableau comparatif dressé par A. Faivre d'après les documents gaulois (ibid., p. 192).

177 Conc. Matisconense, ann. 585, can. 16, CG, II, p. 246.

ne voir les remarques de H. G. J. Beck pour les Églises du Sud-Est (The Pastoral Care of Souls, op. cit., p. 50 et 51) et les témoignages épigraphiques recueillis par A. Faivre (op. cit, p. 371-376). On notera l'existence à Poitiers de la fonction d'exorciste (revêtue par Martin, Vita M., 5, 2) et son absence à Tours.

179 fjpf γ( 49; ρ 262, où l'historien oppose clerici majores et minores.

180 Grégoire mentionne des ostiarii dans une église d'Auvergne (HF, IV, 31, p. 165) et dans la basilique Saint-Étienne à Marseille (HF, VI, 11, p. 281). Il emploie par ailleurs ce même terme pour désigner des gardiens d'édifices civils (HF, VIII, 11, p. 377; IX, 9, p. 422).

181 VM, III, 45, p. 193.

182 GM, 58, p. 78 (Yzeure); GC, 23, p. 313 (Chinon). Grégoire signale par ailleurs la présence de custodes à Rome pour la basilique Saint-Pierre (HF, H, 7, p. 49), à l'ecclesia de Trêves (HF, III, 36, p. 132), à l'oratoire de Marsat en Auvergne (GM, 8, p. 43) et dans la basilique Saint- Julien de Brioude (VJ, 20, p. 123). L'historien emploie également, toujours pour désigner, semble-t-il, la même fonction, le terme d'observatores (observatores baptisterii, à Langres, VP, VII, 2, p. 238). En revanche, le terme à'aedituus ne paraît pas s'appliquer dans ses œuvres au portier d'un édifice du culte : il est employé comme synonyme de martyrarius (infra, p. 690, n. 501).

183 Statuta ecclesiae antiqua, can. 97.

184 VM, III, 45 (supra, p. 538).

185 A. Faivre (op. cit., p. 195) met justement en rapport l'apparition des ostiarii en Gaule avec l'édification des premières basiliques.

186 YMt I, 5, p. 141 ; l'évêque, au moment de leur ordination, leur remet symboliquement le codicem de quo lecturus est (Statuta eccîesiae antiqua, can. 96, CG, Ι, η. 183).

187 VM, lì, 49, p. 176.

188 Cone. Turonense, ann. 567, can. 20, CG, II, p. 184: inter lectores in psallentium choro colligatur. Ce même canon atteste la présence de lecteurs dans le clergé des églises rurales (infra, n. 191).

189 HF, II, 37, p. 86. La fonction est également attestée au VIe siècle à Lyon par une inscription funéraire gravée en l'honneur de Stefanus, primicirius scolae lectorum, décédé en 551 à l'âge de 66 ans (CIL XIII, 2385; Diehl, 1287).

190Conc. Vasense, ann. 529, can. 1. p. 78. Pour les lecteurs plus âgés, infra, η. 195 et 260.

191 Cone. Turonense, ann. 567, can. 13, p. 180 et can. 20, p. 183.

192 fjp t yj 26, p. 233 : Chilpericus rex de pauperibus et junioribus eclesiae vel basilicae bannos jussit exigi . . . Parmi les jeunes serviteurs attachés à son service (de pueris nostris), Grégoire mentionne un clericus nommé Dagobaldus (VM, IV, 8, p. 201).

193Conc. Parisiense, ann. 614, can. 6, CG, II, p. 276.

194 Id., can. 9, p. 277.

195 Les Statuta ecclesiae antiqua (can. 87, CG, I, p. 180) et le concile d'Épaone (ann. 517, can. 15, CG, II, p. 27) mentionnent les juniores clerici, distingués, par les synodes d'Arles (ann. 554, can. 6, CG, II, p. 172), de Mâcon (ann. 581-583, can. 8, CG, Π, p. 225) et d'Auxerre (ann. 561-605, can. 43, p. 270), des seniores ou honoratiores clerici, du point de vue des châtiments qui peuvent leur être imposés. La notion d'une différence de dignité l'emporte sur celle d'une différence d'âge, ce dernier critère ayant toujours été imparfait, puisque certains clercs demeurent cantonnés toute leur vie dans les degrés inférieurs du cursus (infra, p. 647).

196 GC, 64, p. 336. Lors de leur ordination, l'évêque remet symboliquement aux sous- diacres une patène et un calice vides (Statuta ecclesiae antiqua, can. 93).

197 Cone. Aurelianense, ann. 538, can. 2 et 18; Conc. Turonense, ann. 567, can. 11, 20 et 21.

198 HF, V, 14, p. 207; HF, V, 49, p. 259-262.

199 Diaconatus honor : conc. Arelatense, ann. 524, can. 1, CG, II, p. 44; Grégoire de T., VP, XV, 1, p. 270; GC, 29, p. 316. Presbiterii honor: Conc. Arelatense, ann. 524, ibid.; HF, II, 1, p. 37; IV, 6, p. 139; V, 10, p. 204; VI, 15, p. 285; VI, 43, p. 316; VIII, 34, p. 403; IX, 33, p. 454; X, 19, p. 513.

200 Les consécrations au diaconat et à la prêtrise sont les seules qui comportent l'imposition des mains de l'évêque (Statuta ecclesiae antiqua, can. 91 et 92). De façon significative, Grégoire emploie l'expression presbiterii gratia honorare (HF, V, 21, p. 299).

201 Sur ces fonctions progressivement concédées aux prêtres, J. Gaudemet, L'Église dans l'Empire romain, p. 101.

202 Vita M., 20, 4-6, p. 296.

203 VM, II, 4, p. 160.

204 Statuta ecclesiae antiqua, can. 92, CG, I, p. 181. Déjà à l'époque de Martin, c'est un diacre, Cato, ad quern monasterii (Marmoutier) administrate pertinebat (Sulpice Sévère, Dial., Ill, 10, 2, p. 207). Du temps de Grégoire, un diacre, encore, est chargé d'aller recueillir l'offrande promise par un miraculé (VM, IV, 15).

205 Au concile d'Agde de 506, l'évêque de Tours Verus se fait représenter par le diacre Leo (supra, p. 28); en revanche, c'est un prêtre, Campanus, qui représente Injuriosus au concile d'Orléans de 538 (supra, p. 194). Grégoire confie au diacre Agiulfus la mission d'aller quérir en Orient et à Rome des reliques pour son Église (supra, p. 504). Sur le rôle permanent de l'archidiacre, infra, p. 674.

206 Conc. Andegavense, ann. 453, can. 2; Cone. Agathense, ann. 506, can. 65.

207 Supra, p. 52.

208 Vita M., 10, 8, p. 274.

209 Vita M., 23, 1, p. 302.

210 Sur ces différents clercs, voir PGC.

211 J. Gaudemet, L'Église dans l'Empire romain, p. 136-149.

212 Vita M., 22, 3, p. 300 : Testabantur etiam aliqui ex fratribus audisse se daemonem protervis Martinum vocibus increpantem cur intra monasterium aliquos ex fratribus, qui olim baptismum diversis erroribus perdidissent, conversos postea recepisset. À cette époque, ces reproches pouvaient viser d'anciens magistrats, fonctionnaires ou militaires que leurs fonctions avaient contraints à verser le sang ou à organiser des fêtes païennes.

2i3Dial., III, 15, 2, p. 213.

214 Conc. Agathense, ann. 506, can. 22, CG, I, p. 228.

2l5Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 8, CG, II, p. 7; ann. 538, can. 29, p. 124-125 (qui s'applique aussi aux coloni); ann. 549, can. 6, p. 150.

216 Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 4, CG, II, p. à: De ordinationibus clericorum id observandum esse censuimus, ut nullus saecularium ad clericatus officium praesumatur nisi aut cum régis jussione aut cum judicis voluntate; ita ut filii clericorum, id est patrum, avorum ac proavorum, quos supradicto ordine parentum constat observatione subjunctus, in episcoporum potestate ac districtione consistant. Sur cette mesure imposée par Clovis, probablement soucieux de préserver les sources du recrutement de son armée, O. M. Dalton, The History of the Franks, Introduction, p. 274 ; E. Hildesheimer, Les clercs et l'exemption du service militaire à l'époque franque, VIe-IXe s., dans Revue d'histoire de l'Église de France, XXIX, 1943, p. 5-18. Les juniores de Tours qui, quelques décennies plus tard, sont frappés de l'amende du ban pour s'être soustraits à la levée militaire (HF, V, 26) avaient peut-être négligé de demander l'autorisation royale pour entrer dans les ordres.

217 VM, I, 23, p. 150.

218 VM, III, 15, supra cit., n. 147.

219 Au moment où il fut saisi d'un accès de folie qui fut à l'origine de son pèlerinage à Tours, Aquilinus se livrait au plaisir aristocratique de la chasse avec son père (VM, I, 26, p. 151).

220 VM, I, 7, p. 142.

221 VM, II, 26, p. 168.

222 VM, II, 13, p. 163.

223 HF, V, 49, p. 262.

224 VM, II, 1, p. 159.

225 FM, II, 4, p. 160.

226 FM, III, 28, p. 189.

227 HF, IV, 17, p. 150.

228 VP> xv, i, p. 270; HF, 7, p. 204.

229 GC, 23, p. 312 (Jean, reclus à Chinon); HF, V, 21, p. 229 (Winnocus). 230Conc. Agathense, ann. 506, can. 43, CG, I, p. 211.

231 Cone. Aureîianense, ann. 538, can. 6, CG, II, p. 116.

232 Cone. Agathense, ann. 506, can. 43, CG, I, p. 211; Cone. Aureîianense, ann. 538, can. 6, CG, II, p. 116.

233 Cone. Agathense, ann. 506, can. 22, CG, I, p. 228.

234 Cone. Aureîianense, ann. 538, can. 8, CG, II, p. 117.

235 Cone. Andegavense, ann. 453, can. 11, CG, 1, p. 138; Cone. Agathense, ann. 506, can. 1, ibid., p. 193; Cone. Aureîianense, ann. 538, can. 6, CG, II, p. 116; cone. Aureîianense, ann. 541, can. 10, ibid., p. 134.

236 Cone. Agathense, ann. 506, can. 16, CG, I, p. 201.

237 Sur cette condition et son extension aux sous-diacres, infra, p. 675.

238Conc. Aurelianense, ann. 533, can. 16, CG, II, p. 101.

239 Cone. Aurelianense, ann. 538, can. 6, CG, II, p. 116.

240 Conc. Aurelianense, ann. 549, can. 9, CG, H, p. 151.

241 Conc. Agathense, ann. 506, can. 16 et 17, CG, I, p. 201; Conc. Aurelianense, ann. 538, can. 6, CG, II, p. 116.

242 Comme le montrent bien les déclarations du prêtre de Clermont, Cato, qui se fait gloire d'avoir respecté dans sa carrière les étapes du cursus définies par la législation canonique : Nam et ipsos elencati grados canonica sum semper institutione sortitus. Lector decim annis fui, subdiaconatus officium quinque annis ministravi, diaconatui vero quinde- cim annis mancipatus fui, presbiterii, inquam, honorent viginti annis potior (HF, IV, 6, p. 139).

243 Conc. Aurelianense, ann. 538, can. 6, CG, II, p. 117.

244 Conc. Andegavense, ann. 453, can. 9, CG, I, p. 138; Conc. Turonense, ann. 461, can. 9 et 10, ibid., p. 146-147; Conc. Veneticum, ann. 461-491, can. 10, ibid., p. 154; conc. Aurelianense, ann. 538, can. 16 et 17, CG, II, p. 120-121; Conc. Aurelianense, ann. 549, can. 5, ibid., p. 149. Il s'agit évidemment aussi d'interdire tout empiétement d'un évêque dans un autre diocèse. Quant aux moines désireux de recevoir les ordres, ils doivent au préalable obtenir le consentement de leur abbé {Conc. Agathense, ann. 506, can. 27, CG, I, p. 205).

245 Ainsi Gallus venait de «quitter les écoles, quand il s'attacha au bienheureux», (Dial., II, 1, 1, p. 180: reliais scholis).

246 Vita M., 10, 5-6, p. 274.

247 Dial., Ill, I, 3, p. 198.

248 Pour ces différentes carrières, voir PGC.

249 Vita M., 10, 9, p. 274.

250 Supra, p. 67, n. 206.

251 VM, I, 7, p. 142-143.

252 VM, II, 26, p. 168-169.

253 VM, IV, 9, p. 201-202.

254 Sur cette institution, P. Riche, Éducation et culture dans l'Occident barbare, op. cit., p. 328-331.

255 GM, 77; HF, X, 8; VP, IX, 1.

256 HF, VI, 36 ; cf. VP, Vili, 2 : le grand-oncle de Grégoire, Nicetius, alors simple prêtre, se charge de l'éducation des enfants de son entourage.

257 Conc. Turonense, ann. 567, can. 13, CG, II, p. 180.

258 C'est ce que suggère le canon 20 du concile de Tours de 567 {CG, II, p. 183), en évoquant la présence de lecteurs dans les églises des vici. Cette organisation {infra, p. 683) répondait sans aucun doute au vœu déjà émis par les Pères réunis à Vaison en 529 {can. 1, CG, II, p. 78). Sur ces écoles paroissiales, P. Riche, op. cit., p. 324-326.

259 VM, I, 7, p. 143 : ad scolam positus, omnem psalmorum sérient memoriae conmen- davit; cf. pour une éducation plus soignée, celle donnée à Aredius par l'évéque Nizier de Trêves {HF, X, 29, p. 522) : Expetiit adulescens a beato sacerdote se corrigi, ab eo edoceri, ab eo inbui ac in divinis voluminibus ab eodem exerceri. Sur le programme des écoles épiscopales en Gaule, P. Riche, op. cit., p. 329-331.

260 YMt i> 7 Les ostiarii ou custodes étaient certainement des adultes ; il ne semble pas qu'ils aient eu accès aux autres grades de la hiérarchie ecclésiastique. En revanche, «le lectorat est la fonction la plus courante de préparation et d'entrée dans le clergé» (A. Faivre, op. cit., p. 374). Cependant l'épigraphie atteste que cette fonction, ainsi que celle de sous-diacre, est exercée par certains clercs jusqu'à la fin de leur vie (ibid., p. 372- 375).

261 HF, V, 49, p. 262; Hic sub Eufronio episcopo de pauperibus provocatus, archidiaco- nus ordinatus est. Exinde ad presbiterium admotus, récessif ad propria. Cf. les autres cursus connus par YHistoria Francorum, d'après le tableau dressé par A. Faivre, op. cit., p. 404-405.

262 HF, VI, 15, p. 285.

263 VP, Vili, 6, p. 246.

264 Euthimius : VM, IV, 43, p. 210; Johannis: VP, Vili, 6, p. 247; Leo: VM, IV, 25, p. 205; Simon : VM, II, 4, p. 160.

265 Supra, p. 503 sq.

266 Plato : HF, V, 49, p. 259-260; VM, IV, 32 et 33, p. 208. Probatus : GC, 24, p. 313.

267 Supra, p. 285 sq.

268 GC, 23, p. 312-313. À ne pas confondre avec l'autre prêtre dénommé Jean cité plus haut.

269 HF, V, 21, p. 229.

270 GC, 25, p. 314; HF, V, 7, p. 204; VP, XV, p. 270-274.

271 VM, I, 23, p. 150; VM, III, 13, p. 185; cf. HF, IV, 17, 20 et HF, X, 31, 18.

272 FM, I, 26, p. 151.

273 VM, II, 18, p. 165.

274 FM, III, 15, p. 186.

275 VM, III, 19, p. 187.

276 VM, II, 4, p. 160-161.

277 VM, II, 13, p. 163.

278 VM, III, 28, p. 189.

279Conc. Turonense, ann. 567, can. 20, CG, II, p. 183.

280 Grégoire signale que Landulfus (VM, II, 18), une première fois guéri de sa folie au tombeau de Martin, connut une rechute causée par l'abus de la boisson. Revenu en pèlerinage à Tours, il fut l'objet d'un nouveau miracle du thaumaturge et se décida à entrer dans les ordres. Il n'est pas exclu qu'il ait été ensuite sujet à de nouvelles crises, tel cet habitant de Bayeux, qui, guéri du même mal à Tours et devenu prêtre dans son pays, fut ensuite repris de troubles mentaux (FM, II, 53).

281 HF, V, 21, p. 229.·

282 Pour ce calcul, infra p. 683 et Append., 3.

283 Supra, p. 67 sq. Sur le mouvement monastique en Touraine : J. M. Besse, Les moines de l'ancienne France, Périodes gallo-romaine et mérovingienne, Paris, 1906; S. G. Luff, A Survey of Primitive Monasticism in Central Gaul (c. 350-700), dans The Downside Review, LXX, 1952, p. 180-203; L. Ueding, Geschichte der Klostergründungen der frühen Merowingerzeit, Bonn, 1955; C. Courtois, L'évolution du monachisme en Gaule de s. Martin à s. Colomban, in Settimane di studio, Spolète, IV, 1957, p. 47-72; E. Griffe, Saint Martin et le monachisme gaulois, dans Studia Anselmiana, XLVI, 1961, p. 3-24; F. Prinz, Frühes Mönchtum im Frankenreich; Kultur und Gesellschaft in Gallien, den Rheinländern und Bayern am Beispiel der monastischen Entwicklung (4.-8. Jhs), Munich, 1965; R. Lorenz, Die Anfänge des abendländischen Mönchtums im 4. Jh., dans Zeitschrift für Kirchengeschichte, LXX VIII, 1967, p. 1-61; H. Atsma, Klöster und Mönchtum im Gallien. Untersuchungen zur Forschungsituation und zur Quellenlage bis zum Ende des 6. Jhs., Diss., Mannheim, 1971; du même, Les monastères urbains du Nord de la Gaule, dans Revue d'histoire de l'Église de France, LXII, 1975, p. 163-187; du même, Die christlichen Inschriften Galliens als Quelle für Klöster und Klösterbewohner bis zum Ende des 6. Jhs., dans Francia, IV, 1976, p. 1-57.

284 Vita M., 13, 9, p. 282; pour le sens du terme monasteria dans ce contexte, J. Fontaine, éd. cit., t. II, p. 760-761.

285 Sulpice Sévère, Dial, III, 8, 4, p. 206. 2*6Dial., II, 8, 7, p. 190.

287 Vita M., 19, 2, p. 292.

288 Dial, II, 11, 1, p. 192. 2s9Epist., 3, 19, p. 342-343.

290 Dial, II, 2, 2, p. 182. Cf. à l'époque de Brice, HF, II, 1. 29lEpisL, 3, 18, p. 342.

292 GC, 11, p. 311-312. Pour la date du retour de Maxime en Touraine, voir PGC.

293 VP, XVI, 1, p. 274-275 ; supra, p. 153 sq.

294 VP, XVIII, 1, p. 284; supra, p. 154.

295 VP, XII, 3, p. 264; supra, p. 217 sq.

296 Baudonivia, Vita sanctae Radegundis, 16, éd. B. Krusch, MGH, srm, II, p. 388; supra, p. 229 sq.

297 VP, XIX, 2, p. 288; supra, p. 217 sq.

298 ypt xvj \t p. 271; HF, V, 7, p. 204; pour la localisation, M. Viellard-Troiekou- roff, Les monuments religieux de la Gaule, n° 269, p. 275.

299 VJ, 34, p. 128; supra, p. 324 sq.

300 HF, V, 21, p. 229; IX, 33, p. 451; supra, p. 323.

301 GC, 21, p. 310: Grégoire relate l'invention du tombeau de Solemnis, quod apud Malliacensim monasterium — in cacumine montis est constitutum, ab antiquis vallatum aedificiis jam erutis — [factum cognovimus] . Le monastère de Maillé (Luynes) semble avoir été aménagé comme celui de Chinon et celui de Saint-Senoch dans des bâtiments en ruines relevés par les moines. Il paraît abandonné à l'époque où se produit la découverte, dans une crypte secrète, du tombeau de Solemnis (supra, p. 515). Mais le culte ensuite rendu à cette sépulture, auprès de laquelle se produisent des miracles, peut laisser supposer que des moines ont réoccupé les bâtiments.

302 HF, IV, 48, p. 184-185; pour la localisation, G. Oury, Recherches sur quelques monastères non identifiés de la Touraine septentrionale, dans Revue Mabillon, LUI, 1963, p. 44-47.

303 GC, 16, p. 306-307; on peut douter de l'historicité du personnage de Papola (supra, p. 516); mais un tombeau qui passait pour celui de cette sainte était vénéré dans un monastère tourangeau du temps de Grégoire.

304 VM, III, 42, p. 192. Il n'est pas certain, contrairement à ce qu'affirme M. Viellard- Troiekouroff (op. cit., n° 394, p. 358), que ce monastère fût proche de Marmoutier.

305 VM, III, 53, p. 195.

306 HF, V, 49, p. 262. i07GC, 22, p. 312. 308 VM, II, 9, p. 162.

309 G. Oury, Recherches sur les anciens monastères de la Touraine méridionale, dans Revue Mabillon, LV, 1965, p. 101-102. 31° HF, VIII, 40, p. 407; supra, p. 361.

311 Conc. Veneticum, ann. 461-491, can. 8, CG, I, p. 153.

312 Conc. Agathense, ann. 506, can. 27, ibid., p. 205.

313 Can. 28, ibid.

314 Sur son rôle, supra, p. 417.

315 Sur la vingtaine de monastères recensés à la fin du VIe siècle, 16 abritent une communauté masculine.

316 Supra, p. 512 sq.

317 Sulpice Sévère, Vita M., 10, 6, p. 274 : ars ibi, exceptis scriptoribus, nulla habeba- tur, cui tarnen operi minor aetas deputabatur; majores orationi vacabant. Cf. Grégoire de T., VM, III, 42, p. 192 et VP, XX, 2, p. 292.

318 VP, XVIII, 1, p. 284. La suite du récit montre que les moines se livrent ici à la culture des céréales.

3" VP, XV, 3, p. 273.

320 Infra, p. 728.

321 HF, IX, 40.

322Conc. Aurelianense, ann. 549, can. 19, CG, II, p. 155.

323 Dans la Vita qu'il consacre à s. Germain, honestis honoratisque parentibus procrea- tus, {Vita s. Germani, 1, p. 11), Fortunat mentionne comme l'un des correspondants de l'évêque de Paris le venerabilis Flameris, abba de Canone Toronico (153, p. 23).

324 Pour se consacrer à Dieu, Monegundis et Venantius renoncent en effet à la vie facile et aisée qu'assuraient, à l'une, son époux et, à l'autre, ses parents. En revanche, Brachio avait été, dans sa jeunesse, simple domestique (veneur) du duc Sigivaldus.

325 #F, X, 31, 9 et 17, p. 531 et p. 533.

326 Sur ses liens de parenté avec la famille royale, voir PGC.

327 Venantius : decedente abbate jam died monasterii, ipse in loco abbatis, elegentibus fratribus, substitueretur (VP, XVI, 1, p. 275). Papola : Interim abbatem monasterii ad quod venerai defuncto, monachi propter virtutes assiduas hanc elegunt, ignorantes sexum (GC, 16, p. 307).

328 Brachio : stabilitisque abbatibus in monasteriis supradictis, Arvernum regressus est (VP, XII, 3, p. 264). Ursus : Post cujus obitum propositi, qui per monasteria erant, abbatiae officium, episcopis largientibus, susceperunt (VP, XVIII, 3, p. 285); c'est ainsi que le prévôt Leobatius devient abbé de Sennevières.

329 HF, IX, 33, p. 432.

3i0HF,X, 12, p. 495.

331 VP, XVIII, 3, supra cit., n. 328.

332 On ne connaît aucun abbé de Marmoutier durant les deux premiers siècles de l'histoire du monastère, à l'exception d'Eustachius, contemporain de Grégoire et mentionné incidemment par ce dernier comme témoin d'un miracle accompli par l'ascète Leo- bardus (VP, XX, 3, p. 293). On sait que Saint-Venant a donné deux de ses abbés au siège Episcopal de Tours, Licinius (HF, X, 31, 9) et plus tard Guntharius (HF, X, 31, 17). Ce dernier jouissait de toute la confiance des rois francs qui ont certainement favorisé son élection episcopale et peut-être déjà auparavant sa désignation comme abbé.

333 HF, IX, 33, p. 451-452 et X, 12, p. 495.

334 VM, II, 9, p. 162.

335 GC, 22, p. 312.

336 Cette condition n'est cependant pas formulée explicitement par les canons des conciles gaulois.

337 Conc. Agathense, ann. 506, can. 27, CG, I, p. 205; Cone. Aurelianense, ann. 511, can. 19, CG, II, p. 10.

338 Vita M., 22, 3, p. 300, supra cit., n. 212. «Cette 'réception' au sein de la communauté est bien l'entrée en religion, avec les vœux qu'elle suppose, en particulier celui d'obéissance» (J. Fontaine, Vie de saint Martin, III, p. 974-975 avec référence à Dial., I, 19, 1, où le terme recipere est employé dans le même sens).

339 VP, XVI, p. 275.

340 HF, IV, 34, p. 167. Cf. VP, VI, 1 (entrée de Gallus, futur évêque de Clermont, au monastère de Cournon en Auvergne).

341 Sur cette formation, Grégoire nous donne quelques aperçus dans la Vie de Brachio, un enfant surdoué qui avait été capable d'apprendre à lire tout seul (VP, XII, 2, p. 263) et dans la Vie de Leobardus (VP, XX, 2, p. 292); P. Riche, op. cit., p. 336-339.

342 VP, XX, 3, p. 292.

343 VP, XX, 2, p. 292.

344 HF, V, 49, p. 262.

345 GC, 22, p. 312.

346 La princesse n'avait apparemment aucune vocation pour l'état de moniale et elle ne put jamais s'habituer à la discipline : Erat enim gulae et somno dedita et nullam de officio Dei cufam Habens (HF, IX, 33, p. 452).

347 Sulpice Sévère, Vita M., 19, 2, p. 292; sur cet épisode, R. Metz, Les vierges chrétiennes en Gaule au IVe s., dans Studia Anselmiana, XLVI, 1961, p. 109-132; J. Fontaine, Vie de saint Martin, II, p. 877-883. Pour l'ensemble des questions relatives aux vierges consacrées, R. Metz, La consécration des vierges dans l'Église romaine, Paris, 1954.

348 Statuta ecclesiae antiqua, 99, CG, I, p. 184.

349 En ce domaine est appliquée une prescription du concile de Gangres (circa ann. 340, can. 1 et 14) dont les canons étaient connus en Gaule dans une version attribuée aux Pères de Nicée (HF, IX, 33, p. 452) et en grande partie perdue (C. H. Turner, Ecclesiae occidentalis monumenta juris antiquissima, II, 2, Oxonii, 1913, p. 147).

350Conc. Agathense, ann. 506, can. 19, CG, I, p. 202. 351 Cone. Aurelianense, ann. 549, can. 19, CG, II, p. 155.

352 H F, IX, 33, p. 451-454.

353 GC, 22, p. 312. i54Epist., 3, 18, p. 342.

355 Malgré les efforts de J. Fontaine (Vie de saint Martin, III, p. 1338-1340) pour «réunir autour du chiffre donné par le présent texte un faisceau de vraisemblances positives » (ibid., -p. 1339).

356 Au IVe s., elles sont encore la grande majorité (R. Metz, op. supra cit., p. 121).

357 Sulpice Sévère, Dial., II, 12, p. 194. En dépit des réserves exprimées par R. Metz (loc. cit., supra, n. 356), il semble bien que cette virgo soit retirée dans un domaine de Touraine.

*™GC, 18, p. 307-308; supra, p. 514.

359 La lettre du pape Innocent Ier à Victrice de Rouen (ann. 404), le concile d'Orange de 441 (can. 26), la collection canonique dite du second concile d'Arles (442-506, can. 46), les Statuta ecclesiae antiqua (can. 100) et le concile d'Epaone (ann. 517, can. 21) traitent de la professio des veuves. C'est en se référant à l'autorité de ces textes que les Pères réunis à Tours en 567 légifèrent à propos des veuves (et des vierges) dans le canon très développé qui leur est consacré (Conc. Turonense, ann. Sòl, can. 21, CG, II, p. 184-188).

360 HF, III, 18, p. 120.

361 VM, III, 22, p. 188.

362 VM, IV, 36, p. 209.

363Sulpice Sévère, Dial, II, 11, 1, p. 192.

36*GC, 17, p. 307; supra, p. 515.

365 GC, 23, p. 312-313; Baudonivia, Vita sanctae Radegundis, 4, p. 381.

3« VP, XV, 1, p. 271.

367 HF, V, 21, p. 229 et VIII, 34, p. 403.

368 VP, XX, 2, p. 292.

369 Comme les clercs, les moines ou les moniales, les ascètes et les « saintes femmes » viennent des horizons les plus divers : on trouve en particulier le même mélange de Gallo- romains et de barbares déjà noté.

370 -Pour définir cet ensemble composite, les Pères réunis à Orléans en 511 recourent à une périphase, rangeant comme in religionis professione viventibus, les abbés et les moines, les prêtres et tous les clercs (Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 7, CG, II, p. 7).

371 Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 7, CG, II, p. 7; Conc. Parisiense, ann. 556-573, can. 6, ibid., p. 208.

372 Conc. Aurelianense, ann. 538, can. 12, CG, II, p. 119.

373 HF, V, 49, p. 262 : recessit ad propria, écrit seulement Grégoire ; il pourrait donc aussi bien s'agir d'un mouvement de mauvaise humeur du prêtre.

374 Comme le rappelle encore le concile d'Orléans de 541, dans le canon 13 (CG, II, p. 135). Sur ce privilège, E. Hildesheimer, Les clercs et l'exemption du service militaire, art. supra cit.

375 Conc. Turonense, ann. 461, can. 5, CG, I, p. 145; Cone. Aurelianense, ann. 541, can. 13, CG, II, p. 135; Conc. Matisconense, ann. 581-583, can. 5, CG, II, p. 224.

376 Conc. Turonense, ann. 461, can. 6, CG, I, p. 146.

377 HF> V) 26 et VII, 42.

378 Les contestations entre l'Église et le pouvoir royal concernent, au témoignage de Grégoire (supra, n. 377), uniquement les juniores et les pauvres immatriculés. Les représentants du roi prétendent astreindre ces derniers au service militaire, bien que le canon 13 du concile d'Orléans (supra cit.) exempte des charges publiques tous ceux quorum nomina in matricula ecclesiastica tenentur scripta, une définition qui englobe juniores et matricularii.

379 HF, V, 26.

380 Sur cette question, G. Lardé, Le tribunal du clerc dans l'Empire romain et la Gaule franque, Moulins, 1920, surtout p. 108-125 et 161-171.

381 Conc. Andegavense, ann. 453, can. 1, CG, I, p. 137; Cone. Veneticum, ann. 461- 491, can. 9, ibid., p. 153; Conc. Agathense, ann. 506, can. 8 et 32, ibid., p. 196 et 207; Conc. Aurelianense, ann. 538, can. 35, CG, II, p. 126.

382 Conc. Aurelianense, ann. 538, can. 35.

383 Conc. Aurelianense, ann. 541, can. 20, CG, II, p. 137.

384 HF, V, 49, p. 259-262 ; justifié, Grégoire put obtenir qu'on laissât la vie au malheureux.

385 Conç. Agathense, ann. 506, can. 2, CG, I, p. 193; Cone. Aurelianense, ann. 538, can. 12 et 24, CG, II, p. 119 et 123.

386 Cone. Andegavense, ann. 453, can. 7; Cone. Veneticum, ann. 461-491, can. 14; Cone. Agathense, ann. 506, can. 2; Cone. Aurelianense, ann. 511, can. 28; Cone. Aurelianense, ann. 533, can. 14; Cone. Aurelianense, ann. 538, can. 12 et 22.

387 Cone. Andegavense, ann. 453, can. 7; Cone. Turonense, ann. 461, can. 5.

iSSConc. Andegavense, ann. 453, can. 1; Cone. Turonense, ann. 461, can. 11 et 12; Cone. Veneticum, ann. 461-491, can. 5; Cone. Agathense, ann. 506, can. 38; Cone. Aurelianense, ann. 538, can. 16.

389 Cone. Turonense, ann. 461, can. 1 et 2; Cone. Agathense, ann. 506, can. 9; Cone. Aurelianense, ann. 538, can. 2; Cone. Aurelianense, ann. 541, can. 17 ; Cone. Aurelianense, ann. 549, can. 4; Cone. Turonense, ann. Sòl, can. 13 et 20.

390 Cone. Andegavense, ann. 453, can. 4; Cone. Turonense, ann. 461, can. 3; Cone. Agathense, ann. 506, can. 10 et 11; Cone. Aurelianense, ann. 511, can. 29; Cone. Aurelia-

nense, ann. 538, can. 4 et 8; Conc. Aurelianense, ann. 541, can. 29; Cone. Aurelianense, ann. 549, can. 3; Conc. Turonense, ann. 567, can. 10-14. Ces textes donnent la liste des parentes autorisées à vivre dans la maison du clerc, mère, sœur, tante, fille ou nièce.

391 Conc. Agathense, ann. 506, can. 50; Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 9.

392 Conc. Turonense, ann. 461, can. 2; Conc. Veneticum, ann. 461-491, can. 13; Conc. Agathense, ann. 506, can. 41.

393 Conc. Aurelianense, ann. 538, can. 9.

394 Conc. Agathense, ann. 506, can. SO; Conc. Aurelianense, ann. 538, can. 9.

395 Conc. Turonense, ann. 461, can. 13; Conc. Aurelianense, ann. 538, can. 30.

396 Conc. Veneticum, ann. 461-491, can. 16; Conc. Agathense, ann. 506, can. 42; Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 30.

397 Conc. Agathense, ann. 506, can. 55; Conc. Matisconense, ann. 585, can. 13.

398 Sont particulièrement proscrits les repas pris avec des Juifs (Conc. Veneticum, ann. 461-491, can. 12; Conc. Agathense, ann. 506, can. 40), les banquets de noces et les spectacles (Conc. Veneticum, ann. 461-491, can. 11; Conc. Agathense, ann. 506, can. 39) et, d'une manière générale, la cohabitation avec les saeculares (Conc. Aurelianense, ann. 533, can. 9).

399 Conc. Agathense, ann. 506, can. 21.

400 HF, Π, 1 et Χ, 31, 4.

401 HF, III, 17 et X, 31, 14. Seul Verus était lui aussi marié; quant à Baudinus, il paraît avoir été déjà veuf lorsqu'il devint évêque de Tours.

402 HF, V, 49.

403 Conc. Agathense, ann. 506, can. 23, CG, I, p. 203-204.

404 HF, V, 46, p. 257 : Theodosius, qui tune archediaconatum urbis illius potiebatur (Rodez); HF, VI, 36, p. 307-308: Archidiaconus civitatis (Lisieux); HF, VIII, 41, p. 408: archediaconus civitates (Rouen).

405 Sulpice Sévère, Dial. II, 1, p. 180-181. Sur les fonctions exercées anciennement par l'archidiacre dans le domaine de la liturgie, Sulpice Sévère, Dial., II, 1, 5 et dans l'administration de l'assistance, infra, p. 702.

406 Les fonctions disciplinaires exercées par l'archidiacre sur le clergé sont mentionnées pour la première fois par le concile d'Agde de 506 {can. 20, CG, I, p. 202), puis évoquées par le concile d'Orléans de 541 (can. 26, CG, II, p. 139), ainsi que par le synode d'Auxerre (ann. 561-605, can. 20, ibid., p. 268). Sur son rôle, auprès d'un clerc cité devant un tribunal civil, supra, p. 671.

407 fortunat, Carm. III, 27, v. 7-8, p. 76.

408 HF, V, 49.

409 HF, V, 49, p. 259-260; VM, IV, 32 et 33, p. 208; Fortunat, Carm. X, 14, p. 248.

410 GC, 24, p. 313.

411 Supra, p. 149.

412 Cotte. Turonense, ann. 461, can. 4, CG, I p. 145. Peu auparavant, dans leur lettre à Thalasius d'Angers, Loup de Troyes et Eufronius d'Autun (ibid., p. 140-141) exposaient la discipline plus sévère qui avait déjà cours dans leurs Églises : il y était interdit aux exorcistes et aux sous-diacres (et même à Autun aux portiers) de contracter des secondes noces.

413 Conc. Andegavense, ann. 453, can. 4, CG, I, p. 138.

414 Cone. Turonense, ann. 461, can. 2, CG, I, p. 144.

415 Conc. Veneticum, ann. 461-491, can. 11, CG, I, p. 154: Presbyteri, diaconi atque subdiaconi, vel deinceps quibus ducendi uxores licentia non est. . .

416 A. Faivre, Naissance d'une hiérarchie, les premières étapes du cursus clérical, op. cit., p. 261-265.

417 Conc. Agathense, ann. 506, can. 39, CG, I, p. 209.

418 Conc. Aurelianense, ann. 538, can. 2, CG, II, p. 114-115; Conc. Aurelianense, ann. 549, can. 4, ibid., p. 149.

*19Conc. Turonense, ann. 567, can. 10 et 11, CG, II, p. 179.

420 Om. 20, ibid., p. 183-184.

421 Supra, p. 186 sq.

422 Sur cette organisation, infra, p. 682.

423 Sur le statut et le rôle de ces archiprêtres, infra, p. 683. *2*Conc. Turonense, ann. 567, can. 7, CG, II, p. 178.

425 Grégoire prend la décision de reléguer le prêtre rebelle Riculfus dans un monastère, cum consilio provincialium (HF, V, 49, p. 262).

426 HF, VIII, 19, p. 386.

427 HF, I, 44, p. 28.

428 Plus encore qu'Eufronius (supra, p. 215), Grégoire multiplie les tournées pastorales dans le diocèse (supra, p. 323).

429 Conc. Andegavense, ann. 453, can. 5, CG, I, p. 138; Cone. Turonense, ann. 461, can. 6, ibid., p. 146; Conc. Veneticum, ann. 461-491, can. 4, ibid., p. 152; Conc. Aurelia- nense, ann. 538, can. 19, CG, II, p. 121; Conc. Aurelianense, ann. 549, can. 19, ibid., p. 155; Conc. Turonense, ann. 567, can. 21, ibid., p. 184-188; Conc. Par isiense, ann. 556- 573, can. S, ibid., p. 207-208.

430 Conc. Turonense, ann. 461, can. 6, CG, I, p. 146; Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 19 et 21, CG, II, p. 10; Conc. Turonense, ann. 567, can. 16, ibid., p. 181-182.

431 Conc. Andegavense, ann. 453, can. 8, CG, I, p. 138.

432 Cone. Veneticum, ann. 461-491, can. 6, CG, I, p. 153: Conc. Agathense, ann. 506, can. 38, ibid., p. 208-209; Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 19, CG, II, p. 10.

433 Conc. Veneticum, ann. 461-491, can. 7, CG, I, p. 153. Cf. Conc. Agathense, ann. 506, can. 38.

4i4Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 22, CG, II, p. 11.

435 Can. 20, ibid., p. 10.

436 Conc. Turonense, ann. 567, can. 17, CG, II, p. 182.

437 Can. 15, ibid., p. 181.

438 Can. 18, ibid., p. 182; sur ces jeûnes, supra, p. 444 sq.

439 Dans les canons supra cit. sont prévues des peines pour l'abbé qui négligerait de les faire appliquer.

440 Conc. Veneticum, ann. 461-491, can. 6, CG, I, p. 153; Cone. Agathense, ann. 506, can. 38, ibid., p. 209. Un récit de Grégoire (HF, IV, 34) atteste que ces châtiments corporels étaient effectivement en usage dans les monastères.

441 Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 19, CG, II, p. 10: Monachi autem abbatibus omni se obedientiae devotione subiciant.

442 Can. 19, ibid., p. 10.

443 Conc. Aurelianense, ann. 533, can. 21, CG, II, p. 102.

*"Conc. Turonense, ann. Sòl, can. 7, CG, II, p. 178.

445 HF, Vili, 34, p. 403.

446 VP, XX, 3, p. 292.

447 HF, X, 12, p. 495.

448 VP, XV, 2, p. 272.

449 HF, X, 31, 16, p. 533.

450 yp> vi, 4, p. 233, qui montre l'évêque de Clermont Gallus in convivio eclesiae, soumis aux injures proférées par un de ses prêtres.

451 VP, IX, 1, p. 253, infra cit., n. 454.

452 yp vili, 3, p. 244 : l'épisode montre le jeune Grégoire prenant part, en sa qualité de diacre, au convivium présidé par l'évêque Nicetius de Lyon.

453 E. Lesne, La propriété ecclésiastique, I, p. 7 et 351.

454 VP, IX, 1, p. 253 : Aut cum reliquis fratribus cibum sume, aut certe discede a nobis. Non enim rectum videtur, ut dissimules cum his habere victum, cum quibus eclesiasticum implere putaris officium.

455 Dans un épisode qui a pour cadre la domus ecclesiae de Lisieux, il apparaît que l'évêque de cette cité non seulement prenait ses repas avec les clercs de l'ecclesia réunis à la mensa commune, mais également se retirait la nuit dans un dortoir, habens circa lec- tum suum multos lectulos clericorum (HF, VI, 36, p. 307).

456 Le rector domus eclesiasticae est mentionné à l'époque d'Eufronius (CG, 18, p. 308). Il doit certainement être distingué de Yabba attaché à la domus eclesiastica (VP, II, 3, p. 220) : un prêtre uniquement chargé, semble-t-il, de desservir l'oratoire privé de l'évêque et de veiller sur le trésor de reliques qui y est déposé; ces fonctions sont donc analogues à celle de Yabba martyrarius a Saint-Martin (infra, p. 689).

457 HF, VII, 29, p. 348.

458 HF, VII, 29, p. 349 où se trouvent mentionnés la celiala abbatis et les lits qui s'y trouvent; sur la domus basilicae, supra, p. 397.

459Conc. Turonense, ann. 567, can. 20, CG, II, p. 183-184. E. Loening (Geschichte des deutschen Kirchenrechts, Strasbourg, 1878, II, p. 347), supposait que tous les prêtres placés à la tête d'une église rurale — que celle-ci fût édifiée dans un vicus ou sur un domaine privé — portaient le titre d'archipresbyteri. Comme l'a bien montré H. G. J. Beck (The Pastoral Care of Souls, op. cit., p. 69-71) pour les Églises du Sud-Est de la Gaule, les archi-

prêtres qualifiés par les textes canoniques de vicani ne se trouvent que dans les vici ou les castra. Au reste les églises rurales auprès desquelles Grégoire mentionne la présence d'un archiprêtre sont celles du castrum de Tonnerre (HF, V, 5, p. 201), du vicus nomine Bessiaco (Bessay en Poitou, GM, 89, p. 97), du vicus de Brioude (VJ, 22, p. 124), du vicus Nereensis (Neris en Auvergne, VP, IX, 3, p. 255) et du vicus Arcthonensis (Artonne, en Auvergne, GC, 5, p. 302).

460 Comme l'abbé à l'égard des moines fautifs, l'archiprêtre peut appliquer aux clercs indisciplinés des châtiments corporels : qui distulerit, fustigetur (Conc. Turonense, ann. 567, can. 20, CG, II, p. 183).

461 GC, 5, p. 302.

462 GM, 89, p. 97.

463 Sulpice Sévère, Dial. Ill, 8, 4, p. 206 : aux côtés du presbyter Marcellus, plusieurs clercs.

4«4 VP, XIX, 2, p. 288.

465 HF, VII, 47, p. 366.

466 VP, Vili, 11, p. 251.

467 Chinon : GC, 23, p. 313; Yzeures, GM, 58, p. 78.

468 VM, II, 19, 20, 22, 23, 45, 48; III, 22, 23.

469 VM, III, 23, p. 188.

470 GC, 23, p. 312.

471 HF, V, 49, p. 262.

472 VM, II, 32, p. 171; III, 28, p. 189.

473 On ne trouve chez Grégoire, pour la Touraine, aucun exemple de ces églises, élevées par de grands propriétaires laïcs sur leurs domaines, que mentionne la législation canonique, en s'efforçant de soumettre leur clergé au contrôle de l'évêque (Çonc. Aga- thense, ann. 506, can. 21; Cone. Aurelianense, ann. 511, can. 25; Cone. Aurelianense, ann. 541, can. 7, 26, 33. . .).

474 Ainsi le prince Mérovée, tombé en disgrâce et ordonné prêtre, est placé dans un monastère du Maine, ut ibi sacerdotali eruderetur régula (HF, V, 14, p. 207); il est vrai que, dans ce cas, le monastère constitue aussi une prison.

475 HF, X, 31, 9 et 17.

476 Qualifié du titre de sacerdos, le moine Maxime porte avec lui, dans tous ses déplacements, le ministerium cotidianum (GC, 22, p. 311).

477 Grégoire dépeint Venantius âgé, devenu incapable, à cause de sa vue déficiente, de lire les textes liturgiques pour célébrer la messe (VP, XVI, 2, p. 275).

478 HF, V, 21, p. 229.

479 VP, XV, 1, p. 271 et 3, p. 272.

480 VP, XX, 3, p. 292.

481 Venantius : VP, XVI, 3, p. 276; Leobardus : VP, XX, 3, p. 293.

482 VP, XV, 2, p. 272.

4S3Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 19, CG, II, p. 10 et Cone. Turonense, ann. 576, can. 7, ibid., p. 178.

484 VM, I, 6, p. 142.

485 GM, 33, p. 58.

486 Sulpice Sévère, Dial, III, 8, 4, p. 206.

487 Dial. Π, 8, 7, p. 190.

488 Ecclesia de Chinon: HF, Χ, 31, 4, p. 528; HF, V, 17, p. 215; GC, 23, p. 312. Le monastère fondé par Maxime : GC, 22, p. 312.

489 L'église rurale de Loches a été fondée par l'évêque Eustochius (HF, X, 31, 5, p. 529); le monastère d'Ursus est édifié, semble-t-il, au pied du castrum (VP, XVIII, 1, p. 284).

490 Supra, p. 405.

491 HF, VIII, 15. 492GC, 23, p. 312.

493 HF, V, 21, p. 229 et VIII, 34, p. 403.

494 VP, XX, 3, p. 292-293.

495 Parmi les laïcs, les matricularii astreints à suivre les offices quotidiens de la basilique {infra, p. 721).

496 HF, IV, 11, p. 141 : martyrarius et abba; ou plus simplement, abba sancii Martini: HF, VII, 29, p. 349; HF, X, 31, 13, p. 532; VM, IV, 11, p. 202.

497 Conc. Aurelianense, ann. 533, can. 13, CG, II, p. 101. Grégoire signale la présence d'un martyrarius auprès de la basilique Saint-Julien de Brioude (V7, 46, b, p. 132); très certainement par le titre à'abba basilicae (basilique Saint-Symphorien de Bourges, GC, 79, p. 346-348; Saint-Privat de Mende, HF, VI, 37, p. 308; Saint-Hilaire de Poitiers, HF, IV, 18, p. 151 et IX, 43, p. 474; Saint-Remi de Reims, HF, X, 19, p. 512-513), probablement aussi avec celui à'abba loci (Saint-Marcel de Chalon-sur-Saône, GM, 52, p. 75 ; Saint-Ally- re de Clermont, VP, II, 4, p. 221), voire même avec le seul titre à'abba (Saint-Nizier de Lyon, HF, IV, 36, p. 169; Saint-Nazaire GM, 60, p. 79-80), l'historien désigne un clerc occupant les fonctions de martyraire. Sur la distinction à établir entre abbé d'une communauté monastique et abba martyrarius dirigeant les clercs attachés à une basilique, L. Pietri, Les abbés de basilique dans la Gaule du VIe siècle, dans Revue d'histoire de l'Église de France, LXIX, 1983, p. 5-28.

498 À Bourges, Brioude, Clermont, Lyon et Saint-Nazaire (loc. supra cit. n. 497).

499 HF, X, 31, 13, p. 532 : Leo ex abbate basilicae sancii Martini.

S00HF, IV, p. 141.

501 Le terme aedituus est employé trois fois par Grégoire à propos de Saint-Martin de Tours : résumant un des épisodes miraculeux rapportés par Paulin de Périgueux (Vita sancii Martini, VI, ν. 467-499, p. 158-159), l'historien y fait jouer un rôle à Yaedituus (VM, I, 2, p. 138) que ne mentionnait d'ailleurs nullement le poète; d'autre part, Grégoire mentionne la cellula de Yaedituus (VM, IV, 25 p. 205) et relate une conversation qu'il eut avec Yaedis aedituus, lors d'une de ses visites à la basilique martinienne (HF, X, 31, 19, p. 535). Le personnage qui porte ce titre apparaît plus important que les simples portiers (custodes) : il peut disposer de brandea en faveur d'un pèlerin (VM, I, 2 ; cf. à la basilique Saint- Julien de Brioude, VJ, 45, p. 131); il connaît l'histoire de la basilique dont il a la charge (HF, X, 31, p. 19; cf. à Vienne, à la basilique Saint-Ferréol, VJ, 2, p. 114 et à Saint-Nizier de Lyon, VP, Vili, 8, p. 248). Au reste, dans un récit relatif à Saint-Julien de Brioude, Grégoire utilise successivement le terme de martyrarius et celui d! aedituus pour désigner celui qui est le responsable du sanctuaire (VJ, 46 b, p. 132). Il y a donc tout lieu de croire qu'à Tours également Yabba sancii Martini est désigné tantôt sous le nom de martyrarius, tantôt sous celui a' aedituus : ce dernier terme insistant sur son rôle de gardien chargé d'assurer la protection du sanctuaire et de ses visiteurs (cf. HF, VII, 29, p. 349).

502 Dans les textes conciliaires comme dans les textes historiques (notamment chez Grégoire), le terme pauperes revêt, suivant le contexte, ces deux sens différents, désignant tantôt les humbles face aux puissants, tantôt les indigents. Sur les divers emplois de ce vocable, S. H. Mac Gonagle, The Poor in Gregory of Tours, New York, 1936; K. Bosl, Polens und pauper, Begrifsgeschichtliche Studien zur gesellschaftlichen Differenzierung im frühen Mittelalter und zum «pauperismus» des Hochmittelalters, dans Alteuropa und die moderne Gesellschaft, Festschrift für Otto Brunner, Göttingen, 1963, p. 60 à 87; du même, Frühformen der Gesellschaft im Mittelalterlichen Europa, Vienne et Munich, 1964; J. Dévisse, «Pauperes» et «paupertas» dans le monde carolingien, dans Revue du Nord, XLVIII, 1966, p. 273-287; É. Patlagean, Pauvreté économique et pauvreté sociale à Byzan- ce, 4e-7e siècles, Paris, 1977.

503 Contrairement à la thèse soutenue jadis par Fustel de Coulanges {L'invasion germanique et la fin de l'Empire romain, Paris, 1891, p. 36). Sur ce sujet, Mochi Onory, Vescovi e città, dans Rivista di storia del diritto italiano, 1931, p. 245-330; J. Declareuil, Les curies municipales et le clergé du Bas-Empire, dans Revue historique de droit français et étranger, 4e série, XIV, 1935, p. 26-56; H. G. J. Beck, The Pastoral Care of Souls in Southeast of France, op. cit., p. 317-318; J. Gaudemet, L'Église dans l'Empire romain, op. cit., p. 350-351.

504 Les Formulae Andecavenses (éd. K. Zeumer, MGH, Formulae merowingici et karoli- ni aevi) mentionnent toujours le defensor civitatis et les curiales qualifiés d'honorati (n° 1 a et 1 b, p. 4; n° 1 c, p. 5; n° 32, p. 14; n° 48, p. 21) et de même les Formulae Turonenses (ibid. n° 3, p. 136 et 28, p. 151). Grégoire de Tours lui-même cite à Clermont, du temps de l'évêque Gallus, un certain Julianus qui y exerça d'abord les fonctions de defensor avant de devenir prêtre (VP, VI, 6, p. 324). Sur la survie des institutions municipales durant le Haut Moyens Âge, S. Dill, Roman Society in Gaul in the Merovingian Age, Londres, 1926, p. 264-265; J. Richard, Le defensor civitatis et la curie municipale dans la Bourgogne du VIIIe siècle, dans Mémoires de la Soc. Hist, de Droit et Inst. Ane, Pays Bourguignons, XXI, 1960, p. 141-145; M. Rouche, L'Aquitaine, op. cit., p. 261-264.

505 C'est sans aucun doute cette élite économique et sociale de sa cité que Grégoire évoque en mentionnant le civium honoratorum ordo praeclarus (GC, 20, p. 309-310).

506 GM, 33, p. 59; il s'agit de l'évêque Bertrand de Bordeaux.

507 HF, VI, 46, p. 320 : «Nulli penitus nisi soli episcopi regnant; periet honor noster et translatus est ad episcopus civitatum ».

508 Carm. V, 10, v. 2, p. 120; Carm. V, 3, v. 5, p. 106.

509 Cone. Andegavense, ann. 453, can. 4, CG, I, p. 138.

510 Supra, p. 142.

511 HF, IV, 47, p. 184.

512 HF, V, 4, p. 199.

513 HF, VII, 12, p. 333. Sur l'action de Grégoire pour protéger sa cité, supra, p. 311 sq.

514 Sulpice Sévère, Dial, III, 14, 3-6, p. 212.

515 Ambroise, Expositio in Psalm. CXVIII, 8, 41, (éd. CSEL, 62, p. 176); C. Th., 9, 3, 7, {ann. 409) = C.J., 1, 4, 9.

516 Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 5, supra cit. p. 630 et n. 163.

517 Voir supra., n. 39.

518 Pour l'expédition de Bourgogne en 524, GM, 30; l'expédition de Bretagne en 578, HF, V, 26; pour réprimer le soulèvement en Poitou en 584, HF, VII, 13; pour la campagne de Comminges en 585, HF, VII, 38.

519 HF, III, 13, p. 110; V, 18, p. 225; VI, 8, p. 278; VII, 1, p. 327.

520 Conc. Matisconense, ann. 585, can. 5; supra, p. 610.

521 Sulpice Sévère, Dial., Ill, 4 et 8; supra, p. 72.

522 HF, V, 48, p. 258; supra, p. 304.

523 Conc. Turonense, ann. 567, can. 27, CG, II, p. 194 : Ut judices aut potentes, qui pauperes oppremunt, si commoniti a pontifice suo se non emendaverint, excommunicentur. Cf., HF, V, 42, p. 249, où Grégoire loue l'évêque de Cahors Maurilio, defendens pauperes ecclesiae suae de manu malorum judicum.

524 HF, V, 48, p. 258.

525 VM, II, 58, p. 178-179.

526 Sur les comtes qui se sont succédé à Tours l'époque de Grégoire, supra, p. 304 sq.

527 VM, II, 35; III, 47; IV, 16, 35, 39, 41.

528 VM, IV, 35, p. 208.

529 VM, IV, 16, p. 204.

530 Fortunat, Carm., X, 12, p. 246-247 (Pro puella a judicious capta). Le poète s'adresse aussi, il est vrai, pour la même cause à de hauts personnages laïcs (ibid.).

531 VM, III, 47, p. 193.

532 VP, XV, 1, p. 272 et 4, p. 273. Parmi ceux qu'il racheta (plus de 200 au total, selon Grégoire), la plupart de ces débiteurs insolvables n'avaient pas été mis en prison, mais réduits en esclavage par leur créancier (infra, p. 709).

533 VM, II, 35; III, 47; IV, 16, 39, 41. Sous l'un des prédécesseurs de Grégoire, des prisonniers qui avaient réussi à s'enfuir, miraculeusement délivrés de leurs liens au passage des reliques de Martin, avaient déjà obtenu leur grâce du juge, à la suite de l'intervention de l'évêque occupant alors le siège de Tours (VM, I, 11, p. 145).

534 VM, II, 35, p. 172.

*35Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 1, CG, II, p. 4 et 5.

536 Sur cette question et les débats auxquels elle a donné lieu, G. Lardé, Le tribunal du clerc, op. cit.; J. Gaudemet, L'Église dans l'Emptre romain, op. cit., p. 229-240.

537 Sulpice Sévère, Dial. II, 1 ; supra, p. 70.

538 Statuta ecclesiae antiqua, can. 14, CG, I, p. 168-169.

539 Sidoine Apollinaire, Epist, VI, 2, éd. A. Loyen, III, p. 11 et 12.

540 Epistola episcoporum Leonis, Victuri et Eustochi ad episcopos, CG, I, p. 136.

541 Conc. Matisconense, ann. 585, can. 9, CG, II, p. 243.

542 VP, Vili, 3, p. 243.

543 HF, IV, 35, p. 168; cf. HF, V, 42, p. 249, à propos de l'évêque Maurilio de Cahors : Fuit etiam et in judiciis Justus.

544 Conc. Agathense, ann. 506, can. 29, CG, I, p. 206.

545 Conc. Matisconense, ann. 585, can. 7, CG, II, p. 242.

546 Can. 12, p. 244-245.

547 HF, V, 48, p. 258.

548 HF, VII, 47, p. 367; sur cette affaire, supra, p. 308 et 312 sq.

549 Conc. Aurelianense, ann. 549, can. 20, CG, II, p. 155. Pour les constitutions impériales concernant le régime des prisons, J. Gaudemet, L'Église dans l'Empire romain, op. cit., p. 568-569. D'une manière générale, l'archidiacre est préposé à toutes les œuvres d'assistance. Les Statuta ecclesiae antiqua (can. 7, CG, I, p. 167) le définissent comme celui qui exerce gubernationem viduarum et pupillorum ac peregrinorum, au nom de l'évêque.

550 VM, II, 35, p. 172.

551 VM, III, 47, p. 193 : negatoque cibo potuque. Grégoire, qui témoigne de l'assistance accordée par l'Église tourangelle aux condamnés purgeant des peines d'emprisonnement, apporte peu d'information sur les condamnés à mort. Il relate seulement l'histoire de deux suppliciés qui survécurent, grâce à l'intercession de Martin dit-il, à leur pendaison (VM, III, 53). À propos du second, il précise qu'un abbé du voisinage, témoin du miracle, obtint du comte la grâce du malheureux. Ce dernier récit laisse supposer que des clercs ou des moines accompagnaient, pour leur apporter les dernières consolations de la religion, les condamnés à mort jusqu'au lieu de leur supplice.

532 Sulpice Sévère, Dial., II, 3.

553 Supra, p. 94 sq.

554 Grégoire mentionne une révision du cadastre ordonnée, à l'époque d'Injuriosus, par Clotaire {circa 532-546; HF, IX, 30, p. 448), une autre en 576, du temps de Chilpéric (HF, V, 28, p. 233) et une troisième sous le règne de Childebert II, en 590 (HF, IX, 30, p. 448 et X, 7, p. 488).

555 HF, V, 34, p. 238-241.

556 Sur toute cette évolution, supra, p. 200 et 222 sq. et, p. 316 sq.

557 HF, IX, 30.

558 Ibid., p. 448 : illos quos justitiae conditio tribuarius dabat.

559 Sulpice Sévère, Vita M., 2, 5.

560 Conc. Agathense, ann. 506, can. 9, CG, I, p. 226.

561 Ibid., can. 7, p. 195.

562 Ibid., can. 46, p. 212. Le canon conseille cependant de vendre les esclaves fugitifs qui, après avoir été ramenés, renouvellent leur tentative d'évasion.

563 Conc. Aurelianense, ann. 541, can. 32, CG, II, p. 140.

564 Supra, p. 640.

565 Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 3, CG, II, p. 5 et 6; Conc. Aurelianense, ann. 549, can. 22, ibid., p. 156.

566 Conc. Agathense, ann. 506, can. 15, CG, I, p. 227. C'est à la suite d'une sentence rendue par un juge, que deux esclaves tourangeaux sont condamnés à la pendaison, l'un pour une faute vénielle — un vol — , l'autre parce qu'il avait commis de nombreux crimes (VM, III, 53).

567 Canons supra cit., n. 565.

568 Conc. Aurelianense, ann. 541, can. 24, CG, II, p. 138.

569 VP, XVI, 3, p. 276.

570 HF, V, 3, p. 197-198.

571 VM, I, 40, p. 156.

572 VM, II, 4; IV, 25, 36, 43.

573 VP, XVI, 3.

574 Supra, p. 559 sq.

575 Sur la législation impériale, C. G. Mor, La manumissio in ecclesia, dans Rivista di storia del diritto italiano, I, 1928, p. 80-150; J. Gaudemet, La législation religieuse de Constantin, dans Revue d'histoire de l'Église de France, XXXIII, 1947, p. 38-41; R. Danieli, Sull'origine della «manumissio in ecclesia», dans Studi econo, giur. di Cagliari, 1948, p. 263-269. Cette procédure est mentionnée au Ve s. par le concile d'Orange de 441 (can. 6, CG, I, p. 79), par la Collection dite du 2e concile d'Arles (ann. 442-506, can. 34, ibid., p. 121) et, au VIe s., par le concile d'Agde de 506 (can. 29, ibid., p. 206), par le concile d'Orléans de 549 (can. 7, CG, II, p. 150) et par le concile de Mâcon de 585 (can. 7, ibid., p. 242). La législation conciliaire mentionne aussi les autres modes d'affranchissement, testamento aut per tabolas (conc. Aurelianense, ann. 538, can. 29, CG, 11, p. 125), per epistolam aut per testamentum (Conc. Matisconense, ann. 585, can. 7, supra cit.).

"6FM, II, 4 et 30; GC, 22.

577 VM, IV, 5.

578 Rachat par l'Église : VM, II, 57 ; III, 46. Rachat par un fidèle généreux : VM, I, 40.

579 VM, II, 59, p. 179; cf. VM, III, 41.

580 Les ecclésiastiques donnaient souvent l'exemple en ce domaine, comme le montrent les testaments de Rémi de Reims et de Bertrand du Mans. Les testaments de ses

prédécesseurs que mentionne Grégoire contenaient sans doute des dispositions de cette nature.

581 VM, II, 4, p. 161.

582 Supra, p. 597.

5« VP, XV, 1, p. 272 et 4, p. 274.

SMConc. Agathense, ann. 506, can. 29, CG, I, p. 206; Cone. Aurelianense, ann. 549, can. 7, CG, II, p. 150; Cone. Matisconense, ann. 585, can. 7, ibid., p. 242.

585 VM, II, 59, p. 179.

586 VM, III, 41, p. 192.

587 VM, I, 40, p. 156.

588 Conc. Vaseuse, ann. 442, can. 4, CG, I, p. 97; cf. Statuto ecclesiae antiqua, can. 86, ibid., p. 180.

589 Conc. Agathense, ann. 506, can. 4; Conc. Aurelianense, ann. 538, can. 5, 13, 25; conc. Aurelianense, ann. 541, can. 9, 14, 18, 19, 25, 34, 36; Conc. Aurelianense, ann. 549, can. 13 et 15; Conc. Turonense, ann. 567, can. 25, 26, 27; Conc. Par isiense, ann. 556-573,

can. 1, 2, 3; Cone. Matisconense, ann. 583, can. 4. Sur l'emploi de l'expression necator pauperum, M. Rouche, La matricule des pauvres, art. cit., p. 84-85.

590 De septem ordinibus ecclesiae, (éd. PL, XXX, col. 159). Cet apocryphe hiéronymien qui se présente comme un recueil de conseils adressés à un évêque a été probablement rédigé en Gaule peu après 400 (G. Morin, dans Revue d'histoire ecclésiastique, XXXIV, 1938, p. 229-244; E. Griffe, dans Bull, de littérature ecclésiastique, LVII, 1959, p. 215-224 et dans La Gaule chrétienne à l'époque romaine, op. cit., II, p. 313-322 et III, p. 321 et 349.

591 Supra, p. 630.

592 Supra, n. 163.

593Conc. Aurelianense, ann. 511, can. 16, CG, II, p. 9.

594 Sauf en ce qui concerne les oblations dont le concile de 5 1 1 prévoit le partage, supra, p. 623.

595 C'est un trait de caractère que note Sulpice Sévère chez son héros dès sa jeunesse : Jam turn evangelii non surdus auditor de crastino non cogitabat {Vita M., 2, 8, p. 256).

596 Le poète évoque les indigents {inopes)

. . . quos sanctus alit vestitque sacerdos, / consuetam devotus opem dum praestat egenis / expensisque suis ditescit prompta voluntas. (De Vita s. Martini, VI, v. 189-191, p. 146).

597 HF, X, 31, 16, p. 533.

S98Conc. Turonense, ann. 567, can. 5, CG, II, p. 178.

599 Supra, p. 562.

600 E . Lesne, (Histoire de la propriété ecclésiastique, I, op. cit., p. 372), minimise, semble-t-il, la portée réelle de la mesure qu'il définit comme une participation demandée aux diocésains et aux prêtres ruraux dans la tâche d'assistance, plus que comme un véritable partage des devoirs dans le cadre d'une organisation géographique.

601 Supra, p. 624.

602 YMt \t 2)\, p. 153. C'est de façon anachronique que le Liber Historiae Francorum, 17, {supra, p. 197, n. 109) mentionne, du temps de Clovis, la présence de matricularii à Saint-Martin.

603Conc. Agathense, ann. 506, can. 2, CG, I, p. 193: Cone. Aurelianense, ann. 541, can. 13, CG, II, p. 135.

604 Sur l'origine et le développement de cette institution en Gaule, E. Lesne, Histoire de la propriété ecclésiastique, I, p. 370-389; M. Rouche, La matricule des pauvres, art. supra cit. ; M. De Waha, λ propos d'un article récent; quelques réflexions sur la matricule des pauvres, dans Byzantion, XL VI, 1976, p. 354-367.

605 Bennadius lègue trois sous viduis in matricula positis (Flodoard, Historia Remensis Ecclesiae, I, 9, MGH, Script. XIII, 1881, p. 421).

606 M. De Waha, op. cit., p. 357-358. On doit d'ailleurs noter qu'il s'agit ici de veuves, appartenant très probablement à Yordo viduarum dont les membres sont inscrits sur la matricula ecclésiastique.

607 Testamentum sancii Remigli episcopi (éd. D. M. Rochais, CC, series latina, CXVII, 1, Turnhout, 1957). Don à la matricule de Reims: Pauperibus in matricola positis ante fores aecclesie exspectantibus stipem, duos solidi unde se reficiant, inferentur (p. 475) ; don à la matricule de Laon : Pauperibus in matricula positis solidus dabitur ad eorum refectio- nem (p. 478).

608 C'était là le sentiment de L. Duchesne (Fastes, III, p. 82, n. 6), beaucoup plus nuancé que celui de B. Krusch (Reimser Remigius Fälschungen, dans Neues Archiv. XX, 1895, p. 538, sq.) qui tenait le document pour faux. Depuis lors, le dernier éditeur, D. M. Rochais (op. cit.), ainsi que A. H. M. Jones, P. Grierson et J. A. Crook (The Authenticity of the Testamentum sancii Remigli, dans Revue belge de philologie et d'histoire, XXXV, 1957, n° 2, p. 356-373) se sont efforcés de démontrer la véracité de l'acte.

609 M. Rouche, La matricule des pauvres, art. cit., p. 89 et p. 91. C'était déjà, semble- t-il, l'opinion dé H. G. J. Beck (The Pastoral Care of Souls, op. cit., p. 331), qui admet qu'au début du VIe s., il y avait une matricule des pauvres par diocèse.

610 Synodus dioecesana Autissiodorensis, ann. 561-605, can. 3, CG, II, p. 265.

611 Supra, p. 215 sq.

612 Selon M. Rouche, {op. cit., p. 93), le prêtre Cato de Clermont qui avait l'habitude, au témoignage de Grégoire (HF, IV, 11, p. 142), de nourrir les pauvres, était «le recteur de la matricule de Clermont». Il n'est pas certain en fait que ce texte atteste l'existence d'une matricule des pauvres à Clermont, étant donné que les termes employés par Grégoire (pauperum caterva; multitudo pauperum) évoquent plutôt «les autres pauvres», ceux que l'historien distingue du petit groupe des matricularii. À Limoges, l'abbé Aredius aurait laissé par testament des vignes aux clercs et aux matricularii de Saint-Martial, ser- vientes sancto Marciali vel matriculae suae (éd. Pardessus, Diplomata, I, p. 136; sur la valeur discutée de ce document, supra, n. 59).

613 Le Testament de l'évêque Bertrand du Mans {ann. 616) affecte à la basilique Saint- Martin de Pontlieue des revenus pour les alimonia. . . pauperum qui ad ipsam basilicam sanctum ad matrico (sic) sedere videntur; victus et vestitus, per singulos annos, sufficienter ministretur (éd. Busson et Ledru, Actus Pontificum Cenomanensium, p. 108). Un autre legs est destiné aux matricolabus sancii Pétri {ibid., p. 120).

614 M. Rouche, op. cit., p. 91.

615 VM, II, 27, p. 169.

616 Matricule de Saint-Martin: VM, I, 31, p. 153; VM, III, 14, p. 185; HF, VII, 29, p. 349. Matricule de Candes: VM, II, 22 et 23, p. 166; VM, III, 23, p. 188. Matricule de Saint-Julien : VJ, 38, p. 130.

617 HF, VII, 29, p. 349 : nonnulli etiam matricolariorum et reliquorum pauperum . . .

618 VM, I, 31, p. 153.

619 VI, 38, p. 130; VM, II, 22 et 23, p. 166.

620 yM, ni, 23, p. 188. Dans ce texte, le terme de matricule n'est pas prononcé, mais tous les détails indiquent que l'épisode se déroule dans le cadre de l'institution charitable présentée au livre précédent par Grégoire.

621 VM, III, 14, p. 185.

622 Testament du diacre Grimo, p. 131-132 de l'éd. supra cit. (n. 123).

623 Selon E. Lesne (op. cit., p. 387), «la matricule n'est point un propriétaire distinct de l'église dont elle dépend»; en sens inverse, W. Schöndorf (Die Xenodochien in Italien und Frankreich in frühen Mittelalter, dans Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, LVI, kanonische Abteilung, XII, 1905, p. 409), J. Imbert (Les hôpitaux en droit canonique, Paris, 1947, p. 41-42) et M. Rouche, (art. cit., p. 100), pensent que tous les établissements charitables — matricules et hôpitaux — possèdent la personnalité civile. Il semble qu'au VIe siècle au moins, le problème ne se pose pas aux autorités ecclésiastiques en termes aussi tranchés. La matricule est bien titulaire des biens qui lui sont affectés et qui ne peuvent être détournés pour un autre usage; mais, dans la pratique, l'abbé ou le prêtre dirigeant le sanctuaire auquel elle est annexée est responsable de ce patrimoine qu'il gère avec l'aide de ses actores, comme le montre le testament du diacre Grimo.

62*VM, 1, 31.

625 Cette pratique est attestée par les Formulae Andecavenses (éd. K. Zeumer, supra cit., n° 49, p. 21-22) et par les Formulae Turonenses (ibid., n° 11, p. 141). Faute d'indication à ce sujet dans les sources tourangelles du VIe s., on ne peut affirmer que, dès cette époque, l'usage en fût établi. La législation en vigueur paraît être restée pendant tout le VIe s. celle élaborée au concile de Vaison en 422 (can. 9, CG, I, p. 100-101) et reprise par le concile d'Agde en 506 (can. 24, ibid., p. 204) : tout individu qui a trouvé un enfant exposé doit le garder, si, dans un délai de dix jours, les parents ne l'ont pas réclamé.

626 VJ, 38; cf., VM, II, 22 et 23.

628 VM, III, 23.

629 VM, I, 31.

630 VM, II, 28.

631 Selon E. Lesne {op. cit., p. 381), les pauvres inscrits sur la matricule sont à l'époque mérovingienne uniquement des hommes. M. Rouche (art. cit., p. 89-90) estime au contraire que, dès cette époque, on inscrivait des pauvres des deux sexes sur les matricules. À Tours, au VIe s., il semble qu'il s'agisse toujours, dans les épisodes relatés par Grégoire, d'hommes ; mais les textes, il faut l'avouer, sont trop imprécis pour qu'on puisse en tirer une conclusion radicale.

632 VM, I, 31; FM, II, 22.

633 VM, III, 23.

634 VM, I, 31.

635 Dans la formule angevine supra cit. (n. 625), les marguilliers apparaissent soumis dans toutes leurs activités au martyrarius.

636 HF, VII, 29.

637 HF, V, 26, p. 233. Ces pauperes sont sans aucun doute uniquement ceux qui sont inscrits sur la matricule; le texte qui les associe aux jeunes clercs montre bien qu'ils font partie de la familia ecclésiastique.

638 M. De Waha, art. cit., p. 366.

639 VM, III, 23.

640 HF, VII, 29.

641 Fortunat, Carm. X, 17, v. 41, p. 251; cf. Carm. X, 18, v. 1, ibid., indiquant que le festin fut offert à l'occasion de la fête pascale.

642 M. Rouche, La matricule des pauvres, p. 92.

643 Corte. Aurelianense, ann. 511, can. 16, CG, II, p. 9.

644 Conc. Aurelianense, ann. 549, can. 21, CG, II, p. 156.

645 VP, I, 4, p. 216. Grégoire transpose librement un épisode de la Vie des Pères du Jura (45, éd. F. Martine, p. 289-290), dans lequel l'abbé Romain recevait l'hospitalité pour la nuit dans la maison de deux lépreux, un père et son fils, sur la route de Genève. L'historien transforme cette demeure privée en un hospitiolum . . . leprosorum, dans lequel sont recueillis novetn viri.

646 Vita Caesarii, I, 20 (éd. G. Morin, Sancii Caesarii opera, II, p. 303). H. G. J. Beck (The Pastoral Care of Souls, p. 334) pense qu'il pourrait s'agir du premier hôpital fondé en Gaule.

647 D'après une inscription funéraire qui se trouvait à Reims dans l'ecclesia beati Juliani martyris et dont le texte a été conservé par Flodoard (Historia Remensis Ecclesiae, I, 23, MGH, Script. XIII, p. 442; Le Blant 334). La charitable initiative d'Atolus lui a été

inspirée sub amore sacri studioque Remigi (ν. 15). On a compris en général (E. Lesne, op. cit., p. 402, n. 3; F. Vercauteren, Étude sur les civitates de Belgique Seconde, Bruxelles, 1934, p. 53) que c'est par dévotion à la mémoire de Rémi qu'Atolus a décidé cette fondation, qui serait donc postérieure à la mort de l'évêque.

648 Conc. Aurelianense, ann. 549, can. 15, CG, H, p. 153.

649 Fortunat, Vita sanctae Radegundis, 12, p. 39.

650 GC, 85, p. 353.

651 Testament de l'évêque Bertrand, éd. Busson et Ledru, p. 108.

652 Voir les ouvrages cités supra, n. 623.

653 Conc. Matisconense, ann. 585, can. 11 et 13, CG, II, p. 244 et p. 245. Sur cette hospitalité offerte aux étrangers par l'évêque dans sa domus ecclesiae ainsi que par d'autres membres du clergé, E. Lesne, op. cit., p. 390-400; D. Gorce, Les voyages, l'hospitalité et le port des lettres dans le monde chrétien des IVe et Ve siècles, Paris, 1925, p. 146-155. Sur l'hospitalité offerte par les hôpitaux aux pèlerins, J. Imbert, Les hôpitaux en droit canonique, op. cit., p. 50.

654 Supra, p. 60 sq.

655 Paulin de Périgueux, De vita sancii Martini, VI, ν. 294-319, p. 150-151.

656 VM, II, 4; IV, 9, 24, 36, 43. L'archiater Armentarius prépare, sur les indications de Grégoire, une potion dans laquelle a été délayée de la poussière grattée sur la tombe de Martin (VM, II, 1, p. 159).

657 Cette thérapeutique, utilisée par Martin (supra, p. 60), par Perpetuus et Grégoire (supra, p. 579) est également celle qu'emploie Monegundis (VP, XIX, 3).

658 VP, XVI, 3; XIX, 3; XV, 3.

659 VP, XIX, 3 ; XX, 3.

660 VP, XV, 3.

661 VP, XV, 3, p. 273.

662 Même au VIIe s., contrairement à l'opinion exprimée par M. Rouche (art. cit., p. 101), il n'est pas du tout certain que matricula et xenodochium fussent confondus (M. De Waha, art. supra cit., p. 359).

663 VM, III, 23.

664 W. Schöndorf, op. cit., p. 53; J. Imbert, op. cit., p. 41.

665 VP, XVI, 3, p. 276.

666 VP, XIX, 2, p. 288.

667 VP, XIX, 4, p. 289-290.

668 VP, XV, 2, p. 272.

669 E. Lesne, op. cit., p. 402.

1 Vita M., 7, 7, p. 268. Sur l'expression vir apostolicus, qui ne fait pas seulement référence, comme le prétendait E.-Ch. Babut (Saint Martin de Tours, op. cit., p. 236), aux pouvoirs du thaumaturge, mais implique la notion de «fidélité directe à la tradition apostolique», J. Fontaine, Vie de saint Martin, II, p. 632-633.

2 Vita M., 20, 1, p. 294, avec le commentaire de J. Fontaine, éd. cit., III, p. 923 et note 3.

3 Chron., II, 50, 4, p. 103 : Martino episcopo, viro plane Apostolis conferendo.

4 Dial., Π, 5, 2, p. 186; cf. Epist., 1, 5, p. 318:0 beatum et per omnia similem Apostolis . . . virum !

5 Epist., 1, 5-6. Sur la transposition par le biographe des deux épisodes scripturaires, la marche de Pierre sur les eaux (Matth., 14, 30-31) et le naufrage de Paul (2 Cor., 11, 24; Actes, 27, 27), J. Fontaine, op. cit., III, p. 1136-1140 : la double référence à Pierre et Paul traduit déjà l'intention de Sulpice de « hausser l'évêque de Tours ... au rang des princes des Apôtres» et de «suggérer que Martin a fondé l'Église dans les campagnes de la Loire et du pays éduen avec le même mérite que Paul et Pierre en d'autres régions» (ibid., p. 1129-1130).

6 Dial., Ill, 17, 6, p. 216: felicem quidem Graeciam, quae meruit audire Apostolum praedicantem, sed nequaquam a Christo Gallias derelictas, quibus donaverit habere Marti- num. Paulin de Noie paraît faire écho au biographe dans le Carmen 18, (v. 152-154, p. 104):

Nee minor occiduis effulsit gratia terris. / Ambrosius Latio, Vincentius extat Hiberis. / Gal- lia Martinum, Delphinum Aquitania sumpsit.

Mais on doit remarquer que le poète compare Martin à des martyrs ou à des confesseurs, mais ne l'égale pas aux Apôtres.

7 Vita M., 9, 4, p. 272 : Nec vero aliud his facere licuit quam quod populus, Domino volente, cogitabat; Vita M., 9, 7, ibid. : Atque ita habitum est divino nutu psalmum hune lectum fuisse ...

8 Supra, p. 40.

9 Dial, III, 17, 5, p. 215.

11 Paulin de Noie développe longuement cette idée dans le Carmen 19 : «Dieu, écrit-il, a disposé sur la terre les tombeaux des martyrs, comme il a semé les étoiles dans le ciel. . . Pour démontrer avec plus d'éclat sa sollicitude, la Puissance divine envoie les saints de préférence dans les villes; certes, les petits villages ont eu des martyrs, mais Dieu a envoyé dans les grandes villes des héros illustres; il a réparti entre quelques régions seulement les saints qu'il a chargés d'être, avant de mourir, les maîtres de l'univers» (Traduction Ch. Pietri, Saint Paulin de Noie, poèmes, lettres et sermons, Namur, 1964, p. 186-187). Le même thème reparaît dans d'autres poèmes (Carm., 13, v. 24; 14, v. 65...).

12 C'est un des leit motive du Peristephanon (éd. M. Lavarenne, Les Belles Lettres,

Paris, 1951) : il revient à propos des martyrs Emeterius et Chelidonius à Calahorra (Hymne, I, v. 5, p. 22), d'Eulalie à Mérida (Hymne, III, v. 5, p. 54), de Fructuosus, Augurius et Eulogius à Tarragone (Hymne, VI, v. 1-6, p. 95). Le thème est d'autre part longuement développé dans l'Hymne IV, v. 17-48, p. 64-65. 13 Supra, p. 107.

14 Supra, p. 526 sq.

15 A. Huber (Die poetische Bearbeitung der Vita s. Martini des Sulpicius Severus durch Paulinus von Perigueux, Progr., Kempten, 1901, p. 15-20) soutenait que Paulin avait composé les 5 premiers livres de la Vita avant d'entrer en rapport avec Perpetuus ; ce dernier, à leur lecture, aurait décidé d'envoyer au poète son procès-verbal des miracles posthumes pour qu'il en fît un sixième livre : ce serait ce dernier chant, et lui seul, que Paulin aurait dédié à l'évêque tourangeau dans une lettre qui aurait ensuite été placée par erreur en tête de l'œuvre tout entière, dans l'unique manuscrit (R) qui nous l'a conservée. A. H. Chase (The Metrical Lives of st Martin of Tours by Paulinus and Fortunatus and the Prose Life by Sulpicius Severus, dans Harvard Studies in Classical Philology, Cambridge Mass., XLIII, 1932, p. 51-76) a réfuté de façon très convaincante cette thèse, en analysant la genèse de l'ouvrage de Paulin de P.

16 Ce Prologue, sous forme de lettre, qui a été maintenu en tête de l'ouvrage dans l'édition procurée par M. Petschenig (CSEL, XVI, 1886, p. 17-18) mentionne la splendi- dam. . . historiam. . . de sancii atque apostolici doctoris et domini, envoyée par Perpetuus à Paulin. Ces termes, comme l'a bien montré A. H Chase, ne peuvent convenir qu'à la

Vita Martini de Sulpice; quant au mot charta que le poète emploie ensuite, il peut parfaitement s'appliquer à cet ouvrage, puisqu'il a le sens très général de livre. D'autre part, selon A. Huber, le vœu formulé par Paulin, ut ad totius orbis notitiam perveniret, {ibid.), n'avait de sens que s'il s'agissait de publier des récits encore inédits, ceux recueillis et transmis par Perpetuus. Mais si les œuvres de Sulpice Sévère étaient très connues, le poète espérait cependant leur donner une plus grande diffusion encore grâce à sa version poétique, comme il l'avoue explicitement {Vita s. Martini episcopi, IV, ν. 9-17, p. 81-82).

17 Vita s. Martini episcopi, IV, ν. 1-4, p. 81 :

Finierat sumptum translatio coepta volumen / percurrens sancti pura exemplaria libri, / cum subito oblata est abstrusae gloria nobis / historiae, nostri Stimulans molimina voti.

Il est vrai que le nom de Perpetuus n'est pas prononcé ici. Mais on doit remarquer que Paulin emploie à nouveau le terme d'historia pour désigner, sans qu'il puisse y avoir ici d'ambiguïté, les Dialogues; et comme il rappelle d'autre part qu'il vient d'achever la translation de la Vita, on comprend qu'il n'éprouve pas le besoin de mentionner à nouveau celui qui lui a successivement procuré les deux ouvrages. Paulin de Périgueux n'a pas mis en vers les trois Lettres de Sulpice Sévère, soit qu'il n'en eût pas le texte, soit qu'il lui ait paru difficile d'intégrer les épisodes relatés par celles-ci dans son œuvre. Cette dernière laisse également de côté le premier Dialogue de Sulpice, essentiellement consacré au récit du voyage de Postumianus en Orient, un récit qui, dans le contexte de la geste poétique dédiée à Martin, ne pouvait trouver sa place. D'autre part, dans la translation en vers, certains épisodes de la Vita M. (24, 1-3) et surtout des Dialogues {VM, II, 4, 1-3; 5, 1-4; 8, 1-5; 12, 6 à la fin du livre; III, 1, 1-2; 2; 5, 1 à 6, 1 ; 10,6; 11, 1 à 13, 3; 13,7; 14, 7 à la fin du livre) sont également absents. Selon E. Ch. Babut {Saint Martin de Tours, p. 303-304), qui compare la version de Paulin aux textes de Sulpice — également amputés de certains chapitres — des manuscrits du Martinellus, Perpetuus aurait procuré à Paulin une édition expurgée par ses soins de tous les chapitres qui rappelaient les démêlés de Martin avec les évêques et avec le prêtre Brice. Il n'est pas impossible que Perpetuus ait souhaité faire l'oubli sur les erreurs de jeunesse de Brice auquel il accordait l'hommage d'un culte dans son Calendrier : cela ne signifierait pas pour autant qu'il ait voulu satisfaire un parti favorable à Brice et hostile à Martin, dont l'existence est, sans preuves suffisantes, supposée par E. -Ch. Babut {supra, p. 103). Ce dernier d'ailleurs doit reconnaître {op. cit., n. 4, p. 303) que beaucoup de suppressions opérées «s'expliquent par un motif d'ordre littéraire : il fallait fondre les divers écrits de Sulpice en un seul livre ».

18 Vita s. Martini episcopi, VI, ν. 25-33, p. 139-140; Prologue aux Carmina minora, p. 160-161; Versus de visitatione nepotuli sui, p. 161-164. Dans ce dernier poème, l'écrivain raconte la guérison de son petit-fils, opérée au contact de la charta, dans laquelle Perpetuus avait consigné les miracles posthumes de Martin (v. 32-38, p. 162-163; cf. Grégoire de T., VM, I, 2, p. 139). C'est évidemment l'emploi du mot charta pour désigner le procès-verbal de Perpetuus qui a induit A. Huber à confondre ce dernier ouvrage avec l'autre charta mentionnée par le Prologue de la Vita {supra, n. 15).

19 En particulier, De vita s. Martini episcopi, V, ν. 101-145 (p. 111-112), où le poète fait allusion aux pratiques des pèlerins déposant près du tombeau de Martin des flacons d'huile; et V, v. 866-868, p. 138, où il évoque explicitement les pèlerins qui viennent en grand nombre sur la tombe du confesseur pour solliciter la guérison de leurs maux. Sur ces notations, dont la présence dans la première partie de l'ouvrage apporte confirmation à la thèse de A. H. Chase, infra, p. 740.

20 De Vita s. Martini episcopi, Ι, ν. 8-10, p. 19.

21 De Vita s. Martini episcopi, Ι, ν. 127-130, p. 24 :

Credo equidem, quod tota prius praecordia sançtus / spiritus inrigui ditarit flumine doni : / ut quondam sanctus f elida munera Petrus / praemissa a Domino jam tali in milite vidit.

Cf., Sulpice Sévère, Vita M., 3, 1, p. 256, où l'auteur qualifie, d'une touche plus discrète, Martin de vir Deo plenus.

22 De Vita s. Martini episcopi, V, ν. 600-604, p. 128 :

Nec mirum ut Dominus servo promissa fideli / tam sancto inpleret famulo, qui dixerat olim / attonitis nimium tanta ad miracula servis, / haec verae fidei sese documenta daturum, / ut majora horum credentes signa probarent.

23 Versus de orantibus, v. 21, p. 165; Le Blant, 176.

24 Le Blant, 174.

25 Le Blant, 180, v. 1.

26 Le Blant, 179; reprenant, pour l'appliquer à Martin, 2 Tim., 4, 7-8. 21 De vita sancii Martini episcopi, Π, ν. 15-16, p. 35.

28 Ibid., v. 17-18.

29 De vita sancii Martini episcopi, II, v. 59-60, p. 37.

30 De vita sancii Martini episcopi, 11, v. 84-85, p. 38 :

Nee minor inde labor monachi, quia gloria crevit / jure sacerdotis . . .

31 De vita sancii Martini episcopi, V, v. 295, p. 117.

ì2De vita sancii Martini episcopi, V, v. 18-100, p. 108-110. 33 De vita sancii Martini episcopi, V, v. 101-145, p. 111-112. 34 De vita sanai Martini episcopi, V, v. 108-109, p. 111. 35 De vita sancii Martini episcopi, V, v. 130-133, p. 112. 36 De vita sancii Martini episcopi, V, v. 108, p. 111.

37 De vita sancii Martini episcopi, V, ν. 149-153, p. 112.

"LeBlant, 175.

39 Le Blant, 176, v. 21. Paulin de P., rappelons-le, discerne l'organisation d'une géographie sacrée dans le site de Tours, présentée, à l'instar de Rome, comme une ville apostolique (voir supra, p. 429, n. 404).

40 De vita sancii Martini episcopi, V, ν. 865-870, p. 138.

41 Le Blant, 178.

42 De vita sancii Martini episcopi, VI, ν. 1-6, p. 138-139.

43 Vita M., 6, 4, p. 264 et 266.

44 Paulin de Périgueux, De vita sancii Martini episcopi, Ι, ν. 238-259, p. 28-29 et surtout, ν. 243-245 :

Hic stabili virtute potens dum tendere contra / audet et opposito fluctus dum pectore fran- git, / saepe sacerdotes, populum dum saepe cohercet / . . .

45 De vita sancii Martini episcopi, VI, ν. 106-151, p. 143-144; sur cet épisode, supra, p. 141.

46 Supra, n. 33.

47 De vita sancti Martini episcopi, VI, ν. 291-319, p. 150-151 ; sur cette pratique, supra, p. 579 sq.

48 De même que Sidoine Apollinaire, qui mentionne' seulement la première chapelle élevée la tombe du confesseur (Epist. IV, 18, 5, v. 5 et 6, éd. A. Loyen, t. II, p. 152), Paulin de P. ne fait aucune allusion à l'époque où la sépulture du confesseur n'était protégée par aucun édifice.

49 Plus encore que Sidoine Apollinaire qui salue en Perpetuus le digne successeur de Martin (dignissimus tanto praedecessore successor, Epist., IV, 18, 4, éd. cit., p. 152), Paulin de P. reconnaît dans l'évêque tourangeau, son contemporain, le discipline de Martin (De vita sancti Martini episcopi, Prol., p. 18 : sedare quern diligis, imitare quern sequeris, honore successor, humilitate venerator; cf. De visitatione nepotuli sui, ν. 38, p. 163); héritier de son apostolica dignitas (Carmina minora, Prol., p. 160), Perpetuus est le porte-parole de Martin :

Nam certum est jussisse ipsum, quae missus ab ilio / interpres temptanda putat, sociatus et haerens / et semper tanti reverens praecepta magistri, / perpetuo felix doctor victurus in aevo. (De vita sancti Martini episcopi, VI, ν. 25-28, p. 139).

50 De vita sancii Martini episcopi, VI, ν. 506, p. 159; le poète joue sur le double sens de perpetuo /Perpetuo (supra, p. 530).

51 VM, II, 60, p. 179. À noter que l'historien confond Paulin de Périgueux avec Paulin de Noie (cf., VM, 1, 2).

52 VM, l.Prol, p. 136.

53 VM, H, Prol, p. 158.

54 Sur la composition de l'ouvrage, supra, p. 533 sq.

55 Carm. I, 5 et X, 6.

56 Vita s. Martini, Epistula ad Gregorium, 3, p. 293 : Nam pietate Domini concedente quod de vita ejus vir disertus domnus Sulpicius sub uno libello prosa descripsit et reliquum quod dialogi more subnectit, primum quidem opus a me duobus libellis et dialogus subse- quens aliis duobus libellis conplexus est. Comme Paulin de Périgueux, Fortunat met en vers la Vita Martini et les Dialogues II et III de Sulpice; mais certains épisodes que laissait de côté Paulin — notamment la scène des invectives de Brice contre Martin — ont été retenus par Fortunat.

57 Vita s. Martini, IV, v. 621-712, et surtout v. 666-667 et 666-687.

58 Epist. ad Gregorium, 2, p. 293 : Cum jusseritis ut, opus illud Christo praestante inter- cessionibus domni Martini, quod de suis virtutibus explicuistis versibus débeat digerì, id agite ut mihi ipsum relatum jubeatis transmitti. Fortunat a donc composé les quatre livres de la Vita s. Martini, alors que Grégoire avait déjà commencé la rédaction du livre I du De

Virtutibus s. Martini (à partir de la première année de son épiscopat, 573-574) ; l'historien y fait d'ailleurs référence à l'œuvre de son ami le poète (VM, I, 2 et 13-16). D'autre part, celle-ci était achevée avant le 28 mai 576, date de la mort de l'évêque Germain de Paris (Duchesne, Fastes, II, p. 471), mentionné comme toujours vivant par Fortunat (Vita s. Martini, IV, v. 636). Sur cette chronologie, B. Krusch, Introduction à l'édition des Mira- cula et opera minora de Grégoire (MGH, srm, I, 2, p. 2 et 3) et D. Tardi, Fortunat; étude sur un dernier représentant de la poésie latine dans la Gaule mérovingienne, Paris, 1927, qui propose de dater la Vita s. Martini de Fortunat de l'été 574 (p. 181).

59 Après avoir énuméré les différents ouvrages qu'il a écrits, Grégoire ajoute : Sed si tibi in his quiddam placuerit, salvo opere nostro, te scribere versu non abnuo (HF, X, 31, 19, p. 536). D'ailleurs dans le Prologue du Premier livre du De virtutibus sancii Martini, il avait déjà émis le vœu suivant : Utinam Severus aut Paulinus viverent, aut certe Fortunatus adesset, qui ista discriberentl (VM, I, Prol., p. 136).

60 Comme il le reconnaît lui-même, Epist. ad Gregorium, 3, p. 293 et Vita s. Martini, IV, v. 619, p. 367. Sur la composition de l'ouvrage, A. H. Chase, The Metrical Lives of st Martin of Tours, op. cit.

61 D. Tardi, op. cit., p. 184-187.

62 Vita s. Martini, I, v. 50-67, p. 297.

« Vita s. Martini, II, v. 59-121, p. 316-318. .

64 Fortunat mentionne à deux reprise l'œuvre de Paulin de Périgueux (Vita s. Martini, I, v. 20-22, p. 296 et II, v. 469-470, p. 329). Mais on ne trouve dans ses vers le souvenir d'aucun des thèmes développés de façon originale par son devancier.

65 VM, I, 1, p. 136.

66 VM, I, Prol, p. 135.

67 VM, I, 3, p. 139.

68 VM, III, 16, p. 186.

69 VM, I, 12, p. 146.

70 VM, I, 3, p. 139.

71 HF, I, 39, p. 27.

72 VM, I, 12, p. 146.

73 VM, III, Prol, p. 182.

74 Fortunat, Carm. V, 2, v. 1-16, p. 104.

75 Fortunat, Vita s. Martini, I, v. 48-49, p. 296.

76 Fortunat, Carm., X, 6, v. 93-94, p. 237.

77 Sur cette terminologie, A. Chastagnol, Le diocèse civil d'Aquitaine au Bas-Empire, dans Bull, de la Sté nie des Antiquaires de France, 1970, p. 272-290.

78 Exemplar epistulae dans HF, IX, 39, p. 460-463. La lettre est écrite en collaboration avec les suffragante de Tours et l'évêque de Paris, Germain. Mais Eufronius en a largement inspiré la rédaction (supra, p. 232 sq.)

79 Id., p. 461.

80 Ibid. : Itaque cum ipso catholicae relegionis exortu coepissent Gallicanis in finibus venerandae fidei primordia respirare et adhuc ad paucorum notitiam tune ineffabilia per- venissent Trinitatis dominicae sacramenta, ne quid hic minus adquirere, quam in urbis circuii, praedicantibus apostolis, obtinere, beatum Martinum peregrina de stirpe ad inlumi- nationem patriae dignatus est dirigere, misericordiam consulenti. Qui licet apostolorum tempore non fuerit, tarnen apostolicam gratiam non effugit.

81 HF, I, 30, et 48; X, 31, 1 ; GC, 4 et 29.

82 Sur les origines et le développement de la légende des Sept, supra, p. 17 sq.

83 Cette idée est clairement suggérée dans GC, 4, p. 301 : Martin vient prier au tombeau de Catianus et demande la bénédiction de «l'homme de Dieu». Une voix sortant du tombeau lui répond : « Tu enim, deprecor, benedicas mihi, serve Domini »... Admirabantur autem qui aderant eo tempore et dicebant, eum habitare tune in Martinum, qui quondam Lazarum vocavit ex monumento. Cet épisode dans lequel Martin est explicitement comparé au Christ (Joan., 12, 17) paraît calqué sur Matth., 3, 13-15 : Jésus vient à Jean pour être baptisé par lui et le Baptiste lui dit : « C'est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi ».

84 HF, I, 48, p. 33 : Quod si quis requiret, cur post transitum Catiani episcopi unus tan- tum, id est Litorius, usque ad sanctum Martinum fuisset episcopus, noverit, quia, obsisten- tibus paganis, diu civitas Toronica sine benedicttone sacerdotale fuit. Dans les chapitres précédents, il n'avait pas été question de Litorius, prédécesseur de Martin, qui est nommé seulement, et de façon incidente, à la fin du chapitre consacré à la mort et aux funérailles du confesseur.

85 HF, I, 48, p. 33 : nobis a Deo donatus, disent les Tourangeaux.

86 Paulin de Périgueux avait passé sous silence cette période, supra, p. 743.

87 HF, I, 48, p. 32 : Nam cum primitus sanctus Dei apud Condatinsem, ut dixemus, vicum aegrotare coepisset, Pectavi populi ad ejus transitum sicut Toronici convenerunt. Quo migrante, grandis alter catio in utrumque surr exit populum.

88 Ibid. : «Noster est monachus, nobis abba extetit, nos requiremus commendatum. Suf- ficiat vobis, quod, dum esset in mundo episcopus, usi fuistis ejus conloquium, participastis convivio, firmati fuistis benedictionebus, insuper et virtutibus jocundati. Sufficiant ergo vobis ista omnia, nobis liciat auf erre vel cadaver exanimum».

89 Ibid. : Ad haec Toronici respondebant : «Si virtutum nobis facta sufficere dicitis, sci- tote, quia vobiscum positus amplius est quant hic operatus. Nam, ut praetermittamus pluri- mum, vobis suscitavit duos mortuos, nobis unum; et, ut ipse saepe dicebat, major ei virtus ante episcopatum fuit, quant post episcopatum. Ergo necesse est, ut, quod nobiscum non inplevit vivens, expleat vel defunctus. Vobis est enim ablatus, nobis a Deo donatus. Virum si mus antiquitus institutus servatur, in urbe qua ordenatus est habebit Deo jubente sepul- chrum. Certe si pro monasthirio privilegio cupitis vindecare, scetote, quia primum ei monasthirium cum Mediolaninsibus fuit».

90 Id., p. 33 : thesauro quem costodiebant.

91 Ibid. : Sed Deus omnipotens noluit urbem Toronicam a proprio frustrari patrono.

92 Sulpice Sévère, Epist., 3, p. 334-344.

93 À cette conclusion aboutit également M. Carrias {Étude sur la formation de deux légendes hagiographiques à l'époque mérovingienne, dans Revue d'histoire de l'Église de France, LVII, 1972, p. 5-18, surtout p. 5-9) qui, dans son analyse du texte, a fort bien mis en évidence l'atmosphère déjà presque médiévale dans laquelle il baigne.

94 T. Sauvel (L'enlèvement du corps de saint Martin par les habitants de Tours, dans Bull, de la Sté nie des Antiquaires de France, 1956, p. 30-32) supposait que cette légende avait été élaborée au VIe s. par les moines de Ligugé et inspirée par la jalousie des Poitevins devant le succès du pèlerinage de Tours. Mais on voit mal quel intérêt ils auraient eu à mettre en circulation une histoire qui ne tourne pas à l'avantage du Poitou, comme le remarquait déjà L. Réau, à la suite de la communication de T. Sauvel (ibid., p. 32). Contestant lui aussi l'interprétation de ce dernier, M. Carrias pense que la légende fut élaborée à Tours; mais il explique lui aussi sa naissance par la rivalité entre cette cité et celle de Poitiers au sujet du pèlerinage : « Les Poitevins . . . auraient pu prendre ombrage de cette notoriété grandissante (du pèlerinage martinien de Tours) et se souvenir que Martin avait été l'un des leurs avant de se fixer à Tours ; et on ne s'étonnerait pas que les Tourangeaux se soient alors défendus en inventant la légende dont Grégoire donne la version que nous connaissons (art. supra cit., p. 8). Cependant le succès du pèlerinage de Tours paraît trop bien assuré depuis la fin du Ve s., pour que les Tourangeaux aient pu se sentir menacés de voir le courant de visiteurs détourné vers Poitiers.

95 HF, I, 1.

96 VM, III, 121, p. 187.

97 VM, I, Prol, p. 135.

98 VM, II, 43, p. 174 : Ο quotiens hic prophetarum et sublimium virorum virtutes, quas olim gestas legimus, renovari miramur! Sed quid inquam? Quod hi multi fecerunt viventes in saeculo, hie solus cotidie rénovât etiam post sepulchrum (cf., VM, I, 40, p. 173); VP, XIX, 3, p. 289 : Nonne sanctus Martinus hie habitat, qui cotidie inlustrium virtutum opere refulget ? ...

99 VM, II, 25, p. 168.

100 VM, II, 27, p. 167; cf., HF, V, 4.

101 Fortunat, Vita s. Martini, IV, v. 630-632, p. 368.

102 Supra, p. 741 sq.

103 VM, IV, Prol.,p. 199.

104 Sur ce thème de la collaboratino entre les saints, supra, p. 522.

105 HF, IV, 11, p. 142.

106 VM, II, 40, p. 174.

107 VP, XIX, 4, p. 289.

108 HF, II, 1, p. 37.

109 HF, IV, 15, p. 147; cf., Fortunat, Carm. III, 3 {ad Eufronium episcopum Turonen- sem), v. 23-24, p. 51 :

Martinus mentis hac vos in sede locavit; / dignus eras hères qui sua jussa colis.

110Fortunat, Carm., V, 3, v. 11-12, p. 106: Martino proprium mittit Julianus alumnum / et fratri praebat quod sibi dulce fuit.

111 HF, VIII, 6, p. 375: adressant une requête au roi Gontran, Grégoire se présente ainsi : «Ecce! a domino meo in legatione ad te directus sum!». Au souverain qui s'étonne et l'interroge sur son maître, il répond: «Beatus Martinus. . . misit me».

112 HF, I, Proi, p. 5, où il cite les quatre auteurs. Autres références aux Chroniques d'Eusèbe et Jérôme: HF, I, 36, p. 27; I, 41, p. 28; à l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe (dans la traduction latine de Ruf in) : HF, IX, 15, p. 430; à l'œuvre d'Orose : VU, I, 6, p. 8; II, 9, p. 57; HF, V, Prol, p. 193.

113 L. Pietri, La succession. . ., art. cité, p. 576.

114 Sur la théologie de l'histoire d'Orose, G. Fink, Paul Orose et sa conception de l'histoire, Aix-en-Provence, 1950; K. A. Schöndorf, Die Geschichtstheologie des Orosius, Munich, 1952; L. Gascoin, La théologie de l'histoire de Paul Orose, Mém. de diplôme dactyl. Paris-Sorbonne, 1955; Β. Lacroix, Orose et ses idées, Montréal-Paris, 1965; E. Corsini, Introduzione alle «Storie» di Orosio, Turin, 1968; H.-W. Goetz, Die Geschichtstheologie des Orosius, Darmstadt, 1980.

115 HF, Praef. prima, p. 1.

116 Ibid. : pro commemoratione praeteritorum, ut notitiam adtingerint venientum, . . . nequivi tarnen obtegere vel certamena flagitiosorum vel vitam recte viventium.

117 Ibid.: cum nonnullae res gererentur vel rectae vel inprobae, ac feretas gentium desaeviret, regum furor acueretur, eclesiae inpugnarentur ab hereticis, a catholicis tegeren- tur, ferverei Christi fides in plurimis, tepisceret in nonnullis, ipsae quoque eclesiae vel dita- rentur a devons vel nudarentur a perfides ...

118 HF, II, Prol., p. 36 : Prosequentes ordinem temporum, mixte confusequae tam virtu- tes sanctorum quam strages gentium memoramus. Non enim inrationabiliter accipi puto, se filicem beatorum vitam inter miserorum memoremus excidia, cum idem non facilitas scrip- turis, sed temporum series praestitit. Cf., HF, I, Prol., p. 3 où Grégoire écrit déjà : Scriptu- rus bella regum cum gentibus adversis, martyrum cum paganis, eclesiarum cum hereticis.

119 Orose, Adversus Paganos, II, 1, 2, éd. C. Zangenmeister, CSEL, V, 1882, p. 81 : Deus facienda providit et provisa perfecit; VII, 1, 6, p. 432 : Ex uno et per unum Deum constare omnia.

120 H. de Lubac, Catholicisme, Paris, 1947, 4e éd., p. 133.

121 Adv. Pag., VII, 2, 8, p. 435 : unum esse arbitrum saeculorum, regnorum, locorumque omnium Deum.

122 G. Fink, op. cit., p. 121 : «C'est chez Orose un procédé constant. Avant l'autorité des Livres saints, il désire s'en référer aux historiens païens et par leur témoignage confirmer les dires de la Bible»; L. Gascoin, op. cit., p. 61.

123 Adv. Pag., IV, 17, 9 et VI, 22, 11. 12*Adv. Pag., II, 1, 4; VII, 26, 3; VII, 39, 8.

125 Comparant les dix persécutions aux dix plaies d'Egypte, Orose donne une esquisse de sa méthode : Quod ego nunc refero ac renuntio, etsi forte fide non aceptatum, exitu tarnen probandum, quia haec in figura nostri facta sunt (Adv. Pag., VII, 27, 2, p. 495). Non ut edam si ipsas inter se plagas in quantum tarnen figura formae comparari potest, conférant (VII, 27, 4, p. 496). Hi (pagani) vero in quos Aegyptorum forma transfunditur . . . (VII, 27, 16, p. 499).

126 HF, Praef. prima, p. I : gesta praesentia promulgare.

127 A. Lecoy de la Marche, De l'autorité de Grégoire de Tours, Paris, 1861, p. 29-30.

128 HF, I, Prol, p. 3-4.

129 HF, I, 1, p. 5.

130 Ibid. : Nec dubium enim est, quod hic primus homo Adam, antequam peccaret, tipum Redemptoris domini praetulisset.

131 HF, I, 1, p. 6.

132 HF, I, 3, p. 6.

133 HF, 1, 4, p. 6: Tantum Noe fidelissimum ac peculiarem sibi suique tipus speciem praeferentem cum sua vel trium natorum conjugibus posteritates reparandae gratia in arca reservavit.

134 HF, I, 7, p. 9 : Hic est Abraham initium fidei nostrae. Hic accepit repromissionis.

135 HF, I, 9, p. 10 : Joseph. . . tipum praeferens Redemptoris . . .

136 HF, I, 10, p. 13 : Nec enim dubium est, quod transitus Me maris vel columna nubis tipum gesserit nostri baptismatis.

137 HF, I, 15, p. 15.

138 HF, I, 16, p. 15.

139 HF, I, 25. Pour la terminologie démonologique de Grégoire, G. J. M. Bartelink, Les dénominations du diable chez Grégoire de Tours, dans Revue des Études Latines, XLVIII, 1970, p. 411-432.

140 HF, I, 4, p. 6-7 : Sed nee hoc ambigo, quod species ilia arcae tipum matris gessisset aeclesiae. Ipsa entm inter fluctus et scupulos hujus saeculi transiens, nos ab inminentibus malis materno gestamini fovens, pio amplexu ac protectione défendit.

141 HF, I, 3 et 4.

142 HF, I, 24.

143 HF, , I, 4, p. 6.

144 HF, I, 12, p. 13 : dum praecepta divina postponunt, saepe in alienigenarum servitio subjugantur. Sed cum. conversi ingemiscunt, tribuente Domino, per virorum fortium bra- chium liberantur.

145 HF, I, 15.

146 HF, I, 16, p. 15.

147 HF, I, 17, p. 16: Ergo ne videamur unius tantum Hebreae gentes habere notitiam, reliqua regna, quae vel quali Israhelitarum fuerint tempore, memoramus.

148 Le chapitre 17 se termine ainsi : Tempore quo Amon regnabat. . . Romanorum sex- tus Servius. Et le chapitre suivant (HF, I, 18, p. 16) enchaîne : Post hos imperator primus Julius Caesar fuit.

149 Orose, Adv. Pag., VII, 9, 2, p. 458 : destituii in totum gratia Dei. i50Adv. Pag., VI, 1, 5. .

151 Adv. Pag., II, 1, 4; VII, 2, 4. Sur la théorie des quatre empires chez les auteurs païens et chrétiens, K. Trieber, Die Idee der vier Weltreiche, dans Hermes, XXVII, 1892, p. 338, sq. ; J. W. Swain, The Theory of the Four Monarchies, dans Classical Philology, XXXV, 1940, p. 1-21.

152 Adv. Pag., VI, 1, 5 et VI, 20, 6-7. M. Peterson (Das Monotheismus als politisches Problem, Leipzig, 1935) a pu parler d'une véritable «théologie d'Auguste» chez Orose (op. cit., p. 88).

153 HF, I, 16, p. 15.

154 HF, I, 7, p. 9 : Hujus (Ninus) quadragisimo tertio regni anno natus est Abraham ; HF, I, 19, p. 17 : Anno XLIH imperii Agusti dominus noster Jesus Christus. . . natus est. Cf., Orose, Adv. Pag., II, 2, 14 et VII, 2, 15. Sur la légère différence de calcul qui sépare Orose et Grégoire, L. Pietri, La succession, p. 576 et n. 75.

155 HF, I, 18, p. 16, en héritant ce pouvoir de César.

156 HF, I, 16.

157 HF, I, 24.

158 HF, 1, 25, p. 20.

159 Néron (HF, I, 25), Domitien (HF, I, 26), Trajan (HF, I, 27) et ses successeurs immédiats (HF, I, 28 et 29), puis Dèce (HF, I, 30), Valerien et Gallien (HF, I, 32) et Dioclétien (HF, I, 35).

160 HF, I, 26.

161 HF, I, 36, p. 26 : Romanorum tricesimus quartus Imperium obtinuit Constanti- nus. . . cum post excessum Diocliciani pax reddita fuisset ecclesiis.

162 HF, I, 42, p. 28 : Hic Theodosius omnem spem suam atque fidutiam in Dei miseri- cordiam ponit; HF, I, 43, ibid. : Theodosius ille, qui totam spem in Deum posuerat, totum suscepit Imperium. Qui deinceps divinis affatibus fretus, Maximum spoliatum imperio interfecit. Grégoire n'oubliait pas que la défaite de Maxime avait été prédite par Martin {Vita M., 20, 8-9).

163 Orose, Adv. Pag., II, 1, 6, p. 82.

164 HF, I, 32.

165 HF, I, 28, p. 21.

166 HF, I, 37 et 38.

167 HF, I, 41.

i6SHF,I, 18.

169 HF, I, 39. Cf. VM, I, 3.

17° HF, II, ProL, p. 37.

171 Orose conduit son récit historique jusqu'en 417. De l'œuvre de Sulpicius Alexander, les passages conservés par Grégoire ne contiennent pas de faits postérieurs à la campagne d'Arbogast au-delà du Rhin en 392. Les citations empruntées à Renatus Profuturus Frigeridus relatent des événements entre 410 et 424. Sur l'utilisation de ces deux derniers auteurs par Grégoire, L. Pietri, La succession . . ., p. 572 et n. 66.

172 Pour la Gaule, Grégoire utilise les œuvres de Sidoine Apollinaire {HF, II, 25), des Vies de saints (la Vita Anioni, HF, II, 7) ; et probablement des Annales brèves (Addimenta Hauniensi Prosperi, HF, II, 7; des Annales angevines?, HF, II, 18 et 19). Sur ces diverses sources, L. Pietri, art. cité, ibid.

"3 HF, II, ProL, p. 36, supra cit., n. 118.

174 Ibid. : Sic et Eusebius, Severus Hieronimusquae in chronicis atque Horosius et bella regum et virtutes martyrum pariter texuerunt.

175 L. Pietri, La succession. . ., p. 614, n. 197.

176 HF, II, 8.

177 HF, II, 9.

ne }jpt jj} 9^ ρ 52 : De Francorum vero regibus, quis fuerit primus, a multis ignoratur.

179 HF, II, 2.

18° HF, II, 7, 20, 25, 26.

181 HF, II, 28, 32-34.

182 //F, II, 9, 10, 12, 18, 19.

183 HF, π, 9.

184 HF, II, 9, 12, 18, 19.

185 HF, II, 12, p. 62 : Hic fuit magnus et pugnatur egregius.

186 HF, II, 42, p. 93 : regnum suum per totas Gallias dilatavit.

187 HF, III, Prol, p. 96.

188 HF, II, 2.

189 HF, II, 3.

™HF, III, Prol, p. 97; cf., HF, II, 32 et 33.

191 HF, II, 7.

192 HF, II, 20 et 25.

193 HF, II, 25, p. 71.

194 HF, III, Prol, p. 97. Cf., HF, II, 37.

195 Ibid. : Hanc Chlodovechus rex confessus, ipsus hereticos adjuturium ejus oppraesset regnumque suum per totas Gallias dilatavit.

196 HF, II, 30, p. 76.

197 HF, II, 37, p. 87.

198 HF, III, Pro/., p. 97.

199 Eusèbe, Histoire ecclésiastique, IX, 9, 3, éd. G. Bardy, (Sources chrétiennes, n° 35) t. III, p. 62. Sur l'idéologie monarchique durant le Haut Moyen Âge, E. Ewig, Das Bild Constantins des Gr. im abendländischen Mittelalter, dans Historisches Jahrbuch, LXXV, 1956, p. 1-46, surtout p. 10-29; du même, Zum christlichen Königsgedanken im Frühmittelalter, dans Das Königtum, seine geistigen und rechtlichen Grundlagen, Vorträge und Forschungen, III, Lindau, 1956, p. 7-73; J. M. Wallace-Hadrill, Gregory of Tours and Bede : their Views on the Personnal Qualities of King, dans Frühmittelalterliche Studien, II, 1968, p. 31-44; M. Reydellet, La royauté dans le littérature latine de Sidoine Apollinaire à Isidore de Seville, Rome, 1981, surtout p. 345-437.

200 HF, II, Prol, p. 36: Sullicitus lector, si inquirat strinue, invertit inter Mas regum Israheliticorum historias sub Samuhel justum Fineen interisse sacrilegum ac sub David, quem Fortem manu dicunt, Golian alophilum conruisse.

201 Dans l'effort de Grégoire pour tenter d'établir la succession des premiers rois francs (HF, II, 9), il y a peut-être le désir d'imiter les généalogies bibliques.

202 HF, II, 10, p. 58-59.

203 Éd. fr. de l'Histoire des Francs, t. I, p. 99, n. 30 et p. 100, n. 101.

204 HF, II, 10, p. 59: 01 si eorum fibras cordium vox ilia terribilis attigisset, qui per Moyse populo locuta est, dicens : «Non sint tibi dii alii praeter me. Non faciès tibi sculptile neque adorabis omnem similitudinem quae in caelo sunt et quae in terra et quae versantur in aquis; non facis et non coles ea». Suit tout une série d'autres exclamations exprimant sur le mode irréel les regrets de Grégoire, avec toujours des références à l'histoire du peuple juif: «S'ils avaient pu connaître les châtiments qui ont puni le peuple pour son adoration du veau. . .!»; «que n'ont-ils connu ceux qui s'étaient initiés au culte de Belphe- gor ... et ont été massacrés ... ! ; « pourquoi ne sont-elles pas parvenues jusqu'à leurs oreilles les paroles que le Seigneur a prononcées. . . par l'intermédiaire de David. . .?; «et de même (que n'ont-ils entendu) le témoignage du prophète Habacuc ...!».

205 HF, II, 10, p. 60: Haec autem generano Francorum non intellexit primum; intel- lexerunt autem postea, sicut sequens historia narrât.

206 HF, II, 27, p. 72.

207 HF, II, 29; HF, II, 30, p. 75.

208 HF, II, 27, p. 73 : Multa bella victuriasque fecit.

209 HF, II, 30.

210 HF, II, 30, p. 76 : per invocationem nominis Christi victuriam meruit obtenire.

211 HF, II, 31, p. 77 : Procedit novos Constantinus ad lavacrum.

212 Ibid. : Erat autem sanctus Remegius episcopus egregiae scientiae et rethoricis adpri- mum inbutus studiis, sed et sementate ita praelatus, ut Silvestri virtutebus equaretur.

213 Eusèbe de Cesaree, Histoire ecclésiastique, IX, 9, 5, éd. supra cit., t. III, p. 62.

214 De nombreux chapitres du Livre I de l'H.F. empruntent au texte de Rufin, de même HF, II, 23 et IX, 15 (voir notes de l'éd. B. Krusch, dans les MGH). En traduisant l'Histoire ecclésiastique, IX, 9, 5, Rufin est resté très fidèle à la pensée d'Eusèbe (Rufin, Histoire ecclésiastique, IX, 9, 5, éd. Th. Mommsen et E. Schwartz, dans Die grieschichen Schrif steller, Eusebios Werke, II, 2, p. 829-831).

215 HF, II, 31, p. 77 : De exercito vero ejus baptizati sunt amplius tria milia.

216 Acta s. Silvestri papae (BHL 7725-7742), éd. B. Mombritius, Sanctuarium (1480), II, Paris, 1910, p. 508-531.

217 Actes, 2, 41 : baptizati sunt, et appositae in die illa animae circiter tria milia; Acta s. Silvestri : eo die amplius quant tria milia Judaeorum conversi sunt.

218 HF, I, 10, supra cit., n. 136.

219 HF, II, 37, p. 85 : Igitur Chîodovechus rex ait suis : «Valde molestum few, quod hi Arriani partent teneant Galliarum. Eamus cum Dei adjutorium, et superatis redegamus ter- ram in ditione nostra».

220 Id., p. 86: Porro Hie cum. ad fluvium Vigennam cum exercitu advenisset, in quo loco eum transire deberit, paenitus ignorabat. Intumuerat enim ab inundationem pluvia- rum. Cumque ilia nocte Dominum depraecatus fuisset, ut ei vadum quo transire possit dignaretur ostendere, mane facto cerva mirae magnitudinis ante eos nuto Dei flumine ingreditur, illaque vadante, populus quo transire possit agnovit.

221 Exode, 14, 11-25, auquel se mêle peut-être aussi une autre réminiscence scripturai- re, Josué, 3, 15-17 (Les Juifs franchissent le Jourdain, en crue comme la Vienne).

222 HF, II, 37, p. 86 : Veniente autem rege apud Pictavus, dum eminus in tenturiis com- moraret, pharus ignea, de basilica sancii Helari egressa, visa est ei tamquam super se adve- nire, scilicet ut, lumine beati confessons adjutus Helarii, liberius hereticas actes, contra quas saepe idem sacerdos pro fide conflixerat, debellaret.

223 Sur la date du Liber de virtutibus s. Hilarii, B. Krusch, MGH, AA, IV, 2, p. VI et VIL

224 Liber de virtutibus s. Hilarii, 20-23, p. 9.

225 HF, II, 37, p. 88.

226 HF, II, 40, p. 91 : Prosternebat enim cotidiae Deus hostes ejus sub manu ipsius et augebat regnum ejus, eo quod ambularet recto corde coram eo et facerit quae piacila erant in oculis ejus. Dans un autre jugement porté sur Clovis (HF, II, 12, p. 62 : hic fuit magnus et pugnatur egregius), une réminiscence de Josué, 17,1 (qui fuit vir pugnator).

227 Cf., 1 Reg., 3, 6 : sicut ambulavit in conspectu tuo in ventate et justitia et recto corde tecum; 1er., 18, 4 : sicut placuerat in oculis ejus; 2 Par., 20, 32 : Et ambulavit in via patris sui . . . faciens quae placito erant coram Domino.

228 HF, I, 12, supra cit., n. 144, E. Ewig (art. cit. du recueil Das Königtum, p. 21-22) a rassemblé des textes du VIIe et du VIIIe s. présentant les souverains francs de cette époque comme les chefs du nouvel Israël. Mais il ne fait pas de doute que ce thème remonte à Grégoire.

229 HF, III, Prol., p. 96-97 : Trinitatem. . . Moyses cognuscit in sentent. . . . Hanc Chlodo- vechus rex confessus, ipsus hereticos adjuturium ejus oppraesset regnumque suum per totas Gallias dilatavit.

230 HF, II, 37, p. 85-86.

231 Supra, p. 168.

232 HF, 111, 18.

233 HF, III, 28.

234 Ainsi la guerre contre les Thuringiens est présentée comme une guerre sainte : Thierry, sollicitant l'alliance de Clotaire pour cette campagne, promet à ce dernier une part du butin, si eisdem munus victuriae divinitus conferritur (HF, III, 7, p. 103).

235 HF, III, 25, p. 123 : lue. . . magnum se atque in omni bonitate (cf. Ephes. 5, 9) prae- cipuum reddidit. Erat enim regnum cum justitia regens, sacerdotes venerans, eclesias munerans, pauper es relevons.

236 HF, IV, 20, p. 153 : Ibatque Chlotharius rex tamquam novus David contra Absolo- nem filium pugnaturus, plangens atque dicents ; «Respice, Domine, de caelo et judica causant meam, quia injuste a filio injurias patior. Respice, Domine, et judica juste, illudque inpone judicium, quod quondam inter Absalonem et patrem ejus David posuisti». (cf., 2, Reg, 18 et Ps. 79, 15; 42, 1). Selon E. Ewig (art. cit. du recueil das Königtum, p. 22), Clotaire II serait le premier souverain franc comparé à David (Conc. Clippiacense, ann. 626/627, CG, II, p. 291), Dagobert 1er étant ensuite comparé à Salomon (Liber Histo-

riae Francorum, 42, MGH, srm., II, p. 314). Mais on voit que le thème a pris naissance chez Grégoire.

237 HF, III, 28, p. 124.

238 VM, I, 29, p. 152.

239 Supra, p. 210.

240 HF, IV, 47, p. 184 : eclesias incendii, ministeria detrahit, clericus interficit, monasti- ria virorum deicit, puellarum deludit et cuncta dévastât. Fuitque tempore ilio pejor in ecle- siis gemitus quam tempore persecutionis Diocliciani.

241 HF, VI, 46.

242 Supra, n. 240.

243 HF, IV, 48, p. 184 : Et adhuc obstupiscimus et admiramur, cur tantae super eos pla- gae inruerint. G. Vinay (Alto medioevo latino, conversazioni e no, Naples, 1978) analyse de façon très pénétrante, dans un chapitre intitulé Senso e non senso nella storia dei Franchi di Gregorio di Tours (p. 37-63), l'angoisse et l'embarras où se trouve souvent Grégoire devant l'incohérence de l'histoire. On ne peut cependant partager entièrement la conclusion de l'auteur, selon lequel l'historien a eu finalement le sentiment d'avoir totalement échoué dans sa tentative d'explication (infra, p. 781).

244 HF, IV, 50, p. 187 : Dolorem enim ingerii animo ista civilia bella referre.

245 L., Pietri, La succession. . ., p. 557, et n. 19.

246 HF, V; Prol., p. 193 : Taedit me bellorum civilium diversitatis, que Francorum gen- tem et regnum valde proterunt, memorare.

247 Ibid. : Unum vobis deest, quod, pacem non habentes, Dei gratiam indegetis.

248 Ibid. : tempore Mud quod Dominus de dolorum praedixit initium jam videmus.

, 249 up vili, 30, p. 395-396 où Grégoire fait siennes les louanges adressées au roi Gontran : «Bonitatis tuae magnanimitas, rex optime, enarrare facile non potest : qui timor tibi in Deum sit, qui amor in aeclesiis, quae reverenda in sacerdotibus, quae pietas in pauperi- bus, quaeve dispensano in egenis ... ».

250 HF, IX, 21, p. 441. Sur le portrait du souverain idéal que trace Grégoire, M. Rey- dellet, La royauté dans la littérature latine de Sidoine Apollinaire à Isidore de Seville, op. cit., p. 399-437.

251 HF, VIII, 30, p. 395 : dans un discours adressé aux évêques et aux grands, Gontran s'écrie : «Qualiter nos hoc tempore victuriam obtenere possumus, quia ea quae patres nostri

secuti sunt non costodimus? Itti vero aeclesias aedificantes, in Deum spem omnem ponen- tes, martyres honorantes, sacerdotes vénérantes, victurias obtinuerunt gentesque adversas, divino opitulante adjutorio, in ense et parma saepius subdiderunt. Nos vero non solum Deum non metuemus, verum etiam sacra ejus vastamus, ministros interficimus, ipsa quoque sanctorum pignera in ridiculo discerpimus ac vastamus. Non enim potest obtenere vic- turia, ubi talia perpetrantur ... ».

252 Supra, p. 270 et p. 328.

253 HF, X, 28, p. 522 : « Crescat puer et hujus sit nominis exsecutur ac taie potentia pol- leat, sicut ille quondam, cujus nomen indeptus est ». On remarquera que ce discours clôt le dernier chapitre politique de l'HF, le chapitre 29 étant consacré aux miracles et à la mort de l'abbé Aredius, et le chapitre 30 aux intempéries de l'été 591. L'espérance dont il témoigne n'en prend que plus de relief.

254 GC, 19.

255 FM, I, 29, p. 152.

256 HF, V, 14, p. 212.

257 HF, V, 14, p. 210-211.

258 J. Michelet, Histoire de France; Le Moyen Âge, II, LÀ remarquer que Martin avait déjà été égalé par Sulpice Sévère aux Prophètes (DaiL, II, 5, 2). Ce faisant, le biographe se référait surtout aux «modèles traditionnels de l'anachorétisme » qu'incarnaient ces derniers (J. Fontaine, Une clé littéraire de la Vita Martini de Sulpice Sévère, la typologie prophétique, dans Mélanges C. Mohrmann, Utrecht- Anvers, 1963, p. 84-95, surtout p. 85). Cependant l'épisode du banquet à la cour de Maxime se termine par «une prophétie au sens le plus commun du terme» (Vita M. 20, 8-9) et un chapitre des Dialogues, (Dial., II, 14) «met dans la bouche de Martin une spéculation apocalyptique», (id., p. 90 et 91). Depuis son tombeau, Martin, qui opère les mêmes cures miraculeuses que de son vivant, continue à manifester, directement ou par l'intermédiaire de ses successeurs, ses dons de prophétie.

259 HF, III, 28, p. 125.

26°Orose, Adv. Pag., VII, 35, 13-19.

261 HF, III, 28, p. 125.

262 Ibid. : Quod nullus ambigat, hanc per obtentum reginae beati Martini fuisse virtu- tem.

263 HF, IV, 49, p. 186: Itti vero timens, ne, conliso utroque exercitu, etiam regnum eorum conruerit, pacem petiit . . . Sed nee hoc sine beati Martini fuisse vertutem ambigitur, ut hi sine bello pacificarentur ; nam in ipsa die, qua hi pacem fecerunt, très paralitici ad beati basilicam sunt directi.

264 VM, II, 5, 6 et 7.

265 VM, II, 7, p. 161 : Très virtutes istas ipsa die factas fuisse constat, quo Sigiberthus gloriosissimus rex Sequanam transiens, sine conlisione exercitus pacem cum fratribus fecit. Quod nutlus ambigat, hanc etiam beati antestitis fuisse victoriam.

266 Toute la préface de YHistoria Francorum témoigne de ce sentiment {supra, p. 757), ainsi également que VM, I, Prol. (p. 136): spe divinae pietatis inlectus, adgrediar quod monetur. Potest, enim, ut credo, per meae linguae ista proferre, qui ex arida cute in heremo producens aquas, populi sitientis extinxit ardorem.

267 HF, IV, 48; V, ProL; VIII, 30; VM, I, 29.

268 La Laudatio sancii Martini a été publiée d'abord par Angelo Mai (Nova patrum bibliotheca, I, Rome, 1852) d'après un manuscrit du XIe ou XIIe s. (Sessorianus), en partie mutilé. À la suite de la découverte d'un autre manuscrit plus ancien (Chisianus; Xe s.) et mieux conservé, B. M. Peebles a pu procurer une nouvelle et plus complète édition du texte (An Early Laudatio Sancti Martini; a Text Completed, dans Saint Martin et son temps, Studia Anselmiana 46, Rome, 1961, p. 237-249). Le lieu où fut prononcé le sermon et l'occasion sont indiqués dès le début : le prédicateur invite les fidèles à célébrer la fête de «notre pasteur» en ce jour, in qua gloriosus Dei Martinus autistes de terris migravit (Laudatio, 1, p. 245).

269 A. Lambert, Le premier panégyrique de Saint Martin, dans Bulletin de saint Martin et de saint Benoît, XXXII, 1924, p. 316-320.

270 Selon A. Lambert, l'auteur de la Laudatio, qui se réfère au liber (Martini) vitae, (Laudatio, 2), cite sous ce titre la biographie de Sulpice Sévère, alors qu'il ne fait aucune allusion au De virtutibus sancii Martini de Grégoire. Il écrirait donc avant la parution de ce dernier ouvrage. Mais, ainsi que le remarque justement B. M. Peebles (op. cit., p. 243),

l'œuvre hagiographique de Grégoire a pu être considérée comme un Liber Vitae II, D'ailleurs, dans un passage de la Laudatio qui n'était pas connu de A. Lambert, l'anonyme mentionne de façon plus générale les écrits relatifs à Martin : omnia quae de eo scripta sunt {Laudatio, 4, p. 248).

271 Laudatio, 3, p. 247.

272 Laudatio, 4, p. 247 : Beatam siquidem Roman dixerim, cui concessa sunt duo magna luminaria, Petrus scilicet et Paulus, per quos de tenebris infidelitatis mereretur ad lumen redire veritatis. Non dissimiliter quoque Turonorum civitatem constat esse beatam, quae tanti patris praedicatione instrui, insuper et corporali praesentia, Deo largiente, potuti insigniri. Laudatio, 5, p. 248 où le prédicateur s'adresse à Martin : ο pastor optime, qui nobis, Deo saluti nostrae providente, donatus es proprie.

273 Laudatio, 2, p. 245 : Tanti igitur patroni . . . solemnia celebremus.

274 Laudatio, 1, p. 245: nostri praecipui pastoris; 2, p. 246: proprii pastoris.

275 Laudatio, 5, p. 248.

276 Laudatio, 3, p. 247. Les combats auxquels entraîne Martin, qualifié du titre de dux, sont-ils uniquement spirituels? Ou faut-il voir, dans l'insistance avec laquelle l'orateur demande à Martin que ses auditeurs restent sanctae Trinitatis fideli confessione fun- datos {ibid.), une allusion à la lutte contre les peuples ariens? (A. Lambert, op. cit., p. 319).

277 Laudatio, 4, p. 247-248.

278 Laudatio, 4, p. 248.

1 C'est, pour Tours, le cas d'un poème qui se présente comme une introduction à l'œuvre de Sulpice Sévère (Edm. Le Blant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule antérieure

au VIIIe siècle, t. I, Paris, 1856, n° 183) et de deux notices en prose (l'une donnant une description de la basilica Martini, l'autre établissant l'ordonnance des festivités célébrées en l'honneur du confesseur) que l'épigraphiste a d'ailleurs prudemment évité de numéroter (Le Blant, op. cit., p. 245 et 246). À cette liste, il faut ajouter l'épitaphe de Perpetuus (Le Blant, 184), œuvre d'un faussaire (L. Pietri, La succession, art. cité, p. 555 et n. 12).

2 Sur cette sylloge, G. B. De Rossi, ICUR, II, 1, Rome, 1888, p. 186-188; Edm.-Ch. Babut, Saint Martin de Tours, Paris, 1912; H. Delehaye, Saint Martin et Sulpice Sévère, dans Analecta Bollandiana, XXXVIII, 1920, p. 5-136; B. M. Peebles, Girolamo da Prato and his Manuscripts of Sulpicius Severus, dans Memoirs of the American Academy of Rome, XIII, 1936, p. 7-65, surtout p. 17 et 18; J. Fontaine, Vie de saint Martin, t. I, Paris, 1967, p. 219-221.

3 Voir supra, p. 398 sq.

4 B. M. Peebles, loc. cit.

6 L'apparat critique figurera dans la contribution au RICG. Nous n'avons pu consulter F. J. Gilardi, The Sylloge Epigraphica Turonensis de S. Martino, Washington, 1983, qui attribue les inscriptions métriques (à l'exception du poème de Sidoine) à Paulin de Péri- gueux et celles en prose à Perpetuus.

7 Le Blant a justement proposé de distinguer cette épigramme — visiblement mutilée — de la précédente, puisque le thème et la métrique en sont différents. Si la distinction n'est pas faite dans les manuscrits du Martinellus, c'est probablement — comme on le verra — parce que les textes n° 6 et 7 étaient gravés l'un au-dessous de l'autre, pour constituer, avec un nombre total de vers égal, le pendant de l'inscription n° 5.

8 L'intitulé est mutilé dans tous les manuscrits (eat ; erat ; exi ?). La leçon e contra, vis-à-vis, est proposée par J. Quicherat, op. cit., p. 37-38.

9 Cette mention en prose, qui ne figure pas dans les manuscrits de Sidoine Apollinaire, se trouve uniquement dans la sylloge du Martinellus.

10 Nous reproduisons ici l'élégante traduction de A. Loyen, avec une unique correc-

tion : à l'expression «dès l'origine» par laquelle l'éditeur rend primum, nous substituons «d'abord», plus exact puisque l'humble chapelle à laquelle le poète fait allusion ne fut pas édifiée immédiatement après la mort de Martin, mais plusieurs décennies plus tard. 11 L'intitulé, corrompu dans son développement, commence dans tous les manuscrits par in memoria, une expression qui semble bien désigner un édifice martyrial élevé en l'honneur des cinq «couronnés».

12 Nous avons essayé par cette traduction, où «palme» doit s'entendre dans sa double acception ancienne, de rendre l'effet recherché par l'auteur qui joue sur le mot palma : palme du martyre, mais aussi paume de la main dans laquelle s'unissent les «cinq doigts du corps du Christ».

13 À la différence des carmina de Fortunat {infra), les épigrammes recueillies par la sylloge ont été tenues, à la suite de la publication de Le Blant (avec les quelques réserves que celle-ci imposait, supra, n. 1), pour des inscriptions par la plupart des historiens et archéologues traitant de Tours ; mais ceci, de façon le plus souvent implicite, sans que la démonstration en ait été faite.

14 Nombreux exemples empruntés à des monuments dans le Recueil de Diehl.

15 Ed. M. Petschenig, CSEL, XVI, p. 165.

16 Epist., IV, 18,4, éd. Loyen, t. II, p. 152 : Hujus me parietibus inscribere supradictus sacerdos hoc epigramma compellit.

17 Pour l'identification du sanctuaire romain pour lequel a été remployé le titulus de Tours et de l'auteur de l'emprunt (Etienne II — qui s'était rendu en France pour obtenir contre les Lombards l'appui de Pépin le Bref — ou son frère et successeur, Paul Ier), G. B. De Rossi, ICUR, II, 1, p. 275; L. Duchesne, Vaticana. Notes sur la topographie de Rome au Moyen Âge, XII, dans Mélanges de l'École française de Rome, XXXIV, 1914, p. 307-356, surtout p. 316 (repris dans Scripta Minora, p. 262).

18 Bien que déjà mutilée par le temps, l'inscription se voyait encore nettement au XIXe siècle : Le Blant {Inscriptions, t. I, p. 232) cite la lecture de Mérimée {Voyage en Auvergne) et des copies qui lui ont été notamment procurées par Fr. Lenormant.

19 C'est là ce qui justifie la disposition proposée à la n. 7.

20 On ne saurait en effet affirmer que le sanctuaire primitif, élevé au VIIe s. par saint Calmin pour l'un des monastères qu'il avait fondé (A4. SS., Aug., Ill, p. 759-761), portât déjà cette inscription, bien que celle-ci ait pu être reproduite lors de la reconstruction romane.

21 J. L. Chalmel, Histoire et antiquités de l'Église Saint-Martin de Tours depuis sa fondation au commencement du Ve s. jusqu'à sa destruction en 1797, Tours, 1807, ms. 1296 de la Bibl. municip., p. 13, 220, 224 et 252.

22 Supra, p. 380 sq.

23 M. Vieillard-Troiekouroff, Les sculptures et objets préromans . . ., dans Cahiers archéologiques, XIII, 1963, p. 110, fig. 31.

24 L. Pietri, Les tituli de la basilique Saint-Martin édifiée à Tours par l'évêque Perpetuus, dans Mélanges d'histoire ancienne offerts à W. Seston, Paris, 1974, p. 419-431.

25 Tous ces arguments ont été plus longuement développés dans l'article cité à la note précédente.

26 Pour l'identification et la localisation de ces cellae, supra, p. 426 sq.

27 N° 1, v. 8; n°2, v. 8; n° 3, v. 8.

28 G. B. De Rossi, ICUR, II, 1, p. 186.

29 Supra, p. 107 sq.

30 No 2, v. 7 : sub antro, cf. Virgile, Enéide, V, 19 ou Ovide, Métam., 121 ; n° 4, v. 7 : nocte silenti, cf. Liv., XXVI, 5, 9.

31 N° 1, v. 10, cf. Ps. 120,4: Ecce non dormitabit neque dormiet qui custodii Israel (Isaïe, 5, 27); n° 2, v. 5, cf. Ephes., 6, 16 : sumentes scutum fidei; n° 3, v. 5, cf. Ps., 60,5 : Protegar in velamento alarum tuarum et Ps., 62,8 : et in velamento alarum tuarum exulta- bo; n° 4, v. 4 et 5, cf. Gen., 18,27 : cum sim cinis et pulvis.

32 À noter que cette imagerie militaire est à la même époque largement utilisée par Victrice de Rouen dans son De laude sanctorum.

33 On a parfois cru qu'une des inscriptions de la basilique de Tours était due à la plume de Martin de Braga — et datait donc seulement du VIe s. — , en se fondant sur ce que Grégoire de T. écrit de cet évêque : versiculos, qui super ostium sunt a parte meridiana in basilica sancii Martini, ipse composuit (HF, V, 37, p. 243). Ainsi Le Blant attribuait à Yepiscopus Galliciensis le poème de la sylloge qui porte dans son Recueil le n°172 (= n°7); en revanche, à la suite de De Prato (op. cit., p. 394), J. Quicherat estimait que l'œuvre de Martin de Braga avait remplacé au VIe siècle le poème de Paulin de Périgueux sur les murs de la basilique tourangelle et que par conséquent elle ne figurait pas dans la Sylloge. La critique a fait justice de toutes ces hypothèses : Grégoire, dans le passage invoqué, fait allusion non à la basilique de Tours, mais à celle de Braga (Caspari, Martin Braccara's Schrift De correctione Rusticorum, Christiana, 1883, p. LI; CL. W. Barlow, Martini episcopi Bracarensis opera omnia, New Haven, 1950, p. 276).

34 Légendes commentant les lignes maîtresses de l'architecture : n° 5 (la tour-porche à l'entrée); n° 6 et 7 (le seuil de la basilique); n° 12 (l'arc triomphal); n° 13 à 16 (l'abside du tombeau).

Légendes d'images : n° 8, 9, 10 et probablement 11 (voir infra). L'existence de peintures dans la basilique est clairement attestée par Grégoire de T. (HF, VII, 22 et X, 31,19). Pour les thèmes iconographiques, T. Sauvel, Les miracles de s. Martin. Recherches sur les peintures murales aux Ve et VIe s., dans Bulletin Monumental, CXIV, 1956, p. 153-179.

35 Le cycle des inscriptions suggère un double mouvement : déplacement physique à l'horizontal dans l'espace basilical, depuis l'entrée jusqu'à l'abside du tombeau ; élévation spirituelle : le visiteur est invité à porter son regard vers les parties hautes de l'édifice qui lui permettent d'imaginer une tour dressée jusqu'au ciel (n° 5; cf. Paulin de Nole, Epist., 32,22). Porté par cet élan, il pourra se représenter, avec les yeux de la foi, le royaume céleste dont Martin ouvre les portes (n° 5, v. 4 et 12) et se hisser en esprit, en suivant la voie tracée par le bienheureux, jusqu'à ces astres où la pauvre veuve de l'Évangile (n° 8, v. 14) et Martin lui-même (n° 11, v. 9-12; n° 15, v. 2) sont montés.

36 Voir supra, n. 7 et 19.

37 L'inscription n° 8, comme le précise l'intitulé (historia pietà), commente une peinture. La représentation de la pauvre veuve versant son obole dans le gazophylacium (Marc, 12,41-44; Luc, 21,1-4) est peu fréquente dans l'art paléochrétien; à la mosaïque de Saint- Apollinaire-le-Neuf, citée par T. Sauvel (op. cit., p. 157), il convient cependant d'ajouter un ivoire (v. 500) conservé dans le trésor de la cathédrale de Milan (V. Elbern, Jb. Preuss. Kunstsamm, n. F., IV, 1962, p. 32, fig. 10).

38 Selon T. Sauvel (op. cit., p. 138), sur le mur méridional de la basilique auraient été représentés quelques uns des miracles accomplis par Martin de son vivant. Mais à l'édifice élevé sur le tombeau où Martin continue à manifester sa virtus, convenait mieux, sem- ble-t-il, la représentation de miracles posthumes, tel celui qui est mentionné infra.

39 Aux exemples cités par T. Sauvel à Doura Europos, Gaza et Saint-Soter de Naples (op. cit., p. 157), on peut ajouter un sarcophage du cimetière de Callixte à Rome (1er quart du IVe siècle ; Fr. W. Deichmann, Repertorium der christlich-antiken Sarkophage, Wiesbaden, 1967, t. I, p. 173-174, n° 365 et t. II, pi. 67) et de petits objets: une pierre gravée (Aringhi, Roma subterranea, 1659, 1. V, chap. IX, p. 244) et deux ampoules de Bobbio (A. Grabar, Les ampoules de Terre Sainte, Paris, 1958, p. 7, et 38, pi. XLIII, 1 et 2).

40 Sulpice Sévère, Epist., 1, 6, p. 318.

41 Paulin de Périgueux, De vita s. Martini, VI, v. 351-415.

42 Grégoire de T., VM, I, 2, p. 138-139, dans la rétroversion en prose que l'historien donne du livre VI de Paulin de P.

43 La chaire episcopale de Jacques était déjà vénérée à Jérusalem du temps d'Eusèbe de Cesaree {Histoire ecclésiastique, VII, 19) qui ne dit pas où elle se trouvait. Un ouvrage anonyme, le Liber de locis sanctis, datant probablement du Ve siècle, mais connu par une compilation plus tardive, signale la présence de ce trône dans l'église de Sion (Itineraria et alia geographica, p. 108).

La colonne de la flagellation se trouvait dans la maison de Caïphe en 333, lorsque le «pèlerin de Bordeaux» visita Jérusalem (ibid., p. 22). Elle fut transportée dans l'église de Sion avant 386 (Jérôme, Epist., 108,9; cf. Journal de voyage d'Étherie, 37, dans Itineraria, p. 233; Theodosius, De situ terrae sanctae, Ί, ibid., p. 141). À la fin du IVe s. et au Ve s., elle soutenait le portique de cette basilique (Jérôme, loc. cit.; Prudence, Dittochaeon, 41), tandis qu'au siècle suivant on la retrouve à l'intérieur du sanctuaire.

44 L'auteur de l'inscription n° 14 reprend les paroles de Paul (2 Tint., 4,7-8) pour les appliquer à Martin.

45 L'inscription n° 17, dans laquelle il n'est pas question de Martin, n'appartient pas au cycle des versus basilicae.

46 L'hypothèse a été formulée par E.-Ch. Babut (Saint Martin de Tours, p. 300 sq.).

47 Opera poetica, MGH,AA, IV, 1. Les quelques réserves qui peuvent être émises sur les leçons retenues par l'éditeur seront signalées à propos de l'analyse des textes.

48 Grégoire, parfois nommé dans le titre des carmina (carm., I, 5 et X, 6) est, dans toutes ces œuvres, l'objet des louanges du poète.

49 Dans Journal des Savants, 1890, p. 174. L'histoire de ce débat dans lequel C. Jul- lian et G. B. de Rossi prirent parti en faveur de Le Blant est résumée par H. Leclercq, dans DACL, V, 2 (art. Fortunat) col. 1982 sq.

. 50 W. Meyer, Der Gelegenheitsdichter Venantius Fortunatus, Berlin, 1901.

51 Supra, p. 365.

52 Supra, p. 500.

53 W. Meyer, op. cit., p. 54.

54 HF, X, 31,19, p. 534-535.

55 W. Meyer, op. cit., p. 55.

56 En y déposant des reliques de Cosme et Damien (HF, X, 31,19, p. 535).

57 Comme l'a proposé le premier H. Delehaye, Une inscription de Fortunat sur saint Martin (I, 5), dans Mélanges C. de Borman, Liège, 1919, reproduit dans Mélanges d'hagiographie grecque et latine (Subsidia hagiographica, 42), p. 204-211.

59 W. Meyer, op. cit., p. 54.

60 Ibid. , p. 50-51.

61 Ici encore, il paraît nécessaire d'écarter au v. 9 la leçon retenue par F. Leo, Grego- rius, pour lui préférer Georgius, un nom qui figure dans plusieurs manuscrits : le poète célèbre en effet ici un martyr et l'on sait d'autre part que Georges était à cette époque honoré en Gaule où ses reliques circulaient (Grégoire de T., GM, 100) et que notamment à Mayence une basilique lui était consacrée (Fortunat, carfn., II, 12).

62 Sur ces diverses reliques, supra, p. 487 sq.

63 Le Blant pensait que le carmen, X, 5 était gravé à l'extérieur de l'oratoire et le carmen, X, 10 à l'intérieur. On ne peut en tout cas entrer dans les vues de W. Meyer qui voit dans ces poèmes deux versions différentes d'un même elogium (op. cit., p. 50) : les sujets traités ne sont évidemment pas les mêmes et les deux œuvres se complètent, sans se répéter.

64 Carm., X, 6, v. 89-92. Sur les peintures de l'ecclesia, T. Sauvel, art. supra cit.

65 HF, X, 31,19, p. 534.

66 On peut noter, dans le détail, une autre différence : les 8 strophes de la rédaction a comptent chacune 6 vers; les 7 de la rédaction b, 4 vers seulement, à l'exception des numéros 1 et 3 (10 vers chacun).

67 W. Meyer op. cit., p. 62-69. H. Delehaye (art. supra cit.) semble, sur ce carmen, partager l'opinion du critique allemand.

68 Pas plus que dans le cas des deux poèmes consacrés à l'oratoire d'Artanne (supra, n. 63), les éloges successivement adressés par Fortunat à Grégoire pour la reconstruction de l'ecclesia (v. 1-24; puis ν. 79-92) ne constituent véritablement un doublet, comme l'affirme W. Meyer. Ils développent certes le même thème, mais de façon complémentaire : dans la première partie de l'elogium, le poète rappelle longuement les miracles dont Martin fut l'objet dans l'église (v. 1-10; miracles évoqués seulement ensuite d'un discret rappel, v. 80-81) et décrit la majesté de l'édifice vu de l'extérieur (v. 11-24); dans la deuxième partie, il insiste au contraire surtout sur la beauté du décor intérieur (v. 89-92).

69 W. Meyer op. cit., p. 68.

70 Une seule exception : l'épisode du manteau partagé avec un pauvre par Martin, encore soldat, à la porte d'Amiens; mais cette scène préfigure l'acte charitable de Tours. Quant aux épisodes de résurrections, ils évoquent d'une façon globale les pouvoirs surnaturels détenus par Martin.

71 Supra, p. 42 et p. 735 sq.

72 Grégoire définit l'ecclesia prima comme celle in qua beatus Martinus vel ceteri sacer dotes Domini ad pontificatus officium consecrati sunt (HF, X, 31,19, 534).

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Maisons à Pan de Bois place Plumereau

Le Vieux-Tours est un ensemble de quartiers historiques et pittoresques qui ont été réunis pour former le centre-ville de Tours. Ces quartiers sont Notre-Dame-la-Riche, Saint-Martin, Saint-Julien, Saint-Gatien et Saint-Pierre-des-Corps. Le quartier Saint-Gatien a été le premier à être constitué, étant l'ancienne cité romaine de Caesarodunum à la fin de l'Antiquité. Le quartier Saint-Martin est le deuxième à être né, avec l'émergence du culte de saint Martin qui a entraîné la création d'une nouvelle ville et d'un lieu de pèlerinage important. Le quartier Saint-Julien est le troisième bourg constitué entre la cité et la ville nouvelle, où de nombreux édifices religieux ont été construits. En 1356, les bourgs Gatien, Martin et Julien ont été rassemblés dans une enceinte commune, Notre-Dame et Saint-Pierre des faubourgs.

Le Vieux-Tours est aujourd'hui un site touristique majeur de la ville, après une restauration et une rénovation commencée dans les années 1960 pour éviter la démolition et la reconstruction en France après la Seconde Guerre mondiale. Les quartiers anciens entourés par l'enceinte du XVIIe siècle et l'ensemble de la vieille ville historique de Tours, faisant partie du paysage culturel remarquable du Val de Loire, ont été inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO en 2000. En 2016, le Vieux-Tours a été désigné comme un site patrimonial remarquable.

La Grande Rue est un axe médiéval et historique important qui traverse la vieille ville et les rues et les places qu'elle rencontre, offrant une activité sociale, historique et culturelle dense. Les espaces publics, tels que la place Plumereau et la place du Grand Marché, sont très fréquentés pour leurs nombreuses maisons médiévales, leurs terrasses de café et de restaurant ainsi que pour leurs musées et galeries d'art.

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Une des nombreuses belles maisons de Tours, à la Pucelle Armée.Maison édifiée à partir de la fin 1er quart XVIe siècle : décor sculpté des poteaux du rez-de-chaussée sur rue et piédroits d'une cheminée au 1er étage, cette maison aurait été construite à l'emplacement de la maison de Colas de Montbazon qui fabriqua l'armure de Jeanne d'Arc en 1429 ; un de ses successeurs adopta l'enseigne la Pucelle Armée

Le Vieux-Tours est également connu pour son patrimoine architectural remarquable, notamment ses maisons à pans de bois, ses hôtels particuliers et ses monuments religieux. Il est un lieu animé et touristique où les visiteurs peuvent flâner dans les rues piétonnes, admirer les façades colorées et profiter des nombreux cafés et restaurants. La place Plumereau est considérée comme l'une des plus belles places de France, avec ses maisons médiévales restaurées et ornées de fleurs, tandis que la place du Grand Marché et ses halles accueillent chaque jour un marché de produits frais et locaux.

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Quartier historique de la ville de Tours : l'essentiel à découvrir

Tours est une ville française située dans la vallée de la Loire, connue pour son riche patrimoine historique. Le quartier historique de Tours est l'un des endroits les plus visités de la ville, avec ses rues pavées, ses bâtiments anciens et ses nombreux sites touristiques. Dans cet article, nous allons explorer le quartier historique de la ville de Tours et vous donner toutes les informations nécessaires pour découvrir cette belle partie de la ville.

Histoire du quartier historique de Tours

Le quartier historique de Tours a été fondé pendant l'époque romaine, avec une forteresse construite pour protéger la ville des invasions barbares. Au fil des siècles, la ville a connu des périodes de prospérité et de déclin, mais le quartier historique est resté un centre culturel et artistique important. Il y a de nombreux exemples d'architecture médiévale et Renaissance à voir dans le quartier historique, ainsi que des exemples plus modernes d'architecture contemporaine.

Les sites touristiques du quartier historique

Le quartier historique de Tours est rempli de sites touristiques, chacun offrant une expérience unique. Voici quelques-uns des plus populaires :

  • La cathédrale Saint-Gatien de Tours est un chef-d'œuvre d'architecture gothique, construite entre le XIIIe et le XVIe siècle. Elle est célèbre pour ses magnifiques vitraux, dont certains datent du XIIIe siècle. La cathédrale est située sur la place de la cathédrale, au cœur du quartier historique.
  • Le Château de Tours est un bâtiment emblématique du quartier historique. Construit au XVe siècle, il a été utilisé comme résidence royale pendant plusieurs siècles. Aujourd'hui, il abrite le musée des beaux-arts de Tours, qui possède une collection d'art impressionnant.
  • La place Plumereau est une place piétonne charmante, entourée de maisons à colombages datant du XVe siècle. Elle est l'un des endroits les plus populaires pour prendre un verre ou manger un repas en plein air.
  • L'église Saint-Julien de Tours est une église romane datant du XIe siècle. Elle est située sur la rive sud de la Loire et est célèbre pour sa crypte médiévale.
  • Tour Charlemagne qui se visite

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Histoire des Quartiers du Vieux-Tours

Le quartier Saint-Gatien, également connu sous le nom de la Cité, est le premier noyau de Tours qui a pris naissance dans un périmètre de Caesarodunum. Au IVe siècle, il se développe dans un castrum et prend un nouvel essor. Au début du Moyen Âge, la Cité devient le siège du pouvoir politique et épiscopal de la ville. Les chanoines du cloître Saint-Gatien s'installent sur l'emplacement de l'amphithéâtre de Tours. Au XIIIe siècle, la cathédrale et le Château sont reconstruits à l'initiative du roi Louis IX .

Le quartier Saint-Martin ou Châteauneuf est le deuxième noyau constitué de Tours. Il tire son origine du culte de l'évêque de Tours, Saint Martin. À la fin du Ve siècle, une basilique est édifiée sur sa tombe. Au cours des VIe et VIIe siècles, des édifices religieux se construisent autour de la basilique et un bourg se constitue au début du VIIIe siècle. Les raids normands du IXe siècle obligent les chanoines à édifier une enceinte de Châteauneuf pour protéger le quartier. Cette enceinte sera à l'origine de la bipolarisation de la ville entre le Châteauneuf et la Cité. Au XIe siècle, une nouvelle basilique Saint-Martin est reconstruite.

Le quartier Saint-Julien est le troisième noyau de Tours. Il se situe entre le bourg de la Cité et celui de Châteauneuf. Ses principales voies suivent le tracé de celles du centre de la ville Antique.

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Tour de Guise du château de Tours

La tour Charlemagne

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La tour Charlemagne est un monument historique situé rue des Halles dans le Vieux-Tours. C'est un vestige d'une ancienne basilique dédiée à saint Martin de Tours, qui a été classé en tant que tel le 13 septembre 1958. On pense que la tour tire son nom du tombeau de Luitgarde d'Alémanie, quatrième épouse de Charlemagne. Elle est décédée le 4 juin 800 lors du séjour de l'empereur à Tours, et la tradition rapporte qu'elle a été enterrée sous ou près de l'édifice. Cependant, l'emplacement exact du tombeau n'a jamais été formellement identifié, et les avis sont très partagés à ce sujet.

Autrefois, la tour surplombait le bras nord du transept de la collégiale médiévale dédiée à saint Martin, qui a été détruite entre 1798 et 1802. Aujourd'hui, la tour Charlemagne, la tour de l'horloge et la façade des chapelles latérales sud sont les seuls vestiges qui témoignent de ce qui fut autrefois l'un des plus grands édifices de la chrétienté.

La Basilique Saint-Martin abrite le tombeau de saint Martin, évêque de Tours, qui est célèbre pour avoir partagé son manteau avec un pauvre. Il est décédé à Tours le 11 novembre 397 et a été enterré dans la crypte de la basilique actuelle, où plusieurs édifices ont été construits au fil des siècles. La Basilique romane du XIe siècle, qui ressemblait à celle de Saint-Jacques-de-Compostelle, a été victime de plusieurs incendies au Moyen Âge, notamment en 1203, où elle a été détruite avec tout le quartier environnant. En 1562, elle a été ravagée par les Huguenots qui cherchaient le Trésor de Saint-Martin. Déjà en mauvais état, elle a été vendue comme bien national à la Révolution, transformée en écurie en 1793, dépouillée du plomb de ses toitures, puis démolie à la mine en 1798. Seules la Tour Charlemagne et la Tour de l'Horloge sont les vestiges qui subsistent de l'ancienne basilique.

tour Charlemagne

La Tour Charlemagne, érigée vers l'an 1000 par Hervé de Buzançais, chanoine et trésorier de l' Abbaye de Saint-Martin-de-Tours, se trouve à l'emplacement du tombeau de Luitgarde, l'épouse de Charlemagne, qui est décédée en 800 lors d'un séjour du roi des Francs en Touraine. Charlemagne avait décidé que sa femme serait inhumée dans la Basilique Saint-Martin. La Tour a été consacrée en 1014 et a été construite dans la partie nord du transept de la Basilique, en partie à l'intérieur et en partie à l'extérieur, pour former un porche au rez-de-chaussée. Elle a été remaniée à la suite des sinistres subis par le sanctuaire. Son deuxième étage a accueilli un beffroi où les chanoines ont placé, au XVe siècle, le bourdon Martinus.

Le château d'eau de la Ville Le premier château d'eau de la Ville a été achevé en 1802, suite à la destruction de la basilique qui permit l'ouverture de la rue des Halles. La Tour Charlemagne, alors propriété de la Ville de Tours, accueillit une fonderie de plomb et un atelier de menuiserie en 1813. En 1826, un incendie faillit la détruire. Deux puits artésiens furent successivement forés à sa base pour fournir de l'eau aux habitants : l'un en 1831, l'autre en 1836. En 1860, un important réservoir d'eau fut installé, compromettant la stabilité de l'édifice, déjà fragilisé par son isolement. Comme la Tour de l'Horloge, la Tour Charlemagne fut inscrite sur la première liste des Monuments historiques en 1840 par Prosper Mérimée.

La Tour s'effondre Le 26 mars 1928, une large lézarde apparut à l'angle sud-est de la Tour Charlemagne, provoquant la chute de pierres sur les rues environnantes. La circulation fut arrêtée et les maisons des alentours évacuées. À 20h03, la Tour s'effondra brusquement, sans faire de victime. Un étayage de fortune fut installé en attendant une décision de restauration.

La reconstruction En 1931, les pouvoirs publics décidèrent de démolir la Tour, mais l'association des Amis de la Tour Charlemagne fut fondée en vue de sa restauration. Après en être devenue propriétaire en 1933, l'association rassembla les fonds nécessaires aux travaux, qui furent coûteux et longs. Ils s'achevèrent le 11 novembre 1964 avec l'installation du haut-relief représentant la Charité de saint Martin, sculpté par Georges Muguet. En 1972, l'association fit don de la Tour à la Ville. Depuis, le monument présente une façade sud en mœllons reposant sur une structure intérieure en béton.

Projet de réhabilitation de la Tour Charlemagne

La Tour Charlemagne est un élément clé du panorama de la ville et peut être restaurée pour devenir un belvédère offrant une vue panoramique de la cité. Cette réhabilitation donnera une valeur esthétique, touristique et pédagogique au monument et apportera un embellissement au quartier des Halles (Martinopole). En plus de cette nouvelle offre touristique, la Tour peut être envisagée comme un bâtiment écologique, avec des murs végétalisés, des panneaux photovoltaïques et des matériaux naturels pour maîtriser l'énergie.

La Tour Charlemagne, haute de 48 mètres, est un édifice unique en plein cœur du quartier historique, offrant une vue panoramique à 360 degrés du paysage urbain, ce qui permettra aux visiteurs de découvrir la ville sous un angle particulier et de mieux la comprendre. En collaboration avec le Centre Culturel européen Saint Martin de Tours, la Tour devrait devenir un phare européen du Partage citoyen, un lieu de créativité, de réflexion, d'hospitalité et d'échanges. Elle sera le point de ralliement des quatre chemins européens sur les pas de saint Martin.

Le projet de réhabilitation de la Tour Charlemagne participe au renforcement de l'attractivité de la ville et ancrera en Europe un lieu de créativité autour du partage. Le concept du Partage citoyen est lancé officiellement à Tours en 2008 et est validé par des personnalités européennes sous l'égide du Conseil de l'Europe. Le Partage citoyen rassemble les hommes, au-delà des clivages, dans une même démarche de partage des ressources, des connaissances et des valeurs pour préserver l'Humanité. Face aux défis actuels, le partage est une nécessité pour la survie des populations et offre une nouvelle impulsion à la solidarité entre les individus, les peuples, les générations et l'ensemble du vivant. Le projet de réhabilitation de la Tour Charlemagne participe ainsi à une réflexion internationale au service de la solidarité pour toutes les générations.

La tour Charlemagne se visite :  https://www.tours.fr/services-infos-pratiques/759-visites-de-la-tour-charlemagne.htm

Place Plumereau

Successivement appelée « carroi aux Chapeaux » au XIIIe, « Place saint Piere le Puellier », « place aux Fruits » en 1816, « carroi Saint Pierre » et « carroi des Quenouilles ». On lui donne ce nom le 18 novembre 1988 en l’honneur de  Charles Plumereau , conseillé municipal de Tours à l’époque, qui légua à la ville 3000 francs.

place plumereau maisons

Le Quartier Notre-Dame-la-Riche : Histoire et Patrimoine

Le quartier Notre-Dame-la-Riche est l'un des quartiers les plus anciens de Tours, situé à l'ouest de la ville. C'est un lieu historique, riche en patrimoine, qui attire de nombreux touristes chaque année.

L'histoire du quartier remonte à l'époque romaine, où il était le prolongement du decumanus de Caesarodunum vers l’ouest. Au fil du temps, des faubourgs médiévaux se sont constitués près du cimetière des chrétiens du Bas-Empire. Aujourd'hui, cette zone est connue sous le nom de place Abbé Payon, anciennement place de la Riche. Cette place a reçu les corps de saint Gatien et saint Lidoire dans une basilique construite par ce dernier.

Au xe siècle, le prieuré Saint-Médard s'établit dans le quartier. Puis, sur l'emplacement de la basilique de Lidoire, une nouvelle église Notre-Dame La Pauvre a été construite, la future église Notre-Dame-la-Riche. Au xie siècle, le quartier était une zone peu urbanisée entre quatre établissements religieux : la basilique Saint-Martin à l'est, le prieuré Saint-Éloi au sud et les prieurés Sainte-Anne et Saint-Cosme à l'ouest. Pour se rendre aux prieurés Saint-Cosme et Sainte-Anne, il fallait emprunter le pont Sainte-Anne qui franchit le ruau Sainte-Anne, canal de dérivation de la Loire au Cher. Ce ruau Sainte-Anne constituait la limite ouest du quartier Notre-Dame-la-Riche.

En 1356, le quartier devient un faubourg de la ville à l'ouest, avec la porte Notre-Dame-de-la-Riche qui fait partie de la nouvelle enceinte dite la clouaison, la principale sortie de la ville par l’ouest. Les constructions de maisons le long du faubourg se densifient, et l'installation de nombreux ouvriers de la soie, dès le troisième quart du xve siècle, transforme le faubourg en zone industrielle dans laquelle travaillent les maîtres-tisseurs. Le quartier a conservé de cette période des maisons à pignon sur rue, construites aux xve et xvie siècles, très remaniées aux siècles suivants.

Dans la deuxième partie du xve siècle, Louis XI ordonne la construction d'un boulevard à l'ouest devant l'enceinte commune, près la porte Saint-Simple. Elle deviendra dans cet espace libre le marché aux bleds et la promenade de la Baguenauderie. Au xviie siècle, elle prendra le nom de place d'Aumont, voulu par les Tourangeaux en mémoire de César, marquis d’Aumont, gouverneur de Touraine. Lieu de la guillotine pendant la Révolution - le 26 juillet 1798, Guillaume Le Métayer dit Rochambeau y sera fusillé -, elle sera plus tard la place Gaston-Paillhou.

En 1520, François Ier constate l'expansion de la ville de Tours et ordonne la construction d'une nouvelle enceinte pour contenir la croissance urbaine. Toutefois, le nouveau rempart ne sera achevé que bien plus tard, sous le règne d' Henri IV , en 1690. Cette enceinte englobe le quartier de Notre-Dame-la-Riche, mais par manque de ressources, la partie la plus à l'ouest, le faubourg Sainte-Anne, se retrouve en dehors de la ville et est devenue la « Ville Perdue ». Ce quartier s'étendait de la porte de ville Sainte-Anne de la nouvelle enceinte jusqu'au « ruau » Sainte-Anne, actuellement la rue Lamartine. Au sud, le faubourg Saint-Éloi est également incorporé à la ville, qui correspond aujourd'hui à la rue Jules-Charpentier.

Le quartier de la Bourde a accueilli des congrégations religieuses dès le début de la Contre-Réforme. Le couvent des Récollets a été construit en 1621 sur un terrain offert par Diane de France, sous la protection d'Anne d'Autriche. Ce couvent se trouve toujours aujourd'hui au numéro 22 de la rue Rouget-de-l'Isle. En 1623, Marie de Bragelongne, épouse de Claude Bouthillier de Chavigny et mère de Léon Bouthillier, a reçu le droit de créer un couvent des Capucines rue de la Bourde par lettres patentes de Louis XIII. Seuls un grand bâtiment en brique et en pierre du début du xviie siècle, situé aux numéros 6-8 de la rue de la Bourde, et un très grand porche en pierre du xviiie siècle, situé au numéro 3 de la place Gaston-Paillhou, sont les seuls souvenirs de ce couvent. Les annonciades ou le couvent Notre-Dame de la Charité du Refuge se sont construits dès 1643 entre les rues Georges-Courteline, Jean-Macé et Rouget-de-l'Isle, formant l'un des plus vastes enclos religieux de la ville de Tours. Vendu en janvier 1798, une partie de l'ancien couvent est devenue une loge maçonnique, aujourd'hui située au numéro 72 de la rue Georges Courteline. Le couvent de la Charité Saint-Roch ou l'Hôpital général de la Charité a été construit de 1545 à 1650 à l'extérieur de l'enceinte de la ville, et est aujourd'hui l'hôpital Bretonneau.

Au milieu du xviiie siècle, l'enceinte du XVIIe siècle est déjà obsolète et est donc aménagée en promenade. Les deux parties de l'ancien faubourg Notre-Dame-la-Riche et Sainte-Anne sont réunies à la suite du percement du rempart en 1752.

La Révolution transforme la ville de Tours en commune, et le faubourg Sainte-Anne est intégré administrativement à la ville par décret impérial du 29 mai 1808.

Le Quartier Saint-Martin : son histoire et son rayonnement

Chateauneuf Martinopole

Le quartier Saint-Martin tire son origine du culte de l’évêque de Tours, saint Martin, mort en 397. À la fin du ve siècle, une basilique est édifiée sur sa tombe, ce qui attire de nombreux pèlerins et permet à l’abbaye de gagner en privilège et en indépendance. Du vie au xie siècle, de nombreux édifices religieux se construisent autour de la basilique, formant ainsi un bourg au début du viiie siècle.

Le mur de Châteauneuf, édifié au xe siècle pour protéger le quartier Saint-Martin des raids normands, déclenche la bipolarisation de la ville entre le quartier Saint-Martin et le quartier Saint-Gatien. En 1122, un différend entre les habitants du quartier Saint-Martin, qui cherchent à constituer une Commune libre, et les chanoines de l' Abbaye Saint-Martin se termine par l'incendie de la basilique et du bourg. Les libertés communales ne sont reconstituées qu'au xiiie siècle avec la reconnaissance des droits des bourgeois et des habitants du bourg de Châteauneuf.

En 1356, le quartier est réuni dans une enceinte commune, dite la clouaison, qui sera unifiée en 1462 par la création de la municipalité de Tours. Dès 1430, la ville de Tours est choisie comme capitale du royaume, ce qui stimule et accentue la poussée de la reprise économique. Ainsi, le quartier Saint-Martin doit son rayonnement au culte de saint Martin et à son histoire mouvementée qui a contribué à son développement économique et à son identité singulière.

Les édifices religieux du quartier Saint-Martin

Au fil des siècles, de nombreux édifices religieux ont été érigés dans le quartier Saint-Martin, témoins de son importance dans la vie religieuse de la ville de Tours. Parmi eux, on peut citer Saint-Clément, Saint-Simple, Notre-Dame-de-l'Écrignole, Saint-Pierre-du-Chardonnet, Saint-Pierre-le-Puellier, Saint-Venant, Saint-Denis, Sainte-Croix, Petit-Saint-Martin, Saint-Jean, Notre-Dame-de-Pitié, Saint-André, Saint-Pierre-et-Saint-Paul.

La basilique Saint-Martin

La basilique Saint-Martin est le monument phare du quartier. Érigée au ve siècle sur la tombe de saint Martin, elle a subi de nombreuses transformations au fil des siècles, notamment au xiie siècle. Elle est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1998.

Les maisons-tours

Au début du xiie siècle, des maisons de bois sont signalées sur les remparts et dans les fossés ; des bourgeois de Saint-Martin commencent à se faire construire des maisons en pierre, dont certaines, à plusieurs étages, à la manière italienne : les maisons-tours. Parmi elles, on peut citer la Tour Foubert, aujourd'hui détruite.

Quartier Saint-Julien

Le quartier Saint-Julien est le troisième noyau de Tours. Il se situe entre le bourg de la Cité et celui de Châteauneuf. Ses principales voies suivent le tracé de celles du centre de la ville Antique. Du VIe siècle au XIIe siècle, le bourg voit l’implantation de l’abbaye Saint-Vincent à l’est, l’abbaye de Saint-Julien au centre, les églises Saint-Saturnin et Saint-Hilaire plus à l’ouest et le prieuré Saint-Michel-de-la-Guerche au sud.

En 1356, le bourg est réuni dans une enceinte commune dite la clouaison. À partir de 1358, la « foire-le-roi » qui se tenait à la Saint-Christophe est transférée en ville sur la place qui porte désormais son nom. Avec la poussée constructive qui suit la fin de la guerre de Cent Ans, des maisons à colombages sont construites le long des rues du Commerce, Marceau, Colbert et autres.

Un fait intéressant supplémentaire est que les principales voies du quartier reprennent le tracé des decumanus et cardo de la cité antique Caesarodunum  1 .

En 1520, François Ier a ordonné la construction d'une nouvelle enceinte pour résoudre le problème de l'expansion de la ville, mais cette enceinte n'a été réellement commencée qu'à l'ordre d' Henri IV et achevée en 1690. La Contre-Réforme a établi de nouvelles congrégations religieuses dans le quartier au sud, près du mail, le long de l'ancienne rue Chaude, aujourd'hui rue de la Préfecture. Le grand séminaire Saint-Charles, construit dès 1666, est devenu collège royal au XVIIIe siècle, lycée impérial au XIXe siècle puis lycée Descartes au XXe siècle. Au numéro 3 rue de la Préfecture, la façade d'architecture classique témoigne du XVIIIe siècle et du XIXe siècle, et Jean Carmet et Jacques Villeret ont été élèves de cette école.

Le grand couvent de l'ordre des Minimes, fondé par François de Paule dans le parc du château de Plessis-lèz-Tours, a posé la première pierre d'un nouveau couvent dans le centre de la ville en 1627, aujourd'hui entre les 3 bis rue de la Préfecture et le 12 rue des Minimes. Les mobiliers remarquables de l'église Saint-Grégoire des Minimes, tels que l'autel, le tabernacle, le baldaquin et les lambris, ont été réalisés au XVIIe siècle par Antoine Audric et Cot Taboué.

En 1859, Napoléon III a décidé la construction de l'hôtel du Grand Commandement militaire sur les anciens bâtiments du couvent pour le maréchal Baraguey d'Hilliers. L'ensemble de tous les bâtiments et du mobilier du XVIIe siècle au XIXe siècle est classé monument historique en 1920. L'Union Chrétienne, construite en 1676, a été coupée en deux parties par le percement de la rue Buffon au XIXe siècle. Les bâtiments d'habitations classiques du XVIIe siècle et XVIIIe siècle se trouvent à l'est, aux numéros 2, 4, 5 rue Buffon et 34 place de la Préfecture, et l'église à l'ouest d'architecture baroque au numéro 32 rue de la Préfecture.

Le couvent des Visitandines, fondé en 1633 et consacré en 1639, construit par Jacques Lemercier, sera le plus vaste enclos religieux intra-muros de la ville. Les bâtiments très importants du XVIIe siècle ont été transformés au début du XIXe siècle en préfecture. L'église a été démolie et le grand cloître est devenu une cour d'honneur. Les intérieurs du XVIIe siècle et XVIIIe siècle viennent en partie des châteaux de Richelieu et de Chanteloup ainsi que de l'hôtel de l'intendance détruit en 1940.

Quartier Saint-Gatien : L'histoire de la cité gallo-romaine de Caesarodunum

cathedrale saint gatien de tours

Cathédrale de Tours

Le Quartier Saint-Gatien, situé dans le secteur nord-est de la cité gallo-romaine de Caesarodunum, est le premier noyau constitué de la ville. Au fil des siècles, le quartier se transforme et se développe en même temps que la ville. De nos jours, il s'agit d'un quartier historique très apprécié des visiteurs pour son patrimoine architectural et religieux. Dans cet article, nous allons explorer l'histoire fascinante du Quartier Saint-Gatien, de la construction de la première église cathédrale Saint-Maurice au ive siècle à la rénovation de la cathédrale Saint-Gatien au xixe siècle.

La cité de Caesarodunum

Caesarodunum Chateau Comtal Ville de Tours

Enceinte Gallo-Romaine, en vert

La cité de Caesarodunum est une ancienne ville gallo-romaine située dans la région de la Touraine, en France. Fondée au ier siècle avant notre ère, elle est construite sur les rives de la Loire, à proximité de l'actuelle ville de Tours. Au fil des siècles, la ville se développe et devient un important centre religieux et politique.

Le quartier Saint-Gatien, premier noyau constitué

Le quartier Saint-Gatien, également connu sous le nom de bourg de la Cité, est le premier noyau constitué de la cité gallo-romaine de Caesarodunum. Cet emplacement correspond au secteur nord-est de la ville, près de l'amphithéâtre qui sera utilisé comme forteresse. Le bourg va prendre un nouvel élan et se développer à partir du ive siècle, à l’intérieur de son enceinte gallo-romaine.

La construction de l'église cathédrale Saint-Maurice

Au IVe siècle, l'église cathédrale Saint-Maurice a été construite par Lidoire, sur les restes d'un ancien temple romain. Dès le début du Ve siècle, un palais épiscopal s'installe le long de la cathédrale, à l'intérieur du rempart. L'église Saint-Gervais-et-Saint-Protais, datant du IVe siècle, sera incorporée comme chapelle Palatine. L'ensemble sera transformé au XIIe siècle et agrandi à l'est par la construction d'une très grande salle quadrangulaire. Cette salle sera pour l'histoire de la Touraine la salle du concile et des États généraux. Le palais sera en partie reconstruit au XVIIe siècle et au XVIIIe siècle, et deviendra à la Révolution le musée des Beaux-Arts.

La cathédrale a été reconstruite par Grégoire de Tours avec l'aménagement d'un hôtel-Dieu au VIe siècle. C'est l'origine de la clinique Saint-Gatien. La première demeure des comtes de Tours au IXe siècle est édifiée par Hugues l'Abbé dans l'angle nord-est de l'enceinte gallo-romaine. Le système se compose d'un donjon rectangulaire, d'une grosse tour ronde et d'une grande tour carrée qui devient l'ensemble fortifié dit tour Feu Hugon.

Le quartier Saint-Gatien a connu des périodes difficiles. Le 30 juin 903, les Normands ont incendié le bourg Saint-Martin et l'abbaye Saint-Julien. Ils ont donné l'assaut à la Cité où tous les habitants et les chanoines se sont réfugiés dans l'enceinte romaine. Le miracle dit de la subvention de Saint Martin met en fuite les Normands et sauve la ville. La construction de l'église Saint-Martin-de-la-Bazoche sur le lieu de l'événement en rappellera le souvenir.

Du VIe siècle au XIe siècle, des lieux de culte se forment, les églises Saint-Martin de la Bazoche, Saint-Libert à l'est, Saint-Nicolas-des-Quatre-Coins au centre et les églises Saint-Étienne et Saint-Pierre-du-Boille à l'ouest. Vers l'an mil, la Cité est le siège du pouvoir politique et épiscopal de la ville. Le bourg des Arcis se forme entre le XIe siècle et le XIIe siècle, à l'ouest de la cité, favorisé par la construction du pont d'Eudes dans les années 1030. Il se clôt par une enceinte et se réunit à la Cité.

Quartier Saint-Pierre-des-Corps

Le quartier Saint-Pierre-des-Corps, situé à Tours, possède une riche histoire qui remonte à l'époque romaine. À l'origine, le quartier était une nécropole à incinération, qui était le chemin d'entrée et de sortie de la ville romaine à l'est. Au IVe siècle, la ville romaine se rétracte dans son castrum et la nécropole n'est plus utilisée. Plus tard, au IXe ou au Xe siècle, l'église Saint-Pierre-des-Corps est fondée à proximité de l'ancienne nécropole.

L'église paroissiale, qui a été construite au Haut Moyen Âge, a été reconstruite au XIe siècle, et une place a été créée devant l'entrée de l'église à l'ouest. Au XIIe siècle, le quartier était peu urbanisé et se situait entre trois établissements religieux. Au siècle suivant, le faubourg se densifie avec la construction de maisons en pans de bois à pignon sur rue.

Au XIVe siècle, la construction de la clouaison a laissé la paroisse de Saint-Pierre-des-Corps extra muros, mais conserve son statut de faubourg. Situé à proximité des berges de la Loire, le quartier était habité par une population de bateliers, mais aussi de commerçants tenant boutique au rez-de-chaussée de leurs maisons. De cette période, le faubourg Saint-Pierre-des-Corps conserve plusieurs maisons présentant pignon sur rue. La plupart des façades ont été reconstituées en tuffeau, d'autres maisons de cette période sont à mur gouttereau sur rue.

La situation du faubourg près des berges de la Loire l'expose aux crues, notamment celle de l'année 1520, particulièrement violente. François Ier ordonne alors la construction d'une nouvelle enceinte qui englobe le quartier Saint-Pierre-des-Corps : l'ancien faubourg fait désormais partie intégrante de la ville. L'enceinte ne sera vraiment commencée que sur ordre d'Henri IV et terminée en 1690. 

La construction du canal reliant le Cher à la Loire a permis la renaissance de la batellerie tourangelle dans l'ancien faubourg. Cette voie navigable a été inaugurée en 1828 et représente l'extrémité ouest du canal du Berry, qui a été construit à partir de 1808 afin de rendre le Cher navigable. Malgré son rôle de déversoir, le canal n'a pas réussi à empêcher les inondations majeures causées par le double cru de la Loire et du Cher en 1856.

En 1902, la rue Mirabeau a été créée pour relier les quais aux boulevards aménagés à l'emplacement du mail de l'enceinte du XVIIe siècle, divisant ainsi le quartier en deux. Deux ans plus tard, la municipalité a changé le nom de la rue du Faubourg-Saint-Pierre-des-Corps pour la renommer rue Blanqui.

Aujourd'hui, le quartier de Saint-Pierre-des-Corps se compose de deux secteurs distincts, séparés par la rue Mirabeau. Le secteur est s'étend de la Loire au nord, du côté est de la rue Mirabeau jusqu'au boulevard Heurteloup, tandis que le secteur ouest se situe entre les rues Mirabeau et Loches jusqu'au boulevard Heurteloup.

L'histoire du Vieux-Tours au XXe siècle est marquée par des événements tragiques, mais aussi par une volonté de sauvegarde de son patrimoine.

luke skywalker princesse leia rue colbert Tours

Un faux air de Luke Skywalker et de la princesse Leïa, dans une maison toute rouge au 9 rue Colbert. Un bel exemple de raffinement tourangeaux

obi wan kenobi

Un pélerin, un faux air d'Obi Wan Kenobi !

Au début du siècle, les plans d'embellissement sont imposés aux villes par la loi. Le premier projet n'est pas réalisé, mais le second, en 1933, marque une nouvelle approche qui préfigure les futurs Secteurs sauvegardés. Malheureusement, la ville est incendiée par la Wehrmacht en juin 1940, puis soumise aux bombardements Alliés de 1942 à 1944. À la libération, la ville n'est qu'un amas de décombres.

En 1958, la ville engage une démolition en règle des quartiers anciens. Mais en 1960, une étude Sauvegarde du Vieux Tours est présentée au nouveau maire de la ville. Les premiers travaux de restauration commencent en 1961 par le quartier Saint-Martin, sous la direction de Pierre Boille et sous l'impulsion du maire de l'époque, Jean Royer. Ce quartier du Vieux-Tours servira de référence pour l'écriture de la loi Malraux en 1962. En 1973, le Vieux-Tours bénéficie d'un Plan de sauvegarde et de mise en valeur.

maison vieux tours

Aujourd'hui, la ville dans son rempart du XVIIe siècle représente bien cette cité au passé historique exceptionnel, dans cette Touraine que l'on nommait jadis le Jardin de France. Le Val de Loire, où se trouve Tours, a été inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO en 2000. Les quartiers du Vieux-Tours témoignent de cette histoire riche et sont des joyaux patrimoniaux à préserver pour les générations futures.

personnage moyen age fesse tete

L'entre-deux-guerres et l'évolution de l'urbanisme à Tours

En France, au début du XXe siècle, la loi Cornudet impose l'établissement d'un plan d'aménagement, d'embellissement et d'extension (PAEE) pour les villes de plus de 10 000 habitants. À Tours, un avant-projet est réalisé en 1929, mais les préoccupations sanitaires l'emportent sur la préservation du patrimoine architectural et urbain. Le plan d'embellissement, d'extension et d'aménagement de la ville, daté du 30 juillet 1931, prévoit des opérations de voirie pour assainir le tissu urbain. Cependant, les élargissements et les créations de voirie prévue dans le quartier Saint-Martin auraient entraîné la disparition d'une grande partie du bâti d'origine médiévale et Renaissance de la ville.

En 1933, pour des raisons financières, le premier projet ne sera pas mis en place. La prise de conscience de l'intérêt du patrimoine architectural et urbain de Tours apparaît dans le projet révisé et remis en 1933 par les architectes Donat-Alfred Agache et H. Saunier. Ils proposent de délimiter une zone centrale considérée comme le centre archéologique, correspondant approximativement à la ville enserrée dans son enceinte du XIVe siècle. Une commission est créée pour réaliser un inventaire architectural des monuments du Vieux-Tours qui ne sont pas encore protégés. Ce projet, jugé trop ambitieux, fait l'objet d'une révision quatre ans plus tard.

vieux tours representation statue maison pan moyen age

En 1940, la ville subit l'incendie de la Wehrmacht entre la Loire et les rues Néricault-Destouche et Émile-Zola, suivi des bombardements alliés de 1942 à 1944. Le 1er septembre 1944, la ville libérée n'est qu'un amas de décombres. En 1958, la ville s'engage dans une démolition en règle des quartiers anciens. Mais en octobre 1960, une étude Sauvegarde du Vieux Tours est présentée au nouveau maire de la ville. Les premiers travaux de restauration commencent en 1961 par le quartier Saint-Martin, sous la direction de Pierre Boille et sous l'impulsion du maire de l'époque, Jean Royer. Ce quartier du Vieux-Tours servira de référence pour l'écriture de la loi Malraux en 1962. En 1973, le Vieux-Tours bénéficie d'un Plan de sauvegarde et de mise en valeur. En 2000, le Val de Loire est inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO, dont fait partie la commune de Tours. Les quartiers du Vieux Tours représentent bien cette cité au passé historique exceptionnel, dans cette Touraine que l'on nommait jadis le Jardin de France.

La Seconde Guerre mondiale : la défense de la ville de Tours et sa reconstruction

La défense de la ville de Tours lors de la Seconde Guerre mondiale a entraîné des destructions importantes dans plusieurs quartiers, notamment dans le quartier Saint-Julien et une partie de Saint-Martin. Le gouvernement français s'y était replié, ce qui en faisait un symbole fort pour la résistance. Les bombardements ont commencé le 19 juin 1940 et ont duré jusqu'au 21 juin, détruisant de nombreux bâtiments historiques et religieux.

En janvier 1941, Camille Lefèvre a été nommé architecte en chef de la reconstruction de Tours. Il a présenté un premier projet en juillet, qui a établi une zone archéologique pour préserver les vestiges du passé. Les règles de construction pour les nouvelles constructions ont été définies, mais les bombardements alliés en 1942-1944 ont détruit à nouveau de nombreux bâtiments, y compris dans la zone archéologique.

En 1945, Jean Dorian a été nommé architecte en chef de la reconstruction de Tours et a travaillé sur la continuation des propositions de Lefèvre. Une zone archéologique a été établie avec l'usage exclusif de matériaux traditionnels locaux, tandis que la nouvelle place de la Résistance a été créée dans le quartier de la Reconstruction. Les îlots sont cernés d'un front bâti avec une architecture moderne.

La reconstruction de Tours a duré plusieurs années et a impliqué la participation de nombreux architectes. Malgré les destructions, la ville a été reconstruite avec des règles strictes pour préserver son patrimoine historique et architectural.

tramway tours

 Entre le passé et le moderne, avec son tramway.

sources : source principale la page sur le vieux tours de Wikipedia, panneau information dans la ville, Gallica.bnf.fr

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la vieille ville de tours

Du 14 Avr. au 15 Sep.

Horaire 10 h 00 à 11 h 30

Lieu Assemblée Centre Ouest ; CENTRE

Patrimoine, Animation, Balade, Sortie, Visite, Visite guidée

Visite du Vieux Tours

Sous la conduite d'un guide conférencier, découvrez un des quartiers emblématique de Tours.

Carte patrimoine : 10.00€ - Nominative et valable 1 an, elle offre le tarif réduit à l'ensemble des visites guidées de l'Office de Tourisme. Elle est exclusivement délivrée à l'Office de Tourisme Tours Val de Loire. Venir avec une photo d'identité.

Tarif plein : 10.00€

Tarif réduit : 7.00€ - Titulaire de la carte patrimoine et enfants de 12 à 18 ans

Gratuit : Moins de 12 ans

Réservation :

02 47 70 37 37

LE VIEUX TOURS À l’ouest de la rue Nationale, le quartier du Vieux Tours s’étend autour de la place Plumereau. Il se caractérise par un habitat dense et ancien. On y découvre un ensemble homogène de maisons à pans de bois qui côtoie des hôtels particuliers exceptionnels. Ces demeures témoignent de la prospérité de ce secteur de la ville développé autour d’une immense église collégiale dédiée à saint Martin. Abritant autrefois le corps du saint, elle était le centre de l’un des plus anciens pèlerinages de la chrétienté. Rendez-vous : le Logis, hôtel des Ducs de Touraine, 15 place Châteauneuf Durée : 1h30 Tarif plein : 10 € Tarif réduit : 7 € Gratuit : moins de 12 ans Réservation obligatoire au préalable auprès de l’Office de Tourisme ou en ligne. Pas de vente sur place. Renseignement et réservation : Office de Tourisme et des Congrès Tours Loire Valley – Tél. : 02 47 70 37 37

Assemblée Centre Est, CENTRE, Vie publique

Service de l'animation du Patrimoine

Adresse: 1 à 3 rue des Minimes 37926 Tours

02 47 21 61 88

la vieille ville de tours

Assemblée Centre Ouest, CENTRE, Culture

Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine (CIAP)

Adresse: 15 Place de Châteauneuf 37000 Tours

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Sous la conduite d’un guide-conférencier, l’Office de Tourisme Tours Loire Valley et la ville de Tours vous proposent une visite : Les Maisons Closes . Fermées en 1946, les maisons closes intriguent et suscitent toujours la curiosité. Ce circuit est l’occasion de découvrir l’histoire des maisons closes de Tours, en particulier l’Étoile Bleue, dernier édifice conservé et présentant un décor exceptionnel. Cette visite est labelisée Ville d’Art et d’Histoire.    

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Sous la conduite d’un guide-conférencier, l’Office de Tourisme Tours Loire Valley et la ville de Tours vous proposent une visite sur la Reconstruction. Durant la Seconde Guerre mondiale, la ville de Tours connaît d’importantes destructions qui encouragent dès 1940 la préparation d’un plan de reconstruction par l’architecte tourangeau Camille Lefèvre. La reprise des combats ne permet pas la mise en application de ce projet qui est modifié par Jean Dorian, en 1944, suite à de nouvelles destructions. C’est finalement Pierre Patout, désigné architecte en chef de reconstruction en 1946, qui conduit les interventions sur la place Anatole-France, le haut de la rue Nationale et ses abords. L’entrée nord est ainsi redessinée.

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Sous la conduite d’un guide-conférencier, l’Office de Tourisme Tours Loire Valley et la ville de Tours vous proposent une visite thématique nocturne. Le plan lumière a pour ambition de mettre en valeur la ville en illuminant les monuments et les espaces naturels. Il souligne l’architecture et les espaces urbains d’accompagnement. À l’occasion des fêtes de fin d’année, il s’enrichit d’illumination qui créent une ambiance festive et poétique propice à une promenade originale : une opportunité de découvrir la ville autrement.

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Une visite guidée des dimensions paysagères et monumentales de l’Abbaye de Marmoutier et une découverte des vestiges archéologiques.  Entouré par une falaise, dans un méandre de la Loire, le site de Marmoutier se distingue par sa tranquillité et son caractère pittoresque. C’est sur ce lieu occupé depuis l’Antiquité que saint Martin fonde au IVe siècle, un petit ermitage qui se développe rapidement et devient une prestigieuse abbaye au rayonnement considérable. Restauré et entretenu jusqu’à la Révolution, l’établissement est en partie démoli au XIXe s. Depuis 1981, la Ville de Tours est propriétaire du coteau et des terrains attenants où se concentre l’essentiel des bâtiments anciens conservés. Tous les étés le site accueille une fouille archéologique programmée que l’on découvre à l’occasion de cette visite. Cette visite est labelisée Ville d’Art et d’Histoire.  

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Guide de voyage: vieille ville de tours 2024.

Place Plumereau qui includes scènes de café, sortie au restaurant et scènes de rue

Découvrez cette destination : Vieille ville de Tours

Endroits populaires à visiter.

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Pour en savoir plus sur l'histoire qui a marqué Tours, n'hésitez pas à vous arrêter à Place Plumereau. Pourquoi ne pas profiter de votre séjour pour vous adonner aux visites guidées ?

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À l'extérieur, admirez la magnifique façade avant de pénétrer dans la cathédrale pour admirer les vitraux bien préservés et le tombeau des enfants de souverains français.

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Une étonnante histoire vous attend ici... Cette église qui fut la proie des vandales et des flammes dut être démolie pour être ensuite reconstruite en l'honneur d'un saint, dont le tombeau repose sous l'église.

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Admirez des tableaux datant des 600 dernières années dans les salles anciennes d'un des plus beaux bâtiments du Val de Loire.

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Informez-vous sur les événements prévus à Centre international de congrès Vinci durant votre séjour à Tours. Pourquoi ne pas profiter de votre séjour pour vous adonner aux visites guidées ?

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Vous pourrez observer tout à loisir les objets exposés à Musée du Compagnonnage, un musée qui possède une histoire unique, lors de votre voyage à Tours. Pourquoi ne pas profiter de votre séjour pour vous adonner aux visites guidées ?

Excursion d'une journée aux châteaux de Chenonceau, Chambord et aux caves Ambacia depuis Tours/Amboise

Chenonceau castle billet d’entrée, tour de la vallée de la loire et dégustation de vins vouvray, chinon, bourgueil, vieille ville de tours : les hôtels populaires.

Hotel Mondial

Avis laissé le 20 mars 2024

Hampton by Hilton Tours Centre

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Hôtel du Cygne (Tours)

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Best Western Central Hotel

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L'Adresse Boutique Hotel

Avis laissé le 17 déc. 2023

Vieille ville de Tours : vérifiez la disponibilité des hôtels

Autres quartiers à vieille ville de tours.

Musée des Beaux-arts qui includes statue ou sculpture

Si vous passez la plus grande partie de votre temps à Cathédrale, il existe des lieux à ne manquer sous aucun prétexte : Musée des Beaux-Arts et Cathédrale Saint-Gatien de Tours.

Place Plumereau mettant en vedette petite ville ou village

Centre-ville de Tours

Centre-ville de Tours est remarquable pour ses sites historiques, et vous pourrez découvrir ses attractions phares telles que les emblématiques Place Plumereau et Basilique Saint-Martin de Tours.

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La Fuye-Velpeau

Même s'il n'y a pas d'attractions phares à La Fuye-Velpeau, vous pouvez partir à sa découverte pour admirer des endroits comme Musée des Beaux-Arts et Cathédrale Saint-Gatien de Tours.

Organiser ses vacances - Vieille ville de Tours

Les carnets de vacances d'aurélia - épisode 5 : le val de loire.

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Tours, capitale de la Touraine

A moins de 25 km du Château de Gué Chapelle, la capitale de la Touraine, Tours est également une ville d’Art et d’Histoire qui fut la capitale du royaume de France aux XVe et XVIe siècles.

PRESENTATION DE TOURS

De son passé prestigieux, la ville a conservé de nombreuses traces comme en témoignent ses édifices, monuments et hôtels particuliers. La place Plumereau, située au coeur de la vieille ville, est un haut lieu de l’animation. Bordée de jolies maisons à pans de bois, cette place piétonnière est fort agréable pour se prélasser à la terrasse d’un café ou d’un restaurant. À voir également autour de la place, les belles façades des demeures anciennes dont certaines ont conservé leurs pittoresques sculptures en bois. La visite de la capitale de la Touraine se poursuit avec la cathédrale Saint-Gatien et sa façade flamboyante richement décorée. Ce monument religieux de style gothique présente la particularité de posséder de splendides verrières anciennes datant des XIIIe, XIVe et XVe siècles.

Côté musées, les amateurs de découverte ne seront pas en reste : •    Musée archéologique de Touraine, situé dans l’hôtel Gouin, un élégant édifice d’architecture Renaissance ; •    Musée des Beaux-Arts qui réunit, dans le bâtiment de l’ancien palais des Archevêques, des collections d’oeuvres d’art allant du Moyen Age jusqu’au XXe siècle ; •    Musée des Vins de Touraine, dans le décor des celliers de l’abbaye Saint-Julien.

Découvrez la ville de Tours à coté du Cjâteau de Gué Chapelle

Ville de Tours à moins de 25 km du Château de Gué Chapelle

INFORMATIONS PRATIQUES

Itinéraire depuis le Château de Gué Chapelle : Google Maps Site Internet de la ville de Tours Office du tourisme de Tours : 78-82 Rue Bernard Palissy, 37000 Tours Téléphone de l’office du tourisme : + 33 2 47 70 37 37

  • 2/4 rue de Gué Chapelle 37380 Nouzilly

Activités autour de Gué Chapelle

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Le Chien Fou est une brasserie atypique , située dans une rue typique de la vieille ville de Tours .  Venez déguster notre cuisine traditionnelle maison en réservant votre table !

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Le Chien Fou - Restaurant Tours - restaurant TOURS

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Tous nos produits sont frais et locaux , nous privilégions le circuit court et l' antigaspi . En effet, les miettes de pain sont recueillies pour alimenter la micro-brasserie locale qui permet la production de la bière maison , que vous pouvez bien évidemment retrouver dans notre carte des boissons .

Le Chien Fou - Restaurant Tours - Restaurant brasserie Tours

restauration de père en fils

Restaurant terrasse tours, brasserie familiale, cuisine traditionnelle tours.

La cuisine du Chef est inspirée de la tradition française mais également du tour du monde culinaire qu'il a effectué …  à vélo !  Une cuisine traditionnelle de père en fils, des assiettes généreuses , une ambiance conviviale et chaleureuse , on s'y sent comme à la maison .

Afin de vous garantir une fraîcheur des produits, notre carte est limitée et change tous les mois.

Le Chien Fou - Restaurant Tours - Cave a vin Tours

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Nom de la société : LE CHIEN FOU Numéro de Siret : 901006270 Nom du responsable : Jean Poirier

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EDITEUR DE LA PUBLICATION : LE CHIEN FOU DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : LE CHIEN FOU RESPONSABLE DE LA REDACTION : LE CHIEN FOU HEBERGEUR : Online SAS BP 438 75366 PARIS Cedex 08 WEBMASTER : RestoPro

Vue anoramique du centre-ville de Munich au coucher du soleil avec le Müllerschen Volksbad au premier plan et les tours de l'Alter Peter, de l'église du Saint-Esprit et de l'église Frauenkirche en arrière-plan.

L’amour du quartier : Vielle ville

La ville au centre.

Rares sont les autres métropoles qui sont autant concentrées que Munich sur leur centre, mais contrairement à bien d’autres centres-villes, la vieille-ville de Munich est effectivement très vivante.

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Existe-t-il quelque chose de plus beau ? Non, certainement pas. Pourquoi autant de locaux le feraient-ils, alors qu’ils savent très bien ce qui est agréable et douillet. Ils vivent quand même dans une ville très agréable, dont certains disent même que c'est la ville la plus géniale du monde entier. Ils ne peuvent pas se tromper. Qu’y-a-t’il de plus sympa que de s’asseoir, un samedi après-midi ensoleillé, aux étals couverts de tôles brillantes d’un stand du marché  Viktualienmarkt  ? Rien. Tout autour de vous grouille la vie du marché. Les gens achètent des légumes, des fruits, du fromage, des champignons, des épices, des fleurs, des produits séchés, des produits marinés, des produits fermentés. On tient un demi du Biergarten d’en face, que l’on sirote tranquillement tout en observant les gens tout autour.

À manger, il y a des pommes de terres à la sauce verte de Caspar Plautz, un petit sandwich au bœuf émincé de chez Kleinen Ochs’nbrater, un falafel de Sababa, ou un cheesecake de chez Lea Zapf. Le soleil printanier   réchauffe la peau et la tôle tout en douceur, ses rayons se diffusent à travers les branches et les feuilles des châtaigniers du Biergarten. C’est magnifique. Et alors que l’on porte à nouveau à sa bouche la boisson dorée, une amie que l’on n'a pas vue depuis longtemps passe soudain devant vous. On se fait la bise, on se réjouit. Peu après, vous apercevez un ami commun à la recherche d’une spécialité culinaire précise que l’on ne trouve qu’ici. Salut ! On se fait la bise. Le groupe s’agrandit. L’ambiance se détend. Les discussions sont animées.

Et alors que l’on porte à nouveau à sa bouche la boisson dorée, une amie que l’on n'a pas vue depuis longtemps passe soudain devant vous. Le groupe s’agrandit. L’ambiance se détend. Les discussions sont animées.

Le samedi, de telles retrouvailles ne sont pas le fruit du hasard, mais parfaitement normales. En effet, les Munichois aiment bien apparaître le week-end, voire même en semaine, en plein cœur de leur ville natale. Ils disent alors : « Je vais en ville ». Ce qui est paradoxal, car ils vivent déjà « en ville ». Mais la  vieille-ville , où se trouve le marché Viktualienmarkt, est un peu la ville de la ville. Comme la City de Londres. Au détail près que le week-end, c’est un vide aseptisé qui règne dans le vieux centre de Londres, comme après l’apocalypse. Tous les banquiers sont chez eux. Les véritables New-Yorkais se retrouvent-ils par hasard à Times Square, ou les Parisiens au Louvre ? Ces lieux ont été laissés à ceux qui les visitent.

À Munich, c'est différent. Le centre-ville exerce une attraction magique sur les riverains, même s’ils aiment bien râler contre le commerce, les prix salés ou la foule compacte. Et malgré tout, ils font sagement la queue chez  Dallmayr  pour acheter des crustacés de luxe, les poissons les plus raffinés ou des chocolats. C’est ici que tout le monde aime bien acheter ses produits raffinés. Lorsque les hommes ont besoin d’un nouveau costume ou qu’ils sont invités à un évènement, ils se font conseiller chez Hirmer . Là, on sait reconnaître en un coup d'œil ce dont le client a besoin. Ou au  Kustermann : on y trouve tout pour la cuisine... bien sûr, on pourrait aussi bien l’acheter sur Internet et se le faire expédier, mais sur Internet, peut-on aussi bien flâner à travers les produits comme on le fait chez les commerçants traditionnels ? Bien sûr que non. C’est pourquoi on accepte volontiers de se déplacer jusqu’au centre-ville. Faire ses achats là-bas, c'est tout simplement un plaisir.

Les tours de la Frauenkirche de Munich photographiées avec le drone en contre-jour

C’est un comportement qui, au cours des siècles, s'est inscrit dans l’ADN de la culture de la ville. En effet, dès le Moyen-Âge, les Munichoises et les Munichois faisaient leurs achats dans le centre-ville. Mais à l’époque, le marché alimentaire Viktualienmarkt se trouvait encore sur la Marienplatz actuelle, qui s’appelait à l’époque Schrannenplatz. On y négociait les céréales. Mais on y proposait aussi du vin, du poisson de la viande et toutes les autres choses nécessaires au quotidien. Mais Schrannenplatz n’était pas exactement de tout confort. Plutôt sauvage, bruyante, à l’étroit, puante. Les femmes du marché criaient à tue-tête et étaient brutes, les déchets d’abattage s’écoulaient dans les canalisations ouvertes. Du savoir-vivre ? Certainement pas ! Et comme Munich continua de croître au cours des siècles suivants, la Schrannenplatz finit par se trouver pleine.

Le centre-ville exerce une attraction magique sur les riverains, même s’ils aiment bien râler contre le commerce, les prix salés ou la foule compacte.

Au début du 19 ème siècle, le roi Max I. Joseph  ordonna alors le déménagement dans la cour de l’hôpital Heilig-Geist. Un choix piquant : en effet, c’était une étape de plus par laquelle l’État s’appropriait les biens de l’Église dans le cadre de la sécularisation. L’hôpital, où des ecclésiastiques s’occupaient d’enfants trouvés, de femmes célibataires et de personnes souffrant de troubles psychiques, fut peu à peu démoli jusqu’à ce qu’il ne reste plus que l’Église Heilig-Geis, aux pieds de laquelle le marché Viktualienmarkt commença à se développer à partir de 1890 dans ses dimensions actuelles. Dès avant cela, en 1854, la Schrannenplatz était devenue la  Marienplatz , et la construction de l’actuel  Rathaus  (Hôtel de ville) avait commencé en 1867 : dans un style néogothique, déjà considéré à l’époque comme démodé, et malgré tout imposé par la municipalité et par l’architecte Georg von Hauberrisser.

Après trois phases de construction qui s’étendirent sur presque quarante ans et qui entraînèrent l’explosion des coûts, en 1905, le colosse avait atteint ses dimensions actuelles, avec son joli carillon dont les habitants aiment se moquer, mais aussi du style de l’Hôtel de ville, mais en aimant bien sûr les deux par-dessus tout.

Entre la Marienplatz, le  Dom  et autour de l’Isartor se trouvent des lieux auxquels même les plus anciens habitants tiennent particulièrement. Ils recherchent parfums, pommades et savons chez  Ludwig Beck , pour une ivresse rapide ils se font servir de l’Augustiner directement à la pression au comptoir de Bratwurst Glöckl , et lorsqu’ils ont envie d’abats de porc ou de bœuf, ils prennent place à la brasserie  Weißen Bräuhaus . Sans oublier : la meilleure pizza cuite au four est servie sur une table à la nappe blanc et rouge au Grano, sur la Jakobsplatzch, et on peut acheter d'exquises étoffes chez  Radspieler . La liste des lieux qui ne devraient jamais disparaître est longue. Ils constituent pour ainsi dire l’âme de cette ville. Et tant qu’ils sont là, les Munichois iront de la ville au centre-ville.

Texte: Nansen & Piccard; photos: Redline Enterprises, Jörg Lutz, Sigi Müller, Frank Stolle, Luis Gervasi, Sven Kolb, Alois Dallmayr K.G.

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Le Hofbräuhaus est probablement le pub le plus célèbre du monde. Nous avons rassemblé sept choses que vous ne saviez probablement pas encore. Ou bien vous l'avez fait ?

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Le Glockenspiel fascine les touristes et les Munichois depuis plus de 100 ans. Ce que beaucoup ne savent pas : jour après jour, un vrai travail manuel est nécessaire pour faire fonctionner la machine.

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Acheter des costumes traditionnels

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Les tours de la Frauenkirche à Munich photographiées depuis les airs.

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la vieille ville de tours

La vieille ville de Genève : Les 10 lieux incontournables à visiter

La vieille ville de Genève regorge de curiosités qui sauront vous étonner. Vous découvrirez dans cet article, la Genève historique et son patrimoine, loin de l’image de luxe que possède la ville.

Quels sont les lieux à voir dans la vieille ville de Genève ?

1. la tour de l’île :.

Située à l’ entrée de la vieille ville , sur l’Île qui se trouve au milieu du Rhône, la Tour de l’Île trouve ses origines au XIIIe siècle . En effet, cette tour faisait autrefois partie du château de l’Île , qui avait été construit peu avant 1219 , sur l’ordre d’ Aymon de Grandson , évêque de Genève de 1215 à 1260 .

Ce château avait pour but d’ empêcher les invasions savoyardes  dans la ville de Genève, en contrôlant l’accès à la ville depuis le Rhône . Le château se composait d’un quadrilatère de murailles au milieu duquel se trouvait le logis. La tour était accolée a la muraille et servait à surveiller le pont permettant de traverser le fleuve .

La Tour de l'Île accolée à un immeuble

Confirmant les craintes qui avaient motivé sa construction de l’édifice , le château fut ensuite attaqué par le comte de Savoie en 1287 , qui en prit la possession après avoir fait le siège du bâtiment pendant quatorze semaines .

Le démantèlement du château débuta en 1530 , car ses pierres furent réemployées pour l’agrandissement des remparts de Genève . Cet agrandissement avait pour but d’incorporer à la cité fortifiée, le bourg de Saint-Gervais .

Ensuite, en 1538, la grande tour est réaménagée en beffroi urbain et une horloge y est installée. Puis en 1677 , il est décidé de démolir totalement le château qui avait subit plusieurs incendies. Cependant la tour échappa à la démolition grâce à sa fonction de beffroi .

la vieille ville de tours

________________________

Vers 1860 , cette tour était doté de 3 horloges  qui servaient aux voyageurs qui prenaient le chemin de fer , car à cette époque les heures de Genève , Berne et Paris étaient différentes de plusieurs minutes .

Ensuite, à la fin XIXe siècle , la tour fut menacée de destruction avec le réaménagement urbain du quartier . Cependant, le sauvetage et la restauration de la tour furent obtenus grâce à un vote populaire organisé le 19 décembre 1897 . Néanmoins, la manière dont fut effectuée la rénovation fut ensuite sujet à des controverses . En effet, voici ce qu’indiqua par la suite, Louis Blondel , le premier directeur du service archéologique cantonal de Genève  : «Au lendemain de la votation référendaire du 19 décembre 1897 qui décidait sa conservation , elle fut réparée et surtout transformée . On lui accola un immeuble de style déplorable et même on dut la relever d’un étage pour qu’elle ne parût pas écrasée par les constructions voisines .» ( Voir revue: La tour et le château de l’Île,  Genava XV, 1937 ).

2. L’Hôtel de ville de Genève :

Situé au cœur de la vieille ville , l’ Hôtel de Ville de Genève fut construit au XVe siècle . C’est ici que siège le gouvernement du canton de Genève . Ce bâtiment abrite également la fameuse salle de l’Alabama , où le 22 aout 1864 s’est tenue la première Convention de Genève , qui est à l’ origine de la Croix-Rouge internationale .

la vieille ville de tours

Cet Hôtel de Ville a la particularité d’être doté d’une rampe monumentale sur plan carré , qui est unique en son genre. Elle fut construite entre 1555 et 1578 par Pierre Desfosses . Puis, le chantier fut ensuite poursuivi par Nicolas Bogueret , qui acheva la rampe vers 1584 . Cette rampe possède une pente douce , sans paliers aux angles , ce qui permettait d’accéder aux étages supérieurs de l’Hôtel de Ville à cheval !

la vieille ville de tours

Le bâtiment carré qui compose la rampe , est percé d’ouvertures en demi-arc brisé et l’intérieur du bâtiment est composé de voûtes sur croisées d’ogives .

la vieille ville de tours

On accède à cette rampe , par un imposant portail à fronton et à colonnes cannelées , qui est daté de 1556 .

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3. L’Ancien Arsenal :

L’ Ancien Arsenal de Genève  se trouve face à l’ Hôtel de Ville . Ce bâtiment abrite aujourd’hui les Archives d’Etat . À l’ époque romaine , cet endroit était le lieu d’un marché en plein air , qui fut ensuite couvert en 1588 , avec l’ajout d’ arcades sur lesquelles un grenier à blé a été construit . Ensuite, ce lieu a été est transformé en dépôt militaire de 1720 à 1877 .

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Sous les arcades de l’Ancien Arsenal se trouvent cinq canons d’époque , identiques à ceux qui défendaient autrefois les remparts de la ville . Sur les murs de la partie basse de l’arsernal, vous pourrez aussi remarquer trois fresques , signées Alexandre Cingria , qui représentent des périodes-clés de l’histoire de la cité de Genève : l’ arrivée de Jules César en 58 av. J.-C ., les foires du Moyen-Âge et l’ accueil des réfugiés huguenots après la Révocation de l’Édit de Nantes .

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4. La Maison Tavel :

La Maison Tavel est la plus ancienne demeure privée genevoise . Elle fut au cours de son histoire, détruite par un incendie en 1334 , qui n’épargna que ses caves , mais fut rebâtie peu de temps après (durant le XIVe siècle ), pour en faire une maison forte , qui avait la fonction de palais urbain . La maison était alors flanquée de deux tourelles d’angle, cependant l’ une des deux tourelles fut détruite en 1680 .

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La Maison Tavel abrite depuis 1986 , le Musée d’histoire urbaine et de la vie quotidienne de Genève . Dans lequel vous pourrez voir des gravures, cartes, maquettes, peintures, mobilier et objets divers témoignant du passé de Genève . Des salles du musée ont été reconstituées en appartements du XVIIIe et du XIXe siècle .

Le lieu abrite également le Relief Magnin , qui est le relief historique le plus grand de Suisse. Il permet d’avoir une vue d’ensemble de ce a quoi ressemblait la cité de Genève , avant la destruction de ses fortifications en 1850 .

5. La cathédrale Saint-Pierre de Genève :

La construction de l’actuelle cathédrale Saint-Pierre  débuta en 1160 , sous le commandement du premier prince-évêque de Genève : Arducius de Faucigny . De style romano-gothique , la construction de la cathédrale s’achèvera à la fin du XIIIe siècle , à l’ exception des tours .

Cependant, entre 1289 et 1300 , le lieu est transformé en une citadelle défensive car la cathédrale est placé au cœur des conflits qui opposent les seigneurs locaux . L’ office religieux cesse d’y être célébré et le bâtiment est endommagé par les pierres catapultées depuis le Bourg-de-Four . L’édifice sera également endommagé par les nombreux incendies qui ont lieu au XIVe siècle .

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Ensuite, le chœur , la croisée du transept et la travée seront reconstruits en 1444 et le vaisseau central en 1449 .

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Au XVIe siècle , avec l’arrivée de la Réforme protestante , le devenir de la cathédrale est bouleversé . Le 8 août 1535 , Guillaume Farel y prêche la Réforme pour la première fois . Le même jour , durant les vêpres , des iconoclastes dévastent la cathédrale en brisant les statues et en détruisant tout le mobilier , ainsi que les ornements liturgiques et en lacérant et en badigeonnant les images qui n’étaient pas en conformité avec le nouveau culte réformé . Suite de cet événement, le Conseil décida le 10 août 1535 , de suspendre la messe provisoirement . Cette précaution ne sera en réalité pas relevée, et la messe catholique, sera ainsi abolie . La Réforme sera officielle à Genève le 21 mai 1536 . Par la suite, Jean Calvin , prêchera dans la cathédrale durant 23 ans .

Au XVIIIe siècle , la partie occidentale de l’édifice menaçait de s’effondrer, la décision est prise de réaliser une nouvelle façade dans la style néoclassique , à la place de la façade romane. Elle fut réalisée entre 1752 et 1756 , par l’architecte Benedetto Alfieri .

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Ensuite en 1895 , la tour Nord fut reconstruite et une flèche moderne fut mise en place .

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6. La chapelle des Maccabées :

La chapelle des Macchabées se trouve à l’intérieur de la cathédrale Saint-Pierre , à droite de l’entrée principale . Cette chapelle qui fut réalisée vers 1400-1405 à l’initiative du cardinal Jean de Brogny , est l’expression du gothique flamboyant . L es voûtes de l’abside comportent notamment un   concert d’anges , datant du XVe siècle.

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De 1878 à 1888 , l’architecte Louis Viollier , dirige des travaux en sous-sols de la cathédrale et la restauration de la chapelle des Macchabées . C’est durant cette période que le concert d’anges fut restauré, d’après le décor original du XVe siècle , par l’ artiste-peintre genevois Gustave de Beaumont . Tandis que, le peintre en bâtiment , Arnold Köhler s’est chargé des autres peintures de la chapelle .

Ce lieu était autrefois nommé « chapelle de la Vierge », avant de s’appeler chapelle des Macchabées , en raison de la présence possible de reliques des frères Macchabées , qui sont des frères juifs ayant vécu au IIe siècle av. J.-C. et qui se sont révoltés contre la dynastie grecque des Séleucides .

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Pour l’ anecdote , il est intéressant de noter la présence d’une chapelle faisant allusion aux Macchabées dans cette cathédrale reformée . En effet, l’ histoire des frères Macchabées est issue des Livres des Macchabées . Livres qui faisaient autrefois partie de toutes les bibles latines et orthodoxes . Mais ces livres ont ensuite étés supprimés des bibles protestantes, au XIXe siècle , par la British Bible Society . Alors que précédemment, au XVIe siècle , Martin Luther avait considéré ces livres comme n’étant pas d’inspiration divine . Mais, les avaient tout de même fait conservé en annexe dans la bible, car il les considéraient comme bons à lire pour leur historicité . De nos jours, les Livres des Macchabées restent absents de la plupart des bibles protestantes, mais ont étés conservés dans les confessions catholiques et orthodoxes .

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7. La place du Bourg-de-Four :

Sur le lieu occupé aujourd’hui par la place du Bourg-du-Four, se trouvait autrefois un forum romain , qui était situé hors les murs de la cité . C’est aussi au Bourg-de-Four que s’élevait le château de Gondebaud , roi des Brugondes, mort en 516 . Ensuite au Moyen Âge , le lieu fut un emplacement de marchés et de foires .

Il est possible de voir que les derniers étages des maisons qui sont présente sur cette place ont une architecture qui varie légèrement du reste des bâtiments . Cela provient du fait que ces maisons ont été surélevées à partir du XVIe siècle , afin d’ accueillir les réfugiés protestants qui affluaient de toute l’Europe .

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8. Les passages de la vieille ville de Genève :

Ruelles ou escaliers escarpés , la vieille ville de Genève dispose de plusieurs passages,qui sont hérités du Moyen-Âge et de la Renaissance . Dont notamment, le passage des Degrés-de-Poules qui est un escalier en partie couvert ; construit en 1554 . Cet escalier est situé au centre de la cité de Calvin , il relie la Cathédrale Saint-Pierre à la place du Bourg-de-Four .

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Le nom des Degrés-de-poules vient probablement de l’ aspect du passage , notamment la raideur des marches , qui sont comparable à celles que l’on peut trouver dans les poulaillers .

9. La tour de l’horloge du Molard :

L’actuelle place du Molard , était autrefois un port ouvert sur le lac . La tour du Molard fut construite durant la guerre de 1589 contre la Savoie et faisait partie de l ’enceinte qui entourait la ville et qui protégeait le port du Molard . Les historiens ont deux points de vue concernant la fonction de cette tour, certains disent qu’elle servait à défendre le port et d’autres disent que la tour fut dès le départ construite afin d’accueillir une horloge, sans vocation militaire , malgré le fait qu’elle fut construite à l’emplacement des remparts.

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Reconstruite sous sa forme actuelle en 1591 , elle fut ornée de frises peintes et d’armoiries des principaux acteurs de la Réforme, ainsi que d’une plaque sculptée à la gloire de « Genève, cité de refuge ».

10. Le carillon du passage Malbuisson :

Située dans la galerie Jean-Malbuisson , qui se trouve entre la rue du Marché et la rue du Rhône , l’ horloge Malbuisson et son carillon offrent aux passants un superbe spectacle visuel et sonore.

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Ce carillon musical équipé d’automates fut réalisé en 1962 par l’ horloger Edouard Wirth . Pendant 2 minutes, toutes les heures, le carillon s’anime au rythme des 16 cloches , avec 42 personnages de bronze et 13 chars qui défilent et reconstituent l’histoire de l’Escalade , qui est un moment clé de l’histoire de Genève .

Où loger pour visiter la vieille ville de Genève ?

L’ Hôtel Les armures : Si vous êtes féru d’Histoire et de patrimoine, avec un budget élevé, cet hôtel est probablement idéal pour vous. En effet il se trouve au cœur de la vieille ville dans un bâtiment historique datant du XVIIe siècle. Les chambres et les suites sont décorées dans une ambiance historique, mêlant le bois, la pierre et des équipements contemporains. L’hôtel Les Armures dispose également d’un restaurant avec des salles historiques contenant des armures de chevaliers. Vous y découvrirez des spécialités authentiques de la cuisine suisse, comme la fondue, la raclette ou le rösti.

Le Ruby Claire Hotel Geneva : Situé à moins de 3 minutes à pied de la vieille ville, cet hôtel cosy et moderne sera vous satisfaire pour un budget raisonnable pour une ville comme Genève.

L’ Hôtel de Genève : Cet hôtel situé à moins de 5 minutes à pieds de la vieille ville propose une excellente prestation, avec des chambres avec du mobilier en bois dans le style alpin, pour un bon rapport qualité prix.

Si vous avez un budget plus restreint et que vous souhaitez passer la nuit pour moins de 100chf/100€ , le bon plan est de prendre un hôtel du côté de Annemasse , qui se situe en France à la frontière avec Genève et ensuite de prendre le tram à Annemasse, pour rejoindre le centre-ville de Genève en 25 minutes.

Conclusion :

La vieille ville de Genève possède de nombreuses merveilles cachées  à découvrir. En effet, chaque lieu vous dévoilera un pan de l’histoire de la ville !

Si vous passez plusieurs jours à Genève , n’hésitez pas également à voir notre article sur les lieux à visiter autour de Genève .

Genève est accessible en train depuis toutes les grandes villes de Suisse et de la Région-Auvergne-Rhône-Alpes en France, et en TGV Lyria depuis Paris .

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Free tour dans la vieille ville de Londres

  • 9,50 / 10 13 avis | 443 voyageurs Le guide était charmant et très compétent. 10 Faine Esposito

Plongez dans l' histoire fascinante de Londres lors de ce free tour à pied à la découverte des rues et monuments les plus anciens de la ville .

Free tour dans la vieille ville de Londres

Rendez-vous à la cathédrale Saint-Paul , à côté des deux cabines téléphoniques rouges situées en face de l'entrée principale. Votre guide vous entraînera dans un incroyable voyage vers le " Londres originel ", au bord de la Tamise. La vieille ville a été le théâtre de certains des événements les plus importants de l'histoire britannique, de la peste au grand incendie de Londres au Blitz en passant par la Seconde Guerre mondiale.

La visite commencera par une balade en direction de la cathédrale Saint-Paul . Vous voyagerez dans le temps alors que le guide expert donnera vie à l'étrange et à la merveilleuse ville de  presque deux mille ans d'histoire fascinante . Vous explorerez le dédale de ruelles étroites, de cours d'églises et d'allées fluviales qui constituent le centre historique de la ville, découvrant une nouvelle époque du passé à chaque coin de rue.

Après avoir admiré la cathédrale, vous vous dirigerez vers la Banque d'Angleterre , puis vers la  Mansion House , le Royal Exchange et le Sky Garden . Bien sûr, vous vous promènerez le long de la Tamise et découvrirez l'histoire du grand incendie de Londres au monument commémorant cet événement catastrophique. Vous passerez également par le Leadenhall Market , un marché très animé et très classe qui abrite une charmante collection de boutiques et de magasins.

Enfin, après avoir passé le Tower Bridge et la Tour de Londres , la visite s'achèvera après une balade de deux heures à deux heures et demie.

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